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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Sam 5 Mai 2018 - 14:12
Bonjour à tous.

Cela fait longtemps que j'ai l'intention de raconter cette histoire. L'histoire de Wilhelm Kruger, chevalier vampire, créé lors du tournoi du fort de sang il y a maintenant 2 ans.

Mais avant de vous poster le texte en lui-même, permettez moi de vous narrer l'histoire de la création ce personnage, qui est en quelques sortes le mec que j'ai rencontré par hasard dans la rue et qui a fini par devenir un de mes meilleurs amis.

Von Essen m'avait demandé plusieurs fois de participer au tournoi du fort de sang, et au bout d'un moment je me suis dit "pourquoi pas". Mais n'ayant pas de livre d'armée sous la main, je lui ai répondu que je ne pourrais pas le monter moi-même. À cela il m'a répondu que lui pouvait s'en charger, et que j'avais simplement besoin de lui donner un nom, une apparence et une vague personnalité. J'ai été tenté par lui sortir Ser Tiberius Kael, dragon de sang (et personnage officilel de WHJDR V2) qui parcoure le monde en quête de défis. Le concept m'a plu, mais j'ai préféré créer mon propre dragon de sang. Le nom lui même "Wilhelm Kruger" a été trouvé par je ne sais quelle association d'idées, et je lui ai donné une personnalité de chevalier bien classique, ce qui est finalement assez rare dans la race vampirique. Le tout prenait une-demi page au mieux.

Lors du tournoi, j'ai vu que les intermèdes étaient ma foi très agréables à lire, et j'ai commencé à me prêter au jeu. La défaite de mon personnage au premier tour du tournoi ( Skull ) m'empêchant de le revoir d'une autre façon. J'ai donc peu à peu étoffé ce personnage, et son histoire s'est mêlée à celle de trois autres lors du final.

Puis un an plus tard est arrivé le grand tournoi de la Reiksguard. Une foule de participants sont arrivés, et Wilhelm parmi eux. Bien sûr, mon second personnage a eu plus d'importance que Wilhelm lors de cette évènement (ah Helmut  Love , un jour toi aussi tu auras ton récit), mais ce n'est pas ce qui nous intéresse. Wilhelm a pu lors de ce tournoi avoir un vrai développement de personnalité, et même prendre sa revanche sur Silvère. Sa défaite en finale l'a lancé sur les routes du Nord, mais ce n'est pas ce que je vais raconter dans ce premier tome.

Car à la suite du deuxième tournoi j'ai eu la soudaine envie, motivé par la lecture de la saga d'Oksilden, de lui écrire une origin story. L'exercice me paraissait faisable, mais a prit beaucoup plus de temps que prévu à commencer réellement.

Désormais j'en suis au chapitre 3, et je continue d'avancer. Il y aura sans aucun doutes des pauses, que j'espère courtes, mais on ne peut y couper. Voici en tous cas en premier lieu le prologue de cette histoire, en espérant que cela vous donnera envie de lire la suite.

La geste de Wilhelm Kruger

Tome 1 : La voie du sang.


La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Blood_10

Prologue

La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Latest?cb=20170908232309

Le soleil entamait lentement sa courbe descendante, projetant les ombres de la forêt sur les deux chevaliers. Ils avaient laissé leurs chevaux au début du sentier, privilégiant une approche discrète face à l’inconnu. Ferragus était en tête, le poing serré sur le pommeau de son épée et son bouclier bien accroché au bras gauche. Tous ses sens étaient en alerte, et il essayait le plus souvent possible de marcher sur de l’herbe ou de la mousse afin d’étouffer le cliquetis causé par son armure intégrale. « La dame me protège », pria-t-il silencieusement, « cet endroit est lugubre ».

Lugubre, il l’était en effet, principalement à cause du silence. D’habitude, la forêt du duché de Parravon grouillait de vie, mais aucune créature ne semblait vouloir s’approcher de cet endroit. Paradoxalement, cela leur avait confirmé que leur but était proche. Dans ces conditions, il était facile de voir en chaque arbre une forme inquiétante aux airs menaçants. Un léger vent frais vint les faire frissonner, malgré la température.

« On s’approche, chuchota Guy, j’aperçois des tours sur la droite. » D’un rapide coup d’œil Ferragus confirma que le regard acéré de son compagnon avait encore vu juste, malgré son casque. « Je n’entends toujours rien, continua-t-il. S’il y a qui que ce soit ils sont extrêmement bien cachés. » Ferragus hocha la tête, puis se dirigea vers l’édifice repéré par Guy. Il s’agissait d’un fortin en ruines, datant très certainement de plusieurs siècles auparavant. Ses murs avaient fait la joie des plantes grimpantes, et les remparts étaient majoritairement effondrés. Faisant corps avec le rempart Ouest, la tour avait l’air d’être la seule section encore viable, mais ses fenêtres ne révélaient de l’intérieur que l’obscurité.

Guy et Ferragus entrèrent lentement dans l’enceinte de la ruine, prêts à bondir au moindre bruit déplacé. Cependant, les plantes avaient également envahi la cour intérieure, rendant leur surveillance superflue : si quelqu’un ou quelque chose les attendait là, il leur serait impossible de le savoir. Mais c’est sans rencontrer le moindre danger qu’ils atteignirent la porte de la tour après quelque pas. Guy colla son oreille au battant de bois usé, et écouta durant une dizaine de secondes avant de secouer la tête en direction de son compagnon. S’il y avait la moindre forme de vie à l’intérieur, elle ne faisait aucun bruit.

Ferragus commençait à penser qu’ils ne trouveraient rien ici, mais Guy posa résolument la main sur la poignée et tourna, sans aucun succès. La porte était verrouillée. « Par la dame du lac, pensa-t-il, cette ruine commence à me vriller les nerfs », et sans plus de cérémonies il leva son pied et le projeta violemment vers le panneau de bois, heurtant la porte de son soleret. Dans un claquement le verrou sauta, et le battant tourna si vite qu’il heurta le mur à droite, dissipant tous leurs espoirs de discrétion en un grand fracas. Dans la lumière intérieure les deux chevaliers purent s’apercevoir que leurs soupçons étaient fondés. L’endroit était visiblement occupé, proprement meublé avec une table, quelques tapis, et plusieurs bibliothèques remplies de livres. Des bougeoirs décorés, disséminés un peu partout, éclairaient efficacement la pièce. Sur la droite une autre porte en bois menait très certainement vers un escalier, car ils ne voyaient aucun moyen de monter. Mais c’est alors que Guy et Ferragus entraient, leurs mines étonnées dissimulées derrière leurs armets d’acier, que cette même porte s’ouvrit.

L’individu qui en franchit le seuil était vêtu d’une robe pourpre, couverte par une pèlerine de la même couleur brodée de dorures. Une ceinture de cuir lui serrait la taille et soulignait un léger embonpoint. Son visage rond, éclairé par un sourire affable, et sa maigre couronne de cheveux blancs lui donnaient presque un air saint. « Bonjours mes sires, sourit le nouveau venu, bienvenue. Je crains de ne pas pouvoir vous recevoir correctement, n’ayant en aucun cas été prévenu de votre visite. Cela dit, je pense que mon maître sera ravi que vous lui fassiez part de la raison de votre présence ici. Si vous voulez bien me suivre. » Il n’avait pas bougé durant toute sa tirade, mais leur fit signe de l’accompagner vers l’étage supérieur, un escalier étant effectivement visible derrière lui. Ferragus n’avait pas quitté l’homme en pourpre des yeux, mais Guy avait commencé à inspecter la pièce sans perdre un instant, qu’il s’agisse du contenu des bibliothèques ou des ornements des bougeoirs. Toutefois, lorsque leur interlocuteur mentionna l’invitation, il interrogea Ferragus du regard. Ce dernier finit par faire un signe de tête en direction de leur hôte, et avança vers lui. « Tu n’as pas intérêt à nous entourlouper, menaça-t-il, parce que sinon je jure sur la dame que ton chef ne restera pas longtemps aussi solidement fixé à tes épaules. »

Si l’homme en robe fut impressionné par cette menace il n’en montra rien, maintenant son sourire tout en faisant signe à Guy de venir. Il les mena dans un escalier droit qui faisait un demi-tour pour remonter ensuite vers l’étage. Une fenêtre située sur le mur du palier permettait à la lumière du jour d’éclairer leur ascension. Au terme de celle-ci l’homme frappa un seul coup sur le battant d’une porte en bois cerclée de fer, et l’ouvrit sans attendre de réponse. « Nous avons des visiteurs, mon maître » déclara-t-il en entrant. La pièce était en partie plongée dans la pénombre, la seule lumière provenant de deux autres fenêtres sur le mur de gauche. Une cheminée était fixée au mur droit, mais elle semblait inutilisée depuis aussi longtemps que les murailles à l’extérieur. L’homme en robe se dirigea vers l’intérieur, suivi par les deux chevaliers, qui se figèrent après quelques pas.

La décoration de cette pièce n’avait rien à voir avec le charme coquet de celle de l’étage en-dessous. Sur le sol étaient tracés au charbon plusieurs symboles étranges, et les meubles, de simples tables posées contre les murs, étaient couverts d’outils et d’éléments que ni Ferragus ni Guy ne parvinrent à identifier. De plus, le mur en face d’eux était recouvert par une large tenture d’un bleu turquoise, avec pour seule décoration le dessin très détaillé d’un œil multicolore au regard pénétrant.

« Quel est cet endroit ?» La voix de Ferragus avait perdu de son autorité, mais il se reprit rapidement. « Qui êtes-vous à la fin, et que signifie tout ceci ? » commanda-t-il tout en s’avançant. Guy posa la main sur la poignée de son épée, et ils s’aperçurent que dans leur étonnement ils n’avaient pas remarqué la quatrième présence dans la pièce.

Leur guide s’était approché d’un individu qui leur tournait le dos, enveloppé d’une longue cape sombre qui le dissimulait à leur vue. Il les regarda rapidement alors qu’ils approchaient avant de se tourner vers la forme encapuchonnée. « Maître, commença-t-il d’une voix doucereuse, voici les étrangers qui viennent de pénétrer chez nous. Faut-il que nous les considérions comme des…invités ? » En prononçant ce dernier mot, son visage s’était désormais fendu d’un sourire carnassier. Guy et Ferragus s’apprêtaient à couper court à la conversation quand le second homme se mit à parler. Résonnant dans toute la pièce, sa voix les tétanisa sur place. Elle semblait être faite d’une multitude d’autres voix, mélangées comme si une dizaine de personnes avaient prononcé les mêmes mots en même temps. Et son timbre était une sorte de mélange d’aigus et de graves qui aurait dû être discordant mais qui, par quelque miracle, ne l’était pas. Cela ne ressemblait à rien de ce qu’ils avaient déjà entendu dans leurs vies. « Leur venue ne semble pas perturber notre avenir mon cher, prononça cette fameuse voix sur un ton indescriptible. Autant régler cela immédiatement, et retourner ensuite à nos préparatifs. Il reste beaucoup à faire. » L’homme en cape se tourna alors vers eux, dévoilant son physique aux deux chevaliers qui écarquillèrent les yeux d’horreur.

Sa tête bleutée n’avait plus rien d’humain, et ressemblait de loin à celle de quelque oiseau exotique. Mais de près Guy s’aperçut que sa peau semblait onduler constamment, et c’est avec dégoût qu’il s’aperçut qu’en réalité des visages apparaissaient et disparaissaient sans cesses dans les replis de son épiderme. Ces visages arboraient une infinité d’expression, tantôt pleurante tantôt grimaçante, allant de la joie à la colère, le tout dans un ballet sans ordre ni logique. Le visage même de l’individu était lui bien visible au milieu de ce capharnaüm, ses yeux noirs les fixant alors que son bec se tordait d’un rictus malfaisant. Ses mains, bleues elles aussi, qui ressemblaient plus à des griffes garnies de plumes, étaient les seuls autres extrémités visibles, le reste de son corps maigre étant dissimulé par une longue robe bleue et or richement tissée.

« Pour la daaaame ! » s’écria Ferragus tout en chargeant, l’épée levée bien haut. S’il n’avait aucune idée de ce à quoi ils faisaient face, une chose était certaine : il fallait l’éliminer sans perdre un instant. Tout en ricanant, l’homme-oiseau pointa alors un doigt dans sa direction et murmura quelques paroles inaudibles. Aussitôt un jet de flammes multicolores surgit de l’appendice griffu et enveloppa Ferragus, qui s’effondra alors en hurlant. De son côté, Guy avait profité de la distraction générée par son compagnon. Dépassant Ferragus, alors à terre, il asséna un coup de taille à leur démoniaque adversaire avec la ferme intention de le décapiter. Mais son mouvement fut interrompu d’une manière inattendue : la main-serre de l’étrange créature avait attrapé son bras et avait arrêté son attaque avec une force surprenante. Il n’eut pas le temps de se reprendre, car il se sentit être violemment frappé au niveau du torse, ce qui le propulsa près des fenêtres. Encore sonné par l’intensité du coup, Guy se releva péniblement, et n’eut que le temps de brandir son bouclier alors que l’homme-oiseau faisait apparaître un orbe enflammée qu’il projeta dans sa direction. Cela fut suffisant pour le protéger du feu, mais le souffle de l’explosion résultant de l’impact le catapulta en arrière, c’est avec surprise et effroi qu’il se sentit alors chuter : il était passé par la fenêtre.

Sa chute fut courte. Il eut le temps d’entendre le ricanement de leur ennemi, qui se mua soudain en un cri désincarné, puis ce fut la douleur. Et le noir.


*

À son réveil, Guy ne put dire combien de temps il était resté évanoui. Son corps tout entier lui faisait mal, et bouger le moindre muscle relevait du calvaire. Pourtant, indescriptiblement, il sentait que quelque chose d’autre le dérangeait, quelque chose qui n’était pas comme avant. Ce n’est qu’au bout de longues minutes qu’il parvint à identifier ce qui avait changé : les oiseaux s’étaient remis à chanter.

Il lui fallut du temps pour se remettre debout et parvenir à marcher. De pénibles moments s’ensuivirent où il traîna son corps endolori jusqu’à la porte de la tour, s’appuyant sur son épée et sur les murs pour avancer. Ce qu’il y découvrit ne fit qu’augmenter son malaise : l’endroit était vide. Les meubles, les livres, tout avait disparu. Et pire que tout, les pièces étaient désertes. Le seul signe de leur combat était une grosse trace de brûlé dans la pièce où ils avaient affronté la créature.

De Ferragus il ne retrouva rien.


EDIT : la balise [recit] ne marche plus ? Parce que je voulais rajouter des alinéas à chaque paragraphe et je ne trouve plus comment faire...


Dernière édition par Arcanide valtek le Lun 30 Juil 2018 - 0:10, édité 5 fois

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Sam 5 Mai 2018 - 14:51
Wow

Il n'est point de mot qui puisse décrire mon engouement face à la nouvelle d'une origin story de Kruger. Fou

Et ce prologue ne nous dévoile rien ! Ou du moins rien qui nous fasse du sens pour l'instant... Ô malicieuse torture ! lol



Juste le découpage de la phrase, qui me paraît lui un rythme étrange, ici :
Dans un claquement le verrou sauta, et le battant tourna si vite qu’il heurta le mur à droite, dissipant tous leurs espoirs de discrétion en un grand fracas.
J'aurais mis une virgule entre "claquement" et "le verrou", mais ça hacherait trop la phrase... Peut-être juste changer avec "Le verrou sauta dans un claquement" ? Ça me paraît un peu plus agréable à lire. Bon après c'est que mon avis. Smile

ce personnage, qui est en quelques sortes le mec que j'ai rencontré par hasard dans la rue et qui a finit par devenir un de mes meilleurs amis.
J'crois que ça nous a tous fait ça avec nos persos du Tournoi du Fort de Sang, que ce soit moi Hjalmar avec Oldrick et Anthezar, ou moi avec le Roi Muet. Happy

Et que dire sinon : la suite !

Grom'


Dernière édition par Gromdal le Lun 7 Mai 2018 - 1:29, édité 1 fois

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang 25e2d77d-b83e-11e7-8320-7d5a157d5762

Uzkul ged a ibid Dawi. Bar Dawi urz grim un grom, un ekrokit "Nai. Drekgit.". Un Uzkul drekged.
La mort vint pour obtenir la vie du nain. Mais le nain était brave et obstiné, et répondit : "Non, va-t-en." Et la mort passa son chemin.
Proverbe nain.


Traduction réalisée d'après Grudgelore, de Nick Kyme et de Gave Thorpe.
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Sam 5 Mai 2018 - 17:30
Quelle joie de savoir que la geste de Wilhelm Kruger est en bon chemin ! Et avec un début fort énigmatique qui plus est... Sourire

Je ne saurais dire à quel point j'attends la suite avec impatience. Il faut dire que le lien entre des chevaliers bretonniens qui partent combattre du magus de tzeentch et notre Kruger impérial est assez indistinct pour le moment. Mais c'est justement ce qui attise ma curiosité ! Comment tout cela va t-il se rejoindre ? Voilà une question qui demande une réponse Fou

Arcanide Valtek a écrit:Car à la suite du deuxième tournoi j'ai eu la soudaine envie, motivé par la lecture de la saga d'Oksilden, de lui écrire une origin story.
Je suis flatté d'avoir en partie motivé la création d'un tel récit Wow (ça me motive encore plus à me grouiller pour sortir la suite avec le 4e tome tiens, on se motivera mutuellement !)



Arcanide Valtek a écrit:ce personnage, qui est en quelques sortes le mec que j'ai rencontré par hasard dans la rue et qui a finit par devenir un de mes meilleurs amis.

J'crois que ça nous a tous fait ça avec nos persos du Tournoi du Fort de Sang, que ce soit moi Hjalmar avec Oldrick et Anthezar, ou moi avec le Roi Muet.
Eh bien, c'est une description extrêmement bien adaptée en fait. De mon côté, Anthezar et Oldrick ont été créé au pif complet parce que je voulais tenter de mettre un pied dans le monde des morts-vivants pour une fois. A la base, j'avais aidé Magnan en lui pondant Valmond au passage, un personnage qui m'intéressait bien plus au début. Mais la relation maître-mentor du duo est venue d'elle-même avec l'écriture et s'est développée presque toute seule quand les autres membres du quatuor se sont rajoutés lol

La suite est rentrée dans la légende Rock & Roll Donc je comprends parfaitement ton point de vue sur la question Sourire

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Dim 6 Mai 2018 - 21:59
Merci à tous les deux Cool . Vos commentaires me motivent encore plus à continuer.

Gromdal a écrit:
Il n'est point de mot qui puisse décrire mon engouement face à la nouvelle d'une origin story de Kruber.
Tu vas avoir des problèmes toi Dry .

Gromdal a écrit:
Et ce prologue ne nous dévoile rien ! Ou du moins rien qui nous fasse du sens pour l'instant... Ô malicieuse torture !
Hjalmarr Oksilden a écrit: Il faut dire que le lien entre des chevaliers bretonniens qui partent combattre du magus de tzeentch et notre Kruger impérial est assez indistinct pour le moment.
Mystère en effet Mr. Green . Tout finira par se révéler en temps voulu. Ou même plus tard, qui sait Camouflé Ninja .

J'ai corrigé la phrase Gromdal, effectivement après relecture ça me semblait bizarre à moi aussi.

Gromdal a écrit:Et que dire sinon : la suite !
Elle est prête, mais je ne sais pas trop quand je vais la poster. Je vais peut-être prendre un rythme régulier, peut-être pas. Mais je compte prendre mon temps, alors je crains qu'il ne vous faille faire de même avec votre mal en patience Innocent .

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Lun 7 Mai 2018 - 1:31
Arcanide valtek a écrit:
Gromdal a écrit:Il n'est point de mot qui puisse décrire mon engouement face à la nouvelle d'une origin story de Kruber.
Tu vas avoir des problèmes toi Dry .
Ventredieu ! J'ai mélangé le prénom avec celui d'un personnage de Vermintide... Il faut croire qu'à passer mes journées dessus, ça m'a grillé le cerveau. Mr. Green
Et je ne peux pas garantir que je ne referai pas l'erreur dans l'avenir, je n'en suis pas à ma première fois à confondre leurs noms. Fou

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La mort vint pour obtenir la vie du nain. Mais le nain était brave et obstiné, et répondit : "Non, va-t-en." Et la mort passa son chemin.
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Ven 11 Mai 2018 - 21:07
J'ai tout lu, et je suis sur ma faim ! Skull

WILHELM ! WILHELM ! WILHELM !

Impatient de le voir apparaître, l'improbable chevalier vampire.

Cela dit, le texte d'introduction est de grande qualité, fluide, avec des scènes d'action bien dosée et bien narrée Cool  
Le seul endroit qui, à mon goût, mériterait un peu plus d'espace serait la description physique des chevaliers. Leurs antagonistes sont affreux à souhait, ce qui du coup donne envie de savoir à quoi ressemblent nos deux héros.
Spoiler:
Ne serait que de savoir s'ils portent la barbe ou s'ils portent des marques de leurs combats précédents, deux-trois bricoles du genre Innocent  

Spoiler:

La suite ! Clap
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Sam 12 Mai 2018 - 1:46
Merci de ton commentaire Von Essen ! banane

Von Essen a écrit:
Le seul endroit qui, à mon goût, mériterait un peu plus d'espace serait la description physique des chevaliers. Leurs antagonistes sont affreux à souhait, ce qui du coup donne envie de savoir à quoi ressemblent nos deux héros.
(...)
Ne serait que de savoir s'ils portent la barbe ou s'ils portent des marques de leurs combats précédents, deux-trois bricoles du genre
Ce n'est pas réellement voulu, mais j'avoue ne pas y avoir trop prêté attention. C'est vrai que je m'attarde rarement sur les descriptions physiques anodines, alors qu'un ou deux commentaires pourraient suffire. J'y penserai pour la suite (qui du coup va y gagner une nouvelle relecture avec modifications à la clé).

Von Essen a écrit:
Impatient de le voir apparaître, l'improbable chevalier vampire.
Histoire de clarifier les esprits, c'est une origin-story, donc Wilhelm ne sera pas vampire au début.

La suite est là, toute chaude, et devrait arriver sous peu (mais peu de quoi, nous verrons).

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Mar 15 Mai 2018 - 21:09
Bon, je fais un double post pour vous poster le premier chapitre. Bonne lecture à tous Wink .

Chapitre I

La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Wissenland

Sa main s’agrippa fermement à la prise, lui permettant de se stabiliser. À quatre mètres du sol, Wilhelm n’avait pas l’intention de se rompre le cou lors d’une chute mortelle, et il ne lui restait que peu de temps pour terminer son ascension. Prenant une grande inspiration, il leva les yeux pour chercher sur ce mur de pierres un éventuel endroit pouvant servir d’appui. Son regard s’arrêta sur une brique qui saillait légèrement à quelques centimètres au-dessus, lui offrant une prise idéale. Tendant précautionneusement la main vers elle, Wilhelm put ensuite placer ses pieds à l’endroit où quelques secondes plus tôt se trouvaient ses mains, et il s’aperçut qu’il pouvait désormais facilement toucher le toit de l’édifice. Il s’y accrocha, le sourire aux lèvres, et d’une poussée sur ses bras maigres mais déjà musculeux il parvint à se hisser sur la surface légèrement pentue de la toiture. C’est en roulant sur les tuiles qu’il arriva sur le toit, et, ainsi allongé et immobile, il savoura les premières secondes de sa réussite, profitant de cet instant, les yeux perdus dans les teintes rougeâtres du crépuscule.

La vie à Wissenburg était belle, et ces petits plaisirs lui apportaient toujours une grande joie. Courir dans les ruelles, escalader des maisons, observer le crépuscule depuis un endroit élevé, tout cela était pour lui source de bonheur. Wilhelm se releva, les muscles encore échauffés, et s’appuya sur une cheminée pour observer la ville. Le palais ducal était loin, mais on devinait facilement ses murs et ses tours, que le jeune garçon aurait bien aimé gravir. Tout autour de lui la ville bourdonnait encore d’activité en ce début de soirée, les commerces ouvrant leurs portes aux derniers clients qui s’y pressaient après leur journée de travail. Partout on entendait des voix qui parlaient, criaient, pleuraient, congratulaient, remerciaient, suppliaient, et ainsi de suite, dans un concert ininterrompu ponctué par des cris d’animaux, des bruits domestiques et le son de milliers de semelles foulant le sol. La ville était ainsi même quand on ne la voyait pas : vivante, grouillante, à la fois jeune et âgée, enjouée et triste, lumineuse et obscure. Et ses odeurs étaient multiples, offrant aux narines des passants un subtil mélange des senteurs du pain frais, du musc des animaux de trait et d’élevage, et des relents venant des bas quartiers. Lorsqu’on se rapprochait du fleuve s’ajoutait à cela une forte odeur de poisson et de bois humide, le tout formant un fumet qui, il en était sûr, ne se trouvait qu’ici.

Wilhelm aimait et détestait cet endroit, car il ne connaissait que lui, et le connaissait bien. Il avait passé, dans cette ville du Wissenland, toutes les quelques années de son existence. Il en connaissait chaque ruelle, chaque porche, chaque magasin. Il savait où acheter le meilleur pain de temps en temps lorsqu’on lui confiait assez d’argent, il savait où il pouvait grimper sans être inquiété par la garde. Il connaissait les coins où il ne valait mieux pas aller la nuit tombée, et ceux où au contraire personne n’irait lui chercher des ennuis. Mais pour l’heure il avait les yeux braqués sur tout autre chose, qui fascinait et terrifiait à la fois son esprit de jeune adolescent : le monde extérieur. Au-delà des murs d’enceinte, la nature reprenait entièrement ses droits, en-dehors de la route pavée reliant Nuln à Pfeildorf qui partait des deux extrémités de la ville. Mais sinon il n’y avait que des champs, des vallées fertiles et pleines de vies. De plus, les gens qui en venaient ne tarissaient pas sur les nombreux périls qui s’y trouvaient. Ils parlaient d’hommes-bêtes, de peaux-vertes, et de milles autres dangers qui n’en finissaient pas de le faire frissonner. La vie au-dehors avait l’air d’être dangereuse certes, mais incroyablement fascinante, faite de forêts, de chevaliers, de monstres, de joies et de tristesses, avec des villes faisant passer Wissenburg pour un hameau, et des fleuves aux côtés desquelles le Reik ferait office de ruisseau. En définitive, le monde l’attirait et l’effrayait en une fascinante dualité.

Une voix, dont il connaissait le timbre par cœur, retentit quelques mètres plus bas : « Wilheeeeeeelm ! Tu peux descendre ? Papa veut que tu viennes ! » Le jeune homme soupira en réalisant que la magie de l’instant était brisée. Tournant les talons, il regarda en-dessous de lui pour voir le visage de son petit frère, la tête relevée au maximum, qui lui souriait de toutes ses dents. « J’arrive » lui répondit-il, conscient que cela était plus rapide à dire qu’à faire. La descente fut en effet au moins aussi longue que la montée, Wilhelm devant faire attention à chaque mouvement pour éviter de tomber. Une fois arrivé deux mètres du sol, il sauta en arrière et atterrit souplement, faisant au passage sursauter Samuel qui ne s’y attendait pas.

