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Seigneur vampire
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Concours de récits 2021 - Textes Empty Concours de récits 2021 - Textes

Dim 10 Oct 2021 - 11:56
Bonsoir camarades de la non-vie comme de la vie.

L'actuel résident de la Crypte étant il faut croire en torpeur ces derniers temps - aurait-il consommé trop de sang elfique ? - je me permet à sa place d'ouvrir le sujet des Textes du millésime 2021. Celui-ci accueillera les textes des participants, et uniquement les textes. Tout les commentaires, spoils, questions et échanges divers seront à effectuer dans la salle du trône.


Rappel rapide du règlement de cette année :


  • Le dépôt des textes sera possible jusqu'au au 31 Octobre 2021 (plus éventuel retard des organisateurs)
  • Les inscriptions sont autorisées tout au long du concours. Même à la veille de la clôture.
  • Toute inscription romancée (même courte) donne un point bonus.
  • Chaque récit doit faire moins de 8000 caractères (espaces inclus) ou moins de deux page word (Times New Roman, police 11, intervalle 1.0).
  • Les récits doivent se dérouler dans l'univers de Warhammer (Age of Sigmar est également autorisé)
  • Toute personne ayant lu les textes peut voter, qu'elle participe ou non au concours.
  • Les votes se feront par podium de 3 (1er texte 3 points, 2e texte 2 points, 3e texte  point).


Le thème de cette année est "Dessine-moi un monstre".

Comprendre par là que votre récit doit inclure une créature inédite, qui n'est présente dans aucun livre d'armée. Keraad a développé ce cadre dans le screenshot ci-joint.

Spoiler:
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
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Concours de récits 2021 - Textes Empty Re: Concours de récits 2021 - Textes

Dim 10 Oct 2021 - 22:15

Le Mouton dans la boite
Si vous êtes sur téléphone, passez en version ordinateur, ou souffrez ^^

Un groupe de gueux patiente à l’entrée de la salle principale du château de la baronnie de Patou. Ils jettent des regards admiratifs aux nombreuses richesses du lieu, c’est-à-dire à ses deux tapisseries miteuses, à son tapis moucheté de tâches de vin, à la brigandine trop petite de l’unique garde présent, et à la tenue extravagante du maitre des lieux. Vêtu à la dernière mode de Couronne et assis dans un grinçant trône de bois, le Seigneur Patou congédie la paysanne agenouillée au centre de la pièce :

Seigneur Patou : lassé, au garde :
Bobby, tu donneras à cette veuve épleurée
Le payement de la solde de feu son bien-aimé.

La paysanne :
Merci vot’ Seigneurie ! Qu’la bonne Dame veille sur vous !

Le garde relève la paysanne et la pousse à coup de manche de lance hors de la pièce.

Ovissia : à voix basse:
C’est à nous, va Capril.blablablbalbalbalbal

Capril :
blablablbalbalbalbalBonjour Seigneur Patou.

Seigneur Patou : en se massant la nuque :
Qu’est-ce qui vous amène, fidèle et braves sujets ?

Capril :
Nous venons du hameau au bord de la forêt.

Ovissia :
Nous sommes des bergers.blablablbalbalbalbal

Seigneur Patou : soudain attentif :
blablablbalbalbalbalAvez-vous vu un loup ?

Ovissia :
Non, très heureusement.blablablbalbalbalbal

Capril :
blablablbalbalbalbalMais Sir, on vous avoue
Qu’une affaire lupine nous tracasserait moins.

Seigneur Patou :
Des orques ? Des bandits ? Une troupe de gobelin ?

Ovissia :
Pour vous grossir le trait, un monstre mange nos troupeaux…

Capril :
Sir que devons-nous faire ? blablablbalbalbalbal

Seigneur Patou : fronçant les sourcils
blablablbalbalbalbalTout dépend du morceau.

Ovissia :
L’affaire a commencé il y a quinze jours.
On a vu de la laine avec du sang autour.
Rien d’autre de bizarre, sauf un mouton âgé
Qui, sans doute très malade, ne cessait de trembler.
On a compté les bêtes, mais pas une ne manquait.

Seigneur Patou :
Jusque-là pas grand-chose d’inquiétant.blablablbal

Ovissia :
blablablbablablablalbalbalbalOui, c’est vrai.
Mais quelques jours plus tard, plus de trace de notre chien.
Puis c’est un jeune berger qui disparait soudain.

Capril :
Mais ça c’était tant mieux, c’était des bons-à-rien.

Seigneur Patou :
Sans doute. Mais et le monstre ?blablablbalbalbalbal

Capril :
blablablbalbalbalbalPatience, sir, on y vient.

Ovissia :
On a vraiment pris peur quand on a retrouvé
Notre mouton malade complètement crevé.

Capril :
Et surtout maintenant, c’était notre bélier
Qui tremblait de la patte, dans son coin, isolé.

Seigneur Patou : d’une voix paternelle :
Pas peine de me faire un dessin je comprends.
C’est une épidémie, pas un monstre mes enfants.

Ovissia :
C’est ce qu’on se disait mais à bien regarder
Les chaires du mouton mort étaient toutes dévorées
Depuis bien quelques jours. blablablbalbalbalbal

Capril :
blablablbalbalbalbalEt plus étrange encore :
Les pattes de la pauvre bête gisaient trop loin du corps.

Seigneur Patou : agacé :
Ce n’est pas une preuve qu’un monstre est sur mes terres !
Si vous n’avez rien d’autre, je me mets en colère !

Ovissia : se cachant de Patou derrière Capril :
Nous avons mieux qu’une preuve, nous l’avons attrapé !

Capril : se cachant de Patou derrière Ovissia :
Il est sur notre charrette, nous l’avons apporté !

Seigneur Patou : rasséréné :
Mais il fallait le dire ! Braves gueux… Amenez-le
Que je puisse enfin voir la bête de mes yeux.

Capril et Ovissia sortent de la pièce en se hâtant. Ils rentrent quelques instants plus tard en poussant devant eux une caisse en bois haute d’un mètre et demi, et deux fois plus longue.

Ovissia : essoufflée :
Le monstre est là messire.blablablbalbalbalbal

Capril : essoufflé :
blablablbalbalbalbalOn l’a mis dans la boite.

Seigneur Patou :
Comment avez-vous fait sans qu’il ne se débatte ?

Ovissia :
On a utilisé une brebis comme appât
Et le monstre a suivi comme un mouton.blablablb

Seigneur Patou :
blablablablablablablbalbalbalbalJe vois.
Ouvrez-moi cette boite, que je puisse voir la bête !

Le garde approche de la caisse et utilise sa lance comme un levier pour en retirer le haut. Le Seigneur se lève, prend son épée qui reposait derrière son siège, et s’avance à son tour.

Seigneur Patou : regardant dans la boite :
A quoi ressembles-tu, créature maléfique…
Mais… Mais… C’est un mouton !blablablbalbalbalbal

Capril : à part :
blablablbalbalbalbalSans vouloir être technique,
C’est plutôt un bélier.blablablbalbalbalbal

Seigneur Patou : pointant son épée sur les bergers :
blablablbalbalbalbalVous moquez-vous de moi ?

Ovissia :
Non sir ! regardez mieux : notre brebis-appât
N’est-elle pas dévorée ? blablablbalbalbalbal

Seigneur Patou :
blablablbalbalbalbalOui, certes, j’admets cela.

Ovissia :
L’œil de cet animal n’est-il pas très étrange ?

Seigneur Patou : regardant dans la caisse :
C’est vrai qu’en regardant, son aspect mort dérange…

Capril :
La tête de l’animal n’est-elle pas trop penchée ?

Seigneur Patou : baissant son épée :
Ma foi… quel angle étrange… Elle semble mal accrochée...

Ovissia :
Et regardez les pattes ! Combien en voyez-vous ?

Seigneur Patou : comptant :
…Quatre…Cinq…Comment ça cinq ? blablablbalbalbalbal

Capril :
blablablbalbalbalbalOui, c’est un peu beaucoup.

Ovissia :
C’est celle de la brebis que le monstre a tuée
Il l’a gardé pour lui et se l’est attachée.

Seigneur Patou : En reculant :
Ha ! Par la Dame ! Que vois-je ! au milieu de la laine !
Un œil malin m’observe d’un regard plein de haine !

Capril :
Si vous regardez mieux, vous y verrez aussi
Plusieurs petites gueules dont les crocs sont rougis
Et des dizaines de serres qui agrippent la toison
Et maintiennent à leur place les morceaux de moutons.

Seigneur Patou : levant son arme, prêt à frapper la créature :
Cette bête est un monstre travesti en ovin !

Il interrompt son geste. A part :
Qui a déjà tué trois bêtes, un homme, un chien…
Il fait un pas en arrière. A haute voix :
Seigneur Patou :
La menace n’est pas telle qu’un noble chevalier
Doive s’en occuper. Garde, allez-y. Tuez.

Le garde, jusque-là très professionnellement immobile dans un coin, approche. Il se penche par-dessus la boite et pointe son arme à l’intérieur, sous les regards attentifs des autres personnages. Soudain, la lance se fait happer et le garde bascule dans la caisse. Des cris de douleur résonnent dans tout le château, mêlés à d’horribles bruits de bouche. Puis, le bruit cesse. Un bêlement se fait entendre. Puis un ronflement.

Seigneur Patou : après quelques instants :
Il dort ?blablbmabmaablbalbalbalbal

Ovissia :
On dirait bien…

Capril :
blablablbalbalbalbalSans doute pour digérer…

Ovissia :
Que fait-on monseigneur ?blablablbalbalbalbal

Seigneur Patou :
blablablbalbalbalbalEt bien… pour commencer
Refermer cette boite me semble une bonne idée.

Capril : soulevant le couvercle sur la caisse :
On s'en occupe messire. blablablbalbalbalbal

Ovissia :
blablablbalbalbalbalEt voilà, c’est remis.

Seigneur Patou :
La caisse résistera-t-elle à la créature ?

Capril :
Ça a tenu l’aller, mais je ne suis pas sûr…

Seigneur Patou :
Que l’on me fasse venir un charpentier alors.
Et qu’il renforce la boite pendant que la bête dort.

Ovissia :
Mais où allez-vous mettre ce monstre confiné ?
Il faut bien que la caisse quelque part soit rangée.

