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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Mar 8 Oct 2019 - 22:06
Je vois. Merci de ce commentaire. Je vais m'efforcer de le décrire mieux dans les chapitres suivants.

C'est que je n'ai malheureusement pas beaucoup d'expérience dans l'écriture simultanée de plusieurs personnages. J'essaie de faire de mon mieux.

Bon, après, les justifications c'est bien, mais les actes c'est mieux.

EDIT : page 3 !

_________________
La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 2442907557  "Et quand les morts se lèvent, leurs tombeaux sont remplis par les vivants"  La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 2442907557

Livre d'armée V8 : 8V/2N/3D

Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

Le lien vers mon second récit : la geste de Wilhelm Kruger tome 1
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Dim 12 Jan 2020 - 23:19
Et c'est depuis plusieurs mois que je n'ai pas posté ici. Diantre.

Bon, je ne vais pas vous le cacher, mais la longueur des chapitres ralentit leur publication. Cependant, n'allez pas croire que j'oublie mon lectorat. Voici donc, ici et maintenant, le chapitre suivant :

Chapitre XI

La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Symbol10

.       Leur course les mena jusque dans les parties les plus en hauteur du village, sur la petite colline verdoyante parsemée d’arbustes qui surplombait Gullenburg. Ici, les habitations étaient beaucoup plus clairsemées, et comportaient étables et granges. Il s’agissait clairement de fermes, de la même sorte que celles qui constituaient l’essentiel de la population de la campagne environnante. Le petit groupe avait cessé de courir dès que la densité d’habitation était devenue suffisamment faible pour y voir à plusieurs dizaines de mètres aux alentours. Rottmann les avait fait marcher à la place, arguant qu’il fallait ‘économiser leurs efforts’. Mais Wilhelm était certain que le répurgateur avait fini par fatiguer lui aussi, derrière son masque impénétrable et sévère.

       Une petite brise agréable les accompagnait à présent, provoquant des ondulations dans les champs et faisant à nouveau frissonner Wilhelm alors que la sueur qui recouvrait à présent son corps était en train de refroidir. Personne ne parlait, et il n’y avait pas d’autres bruits que celui du vent, des oiseaux et de leurs pas sur le sol. Le soleil montait petit à petit dans un ciel sans nuages, coup de chance aux yeux du jeune écuyer, car cela les protégeait d’une certaine manière de ces skavens. Penser que ces créatures à l’allure de rats géants bipèdes avaient un nom à eux lui fit à nouveau grincer des dents. C’était bizarre de les appeler comme ça, mais il comptait bien se forcer à le faire. Quoi qu’il en était, la présence du soleil leur assurait, à priori, une certaine paix jusqu’au soir. Mais il comptait bien ne pas rester longtemps ici, même sans chevaux. Et pas question de laisser Lydia seule, dans un village où ces ignobles skavens pouvaient surgir à n’importe-quel moment. À cette seule pensée, un brusque excès de colère l’envahit, et il donna un coup de pied dans un caillou, l’envoyant rebondir plus loin. Il regretta immédiatement ce geste, sentant le poids de tous les regards posés sur lui, et fit de son mieux pour paraître naturel, alors que ses pensées revenaient vers la jeune fille à la natte noire.

       Lydia elle-même semblait en proie à une vive inquiétude. Les autres semblaient avoir tacitement accepté de lui laisser le rôle de veiller sur elle, d’autant qu’ils ne manquaient pas d’occupations non plus. Les sourcils froncés, Rottmann ouvrait la marche, comme d’habitude, son pas dirigeant la cadence des leurs à un rythme rapide. Reiner surveillait leurs arrières, rôle d’autant plus difficile qu’il devait avancer à la même vitesse que le reste du groupe tout en jetant régulièrement des regards derrière eux. Son visage était tellement pâle qu’il en paraissait presque blanc, et son expression fermée témoignait de sa concentration. Derrière Wilhelm et Lydia, qui suivaient directement le répurgateur, Herr Gottfried et Frère Félix soutenaient messire Guy, qui ne pouvait toujours pas poser le pied gauche au sol. Le prêtre-guerrier et le chevalier avaient l’air épuisés, leurs dos étant courbés et leur démarche pesante. Herr Gottfried parlait tout bas à Guy. Des paroles réconfortantes je gage pensa Wilhelm alors qu’il tournait une nouvelle fois le regard vers Lydia. La jeune fille aux magnifiques yeux semblables à des lacs lui jetait parfois des œillades en coin pendant sa marche, œillades qu’il n’arrivait pas à déchiffrer, mais qui ne lui semblaient pas hostiles, c’était déjà ça. La blessure à sa tempe avait fini par arrêter de saigner, mais elle gardait le bandage improvisé qu’il avait apposé à son bras. Comme les autres, elle n’avait pas prononcé un traître mot depuis qu’elle leur avait proposé un asile dans le moulin. Leur avancée s’était faite dans un silence d’autant plus pesant que pas le moindre bruit d’origine humaine ne l’avait troublée.