Le cheveu brun, l’œil bleu acier et la face avenante dotée d’une mâchoire volontaire, Wilhelm, alors jeune adolescent, avait bien entamé sa croissance, et son corps maigre développait petit à petit une musculature élancée. La grande quantité d’activités physiques qu’il pratiquait chaque jour contribuait à cette progression, mais il restait encore un jeune garçon. Se redressant après son saut, il sourit à son frère et lui passa la main dans les cheveux. « Merci d’être passé me chercher, petite puce, je vais me dépêcher. » Le surnom fit sourire le visage encore rond de Samuel, qui était habitué à se faire appeler ainsi par son frère. Âgé de dix ans, Samuel était encore un enfant plein d’émerveillement pour le monde, et qui ne se déparait que très rarement de son air enjoué. Ses cheveux blonds étaient constamment en bataille, malgré tout le travail fourni par le coiffeur de la famille, et ce bien au contraire de la chevelure brune de Wilhelm, qu’il affectionnait courte. En outre, Samuel avait le don pour se faire apprécier des gens dès leur première rencontre, de par son sourire désarmant et son innocence charmante. Mais si Wilhelm l’appelait « petite puce », c’était surtout parce que Samuel débordait littéralement d’énergie. Fasciné par un rien, il était capable de se focaliser pendant des heures sur le battement d’ailes d’un papillon, qu’il suivra alors à travers la ville sans s’arrêter. En revanche Wilhelm s’apercevait que cela le rendait aussi très insouciant envers certains dangers très réels, et il essayait constamment de tempérer le comportement parfois étourdi de son petit frère. Pour l’heure, il lui était cependant reconnaissant de l’avoir prévenu de l’appel de leur père, car celui-ci n’aimait en effet pas se faire attendre. Les deux garçons prirent donc immédiatement le chemin de la résidence urbaine de leur famille, sise dans le quartier huppé de la ville.

Tout en marchant, Samuel jeta un œil espiègle à son frère. « C’est ton anniversaire aujourd’hui non ? Est-ce que tu auras un gâteau, comme l’an dernier ? » Wilhelm prit un air interdit, ayant complètement oublié qu’il allait en effet fêter ses quinze ans le soir même. La journée n’avait en effet pas été très différente des autres, commençant par l’entraînement à l’épée et à l’équitation avec maître Ketzhofer le matin et continuant avec les cours donnés par son précepteur en langues, en philosophie et en mathématiques l’après-midi. Son père et sa mère avaient été absents, mais cela ne l’avait pas étonné outre mesure, car ils étaient rarement présents durant la journée. Samuel, lui, avait eu droit au même programme, mais en des lieux différents et avec d’autres maîtres, afin que leurs formations respectives « ne soient pas mises en comparaison ni en compétition ». Les mots exacts de leur père. Son anniversaire était donc passé complètement inaperçu aux yeux de tous, et Wilhelm ne pouvait pas s’empêcher d’en éprouver quelque chagrin en se rappelant que Samuel avait eu droit à un traitement nettement meilleur lors de ses dix ans quelques mois auparavant. Mais quoi qu’il en fût, il ne devait pas montrer ce genre de sentiment devant leur père, sachant très bien ce que ce dernier en penserait.

Les deux frères finirent par arriver dans le quartier de leur maison. Le pavé était de bien meilleure qualité, et les différents bâtiments des deux côtés de la rue faisaient montre d’un travail bien plus minutieux que dans le reste de la ville. Les façades étaient sculptées, les fenêtres disposaient de rideaux et de volets solides, et les murs étaient impeccablement lisses, n’offrant que peu de prises au grand regret de Wilhelm. Les personnes habitant-là étaient au choix des bourgeois ayant réussi ou des nobles de petite envergure. Le jeu permanent de ces quartiers était tourné vers une forme de rivalité entre ces deux castes, les premiers cherchant toujours à montrer aux seconds qu’ils étaient au moins aussi riches, et les seconds faisant de leur mieux pour les ignorer. Cependant, une sorte de tradition les unissait contre les nobles plus importants, résidant dans les quartiers les plus proches du palais ducal, qui eux les dédaignaient les uns comme les autres.

C’est dans cette ambiance que Wilhelm avait été éduqué, sa famille appartenant à la petite noblesse après que son arrière-arrière-grand-père ait été récompensé et anobli par l’empereur –ou du moins un des prétendants, en cette époque troublée de guerre des trois empereurs - pour sa bravoure au combat. Depuis, la famille Kruger possédait une parcelle de terre proche de Wissenburg, leur donnant une source de revenus constante par son exploitation. Outre une demeure fortifiée sur ce domaine, ils disposaient d’une autre résidence à l’intérieur de la ville, où Wilhelm et ses frères avaient été élevés. Cette demeure était une représentante parfaite de l’architecture de ce quartier, avec sa façade décorée par les armes de la famille, son balcon en bronze forgé avec des effigies d’aigles, ses pointes gothiques et ses statues entourant la porte d’entrée. Celle-ci, en chêne massif, s’ouvrit dès que Wilhelm eut frappé, laissant apparaître la mine ridée et soucieuse, entourée de cheveux blancs de Rolf, le majordome de leur famille.

Ayant servi le père et le grand-père de Wilhelm, il était totalement dévoué à la famille de ses maîtres et ne quittait pour ainsi dire jamais l’imposante résidence. Vieux de près de soixante-dix ans, il était encore suffisamment vigoureux pour superviser l’intégralité des taches de la gestion de la maisonnée. Sa femme, Imma, en était d’ailleurs la cuisinière, et Wilhelm la considérait quasiment comme sa grand-mère. Rolf avait un visage allongé, avec un menton pointu et de petits yeux toujours plissés. Ses cheveux coupés mi long lui donnaient un style presque guerrier, qu’il semblait apprécier. Après avoir laissé rentrer les deux jeunes garçons, il referma la porte alors qu’ils pénétraient dans le hall et se tourna vers eux, un léger sourire éclairant son visage. « Vous pouvez vous vanter d’arriver pile à l’heure, petits garnements. Le dîner sera servi d’ici peu de temps, mais vous devez vous décrasser avant. Si Monsieur et Madame vous voient assis à sa table dans cet état de crasse, je ne donne pas cher de mon emploi, et vous écoperez en sus d’une sévère punition. » Wilhelm sourit à son tour au vieux majordome, sachant parfaitement que son père et sa mère estimaient Rolf bien plus que ce qu’il ne venait de le laisser entendre. « D’autant, continua ce dernier, que nous recevons quelques invités ce soir, à l’occasion de votre anniversaire jeune monsieur Wilhelm. D’ailleurs, à ce sujet, votre père désire vous voir séance tenante, donc je vous suggère de vous rendre à son bureau, où il vous attend. » Il tourna ensuite son regard vers Samuel, qui n’avait pas quitté son sourire depuis qu’il avait retrouvé son frère en ville, et le fixa d’un regard perçant. « Jeune monsieur Samuel, c’est donc vous qui irez faire vos ablutions en premier, et pas d’histoires. » Disant cela, il attrapa la main du garçon et le traîna dans un couloir, faisant peu cas des protestations de son captif qui, loin d’obéir docilement, arguait qu’il n’était pas si sale et que le bain pouvait bien attendre. Laissé seul dans l’entrée, Wilhelm était soulagé. Au moins, ses parents n’avaient pas oublié son anniversaire, c’était déjà ça. Peut-être lui préparaient-ils une surprise ? En tous cas, la demande de son père de le voir était inhabituelle, et c’est la curiosité qui lui fit presser le pas en direction du bureau de son géniteur.

*

Gerhardt Kruger, à cinquante et un an, était un homme accompli. Elevé dans le plus grand respect des traditions familiales, de l’honneur et de la valeur, il était entré dans l’ordre des chevaliers du soleil flamboyant après un service exemplaire en tant que pistolier et en était ressorti avec le grade de capitaine, après treize ans de service entrecoupés de l’enseignement nécessaire à la gestion d’une maisonnée. Grand, le corps svelte et musclé par une pratique sportive assidue et régulière, ses cheveux bruns courts et impeccablement peignés ne recelaient d’aucune blancheur. Son visage, agrémenté d’un bouc impeccable, était comme taillé dans la pierre, ne montrant que rarement des signes d’émotions, et seule son épouse arrivait à voir derrière ce masque les signes de son humeur. Il était à cet instant vêtu comme à son habitude d’un sobre pourpoint de couleur vert sombre, avec une veste de la même teinte et des bottes de cuir souple. Une épée pendait à son côté, symbole permanent de son titre et de la valeur qu’il lui attachait. Il savait que certains voyaient en lui un homme sans cœur, à l’esprit sombre, sans pitié pour ses enfants, mais la réalité était toute autre. À vingt-cinq ans il avait peu à peu commencé à prendre les rênes des affaires de la famille, son propre père étant atteint d’une maladie le faisant progressivement perdre pied dans la réalité. Marié à une fille de bonne famille lors d’une union politique, il fut agréablement surpris de trouver en son épouse Lisabeth une personne capable et intelligente en plus d’être d’une grande beauté. Très vite naquit entre eux une affection profonde, renforcée par la naissance successive de leurs trois fils.

Ceux-ci faisaient sa fierté, et il tenait à ce qu’ils reçoivent une éducation au moins supérieure à celle qu’il avait lui-même reçu. Convaincu des bienfaits de l’expérience militaire, et ayant beaucoup appris de son temps chez les chevaliers du soleil flamboyant, il eut tôt fait de prendre la résolution d’envoyer ses propres enfants faire leurs classes dans les pistolkorps puis dans un ordre. Cela se faisait chez les nobles, et il connaissait la valeur qu’un passé de chevalier et le titre attenant pouvaient avoir dans la haute société. Spécifiquement, ses deux fils les plus jeunes n’allant pas hériter de ses terres ou de ses titres, il était important pour eux d’obtenir rapidement une bonne connaissance du monde afin de s’y faire une place. Gerhardt aimait ses enfants, bien plus qu’il ne pouvait le leur dire, mais il aimait aussi ce qu’il voulait qu’ils soient, et en cela ils n’étaient peut-être pas à la hauteur de ses espérances. Pour l’heure, il faisait face à la fenêtre en attendant son puîné, Wilhelm, dont le quinzième anniversaire serait fêté le soir même. Il avait reçu des rapports mitigés de la part de ses professeurs, le jeune garçon étant « doué, extrêmement persévérant dans l’effort et constant dans les progrès » lors de ses leçons d’escrime et d’équitation, mais « intéressé mais ne se sent pas concerné par les mathématiques et par les dissertations » durant ses cours de l’après-midi. Si mon fils veut pouvoir un jour s’établir et fonder une famille, il va avoir besoin de gérer un domaine avec le meilleur niveau de compétences possible, se disait le capitaine Kruger, soucieux de l’avenir de ses garçons. Mais cela allait devoir attendre un peu désormais.

Quatre coups réguliers retentirent à la porte, suivis d’un silence. Le capitaine Kruger compta jusqu’à cinq mentalement, avant d’élever enfin la voix. « Entre » ordonna-il sans même se retourner, reconnaissant son fils à son pas. C’était une compétence dont il s’enorgueillissait secrètement, n’ayant que rarement besoin de ses yeux pour identifier quelqu’un lorsqu’il marchait. Ce pas, léger et rapide, était indubitablement celui de Wilhelm. « Assieds-toi » continua-t-il lorsqu’il eut compté huit pas successifs, estimant que son fils était alors proche de son bureau. Le bruit d’une chaise tirée suivit ses dires, puis la pièce redevint silencieuse. Gerhardt reprit alors la parole au bout de cinq secondes. « Tu reviens de la ville n’est-ce pas ? J’ai dû envoyer Samuel te chercher. Que faisais-tu donc ?

Un autre silence suivit, que Wilhelm rompit rapidement sans broncher.

- J’étais en train de grimper, Père, sur un des bâtiments proches du quartier marchand. Il savait qu’il était inutile de mentir à son père, celui-ci finissant toujours par apprendre la vérité.

- Je t’avais pourtant dit de ne pas continuer tes petites escalades urbaines, s’énerva le capitaine Kruger. Elles sont indignes d’un noble et ne sont qu’une perte de temps. Si tu avais pris ce temps pour travailler tes cours de mathématiques je n’aurais pas eu le même rapport ce matin. »

Wilhelm resta de marbre face à cette nouvelle. En réalité, ses cours le barbaient au plus haut point, et il n’y accordait que peu d’importance, ne voyant pas tellement en quoi le fait de calculer le résultat d’une équation allait être important pour son avenir. À contrario, il s’entraînait bien plus souvent à l’épée, trouvant cette pratique plus attirante. Les défis physiques le passionnaient, alors qu’il ne voyait rien de motivant dans les mathématiques.

Ce fut le moment que son père choisit pour se retourner, constatant que la tenue de Wilhelm était salie par endroits, et que ses cheveux n’avaient pas été peignés depuis certainement plusieurs heures. Mais en-dehors de ça, le jeune garçon qu’il avait devant lui avait déjà des caractères qu’il reconnaissait en lui-même, avec ce regard pénétrant et ce visage franc et droit. Gerhardt soupira, puis alla s’assoir à son bureau à son tour. « Si je t’ai fait venir, c’est pour une autre raison que te reprocher tes incartades, mon fils. Ne crois pas que j’ai oublié qu’aujourd’hui est le jour de ton quinzième anniversaire. » Il sourit en disant cela, savourant le fait de montrer à son fils qu’il pensait à lui. Ce dernier leva la tête pour le regarder d’un œil intrigué, et le laissa poursuivre. « Pour l’occasion, ce soir sera organisé un repas de fête en cet honneur, et j’ai notamment fait venir ton grand frère de l’académie Oppenhauer de Nuln. Il devrait arriver dans peu de temps. » Cette fois, le changement fut plus manifeste, Wilhelm écarquillant les yeux tout en souriant le moins possible. « De plus, continua Gerhardt, je te rappelle que lui-même est parti pour à l’âge de quinze ans. Dans quelques semaines un nouveau cycle commencera à l’académie, et tu y iras faire tes classes en tant que futur pistolier. Vinzent te conduira là-bas, puis il reviendra ici. Il est temps pour toi d’évoluer dans un monde plus compétitif afin de faire de toi un homme.  »

Cette fois-ci, le capitaine Kruger put se féliciter d’avoir réussi son effet. Mais le résultat ne fut pas celui qu’il attendait. Alors qu’il espérait voir son fils sauter de joie à l’idée de faire honneur à sa famille et de faire un grand pas vers la vie d’adulte, il vit le visage de Wilhelm se fermer tout d’un coup, les yeux toujours écarquillés mais sans trace de son sourire. En vérité, ce dernier était totalement abasourdi. Partir ? Il ne s’était jamais imaginé qu’il allait devoir quitter le foyer familial aussi tôt, sans y être préparé. En y réfléchissant, il se rappelait vaguement que Vinzent n’avait pas particulièrement bien prit la nouvelle non plus trois ans plus tôt. Et pourtant, il avait toujours envié son grand frère d’être parti se préparer à la vie de chevalier, qui plus est dans l’une des plus prestigieuses académies de l’empire. Il avait longtemps espéré que son tour viendrait, mais ne s’attendait pas à ce que cela arrive sans prévenir. « Eh bien Wilhelm » reprit son père d’un ton où pointait une légère ironie, « Je vois que tu en es transporté de bonheur. » Le jeune garçon reprit quelque peu sa contenance, et parvint à articuler quelques mots. « C’est que…en fait…voilà…c’est inattendu. » Wilhelm ne parvenait pas à garder sa contenance, les valves émotionnelles cédant les unes après les autres dans son esprit. Il parvint cependant à garder le regard fixe, et c’est presque dans un état second qu’il s’entendit dire « Je vous remercie, père. Puis-je me retirer pour me préparer ? » Le capitaine Kruger, incertain de ce qu’il venait de provoquer, donna son congé à son fils, lui intimant simplement d’être dans le salon dès sept heures. L’esprit rempli d’émotions contradictoires, Wilhelm quitta la pièce et se dirigea vers sa propre chambre. Gerhardt observa la porte close pendant un long moment, ne sachant que penser de la réaction de son puîné.

Déambulant dans les couloirs de la grande demeure, le jeune garçon laissait libre cours à ses pensées, aux plus tristes comme aux plus excitantes. Il allait partir, longtemps, loin, avec son grand frère qu’il n’avait pas vu depuis des années comme seul rattachement à sa vie actuelle, et encore jusqu’à Nuln, après quoi il serait seul. Il allait devoir dire au-revoir à Samuel, à Rolf, à Imma. À ses parents. À ses maîtres, même s’il soupçonnait l’un d’entre eux au moins d’en être soulagé. Mais il allait aussi quitter Wissenburg, cette ville dont il avait assez, pour aller au-delà, pour devenir chevalier, pour découvrir la grande ville de Nuln, ses beautés, ses dangers, et ses mystères. Il savait que cette cité était grande, puissante, et fourmillant d’une population hétéroclite que son père avait tendance à qualifier de « vulgaire », mais il ignorait tout le reste, de la distance à parcourir, des dangers auxquels il serait confronté, de ce qu’il allait devoir accomplir en tant que futur chevalier, et une infinité d’autres choses. Wilhelm se rendit peu à peu compte de l’insouciance dans laquelle il avait vécu jusque-là, profitant gaiment de la vie sans réellement penser au futur. Et celui-ci l’avait rattrapé avec fracas, le laissant désemparé face à ces nouvelles perspectives.

Ressassant ces noires pensées, il poussa la porte de sa chambre, une pièce située au premier étage et qui, orientée Nord, était rarement ensoleillée. Spacieuse, elle contenait son lit dans un coin, un bureau devant la fenêtre et plusieurs étagères qui couvraient la plupart des murs. S’empilaient sur celles-ci des objets témoignant de son enfance, tels que des jouets en bois représentant des chevaliers, des nains, des elfes et des dragons. Plus loin, plusieurs répliques d’armes en bois finement ouvragées mais usées montraient la passion que Wilhelm, encore enfant, témoignait pour la pratique militaire. Le reste des étagères était remplies de livres, dont il ne connaissait que très peu le contenu, n’ayant pas d’attrait particulier pour la lecture malgré l’insistance de son père à ce sujet. Sur son bureau s’entassaient pêle-mêle ses cours les plus récents, ainsi que son épée d’entraînement qu’il avait posé là après sa dernière leçon. Il se dirigea vers son armoire, un imposant meuble posé en plein milieu du mur à gauche en rentrant, et se força à écarter momentanément ses soucis pour sélectionner les vêtements de la soirée à venir.

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Dernière édition par Arcanide valtek le Ven 8 Juin 2018 - 21:41, édité 6 fois

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Mer 16 Mai 2018 - 19:06
Eh bien mince alors. Je suis bouleversé, et ce à plusieurs titres.

Disons-le sans faire de détour, le profil d'un cadet d'une famille relativement aisée, qui a jusqu'à présent vécu dans une relative insouciance et qui brusquement se trouve confronté à son avenir, eh bien, ce profil me correspondrait IRL, à quelques détails près Fou  
Et comme je suis en ce moment en train de ruminer sur mon sort, je me trouve également soucieux de pouvoir un jour rédiger la geste d'un héros qui traverserait des tourments similaires, loin des balades alambiquées d'un certain chroniqueur.
Ton entrée en matière pour Wilhelm semble être une soudaine incarnation d'un tel projet, et la coïncidence me paraît fort troublante et amusante à la fois Blink

Tout cela est monumentalement amplifié par la qualité de ta narration, qui nous décrit (sans trop de "gothic darkness" qu'affectionne tant GW) la vie d'un adolescent d'une ville impériale, avec à la fois poésie et simplicité et efficacité.

A bien y repenser, voila qui signifie qu'il a du s'en passer des choses entre les escapades juvéniles au Wissenland et les joutes terrificques d'un certain tournoi. Tout naturellement, j'exige je demande

Clap la suite ! Clap
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Mer 16 Mai 2018 - 20:34
Je n'ai point grand chose à ajouter de plus, Von Essen ayant déjà dressé une critique plus qu'efficace. Mais je le répète quand même : c'est du bon tout ça Cool

Ton style d'écriture se suit sans problème et le voir en action sur des projets plus long que lors d'interludes de tournoi fait diablement plaisir.

Ah, si. J'ajouterais tout de même un commentaire qui, en un sens, s'adresse à tout ceux qui ont écrit les origines d'un personnage vampire. Il y a un certain côté tragique, de calme avant la tempête, dans ces histoires qui, on le sait, vont mal tourner à un moment. Après tout, le personnage est voué à mourir pour prendre sa nouvelle condition de buveur de sang. Et je trouve ça assez fascinant comme effet sur le lecteur.
Il en résulte une ambiance fataliste, voire de curiosité morbide, où on se demande quand/comment/pourquoi notre héros va "mourir" dans des évènements plus ou moins atroces, qu'est-ce qu'il va y perdre ou y gagner, etc... Pour ensuite le voir affronter l'inconnu avec de nouvelles capacités dans un monde qui a changé, de son point de vue. On y rajoute la sempiternelle question du "qu'est-ce qui a bien pu lui arriver avant son apparition dans [...]" et autant dire que le suspens existe presque tout seul Sourire

Tout ça pour dire, que ça promet et que j'attends, moi aussi, la suite Tongue

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Mer 16 Mai 2018 - 23:23
Merci beaucoup de vos commentaires, ça fait super plaisir Blushing .

Von Essen a écrit:Eh bien mince alors. Je suis bouleversé, et ce à plusieurs titres.

Disons-le sans faire de détour, le profil d'un cadet d'une famille relativement aisée, qui a jusqu'à présent vécu dans une relative insouciance et qui brusquement se trouve confronté à son avenir, eh bien, ce profil me correspondrait IRL, à quelques détails près. Fou

Et comme je suis en ce moment en train de ruminer sur mon sort, je me trouve également soucieux de pouvoir un jour rédiger la geste d'un héros qui traverserait des tourments similaires, loin des balades alambiquées d'un certain chroniqueur.
Ton entrée en matière pour Wilhelm semble être une soudaine incarnation d'un tel projet, et la coïncidence me paraît fort troublante et amusante à la fois Blink
J'en suis très surpris. Et je comprends que la coïncidence te trouble. Je pense que j'aurais réagi de la même façon.

Von Essen a écrit:
Tout cela est monumentalement amplifié par la qualité de ta narration, qui nous décrit (sans trop de "gothic darkness" qu'affectionne tant GW) la vie d'un adolescent d'une ville impériale, avec à la fois poésie et simplicité et efficacité.
Je dois en cela être pas mal influencé par mes propres lectures. La première qui me vient à l'esprit est "Fortune de France", une saga historique aux XVIeme et XVIIeme siècle écrite par Robert Merle. On y suit l'histoire d'un jeune fils de petite noblesse qui évolue dans la France de l'époque, depuis sa naissance jusqu'à son grand-âge, et avec notamment une grande partie au début consacrée à son apprentissage de la vie (et après on suit même son fils, mais je m'égare).

Enfin bref, j'ai voulu représenter le fait que globalement la vie dans l'empire ce n'est pas que mort et misère. Au début cependant je voulais faire de lui un jeune presque sans le sous, mais je n'arrivais pas à trouver de raison valable de lui faire intégrer les pistolkorps (il y a que les nobles qui peuvent).

Von Essen a écrit:
A bien y repenser, voila qui signifie qu'il a du s'en passer des choses entre les escapades juvéniles au Wissenland et les joutes terrificques d'un certain tournoi.
Oh oui, un paquet Fou .


Hjalmar Oksilden a écrit:Ton style d'écriture se suit sans problème et le voir en action sur des projets plus long que lors d'interludes de tournoi fait diablement plaisir.
Crying C'est beau ce que tu dis. J'en suis tout tourneboulé.


Hjalmar Oksilden a écrit:Ah, si. J'ajouterais tout de même un commentaire qui, en un sens, s'adresse à tout ceux qui ont écrit les origines d'un personnage vampire. Il y a un certain côté tragique, de calme avant la tempête, dans ces histoires qui, on le sait, vont mal tourner à un moment. Après tout, le personnage est voué à mourir pour prendre sa nouvelle condition de buveur de sang. Et je trouve ça assez fascinant comme effet sur le lecteur.
Il en résulte une ambiance fataliste, voire de curiosité morbide, où on se demande quand/comment/pourquoi notre héros va "mourir" dans des évènements plus ou moins atroces, qu'est-ce qu'il va y perdre ou y gagner, etc... Pour ensuite le voir affronter l'inconnu avec de nouvelles capacités dans un monde qui a changé, de son point de vue. On y rajoute la sempiternelle question du "qu'est-ce qui a bien pu lui arriver avant son apparition dans [...]" et autant dire que le suspens existe presque tout seul
J'ajouterais même un point supplémentaire : ça s'applique aussi à moi. Car si en l'état j'ai une très bonne idée de la période durant laquelle Wilhelm sera transformé, je n'ai encore pas décidé des circonstances exactes. Elles vont certainement apparaître comme une révélation, et je me contenterai alors de les raconter.

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Jeu 17 Mai 2018 - 22:05
Heyyy Ferragus c'est un perso breto secondaire à moi ça ! Prem's !

Sur le sol étaient tracés au charbon plusieurs symboles étranges, et sur les meubles, de simples tables posées contre les murs, étaient couverts d’outils
Y'a un truc qui colle pas avec cette moitié de phrase je crois

Très sympatosh comme intro avec nos camarades Tzeenshites si je ne m'abuse. Mise en page, orthographe, vocabulaire, c'est propre cela se lit nichel ^^

A mi-lecture je pronostique : Ferragus a rejoint le torse de cette tête de piaf !

Comme expliqué en tchat, la balise [recit] ne faisait pas l'unanimité. Or, étant un script js, il s'agissait un outil couteux en perf à l'affichage des pages. Du coup je l'ai retiré. Pas impossible cependant qu'elle fasse son retour sans js maintenant que j'ai accès aux outils d'admin.




Âgé de dix ans, Samuel était encore un enfant
mon coeur de pokédresseur saigne en apprenant cela  Mr. Green

Son père et sa mère avait
s'pas au pluriel ici ?


« Eh bien Wilhelm » reprit son père d’un ton où pointait une légère ironie, « Je vois que tu en es transporté de bonheur. »
adroite manœuvre de donner le ton, j'aime beaucoup

de la réaction de son cadet.
s'il est deuxième sur trois, peut-on dire qu'il est "le cadet" ?

qui faisait face au Nord, ce qui fait qu’elle était rarement ensoleillée
le présent coupe un peu le rythme ici. L'imparfait aurait été plus adapté je pense quitte à avoir une répétition (a moins de placer "orientée Nord")



Maintenant je comprends pourquoi tu te renseignais sur le corps des pistoliers impériaux il y a quelques semaines ^^

Tu es un adepte du ", et". J'y succombe moi aussi souvent. Cependant on m'a régulièrement dit que c'était à éviter et que le "et" simple était à privilégier. Mais c'est un détail dont beaucoup se fichent en vrai...