Seigneur Patou :
Bonne remarque dame bergère. Mais n’ayez nul soucis
J’ai un coin à la cave où j’ai enseveli
Les caisses de bière qu’un jour un noble de l’empire
Qui passait par mes terres a cru bon de m’offrir.
On n’aura qu’à ranger la boite à cet endroit
Et personne de sensé jamais ne cherchera
A ouvrir cette caisse.blablablbalbalbalbal

Capril :
L’idée est bonne.

Seigneur Patou :
blablablbalbalbalbalJe sais.
Le charpentier je pense ne devrait pas tarder.
Maintenant, braves gueux, vous pouvez disposer.

Le seigneur Patou retourne sur son fauteuil et prend une pose noble et concentrée. Les deux bergers regardent la caisse, le noble, puis s’en vont en haussant les épaules. Rideau.

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
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Concours de récits 2021 - Textes Empty Re: Concours de récits 2021 - Textes

Ven 15 Oct 2021 - 18:57
En quête de réponses

   

    Peu rassuré, Heinrich hésita à entrer dans le campement des étrangers, se tenant debout dans l'ombre. Il pouvait les discerner, rassemblé autour d'un feu de camp et dînant, discutant entre eux. Tout le monde au village racontait de sordides histoires au sujet de ces gens, les qualifiant de charlatans et de voleurs, au mieux. La réputation des Striganys n'était plus à faire. Néanmoins, aussi effrayé soit-il d'aller à leur rencontre, il l'était davantage à l'idée de ne pas avoir de réponses. Prenant son courage à deux mains, le jeune homme avança d'un pas raide.

    À son approche, les voyageurs interrompirent leurs discussions, les regards convergeant vers le trouble-fête. Si certains détournèrent les yeux, faisant mine de ne pas l'avoir vu, les autres n'eurent aucun scrupule à le dévisager de la tête aux pieds. Heinrich réprima un frisson d'inconfort. Son estomac était de plomb et ses jambes flageolantes. Emmitouflé dans son manteau de fourrure, il s'efforça de trouver un visage amical parmi les étrangers aux habits bariolés. Mais tous avaient des mines plus rudes que leurs voisins. Seul le crépitement des braises troublait le silence tombé à son arrivée.

- Je... je requiers votre assistance, hasarda-t-il d'une voix tremblante. J'ai besoin de... d'une... d'une voyante...

    Il avait peine à croire ce qu'il réclamait. Malgré la fatigue, il sentait la honte lui monter au visage, colorant ses joues et contrastant avec ses cernes prononcées. Mais les Striganys l'ignorèrent. Plusieurs se détournèrent même, sirotant ou mâchant quelques aliments comme s'il n'était pas là.

- S'il vous plaît... insista-t-il d'une voix plaintive, les suppliant presque. J'ai besoin d'aide... et j'ai de l'argent...

    Après quelques secondes, un homme poussa un soupir exaspéré. Il se leva, lui jeta un regard dédaigneux, puis fit signe de le suivre. Sans dire un mot, il le guida à l'une des roulottes. Heinrich lui emboîta le pas, le suivant comme son ombre. L'individu frappa trois fois à la porte de la bicoque ambulante, puis attendit en silence. Il dévisagea à nouveau Heinrich et renifla, s'attardant sur ses yeux rougis. Puis du pouce, lui fit signe d'entrer, se postant à côté de l'entrée.

    Clignant des paupières, Heinrich découvrit à l'intérieur un environnement étonnement foisonnant. Une simple chandelle éclairait la pièce, faisant danser les ombres dans toutes les directions. Sa lumière révélait des étagères clouées à même les murs, débordant de grimoires et flacons. Les deux fenêtres latérales étaient dissimulées par d'épais rideaux, aussi colorés qu'une pile de vêtements entassés sur une malle. Sur un lit à l'arrière reposaient une écuelle et un dîner à peine entamé. Des plantes et boutures en pots encombraient le peu d'espace au plancher, rabougries en raison du manque de luminosité. L'endroit sentait fort l'encens, prenant le citadin à la gorge. Heinrich se retint d'éternuer.

    Face à lui se trouvait une petite vieille, assise à genoux sur un coussin. Ses lèvres étaient semblables à une ride de plus sur son visage tanné par le soleil. Son regard gris trahissait une cataracte déjà bien installée. Pourtant, il sentit celui-ci le mettre à nu, comme s'il ne pouvait lui dissimuler quoi que ce soit. Ce qui était probablement le cas. Sans rien avoir dit, elle désigna du menton un second coussin face à elle, où il s'installa.

- J'ai besoin d'aide, commença-t-il sans savoir quoi dire après s'être accroupi.
- Nous avons tous besoin d'aide, rétorqua-t-elle d'une voix râpeuse.

    Se détournant de lui, elle saisit à mouvements lents un coffret posé sur l'une des étagères. Puis en sortit un jeu de cartes au dos uniformément noir. Le coupa trois fois. Piocha une carte. Mit la suivante sur le dessous. Recommença jusqu'à avoir cinq cartes posées entre eux, faces cachées.

    Heinrich ouvrit la bouche pour se présenter, l'impatience prenant le dessus. Elle l'interrompit et leva sa paume en évidence. Il mit quelques secondes à saisir, puis défit maladroitement une bourse à sa ceinture : cette harpie n'avait que faire de son nom... Elle soupesa son paiement, puis le fit disparaître dans les replis de sa robe. Enfin, impassible, la diseuse de bonne aventure commença à retourner les cartes unes à unes.

- Pourquoi viens-tu à moi ? Interrogea-t-elle enfin en révélant le Sept d'épées : l'Homme au capuchon.

    Puis le trois d'étoiles : l'Enchanteur.

- Je... ne peux plus dormir, commença-t-il à expliquer d'une voix lasse et avant de fuir ce regard froid en observant la bougie. Dès que je ferme les yeux... je suis envahi de cauchemars. Et ce depuis... depuis le décès de ma mère, il y a deux semaines. Également, j'ai en permanence l'impression d'être suivi. Épié. Menacé.

    Neuf d'épées : le Bourreau. Elle fronça les sourcils, première émotion qu'elle laissait transpirer. Mais captivé par les jeux d'ombres engendrés par la flamme, plus faciles à étudier que soutenir les prunelles de la femme, il ne le remarqua pas.

- Quels cauchemars ? Interrogea la vieillarde d'un ton se faisant légèrement plus pressant.
- Je suis poursuivi... reprit-il après une hésitation. Dans des bois. Dans des tunnels. Ou même un désert. Sans jamais voir ou entendre par quoi. Juste... je vois des ombres. J'entends des grognements. Qui se rapprochent... qui me traquent... Qui me veulent du mal. Je le sais. Je le sens dans mes tripes.

    Instinctivement, il porta la main à son ventre, illustrant ses propos.

Le Cavalier d'outre-tombe.

- Le guérisseur du village parle de "terreurs nocturnes", poursuivit-il. Que cela passera et m'a prescrit des tisanes de camo...
- Depuis le décès de ta mère, interrompit-elle sèchement sans prendre de gants.
- Oui... soupira-t-il en baissant la tête. Elle souffrait d'insomnies depuis qu'elle avait découvert la dépouille du fils des voisins au bord du bois et...

    Lentement la vieille déglutit. Puis jeta un œil de côté, lorgnant un point dans le dos d'Heinrich qui se retourna. Mais il ne vit que la porte close de la roulotte. Et son ombre, déformée par la chandelle.

Le Seigneur noir.

- Que disent les cartes ? Demanda-t-il en se retournant, les désignant du doigt.

    Sans prévenir ni lui répondre, la voyante lui attrapa le poignet, tel un serpent mordant sa proie. Il en resta stupéfait : la vieille possédait une poigne surprenante pour son âge. Elle lui fit tourner la paume vers le ciel, puis se pencha en avant. D'un index crochu, elle suivit plusieurs lignes tracées dans les cals de sa main. Son masque impassible et théâtral se fissura, laissant place à une mimique effrayée. Elle releva ses yeux gris vers lui, la peur lisible dans son regard.

- Quoi ? Qu'avez-vous vu ? Dites-moi que...

    Avec un mouvement recul paniqué, elle appela le Strigany de l'autre côté de la porte.

    En un instant, celui-ci fut dans la roulotte. Il attrapa Heinrich par l'épaule. Sans ménagement et ignorant ses protestations, il le traîna à l'extérieur. La diseuse de bonne aventure resta seule quelques instants, accroupie et serrant ses bras frêles autour de ses épaules. Puis, après un moment, un autre Strigany la rejoignit, perplexe.

- Il est maudit, murmura-t-elle dans un souffle. Le "dévoreur de rêves" de l'ancien empire... Un parasite démoniaque... tapis dans son ombre... il se repaît de ses songes et les remplace par des cauchemars, jusqu'à causer sa mort...

    Elle avala difficilement sa salive avant de reprendre, le regard rivé vers le plancher.

- Une bête qui, après l'avoir emporté, sautera au premier hôte dont l'ombre touchera son cadavre...
- ...comment l'en débarrasser alors ? osa demander l'autre nomade en comprenant la menace que représentait une telle malédiction.
- On ne peut pas. Il est condamné. Tout ce que l'on peut faire, c'est rompre la chaîne.

    Elle déglutit.

- Trouvez ou fabriquez un cercueil. Volez en un, si nécessaire. Et emmenez-le. Loin dans les bois, là où même les bêtes n'iraient pas le chercher. Ligotez-le et enterrez-le. Vivant. Qu'il respire et hurle encore, que vous évitiez la malédiction. Oubliez l'emplacement de sa dépouille. Que personne, jamais, ne le retrouve...

Spoiler:
Essen

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Sam 23 Oct 2021 - 22:24
Il était un chaman de la petite WAAAGH !




Il était un chaman de la petite WAAAGH !
Qui faisait son chemin près de Heldenschlaag.
Derrière lui, mâchonnant quelque jambon suspect,
Avançait une bête forçant le respect.

Ses gros membres poilus imprimaient dans la boue
Là le sabot d’un buffle, là la patte d’un loup
Vu de dos, une queue, comme celle d’un âne,
Proprement nettoyée par les soins du chaman.