       Ils progressaient à présent sur un chemin plus sauvage, fait de terre dure et nue, aplatie par des centaines de passages quotidiens. Cela ne faisait en réalité que quelques dizaines de minutes qu’ils étaient sortis du cœur du bourg, mais pour Wilhelm, une grande étape semblait avoir été franchie. Le moulin se dressait devant eux, bien plus grand désormais qu’il n’y paraissait au premier abord. Haut de plus de dix mètres, il était fait de pierres claires et de bois sombre, mais à part cette touche de couleur incongrue, il était similaire à l’image même que l’on se fait d’un moulin de campagne. Plus il avançait, plus Wilhelm se rendait compte que ce moulin paraissait ancien, ses murs étant recouverts de plantes grimpantes qui en recouvraient presque totalement la façade Sud. Les quatre ailes, faites de toiles tendues sur un squelette de poutres savamment agencées, étaient à l’heure présente immobiles, donnant à l’édifice un air de tranquillité qui était bienvenu.

       Adossé au pied du moulin se tenait un bâtiment distinct, qui ressemblait plus à une habitation, et devait être l’endroit où vivaient Lydia et ses parents. Cette résidence, également en pierre et en bois, comptait deux étages, avec un toit en pente dirigée vers l’extérieur du moulin, qui lui donnait un peu l’air d’être un champignon incongru qui avait poussé sur son flanc. Les plantes grimpantes semblaient avoir épargné cette maison, dont le mur extérieur était percé de plusieurs fenêtres aux volets à présent solidement fermés. En s’approchant, Lydia prit les devant, et s’avança vers la porte de ce qui, de toute évidence, était son logis.

       Herr Rottmann y pénétra le premier de son pas pressé, puis étouffa un juron quand son chapeau se cogna au chambranle et faillit tomber au sol. Wilhelm le suivit, un demi-sourire sur le visage, et s’aperçut que Lydia avait le même. Elle les fit rentrer dans une pièce d’une taille respectable, équipée d’une grande table, de plusieurs chaises en bois et d’une imposante cheminée en pierre. L’âtre était pour l’heure éteint, mais cela devait faire peu de temps, car la température était bien plus clémente qu’au-dehors. Le reste du mobilier, au fond de la salle, échappa aux yeux de Wilhelm, qui s’empressa d’ouvrir les volets quand il vit la jeune fille faire de même, faisant grincer gonds et loquets alors que le soleil révélait le reste de leur abri. De l’autre côté de la porte se trouvaient en effet trois fauteuils couverts de coussins, organisés en cercle, ainsi qu’une table basse et une petite étagère remplie de livres de tailles diverses et à l’allure antique. Face à la porte d’entrée un escalier menait vers l’étage supérieur, où Rottmann s’était dirigé dès son entrée, le répurgateur s’étant manifestement mis en tête de fouiller toute la maison en premier lieux. Mais Wilhelm ne nota tout ceci qu’inconsciemment, se précipitant vers les autres. En effet, Frère Félix, Herr Gottfried et messire Guy entrèrent dans la pièce à leur tour, l’un toujours soutenu par les deux autres. Le visage du bretonnien était blême, et tordu par la douleur. Wilhelm remarqua qu’il était également couvert de poussière, et s’aperçut soudain que c’était leur cas à tous. Ils devaient faire de beaux invités à salir la pièce dans tous les sens. Pourvu que Lydia ne s’en offusque pas…

       « Posons-le là » lança Félix, désignant la table du menton, de la sueur dégoulinant de son front lisse. « Ce sera plus pratique pour l’examiner. » Gottfried, rouge de l’effort fourni, acquiesça entre deux respirations bruyantes à ce qui était en réalité leurs premiers mots depuis longtemps, et tous-deux hissèrent leur fardeau humain sur le meuble de bois sombre.