Ma foi une introduction en douceur des évènements à venir. Je me souviens pas aussi bien de Wilhelm que je le voudrais du tournois de la Reiksguard mais c'est avec joie que je vais apprendre à le découvrir dans les prochains chapitres ! Pas courant qui plus est de commencer avec un enfant pour nous vampires car, comme cela a été évoqué par mes camarades... ben il doit mourir. Certes il va surement grandir, mais ici nous avons affaire a un "innocent". Suite prometteuse donc. Next !
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Ven 18 Mai 2018 - 0:43
Un lecteur de plus  Wow .

vg11k a écrit:Heyyy Ferragus c'est un perso breto secondaire à moi ça ! Prem's !
Alors tu vas rire mais j'ai sélectionné ce prénom dans le bouquin Wjdr v2 des bretos, sans savoir que tu l'avais déjà utilisé. J'en ai d'ailleurs été surpris, mais j'ai quand-même décidé de le réutiliser.
vg11k a écrit:
s'il est deuxième sur trois, peut-on dire qu'il est "le cadet" ?
Alors il m'a toujours semblé que le "cadet" était le deuxième. Mais je peux me tromper.

EDIT d'après Wiktionnaire c'est :

   (En parlant d’un fils ou d’une fille, d’un frère ou d’une sœur, considérés absolument) Qui est né après l’aîné, qui est le deuxième ; qui est le plus jeune.

Donc je pense avoir raison.

Sinon j'avoue que je ne me suis jamais posé des questions sur le rythme de lecture. Que ce soit l'apparition du présent ou sur le ", et". Pour ce dernier j'imagine la phrase être prononcée dans ma tête, et quand je sens qu'il faut une pause je la met (tiens d'ailleurs je viens de le faire inconsciemment juste là  Fou ).

Par contre je me suis beaucoup inspiré de tes conseils d'écriture, notamment sur les dialogues. Le verbe "dire" est quasiment proscrit, j'essaie de systématiquement le remplacer.

Ah et la phrase du début a été corrigée. Oui elle clochait, la faute à une tournure de phrase qui change en plein milieu d'écriture, et qui échappe aux relectures.

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang 2442907557  "Et quand les morts se lèvent, leurs tombeaux sont remplis par les vivants"  La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang 2442907557

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Ven 18 Mai 2018 - 9:39
je me suis beaucoup inspiré de tes conseils d'écriture
Heureux qu'ils t'aient aidé Love

(En parlant d’un fils ou d’une fille, d’un frère ou d’une sœur, considérés absolument) Qui est né après l’aîné, qui est le deuxième ; qui est le plus jeune.
Sans mettre les mains dans les méandres de notre belle langue (je serais bien mal placé pour donner des leçons dessus...), selon moi c'est surtout une affaire de contexte. Cadet sera toujours le membre le plus jeune du groupe désigné. Le cadet d'un groupe de 5 est le plus jeune des cinq. Or : "Gerhardt observa la porte close pendant un long moment, ne sachant que penser de la réaction de son cadet." corrige moi si je me trompe, mais le "groupe" désigné implicitement est les 3 fils. Le Cadet est donc Samuel :-/
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Ven 18 Mai 2018 - 10:10
vg11k a écrit:
(En parlant d’un fils ou d’une fille, d’un frère ou d’une sœur, considérés absolument) Qui est né après l’aîné, qui est le deuxième ; qui est le plus jeune.
Sans mettre les mains dans les méandres de notre belle langue (je serais bien mal placé pour donner des leçons dessus...), selon moi c'est surtout une affaire de contexte. Cadet sera toujours le membre le plus jeune du groupe désigné. Le cadet d'un groupe de 5 est le plus jeune des cinq. Or : "Gerhardt observa la porte close pendant un long moment, ne sachant que penser de la réaction de son cadet." corrige moi si je me trompe, mais le "groupe" désigné implicitement est les 3 fils. Le Cadet est donc Samuel :-/
Alors mes recherches sur le sujet m'ont révélé que "cadet" faisait souvent référence à un enfant "plus jeune", c'est-à-dire par rapport à un autre. Le mot utilisé pour désigner le dernier enfant est "benjamin" (oui, comme le prénom).

Mais globalement, il est apparu que "cadet" était quand-même plutôt ambigüe dans sa définition exacte. La définition du Wiktionnaire était peu claire sur la question. Je vais essayer de reformuler tout ça.

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Sam 26 Mai 2018 - 14:35
Il sera dit que je ne mettrai la suite qu'en double post. Camouflé Ninja

Et en en parlant, la voilà :

Chapitre II


La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Nuln

Wilhelm devait se retenir à grand peine de ne pas lancer son cheval au galop dans les ruelles. Chaque nouveau carrefour apportait son lot de mystères et de merveilles, et le jeune homme se retournait constamment pour regarder quelque détail qu’il avait raté. À côté de lui, Vinzent affichait une mine ennuyée, n’ayant pas caché son envie de revenir le plus tôt possible dans la demeure familiale. Au cours des derniers jours, Wilhelm avait voyagé avec son grand frère pour que celui-ci le mène à l’académie et le présente au directeur. Cela faisait maintenant trois ans que Vinzent y était parti, et du jeune homme snob et dégingandé qu’il était à l’époque il était revenu droit comme un i, empreint de manières très militaires et arborant une fine et élégante moustache sur son visage allongé au nez proéminant. Mais il en pensait en avoir terminé avec cette partie de sa vie, et ne s’imaginait pas remettre les pieds à Nuln de sitôt, désirant plutôt intégrer au plus vite un ordre de chevalerie maintenant qu’il avait fait ses preuves au sein des pistolkorps.

Il ne fallut guère de temps à Wilhelm pour comprendre que sans son frère il aurait été complètement perdu. Les rues s’enchaînaient sans noms ni logique, et seul le chapeau emplumé de Vinzent lui permettait de se repérer dans ce dédalle. Ils avaient pénétré Nuln par l’entrée Sud, généralement peu empruntée, et progressaient maintenant parmi des bâtiments relativement neufs, du moins comparé à leurs équivalents à Wissenburg. Interrogé sur le sujet, Vinzent répondit que l’ancienne capitale avait été mise à sac et brûlée un siècle et demi auparavant, lors de l’attaque du grand chef orque Gorbad « Griffe eud’fer ». La ville avait mis du temps à s’en remettre, et de nombreux bâtiments avaient dû être reconstruits. Il était cependant évident que les quartiers qu’ils traversaient n’avaient rien de riches, l’architecture étant sobre, les gens simplement vêtus, et plusieurs fois quelque mendiant leur demandait une petite piécette d’un sourire édenté. Vinzent passait son chemin sans que rien dans son attitude ne montre qu’il l’ait remarqué, mais Wilhelm se sentait à chaque fois très gêné. Il avait essayé une fois, à Wissenburg, de donner de l’argent à un sans-abri, mais son père l’avait vertement réprimandé. « On ne s’abaisse pas à donner de nos biens à ceux qui n’ont rien fait pour le mériter » avait objecté le capitaine Kruger. « Ceux qui sont ici ne sont que des fainéants, et leur prédicament n’est que de leur fait, aussi les nourrir ne fait qu’encourager leur comportement attentiste. » Wilhelm n’avait pas retenté depuis.

Leur progression était lente, la masse humaine se pressant de tous les côtés. Les cris, les huées, les enfants courant dans les artères, les passants qui se pressaient à chaque intersection, tout cela les enveloppait. La ville semblait immense aux yeux de Wilhelm, même s’il savait que la capitale était encore plus peuplée. De temps en temps la vue se dégageait et il pouvait apercevoir quelque haut édifice qui dépassait du reste. Il demandait alors instantanément à son frère de quoi il s’agissait, et celui-ci lui répondait de la même voix lasse. « C’est l’atelier Bauer, qui fournit beaucoup d’armes à feu pour l’armée » répondit-il quand Wilhelm lui désignait un bâtiment plus long que les autres sur lequel se détachait une enseigne rutilante. Plusieurs autres eurent également droit à leur description sommaire, Vinzent ne s’épanchant pas en longs discours.

Pourtant, une trentaine de minutes après leur arrivée en ville, le soleil de midi éclaira un sourire sur son visage. Ils venaient d’arriver devant le Reik, et devant leurs yeux s’étendait le pont de Nuln, considéré comme l’une des merveilles du vieux monde. Wilhelm retint son souffle devant la grandeur de l’œuvre. De fait, c’était une vue impressionnante, car étant l’un des tous derniers endroits où il est possible de traverser le Reik en une seule fois, cela en faisait le pont le plus long de tout l’empire. D’une très grande largeur, il était majoritairement fait de pierres et de bois, et ses bords étaient parsemés de sculptures magnifiant les dieux et certaines des figures d’importance de l’Histoire de l’empire et de Nuln, tel que l’empereur Foulques qui avait fait de la ville sa capitale. Mais c’est la section centrale qui attirait le plus le regard. Celle-ci, intégralement faite en acier, était séparée du reste du pont par deux arches, chacune entourée d’une paire de tours, qui servaient autant de poste de défense et de contrôle que d’emplacement d’un mécanisme particulier. En effet, un complexe système de rouages et de poulies permettait de soulever le tablier au milieu du pont, ceci pouvant servir autant dans un but défensif que pour permettre à un gros bateau de passer sans encombre. L’édifice avait beaucoup souffert durant la WAAAGH Gorbad, la garnison étant forcée d’en détruire une partie pour empêcher les orques de passer. Même si le stratagème échoua à arrêter le chef orque, qui fit amener ses propres embarcations, quelqu’un de haut placé dut voir que la possibilité d’ouvrir et fermer un pont était d’un grand intérêt stratégique. Lors de sa reconstruction les ingénieurs furent chargés de mettre au point un système permettant cela sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à la destruction du pont lui-même.

C’est en avançant sur ce pont que Wilhelm aperçut alors les bâtiments les plus imposants du Nord de Nuln. Le palais tout d’abord, situé à l’extrême Nord de la ville. Immense construction de pierres tenant plus de la forteresse que de la demeure d’agrément, pourvue de nombreuses tourelles et de balcons crénelés, sa forme sombre dominait la cité de par sa hauteur et son aspect. Une haute muraille l’entourait, n’offrant comme seule entrée dans l’édifice un châtelet entourant une lourde porte de chêne. Sur la gauche, il pouvait également apercevoir la structure monumentale et intimidante de la non moins célèbre Université de Nuln, située en plein cœur du quartier de l’Universität – nommé ainsi en raison de la présence de cette vénérable institution.

Wilhelm commençait à se sentir légèrement intimidé. Passée, la joie espiègle ressentie dans les ruelles de la grande ville, au milieu de la foule. En avançant sur le pont, il se rendait compte peu à peu de la grandeur du monde qui l’entourait. Partout ici étaient des gens qui donnaient la preuve de leur travail acharné et de leur dévotion, que ce soient les étudiants, les soldats, ou même son frère, qui après trois ans ici allait rejoindre Wissenburg avant de postuler dans un ordre de chevalerie. Lorsque, quelques jours auparavant, Wilhelm lui avait demandé quel choix il avait fait concernant l’ordre en question, Vinzent lui avait longuement parlé de l’ordre de l’épée scintillante, de la noblesse de leur combat et de l’espoir qu’ils apportaient aux gens de l’ancien Solland. C’était une des seules fois où il avait quitté son air blasé, son regard étant au contraire brillant alors qu’il parlait. Wilhelm comprit à ce moment-là que son frère avait véritablement trouvé sa voie, et il réalisa que lui-même avait hâte de trouver la sienne.

Leur chemin les entraîna au-delà du pont dans le Handelbezirk, le quartier marchand, où l’humeur ambiante était encore plus sonore et populeuse que dans le sud de la ville. Ici la rue principale, encombrée d’hommes, de chariots et de bêtes, était entrecoupée de très nombreuses artères qui s’enfonçaient dans un labyrinthe de ruelles et de maisons. Personne ne semblait faire attention à eux, tant chacun semblait être occupé à quelque affaire précise, et les rares qui leur adressait la parole le faisaient pour leur intimer de sortir de leur chemin, dans des langages plus ou moins fleuris suivant l’individu. Vinzent répondait parfois avec la même énergie que leurs interlocuteurs, et Wilhelm se rendit compte que ces injures avaient moins pour but d’insulter la personne que de lui montrer qu’on avait du répondant. En clair, il s’agissait d’un jeu de charisme, et cela le fit sourire.

Lorsqu’ils évoluaient dans la rue commerçante, Wilhelm se hasarda à interroger Vinzent sur leur destination. « À quoi ça ressemble dans l’académie ? Est-ce qu’il risque d’y avoir de nombreuses personnes ?

Le jeune homme au chapeau à plumes prit un instant avant de répondre à son jeune frère.

- C’est assez spacieux, plus qu’à la maison, mais rien à voir avec le palais ici. Maître Oppenhauer possède aussi un terrain en-dehors de la ville, où il vous fera pratiquer le combat ou le tir en plein air. Dans ma promotion, on est une quinzaine de diplômés.

- ‘Maître’ ? C’est comme ça que vous l’appelez ? S’étonna Wilhelm.

- Et c’est comme ça que tu l’appelleras aussi, soupira Vinzent. Il est très à cheval sur la politesse et les bonnes manières. Lors des repas, il te faudra très bien te tenir.

- Père m’a raconté une fois qu’il fait participer les élèves à la guerre. Tu as dû le faire ? Wilhelm avait du mal à contenir son engouement, et celui-ci était contagieux, car Vinzent se surprit à ressentir l’excitation qui précédait un affrontement alors que ceux auxquels il avait participé défilaient dans sa mémoire.

- Oui, s’amusa l’ainé, mais ne vas pas croire que tu vas guerroyer dès la semaine prochaine. Il va te falloir attendre au moins un an ou deux avant de faire ton premier pas sur un champ de bataille. Mais tu seras très occupé entre temps, je te rassure. »

C’est dans l’excitation croissante de Wilhelm que les deux frères entamèrent l’ascension de l’Altestadt, le quartier le plus riche de Nuln, après avoir passé une arche dans la muraille qui le séparait du reste de la ville. Ici, point de chariots, de bêtes ou de cris, les rues étant au contraire calmes, propres et larges. Les rares passants étaient vêtus d’atours bien plus riches et plus chers que tous ceux qu’ils avaient vus jusqu’alors dans cette cité. Leur propre vêture, bien que de bonne qualité, ne jouait pas tellement à leur avantage à cause de la poussière de plusieurs journées de voyage, et les rares personnes qui firent signe de les avoir remarqué n’avaient pas l’air enchantées de l’avoir fait. Wilhelm n’en avait cure cependant, tout à son imagination, tandis que Vinzent s’épousseta nerveusement tout en essayant de redresser son chapeau. Il était le représentant aîné de sa famille, et, par Sigmar, il fallait qu’il s’en montre digne.

Il les mena dans une ruelle adjacente, laissant Wilhelm admirer les demeures toutes plus impressionnantes les unes que les autres. Cet endroit lui rappelait leur quartier natal à Wissenburg, avec ces décorations ostentatoires et ces bâtiments à l’architecture très évoluée. Les rues elles-mêmes étaient une vision superbe, avec les multiples statues et arches qui les bordaient. Quelquefois il aperçut la devanture d’un restaurant chic, où le gratin de la ville se réunissait certainement. Enfin, Vinzent fit arrêter sa monture devant un portail de bronze, et d’une voix satisfaite déclara « c’est ici. »

Wilhelm embrassa l’endroit en question du regard. Clairement, il s’agissait de la plus grande propriété alentours, et ressemblait plus à un manoir qu’à l’idée qu’il se faisait d’une académie militaire. Devant lui s’étendait un grand jardin garni d’arbres, avec au fond un bâtiment à trois étages de style gothique dont la large façade de pierres noires au-dessus de laquelle plusieurs tours pointues s’élevaient vers le ciel. Sans perdre un instant, Vinzent démonta et prit son cheval par la bride, immédiatement imité par Wilhelm qui se résolut à faire ce que son frère lui dirait. Le moment fatidique où il entrerait dans sa nouvelle vie approchait, et il se sentait désormais intimidé. Les deux jeunes hommes s’avancèrent vers la porte à double battants au bout d’une allée traversant le jardin. Des bruits de métal s’entrechoquant mêlés à des exclamations vocales parvinrent aux oreilles de Wilhelm, qui comprit que des personnes devaient s’entraîner au combat non loin de là. Vinzent frappa trois coups à la porte, qui s’ouvrit quelques secondes plus tard sur un homme au visage visiblement marqué par de nombreuses batailles. Il était sobrement vêtu d’un pourpoint et d’un pantalon rouges sombres, accompagnés d’une veste marron et de bottes en cuir, la qualité de l’ensemble étant indéniablement élevée. Nu-tête, les cheveux poivres et sel coupés courts, il arborait par contre une impressionnante moustache assortie d’une barbe taillée en pointe. Son regard direct et profond frappa Wilhelm, qui sentit immédiatement qu’il était en présence de quelqu’un d’une trempe militaire. De fait, même s’il s’appuyait sur une canne de sa main gauche, son maintien était martial.

Vinzent se mit immédiatement au garde-à-vous, surprenant Wilhelm, et le regard qu’il lui lança en dit long sur le respect qu’il vouait à cet homme. C’est presque avec déférence qu’il demanda « maître, je ne m’attendais pas à ce que vous répondiez à la porte, mais je suis ravi de vous voir. Comme vous le savez certainement, je suis accompagné de mon frère, Wilhelm, qui doit devenir votre élève à partir de cette année.

- Repos Vinzent, repos, sourit le vieil homme, je passais par là et je ne voyais pas l’intérêt de demander à quelqu’un d’autre d’ouvrir ma propre porte. Et tu n’as plus à m’appeler ‘maître’, c’est plutôt ‘capitaine’ désormais. »

Il tourna ensuite son visage vers Wilhelm, qui réfléchissait à toute vitesse. Ainsi la porte leur avait été ouverte par le fameux capitaine Hermann Oppenhauer, celui qui avait monté cette institution à sa sortie de l’armée. Il rassembla rapidement toutes les connaissances qu’il avait sur cet homme : capitaine de la Reiksguard et brillant officier de campagne, il avait été gravement blessé à la jambe lors d’un affrontement contre des hommes-bêtes. Plutôt que de profiter d’une retraite à la capitale, il avait monté cette affaire lucrative dans sa ville natale de Nuln. Ayant le nez creux et de bonnes relations, il créa cette académie militaire dédiée à la formation des fils de noblesse de bonne famille, et proposa ses services à plusieurs personnes à diverses hautes positions. Très vite sa renommée fut établie, car sa longue expérience lui permit de dispenser une instruction de grande qualité, et les premiers qui en sortirent devinrent tous d’exemplaires chevaliers. Son affaire prospéra, engendrant une bonne quantité de candidatures qu’il triait désormais sur le volet, autant en fonction du candidat que de ce que sa famille était prête à payer, et ne prenait que peu de personnes par an. En échange de l’entraînement de son propre fils, la comtesse de Nuln avait fini par lui accorder une parcelle de terrain non-loin de la ville pour y pratiquer des exercices de bataille.

Wilhelm savait que sa propre famille avait beaucoup sacrifiée pour que Vinzent, lui, et plus tard Samuel puissent y étudier, mais leur père voulait que ses enfants aient ce qu’il se faisait de meilleur, et il entendait bien ne pas le décevoir. C’est donc avec détermination qu’il soutint le regard de l’ancien officier, avant de faire le meilleur salut qu’il put et de s’exclamer « Ravi de vous rencontrer maître Oppenhauer. Ce sera un honneur que d’étudier sous votre direction et votre toit. »

Vinzent eut un sourire gêné, tandis qu’Oppenhauer répliqua d’un ton autoritaire « Jeune homme, je te remercie de ta bonne volonté, mais à partir de maintenant tu devras apprendre à ne parler que lorsqu’on t’en donne l’ordre. Maintenant, va t’installer dans le dortoir des premières années, quelqu’un viendra s’occuper de ton cheval. C’est bien compris ?

- Oui Maître ! »

Wilhelm entreprit de réunir ses affaires, et pénétra ensuite dans l’imposante bâtisse alors que son frère et son nouveau ‘maître’ devisaient dehors. La porte donnait sur un hall spacieux, au sol couvert d’un parquet sombre et dont les murs étaient ornés de multiples références militaires. Epées, boucliers et bannières s’étendaient devant ses yeux qui s’illuminèrent d’admiration. Deux couloirs quittaient la pièce, un à droite et un à gauche, et un escalier montant était également visible dans une pièce à sa droite. En face de lui quatre larges baies-vitrées laissaient entrer la lumière du jour, et au vu des mouvements qu’il devinait de l’autre côté c’était là la provenance du bruit de ferraillage.

Après quelques minutes d’exploration infructueuse, il finit par demander son chemin à une femme de chambre. L’intérieur du bâtiment était labyrinthique, avec de multiples couloirs et escaliers, tous ornés de tableaux, de tapisseries ou d’équipements et de trophées militaires. Le dortoir des premières années se trouvait dans l’aile Ouest, au troisième étage, et consistait en une vaste salle toute en longueur, séparée en un ensemble d’alcôves semi-privées par des cloisons. Par contraste avec le reste de l’académie il n’y avait que peu d’ornementations, la salle étant peu décorée. Une fenêtre, un lit simple, une penderie et un bureau, voilà tout ce dont chaque alcôve disposait, et Wilhelm s’avança à pas mesuré pour détailler ce nouvel environnement qui allait devenir son quotidien. Il s’aperçut rapidement qu’il n’était pas seul, car sur l’un des lits il vit un jeune homme d’à peu près son âge en train de lire un volume relié de cuir. Plusieurs autres similaires étaient posés sur le bureau, rappelant à Wilhelm les longues leçons qu’il avait subie des après-midi durant. « Bonjour », commença Wilhelm, « tu es nouveau ici aussi ? » L’autre baissa son livre, révélant un visage pâle constellé de boutons d’acné et encadré de cheveux noirs, et en un instant il s’était levé et lui tendait une main amicale. « Je suis arrivé ce matin de Pfeildorf, je m’appelle Kurt. Je n’étais pas le premier cela dit, Dieter est arrivé avant moi, mais il est parti observer les autres pendant leur entraînement.

- Les autres ? Demanda Wilhelm en lui serrant la main tout en tournant la tête de droite et de gauche, avant de comprendre : Ah, les élèves de deuxième et troisième années.

- Oui voilà, acquiesça Kurt, ils sont en train de s’exercer dans la cour, mais moi j’ai préféré continuer ce traité de tactique. »

Un traité de tactique ? Wilhelm réalisa soudain avec appréhension qu’il avait peut-être espéré un peu trop vite que ses années d’études de textes écrits étaient terminées, et hocha la tête sans dire un mot. Kurt l’observa, silencieux lui aussi, alors qu’il jetait des coups d’œil au reste de la pièce, et Wilhelm se rendit compte qu’il avait oublié l’une des plus élémentaires règles de politesse. « Désolé, commença-t-il, je ne me suis pas présenté. Je suis Wilhelm, Wilhelm Kruger, de Wissenburg. Mon frère et moi venons d’arriver en ville, mais lui doit repartir demain. Il a déjà suivi la formation. » Il s’arrêta un instant, avant de reprendre « tu sais où je peux m’installer ? Je ne sais pas quels lits ont déjà été pris.

- Oh pour ça c’est simple, sourit Kurt en désignant le plafond, il y a une plaque au-dessus de chaque alcôve avec un nom dessus, il te suffit de trouver le tien. »

Wilhelm leva les yeux et aperçut qu’en effet, juste au-dessus de lui était accrochée une plaque de métal dorée avec l’inscription ‘Kurt Schreiber’ gravée dessus. Il trouva rapidement la plaque avec écrit ‘Wilhelm Kruger’, et entreprit de ranger ses effets dans l’alcôve correspondante. Il avait emporté une grande quantité d’uniformes règlementaires de l’académie, que son père avait fait fabriquer à sa taille et plusieurs tailles au-dessus, ainsi que ses armes de combat. L’académie fournissait les armes d’entraînement, mais demandait aux élèves de fournir leurs propres armes pour le combat réel s’ils le pouvaient. Les siennes consistaient en une épée, un bouclier et une paire de pistolets. L’ensemble était de bonne facture mais sans fioritures d’aucune sorte, son père considérant qu’un combattant n’avait nul besoin de parader en étalant sa richesse et que seule l’habileté comptait. Mais Wilhelm savait que les armes simples étaient aussi moins chères. En sus, il disposait d’un chapeau à plume qu’il ne portait quasiment pas, estimant que l’objet lui donnait l’air idiot et qu’il était moins utile qu’un casque. Mais le capitaine Kruger avait été inflexible sur le sujet : « les pistolkorps portent un chapeau à plume au combat, cela leur permet d’être rapidement identifiable par leur commandant, et aussi d’énerver l’ennemi » avait-il ordonné, aussi Wilhelm s’était-il retrouvé obligé de l’emporter. Il n’avait pas pris de livres, et se demandait maintenant s’il n’aurait pas dû.

C’est à cet instant que la porte s’ouvrit à la volée et que Wilhelm entendit quelqu’un entrer. « Il faut que tu viennes voir ça, c’est quand même plus intéressant qu’un bouquin », claironna une voix enjouée accompagnée de bruits de bottes. « Mais je peux très bien voir de ma fenêtre, répondit la voix de Kurt d’un ton légèrement ennuyé. Et puis, c’est pas comme si on n’allait pas voir ça tous les jours. » Wilhelm jeta un coup d’œil à la fenêtre pour s’apercevoir qu’en effet, l’entraînement des jeunes élèves était visible d’ici. Mais il préféra détourner le regard et rejoindre les deux autres. Alors qu’il sortait de son alcôve, une silhouette près de celle de Kurt tourna la tête vers lui. Il s’agissait d’un autre jeune homme, au visage fin et élégant, et dont les cheveux blonds étaient élégamment coiffés en arrière. Il était déjà vêtu de son uniforme mais le portait avec une aisance naturelle, et à la vue de Wilhelm il esquissa un sourire accueillant en se tournant vers lui. « Kurt, taquina-t-il, tu ne m’a pas dit qu’on avait été rejoints. Je suis Dieter, Dieter Von Fried. Je viens d’arriver en première année moi aussi, ravi de faire ta connaissance.

- Moi c’est Wilhelm Kruger, sourit Wilhelm en lui serrant la main. Je t’ai entendu parler de l’entraînement des autres élèves, tu pourrais me montrer le chemin ? Ça m’intéresserait de les voir.

- Tu vois, Kurt, rétorqua Dieter, lui au moins il a les bonnes priorités. Allez, tu pourras le finir ce soir ton livre, alors que là c’est certainement bientôt fini. »

Kurt, qui avait levé la tête au-dessus de son traité durant leur discussion, laissa échapper un soupir avant de fermer le volume, le rangeant soigneusement avec les autres. « Allons-y, puisque de toutes façons je ne vais pas y couper. » Son visage se voulait un masque d’agacement, mais Wilhelm cru y déceler un sourire. Tous trois descendirent les étages, guidés par Dieter qui semblait bien connaître l’endroit. Interrogé à ce sujet, il répondit : « Je suis arrivé ce matin, vu que ma famille habite à Nuln et j’en ai profité pour explorer le plus possible. J’ai pas encore pu tout voir, mais au moins je sais comment aller dans la cour. » En quelques minutes ils se retrouvèrent dehors, et Wilhelm put enfin voir à quoi ressemblait les entraînements à l’épée dans l’académie Oppenhauer.