Ce dernier était vert, comme ses congénères,
Petits pieds, petits bras, mais un gros caractère !
Ses haillons remplissaient un but vestimentaire
Pour que les villageois ne vissent pas son derrière.

-

L’arrivée au village ne fit point de vagues,
(Il en faudrait bien plus pour ceux d’Heldenschlaag…)
C’était jour de marché, et de fêtes, et de rites,
Paysans endimanchés, plus ou moins sigmarites.

« Petiz’oms et grozom’s ! Zom’s petits et zom’s gros !
Zietez-y, zieutez-là ce nouvo numéro ! »
Et la grosse bébête, pataugeant dans la boue,
Faisait une courbette, puis se mettait debout.

Ses patounes griffues et sa gueule allongée
Excitaient par la proximité du danger
Maîtrisé, car le gob’ connaissait son affaire :
On peut bouffer des zom’s, mais après le salaire !

-

Le chaman et son monstre enchainèrent les tours,
« Attention les zenfan’ ! Zieutez bien ma bravour’ ! »
Disait leur le gobo en rentrant presque entier
Dans la gueule béante de son familier.

Ce dernier, bien dressé, feignant la gourmandise,
Amusait, refusait de lâcher son emprise
Puis le fit, applaudi par les paysans hilares :
Monstre ou pas, il faisait bien la bête de foire !

Pour le bouquet final, (et un peu pour la blague),
Le chaman pas banal de la petite WAAAGH !
Conjura dans les airs « un p’tit Feu d’Artifiss »
Puis réclama paiement pour ses vaillants services.

-

Les paysans, bons vivants, lui lancèrent des pièces,
Que l’étrange chaman ramassa en vitesse :
Le gobo avait vu dans la foule en liesse
Des regards malhonnêtes, et lourds de promesses.

Quand le gob et sa bête quittèrent la foire,
La milice survint, « pour leur dire au-revoir »,
Et pour qu’ils « paient l’impôt », et « sans faire d’histoires »,
Et « sinon, la sal’bête, direction l’abattoir ! »

Pour toute arme, le chaman n’avait qu’une ‘tit' dague…
Elle était bien perfid’, la justice d’Heldenschlaag !
« Allez, paye, le nabot ! Vide tes poches ! Et pas de blagues !
Personne ne t’entendra, t’es en plein terrain vague ! »

-

Ils avaient oublié quelques menus détails
Dans leur emportement de cupides canailles,
Et allaient expédier le chaman dans la boue
Quand la bête poilue se mit soudain debout.

Gueule de kroxigor, cornes de bestigor…
Ils s’étaient accordés de n’y voir qu’un décor…
Quant aux muscles puissants sous l’épaisse fourrure…
Ils s’étaient crus plus forts, plus nombreux, durs de durs…

Dans leurs têtes, ils s’étaient dessiné un nounours…
Et croyaient les deniers du dompteur dans leurs bourses…
Nul ne les entendit, c’était un terrain vague…
Pauvre, pauvre milice de Heldenschlaag…  



*   *   *
Lanoar

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Concours de récits 2021 - Textes Empty Re: Concours de récits 2021 - Textes

Ven 29 Oct 2021 - 9:10
~ Extraits du journal d’expédition de Marius Von Beckenhoff, explorateur et professeur à l’Université d’Altdorf. ~

Mois de Nachexen.
Enfin nous voilà en vue des côtes exotiques de cette terre légendaire qu’on appelle Lustrie après la longue et terrible traversée du Grand Océan. Heureusement pour nous, les navigateurs elfes n’ont pas usurpé leur réputation.
Alors que nous arrivons dans la Mer des Serpents – telle qu’elle est nommée sur nos cartes, je réfléchis aux prochaines négociations qui nous attendent. J’espère que nous pourrons trouver un terrain d’entente avec les peuples autochtones grâce aux nombreux cadeaux que nous avons apportés. Sans collaboration, cette expédition scientifique est vouée à l’échec. Je dois m’entretenir longuement avec Hans afin de définir notre stratégie diplomatique.


* * *
Je n’en avais vu que des croquis dans de vieux ouvrages poussiéreux, mais ce peuple d’homme-lézards est tout simplement fascinant. En revanche, les négociations furent extrêmement longues, compliquées et hasardeuses. Si ce n’avait été que la langue… Mais ce sont des gens extrêmement méfiants. Ils ont d’ailleurs fait montre d’agressivité lorsqu’ils ont vu les elfes qui nous accompagnaient. Heureusement pour nous, après une semaine d’entrevues et d’attentes interminables, ils nous ont laissé accoster aux abords de leur village. Sous bonne surveillance tout de même. En ce moment même, nous nous attelons à monter un camp de base digne de ce nom.

* * *
Qualifier nos surveillants homme-lézards de taciturnes serait un euphémisme, mais au moins ils sont respectueux. Le personnel est enthousiaste jusqu’à présent, bien qu’un peu inquiet. Nous avons eu quelques cas d’empoisonnement, principalement à cause d’un manque de vigilance, mais heureusement nos hôtes nous ont rapidement indiqué des plantes médicinales et nous n’avons eu aucun décès à déplorer.
Hans et moi avons pu nous entretenir avec le responsable de nos surveillants, un certain Ezecoxl de ce que j’ai compris. Un grand gaillard même pour son espèce, avec une sorte de crête distinctive le long de son échine. Les paroles venaient surtout de nous, mais il avait l’air intéressé. Je suis même parvenu à lui apprendre quelques mots de notre langue car il est physiquement impossible pour nous de parler la leur.
Bientôt nous pourrons enfin explorer la jungle aux abords du camp. J’ai hâte.


* * *
Mois de Jahrdrung.
Cette terre est incroyable ! Jamais les livres ou les rapports ne ferons honneur à la majesté de cet endroit. Lors de cette courte première sortie j’étais accompagné de Hans, de quatre autres membres de l’équipage, ainsi que d’Ezecoxl qui a insisté pour venir. Bien entendu, de vaillants guerriers homme-lézards nous escortaient — surtout pour s’assurer que nous ne faisions rien de préjudiciable selon moi mais passons.
Malgré la courte durée de cette exploration, il nous est arrivé une mésaventure. N’ayant pas écouté les mises en gardes, je me suis un peu trop écarté du sentier et j’ai chuté dans un talus glissant, entrainant malencontreusement Hans avec moi. Le pauvre s’est brisé la jambe mais il est sauf. Dans ce malheur, j’ai découvert des traces tout à fait étranges : une myriade de petites empreintes rondes qui semblaient courir sur quelques pieds de longueur, puis plus rien. Jusqu’à présent nous avons aperçu des animaux étonnants mais, ma foi, simplement des variations d’espèces que nous avons chez nous. Ces traces là m’ont tout de suite intrigué. Et j’étais d’autant plus intrigué lorsque je les ai montrées à Ezecoxl, car il n’en avait jamais vu de semblables. J’ai pris un moulage de ces empreintes.
Cette terre est incroyable !


* * *
Mois de Pflugzeit.
Nous n’étions pas prêts à subir une telle pluie, c’est comme si le ciel nous tombait sur la tête depuis des jours. Ezecoxl et ses troupes nous ont aidé à imperméabiliser nos tentes mais nous avons tout de même perdu du matériel. Certaines personnes commencent à présenter des symptômes de maladie et la jambe de Hans met du temps à guérir. J’espère que notre situation s’améliorera avec la fin des intempéries.
J’ai pu poursuivre mes analyses et ma réflexion sur cette créature inconnue et elle reste pour moi un mystère. Je suis tout de même parvenu à quelques déductions. Tout d’abord, aussi invraisemblable que cela puisse paraître, nous avons à faire à un seul individu, qui a pu faire plusieurs passages à l’endroit des empreintes. Ensuite, nous étions entourés d’arbres au tronc épais là-bas, peut-être que cette créature est capable d’y grimper — bien que je ne sache pas encore comment. Il faut que je trouve d’autres traces, le mieux serait une piste à remonter.
Aujourd’hui la pluie s’est calmée, j’espère pouvoir reprendre les travaux d’ici peu.


* * *
J’écris ces lignes à la faible lueur du feu de camp pendant mon tour de garde. J’aurais dû savoir que c’était trop tôt après toute cette pluie qui est tombée. Un glissement de terrain a coupé notre route de retour vers le camp de base et nous avons dû nous arrêter pour la nuit. Heureusement Ezecoxl est avec nous mais Hans n’aurait pas dû venir.
Nous avons trouvé la piste de la créature et j’ai pu éclaircir mes théories, même s’il reste beaucoup de questions en suspend. C’est une créature arboricole, comme je le soupçonnais. Elle doit être également d’assez bonne taille car quelques arbres étaient abimés sur son passage — pliés ou légèrement déracinés. En revanche je ne parviens toujours pas à me la représenter. De si petites empreintes pour un corps si massif, cela dépasse mon entendement. Que fait-elle au sol, et sur de si petites distances de surcroit ? Pourquoi ne la voit-on jamais malgré toutes nos précautions ? Que mange-t-elle ? Car nous n’avons trouvé aucunes déjections sur son passage.
Je crois que ça suffit pour ce soir, il est temps que je réveille le suivant.


* * *
Encore à la lueur du feu de camp. La peine rend l’écriture de ces lignes insoutenable. La créature à emporté Hans. C’était si soudain que personne n’a pu la voir distinctement. J’ai entendu un grondement rauque, un bruit de branche qu’on secoue, et les cris de Hans qui se perdent dans les frondaisons. Puis plus rien. J’ai cru apercevoir une peau écailleuse et luisante, mais je n’en suis même pas sûr. Tout ça n’a plus d’importance. Je veux mettre fin à cette expédition. C’était de la folie depuis le début.
Nous cherchons le camp de base depuis plusieurs jours après le glissement de terrain et nous sommes finalement sur la bonne voie d’après Ezecoxl. Nous devrions y arriver au petit matin si Sigmar ou Shallya le veut. Je ne sais plus qui prier dans cette jungle étouffante.
Ezecoxl m’a dit que cette créature lui rappelle une vieille légende de son village. Des histoires que les anciens tiennent de leurs anciens.
Oh Hans, pourquoi toi…


* * *
Je l’ai vu ! Que Sigmar me garde, je l’ai vu ! Le camp est dévasté, il y a du sang partout, je me cache parmi les ruines. Une créature serpentine, dont je ne voyais pas le bout, de multiples yeux, partout. Et des dents, oh ses dents… J’ai même cru voir une paire de bras terminés par des lames acérées. Et elle marchait sur des centaines de minuscules pattes… Je ne sais pas si j’ai halluciné à cause de la terreur ou si tout était vrai.
Les homme-lézards on quitté leur village. Seul Ezecoxl est resté avec moi jusqu’au bout mais le pauvre bougre n’a fait que ralentir cette monstruosité pour couvrir ma fuite. Je ne sais même pas pourquoi je remplis encore ce journal. Je dois sortir de ma cachette, rejoindre le bateau. Peut-être qu’une partie de l’équipage a pu s’échapper.
J’espère qu’il reste des chaloupes.
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Dim 31 Oct 2021 - 11:37
Dessine-moi


Sauve-moi Franz ! À l’aide !