Devant eux s’étendait une cour sise entre les deux ailes de la demeure, celle-ci formant un U. Organisée en un terrain d’entraînement, elle était occupée par une quinzaine de jeunes hommes en armures matelassées par-dessus leurs uniformes s’affrontant par binômes, chacun portant épée et bouclier. Wilhelm savait qu’ils étaient juste un peu plus âgés que lui, mais la différence semblait bien plus importante, tant par l’attitude que l’apparence. L’entraînement aussi n’avait rien à voir avec ce qu’il avait lui-même vécu, les étudiants enchaînant les passes avec souplesse sans s’arrêter. Entre les combattants circulait un homme grand, vêtu de la même manière qu’eux et portant une épée à la main. Son visage était large, les joues épaisses, le nez presque rond, et de même que le directeur il arborait une impressionnante moustache, même si la sienne était brune. Il donnait sans discontinuer des instructions entrecoupées de tonitruantes remarques telles que « Falk, ta garde a plus de trous qu’une prostituée ! », « Vous êtes là pour faire des passes d’armes ou pour vous draguer ? » ou « Par le fuseau de Dyrath, tu vas nous montrer ce que tu as dans le ventre Filibert, ou tu es ici pour te curer le nez ? ». Il apparut bien vite à Wilhelm que les élèves devant lui étaient exténués, cependant aucun ne se plaignait, et l’instructeur ne donnait pas l’impression de ralentir le rythme.

À côté de lui, Kurt observait la scène avec un intérêt non feint, alors que Dieter lui semblait presque prêt à les rejoindre tant il était excité. De son côté, Wilhelm essaya de capter les détails de chaque mouvement, ce qui fut loin d’être facile. Il finit par s’intéresser à un duo de combattants en particulier, tachant de déterminer s’il voyait un schéma dans leurs mouvements. L’un d’entre eux porta un coup vertical, puis une estocade, suivie par une attaque horizontale. « Tu portes tes coups trop loin » pensa Wilhelm, mais il lui semblait que l’adversaire ne s’en rendait pas compte, restant constamment sur la défense. Au bout d’un moment cependant, il finit cependant par profiter d’une ouverture, – la quatrième que compta Wilhelm, qui commençait à désespérer de le voir agir – pour porter lui-même une attaque qui passa sous le mouvement ennemi et le toucha à la poitrine. « Enfin » chuchota Wilhelm, et ce fut aussi visiblement le sentiment de l’instructeur, car il cria au premier : « Rudolf, si tu es aussi maladroit avec les femmes qu’avec les armes, tu mourras vite et seul. Tu es au combat, pas à la foire ! » Puis il frappa dans ses mains et tous les duels cessèrent, les jeunes hommes poussant alors des soupirs de soulagement tandis qu’ils reprenaient leur souffle. « Vous faites des progrès, » leur annonça-t-il alors qu’ils déposaient leurs armes sur un ratelier proche, « mais il va encore falloir que certains d’entre vous arrêtent de faire comme s’ils se donnent en spectacle. Maintenant allez vous laver ! » Sans plus attendre, les élèves pistolkorps s’avancèrent dans le manoir, suivis par Wilhelm, Kurt et Dieter qui décidèrent de regagner leur dortoir.

En s’approchant ils entendirent le bruit de paroles provenant de la pièce, et c’est avec surprise qu’ils s’aperçurent qu’en leur absence tous les autres élèves de première année étaient arrivés. Leur entrée provoqua un silence, suivi d’une myriade de rencontres et d’échanges alors qu’ils se présentèrent les uns aux autres. Mais cet instant fut de courte durée, car bientôt un individu se présenta à la porte. Wilhelm reconnut immédiatement l’homme qui était en charge de l’entraînement qu’il venait de voir, sauf qu’il avait quitté son armure et qu’il portait un uniforme plus élaboré que celui des élèves. Maintenant qu’il le voyait de près, Wilhelm s’aperçut qu’une partie de son visage était balafrée, lui donnant une allure peu amène. Son arrivée suffit à stopper toutes les conversations, et après quelques secondes il annonça de sa voix rocailleuse « Messieurs, je suis l’instructeur Stillmann. Vous avez dix minutes pour mettre un uniforme et rejoindre la salle d’arme, tout retard sera sanctionné par des corvées. Rompez ! ». Sur ces mots, il quitta le dortoir sans avoir pris le temps de leur indiquer l’emplacement de ladite salle d’armes.

Cinq minutes plus tard, Dieter menait l’intégralité des premières années sur le lieu de rendez-vous. Wilhelm, ayant enfilé un de ses uniformes à la hâte en essayant d’être le plus présentable possible, était content qu’il soit avec eux. Il les mena à travers l’aile Ouest puis l’aile centrale, jusqu’à une imposante salle au sol en parquet dans l’aile Est. Le plafond était haut de quatre mètres et les murs recouverts de râteliers remplis d’armes en tous genres, de la dague à la hallebarde, de l’arc court à l’arquebuse. L’instructeur Stillmann se trouvait là, au garde-à-vous derrière le capitaine Oppenhauer qui les attendait, appuyé sur sa canne. Vinzent n’était visible nulle part, mais Wilhelm espérait que son frère n’était pas parti sans au moins lui dire au-revoir.

À leur arrivée, le capitaine s’écria : « messieurs, mettez-vous en rang et que ça saute. Je ne veux pas voir une oreille dépasser, ou entendre la moindre mouche voler ! » Tout le groupe s’aligna alors au milieu, chacun se tenant le plus droit possible en fonction de ce qu’on lui avait appris tout en imitant les autres. Oppenhauer les regarda fixement pendant une dizaine de secondes en silence, son visage un masque de sévérité. « Messieurs ! Reprit-il soudain sur le même ton, je suis le capitaine Hermann Oppenhauer, directeur et fondateur de cet institut. À partir de maintenant vous serez la promotion dix-sept. Tant que vous serez ici, vous ne parlerez que quand on vous le demandera, ne ferez que ce qu’on vous dira, et dès que vous vous adresserez à moi ce sera par le titre de ‘maître’, est-ce que c’est clair ?

- Oui maître ! » Crièrent-tous en cœur les nouveaux élèves. Pour la plupart ils avaient longtemps attendu ce moment, et Wilhelm avait du mal à réfréner son enthousiasme à la suite de l’entraînement qu’il avait observé. À côté de lui, Dieter semblait dans le même état, l’œil brillant et un petit sourire sur le coin de la lèvre. Kurt, de son côté, était totalement à l’écoute du capitaine, et rien dans son attitude ne trahissait un quelconque sentiment.

Oppenhauer commença à circuler dans la pièce, faisant les cent pas en faisant claquer sa canne sur le parquet tout en parlant de sa voix forte « Je suis certain, continua-t-il, que l’intégralité d’entre vous a déjà eu un enseignement militaire, plus particulièrement au combat et au tir. Mais pour le moment, si je mets l’une de vos jolies petites têtes blondes sur un champ de bataille, vous ne tiendriez pas cinq secondes ! Tout au plus ! Mon travail à moi c’est de faire en sorte que cette durée s’étende pour dépasser celle de la bataille. Votre travail à vous c’est d’apprendre le plus possible, en vous donnant à cent pour cent dans chaque enseignement qui vous sera dispensé, et même plus ! C’est bien compris ?

- Oui maître ! » S’écrièrent-ils tous à nouveau. En écoutant ce discours, Wilhelm commençait à comprendre comment Vinzent avait été métamorphosé, et à quel point sa propre vie s’apprêtait à changer. Même s’il avait souvent considéré que l’éducation dispensée par son père était sévère, cela n’avait rien à voir avec ce qu’il semblait à présent qu’il allait vivre ici.

Oppenhauer se tourna ensuite vers l’instructeur, qui était resté immobile depuis le début. « Promotion dix-sept, vous avez déjà rencontré l’instructeur Stillmann. Lors des trois prochaines années, ce sera lui qui s’occupera de vos entraînements physiques, étant donnée ma propre condition. Considérez-le comme un double de ma personne, mais sachez qu’il est moins gentil que moi. Pour le reste c’est moi qui m’en chargerai, et je ne vous promets que deux choses : de la sueur et du sang. Pour les larmes, vous pouvez en verser, mais ça ne regarde que vous. La vie facile, c’est fini, mettez-le vous bien dans le crâne ! Promotion dix-sept, est-ce que c’est clair ?

- Oui maître ! »

************************





Comme vous pouvez vous en apercevoir, je vais surtout couvrir des moments importants de la vie de Wilhelm, sans raconter au jour le jour ce qu'il se passe. Il y aura donc d'autres ellipses, plus ou moins longues.

Il s'agit du dernier chapitre à avoir été terminé. Le chapitre 3 est bientôt fini, mais pour l'instant ce n'est pas le cas. Le rythme de publication va bientôt prendre un coup dans l'aile, je le crains.


Dernière édition par Arcanide valtek le Dim 3 Juin 2018 - 19:30, édité 1 fois

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Sam 2 Juin 2018 - 14:26
ok je suis complètement fan de la description que tu fais des lieux. Moi qui connais mal les détails des cités impériales, tu me régales avec ce "secret d'histoire" spécial Nuln !

Un vocabulaire et des formulations aux petits oignons Arca, tu nous gates. Attention par contre aux phrases un peu longues parfois (3 lignes sa fait beaucoup...).

aient ce qu’il se fait de meilleur => pas faisait ici ?
comme s’ils se donnent en spectacle => comme s'ils se donnaient plutôt non ?

Il va en parcourir du chemin le lascar avant de devenir un fiston de la nuit Devil

Sur ce, "La suite Maître !"
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Dim 3 Juin 2018 - 19:33
vg11k a écrit:ok je suis complètement fan de la description que tu fais des lieux. Moi qui connais mal les détails des cités impériales, tu me régales avec ce "secret d'histoire" spécial Nuln !
Dis toi que j'ai épluché la carte de Nuln et les détails de ses quartiers rien que pour ce passage. Je suis content que ça te plaise  Smile .


vg11k a écrit:aient ce qu’il se fait de meilleur => pas faisait ici ?
Aaaaaah oui. Encore une faute de concordance des temps Blushing .

vg11k a écrit:comme s’ils se donnent en spectacle => comme s'ils se donnaient plutôt non ?
Là par contre je ne suis pas sûr, vu que le mec parle au présent. Il n'a pas de raison de mettre au passé, si ?

vg11k a écrit:Il va en parcourir du chemin le lascar avant de devenir un fiston de la nuit  Devil
On en est loin en effet.

vg11k a écrit:Sur ce, "La suite Maître !"
Love

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Ven 8 Juin 2018 - 21:27
Bon beeeeen, encore un double-post. Sourire

Voici le chapitre 3. Prenez votre temps pour le lire, le quatrième ne fait que quelques mots de long pour le moment.

C'est une nouvelle ellipse, comme annoncé plus tôt.



Chapitre III

La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Reikland_blason

Les feux crépitaient abondamment, transformant par leur seule existence un amoncellement de tentes et de couchages en un campement bien organisé. Dans la nuit, ces feux étaient autant de phares qui guidaient les soldats circulant un peu partout. Le troisième feu à droite, le quatrième feu après la tente du capitaine, ou d’autres encore, tous ne se repéraient que grâce aux brasiers qui parsemaient le campement par dizaines. Mais là ne s’arrêtait pas leur utilité. Ces feux étaient des lieux sociaux, les soldats se réunissant autour d’eux pour la chaleur qu’ils dégageaient, afin d’en faire profiter leurs rations, leurs corps, ou tout simplement leurs cœurs. Partout, chaque feu était le lieu de quelque conversation animée, de quelques parties de cartes ou de plusieurs repas bruyants, le tout faisant bourdonner le campement d’une vie pouvant paraître étrange aux néophytes. L’existence de soldat n’était jamais simple, et ces instants de détente étaient prisés et même attendus par ces hommes dont le quotidien étaient la marche, le labeur et parfois même le combat et la mort.

Le premier feu en périphérie, à gauche de l’enclos à chevaux. Wilhelm répétait ces mots dans sa tête en marchant à pas vifs vers les lumières, son fourreau battant sur son flanc gauche. Le campement était grand, mais trouver un endroit adéquat pour se soulager avait impliqué de s’en éloigner quelque peu. Maintenant il lui fallait retrouver ses camarades, ce qui n’était pas une mince affaire dans ce dédale humain. Alors qu’il évoluait le long des brasiers, la situation lui paraissait presque irréelle, comme s’il se trouvait dans une autre dimension. Il était là, au pied des montagnes grises, mêlé à une armée, une véritable armée. Son sourire s’étendit d’une oreille à l’autre alors qu’il pensait à la possibilité d’une glorieuse bataille à venir, après laquelle lui et sa promotion se mêlerait au triomphe lors du retour à Nuln. Il était dans cet état depuis que, cinq jours auparavant, maître Oppenhauer leur avait annoncé qu’en ce début de dernière année ils étaient suffisamment entraînés pour participer à leur première bataille.

« Bien sûr, avait-il déclaré sur le même ton péremptoire qu’il prenait en leur présence, vous n’allez pas avoir une participation active. L’objectif sera pour vous de voir comment tout cela est mis en place, tant au niveau logistique que militaire. La gestion d’une armée n’est pas une mince affaire, vous vous en doutez. En ce qui concerne l’affrontement, vous ne devrez pas y prendre part, à moins que ce soit expressément nécessaire. L’instructeur Stillmann, qui vous accompagnera, s’assurera que vous ne vous laissiez pas emporter par la fougue, et ce rôle sera également celui de votre major. » À ces mots, il avait fait un signe de tête en direction de Reiner, qui n’avait pas bougé d’un sourcil. Du reste personne n’avait esquissé le moindre mouvement. Oppenhauer avait terminé son annonce par son habituel « est-ce clair ? » auquel ils avaient répondu en chœur « oui maître ! ». Ils étaient partis le surlendemain avec l’armée, une troupe menée par un certain capitaine Weber dans la région des montagnes grises. Plusieurs villages avaient apparemment été la cible d’une armée d’hommes-bêtes dans la région, et la comtesse avait décidé d’agir

« Tiens, regardez qui voilà ! » S’éleva une voix moqueuse, et Wilhelm sourit en reconnaissant celle de Dieter. Il avait fini par trouver le bon chemin, et tournant le regard en direction de son ami il reconnut leur propre feu, un ouvrage pauvre cependant en comparaison de ceux édifiés par les vétérans qui les entouraient. L’instructeur Stillmann les avait observé faire lorsqu’ils avaient établi leur campement, mais n’était pas intervenu, se contentant de monter sa propre tente sans dire un mot et seulement une fois les leurs achevées. L’armée avait établi ici le soir même un campement temporaire, où ils n'étaient sensé rester que quelques jours, le temps que des reconnaissances soient faites dans les environs et que Weber et ses lieutenants ne décident quoi faire.

Wilhelm trouva ses camarades de l’académie en train de vaquer à des occupations diverses, et ils ne lui accordèrent que peu d’attention alors qu’il se rasseyait par terre. Dieter s’occupait de faire chauffer les rations, ayant perdu au tirage au sort pour savoir qui allait s’en charger. Il avait bougonné avec force, mais était désormais penché avec attention sur sa poêle. Le voyant manipuler délicatement les saucisses de la pointe de sa dague, Wilhelm se demanda s’il ne s’était pas trouvé là une passion inopinée.

« Quel est le plan pour demain chef ? Lança soudain Klaus, le seul d’entre eux à être originaire du Reikland, qui était en train de s’occuper comme il pouvait en taillant grossièrement un bout de bois en pointe. Son uniforme déboutonné lui donnait un style débraillé dont il avait fait sa spécialité tout au long de leur formation.

L’intéressé, Reiner, leva la tête alors qu’il nettoyait son pistolet à la lueur du feu.

- Nous resterons ici pour suivre les mouvements des éclaireurs. Et nous en profiterons pour continuer les entraînements, ça nous occupera. Et, ajouta-t-il de sa voix monocorde, je te rappelle que tu dois m’appeler ‘major’. C’est un ordre du maître.

- Oui major, bien major, veuillez pardonner à mon humble personne major, railla Klaus en mimant des courbettes avec les bras. Ça te va comme ça ? Son épaisse carrure le rendait impressionnant, mais Reiner ne se laissa pas démonter.

- Ça m’irait si tu terminais toutes tes phrases avec ce mot, comme tu as ordre de le faire. »

Reiner regardait fixement Klaus de ses yeux bleu acier, sans que son visage délicat d’une pâleur extrême n’esquisse la moindre mimique de frustration. Wilhelm le connaissait suffisamment pour savoir que ça ne risquait pas d’arriver. Présenté comme un jeune prodige originaire d’Averheim, Reiner ne faisait jamais preuve de la moindre émotion, au point que ça en devenait presque effrayant. Point de peur, de colère, d’envie, et même d’orgueil, son visage d’une froide élégance gardait toujours la même expression neutre et sa voix n’avait jamais un mot plus haut que l’autre.

Personne ne l’appréciait, pas même leur hiérarchie, mais il était le plus doué d’entre eux, tant tactiquement qu’au combat, et sa nomination en tant que major avait été inévitable. Wilhelm était le seul qui rivalisait avec lui sur le domaine des armes de mêlées, et Gerulf n’était surclassé par personne avec un arc, mais c’était tout. Même Kurt, malgré son talent et ses connaissances en tactique militaire, n’était jamais arrivé à le battre lorsqu’ils étaient tous deux étaient capitaines d’équipes lors d’entraînements en plein air. Reiner avait toujours un coup d’avance. Mais Wilhelm l’avait déjà vu abandonner un allié lorsque cela lui permettrait de gagner, chose que Kurt détestait faire. De fait, il pensait que le nommer major avait été une mauvaise idée. Il avait beau être très doué, il n’arriverait jamais à émuler le groupe, et certains ne le respectaient même pas.

« Monsieur Von Baumberg, continua Reiner, j’attends votre réponse. »

Nulle trace d’animosité dans sa voix, le major continuait à fixer Klaus qui de son côté commençait à perdre sa contenance. Il s’apprêtait cependant à lancer une réplique cinglante quand un « Hum hum » s’éleva de la tente de l’instructeur Stillmann. Klaus baissa alors sa large face, et répliqua entre ses dents un « Oui major » puis ne dit plus rien.

Au cours de leur instruction, Wilhelm et ses camarades avaient fini par reconstruire petit à petit l’histoire de cet instructeur tout à la fois bourru, sévère et juste. Il avait été membre du cercle intérieur de la Reiksguard, et se faisant était devenu proche d’Oppenhauer durant de longues années. Lorsque le capitaine avait fondé son académie, Stillmann n’avait pas hésité à quitter son Reikland natal pour le suivre et l’aider à former de jeunes générations de chevaliers. Ses techniques d’instructions, quoique difficile et parfois brutales, s’étaient toujours révélées très efficaces. De plus, malgré le peu d’estime qu’il avait pour Reiner, Stillmann s’efforçait de leur rappeler que le traiter avec respect faisait partie de leur devoir, étant doté d’un grand sens de l’ordre. « Cela peut arriver d’avoir un officier que l’on n’apprécie pas, leur avait-il rétorqué un jour, et autant que vous sachiez le gérer maintenant ».

L’échange entre le major et Klaus avait douché l’ambiance, et un silence inconfortable s’ensuivit. Kurt, qui aiguisait son épée, finit par le briser en changeant de sujet :

« Qu’est ce qui a bien pu pousser des hommes-bêtes aussi loin au Sud ? Après tout, ils sont généralement dans les grandes forêts ?

Du garçon maigrelet et au visage couvert de boutons qu’il était, Kurt était devenu un combattant agile et intelligent, et n’avait désormais plus aucune trace d’acné. Cependant, n’ayant jamais réellement autant progressé que les autres dans le maniement des armes, il était quelquefois la cible des moqueries ou de l’indifférence de certains.

Il n’était d’ailleurs pas le seul à avoir changé durant ces deux années. Tous avaient presque achevé leur croissance, et la pratique quotidienne d’activité physique avaient fait d’eux des jeunes hommes élancés et musclés. Certains, comme Dieter, avaient décidé de se faire pousser une fine moustache (ce qui dans le cas de ce dernier lui avait assuré un grand succès auprès de la gente féminine), mais Wilhelm avait décidé de rester glabre, voyant en cela un moyen de se distinguer de son grand-frère.

- Qu’est-ce que ça peut faire là où ils sont ? Rétorqua Wilfried d’un air suffisant sans lever son nez en trompette de sa partie de cartes ? On va le leur faire regretter de toutes les façons.

- Ouais, surenchérit la voix aigüe de Sigmund, l’éternel compagnon de jeu de Wilfried, ils vont voir de quelle trempe sont faits les Wissenlanders.

- Mais ces fameux hommes-bêtes sont apparus comme ça, sans que personne ne les voient venir. On aurait dû recevoir des signalements.

- Ils sont pas sensés être des pros de l’infiltration en forêt ? Moi ça ne me surprend pas.

- Mouais, je continue de trouver tout cela bizarre, marmonna Kurt d’un air soucieux. Wilhelm ignorait beaucoup de choses sur le comportement des hommes-bêtes, car à l’académie on ne leur enseignait que leurs techniques de combats. Néanmoins Kurt avait de vastes connaissances sur l’histoire militaire de l’empire, et ses doutes l’inquiétèrent.

- De quoi penses-tu qu’il puisse s’agir d’autre ? Questionna-t-il alors qu’un Dieter excité annonçait que les saucisses étaient prêtes et en distribuait une à chacun.

- Oh je ne sais pas. Des pillards ? Des peaux-vertes ?

Kurt semblait peu sûr de lui. Il sortit un quignon de pain de son paquetage avant de continuer.

- En réalité, reprit-il, ça me semble bien plus mystérieux que cela. Imagines, le Wissenland est une province entourée par des rivaux, mais la lutte contre les menaces extérieures nous unit toujours. On aurait dû avoir reçu une quelconque information depuis. Or, termina-t-il en arrachant un bout de saucisse avec ses dents, à che que l’on en chait, il n’en est rien.

- Et il n’y a pas que ça, fit la voix grave de Gerulf à côté d’eux.

L’ostlander châtain au visage fermé avait déjà terminé son repas, l’ayant englouti à la même vitesse qu’à l’accoutumée, et vérifiait son arc. Une activité qu’il pratiquait presque dix fois par jour.

- Que veux-tu dire ? Finit par demander Wilhelm après un silence. Gerulf n’avait jamais été très loquace.

- Chez moi, commença-t-il tout en testant les attaches de la corde, on nous apprend à repérer les traces d’hommes-bêtes dès le plus jeune âge. C’est pas facile, parce qu’ils sont doués, mais il y a des astuces.

Tout en leur parlant, ses membres musculeux faisaient tournoyer l’arc de droite à gauche, alors que son regard d’aigle en inspectait chaque angle, avant d’enfin le poser sur le sol, l’air satisfait.

- Et je ne sais pas si c’est qu’on n’est pas passé sur leur piste, continua Gerulf, ou si c’est qu’ils peuvent voler, mais je n’ai rien vu qui laisse penser qu’ils sont passés dans les parages. Et ils ont beau être des ‘pros’ pour cacher leurs traces en forêt, comme dit Sigmund, ici on n’est pas dans une forêt. Un petit bois, tout au plus.

- Mais alors, commença à dire Kurt, dont la mine se faisait de plus en plus effrayée, est-ce que tu as vu des traces particulières ici ?

- Justement, o… »

Sa réponse se perdit dans sa gorge. Un hurlement déchirant avait été poussé au même moment depuis l’autre côté du camp. En une seconde, tous les bruits s’arrêtèrent alors que les hommes en cherchèrent l’origine. Certains se levèrent, et Wilhelm vit l’instructeur Stillmann sortir immédiatement de sa tente, épée et pistolet au poing et la mine grave. Les seuls bruits restants venaient à présent des chevaux, qui commençaient à piaffer. Il y eut un instant de flottement, puis un mouvement attira l’attention générale.

Une silhouette se détacha des arbres et courut en direction du campement. De là où il était, Wilhelm n’arrivait pas à voir ses traits ou ses vêtements, mais il entendit clairement ses appels à l’aide. Certains soldats réagirent vite, empoignant leurs armes tout en esquissant un mouvement vers lui. Mais un phénomène étrange se produisit en même temps.

L’air sembla devenir lourd, comme si un orage se préparait, et soudain un éclair verdâtre jaillit du sous-bois alors qu’un violent craquement retentissait dans la clairière. L’éclair frappa le fuyard de plein fouet, lui arrachant un hurlement qui se transforma rapidement en borborygmes. Son corps fut projeté sur plusieurs mètres et ils le virent atterrir près d’un des feux. Il y eut un bref instant de silence, et Wilhelm n’eut que le temps de dégainer son épée que la scène éclata.

Ils surgirent de partout, de tous les côtés. Une foule de silhouettes sombres qui se précipitèrent sur l’armée humaine encore hébétée par ce qui venait de se produire. Wilhelm, paralysé par l’irréalité de la situation, ne distingua pas tout de suite qui étaient leurs assaillants. À côté de lui, ses camarades semblaient dans le même état, à l’exception de Reiner qui pointait déjà calmement son pistolet sur la marée arrivante. Ce n’est que lorsque l’instructeur vociféra « Bougez-vous, bande d’empotés ! Par le fuseau de Dyrath, dégainez ! » qu’ils se mirent tous en action, chacun se jetant sur ses armes le plus vite possible. Les silhouettes se déplaçaient rapidement, et avaient franchi la distance qui les séparait du cercle de tentes et de feux en quelques secondes. Toutes sortes de couinements avaient emplis l’air, et Wilhelm, son épée dans sa main droite et un pistolet dans la gauche, ne put s’empêcher de remarquer que cela ne ressemblait pas à l’idée qu’il se faisait d’un cri d’homme-bête.

Ses craintes se révélèrent fondées dès la seconde suivante. Le premier assaillant à entrer dans la lumière de leur feu lui fit écarquiller les yeux. La créature qui fonçait vers eux n’était certainement pas humaine, mais entre son museau fin, ses membres maigres et ses incisives protubérantes, Wilhelm avait plus l’impression d’avoir affaire à un croisement étrange et contre-nature d’un homme et d’un rat qu’à un des hommes-bêtes décrits par le capitaine Oppenhauer. Rien à voir avec la masse de muscles cornue à laquelle il s’attendait, mais étrangement cette différence ne contribua pas à le rassurer, bien au contraire.

En arrivant près du feu, l’homme-rat poussa un cri. Wilhelm entendit une détonation à sa gauche et la créature fut projetée en arrière. Mais une suivante arriva, et une autre, et encore une autre. Plusieurs détonations similaires retentirent dans le campement, mais elles furent bientôt mêlées aux hurlements et aux cliquetis métalliques qui signifièrent qu’une furieuse bataille s’était engagée. Wilhelm tira en direction des hommes-rats, mais sans même attendre de savoir s’il avait touché ou non il fut obligé de saisir son épée à deux mains pour bloquer la lame fine d’un assaillant qui lui fonçait dessus.