Ces mots restaient dans ma tête, se répétant en boucle alors que je marchais lentement dans le noir. Je connaissais bien cet endroit, y ayant passé des journées entières à travailler avec Maximilian. Marcher sans lumière n’était pas un problème. Pourtant, cette fois j’avançais à pas lents, presque à contrecœur.

Un éclair illumina la porte durant une fraction de seconde, puis rendit leur place aux ténèbres. Un instant après le tonnerre claqua, sans toutefois couvrir mes battements de cœur. Celui-ci tambourinait à tout rompre dans ma poitrine, et c’était un miracle qu’il ne me fracassât pas les côtes.

Toute cette histoire était folle, ou alors c’était moi qui perdais la raison. Pourtant, c’était bien sa voix que j’avais entendue, qui m’avait réveillé au beau milieu de la nuit. « Sauve-moi Franz ! À l’aide ! » Il était suppliant. Désespéré.

J’avais accouru, malgré la nuit noire, malgré la tempête. J’avais accouru parce que j’avais eu un pressentiment. Maximilian avait l’air de devenir fou ces dernières semaines. Les gouttes d’eau de mes cheveux trempés tombaient sur mon visage, glaçant ma peau dans leur course. Maximilian, mon meilleur ami, se trouvait certainement derrière cette porte, mais le silence absolu de la grande maison m’angoissait.

Tout avait pourtant commencé de façon si innocente. Au détour d’un dîner qu’il avait lui-même payé grâce à l’argent de sa dernière vente de tableau, Maximilian m’en parla pour la première fois. « Tu sais Franz », m’avait-il dit en riant, « cette nuit j’ai rêvé d’une femme, très belle en plus. Elle m’a demandé de la peindre. J’espère que j’en trouverai une comme ça en vrai. » J’en avais souri, amusé. Ça me semblait tellement correspondre à son esprit d’artiste, si lyrique et si sensible.

J’avançais d’un pas, puis d’un autre. Mes bottes faisaient grincer le plancher centenaire de la maison de son père. Sauve-moi Franz ! À l’aide ! Sa voix résonnait dans mon crâne comme l’écho d’un carillon funèbre. Il y eut un autre éclair, qui inonda le couloir d’une lumière blanche. La porte de l’atelier semblait me regarder comme je la regardais.

L’atelier. C’était dans le mien que Maximilian était venu cette fois-là. Il n’avait pas l’air d’aller bien, ses yeux étaient agités et sa démarche mal assurée. Je le pressais de questions, et il finit par m’avouer sa peine : il avait refait ce rêve, encore et encore. « Elle veut que je la peigne, Franz » coassait-il. « Ça commence à m’obséder, j’y pense sans arrêt ». Je suppose qu’à cet instant j’ai souri d’un air paternaliste. « Mais peins-là mon vieux. Ça ne sert à rien de tergiverser. Ton cerveau essaye peut-être de te dire quelque-chose. »

Ce sourire fut vite oublié.

Le tonnerre gronda, comme si la nature voulait oublier ce qui se passait ici. Instinctivement, je tendis une main devant moi dans le noir, et fus à moitié surpris de heurter le bois de la porte. Je l’avais atteinte sans même m’en apercevoir. Mon cœur devait résonner dans tout Talabheim.

Sauve-moi Franz ! À l’aide !

La dernière fois que j’étais entré dans cette pièce, c’était il y a quelques jours à peine. J’avais entendu dire que Maximilian, que je n’avais pas vu depuis un mois, était terré chez lui « comme un nain dans son trou ». Mais quand j’étais venu le voir, c’est avec un certain dédain, voire de mépris, qu’il m’avait accueilli. Pourtant, il semblait être très mal en point, avec ses yeux cernés, son visage pâle et ses vêtements défraichis. Mais il n’en faisait aucun cas, tout absorbé qu’il était par sa peinture.

Et quelle peinture ! Quand je pus enfin entrer dans son atelier, vaste pièce illuminée par de grandes fenêtres, j’en eus le souffle coupé. De nombreuses toiles de toutes tailles y étaient éparpillées, certaines sur des meubles, d’autres reposant à même le sol, contre le mur. Et chacune d’entre elle représentait exactement la même personne.

Une femme d’une beauté extraordinaire.

Il y avait alors plusieurs tableaux, presque une vingtaine, j’ignore leur nombre exact. Certains faisaient plusieurs pieds de long, d’autres étaient plus petits, mais sur chacun d’entre eux cette femme aux longs cheveux blonds vous souriait d’un air angélique.

Comment décrire cette vision ? Dire qu’elle était belle aurait presque été une insulte. Maximilian avait réussi, au-delà de la grâce, à capter ce petit quelque-chose, un regard ici, une posture là, cet élément qui fait qu’une femme attire les regards comme un fanal dans la nuit noire. Mais lui-même…Lui-même n’était plus qu’une machine, un être totalement dévoué à sa production, qui semblait seule pouvoir le faire sourire. C’est presque sans un mot qu’il me mit à la porte. Je n’entendis alors plus parler de lui.

Jusqu’à cette nuit, où sa voix me réveilla dans mon lit aussi sûrement que s’il avait pleuré à mes pieds. Sauf qu’il n’était pas là.

Sauve-moi Franz ! À l’aide !

Je poussais la porte d’un coup sec.

La lumière frappa mes yeux, m’éblouissant tout en me faisant en même temps l’effet d’une douche glaciale. Quelqu’un était là ! Mais non, ce n’était rien d’autre qu’une bougie posée à même le parquet, dans un petit chandelier, au milieu de la pièce. Un tableau de deux mètres de haut se dressait juste derrière, celui sur lequel Maximilian travaillait la dernière fois que nous nous sommes vus, et qui représentait sa muse imaginaire, en grandeur nature. L’atelier était aussi silencieux qu’une tombe, et de fortes senteurs de peinture à l’huile m’agressèrent le nez, me faisant grimacer. Je devinais à peine, sur ma droite, la table sur laquelle mon ami posait ses peintures, ses outils, et ses pinceaux, et sur la gauche tous ses autres tableaux posés dans le désordre.

Maximilian n’était cependant nulle part. Je voulais l’appeler, hurler son nom, mais ma gorge était nouée, ma bouche hermétiquement close. Il me semblait avoir perdu la parole à jamais.

Un nouvel éclair. Celui-ci illumina toute la pièce de sa lumière blafarde, me faisant plisser les yeux. Et je vis alors que le tableau au centre avait quelque-chose…d’étrange. Puis le noir revint.

Je m’avançais, aussi silencieusement que possible. J’avais la certitude absolue qu’un danger, quel qu’il fut, était là, tout près, et que le moindre bruit de ma part le réveillerait. Le tonnerre résonna, mais je ne l’écoutais même plus. Alors que je me baissais pour ramasser la bougie, un autre objet attira mon attention. Sur le sol, juste aux pieds du grand tableau, se trouvait une pantoufle usée. Du pied droit.

J’empoignais le chandelier, et me redressais pour étudier un instant la peinture située juste devant moi.

Et mon cœur s’arrêta.

En lieu et place d’une femme exquise, je n’y vis qu’un monstre. Plus noir qu’une nuit sans lune, il était affublé de grotesques tentacules qui entouraient sa tête comme une parodie de barbe. Son corps visqueux, surmonté de cet immense crâne chauve, semblait conçu d’une multitude d’insectes grouillants d’une vie propre, cimentés par un limon répugnant. Ses dix yeux, tâches de braises dans ces ténèbres, me toisaient avec une méchanceté sans égale. Il n’y avait aucune âme dans ce regard, aucun sentiment sinon la malveillance pure. Je reculais devant cette horreur figée dans la toile, les yeux écarquillés d’effroi, quand je le vis alors.

Maximilian.

Il était là, sous mes yeux. Vêtu d’une robe de chambre, il avait l’air encore plus émacié qu’auparavant. Ses cheveux avaient en partie blanchi. Et son visage était un parfait miroir de mon état : il était figé dans une éternelle expression de terreur. Un des appendices du monstre l’empoignait fermement par le bras.

Mon regard s’enfuit vers la gauche, cherchant le refuge relatif de l’obscurité. La foudre m’en empêcha.

La soudaine lumière me révéla les autres tableaux, ceux de la femme. Mais je n’y trouvais à présent que les détails d’une scène atroce. Sur chacun d’eux, Maximilian se débattait face à ce…monstre indicible. Je le voyais partout se faire éventrer, découper, dévorer ! Là, son bras était arraché, ici une bouche immense engloutissait son corps. Je tombais à la renverse, tétanisé, incapable de tenir debout. Un détail m’avait frappé : sur chacun de ces tableaux, il manquait une pantoufle au corps de mon ami.

Sur son pied droit.

Les ténèbres revinrent. Et ne me quittèrent plus.

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Dim 31 Oct 2021 - 11:49
« Dessine moi un monstre »


Même le soir, les rues de Lasheik semblent encombrées par les marchands, les catins et sans doute le double en tire-laine et en mendiants, précisément tout ce que Viktor Grimweg déteste chaque fois qu'il visite une ville. Cependant, Viktor sait qu'aucun des traîne-misère Arabiens encombrant la rue ne tenteront rien contre lui. Bien que Lasheikk soit loin de l'Empire, la réputation de son Ordre transcende les frontières des domaines de Sigmar. Et quand bien même il se trouverait un voleur assez hardi pour essayer de faire les poches de l'Impérial ou un coupe-jarret assez téméraire pour tenter de l'attaquer, aucun homme n'est plus rapide qu'une balle de pistolet.
Le regard froid de Viktor s'arrête sur une enseigne en forme d'oiseau multicolore surplombant un établissement d'où s'échappe un parfum à la fois méphitique et entêtant. Il a trouvé ce qu'il cherchait. Viktor s'approche de l'entrée quand un colosse Arabien au crâne rasé et huileux s'interpose. L'Imperial ne prête pas attention aux deux cimeterres à la ceinture du videur.
Pendant un instant, l'Arabien dévisage le faciès émacié en lame de couteau de l'homme en noir qui lui fait face avant de finalement articuler quelques mots de Reikspiel avec un accent à couper au couteau et, Viktor en jurerait, quelques agréments du sabir incompréhensible des hommes du Sud. Viktor reste de marbre et répond qu'un ami l'attend à l'intérieur, il donne le nom de l'homme qu'il cherche : Randolph d'Arkhamburg. Le videur reste impassible. Viktor donne alors une description sommaire de Randolph : un Impérial âgé d'environ cinquante ans, le crâne et le visage rasés, ou avec des cheveux très courts et une barbe juste naissante, vêtu de robes blanches et rouges avec par dessus une armure lourde.
L'homme semble réfléchir et hésiter. Viktor soupire et sort une demi-douzaine de pièces d'or de sa bourse pour les exhiber au colosse qui semble se mettre à réfléchir beaucoup plus vite. L'Imperial se jure de suivre le videur pour lui reprendre cet argent. L'or du Temple de Sigmar n'a pas à finir entre les mains d'infidèles.
L'Arabien fait pénétrer Viktor dans la fumerie. La brume de l'opium semble presque masquer le plafond tandis que le sol, lui, est jonché de paillasses où sont allongés des hommes et des femmes tenant tous une longue pipe à la main. Aucun ne semble remarquer ni Viktor, ni son guide pourtant imposant. Celui-ci s'arrête pour s'expliquer avec un petit personnage Arabien à l'oeil mauvais et à la barbe pointue qui désigne Viktor d'un air hostile. Le bref échange terminé, le colosse fait signe à l'Imperial de le suivre à nouveau. Evoluant à travers la fumée, ils parviennent à l'entrée d'une alcôve où Viktor aperçoit un homme, allongé sur une couche avec, alanguie contre lui une jeune femme Arabienne avec toutes les allures d'une catin.
Viktor attend que son guide soit reparti pour entrer. Il s'approche des deux corps allongés sur les coussins. Pas de doute, l'homme est bien Randolph d'Arkhamburg, très amaigri, barbu et rongé par l'opium mais c'est lui. Viktor Grimweg dégaine son pistolet, le charge et le braque sur la gorge de l'homme assoupi avant de lui murmurer :

« Nous vous avons longtemps attendu, Randolph. »

L'opiomane ouvre alors les yeux faiblement et pousse un gémissement. Une dague courbée fuse et s'arrête au niveau de la gorge de Viktor. L'Arabienne s'est réveillée elle aussi.

-Sortez immédiatement d'ici ! siffle t-elle.

-Je vais sortir, mais d'abord je dois m'entretenir avec notre ami commun.

-C'est moi qui m'occupe de lui !

-Ce sera difficile de s'occuper d'un homme avec un trou dans la tête et plus encore d'échapper à mes frères si tu fais couler le sang d'un Répurgateur de Sigmar. Maintenant recule. »

La jeune femme adresse un regard vert et haineux au Chasseur de Sorcières mais s'exécute, bien que ne le lâchant pas du regard.

-Il ne vous répondra pas, annonce t-elle.

-Tiens donc, et pourquoi ?

-Il ne pouvait plus parler quand je l'ai trouvé. Je lui ai enseigné de quoi se débrouiller à peu près en Arabien … mais il n'articule plus rien en Reikspiel …

Viktor enfonce le canon de son pistolet dans la narine u vieillard qui gémit à nouveau.

-C'est vrai, ça, Randolph ?

-Arrêtez !

-Toi, la traînée, tu recules ou c'est un aller simple pour l'enfer ! rugit le Répurgateur avant de revenir à Randolph. Tu ne parles plus ta propre langue, hein ?

Le vieil opiomane commence à babiller dans ce qui ressemble effectivement à de l'Arabien.

-Sur Ormazd, je vous jure que c'est la vérité ! Je crois qu'il ignore même son propre nom … Il ne m'a jamais dit comment il s'appelait !

-Silence ! En ce cas, puisque toi, tu as l'air de connaître le Reikspiel, tu vas traduire ses paroles.

La jeune femme allait argumenter mais le canon du pistolet la convainc de coopérer. Elle s'adresse à son compagnon qui lui murmure quelque chose en retour. Le Répurgateur s'adosse à coté de l'entrée, son arme pointée vers le couple et ses yeux furetant parfois sur le coté au cas où quelqu'un viendrait.

-Première question, commence Viktor, est-ce que d'autres membres de l'expédition lancée à Rasetra ont survécu ?

La jeune femme traduit la question. L'homme murmure quelque chose.

-Il ne se rappelle pas, explique t-elle.

-C'est très dommage pour lui. Mais peut-être aurons nous plus de chance avec ce qui est arrivé pour que je retrouve un Prêtre-Guerrier drogué, entre les bras d'une **** et à des centaines de lieues de la mission qui lui avait été confiée ?

-Je l'ai trouvé dans le désert, au Sud-Est. Il était à moitié mort …

-C'est à lui que je parle, je pensais que c'était clair. Occupe toi de traduire.

Elle obéit.

-Il ne se souvient pas bien … Il dit qu'il y avait un mur avec des … des inscriptions … des bas reliefs … C'étaient les chroniques des anciens Nehekharéens …

-Je me doute bien qu'il a dû tomber sur ce genre de choses en visitant la Terre des Morts. Je veux des détails.

-Le mur … Par Ormazd mais qu'est-ce que j'ai fait pour...

-Le mur ?

Elle s'adresse à Randolph qui babille à nouveau. La jeune femme traduit au fur et à mesure qu'il parle.

-Le mur est important … Le mur dans la tombe, il dit … Il y avait dessus les noms des Rois anciens qui … qui ont guerroyé dans le sud contre les Hommes à Écailles des Jungles …

Viktor en rirait presque. Les Hommes à Écailles. Encore un terme alambiqué pour désigner des Hommes-Bêtes.

-Et ensuite ?

-Et ensuite il y en avait un … Un des Anciens Rois qui est revenu à Rasetra … Mais ils l'ont chassé … Il avait changé … Il était devenu … hérétique.

Viktor hausse un sourcil. Il remarque soudain que Randolph tremble ou convulse légèrement.

-Continuez.

La jeune femme s'adresse au Prêtre opiomane mais celui-ci ne pipe mot. Elle regarde le Répurgateur qui insiste et fait un pas vers eux. Elle insiste à son tour et le vieil Impérial se remet à marmonner.

-Le Roi Banni, il vénérait quelque chose … Quelque chose qu'ils ont rencontré dans les Jungles. Ça a voulu asservir Rasetra …

-Et c'est cette légende qui vous a fait quitter votre mission ?

Randolph d'Arkhamburg semble se braquer et se recroqueville mollement, comme pour chercher à se protéger du Répurgateur.

-Il ne veut plus parler.

-Vous allez le convaincre.

Elle obéit de nouveau, de moins en moins rassurée. Randolph, semblant un peu plus lucide, ou un peu plus terrifié la regarde. Ils échangent quelques mots.

-L'expédition a décidé de suivre la piste du Roi Banni dans la Jungle … Il ne veut rien me dire d'autre.

-Je vous conseille de trouver vite une explication satisfaisante car pour l'instant je n'ai rien qui justifie la disparition de tout un bataillon de chevaliers, de soldats et d'érudits du Grand Temple.

-Il n'y a rien d'autre ! Ne voyez vous pas qu'il est amnésique !

Randolph se saisit d'un coup du bras de sa compagne et murmure une dernière chose. Elle regarde le Répurgateur puis l'ancien Prêtre.

-Alors ? demande Viktor.

La jeune femme ne répond rien mais tend un vieux carnet à Randolph avec une baguette noire. L'opiomane se met à griffonner d'abord mollement puis frénétiquement sur le papier, la sueur perlant sur son front. Viktor approche et voit des formes apparaître sur le papier. Il regarde la jeune femme. Elle soutient le regard du Répurgateur avec un mélange de haine et de terreur.
Une fois son ouvrage terminé, l'ancien prêtre tend la feuille à Grimweg en murmurant quelque chose. Le Répurgateur regarde le papier avec méfiance avant de se tourner vers la femme.

-Qu'a-t-il dit ?

-Personne d'autre ne doit savoir. Il ne faut pas que cela arrive de nouveau.

Viktor s'empare du papier et découvre l'horreur. Représenté à la manière des des Faux-Dieux de l'Ancienne Nehekara, de profil avec les épaules de face se dresse une forme tripode noire avec en guise de tête un long appendice. Le délire de Randolph ne possède d'humain que le torse, toutefois, ce n'est pas l'aspect grotesque de cette créature qui intrigue le Répurgateur mais bien la taille ridiculement petite des hommes écrasés sous ses pattes.
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Dim 31 Oct 2021 - 16:48
Dessine-moi un monstre



    Malefosse, capitale du Clan Moulder et plaie béante du Grand Nord aux airs de tombeau à ciel ouvert. Un lieu si vil que les effluves qui en sortaient suffiraient à abattre un certain nombre de créatures du Vieux Monde en moins de deux minutes. Une abomination architecturale à l’image de ses habitants et de leurs créations qui était pourtant dotée d’un Service Après-Vente. Les affaires étaient les affaires après tout.

    Engoncée dans un recoin du quatrième niveau de la Sous-cité, juste à flanc de falaise, se trouvait en effet le petit bureau bancal d’un scribe skaven encapuchonné jusqu’au museau et de son garde maussade – ou endormi c’était selon. Vaguement éclairé par une lampe grésillant à tout va, un panneau de bois détrempé par l’humidité caverneuse indiquait : « Réclamations-Plaintes » en lettres rouges peintes avec le sang d’une quelconque créature ou rival malchanceux. Le tout détonnait un peu avec l’entrée des coffres-forts gigantesques du clan juste à côté, mais c’était l’objectif. Cela donnait respectivement la mesure des paiements et remboursements possible.