Au moment où leurs armes s’entrechoquèrent, Wilhelm croisa le regard de l’homme-rat. Jamais, dans sa vie, n’avait-il été confronté à un moment comme celui-là. Tous les entraînements qu’il avait suivis, tous les coups qu’il avait donnés et reçus, tout cela avait pour but de l’y préparer. Et pourtant, rien ne peut réellement préparer quelqu’un à la première fois où il croise le fer avec un adversaire prêt à le tuer. Ce que Wilhelm vit dans le regard de l’homme-rat était un mélange de haine viscérale, d’instinct animal et d’intelligence retorse. Et cette malveillance le terrifia, comme si on avait versé de l’eau glacée dans sa tête qui s’était ensuite propagée jusqu’à ses tripes.

Il reprit ses esprits quand la créature tenta de le mordre au visage, reculant vivement et permettant à son adversaire de se presser son avantage. Mais avant que Wilhelm ne puisse réagir, l’homme-rat poussa un cri et tomba à la renverse, lâchant son arme qui se perdit dans l’herbe. Juste à sa place se tenait Wilfried, souriant, une épée couverte du sang de son agresseur à la main. « Ne fais pas cette tête-là soldat », commença-t-il, « essaye d’en tuer au moins… ».

Son dernier mot ne fut jamais prononcé. Une protubérance métallique jaillit de son torse et son sourire se figea alors qu’il baissait les yeux vers elle. Une tâche rouge se forma autour de la blessure et se répandit sur ses vêtements. Il y eut un instant de flottement, puis il s’effondra à son tour.

« NOOOOOOOOOON » hurla Wilhelm, l’esprit complètement chamboulé. Autour de lui, des cris similaires retentissaient, mais il ne les entendait pas, il n’entendait plus rien. Wilfried avait beau n’avoir pas vraiment été son ami, il restait un joyeux compagnon. Cette chose n’avait en aucun cas le droit de vie ou de mort sur lui, ou sur qui que ce soit ! Levant son épée, il fonça sur l’homme-rat qui venait de poignarder son camarade, et avant qu’il n’ait compris ce qu’il se passait Wilhelm lui trancha les deux bras d’un coup plongeant. « MEURS » s’égosilla-t-il. La créature eut un couinement de terreur et de douleur, mais déjà Wilhelm plongeait son arme dans son torse d’un coup rageur « MEURS, MEURS MEURS MEURS MEURS ! ». La colère lui faisait perdre toute peur, toute panique, l’emplissant d’une soudaine et violente envie de semer la mort chez ces répugnantes créatures, et sitôt sa victime achevée il en chercha une autre.

Il avait l’embarras du choix, les autres étant aux prises avec de nombreux ennemis sans pouvoir se regrouper. L’instructeur Stillmann était le plus impressionnant, maniant son épée avec maestria tout en semant la mort chez les hommes-rats. Plusieurs d’entre eux gisaient autour de lui, mutilés de diverses façons. Reiner avait toujours son pistolet à la main, mais la crosse levée, et s’en servait comme seconde arme pour bloquer des coups tout alors que deux créatures tentaient de percer sa garde. Dieter, son épée dans une main et un brandon dans l’autre, ses cheveux blonds couverts de poussière, combattait dos à dos avec Klaus, dont la forte carrure n’était malheureusement pas d’une grande aide dans cette situation. Du coin de l’œil, Wilhelm vit que Kurt était en difficulté, le frêle jeune homme étant blessé au bras gauche alors qu’un homme rat le poussait vers le feu. Sans hésiter, il se rua à son aide, hurlant comme un damné, et faucha dans la nuque la créature malfaisante qui ne vit pas le coup venir. Puis il pivota sur lui-même, cherchant l’ennemi le plus proche, et fut immédiatement assaillit par un troisième.

Cette fois-ci il était prêt. Se mettant en garde, il enchaîna les coups contre son adversaire bestial, qui malgré sa vivacité ne semblait pas arriver à suivre ses enchaînements furieux et se contentait de reculer. Wilhelm pressait son avantage, animé par une rage froide, quand une main se posa sur son épaule et le tira violemment en arrière. Hébété, il aperçut Gerulf, arc en main, qui visait l’homme-rat. Son camarade ne lui adressa pas un regard, mais lui cria « ne les laisse pas t’entraîner trop loin ! » tout en lâchant sa flèche qui se ficha dans la créature. Wilhelm s’aperçut qu’en effet, dans sa colère il s’était imprudemment éloigné des autres, obnubilé par son combat. Cela lui fit reprendre un peu pied dans la réalité, et il hocha imperceptiblement la tête.

« Promotion dix-sept, avec moi ! » s’époumona soudain Stillmann tout en tranchant la tête d’une énième bête. Il était couvert de sang, et plusieurs estafilades s’ouvraient dans ses vêtements. Ramassant un sac qu’il passa en bandoulière d’un mouvement fluide, il s’élança tout droit, estropiant au passage d’un revers l’un des deux adversaires de Reiner. Plusieurs autres hommes-rats arrivaient encore, et il continua son chemin en criant « Au chevaux ! Au chevaux ! ».

Reiner acheva son dernier adversaire d’une estocade entre les deux yeux, ce dernier étant trop surpris par la charge de l’instructeur. Puis il s’écria lui-aussi « Messieurs, avec moi ! ». Le son de cette voix, que les autres n’avaient jamais entendue aussi fort, fut suffisant pour capter l’attention. Le major, armes en main, s’élançait vers l’enclos aux chevaux, bientôt suivi de près par les élèves de l’académie survivants. Wilhelm s’aperçut que les Hommes-rats n’osaient pas trop se mettre sur leur chemin, se contenant de les observer avant de foncer sur des cibles plus isolées. Leur lâcheté était désormais manifeste, et augmentait encore le dégoût qu’ils lui inspiraient. Le chaos régnait autour d’eux, le feu ayant désormais prit sur les tentes, et les chevaux hennissaient de peur alors que la bataille faisait rage. Mais Stillmann ne semblait pas s’en soucier. Se précipitant dans l’enclos des chevaux, il saisit les rennes du premier d’entre eux d’une main expérimentée et lui posa la main sur le museau. La bête sembla se calmer quelque peu, et il tendit les rennes à Dieter qui était juste derrière lui.

« On va quitter cet endroit pourri ! » leur hurla-t-il tout en attrapant une seconde monture. « Que tout le monde essaye d’attraper un cheval pour s’enfuir ! ». Wilhelm se joignit au mouvement, puis il entendit un cri derrière lui et se retourna juste à temps pour voir trois hommes-rats se jeter sur Aghmar. Ils ne lui laissèrent aucune chance. L’un d’entre eux bondit sur son torse et lui arracha le visage à coup de dents alors que les deux autres lui labouraient l’abdomen et les jambes de leurs épées. Le corps du pauvre jeune-homme fut agité de violents spasmes alors qu’il tentait de se débattre, puis il s’immobilisa. Avant même que Wilhelm ne puisse réagir, il vit une flèche cueillir le premier sur la tempe, puis lui-même fit décrire un arc à son arme et en abattit un second. Le troisième recula d’un saut athlétique, puis feula dans sa direction. Wilhelm sentit bouillonner en lui la même fureur que tout à l’heure, mais il se rappela les paroles de Gerulf et n’alla pas plus loin. Se détournant avec rage du corps d’Aghmar, il vit Stillmann faire des grands gestes en sa direction et courut vers lui. L’instructeur lui donna les rennes d’un cheval, et lui désigna les autres qui s’éloignaient déjà.

« On se retrouve dans cette direction, à une lieue d’ici ! » lui asséna-t-il en lui désignant une trouée dans les arbres. Puis, sans attendre que Wilhelm ne réponde il fonça sur l’un des derniers animaux. Wilhelm considéra rapidement sa monture, puis il rengaina son épée et l’enfourcha tant bien que mal en dépit des circonstances. Ce dernier n’était pas sellé, et il grimaça de douleur alors qu’il sentait que le cheval partait déjà au trot. Bénissant l’enseignement d’équitation de son enfance, il enfonça ses pieds dans les flancs de l’animal et arriva à en reprendre un certain contrôle pour le diriger vers la fameuse trouée. Puis il lança sa monture au galop, sortit de l’enclos par une barrière effondrée et s’élança vers les arbres. Se faisant, il jeta un dernier coup d’œil en arrière.

Il comprit instantanément le choix de leur instructeur. La bataille était perdue d’avance. Les flammes avaient englouti la tente de commandement, et les silhouettes trapues des hommes-rats étaient partout. Les cris, les plaintes, les hurlements, les couinements, le crépitement des flammes et le fracas des lames, tout cela se mêlait en une débauche sonore assourdissante. Et de temps à autres un éclair verdâtre, semblable à celui du début de la bataille, illuminait le campement de son sinistre éclat. Puis son cheval entra dans le sous-bois, et la clairière disparut de sa vue.

*

Le cheval de Wilhelm galopait depuis plusieurs minutes désormais, et aucun homme-rat n’était apparu depuis. Même lorsqu’il avait quitté le champ de bataille, pas un seul ne s’était mis sur son chemin, et une des nombreuses choses auxquelles il pensa fut que c’était louche.

Il se sentait stupide, incapable et lâche. Il avait abandonné les autres hommes à leur triste sort, que ce soit la mort ou pire encore. Qu’aurait-il pu faire ? Wilhelm n’en savait rien, mais il s’imagina à la place d’un soldat, ayant vécu la même chose que lui, qui voyait ses alliés s’enfuir à cheval. Cela lui provoqua un haut-le-cœur. Il revit le visage de Wilfried, lui offrant son dernier sourire sans le savoir. ‘Essaye d’en tuer au moins un’ avait-il certainement voulu dire. « Trois » murmura Wilhelm sans même s’en apercevoir, « j’en ai tué trois ». Il aurait voulu pouvoir se dire qu’il en avait tué plus. Qu’il avait sauvé tout le monde, et que ces horribles créatures ne soient plus qu’un mauvais souvenir. Mais non, il avait fui. C’étaient les ordres, et ils étaient sensés, mais il avait l’impression que ça ne suffirait pas pour lui. Il vit le visage de son père, qui lui jetait un regard noir en lui disant d’une voix glacée « Alors comme ça, tu as fui mon fils. Tu as abandonné tes camarades. Tu n’imagines pas à quel point je suis déçu ». Il serra les dents, tant pour les empêcher de claquer que pour ne pas vomir.

Ses lamentations internes s’interrompirent lorsqu’il entendit une voix l’appeler. Devant lui les autres lui faisaient des signes et il comprit qu’ils voulaient se regrouper. La monte à cru n’était pas sa spécialité, mais il parvint à faire ralentir son cheval jusqu’à le faire pénétrer au trot dans une petite clairière.

Les autres se trouvaient là, certains démontant pour tenter de calmer leurs montures encore effrayées. Il faisait très sombre à cette distance du campement, et seules les deux lunes les éclairaient désormais de leurs lueurs si distinctes. Personne ne parlait, et si Wilhelm avait du mal à distinguer les visages de ses camarades, il se doutait que chacun d’entre eux était aussi pâle que lui. Il promena son regard dans la clairière, comptant mentalement leur nombre. Onze, réalisa-t-il, sentant soudain un gros poids dans sa poitrine. Ils avaient laissé quatre des leurs, sans aucun doute tués de la plus horrible des façons. La mort d’Aghmar lui revint en mémoire, la façon dont son corps avait convulsé lorsque l’homme-rat lui avait déchiqueté le visage. La façon dont il avait hurlé jusqu’à n’en plus pouvoir. Il détourna le regard en fuyant ces souvenirs. Pas maintenant, se dit-il, il nous faut nous reprendre.

Ses camarades et lui n’étaient pas beaux à voir. Les vêtements maculés de sang, en partie déchirés et certains portant quelques plaies ouvertes. Horst, le plus petit d’entre eux, un jeune Wissenlander originaire de la noblesse de Pfeildorf, doté d’un visage aux traits délicats et portant généralement un sourire bienveillant, grimaçait tout en nouant un bandage de fortune autour de sa jambe droite. Kurt faisait de même autour de son bras gauche, aidé par Dieter. Personne ne pipait mot, et même Reiner avait l’air fatigué et légèrement désorienté, ce qui dans son cas n’était guère rassurant. Wilhelm s’aperçut que lui-même avait plusieurs entailles dans les bras, certainement issus de sa furieuse mêlée avec l’une des créatures. L’adrénaline aidant, il ne s’en était alors pas rendu compte.

Un bruit de cavalcade les tira de leur torpeur. Monté sur un cheval lui aussi dessellé, l’instructeur Stillmann surgit dans la clairière, l’arme encore au poing et la moustache ébouriffée. Il ne perdit pas un instant et vint se placer devant Reiner, qui resta interdit et le regard fixé sur lui.

« Au rapport Major, commença-t-il de son habituelle voix rocailleuse, mais qui cette fois avait remplacé les accents d’autorité qu’elle contenait d’habitude par un certain empressement. Quelle est la situation ?

Reiner avait légèrement fait avancer sa monture pour aller à l’encontre de l’instructeur. Même si il avait du mal à générer des émules au sein de sa promotion, le jeune homme pâle avait parfaitement compris quel était son rôle et tâchait de l’accomplir du mieux possible. Regardant Stillmann droit dans les yeux il lui annonça de sa voix monocorde :

- Quatre disparus monsieur, ainsi que deux blessés. Nous avons tous des chevaux ici, mais sans selles.

Stillmann sembla réfléchir un instant tout en regardant ses recrues. Quatre disparus, ça voulait dire quatre morts. Et c’était déjà quatre de trop. Mais pour l’heure le danger était loin d’être écarté, et ils devaient se mettre en sécurité. L’heure du deuil viendrait après.

- Promotion dix-sept, soupira-t-il, nous allons immédiatement partir en direction du Sud-Ouest. Nous sommes malheureusement loin de toute place forte, excepté une seule, le fort de sang. C’est la seule option qu’il nous reste.

- Mais il se trouve à un jour et-demi de cheval d’ici, gémit Kurt, le bras gauche désormais en écharpe alors que ceux qui avaient mis pied à terre remontaient sur leurs chevaux à cette nouvelle, pourrons-nous tenir jusque-là ?

L’instructeur tapota sèchement la lanière du sac qu’il avait mis sur son dos quelques minutes auparavant.

- J’ai ramassé une partie de mon paquetage avant de partir. Il contient quelques vivres. Mais sinon je pense qu’il nous faudra chasser. Et prudemment. De plus… »

Il fut soudainement interrompu par un bruit mat, suivi par un cri sur la gauche de Wilhelm. Horst tomba lourdement de son cheval, et la lumière de la lune se refléta sur la courte lame plantée dans son dos. Wilhelm porta la main vers son épée alors que l’instructeur tournait bride pour envisager l’obscurité du sous-bois autour d’eux. Et avant qu’il ne puisse réagir un trait obscur surgit des ténèbres et frappa son cheval dans la tempe.

L’animal s’effondra sur le flanc en poussant un hennissement terrible, et Stillmann ne fut sauvé que par son agilité qui lui permit de sauter juste à temps. Le cheval de Horst, maintenant sans maître, commençait à paniquer malgré son dressage. Wilhelm et ses camarades dégainèrent leurs armes, incertains de ce qu’il fallait faire. Puis, émergeant des feuillages, aussi silencieux qu’un souffle, apparurent d’autres hommes-rats tout autour d’eux.

Ceux-ci étaient légèrement différents des précédents, Wilhelm le sentait. Ils se déplaçaient avec souplesse, leurs mouvements facilités par une armure légère semblant être faite de cuir. La sauvagerie assassine de leurs précédents adversaires semblait avoir laissé place à une prudence toute calculée. Ils portaient à la main le même genre d’armes que tous les autres, des lames fines légèrement incurvées, certaines garnies de dents, mais Wilhelm était sûr qu’ils sauraient mieux s’en servir. Il les estima être une trentaine, mais rien ne disait qu’il n’en restait pas derrière les arbres.

L’un d’entre eux se jeta brusquement sur l’instructeur Stillmann, qui n’eut que temps de parer le coup alors qu’un autre tentait de le prendre à revers. Les autres hommes-rats, comme galvanisés, s’élancèrent, armes levées, tout en restant parfaitement silencieux. Ils s’abattirent avec une violence bestiale sur les jeunes pistolkorps, qui ripostèrent comme ils le purent. Un coup de pistolet cueillit le premier qui sauta sur Reiner, envoyant son cadavre rouler sur le sol. Un deuxième parvint à atteindre le major, qui sans se démonter fit faire une ruade à son cheval, percutant le museau de l’assaillant en un claquement sec.

Wilhelm, qui de son côté n’avait pas eu la présence d’esprit de dégainer son dernier pistolet, fut également assaillit par deux hommes-rats. Il parvint, non sans mal, à repousser leur assaut, son esprit étant complètement remis du déferlement d’émotions qu’il avait subi plus tôt. Mais alors que ses adversaires, qui avaient fini par reculer, montraient leurs dents sans plus s’approcher, il sentit sa monture s’énerver sous lui, et réalisa avec horreur que l’animal avait été blessé. Perdant le peu de sang-froid qu’il lui restait, le cheval poussa un hennissement furieux et s’élança droit devant au galop.

Il sembla que c’était ce que ses deux ennemis attendaient. Alors que sa monture entamait son mouvement, Wilhelm les vit reculer tout en armant leur coup, et comprit qu’ils avaient l’intention de faucher les pattes de l’animal. Saisissant les rennes, il tenta de dévier sa course. Trop tard réalisa-t-il avec horreur. Mais au même moment un hennissement déchirant retentit à sa droite, et une silhouette sombre le dépassa. Pris au dépourvu, les hommes-rats tentèrent de l’éviter, mais l’un d’entre eux finit écrasé par des sabots paniqués alors que l’autre, roulant dans l’herbe, se hâta de trouver une autre cible. Le cheval de Wilhelm, loin d’être rassuré par les évènements, accéléra sa course, malgré les deux jambes de son cavalier solidement ancrées sur ses flancs. Jetant un regard à la forme sombre qui l’avait sauvé, Wilhelm écarquilla les yeux de dégoût et de peine. Il s’agissait d’un de leurs cheveaux, certes, mais couvert de sang, la lune révélant de très nombreuses taches qui maculaient sa robe autrefois claire. L’animal semblait blessé à de nombreux endroits, et très certainement aux pattes, car il s’effondra au bout de quelques mètres avec un cri de souffrance.

Wilhelm finit par reprendre le contrôle de son propre cheval, et achevant son virage entamé quelques instants plus tôt, il réalisa, en levant les yeux, que la situation était critique. Très critique.

L’instructeur se battait comme il le pouvait, devant à la fois gérer l’obscurité et le nombre de ses adversaires. À cette distance, Wilhelm ne pouvait voir s’il était indemne, même s’il en doutait sérieusement. Mais c’étaient les autres qui étaient les plus mal en point. Deux cadavres humains gisaient déjà au sol, leurs chevaux disparus, et les autres étaient au corps à corps à trois contre un. Avant qu’il eût décidé quoi faire, quatre hommes-rats avaient sauté sur l’un des cavaliers restants, l’agrippant au torse, au visage, au dos, tout en le lacérant de leurs longues griffes, son cri restant étouffé par la masse bestiale qui le recouvrait. Les autres étaient harcelés sans relâche, et tentaient de survivre tant bien que mal. Dieter et Klaus, ce dernier étant reconnaissable malgré l’obscurité, essayaient de protéger Kurt, handicapé par son bras blessé.

Il lui fallait agir, vite, sans quoi ils allaient tous mourir. Cette fois-ci Wilhelm refusa de fuir. Sans attendre, il poussa un cri aussi fort qu’il le put et lança son cheval, toujours au galop, droit dans les horribles bêtes. C’était stupide, présomptueux, et presque suicidaire, mais cela suffit à désorganiser les assaillants pendant quelques secondes alors qu’ils s’écartaient de son chemin, surpris par cette riposte.

« MAJOR ! » Hurla alors l’instructeur Stillmann. Reiner se tourna vers lui, juste à temps pour attraper l’imposant sac que lui lança son supérieur. « Menez ces hommes jusqu’au fort ! MAINTENANT ! ». Saisissant l’arme d’une de ses victimes dans sa main gauche, le Reiklander moustachu se mit à se battre de plus belle, tournoyant sur lui-même pour bloquer tout en attaquant autant qu’il le pouvait. S’il ne pouvait fuir, alors il leur ferait gagner du temps.

Du temps, Reiner n’en perdit pas une seconde. « Messieurs, avec moi ! » s’époumona-t-il à son tour. Profitant de la très brève confusion causée par Wilhelm, il lança son propre cheval au galop tout en taillant de droit et de gauche pour se frayer un chemin. Les cinq membres restants s’élancèrent à sa suite, se dirigeant vers les arbres, alors que Wilhelm, que l’élan de sa monture avait emmené en marge du groupe, venait par le côté.

Mais la désorganisation des hommes-rats ne dura pas très longtemps. Se précipitant vers les fuyards, l’un d’entre eux parvint à atteindre le cheval de Sigmund, qui venait en dernier. Fendant l’air de son épée incurvée, la créature porta un coup violent à la patte arrière gauche de l’animal. Celui-ci, étant fatigué et effrayé, s’effondra à son tour violemment en un grand hurlement de douleur, projetant son cavalier vers l’avant. Sigmund n’eut que le temps de réaliser ce qu’il se passait qu’un d’entre eux était déjà sur lui, suivi d’un autre, puis d’un autre. Son propre cri retentit alors, lorsque la première lame pénétra sa chair.

Wilhelm prit le parti de charger à nouveau, ne serait-ce que pour le venger, et lança son cheval dans le corps-à-corps. Malheureusement, il s’aperçut bien vite que sa propre monture n’était pas remise de sa terreur, car s’il parvint à faire fuir les hommes-rats par sa charge, il ne put le stopper par la suite. Ignorant toutes ses supplications, menaces et tentatives pour le faire s’arrêter, le cheval de Wilhelm s’élança à la suite des autres dans la forêt, laissant derrière lui une scène de désolation agrémentée des beuglements guerriers de l’instructeur Stillmann, désormais seul.

************************


Dernière édition par Arcanide valtek le Lun 10 Sep 2018 - 1:05, édité 8 fois

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Le lien vers mon second récit : la geste de Wilhelm Kruger tome 1
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Sam 9 Juin 2018 - 13:05
Arcanide Valtek a écrit:Poile
Je pense que tu voulais dire "poêle" Sourire

Pour ce qui est du fond, c'est du bon ma foi Clap Tu as réussi à m'avoir avec cette attaque "d'hommes-bêtes", je n'ai compris qu'au dernier moment qu'il s'agissait de skavens.

A ce propos, je tiens juste à ajouter un petit détail. Il se trouve que les assassins du clan eshin ont une particularité. Quand ils meurent, leurs cadavres se dissolvent en des flaques noirâtres en quelques secondes. Ainsi, ils ne sont jamais découvert et leurs cadavres ne peuvent pas servir de preuve, même en cas d'échec. Cela ne changera rien à ce que tu as écrit, entre l'obscurité et le bordel ambiant Wilhelm n'aurait rien remarqué et je ne me souviens plus exactement où j'avais lu ça malheureusement. Mais un peu de lore ne fait jamais de mal.

Et maintenant qu'on sait que Wilhelm et sa troupe se dirigent vers le fort du sang, eh bien, le fun va pouvoir commencer La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang 992388

Ainsi, je demande la suite !

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Ven 15 Juin 2018 - 7:49
Retard rattrapé Happy

Eh bien voila une suite qui donne froid dans le dos ! Belle illustration d'une embuscade skaven, accomplie dans les grandes règles de la félonie souterraine ! L'armée impériale n'avait aucune chance... et ce malgré tout l'entrainement que les troupes avaient pu se procurer dans le chapitre précédent.

Juste une remarque sur le lexique :
descellé
Il me semble que "dessellé" est la forme correcte Camouflé Ninja

L'instructeur Stillmann a écrit:Nous sommes malheureusement loin de toute place forte, excepté une seule, le fort de sang.
La bibliothèque impériale m'informe que Walach Harkon a corrompu le fort en 1887 après Sigmar. Je suis curieux de voir si nos braves pistolkorps arriveront avant, après ou pendant la visite de Walach Shifty

La suite ! Clap
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Ven 29 Juin 2018 - 16:13
Même réflexion d'Essen. Damned en quelle année sommes-nous ? Je ne crois pas l'avoir lu xD

Bien sympathique cette bataille. Sa m'a fait bizarre au début d'avoir autant de troupes-piétaille skaven pour un assaut frontal à ciel ouvert... mais après tout pourquoi pas. D'autant plus qu'elle est très dynamique, on s'emporte très facilement dans le tourbillon d'adrénaline Cool

corrections:

Go on Smile

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Ven 27 Juil 2018 - 0:00
@vg11k : merci de tes commentaires, j'en ai tenu compte.

Et maintenant, avec un retard non négligeable sur mes estimations initiales (pour cause de descriptions qui se sont rajoutées), je vous délivre le chapitre 4. Bonne lecture



Chapitre IV


La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Rat_skaven

Snilk contempla le cadavre du chose-homme devant lui, son museau suintant encore de sueur. Ils avaient finalement réussi à le tuer, mais ça n’avait pas été une mince affaire, loin de là. Il en avait des bonnes le prophète gris avec ses « rattraper-tuer ». Il lui avait promis qu’il ne s’agirait que de fuyards « trop affaiblis pour combattre-riposter, oui-oui. Pas d’alarme-soucis à se faire ». Mon œil, celui-ci en avait fait un beau de « trop affaibli ». La moitié de son régiment, voilà ce que ç’avait coûté de le tuer. Sans compter ceux que les autres choses-hommes en fuite avaient abattus. Si ça continuait à ce rythme, il ne donnait pas cher de leur peau, ce qui n’était pas pour lui plaire.

Mais d’ailleurs, en parlant de ça, ils n’avaient pas fui à dos de chose-cheval ? Les dents de Snilk commencèrent à grincer, signe qu’il brouxait de stress. Il ne s’imaginait pas retourner, le museau baissé au ras du sol, expliquer au prophète que les fuyards étaient « partis-enfuis ». Celui-ci ne lui laisserait même pas finir sa phrase, et après l’avoir tué d’une des façons exotiques dont il avait le secret il confierait le commandement de sa troupe à Vritik (son affreux second). Autant s’enfoncer directement son épée dans le ventre, ça serait sûrement moins douloureux. Courir après les choses-hommes, même dans cette situation, serait un choix bien plus à-même de terminer par sa propre survie.

Il interrompit rapidement son grincement de dents, résolu à ne montrer aucun signe de faiblesse au ramassis de traîtres qui lui servait de régiment. Il allait falloir jouer serré, parce que leurs proies avaient de l’avance, une vitesse supérieure, et eux ne craignaient pas la lumière du jour. Snilk savait qu’il ne leur restait que quelques heures avant que le soleil ne se lève, ce détestable astre qui répandait la luminosité partout. « Vite-vite, il nous faut les rattraper-tuer avant qu’ils ne s’échappent » couina le grand cape à ses coureurs nocturnes. Ces derniers se rangèrent à sa suite, en apparences dociles et obéissants, mais Snilk n’était pas dupe, et les fit passer devant lui.

On n’est jamais trop sûr-prudent.

*

Ils avançaient en silence, les uns derrière les autres. Eclairés par les lunes, leurs chevaux avaient largement ralenti l’allure, marchant désormais d’un pas lent. Depuis leur fuite effrénée dans les sous-bois aucun d’entre eux n’avait ouvert la bouche, pas même pour émettre un doute sur la direction à prendre. De fait, Kurt semblait certain du chemin, et il jetait régulièrement des regards vers les étoiles pour se diriger. Cela faisait maintenant près de deux heures qu’ils avançaient ainsi, et rien n’avait encore troublé leur fuite. Ils avaient traversé un ruisseau à gué, et la végétation se faisait moins dense et plus montagneuse. Wilhelm de son côté regardait plus volontiers l’encolure de son cheval, imité par les autres à l’exception de Kurt, qui les guidait, et de Reiner.

Les sentiments qu’il ressentait en cet instant étaient confus. La peur, le chagrin, l’horreur, la haine, tout cela se mêlait dans un tourbillon qui tambourinait dans sa tête. La douleur physique de la monte à crue ne pénétrait même plus son cerveau. L’horreur du monde lui apparaissait maintenant au grand jour. Toute son enfance il avait été bercé par des histoires de grands héros, de batailles épiques qui se terminaient par la victoire des ‘gentils’. Il s’était vu maintes et maintes fois triomphant l’arme à la main sur les ennemis de l’empire au terme d’un glorieux combat. Il y a quelques jours encore il s’imaginait que la toute puissance impériale ne pouvait pas être vaincue par des ennemis aussi lâches, fourbes et hideux que ceux qu’ils venaient d’affronter.

Et puis ce fut la désillusion. Ils n’étaient plus que six, six malheureux survivants qui avaient échappé au trépas, mais pas à l’horreur. La mort de ses camarades lui revenait sans-cesse en tête, des images d’êtres humains qu’il connaissait presque intimement, tués sans pitié, sans concession, alors qu’ils hurlaient en sachant très bien ce qui allait arriver. Des gens avec qui, deux ans durant, il avait partagé ses rêves, ses doutes, ses joies, ses larmes, et qu’il connaissait aussi bien que sa propre famille. Et désormais ils étaient morts, sans aucun espoir de retour, et de la plus affreuse des façons. Il avait du mal à l’accepter. Lui-même avait fait face à une de ces horribles créatures, et en avait été tétanisé. Plus jamais il ne s’imaginerait affronter glorieusement l’ennemi, sans jamais trembler devant l’adversité. Il allait désormais devoir cesser de l’imaginer et le faire pour de vrai. Le temps des rêves était terminé, et il était désormais dans la dure réalité.

Un bruit lui fit lever brusquement la tête, sa main se portant instinctivement sur la garde de son épée dans un mouvement brusque. Il constata que le cheval de Dieter s’était couché devant lui - Dieter lui-même ayant chu dans le processus. Maintenant que Wilhelm y prêtait attention, l’animal semblait en piteux état. Plusieurs estafilades longeaient ses flancs, et si la lumière était mauvaise il devinait que ces blessures étaient graves. Il stoppa sa monture, imité par le reste du groupe. En silence, Wilhelm démonta pour porter assistance à son camarade.

En s’approchant, il remarqua que le cheval au sol tremblait de toute sa carcasse. Il était manifestement très mal en point, poussant de faibles cris. Wilhelm réalisa que l’animal sentait très certainement que sa fin approchait. Toujours en silence, il tendit sa main à Dieter, qui la saisit, et d’une traction il remonta son ami du sol. Cependant, sans qu’il s’y attende, Dieter profita de son élan pour serrer ses bras autour de Wilhelm tout en posant sa tête sur son épaule. Et éclata instantanément en sanglots.

Il y aurait eu de nombreux arguments logiques à opposer à cet acte. La nuit n’était pas terminée, et rien ne disait qu’ils étaient en sécurité. De plus, cela ne servait à rien, car les évènements n’allaient pas soudainement s’inverser, ramenant les morts à la vie. Mais personne n’osa rien dire, et Wilhelm se contenta de serrer ses bras autour de Dieter, ses propres yeux embués de larmes. Il finit par se laisser aller lui-aussi, et pendant de longues minutes tout leur groupe resta là, leur chagrin s’exprimant par de longues lamentations. Klaus passa son bras autour de Kurt, qui n’arrivait pas non-plus à retenir ses sanglots, et Gerulf plongea la tête dans ses mains. Seul Reiner, de par son incapacité à ressentir des émotions, gardait son calme. Mais il se garda bien de la moindre remarque, sentant instinctivement que ce qui se déroulait devant lui devait arriver, et que ce moment n’était pas pire qu’un autre.

*

« Ces horribles hommes-bêtes, qu’est-ce que j’aurais aimé pouvoir les écrabouiller, les écharper, les massacrer, les…

- Ça va aller Klaus, ça va aller », répéta doucement Kurt en tapotant l’épaule de son ami de son bras valide.

Ils s’étaient remis en route. Après leur dernier arrêt, les jeunes pistolkorps étaient enfin sortis de leur mutisme, mais ce qu’ils se racontaient n’était pas vraiment joyeux. Cependant, après le silence presque forcé qu’ils s’étaient imposés, ce déliement de langues leur avait permis de se sentir mieux.

Leur allure était cependant beaucoup plus lente. Le cheval de Dieter étant mort, ils n’avaient plus assez de montures, et étaient donc forcés d’aller à l’allure pédestre. De plus leurs autres chevaux s’étaient rapidement révélés être également en mauvaise forme, et ils avaient fini par tous démonter, à l’exception de Kurt à cause de son bras blessé.

Il avait fallu trancher quant au sort du cheval de Dieter. Ce dernier avait catégoriquement refusé de l’abandonner à son sort, expliquant entre deux sanglots qu’il avait abandonné trop de gens pour sa vie entière. Personne n’avait osé protester, à l’exception de Reiner, qui avait suggéré de l’achever. Dieter lui avait alors lancé un regard empli d’un mélange de haine et de peur panique. Cependant, loin de se démonter, Reiner lui avait alors asséné qu’en tant que major il refusait lui aussi d’abandonner qui que ce soit. D’autant que les derniers ordres de l’instructeur Stillmann étaient clairs : il devait les mener au fort, coûte que coûte.

Dieter avait été sonné devant cette logique imparable, d’autant que Reiner avait plus pour habitude d’abandonner des hommes en chemin. Le ton sans appel de son supérieur le laissant désemparé, il ne put trouver de soutien chez les autres. Wilhelm, en effet, savait que le cheval devait être abandonné s’ils voulaient survivre, mais il n’avait pas osé pas prendre parti.

Au comble du désespoir, Dieter avait alors accepté, et c’est d’un ton compatissant que Gerulf avait proposé de le faire, assurant que l’animal ne sentira rien. Depuis ce moment, le jeune homme blond n’avait plus prononcé un mot, contrairement aux cinq autres.

Le temps passait lentement, mais le paysage changeait peu à peu autour d’eux. Les arbres s’espaçaient et devenaient plus courts, et le sol se fit de plus en plus rocailleux. Petit à petit leurs pas les menaient vers les hauteurs. De plus, les lueurs de l’aube commençaient à pointer à l’horizon, et la lumière ambiante augmentait en intensité.

« Vous êtes certain du chemin monsieur Schreiber ? Lança Reiner alors qu’ils venaient de monter sur une butte.

Kurt les menait en effet depuis le début, en leur expliquant rapidement qu’il se repérait grâce aux étoiles. Montant le seul cheval à peu près valide, il avait pris la tête du petit groupe et avait régulièrement la tête levée vers le ciel.

- Oui major, en gros... répondit-il d’un ton légèrement hésitant par-dessus son épaule. Je sais où est le fort pour l’avoir vu sur plusieurs cartes, mais je ne sais pas exactement où se situait notre campement. Cela dit, je connais la direction générale, c’est l’Ouest-Sud-Ouest. Ensuite, je pense qu’on le verra, ou quelque-chose du genre.

- Ou quelque-chose du genre ? S’énerva Klaus. Tu veux dire que depuis le début tu ne sais pas où on va ?

- Ce n’est pas ce qu’il a dit, déclara calmement Reiner, ce qu’il fait reste notre meilleure option.

- Oh toi, le simili-officier, tu vas commencer par arrêter de me parler sur ce ton.

Reiner tourna son regard inexpressif vers lui.

- Continuez à le prendre ainsi avec moi et ça risque de mal se passer pour votre matricule. Et je vous rappelle que vous devez m’appeler ‘major’.

- Mais ce sont des menaces ? Tu vas voir ce que j’en fais de ton…

- Klaus TAIS-TOI !

Tous se retournèrent pour fixer Dieter avec étonnement, alors que ce dernier regardait toujours le sol. Chacun avait cependant reconnu sa voix. Klaus, habitué à ce que les autres le rejoignent quand il s’agissait de critiquer Reiner, ne sut comment prendre ce revers, et se mit à bougonner dans son coin. Wilhelm tenta alors une manœuvre de réconciliation.

- Je crois que nous sommes tous fatigués major. Il va peut-être falloir faire une pause.

De fait, il se sentait épuisé. L’adrénaline avait quitté son organisme, et la nuit blanche ajoutée aux combats et aux chocs émotionnels avait laissé son corps dans un état de fatigue intense. À voir la mine des autres, leur état n’était certainement pas meilleur.

Reiner sembla considérer la possibilité. Son visage pâle et impassible se fixa sur un point invisible devant lui alors qu’il marchait. Puis il se contenta d’énoncer :

- Je suis de votre avis Kruger. Nous ferons une halte lorsque nous serons sortis de cette forêt. Ça ne devrait plus être très long, et ce sera plus facile de surveiller les alentours. »

Manifestement, il n’excluait toujours pas la possibilité d’une attaque. Wilhelm était du même avis, mais il avait secrètement espéré que son officier lui donne une bonne raison de penser le contraire. Les dernières heures avaient été très calmes, mais depuis l’épisode du cheval ils avaient tout fait pour compliquer la tâche à d’éventuels poursuivants, notamment en remontant un cours d’eau les pieds dans le courant. Mais cela n’avait de toutes évidences pas apaisé leurs craintes respectives.

Ils mirent encore une bonne heure à parvenir en lisière du bois. Le dénivelé était croissant, et leurs muscles commençaient à les faire souffrir. Les chevaux, épuisés eux aussi, se faisaient de plus en plus réticents à vouloir avancer. Enfin, ils parvinrent à un endroit où les arbres laissaient clairement la place à une végétation plus petite, composée de buissons et d’herbes rases. En cette époque de l’année il restait encore de nombreuses fleurs, qui semaient çà et là des touches de couleur vives au milieu du gris et du vert. Cependant, ces considérations ne furent pas vraiment appréciées à leur juste valeur par les jeunes pistoliers, qui s’effondrèrent dans l’herbe dès que Reiner déclara une halte.

« Messieurs, continua-t-il après cette annonce, avant de prendre du repos nous devons établir une ronde de garde. Mais avant ça, faisons l’inventaire de nos moyens militaires. Sortez les armes qu’il vous reste. »

Chacun s’exécuta en grommelant. Ils avaient encore leurs épées, ce qui était déjà un bon début. Il restait à Wilhelm un pistolet chargé, mais rien de plus. Reiner disposait encore de ses deux armes à feu, ainsi que de trois balles et de suffisamment de poudre pour les utiliser. Klaus avait également un pistolet, mais déchargé, alors que Dieter et Kurt n’avaient plus rien du tout. Gerulf, de son côté, avait encore ses deux pistolets chargés, ne les ayant pas utilisé du tout. Il disposait surtout de son arc et d’une quinzaine de flèches, ce qui constituait, aux yeux de Reiner, leur meilleure puissance de feu.

Ils firent un repas frugal, le major ayant décidé de rationner la nourriture que lui avait lancé l’instructeur, et les chevaux s’attaquèrent vivement à l’herbe. Après cela, une ronde de garde fut établie, Gerulf prenant le premier quart, tandis que le reste du groupe s’endormait à même le sol. Wilhelm s’endormit immédiatement, terrassé par l’épuisement.

*

L’attaque eut lieu quelques heures plus tard.

Wilhelm était alors à son propre tour de garde. Le temps avait passé depuis l’aube, et l’heure approchait de midi. Le soleil s’élevait haut dans le ciel, mais des nuages en cachaient quelquefois la lumière. Malgré tout, il lui était difficile d’imaginer qu’un danger mortel puisse rôder dans le décor qui l’entourait. Entre les fleurs, les chants des oiseaux et les senteurs de la nature, tout ici semblait si pacifique que la violence paraissait impossible. Son sommeil l’avait revigoré, même si ses muscles étaient encore endoloris. Il se surprit à réaliser que ses inquiétudes immédiates avaient momentanément chassé ses noirs souvenirs les plus récents de son esprit. À cette pensée, Wilhelm sentit ses yeux s’emplir à nouveau de larmes, qu’il chassa d’un revers de la main.

Ils n’étaient pas sortis d’affaire, et il devait être vigilant.

Tout d’un coup, il perçut un mouvement venant de la lisière des bois. Les arbres étaient plutôt de taille moyenne, et l’ombre en-dessous semblait impénétrable maintenant que le soleil avait habitué ses yeux à la lumière. Malgré tout, il put distinguer des mouvements, et sans hésiter il dégaina son épée et son pistolet. Il avait été décidé que chacun devait disposer, lors de sa garde, d’une arme à feu chargée, et les armes disponibles avaient été réparties au mieux. Tout en fixant toujours les arbres, Wilhelm s’approcha de Reiner et le réveilla en lui donnant un petit coup de botte dans le pied.

Le major ouvrit immédiatement les yeux. L’une des choses qu’ils avaient dû apprendre, en tant qu’apprenti soldats, était de pouvoir s’endormir et s’éveiller très rapidement. Lors de certaines nuits, Stillmann les avait forcés à sortir de leurs lits à plusieurs reprises, pour les obliger à développer ces capacités. Il utilisait plusieurs ‘signaux’ différents qui étaient censés les réveiller. Ceux qui étaient incapables de dire combien de fois dans la nuit il avait lancé le signal (dont il ne donnait pas la nature avant le test) écopaient alors de corvées durant la journée. Ces corvées étaient intentionnellement fatigantes. L’objectif étant de former les futurs chevaliers à savoir gérer leur sommeil du mieux possible. De fait, cet entraînement éprouvant avait porté ses fruits, car chacun d’entre eux était désormais capable de s’endormir rapidement et de s’éveiller au moindre bruit anormal.

« Il y a quelque-chose dans les fourrés» chuchota Wilhelm à son supérieur sans perdre les arbres de vue. De fait, il ne vit pas la réaction immédiate de Reiner, mais celui-ci se saisit silencieusement de ses armes et lui répondit sur le même ton « préviens les autres et dis-leur de se tenir prêts. »

Aussitôt dit, aussitôt fait. De la même façon que Reiner, les dormeurs attrapèrent leurs armes et attendirent un signal quelconque, alors que Wilhelm feignait de vaquer à des occupations diverses. Ses regards vers le sous-bois n’avaient certainement pas échappé à celui - ou ceux - qui se trouvaient là, mais il se disait qu’il pouvait faire croire qu’il n’avait rien vu et qu’il était passé à autre chose.

La ruse sembla fonctionner. Malgré tout, ce qui suivit arriva très vite. En une fraction de seconde, et quasiment sans aucun bruit, émergèrent des arbres des silhouettes qu’il aurait reconnu entre mille : les hommes-rats, ceux qu’ils avaient fuis quelques heures plus tôt. Pointant immédiatement son arme à feu sur eux, les yeux révulsés de haine, Wilhelm fit feu sur le plus proche tout en hurlant « ALERTE ! ». Malheureusement, son coup manqua, et il lâcha immédiatement son pistolet pour se ruer au combat.

À son cri, tous ses compagnons s’étaient levés, arme en main, et s’étaient précipités vers les attaquants. Wilhelm se jeta sur l’homme-rat le plus proche, l’épée levée. La créature tenta de bloquer son coup, mais si sa lame dentelée para bien celle de Wilhelm, son bras ne put soutenir la force du jeune homme et la créature ploya sous l’effort. Saisissant sa chance, Wilhelm donna un coup de poing sur le museau de l’homme-rat, le faisant tituber, puis lui faucha le torse. S’effondrant en couinant de douleur, l’abomination fut achevée par Wilhelm qui lui planta son épée dans l’abdomen.

Un phénomène étrange se produisit alors. Le cri de souffrance de l’homme-rat se transforma en une sorte de gargouillis, puis instantanément son corps se transforma en une sorte de liquide noirâtre. Retirant son épée, interloqué, Wilhelm constata que la créature avait fondu corps et bien, ne laissant que l’étrange lame fine qu’elle portait, le reste s’étant totalement changé en une flaque sombre.

Le tout n’avait pas duré plus d’une poignée de secondes, mais tout autour de lui ses compagnons avaient obtenu des résultats similaires. Dieter, la rage dans les yeux, avait tué deux hommes-rats au corps-à-corps qui avaient eux aussi fini à l’état de flaque. Klaus et Reiner avançaient vers les survivants, qui fuyaient désormais vers les arbres d’où ils avaient émergé. Gerulf leva son arc et tira, mais la rapidité des créatures lui fit rater sa cible. Seul Kurt n’avait pas participé au combat, mais il avait son épée en main, prêt à s’en servir.

Wilhelm s’apprêtait à foncer vers les fuyards, avec dans l’idée de les exterminer, quand un cri poussé par Kurt l’arrêta : « Reviens Wilhelm, il vaut mieux ne pas les suivre.

- Tu veux rire, s’exclama l’intéressé, c’est le moment parfait.

- Il a raison, ordonna Reiner qui regardait Wilhelm, Dieter et Klaus d’un œil attentif. Vous trois, revenez ici. Nous devons rester groupés et ne pas nous lancer dans de folles entreprises de ce genre. »

Son ton était sans appel, et les trois amis obtempérèrent, maugréant un « oui major » peu convaincu. Wilhelm aurait dû être content de cette victoire, mais plusieurs choses le dérangeaient. D’abord la survie de la majorité de leurs assaillants, et ensuite la mystérieuse transformation en liquide des morts. Mais il y avait autre chose qui le tiraillait, et ce depuis le début de l’affrontement, sans qu’il n’arrive à mettre le doigt sur ce que c’était. Dépité, il alla rejoindre Kurt qui observait une des flaques de liquide noir, fasciné.

« Qu’est-ce que c’est que ce maléfice ? lui demanda-t-il. Je n’ai jamais entendu parler d’une chose pareille.

- Moi non plus, avoua Kurt d’un ton qui trahissait une certaine appréhension.

Il était en train de remuer le liquide avec une branche, bien décidé à ne pas le toucher directement.

- Il doit s’agir d’une sorte de magie noire, je ne vois que ça, fit sombrement Reiner, penché sur une autre flaque. Cela dit, ça doit être très pratique pour ne pas laisser de traces.

- Que veux-tu dire ?

- Vous croiriez quelqu’un s’il vous disait qu’il avait été attaqué par un homme-rat qui s’était transformé en flaque noire au moment de mourir ?

La question resta en suspens. Tout le monde en connaissait la réponse. Mais cette pensée ne fit rien pour les rassurer. Se savoir traqués par un groupe de créatures qui ne laissaient aucunes preuves, même en mourant, avait de quoi effrayer.

- Il y a autre-chose d’autre qui cloche, annonça sombrement Dieter.

C’était la deuxième fois qu’il ouvrait la bouche depuis la nuit précédente, et Wilhelm espérait que ce combat avait pu lui faire un peu oublier son amertume. Dieter continua :

- Ils se battaient beaucoup moins bien que cette nuit. Et pourtant je suis certain que ce sont les mêmes.

C’était ça ! Wilhelm réalisa que cela l’avait intrigué sans qu’il puisse clairement identifier le problème. Mais avant qu’ils n’aient pu réfléchir plus avant, Reiner prit les devants.

- Bon, dans tous les cas il est certain qu’ils nous ont repérés et que nous sommes en sursis d’une autre attaque. Rassemblons nos affaires, il nous faut atteindre le fort le plus vite possible. »

Sans dire un mot de plus, les pistolkorps s’exécutèrent et se remirent rapidement en route. Les chevaux s’étaient un peu reposés, mais aucun n’était encore ne mesure de les transporter, et leur rythme ne s’était pas accéléré. Ils étaient désormais constamment en train de surveiller leurs alentours, tâche qui se révéla de plus en plus facile, car la végétation était désormais très basse, et ils voyaient largement autour d’eux.

Ils marchaient désormais à flanc de montagne, étant entrés dans les contreforts des montagnes grises. La température en cette fin d’été était bien moins clémente que dans la vallée, et le vent était parfois un peu frisquet. Cela dit, leur situation semblait améliorée, car aucune silhouette potentiellement hostile ne se profilait dans leur champ de vision. Et pourtant, malgré tout cela, aucun d’entre eux n’était serein.

Wilhelm jetait constamment des regards autour de lui. Il n’était pas le seul dans ce cas, car à part Kurt qui essayait encore de se repérer, le faisant maintenant avec la position du soleil, tous ses camarades scrutaient les environs, la main sur leurs armes.

Ils étaient hantés par ce que Dieter avait réalisé à voix haute un peu plus tôt sur les capacités martiales de leurs ennemis, et tout en avançant ils essayaient de comprendre leur étrange manque de répondant.

« Ils étaient peut-être fatigués, hasarda Klaus, après tout ils étaient à pied.

Wilhelm était peu convaincu.

- Ce n’est pas comme si je l’avais senti moins vif. C’est plutôt comme si il ne voulait pas se battre. C’était un combat étrange.

- Alors, continua Klaus, c’est peut-être que quelque-chose en particulier à cet endroit les repoussait. Je rappelle qu’à priori, ils ne sont pas ressortis de la forêt.

- Peut-être qu’ils préfèrent se battre avec des arbres autour d’eux, suggéra Dieter, qui commençait peu à peu à se joindre à nouveau aux conversations, même si sa joie coutumière tardait à revenir.

- Non, répliqua Kurt. Cette nuit, on était à chaque fois dans des clairières. Mais c’est vrai qu’ils avaient l’air déstabilisés tout à l’heure. Il doit y avoir quelque-chose, comme tu dis, qui les dérange en-dehors de la forêt.

- Le soleil. »

La remarque de Gerulf les laissa un instant sans voix. Il l’avait dit avec un naturel qui faisait presque se demander s’il ne l’avait pas compris dès le début. Cette réponse expliquait en effet tout ce qu’ils venaient de décrire, car les hommes-rats avaient attaqué de nuit. Wilhelm réalisa même que cela expliquait leurs mouvements qu’il avait vu en lisière de leur ‘campement’ précédent. Les créatures avaient peut-être hésité à sortir du couvert des ombres pour les rejoindre au grand jour.

« Mais si c’est le cas, reprit Wilhelm, alors soucieux, ils risquent d’attaquer à la tombée de la nuit. Il n’y aura plus de soleil pour les éloigner.

- Pour ça, fit Dieter d’un ton assuré, il faudrait encore qu’ils nous trouvent. Tant que la nuit n’est pas tombée, on prend de l’avance.

- Je te rappelle, objecta Kurt, qu’ils nous ont retrouvés dans la forêt malgré l’avance qu’on avait, et le fait qu’on soit passés dans un ruisseau pour essayer de les dérouter. Cela n’a pas suffi, alors je doute qu’on les sème maintenant.

- Et à combien de temps nous estimez-vous du Fort, monsieur Schreiber ? Intervint Reiner, qui avait pris place à la queue du groupe.

- Je ne sais pas vraiment Major. Je pense que l’on n’est pas très loin, mais sans carte c’est dur à dire. Major, je suggère de passer la montagne que nous gravissons pour aller de l’autre côté. Le fort est sensé surveiller les cols conduisant en Bretonnie, et ne doit pas être trop dans les hauteurs, afin de permettre à l’ordo d’intervenir rapidement.

- Et s’il n’y est pas, que suggérez-vous ?

- Je n’en sais rien Major. Mais je pensais aviser suivant la topographie des lieux.

- Ça me semble être la meilleure solution. Mais pour l’heure, nous avons effectivement le problème posé par nos poursuivants. Il va nous falloir trouver un moyen de leur échapper. »

Pour une fois, Klaus renonça à faire la moindre remarque sur le sujet.

Le groupe continua ainsi son ascension. Ils sentaient que le dénivelé se faisait de plus en plus intense, et leur progression devenait ainsi plus lente encore. La vue en contrebas était magnifique. Wilhelm, qui n’avait jamais escaladé de montagne auparavant, se sentait comme pousser des ailes. Il savait qu’il aurait été aux anges dans un autre contexte, mais la vue qui s’étendait derrière lui ne le laissait tout de même pas indifférent. Les arbres, les rochers, la rivière, tout cela était de plus en plus petit au fur et à mesure qu’ils avançaient dans leur entreprise. Cette vision le rendait presque joyeux.

La journée passa lentement, mais leur allure ne leur permit malheureusement pas d’atteindre l’autre côté avant la tombée de la nuit. Reiner le sentait, et à un moment il donna l’ordre de rechercher en sus un endroit où ils pourraient se défendre lorsque le soleil serait couché. Ils finirent par trouver ce qui fut considéré par le major comme étant l’endroit le ‘moins pire’. Il s’agissait d’une zone plate, à flanc de montagne, avec un grand nombre de rochers de diverses tailles éparpillées dessus. Un des côtés de la zone en question était le flanc de la montagne lui-même, qui montait presque à pic à cet endroit. Le reste descendait en pente douce. Ils établirent un campement de fortune à cet endroit alors que le soleil commençait à disparaître.

Reiner paraissait soucieux. Quelques minutes après avoir donné ces instructions, il se mura dans un mutisme absolu et se mit à faire les cent pas. Kurt avait pris en charge le décompte des balles disponibles, et s’assura de nouveau que tout le monde disposait d’un pistolet chargé, Gerulf excepté. Ce dernier avait pris position sur la corniche, au-dessus du ‘campement’. Mais malgré ces préparatifs, l’ambiance était devenue presque morbide. Chacun commençait à réaliser que bientôt ils allaient se battre à six contre une douzaine, avec en face des tueurs bestiaux certainement très remontés. Et le pire dans tout cela était qu’ils n’allaient certainement pas les voir ou les entendre arriver.

Et puis soudain, Reiner stoppa net ses déambulations et s’exclama « J’ai trouvé ! ».

*

Snilk grimpait vite, précédé par son escouade de coureurs nocturnes. Les derniers rayons du soleil, en face d’eux, les dérangeaient encore de temps en temps. Mais globalement ils n’avaient presque plus de problèmes pour avancer, grâce à la montagne qui bloquait la lumière, et le faisaient maintenant sans modération, courant ventre à terre. Snilk avait été très clair sur le sujet : il fallait rattraper les choses-hommes en fuite, vite-vite, sinon c’était lui qui allait les motiver-motiver à courir. Ce discours et un moulinet de son arme avaient eu l’effet désiré.

La lumière les avait en effet beaucoup dérangés durant la poursuite. Ils avaient réussi à trouver la piste facilement grâce à leur flair, malgré les tentatives des fuyards de camoufler leur pistes. Ce n’était pas ça qui allait ralentir des pisteurs chevronnés. Et mieux encore : l’abandon d’une chose-cheval en route. Ils l’avaient dévoré, et avaient continué en sachant qu’au moins une de leurs cibles était à pied. Mais malheureusement ils n’avaient pas réussi à les rattraper avant le lever du soleil. Et cela le frustrait au plus haut point.