    En ce jour, si on pouvait parler de jour ici-bas, Gritchnik, qui grattait du bout d’une griffe son bureau pour passer le temps, vit un client arriver en claudiquant. Déjà surpris que l’intéressé parvienne jusqu’à son lieu de travail en un seul morceau, le scribe s’ébroua un instant pour se revigorer. Il en profita pour filer un taquet à Kratch, son garde, qui en sursauta à peine, avachi qu’il était sur son hallebarde.

    « Hrmgl, fit ce dernier sans conviction avant de lisser lentement ses moustaches, on put entendre ses articulations vieillissantes craquer tout du long.
    — Debout-debout vieux résidu ! Un idi… Heum client arrive-vient ! »

    La suite de borborygmes couiné par Kratch fit office d’approbation de la situation. D’un doigt crochu, il souleva d’un demi-centimètre la visière à l’air opaque de son casque, soupira ou cracha, c’était selon, puis referma le tout.

    L’instant d’après, le nouveau venu arriva au comptoir après avoir esquivé deux trous sans fond et un piège à ours piqué à ses kislévites de passage. Gritchnik nota mentalement qu’il devrait modifier les emplacements de tout cela à l’occasion.

    « Par… Le Rat… Cornu ! fit le nouveau venu en crachant ses poumons. J’y suis enfin ! »

    Le skaven en armure rouillée s’effondra presque sur le bureau, manquant de le faire s’effondrer.

    « Je-je… » - il régurgita une partie de sa salive avant de continuer – « … suis un envoyé-messager au troisième degré du seigneur Ronj et… Argl. »

    Comprenant qu’il n’arriverait pas à parler proprement, le messager tendit un rouleau de peau probablement humaine et aussi recouvert de givre que son museau, remarqua Gritchnik. D’un geste lent, le scribe récupéra le papier qui se brisa en deux lorsqu’il le déroula. Sans montrer sa fatigue, ce qui était aidé par sa capuche miteuse, il arriva tout de même à lire les instructions avec la délectation d’un hérisson décédé depuis une semaine.

    « Vous voulez un nouveau produit-monstre ? » s’étonna Gritchnik.

    Réémergeant au-dessus du niveau du bureau, le messager acquiesça mollement de la tête.

    « Dites, les… *tousse*… Les choses-volantes ne sont pas contagieuses ?
    — Non, à peine, balaya de la main Gritchnik qui avait la tête ailleurs. Il faut voir-parler aux maîtres mutateurs alors.
    — Ah mais on l’a déjà la bête. C’est pour une modification-amélioration.
    — On ne fait pas de reprises. »

    Surpris, le messager leva le museau vers le panneau au-dessus d’eux et pointa une lettre contractuelle cloutée sur le bord qui indiquait « reprises envisageable-possible en fonction des cas ». Dans un soupir, Gritchnik se massa les tempes :

    « Pardon-désolé, je vais voir-parler de ça avec une autorité compétente. »

    Invoquant ses services, Gritchnik envoya un taquet à Kratch qui, après grommèlement, souleva le bord de son casque. Il observa ce que le scribe lui pointa et, après un haussement d’épaule riche en arthrite, envoya un coup d’hallebarde dans le bord dudit panneau. Sectionné net, le bout de bois et sa note problématique dégringolèrent quelques étages plus bas. Elle fut suivie quelques instants après par une forme probablement gobelinoïde qui descendait par voie expresse depuis les ateliers des étages supérieurs.

    « Pardon-désolé, la question a été tranchée », ironisa le scribe.

    Quelque peu excédé par ces réglementations trop fluides, le messager du clan Mors pointa du doigt les lignes fines en fin du message. Gritchnik s’arrêta de lire au bout de la troisième description de torture en cas d’entrave à la demande dudit courrier.

    « Et que puis-je faire-faire pour vous ? » reprit le scribe d’un air mielleux qui sentait bon le fiel.

    Un deuxième rouleau arriva sur le bureau. Dès qu’il aperçut les plans de la chose, Gritchnik tira un tuyau métallique de sous son mobilier et demanda un « esclave-stagiaire ». Ce dernier arriva par voie expresse à son tour quelques secondes plus tard, mais avec une corde pour le tenir au bon niveau. Cela ne l’empêcha pas de hurler tout du long. Se réceptionnant avec le front à côté du bureau, le pauvre être paniqué à trois bras et cinq oreilles tenta de comprendre où il avait terminé. Toutefois, il soupira de soulagement quand on lui fourra les plans dans les pattes. Mieux valait l’Après-Vente-Arnaque que les niveaux d’en dessous. Un ordre plus tard et le mutateur en apprentissage remonta sèchement aux ateliers quand on tira sa corde sans ménagement.

    « Il vous le faut pour quand ? reprit Gritchnik.
    — Hier.
    — Ah, désolé-milles-excuses, notre formule de garantie-sécurité ne marche que jusqu’à avant-hier. Il sera livré le mois prochain. »

    Le messager leva le museau une nouvelle fois pour trouver un contre-exemple sur le panneau au-dessus et ses multiples amendements contractuels, mais ce dernier voletait déjà vers le vide insondable après un nouvel appel à hallebarde.

    « Et avec deux milles pièces en plus ? » demanda le messager dans un soupir.

    Depuis le fond de la capuche du scribe, une petite lueur s’alluma. Intimant à son interlocuteur d’attendre un instant. Il tira le tuyau une nouvelle fois et, après quelques échanges peu civils, revint vers son client :

    « Un quart d’heure. »

    A présent doté de la même joie de vivre que le scribe en face de lui, le messager croisa les bras et attendit. Pour rajouter à l’insulte, puisqu’ils étaient au niveau de l’entrée des coffres-forts de la Sous-cité, on entendait sans cesse le tintement de piécettes en tout genre comptées une par une ou jetées par montagne sur un opposant politique de passage.

    Enfin, l’apprenti mutateur revint par corde avec une poignée de plans qu’il lança à Gritchnik comme il pouvait.

    « Cela vous convient-va ? demanda Gritchnik en montrant des dessins grotesques qui donneraient la nausée à un répurgateur.
    — Hmm, mon seigneur-commandant ne veut pas de crache-flammes. Mais plus de piques-pieux, et des yeux derrière. Oh et une porte pour l’entretien.
    — Quoi-quoi ? s’indigna l’esclave-stagiaire. Mais c’était pas sur les plans-dessins ?! Et … »

    Un geste de Gritchnik fit comprendre à l’être difforme qu’il ferait mieux d’obéir avant que la hallebarde du vieux Kratch ne parte rencontrer sa corde de survie. Dépité, l’apprenti mutateur demanda qu’on le remonte. Il fallut une bonne minute avant qu’il ne redescende, mais sans corde cette fois-ci. Une minute de plus passa avant qu’un autre envoyé n’arrive par le biais de la ligne de vie. Tout tremblotant, il passa des plans révisés au « client » et se fit faire remonter sans ménagement.

    Le manège se répéta trois fois avant que ce ne soit validé. Un contrat de livraison par malerail plus tard et le tout fut réglé. Une bonne chose de faite, pensa Gritchnik en souhaitant bonne chance au messager pour son retour. Pour la peine, il attendit bien vingt secondes avant d’activer un piège pour l’envoyer par le fond.

    Dans un soupir, Gritchnik tendit les nouveaux plans à Kratch :

    « Amène ça aux archives et aux marchands-extorqueurs au-dessus. Ils vendront le tout au plus offrant. »

    Kratch utilisa une série de monosyllabes sifflantes avant de prendre les papiers encore graisseux dans sa patte.

    « Merci Kratch. »


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Concours de récits 2021 - Textes Empty Re: Concours de récits 2021 - Textes

Dim 31 Oct 2021 - 20:31
Extrait des notes de Sirisgard, scribe de Bastogne, suivante de Ser Orderic Orfeuille de Rouge-Douve.

Je garde un bien amer souvenir de mon passage au pic de Roc-Fendu, demeure côtière du sinistre Chevalier Décrépit qui avait mit, cette fameuse année, tout le Bordeleau à feu et à sang et qui portait la guerre même au-delà de son Duché au nom de son dieu immonde.

Nous avions connaissance d’un passage souterrain menant en secret au cœur de la forteresse, sans quoi jamais nous n’aurions pu entrer. Le tunnel partait de la plage et donnait sur un escalier très ancien et humide, aux innombrables marches glissantes et traîtresses. La Dame devait veiller sur nous comme à son habitude puisque nul ne se rompit les os lors de cette longue ascension.

Les jambes en feu, nous arrivâmes dans le cellier du donjon. Mes compagnons étaient résolus et entamèrent une véritable purge. Ils entraient dans une salle, tuaient tous ses  occupants vite et silencieusement et passaient à la suivante. Je les suivais comme dans un rêve trouble, incapable de répondre à mes questionnements intérieurs. Ces êtres étaient des ennemis, bien sûr, des impies, mais méritaient-ils pour autant un tel sort ?
Nous avancions, efficaces, méthodiques, remontant les niveaux du donjon de Roc-Fendu un à un ; personne n’en réchappait et la plupart n’avaient pas même le temps de réaliser qu’ils étaient déjà morts. Hommes, femmes et enfants, tous passés au fil de l’épée sans discernement. Bien sûr, nous ne pouvions risquer que l’un d’entre eux, n’importe lequel, donne l’alarme ; bien sûr…

Je n’avais jamais vu tant de personnes mourir en si peu de temps et j’en avais la nausée.