Snilk maudit cet astre puant. Par le rat cornu, pensa-t-il en se rongeant les dents de rage, une telle lumière ne devrait pas être permise. Car en effet, lors de leur précédente attaque, il n’avait pu que constater l’effet de cette maudite lumière sur sa troupe. Incapables de se battre correctement, les coureurs étaient tombés un par un sans causer le moindre mort en face. De rage, il avait dû ordonner la retraite pour qu’ils se réfugient sous le couvert des arbres. Observant leurs cibles s’enfuir peu après, ils s’étaient résignés à dormir le temps que le soleil disparaisse.

Ce qu’il avait fini par faire. Enfin ! Retrouver la piste s’était ensuite révélé être un jeu de raton. L’odeur laissée par les choses-hommes qu’ils poursuivaient était particulière, un mélange de crasse, de sueur et de musc de cheval. Et il y avait tant d’odeurs inconnues ici que c’en était encore plus facile d’identifier celle-là.

Les odeurs. Par le rat cornu, pensa Snilk, il y en a tant par ici qui sont si…bizarres. Il avait déjà vu de la végétation auparavant, car les souterrains ne sont pas dépourvus de racines. Mais il n’avait encore jamais vu de ‘fleur’, ces étranges végétaux colorés qui dégageaient un fumet si particulier. Et il y en avait beaucoup ! De couleurs et d’odeurs différentes, tantôt frêles tantôt robustes, tantôt douces tantôt piquantes. Il en avait goûté une, mais s’était vite rabattu sur autre chose. Il voyait bien que ses coureurs étaient aussi déstabilisés que lui, et il espérait rentrer dans les souterrains le plus vite possible. Quoi que, si cela lui donnait un ascendant sur Vritik, il en prendrait peut-être une poignée…

Maintenant cela dit, tout cela était dans un coin de son esprit. Tout le reste était focalisé sur sa traque, et sur le carnage qui allait s’ensuivre. Il fallait rester discret, afin de les prendre par surprise, pas comme l’autre fois. Mais maintenant la lumière ne serait plus là pour les aider, oh non-non. La mort va frapper !

Aussi silencieux que des ombres, les skavens arrivèrent devant ce qui semblait être le retranchement de leurs proies : un renfoncement dans la montagne, qui créait une surface plane. Un feu en éclairait une partie, et les chevaux étaient attachés un peu plus loin. Jetant un coup d’œil sur la zone tout en restant caché, Snilk sentait clairement que les choses-hommes se reposaient autour du feu. L’odeur était parfaitement reconnaissable. Ses yeux, habitués à l’obscurité des souterrains, finirent par distinguer des formes autour du brasier. Des formes portant les mêmes vêtements que leurs cibles. Ils n’avaient même pas mis de garde cette fois. Se pensaient-ils vraiment tirés d’affaire après la dernière attaque ? Stupides choses-hommes, si crédules-naïfs.

Sans plus attendre, Snilk donna le signal, et ses coureurs se faufilèrent sans bruits vers les formes allongées. D’ici quelques secondes, tout serait fini. Lui-même tira son épée de sa ceinture en salivant à l’idée du festin qu’il s’apprêtait à faire.

Vritik fut le premier à atteindre les corps, au grand dam de Snilk qui espérait l’en empêcher discrètement. Son second sauta brusquement en avant, la lame levée, et l’abattit sur le corps le plus proche. Il y eut alors un bruit métallique, qui résonna dans la nuit alors que la lame de Vritik rebondissait sur une surface qui n’avait rien à voir avec de la chair. L’instant suivant, il s’effondrait, une flèche plantée dans la tête.

*

Cinq coups de feu retentirent simultanément, et à la lueur du feu Wilhelm discerna plusieurs des silhouettes sombres s’effondrer. Il n’attendit pas de savoir si c’était qu’ils étaient morts ou s’ils se jetaient à terre. Brandissant son épée, il sortit de la pénombre et fonça en hurlant malgré le froid de la nuit qui, sans ses vêtements, était bien plus difficile à supporter.

« AAAAAAAAAH ! »

Eparpillés autour du feu, ses compagnons faisaient de même. Reiner, en sous-vêtements, lâchait un de ses pistolets et chargeait sans un mot, le regard terrible. Dieter hurlait lui-aussi dans sa charge, sa fureur trouvant enfin un exutoire, et Klaus avait pris l’épée de Kurt, resté en arrière, en plus de la sienne, afin de trouver une compensation à sa maladresse. Enfin, Gerulf descendit de sa corniche, ne pouvant viser efficacement dans la pénombre, surtout une fois le combat était engagé. Ensemble, ils encerclaient le feu, ainsi que les hommes-rats qui s’étaient regroupés autour, attirés par l’odeur des vêtements installés sur des pierres.

Wilhelm vit l’incompréhension dans le regard de la première créature qui lui faisait face, mais cela ne l’arrêtait pas. Il en avait trop vu de ses semblables pour toute sa vie. La bête feula, mais leur bestialité ne l’impressionnait plus. D’un coup de taille, il fit sauter l’arme de la main de son adversaire, et son revers lui trancha la poitrine. Le couinement de la créature se mêla à celui de ses congénères alors qu’elles subissaient un sort similaire autour d’eux. L’une des créatures lui bondit au visage, s’apprêtant à le lacérer à l’aide de ses armes en forme de griffes métalliques. Mais Dieter, faisant un grand moulinet de sa lame, la frappa dans le dos d’un coup rageur, et elle fut projetée quelques mètres plus loin. En quelques secondes, il n’y eut plus devant eux que trois hommes-rats encore en vie, le reste ayant fondu en cette même espèce de fluide noir que les précédents. Wilhelm en avait été éclaboussé durant la mêlée, mais il n’en avait cure pour le moment, tout à sa rage.

Les créatures tremblaient maintenant de tous leurs membres, reculant de façon presque aléatoires. Leurs museaux étaient baissés, et on pouvait entendre un étrange crissement venant de l’un d’entre eux. S’approchant de l’homme-rat survivant le plus proche de lui, Dieter enchaîna les coups avec une violence fulgurante, que son adversaire semblait avoir du mal à bloquer, reculant peu à peu vers le feu. Gerulf, qui était arrivé quelques secondes avant, en décousait avec une autre, qui était elle aussi sur la défensive. Puis soudain, elle réagit au quart de tour, et fit un bond qui surprit l’ostlander par sa hauteur, avant d’atterrir derrière lui. Mais alors surgit Reiner, qui avait semble-t-il compris le manège des trois survivants. Alors que l’homme-rat s’apprêtait à fuir, il l’accueillit d’un coup de poing au museau, avant de l’assommer du pommeau de son épée. « Ne les laissez pas s’enfuir. » dit-il de sa voix monocorde en regardant les autres.

Dieter avait fini par acculer son adversaire vers le feu. Ce dernier essayait tant bien que mal de le contourner, mais Klaus arriva de l’autre côté, prenant la créature en tenailles. De son côté, Wilhelm poussait également le dernier homme-rat en direction du brasier par de grands moulinets, comprenant qu’ils cherchaient maintenant un moyen de fuir. Mais ce moment ne vint jamais. Dieter finit par trouver la faille dans la garde du premier, lui enfonçant profondément son épée dans le poumon. « MEURS ! », hurla-t-il en plongeant ses yeux dans ceux de sa victime, le visage déformé par un rictus de rage. La créature émit un râle, puis se liquéfia. Son congénère, tremblant de tous ses membres, tenta le tout pour le tout et fit également un bond spectaculaire pour s’enfuir. Ou du moins essaya, car Wilhelm, qui était à l’affut d’une telle tentative, bondit lui aussi en avant et parvint à refermer ses doigts sur la queue du fuyard. Tous deux tombèrent au sol, et Wilhelm vit en se relevant que Gerulf avait rattrapé et achevé le dernier homme-rat.

Le dernier, enfin. Wilhelm soupira, soulagé et échauffé malgré la température basse et son manque de vêtements. Mais son répit fut interrompu par Dieter qui le repoussa du coude, marchant droit vers le cadavre de l’une des bêtes, que l’on distinguait non loin du feu.

Le cadavre ?

« Il est encore vivant ? Demanda-t-il, méfiant.

- Plus pour longtemps, fit la voix de Dieter d’un ton glacial. Je vais terminer ça.

- Non, claqua soudain celle, calme et posée, de Reiner. Vous n’en ferez rien, monsieur Von Fried.

Wilhelm se rendit compte que le Major était accroupi à côté de l’homme-rat, et s’appliquait à la ligoter proprement. Dieter n'avait cependant pas l'intention d'en rester là, et s'écria :

- Pourquoi la laisser en vie ? Pourquoi ? Ils nous ont tout pris hier soir. Ils ont tué tant de monde. L’instructeur Stillmann, Wilfried, Sigmund, Aghmar, Horst…

Sa voix se brisa au milieu de la longue liste. On pouvait entendre les sanglots monter. Wilhelm, de son côté, commençait également à sentir des larmes se former à nouveau au coin de ses yeux.

- Pourquoi cette chose, cette…cette abomination, aurait-elle le droit de…de vivre ? Elle doit mourir, elle…elle doit payer !

La voix de Dieter tressautait alors qu’il se faisait violence pour ne pas éclater en sanglots à nouveau. Près de lui, Klaus était immobile comme une pierre, les poings serrés, et la lueur dansante du feu de camp se reflétait dans les larmes qui coulaient sur ses joues. Pourtant, il gardait les dents serrées, une expression d’intense fureur sur le visage.

Mais Reiner ne se démontait pas.

- Nous en avons besoin comme preuve, messieurs.

Il continua ainsi dans le silence qui accueillit cette phrase.

- Nous avons vu, de nos yeux, ces créatures se liquéfier à leur mort. Imaginez-nous arriver devant l’ordo draconis, avec nos uniformes déchirés, nos armes à feu déchargées, pour leur affirmer que nous sommes à priori les seuls rescapés d’une armée qui se trouvait dans la région, mais qui a été attaquée et défaite par une bande d’hommes-rats qui se transforment en liquide noir à leur mort. Nous serions alors taxés de déserteurs, et avant que nos dires n’aient pu être vérifiés nous aurions été jetés en geôle. Cela nous ferait perdre beaucoup trop de temps. Si nous voulons que l’ordo nous écoute, et éventuellement s’occupe du problème, alors il nous faut une preuve.

La logique même derrière ces paroles fit eut un effet radical sur les autres, pour la deuxième fois. Dieter et Klaus ouvrirent la bouche, mais aucun son n’en sortit. N’attendant pas leur réaction, Reiner appela Wilhelm.

- Kruger !

Ce dernier sécha ses yeux d’un revers de son coude.

- Oui major.

- Maintenez cette créature en place pendant que je l’attache. Je ne voudrais pas que notre preuve s’enfuie. »

Wilhelm s’exécuta, alors que les autres s’en allèrent se rhabiller.

*

Ce matin-là, Léopold Bauer, qui était de garde sur les murailles du Fort de Sang, ne croyait pas en se levant que cette journée allait être différente des autres. Pourtant, quand le vieux soldat vit les silhouettes s’avancer vers le fort, il n’en crut pas ses yeux.

************************


Dernière édition par Arcanide valtek le Mer 19 Sep 2018 - 21:57, édité 2 fois

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Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Ven 27 Juil 2018 - 13:08
Eh bé, l'épopée de Wilhelm se densifie à vue d’œil et ça fait fort plaisir Clap

J'aime beaucoup le fait qu'on ressente la jeunesse des personnages d'ailleurs. Que ce soit par leurs réactions, leur façon de penser et d'accuser le coup, ils font humains quoi. De pauvres gamins à peine adultes qui viennent de voir leur rêves s'effondrer d'une manière peu agréable : bienvenue dans le monde de Warhammer.

Petite note personnelle pour les skavens qui sont fort bien aussi  albino

Sur, je vais donc demander la suite Cool (parce que j'ai bien envie de voir le Fort du Sang à nouveau Tongue )
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Sam 1 Sep 2018 - 12:59
Merci Hjalmar pour ce commentaire !  Love

Oui, je réponds avec un mois de retard, mais il y a une bonne raison, car je poste le nouveau chapitre Sun glasses . On y retrouve d'ailleurs un personnage que l'on n'avait pas vu depuis quelques temps.

Voici :


Chapitre V

La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang Total_10


Le bureau du grand-maître Bastian Von Alte Brücke était à l’image même de son occupant actuel : d’une élégance sobre, d’apparence respectable, et d’une redoutable efficacité. Les murs étaient pour la plupart couverts de bibliothèques, sauf un seul endroit où étaient accrochés un bouclier et une épée. Une armure aux teintes rouges sombres et noires - les couleurs de l’ordre – trônait sur un mannequin dans le coin droit. Pour le reste, la pièce disposait d’une cheminée sur le mur du fond, dont l’âtre était à présent éteint, et d’une fenêtre sur la gauche de l’entrée, qui permettait d’embrasser la cour du Fort.

Le grand bureau, meuble central, était typiquement militaire, sans fioritures aucunes. Une surface plane, large, occupée par des outils de travail bien agencés : une plume, un encrier et des feuillets de parchemin, soigneusement rangés dans une boîte en bois sec. Des tiroirs occupaient les bords gauche et droit. Une pile de parchemins en couvrait présentement le côté droit, le grand-maître ayant eu l’intention de régler quelques affaires d’ordre logistique juste avant que leur arrivée ne soit annoncée. Wilhelm ne pouvait que comparer cette pièce au bureau de son père, qui était dans le même style, ce qui d’ailleurs ne l’étonna pas. Gerhardt Kruger était après tout lui aussi un militaire qui appréciait l’efficacité et la sobriété.

D’ailleurs, le grand-maître Von Alte Brücke ne manquait lui-même pas d’une certaine ressemblance avec le père de Wilhelm, portant lui aussi le bouc, mais agrémenté d’une fine moustache qu’il semblait entretenir avec goût. En revanche, leurs visages étaient différents. Là où le capitaine Kruger avait une face longue et sévère, prenant constamment un air impénétrable, le grand-maître avait un visage rond, et aimait sourire, froncer les sourcils, ou toute autre mimique émotionnelle. Lorsqu’il parlait, sa voix pouvait prendre des tons aussi chaleureux que glaciaux. De plus, il était manifestement un peu plus âgé, ses cheveux et sa barbe étant poivre et sel, tirant sur le gris. Ses yeux enfin, d’une couleur marron très classique, étaient néanmoins perçants, presque brillants. Ils constituaient un élément essentiel de son apparence, car sous ses dehors de grand-père, on sentait qu’il ne perdait pas une miette de ce qu’il se passait autour de lui. Wilhelm se souvint d’une des phrases de l’instructeur Stillmann : « Méfiez-vous des hommes âgés dans une profession où l’on meurt jeune. Un vieux guerrier n’est jamais à prendre à la légère. » C’était exactement la sensation que lui inspirait à présent Bastian Von Alte Brücke, grand-maître de l’ordo draconis, et dirigeant du Fort de Sang.

Pour l’heure, celui-ci avait la face sérieuse, et ses yeux les scrutaient tous un par un. Vêtu d’une tunique du même rouge sombre que son armure, portant l’emblème de l’ordre sur la poitrine, il écoutait attentivement le récit que lui faisait Reiner. Ce dernier peignait d’une façon nette et précise leur périple, depuis le départ de l’armée jusqu’à leur fuite dans les montagnes, qui avait fini par les mener au fort. En effet, au lendemain de l’attaque des hommes-rats au cours de laquelle ils avaient fait un prisonnier, ils avaient rapidement atteint l’autre côté de la montagne qu’ils escaladaient depuis la veille. Ils avaient alors pu voir, devant eux, la majesté du fort de sang.

C’était une vision que Wilhelm n’était pas près d’oublier. Il avait déjà vu des places fortes, notamment la citadelle de Nuln, qui impressionnaient beaucoup, mais jamais il n’avait posé les yeux sur un fort dédié entièrement à la défense et au maintien d’un ordre de chevalerie. Le Fort de Sang était juché sur une colline escarpée qui saillait dans la vallée, entourée par les montagnes. Là, ses occupants avaient un point de vue imprenable sur la principale route menant vers la Bretonnie, mais aussi sur ce qui pouvait venir des montagnes elles-mêmes.

Le fort était découpé en plusieurs parties. Les murailles qui en faisaient le tour ne formaient pas un quadrilatère, prenant au contraire une forme leur permettant de s’adapter à celle du terrain. Hautes d’une vingtaine de mètres, elles formaient une barrière qui paraissait imprenable. Longeant le flanc de la colline, un chemin sinueux menait vers une grande porte, située derrière un pont-levis. Ce dernier ne surplombait pas des douves, mais un ravin à pic, qui constituait une défense tout aussi efficace. Deux tours à éperon se situaient de part et d’autre de ce pont, percées de plusieurs meurtrières qui mettaient en évidence leur fonction défensive.

Sur ces murailles, percées de bretèches servant à atteindre l’ennemi par des projectiles, on pouvait aussi apercevoir plusieurs autres tours qui surplombaient le vide. L’attirail défensif du fort passait également par la présence d’une tour de guet, située sur le mur Nord-Est, qui donnait à cette merveille de pierres des yeux pour anticiper d’éventuelles attaques.

Derrière les murailles, on pouvait distinguer que l’intérieur disposait d’une grande cour, mais la hauteur des murs en avait initialement caché la vue. Lorsqu’ils eurent passés la porte cependant, Wilhelm et ses compagnons avaient pu voir que la cour était d’abord dédiée à l’entraînement, car quelques personnes y croisaient le fer. Mais elle était également le lieu de passage privilégié de la place forte, les allées et venues y étant nombreuses. Kurt s’était enquis de la raison de l’absence de puits, et avait eu comme réponse qu’il était localisé à l’intérieur des bâtiments, pour le protéger des intempéries.

Car le fort n’était pas qu’une cour entourée de murailles. Il contenait plusieurs bâtiments de pierres grises, sans fioritures aucune, et percés de plusieurs fenêtres. Ces baraquements, comme Wilhelm le devina, suivaient la forme irrégulière de la muraille. Le plus grand d’entre eux était en face de la grande porte, et était surplombé par le donjon, grande tour carrée qui était, il l’apprit peu après, la demeure du grand-maître, des Kasztellan, et l’emplacement des geôles. Un logis y était également prévu pour la présence d’éventuels nobles de grande envergure, comme un comte électeur. Cette grande tour donnait l’impression de constamment surveiller le reste du fort, et Wilhelm, ainsi que ses compagnons, en furent très impressionnés.

« Et donc, monsieur… Von Enghelhoff vous dites, vous avez rallié notre forteresse pour vous enquérir de notre aide, commença le grand-maître en s’adressant à Reiner d’un ton mesuré, sa voix profonde tranchant net avec celle, monocorde, du major des pistolkorps, qui venait de terminer son récit.

- C’est totalement exact mein herr.

- Je dois convenir avec vous d’un point, c’est que vous avez de la chance. Nous sommes au courant des mouvements de l’armée dont vous êtes issus, car la comtesse de Nuln nous avait demandé de nous tenir prêts, si nécessaires, à venir en renforts. Cependant, cette histoire d’attaque d’hommes-rats est presque invraisemblable. Si vous n’étiez pas arrivé avec ce prisonnier…

Wilhelm serra les dents à l’évocation de leur ennemi capturé. Le transport de l’homme-rat survivant ne s’était pas fait sans heurts, déjà parce que les tensions entre Reiner et Dieter ne s’étaient pas améliorés au réveil, mais aussi parce qu’une fois revenue à elle, la créature n’avait pas fait montre de beaucoup de bonne volonté. Malgré ses liens, elle avait commencé par essayer de s’enfuir à plusieurs reprises, et avait bien failli réussir. Ce n’est que lorsque Reiner prit la décision de lui attacher les jambes et de la faire porter par un cheval que la situation se calma. Et c’est ainsi qu’ils étaient arrivés au fort, provoquant des regards de consternation de la part de tous ceux qui les y croisaient.

Une voix claire à l’accent particulier s’éleva de derrière les jeunes pistolkorps, alors assis, tandis qu’un chevalier, présent lors de l’entrevue, prenait la parole.

- Monsieur, si je puis me permettre d’intervenir, les créatures telles que celle que ces jeunes gens ont amenés et qui croupit désormais dans nos geôles ne me sont pas totalement inconnues.

Tout le monde fixa alors le chevalier qui venait de parler. Il avait été le premier à venir à l’encontre des jeunes pistoliers alors que leur arrivée dans le fort commençait à causer un tollé parmi les hommes d’arme de la garnison. Ceux-ci voulaient tuer l’homme-rat, ce à quoi Reiner s’opposa avec véhémence. Ce chevalier était alors intervenu. Les hommes l’avaient appelé ‘mein herr Von Rosenburg’, et il avait immédiatement prit les choses en main. Menant Wilhelm et les autres dans la cour, il avait donné des ordres pour que les chevaux soient soignés et pour qu’on prévienne le grand-maître, qui était descendu peu de temps après. Ce dernier avait alors prit quelques secondes pour réfléchir, puis avait ordonné que la créature soit mise dans une cellule mais maintenue en vie. Les pistolkorps furent ensuite amenés dans son bureau pour lui conter leur récit, à l’exception de Kurt qui fut mené à l’infirmerie à cause de son bras blessé.

Le fameux chevalier nommé Von Ronsenburg était en armure complète, contrairement au grand-maître, mais sa tête était nue. Il avait le visage fort, la mâchoire volontaire, et le cheveu blond coupé court. Il ne portait aucune moustache ou barbe, ce qui contribuait à lui donner un air plus jeune que la plupart des hommes qu’il côtoyait. Dans le ton qu’il prenait en parlant, on sentait qu’il aimait raconter des choses.

- Que veux-tu dire Guy ? Tu en as déjà vu ? Le grand-maître venait d’appeler le chevalier par son prénom, familiarité qui fit sourire Wilhelm qui imaginait déjà la tête que ferait Oppenhauer en l’entendant.

- Pas exactement non, je le crains, répondit Von Rosenburg. Mais dans mon pays natal on raconte beaucoup d’histoires au sujet de créatures semblables, surtout parmi les manants. Mais nous autres de la noblesse savons l’histoire militaire de notre royaume. Il y a quelques décennies, certains duchés ont été attaqués par des hommes-rats, qui se sont fait repousser à la suite de terribles batailles. La fine fleur de notre chevalerie s’est battu contre des hordes de ces créatures malfaisantes, et les ont boutées hors de nos terres.

Wilhelm resta interdit. Des duchés ? Son pays ? Cet homme ne pouvait pas être originaire de l’Empire de Sigmar. À ce qu’il en savait, une telle description ne pouvait indiquer qu’une seule contrée : la Bretonnie, dont les terres se trouvaient non loin. Mais il était très inhabituel de voir des ressortissants étrangers occuper les rangs de la chevalerie impériale. Près de lui, il vit que ses camarades observaient le jeune chevalier blond avec autant d’attention que lui. Mais celui-ci, impassible à ce soudain intérêt, continua :

- Aucun de ces récits ne raconte qu’ils aient la faculté de se liquéfier à la mort, mais nous en savons très peu à leur sujet. Si ces jeunes hommes le disent, alors je ne vois aucune raison de le décroire.

Le grand-maître se remit à réfléchir, puis s’adressa aux jeunes gens devant lui en souriant.

- Messieurs, vous avez accompli quelque-chose d’une grande importance. Je vais demander à ce qu’on vous serve un repas, et qu’on vous mène à l’infirmerie ou dans des quartiers libres, vous avez bien mérité un peu de repos. Quant à nous autres, nous allons décider de la marche à suivre. Il va nous falloir réagir promptement si nous voulons avoir une chance.

Wilhelm était ravi d’une telle annonce, qui correspondait à la fois à ce qu’il voulait et à ce qu’il espérait. Enfin, leur fuite éperdue était terminée, et ils allaient pouvoir se reposer dans un vrai lit et avaler un vrai repas. Tout semblait enfin s’arranger, et il n’espérait qu’une chose désormais : que lorsque l’ordo se mettrait en branle ils réussiraient à atteindre les hommes-rats et à les exterminer tous jusqu’au dernier.

Herr Bastian leur donna leur congé, et ils furent tous les cinq menés à l’infirmerie par un serviteur de l’ordre. À dire le vrai, Wilhelm ne regarda que peu l’homme en question, toute son attention étant retenue par le reste des lieux et par la situation. Tout ici resplendissait du rêve qui avait été le sien encore quelques jours plus tôt. Le fort, avec ses hautes murailles, ses bâtiments de pierres dures et ses preux chevaliers lui donnait une impression de sécurité qu’il n’avait pas ressentie depuis ce qui lui parut être des siècles. Etait-ce avant-hier seulement qu’ils avaient été attaqués ?

Mais désormais, Wilhelm ne pouvait simplement rester là, à se faire soigner et à admirer les belles armures des chevaliers alors que d’autres continuaient à mourir contre ces ignobles bêtes. L’annonce du grand-maître l’avait ravi, mais il aurait voulu qu’on aille tout de suite porter le fer et le feu aux meurtriers de son instructeur, de ses camarades, et du reste de l’armée prise en embuscade. Serrant le poing, il se résolut à prendre son mal en patience, et de se reposer le temps qu’il faudrait. Il voulait être prêt le moment venu.

*

Alors que la porte se refermait sur les cinq jeunes hommes, Von Alte Brücke resta quelques instants assis, les mains jointes devant ses yeux. Guy, toujours présent dans la pièce, savait que son supérieur était en intense réflexion, et que le moindre son, le moindre mouvement, le dérangerait. Il resta donc parfaitement immobile, tout en ressassant également ses pensées. Des hommes-rats ? Bigre, voilà qui faisait remonter le souvenir de récits datant de son enfance. Il n’était bien sûr pas né à l’époque où son royaume avait bataillé contre pareille menace, mais on lui avait conté qu’au début de l’année 835 du calendrier Bretonnien, une invasion de créatures portant cette description avait été glorieusement repoussée dans les duchés du Sud. Il lui semblait qu’ils avaient apporté avec eux de terribles maladies, mais sans qu’il ne parvienne à se souvenir desquelles.

Le grand-maître finit par se lever, et se dirigea vers la fenêtre sans dire un mot. Ce ne fut qu’après quelques secondes qu’il éleva sa voix grave et profonde, parlant à son subordonné tout en gardant les yeux tournés vers l’extérieur.

« Que penses-tu d’eux ?

- Parlez-vous de ces jeunes hommes messire ? Je n’ai rien à penser d’eux, ne les ayant pas sous mes ordres.

Le ton du bretonnien était légèrement dédaigneux. Bastian se retourna alors en lui adressa un sourire aimable.

- Pourtant, ton attitude te trahit. Tu penses qu’ils n’auraient pas dû agir ainsi ?

- Vous savez bien comment nous voyons les couards.

- Pourtant, ils se sont battu, ont obéi à leur supérieur, et ce dernier leur a ordonné de cesser le combat et de venir ici. S’ils ne l’avaient pas fait, nous aurions certainement une armée d’hommes-rats qui se promènerait impunément sur les terres de notre empire. Qu’as-tu à répondre à cela ?

Brusquement, le ton du grand-maître s’était fait plus dur, et son regard était passé de la bonhommie à la sévérité en un instant. Guy regardait droit devant lui, évitant de croiser les yeux de son propre supérieur.

- Vous avez raison messire. Cependant, je ne peux m’empêcher de penser aux valeurs de la dame et du Roy.

- Je le sais bien. Mais tâche de faire en sorte qu’elles n’obscurcissent pas ton jugement. Cela pourrait te mener à mésestimer certaines personnes. Rappelles-toi comment nous nous sommes rencontrés. Si je m’étais limité aux apparences, alors tu ne serais pas ici.

Se retournant vers la fenêtre, Von Alte Brücke resta encore quelques secondes dans le silence, puis changea totalement de sujet.

- Je ne sais que penser Guy. Cette histoire d’hommes-rats est inquiétante.

- Pour ma part, messire, je serais enclin à la croire, pour les raisons que j’ai dites, répliqua Guy, habitué à ce que son grand-maître passe du coq à l’âne.

- Je ne mets pas sa véracité en doute. Mais ce qu’elle implique est peu rassurant. Ces hommes-rats semblent organisés, et ne pas agir par hasard. Leur armée est intervenue sans qu’on ne l’aperçoive, et a pris par surprise des vétérans chevronnés.

- Si je me ramentevois les récits de mes maillots et enfance, il est évoqué l’utilisation de galeries souterraines par ces perfides créatures. Cela tendrait à expliquer leur discrétion.

Bastian prit quelques secondes pour réfléchir plus avant, puis se retourna en un éclair et darda sur Guy ses yeux marron.

- Nous devons réagir promptement. Fais prévenir les Kasztellans et les officiers principaux de l’armée régulière, et réuni-les dans une heure dans la salle de réunion, nous devons tenir conseil à ce sujet au plus vite.

Son regard se perdit un instant vers les cinq chaises vides devant son bureau, puis un léger sourire éclaira son visage.

- Et il me faudra quelques-uns de ces pistoliers, pour qu’ils fassent leur récit. Je pense que ce sera déterminant.

*

Wilhelm observait en silence les personnes présentes dans la pièce. Ils se trouvaient dans une salle située au bas du donjon, et à voir ce qu’elle contenait elle était très clairement prévue pour les conseils de guerre. Une grande table oblongue en bois était disposée au milieu, manifestement souvent utilisée au vu des nombreuses marques dont elle était couverte. Contre les murs étaient disposés des meubles de rangement, remplis de parchemins, de cartes et de livres. Et autour de la table étaient assis une dizaine de personnes, incluant Reiner et lui. Quelques minutes plus tôt, un serviteur était apparu à l’entrée de leurs chambres, amenant un message ordonnant que le major de leur unité se rende à une réunion extraordinaire, et lui ordonnant d’amener un autre d’entre eux, à son choix. Reiner avait alors choisi Wilhelm, tout en lui confiant qu’il aurait volontiers fait venir Kurt, mais que la convalescence de ce dernier avait porté son choix sur lui. Partagé entre déception et contentement, Wilhelm avait pris le parti de ne pas lui répondre. Cela lui importait d’ailleurs peu, car l’idée d’assister à la réunion l’excitait beaucoup.

De fait, Wilhelm était d’humeur batailleuse. Ses jeunes années avaient été pour lui un moment d’insouciance où il n’avait jamais ressenti de réelle haine. Mais après l’expérience de l’avant-veille, il avait connu pour la première fois la guerre, la mort, et l’envie de la semer. La tristesse et le choc passés, Wilhelm s’était rendu compte qu’il n’avait qu’une seule envie : courir sus aux hommes-rats, les débusquer dans leurs cachettes, et les passer au fil de l’épée tous autant qu’ils étaient. Cela le déroutait, parce qu’il savait que ce genre de sentiment était à la fois contre son éducation et contre ses principes. Mais le savoir ne faisait rien pour apaiser sa soif de bataille.

Reiner et lui n’étaient pas seuls. Le grand-maître de l’ordre était attablé dès leur arrivée, ainsi que le sire Von Rosenburg (Wilhelm se fit la réflexion que c’était un étrange nom pour un bretonnien). Etaient également présents les trois Kasztellans de l’ordre, les seigneurs Gottfried Von Urlauberg, Erwin Linde Von Hündrodburg, et Othmar Von Elderhoff, ainsi que les capitaines Max Hartmann et Steffen Neuthal, qui étaient en charge des hommes des troupes régulières présentes dans le fort. Deux des trois chevaliers gradés portaient des vêtements civils, à la fois pratiques et élégants. De son côté, le sire Gottfried tranchait net avec ce style en arborant un splendide pourpoint violet brodé de fils d’or qui mettait en valeur son imposante stature. Ses longs cheveux blonds étaient coiffés en catogan, et il portait le bouc et la moustache, qui étaient impeccablement taillés. Sa voix, grave et puissante, n’était pas sans rappeler celle de feu l’instructeur Stillmann, mais dans un style plus enjoué. Il s’exprimait de plus par des phrases longues dont il faisait claquer chaque syllabe. Wilhelm devait apprendre plus tard qu’il était issu d’une famille très riche, et qu’il appréciait le faste autant que possible. On avait coutume de dire dans l’ordre que « le Kasztellan Von Urlauberg n’entre pas dans une pièce, il y fait son entrée. » Cela lui correspondait tout à fait. Cependant il était fort respecté, car sous ces dehors exubérants se cachait un cœur noble, et une vaillance proverbiale au combat.

Les deux autres étaient moins exubérants, mais firent une toute aussi forte impression à Wilhelm, qui s’était mis en devoir de répondre à chacune de leurs questions s’il le pouvait. Le grand-maître avait demandé à Reiner de répéter, de façon plus succincte, le récit de l’embuscade et de leur trajet jusqu’au fort. Ce dernier s’était exécuté avec la monotonie dont il était coutumier, et en peu de mots avait dressé un rapport clair et précis. Cependant, lorsque herr Von Hündrodburg se pencha vers lui pour lui demander de lui parler plus avant de ces ‘fameux hommes-rats’, le major des pistolkorps parut troublé.

« Que voulez-vous savoir de plus mein herr ? Je vous ai dit comment ils sont : de taille presque humaine, trapus, avec les traits caractéristiques des rats : un museau, des dents acérées, une fourrure, une queue…

- Oui oui, je vois bien. Du reste, nous avons vu la créature que vous avez si expertement ramenée. Mais comment sont-ils ? »

Un curieux personnage que mein herr Erwin. Il était de taille moyenne, maigre et élancé, et ses traits auraient pu être fins s’ils n’avaient pas été taillés de multiples cicatrices. Ses cheveux noirs et crépus, coupés courts, concourraient avec sa stature droite comme un I pour donner à cet homme un port militaire. Ses yeux, d’un bleu acier, donnaient à son visage parfaitement glabre un air presque effrayant, mais il était en réalité d’une grande douceur dans toutes ses paroles. Homme de peu de mots, il n’était pourtant pas avare de questions lorsqu’une situation inconnue surgissait. Herr Erwin était originaire d’un des rares villages fortifiés de la Drakwald encore peuplé, et sa famille n’avait accédé que relativement récemment à la noblesse. Lui-même portait encore le patronyme roturier de ses ancêtres, ‘Linde’, avec une certaine fierté qui n’en finissait pas d’exaspérer les aristocrates issus de lignées plus anciennes. Cela dit, ses grandes capacités martiales et de meneur d’homme avaient rendu inévitable sa promotion dans l’ordre, qu’il avait d’ailleurs intégré presque par hasard, s’étant illustré très tôt en tant que pistolier lors d’une campagne à laquelle participait l’ordo. Le Kasztellan Von Hündrodburg était un expert de la guerre forestière, ce qui était d’une grande aide au vu du rôle de son ordre. Dédaignant les apparences au profit de l’efficacité, il était de ce fait considéré comme l’opposé de son confrère Von Urlauberg, avec lequel il s’entendait pourtant fort bien, une solide amitié s’étant formée entre eux.

Constatant que Reiner ne répondait pas à la question, Wilhelm prit le parti de le faire à sa place, se doutant en son for que le major n’avait en fait pas compris ce que lui demandait le Kasztellan.

« Ils sont horribles mein herr. Ils sont capables de vous sauter littéralement à la gorge pour vous lacérer le visage d’un coup de dent ou de griffe. Ils ont l’œil empli de malice et de haine, et ils sont bien plus malins qu’on ne pourrait le croire.

Cette description laissa son interlocuteur silencieux, et Wilhelm ignora pour l’instant le regard noir que lui porta son officier. La parole fut bien vite reprise par Von Urlauberg d’un ton mélodramatique.

- Je suis d’avis de cesser incessamment toutes nos affaires en cours et de leur donner la chasse. Il ne saurait être dit que nous avons laissé passer cette chance de rendre justice à ces hommes inutilement sacrifiés, ou pire encore.

- Je suis d’accord avec vous, l’appuya Von Hündrodburg de sa voix douce en se tournant vers lui, mais nous ne savons pas où ils se trouvent à présent. Une journée s’est écoulée, et deux nuits.

La voix grave du grand-maître lui répondit alors en se tournant vers Guy.

- Concernant ce problème, le seigneur Du fort aux roses a peut-être un indice à nous apporter.

Du fort aux roses ? Wilhelm tiqua, ne réalisant qu’après coup qu’il parlait du nom du chevalier Bretonnien. Les hommes dans la cour l’avaient donc appelé par la traduction en reikspiel de son nom : Rosenburg. Il l’observa plus longuement alors que celui-ci était en train d’expliquer que ces hommes-rats ne lui étaient pas inconnus, car quelques histoires de son pays en parlent, faisant notamment état de souterrains. Cet homme était donc bien originaire de Bretonnie, et était un noble de surcroit, donc un chevalier. Mais alors, que faisait-il ici, dans le Fort de Sang et dans l’Ordo Draconis ?

- Cette histoire de souterrains serait cohérente avec leur crainte de la lumière, fit remarquer Von Alte Brücke. Il y aurait donc certainement une entrée non-loin du lieu de l’attaque.

La voix qui du Kasztellan Othmar Von Elderhoff, à sa droite, s’éleva soudainement. Celle-ci n’avait rien de particulier, étant de ce qu’on pouvait attendre chez un homme ayant atteint la quarantaine d’années. Cependant, tout le monde se tut pour l’écouter, signe du respect que lui vouaient ses pairs.

- Donc si l’on résume, il va nous falloir pourchasser ces créatures le plus vite possible. Pour cela, il nous faudra explorer les environ du lieu de l’attaque pour trouver un souterrain. Ensuite, il nous faudra frapper vite et fort. Nos chevaliers devront mener l’assaut pour ne pas laisser à l’ennemi le temps de réagir, mais il est possible qu’ils doivent charger à pied, car j’imagine mal nos chevaux entrer dans des souterrains. Nous allons devoir emporter pléthore de torches. L’artillerie ne sera pas d’une grande aide initialement, mais elle pourrait servir quand-même, suivant la situation. Il faudra l’installer sur des charrettes mobiles, et prévoir des gens pour la mettre en état de marche rapidement si besoin.

Von Elderhoff était le meilleur tacticien militaire parmi les hommes présents. Il ne payait pourtant pas de mine, étant plus court que les autres personnes présentes, avec un visage triangulaire au nez aquilin. À le voir, il ressemblait plus à un érudit qu’à un chevalier, avec sa moustache et son bouc qui, s’ils étaient dans le même style que ceux du sire Von Hündrodburg, étaient bien moins exubérants. Ses cheveux déjà gris étaient mi longs, sans attache, et encadraient ses traits fins et élégants. Le reste de sa personne était de la même veine, sans rien montrer d’impressionnant ou de fascinant. Sa principale qualité était en réalité d’ordre cérébral. Il avait en effet le don de comprendre immédiatement tous les aspects d’une situation donnée, particulièrement d’ordre militaire, et d’analyser tout aussi rapidement les différentes façons de la résoudre. Il était peu maniéré, mais toujours d’une très grande politesse lorsqu’il parlait, ce qui n’arrivait qu’occasionnellement. En effet, le Kasztellan préférait de loin écouter et observer, et ne s’exprimait que lorsque le besoin s’en faisait sentir. Mais chacune de ses phrases était alors écoutée avec la plus grande déférence, chacun étant conscient de la pertinence de son jugement.

Après sa petite tirade il y eut un silence, chacun réfléchissant à ce qu’il serait nécessaire de faire de plus. Wilhelm était très impressionné par la justesse de cette intervention, qui faisait intervenir des éléments auxquels il n’aurait pas pensé de lui-même. Bastian Von Alte Brücke reprit alors la parole, tâchant de définir à présent un plan d’action.

- Ces suggestions seront toutes suivis à la lettre. Messieurs, il va nous falloir frapper vite et fort. Il a fallu une nuit et une journée entière à ces jeunes gens pour rallier notre fort depuis le lieu de l’attaque. Si nous partons demain matin avec ce que nous pouvons réunir comme forces présentes, il nous faudra environ deux jours pour y retourner. Cela nous fera donc un retard d’environ trois jours et demi. Nous devons espérer que nous trouverons l’ennemi, et que nous pourrons délivrer la justice de l’empire.

Dans les minutes qui suivirent fut établie la quantité d’hommes qui étaient prêts à partir dès le lendemain pour une telle expédition. Les différents Kasztellans assurèrent que la plupart des chevaliers étaient sur le pied de guerre, et les deux capitaines étaient optimistes sur la proportion d’hommes prêts à se battre. Ils l’étaient cependant moins sur la quantité d’artillerie disponible, principalement en raison de la difficulté de transport à une vitesse aussi grande. Au final, il fut décidé de laisser un tiers des chevaliers au fort, ainsi que la moitié des troupes régulières afin de ne pas le laisser complètement vide. Les seules pièces d’artillerie emportées seront celles que l’on pourrait monter sur des chariots, le reste étant laissé sur place. Enfin, l’exubérant Kasztellan Gottfried Von Urlauberg dirigerait la forteresse en l’absence du grand-maître et des deux autres.

Wilhelm ne pouvait s’empêcher de trépigner sur sa chaise tant l’excitation le consumait. Il serrait ses poings en s’imaginant le combat qui allait suivre, écoutant chaque suggestion des protagonistes de ce conseil de guerre. Cependant, au fur et à mesure que les plans se faisaient, un doute germa dans son esprit.

Et s’ils ne le laissaient pas participer ?

Cette crainte, pour absurde qu’elle pouvait paraître au premier abord, ne laissait pas de croître, surtout qu’à aucun moment Reiner et lui ne furent consultés pour savoir si leur unité serait prête. Ce même Reiner, de son côté, ne semblait pas s’en inquiéter, et restait droit comme un i sur sa chaise, le regard alternant entre chaque personne qui s’exprimait. Il n’avait manifestement aucune intention de prendre la parole. C’est ainsi qu’alors que le conseil de guerre touchait à sa fin que Wilhelm se leva et demanda :

- Et qu’en sera-t-il de notre unité messires ? Que devrons-nous faire ?

Le regard que lui lança Reiner lui indiqua qu’il allait très certainement être bon pour une très sérieuse correction de sa part pour avoir osé ouvrir la bouche à sa place, et surtout sans y avoir été invité par un supérieur. Mais Wilhelm s’en moquait bien à cet instant, il savait qu’il s’en voudrait toute sa vie de ne pas avoir demandé cela.

Tout le monde fixant leurs yeux sur lui, qui lui-même regardait le grand-maître droit dans les yeux, sans sourciller. Loin de lui faire remarquer son comportement inconvenant, ce dernier lui répondit très sérieusement.

- Vous resterez ici bien entendu. Vous avez subit beaucoup de pertes, et accompli votre devoir avec honneur. Maintenant, vous pourrez vous reposer.

Mais Wilhelm ne l’entendait pas de cette oreille.

- Mais mein Herr Von Alte Brücke, nous voulons combattre. Notre honneur en dépend. Il n’est pas concevable pour nous de rester les bras croisés alors que d’autres payent pour notre incompétence. Ce combat est aussi le nôtre, et nous avons vu trop de gens mourir contre ces horribles hommes-rats pour ne pas vouloir le leur rendre au centuple.

Il y eut un nouveau silence, plus pesant, et Wilhelm vit le grand-maître Bastian froncer les sourcils tout en le fixant d’un œil autrement moins sympathique. Cependant, le premier à réagir fut, contre toutes attentes, messire Guy.

- Je me dois de soutenir ce jeune homme dans sa requête. Je ne peux dire qu’une seule chose : à sa place, j’aurais réagi de la même façon. C’est une question d’honneur, et de mon point de vue ils ont raison de réclamer le droit à une juste vengeance.

- Guy, reprit Von Alte Brücke d’un ton fatigué. Souviens-toi ce que je t’ai dit tout à l’heure, sur l’obscurcissement de ton jugement par tes valeurs.

- Justement messire. J’ai révisé mon jugement sur eux. Je les croyais couards pour avoir fui ainsi le champ de bataille. Mais ce jeune homme m’a montré qu’il ne l’avaient fait que par devoir, et que le désir de venger cet affront lui brûle le cœur. Je ne peux me mettre en travers d’une telle volonté.

Le grand-maître se couvrit le menton dans une posture de réflexion, alors que les autres officiers avaient l’air gêné. Il y eut un échange de regards entre Guy et Wilhelm, qui vit dans les yeux du bretonnien une lueur de détermination farouche alors qu’il se rasseyait.

C’est le moment que choisit Reiner pour se lever à son tour.

- Mein Herr, déclara-t-il avec son calme coutumier, je vous assure que la demande herr Kruger n’engage que lui. Il ne disposait pas de mon autorisation de faire une telle demande.

Le jeune homme pâle fit une pause, puis reprit d’une façon qui surprit Wilhelm.

- Cependant, je peux vous confirmer que sa volonté est partagée par le reste de ma troupe. S’il ne l’avait pas formulée, je l’aurais fait.

- Très bien, finit par répondre Herr Bastian après un instant de réflexion.

Il se tourna vers le bretonnien.

- Mais puisque tu tiens tellement à ce qu’ils soient présents Guy, ce sera toi qui les encadreras et les escorteras.

Se tournant vers Reiner et Wilhelm, il reprit d’un ton plus posé.

- Vous n’êtes pas sous mes ordres, donc je ne peux vous intégrer à un régiment. Guy et vous resterez en retrait lors de la bataille, car je ne peux décemment vous faire passer en première ligne avec les autres chevaliers. Vous accompagnerez les renforts, c’est-à-dire que vous serez dans la deuxième ligne de bataille. Et maintenant, si plus personne n’a quoi que ce soit à ajouter, rompez.

************************



Note de fin : la geste de Wilhelm est désormais tout aussi longue que mon précédent récit (30 000 mots environ). Je battrais donc mon record dés le prochain chapitre Wow .


Dernière édition par Arcanide valtek le Mer 19 Sep 2018 - 21:56, édité 1 fois

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Dim 16 Sep 2018 - 12:22
Ils arrivent donc avant le passage fatidique de Walach Harkon !! Voila qui réduit le champ d'hypothèses quant à la suite, tout en laissant une infinité de possibilités au sein de ce même champ. Le seigneur vampire viendra-t-il le soir-même, anéantissant tous les projets du conseil de guerre ? Viendra-t-il au contraire des années plus tard, alors que Wilhelm sera devenu membre confirmé de l'ordre ? Ces deux suppositions ne sont que deux étoiles parmi d'autres dans le firmament des possibles.

Quoiqu'il en soit, je dois dire que tu prends un soin extrême pour les présentations du Fort et de ses principaux acteurs, pareillement pour le milieu montagneux dans le chapitre précédent. C'est fort plaisant à découvrir !

Le succès de la ruse des pistolkorps dans le chapitre précédent m'a un peu surpris, je m'attendais à un peu plus de jugeote de la part des traqueurs skavens. Cela dit, leur bavure fatale peut s'expliquer par leur épuisement au moins égal à celui des choses-hommes, ainsi que par la présence des "choses-fleurs" au musc si perturbant Mr. Green

Dans la partie décrivant le conseil de guerre, je dois avouer que ma lecture jusqu'à présent très fluide a été légèrement ralentie par les changement de points de vue du narrateur : tu as fait le choix d'un bref passage omniscient pour chaque grande figure du conseil, suivi à chaque fois d'un court retour au point de vue interne de Wilhelm. L'avantage est que nous accrochons tout de suite à ces militaires dont les qualités nous sont désormais connues ; le contrecoup est que, dans la forme, les changements deviennent fréquents et font comme des remous dans le cours de la narration. Par ailleurs, ce choix a crée chez moi une attente : certes, le conseil sait très peu de choses sur les skavens (ils vont tellement morfler dans les tunnels), mais du coup, puisqu'il y a un narrateur omniscient pour les humains, je m'attends également à des infos sur les skavens... Et je serai curieux de voir si mon attente sera comblée ou non Shifty

En tout cas, après tant de préparatifs, il me tarde de voir les choses-hommes se faire massacrer les braves impériaux venger leurs morts. Dans le camp des skavens, moi ? Nooon...
La suite ! Clap
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Dim 16 Sep 2018 - 13:23
Merci de ton commentaire !

Von Essen a écrit:Ils arrivent donc avant le passage fatidique de Walach Harkon !! Voila qui réduit le champ d'hypothèses quant à la suite, tout en laissant une infinité de possibilités au sein de ce même champ. Le seigneur vampire viendra-t-il le soir-même, anéantissant tous les projets du conseil de guerre ? Viendra-t-il au contraire des années plus tard, alors que Wilhelm sera devenu membre confirmé de l'ordre ? Ces deux suppositions ne sont que deux étoiles parmi d'autres dans le firmament des possibles.
Effectivement, ils sont arrivés bien avant. En fait je n'ai jamais mentionné de dates, mais les derniers chapitres ont lieu en 1860, soit 27 ans avant l'arrivée de Walach. On a donc le temps (Wilhelm est encore un jeune homme à ce moment-là).

Von Essen a écrit:Quoiqu'il en soit, je dois dire que tu prends un soin extrême pour les présentations du Fort et de ses principaux acteurs, pareillement pour le milieu montagneux dans le chapitre précédent. C'est fort plaisant à découvrir !
Merci Love . J'ai essayé d'imaginer des personnages sortant un peu de l'ordinaire, sans pour autant en faire des excentriques.


Von Essen a écrit:Le succès de la ruse des pistolkorps dans le chapitre précédent m'a un peu surpris, je m'attendais à un peu plus de jugeote de la part des traqueurs skavens. Cela dit, leur bavure fatale peut s'expliquer par leur épuisement au moins égal à celui des choses-hommes, ainsi que par la présence des "choses-fleurs" au musc si perturbant  Mr. Green
Cette ruse a fonctionné en parti grâce à la fatigue, mais aussi parce que les hommes-rats sont convaincus de leur supériorité en toutes circonstances. Et ils ne s'attendaient pas à une ruse, vu qu'avant ils avaient toujours été dans la position de l'attaquant.

Von Essen a écrit:Dans la partie décrivant le conseil de guerre, je dois avouer que ma lecture jusqu'à présent très fluide a été légèrement ralentie par les changement de points de vue du narrateur : tu as fait le choix d'un bref passage omniscient pour chaque grande figure du conseil, suivi à chaque fois d'un court retour au point de vue interne de Wilhelm. L'avantage est que nous accrochons tout de suite à ces militaires dont les qualités nous sont désormais connues ; le contrecoup est que, dans la forme, les changements deviennent fréquents et font comme des remous dans le cours de la narration. Par ailleurs, ce choix a crée chez moi une attente : certes, le conseil sait très peu de choses sur les skavens (ils vont tellement morfler dans les tunnels), mais du coup, puisqu'il y a un narrateur omniscient pour les humains, je m'attends également à des infos sur les skavens... Et je serai curieux de voir si mon attente sera comblée ou non
Le changement de point de vue est déjà arrivé au cours de ce récit (par exemple lors du passage avec le père de Wilhelm). En fait, je m'en sers lorsque le seul point de vue de Wilhelm ne permet pas d'embrasser la totalité de la situation. Si j'avais laissé le seul point de vue de Wilhelm lors du chapitre, le lecteur aurait moins compris qui était qui, et n'aurait pas forcément pu avoir une vision aussi détaillée de ce que je veux montrer.

Et oui, ça arrivera pour les skavens, à un moment ou à un autre  Devil (c'est même déjà le cas, par petites touches, dans le chapitre 4). C'est quelque-chose que j'aime beaucoup écrire, mais qui demande un plus grand souci du détail que les autres passages, parce que la psychologie skaven est...ce qu'elle est.

Von Essen a écrit:Dans le camp des skavens, moi ? Nooon...
HÉRÉSIE ! CHAAAARGEEEEZ !
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Dim 16 Sep 2018 - 13:38
Arcanide Valtek a écrit:Le changement de point de vue est déjà arrivé au cours de ce récit
Sans doute, or là c'est la succession des changements de point de vue qui donne cet effet si particulier à la lecture. J'ai envisagé de te proposer de consacrer un paragraphe uni à la description des membres du conseil, le tout d'un point de vue omniscient, mais cela ne serait pas forcément aussi intéressant que des descriptions intervenant tour à tour au gré des interventions de chacun. Compliqué que tout cela est...  Skull

Arcanide Valtek a écrit:HÉRÉSIE ! CHAAAARGEEEEZ !
Waaas ? Mais depuis quand se gausser de la mort imminente de... mortels est une hérésie ? Chez les von Carstein, ça arrive pourtant souvent Vampire Vampire Vampire
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Dim 16 Sep 2018 - 13:46
J'avais envisagé moi aussi ce fameux paragraphe (ou plutôt plusieurs paragraphes) présentant chaque personne, avant de revenir sur le point de vue de Wilhelm. Mais je trouvais que justement, ça aurait encore plus coupé le récit, et on en aurait oublié ce qui se passait. J'ai opté pour une présentation à tour de rôle, entrecoupée de conversations, histoire de rendre le truc un peu plus "vivant" (venant d'un mort-vivant, c'est un peu ironique non ?).

Mais j'avoue que je ne me suis pas rendu compte que ça aurait d'autant plus coupé le récit. Il va falloir que je travaille mieux le chapitre suivant à ce niveau là, pour que les points de vues soient mieux définis.

Von Essen a écrit:Waaas ? Mais depuis quand se gausser de la mort imminente de... mortels est une hérésie ? Chez les von Carstein, ça arrive pourtant souvent  Vampire  Vampire  Vampire
Nous parlons ici de skavens. Personnellement, je préfère encore que ces créatures immondes trépassent plutôt que des humains.
Et puis, qui peut se passer d'une petite chasse à l'hérésie de temps en temps ?

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Dim 16 Sep 2018 - 13:57
Arcanide Valtek a écrit:Nous parlons ici de skavens. Personnellement, je préfère encore que ces créatures immondes trépassent plutôt que des humains.
Et puis, qui peut se passer d'une petite chasse à l'hérésie de temps en temps ?
Déjà que Silvère me regarde de travers dans la Crypte Noire, personnellement je m'en passerai, d'une petite chasse à l'hérésie... Eh, sinon je connais un autre hérétique qui s'appelle Helmut, j'ai entendu qu'il vit pas loin d'ici Mr. Green
Quant aux skavens... Je les considère égaux aux humains. Ces derniers sont notre source de vie, alors que les premiers peuvent être... d'intéressants partenaires de circonstance, pourvu que comme Nagash, nous ayons assez de morts à leur balancer à la figure.
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