Nous trouvâmes l’ancienne Chapelle du Graal de la place forte, transformée d’horrible façon en un lieu de magie obscure et vile. Nous y affrontâmes un sorcier terrifiant, marqué par l’adoration de son dieu jusque dans sa chair puisque son corps n’était plus qu’un amas mouvant et répugnant de milliers et de milliers de vers et d’asticots.
Nous nous rendîmes maîtres de la herse et du pont levis sans que la troupe en garnison dans le reste du château ne soit en rien alertée de notre présence.
Nous laissâmes quelques hommes pour tenir la place puis nous montâmes au dernier étage de cet antre démoniaque, celui qui abritait les appartements seigneuriaux. Nous fûmes reçus par l'étrange Bouffon de Roc-Fendu, en livrée rouge bouffée aux mites, toute chair ayant quitté son visage désormais squelettique. Il nous accueillit comme si nous étions de simples visiteurs et que son seigneur n’était pas le pire fléau que la Bretonnie ai connu depuis la chute du Moussillon, nous apprenant que la grossesse de sa maîtresse approchait de son terme et que nous arrivions à point nommé. Il avait visiblement perdu l’esprit depuis longtemps et ne présentait pas de danger, aussi nous lui laissâmes la vie sauve.

Dame Mélise était là, devant nous, couchée sur sa literie, toute entourée de coussins et de couvertures, nimbée de dizaines de voiles pendants du plafond. En nous approchant, nous ne pûmes que constater l’évidence : l’odeur rance qu’elle dégageait et son ventre à la peau cloquée et bulbeuse annonçaient une naissance monstrueuse, marquée du sceau du dieu immonde.
Dame Mélise, refusant jusqu’au bout l’impiété de son époux, était restée fidèle à sa foi première. Cette loyauté lui avait valu d’être enchaînée à sa couche où une atroce douleur et la certitude d’engendrer une créature abjecte lui avait fait perdre la raison pour jamais. Et c’était elle l’objet de notre venue ; non pas que nous souhaitions tant tuer l’épouse enceinte de notre ennemi, mais plutôt nous en servir comme levier pour forcer le Chevalier Décrépit à nous faire face. Il était connu de tous à l’époque qu’Abélard de Roc-Fendu, l’un des trois Apôtres de Nurgle, n’aimait plus rien ni personne depuis longtemps, exception faite de son enfant à naître. Sa descendance l’obsédait tant qu’il quittait souvent les combats de sa terrible guerre contre tout le reste du Royaume pour revenir auprès de son épouse et s’assurer en personne de son état.

Et c’était là notre seule chance.

Impossible de le vaincre à la bataille ; les armées loyalistes reculaient sur tous les fronts, balayées par des épidémies terribles et les désertions infâmes de Chevaliers tombant le masque et passant subitement à l’ennemi. Mais ici et maintenant, au cœur de son domaine ancestral, avec la mère de son futur enfant entre nos mains, nous pouvions le contraindre à un duel à mort avec Ser Orderic Orfeuille de Rouge-Douve, le Chevalier que La Dame en personne avait désigné pour vaincre cette terrible menace.

Au même instant, l’un de nos hommes nous apprit qu’une troupe approchait du château, arborant la bannière personnelle du Chevalier Décrépit alors que Dame Mélise entrait visiblement en travail. Devant ces deux nouvelles, Ser Orderic nous confia, à l’un de mes compagnons et moi-même, le soin d’accoucher Dame Mélise pendant que tous les autres iraient hâter les préparatifs de la rencontre avec l’ennemi.
Je n’avais jamais accouché qui que ce soit. Après cette expérience, je prie La Déesse de ne jamais devoir le faire à nouveau.
Je ne savais pas comment faire ; je n’aurais pas su face à une grossesse normale, alors là ?
Dame Mélise était saisie de tremblements et suait abondamment. Tout se passait si vite, à peine avions-nous rassemblé des linges qui ne fussent pas souillés ou moisis et le peu d’eau claire que nous avions pu trouver que les choses s’emballèrent. De tremblements, Dame Mélise était passée aux spasmes les plus violents, tirant sur ses chaînes avec une force surhumaine. Je crus plusieurs fois que ses fers rouillés céderaient sous sa poussée, mais ils tinrent bon jusqu’à cet ultime soubresaut, affreusement long, qui fut le dernier acte de la vie de cette pauvre femme.
La mort de la mère ne nous laissait pas d’autre choix que d’aller chercher l’enfant là où il se trouvait.

Plonger mes mains dans ce ventre boursouflé et semé de bubons purulents demanda plus de courage que je ne saurais dire. Mais regarder la chose que j’en sortis sans défaillir en requerra encore bien d’avantage. Il s’agissait de deux enfants, siamois par le côté. Celui de gauche était un nourrisson, semblable à n’importe quel bébé qui vient de naître ; mais celui de droite portait déjà clairement les stigmates du dieu de la pourriture : sa peau était couverte de cloques colorées allant du jaune malsain au violacé et son visage difforme présentait cette singularité si étrange : un œil unique et entièrement noir occupait une position à peu près centrale sur son front irrégulier en lieu et place de nos deux orbites.
Je restai prostrée quelques instants devant cet être sans savoir quoi en faire. Fallait-il l’abattre ou le laisser vivre ?  Mais cette décision ne me revenait pas ; nous avions besoin de cet enfant pour accomplir notre tâche et nous avions bien trop souffert pour changer d’idée à présent. Je pris donc la chose dans mes bras et l’emmenai voir son père, refusant de penser d’avantage à ce que j’accomplissais alors.

Le pacte fut scellé comme nous l’avions prévu et Abélard de Roc-Fendu accepta d’affronter seul Ser Orderic contre la vie de son enfant maudit. L’un de ses suivants l’emmena loin de l’affrontement et nous ne le revîmes jamais. La suite est connue de tous aujourd’hui : Ser Orderic triompha par la grâce de La Dame et nous quittâmes le donjon par le même passage qui nous y avait menés.

Quand je repense à tout cela, à toutes les horreurs auxquelles nous avons étés confrontés, je pense que celle qui me hante le plus reste ce nourrisson. Je ne sais quelle sera sa destinée, si sa part d’ombre l’emportera sur sa part de lumière ou s’il trouvera quelque rédemption sur son chemin. J’ai peur d’avoir, en aidant à vaincre un être impie, permis à un autre encore plus vil et monstrueux de venir au monde.

Puisse La Dame me pardonner, moi je ne puis.

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Concours de récits 2021 - Textes Empty Re: Concours de récits 2021 - Textes

Lun 1 Nov 2021 - 0:05
La maison se tenait gauchement, comme un soudard ivre, et semblait s’appuyer sur ses voisines pour ne pas s’écrouler. C’était une de ces bâtisses délabrées qui poussaient comme des champignons sitôt qu’un incendie ou l’effondrement de leurs prédécesseurs libérait un peu d’espace dans les quartiers mal famés de l’Untergarten. C’était là que, selon les rumeurs, Gregor avait été tué. Un jour ordinaire à Krugenheim.

Pietr expulsa un glaviot remarquable tandis que son esprit retraçait le cours des événements. Quelques mendiants et marmots disparus, une ribaude retrouvée démembrée dans une ruelle… rien de bien inhabituel ici. Personne n’y avait prêté attention. Puis ç’avait été Gregor, et ça c’était bizarre. D’une, c’était un gars plutôt sobre et fort comme un bœuf, le genre de bestiaux qui se fait pas dessouder par le premier venu. De deux, Gregor faisait partie de la bande à Pietr, et personne s’attaquait à la bande à Pietr. Personne de sensé en tout cas. Mais un barjot n’aurait pas pu battre Gregor. Conclusion, le type qui avait réglé son compte au malfrat était suffisamment costaud pour se croire intouchable. Dangereux. Et, vu les blessures de ses victimes, probablement aidé d’une bestiole démoniaque quelconque, un possédé ou un homme-bête, un truc comme ça. Pas à prendre à la légère.

Pietr contempla sa fine équipe, le nec plus ultra de sa bande. Des vauriens, ouais, mais des durs. Viktor le spadassin, plus balafré qu’un vétéran kislevite. Tork, venu des Principautés frontalières, et dont la rumeur disait qu’il avait du sang orque dans les veines. Ou troll, c’est selon. Marlo, un gamin en apparence mais plus retors que le pire des truands. Vipère, une donzelle à qui il fallait pas chercher des noises si on tenait à garder ses noix. Et Komdal, le nain, qui pour l’occasion avait racheté au prêteur sur gages son armure familiale. C’était toujours un poivrot, ouais, mais un poivrot blindé avec une hache de guerre.


Le soir se fondait doucement dans la nuit. Les gardes avaient déserté l’Untergarten. Les brigands allumèrent leurs torches et entrèrent. Ils passèrent tout le bâtiment en revue, groupés, prudents. Deux étages et une cave, ce n’était pas long à explorer, ils avaient le temps d’être précautionneux. Le salon, une table bancale, une chaise, un buffet à vaisselle empoussiéré et quelques sacs de jute. La cuisine, une cheminée, des étagères vides et une forte odeur de charogne. Un couloir étroit. Les escaliers. En haut deux chambres, chacune avec un lit rongé par les vers, de grandes armoires, et de la poussière. A la cave l’habituel amoncellement de caisses douteuses caractéristiques du secteur et de ses activités économiques plus ou moins légales. Partout le silence. Du tueur, pas une trace.

Pietr accrocha sa torche à un support en fer rouillé, et dévisagea ses gars. Pas la peine de leur servir un discours, ils avaient déjà capté le plan.

«  - Marlo, au guet, s’il revient tu raboule en silence et on le cueille. Komdal, dans le salon, tu écoutes les appels des autres, tu surveilles tout, tu restes droit comme une statue d’Sigmar, et niveau bibine tu imites ses prêtres, vu ? Viktor et vipère, vous jetez un œil à la cuisine puis vous remontez fouiller les chambres. Le salaud a bien planqué son matos et ses cadavres quelque part, vous mettez la main dessus. Tork et moi on va voir en bas s’il y a pas un foutu passage secret ou une embrouille de c‘goût-là. »


Le groupe se sépara. Ils étaient toujours tous sur le qui-vive, mais désormais ils connaissaient les lieux. Chacun se livra à sa tâche avec rigueur et sobriété, tout en s’interrogeant sur la nature de leur ennemi. A la cave, sans s’en rendre compte, Pietr touchait régulièrement son amulette « du survivant », volée au sorcier Œil-de-Tigre quelques mois plus tôt. Toujours le silence. Même occupés, les brigands attendent.

Un cri.

Pietr poussa un juron et se rua dans l’escalier. Pas de doute, c’était un cri de nain. Et pas un cri de guerre. Merde.

Tork sur ses talons, le chef des bandits sortit prestement de la cave. Juste à temps pour entendre un autre cri, plus faible. Se précipitant dans le salon, il découvrit le massacre. Komdal gisait au sol, son armure était intacte mais son visage n’était plus qu’un magma sanglant. Marlo, lui, avait été projeté contre la porte avec une force surhumaine. Son jeune corps désarticulé semblait encore plus frêle que de son vivant. En le voyant, Tork se laissa tomber au sol et gémit doucement. La brute avait toujours apprécié leur jeune protégé. Pietr, lui, garda son sang-froid. Les chaises étaient couvertes de sang. L’assaillant n’avait laissé aucune autre trace de son passage. La porte était intacte et eux-même ne l’avaient pas croisé. Le tueur avait dû repartir par la cuisine. Vipère et Viktor d’un côté, Pietr de l’autre. Il était cerné.

Cerné, ouais, et d’autant plus dangereux. Pietr passa l’embrasure de la porte, scrutant les ténèbres de la cuisine. La nuit était tombée depuis un moment, leurs torches éclairaient à peine. Il faisait plus noir que dans une fichue tombe ! Bon sang que cette pièce était sombre. Le plancher craqua, le bandit bondit presque au plafond. C’était Vipère qui entrait de l’autre côté. Saleté…

Ils avancèrent lentement, les yeux sans cesse en mouvement, chaque pas leur faisait éclairer quelques centimètres de plus de la pièce. Un monstre n’avait pas besoin d’être énorme pour être puissant. Mais celui-ci était-il plus petit qu'un rat ? Un pas. Un autre. Leur lumière ne révélait rien. Pietr était en nage. Une vision tournait en boucle dans son esprit. Les corps. Le sang sur les chaises.

Attends une minute. Les chaises ?

Catin d’Ulric !

Pietr fit volte-face si vite que Vipère sursauta. Il se jeta dans le salon. La chaise s’était volatilisée. De même que les entrailles d’Ulric.

Nouveau cri

Pas de prudence cette fois. Pietr avait compris. Fallait réagir vite. Retour dans le couloir. Viktor avait disparu. A sa place une armoire. Un des battants de porte entrebâillé laissait couler un filet de sang. Saleté.

« Vipère ! La torche ! »

La bestiole avait compris. On savait. Plus la peine de se cacher.


Les portes s’ouvrirent comme une gueule, les pieds s’animèrent. En un instant quatre membres de bois soutiennent une gueule garnie de planches acérées. De deux trous de serrure, le monstre fixait le bandit.

Elle bondit, vif comme un serpent, la flamme vengeresse à la main. Vipère frappa, et frappa encore. Le monstre reculait, esquivant les flammes, se repliant sur lui-même. Il reculait vite. En un bond, il passa de l’autre côté du mur. Vipère commit sa seule erreur. Elle le suivit.

Quelques secondes.

C’était tout ce qui lui fallut pour embrasser la pièce du regard et repérer le meuble supplémentaire. Quelques secondes durant lesquelles elle ne pouvait pas cibler son ennemi. Une chaise vola, une autre s’anima. Le premier mouvement avait attiré le coup. La torche frappa le meuble inoffensif.

Pietr voulut toucher son amulette. Il la sentit s’effriter entre ses doigts. Evidemment. Toujours comme ça avec les grigris magiques. La torche de Vipère s’éteignit. Dans l’obscurité, un grognement indescriptible.

Saleté.


***

Au solstice d’hiver, après la visite du grand-duc du Talabecland, le baron Kleinfehler fit un détour par le bazar. Il avisa une coiffeuse en vieux chêne qui irait à ravir dans le boudoir de sa fille.

Un jour ordinaire à Krugenheim.

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La mort est dans la vie la vie aidant la mort
La vie est dans la mort la mort aidant la vie.


historique: https://whcv.forumactif.com/recits-fanfics-et-fanart-f10/le-vampire-de-gespenst-t2742.htm
photos: https://whcv.forumactif.com/galeries-des-membres-f23/galerie-de-keraad-t2854.htm
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Lun 1 Nov 2021 - 3:58
Haine

- Vous… Vous êtes un monstre!
Narini’th laissa tomber au sol une poupée de chiffon désormais dénué de vie. Il passa sa langue sur son couteau pour gouter la saveur de ce liquide chaud et épais que Khaine aimait tant. Il daigna enfin tourner la tête vers la méprisable créature, prêtresse d’un soi-disant dieu païen, qui avait osé lui adresser la parole. Ses yeux, emplis de terreur et de tristesse, ne pouvaient s’empêcher de se porter sur chaque petit cadavre ensanglanté qui jonchaient la salle principale du temple. Mais quand elle releva la tête vers son tortionnaire, une flamme de haine et de défi s’alluma au fond de ses prunelles. Amusé, le Maitre de l’Arche Noire s’approcha à pas lents. Les jambes tournées dans une posture contre nature, les vêtements et le corps déchirés par tous les sévices délectables qu’il lui avait fait subir sous les yeux terrifiés des petits humains qu’il avait ensuite tués un par un, elle arrivait tout de même à trouver en elle une énergie insoupçonnée pour se tenir assise. Le corps éclaboussé par le sang de ses protégés, les bras sans vie, seule la haine la tenait encore en vie.
Narini’th avait sommairement appris quelques dialectes humains, dans le simple but de comprendre leurs suppliques et de s’en délecter davantage lors des raids de son équipage. Il s’agenouilla devant elle, pris son menton dans sa main ensanglantée. Avec un sourire torve et jubilatoire, il lui répondit.
- Je sais.
- Fieri id quod es!
Le crachat de la prêtresse l’atteignit sur la joue droite. Pris d’une rage soudaine face à cet affront, il lui brisa la nuque d’un geste brusque.
- Sale sauvage!
Il s’essuya le visage du revers de la main en regardant le corps s’affaisser avec mépris. Oubliant en un instant ce qu’il venait de se passer, et l’existence même de ce village de race inférieure, il fit signe aux corsaires qui l’accompagnaient et qui étaient restés de marbre durant toutes les festivités. Il n’y avait plus rien à faire ici. Plus tôt il regagnerait son vaisseau, plus tôt il pourrait accoster ailleurs pour assouvir la soif de sang de Khaine. Il sortit du temple en se grattant nonchalamment la joue. Un sourire malsain se dessina sur son visage à la vue de son Arche, accostée devant des centaines de bâtiments embrasés dont la fumée âcre et noire cachait les étoiles. Avant de jeter l’ancre ailleurs, un moment tout aussi plaisant l’attendait.

Ne prêtant pas attention au fourmillement géant de l’équipage qui manœuvrait l’Arche pour prendre le large, Narini’th se dirigeait à grand pas vers ses quartiers. Gêné, il passa la main dans son cou pour se gratter, et sentit quelque chose. Sans doute un morceau de peau, ou autre cervelle, d’une de ses victimes. Il dut l’arracher, lui causant une certaine douleur. Le sang avait dû sécher. Il proposerait à l’adoratrice de Khaine de prendre un bain pour se débarrasser de tous ces résidus. Une fois le morceau en main, il y jeta un bref coup d’œil. Il s’arrêta net et le fixa, les sourcils froncés. Comment une écaille de poisson avait pu se retrouver dans son cou? Un jeune matelot passa en courant à côté de lui, se dépêchant sans doute pour ne pas se retrouver sous le fouet d’un superviseur impatient. Il eut la soudaine envie de l’attraper, lui plonger sa main gantée de fer dans l’estomac pour lui sortir les entrailles et le pendre avec ses boyaux. Allons, du calme Narini’th. Il venait juste de sortir d’un beau massacre, et bien d’autres n’attendaient que lui sur la côte du Vieux Monde. Il reprit sa route.
Haeltha l’attendait déjà. Elle avait préparé tous ses jouets charnels sur le bureau et n’attendait que lui pour en choisir un. Après une brève conversation ponctuée de regards pervers et de caresses sensuelles, elle partit préparer leur jeu dans la salle d’eau pendant qu’il se déshabillait. En enlevant sa tunique, il remarqua un léger tremblement de sa main. Pourquoi se sentait-il si fébrile? Il savait la furie très douée dans l’art de torturer agréablement. Était-ce cette attente qui l’émouvait autant? Pourtant, c’était loin d’être la première fois qu’il s’y adonnait…
Alors qu’il se baissait pour enlever ses bottes, un mal de ventre fulgurant le prit. Il grogna et tomba à quatre pattes. Un violent frisson lui parcourut l’échine, et une douleur aussi vive qu’insupportable explosa dans sa joue. Il se griffa le visage jusqu’au sang alors qu’un hurlement sortit de sa gorge sans qu’il en ait conscience. Assommé par une souffrance insoutenable qui irradiait désormais de tout son corps, sa vision devint floue. Son esprit à l’agonie, la dernière chose qu’il remarqua furent ses mains, recroquevillées sur le plancher, avec leurs extrémités ornées d’ongles anormalement longs.

Haeltha finissait de préparer fouets, cordes et autres accessoires pendant qu’une servante remplissait la baignoire d’eau chaude. Cette dernière sursauta quand le hurlement du maitre de l’Arche éclata. La prêtresse du dieu sanglant fit un geste bref et l’esclave s’éclipsa. Une étincelle de colère passa fugacement dans ses yeux. Qui osait torturer le maitre à sa place? D’un pas vif, elle prit la direction de la chambre du commandant… pour se figer sur le seuil, le regard incrédule. La seule chose qui restait de Narini’th étaient quelques mèches de cheveux filasses sur la tête d’un monstre énorme et difforme. Les yeux rouges sans pupille, la peau écailleuse, des dents plus acérées qu’un Kraken, des griffes aussi longues et tranchantes qu’une harpie, et un grognement à en faire frissonner le Roi Sorcier.
La surprise ne put jamais quitter son visage. D’un mouvement fulgurant, le monstre caressa le ventre de la furie, qui laissa échapper tripes et boyaux avant de s’effondrer sur le plancher. La créature pris quelques instants pour se repaitre du cadavre avant de relever la tête d’un air attentif et intéressé. Des milliers de battements, de cœurs et de pas. Autant de proies à portée. Le monstre passa une langue reptilienne autour de sa bouche ensanglantée. Un grand festin l’attendait.

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