       La porte se claqua derrière Rottmann, qui était entré en dernier.

       « Bien », fit alors Rottmann avec un ton décidé en descendant l’escalier, étirant sa moustache de la main gauche. « Procédons ». Et sans hésitation, il sortit un pistolet de son manteau, et le pointa immédiatement sur la tête de Guy.

       « Quoi ? » sursauta ce dernier, les sourcils froncés par la douleur alors qu’il considérait le canon dirigé vers son visage.

       Il ne fut pas le seul à réagir. Wilhelm dégaina aussitôt son épée, écarquillant les yeux de stupeur, de même que Reiner et Herr Gottfried, le visage du kasztellan rougissant à présent tout autant de fatigue que de fureur et de stupéfaction. Lydia hoqueta de surprise, et recula d’un bond vers le fond de la pièce, entre les fauteuils. Seul Frère Félix, reprenant toujours son souffle, resta de marbre, bien que son regard exprimait plus une certaine forme de reproche qu’autre chose alors qu’il fixait son collègue.

       « Que faites-vous, traître ? Laissez-moi passer ! Cet homme est sous MA responsabilité ! » Herr Gottfried, qui était séparé du répurgateur par le prêtre guerrier, essayait d’atteindre Rottmann, pointant son épée vers lui, mais Frère Félix l’empêchait d’aller plus loin, plaçant son imposante carrure entre le chevalier moustachu et sa cible. « Ne rendez pas cela plus difficile, mein Herr Von Urlauberg. » fit la voix grave du prêtre. Mais son interlocuteur ne voulait rien entendre, vociférant de plus belle sa colère.

       Wilhelm, lui, contourna la table en trois pas par l’autre côté, et pointa sa propre lame vers le cou du répurgateur. « Lâchez votre pistolet » invectiva-t-il violemment Rottmann. Il entendit un cliquetis métallique derrière lui. Un coup d’œil lui apprit que Reiner s’y trouvait, une arme à feu dans la main gauche et son épée dans l’autre, observant la situation avec ses yeux froids. Wilhelm se demanda alors sérieusement dans quel camps il se rangerait si la situation dégénérait, mais il était de toutes façons trop tard pour faire marche arrière. Pendant tout ce temps, Rottmann n’avait pas bougé d’un pouce.

       « J’interroge un possible hérétique, kasztellan » répondit-il à Gottfried, ignorant superbement Wilhelm. « Et vous feriez mieux d’arrêter de m’asticoter. »

       « Lâchez ce pistolet ! » lui cria à nouveau Wilhelm, alors qu’au même moment Von Urlauberg tonnait « Vous asticoter ? Mais je vais vous asticoter tellement fort que votre mère ne vous reconnaîtrait plus même avec le modèle ! ». Sa voix tremblait de rage, et visiblement sa moustache aussi. Sur la table, Guy tentait de parler, les dents serrées, mais sa voix était couverte par les cris. Wilhelm avança encore, et la pointe de son épée effleura le cou de Rottmann, qui cette fois-ci tourna ses yeux glacés vers lui, ce qui bloqua dans sa gorge tout ce qu’il aurait pu dire. Le répurgateur semblait prêt à tout.

       « Jeune homme, encore un millimètre, et la cervelle de votre chevalier saute. Je commence à en avoir plus qu’assez de vos jérémiades. J’ai dit que je l’interrogeais, et je vous signale qu’il connaissait notre ennemi, qu’il connaissait des choses sur les adorateurs des dieux sombres qu’il n’aurait jamais dû savoir, et que vous les avez entendues vous-même ! »

       Wilhelm tressaillit. Malgré le dégoût qu’il lui inspirait à présent, l’homme disait vrai. Son chevalier, son maître, avait parlé de choses étranges dans le temple. Il avait parlé d’un homme-oiseau, si sa mémoire était bonne. Et il connaissait leur agresseur vêtu de noir. Il secoua frénétiquement la tête, cherchant instinctivement Lydia du visage pour voir si les affirmations du répurgateur ne l’avaient pas trop choquée, et l’aperçut qui se tenait dans un coin de la pièce, le plus loin possible de Rottmann. Il reporta alors immédiatement son attention sur ce dernier, alors que Reiner restait toujours immobile.

       « Ce savoir n’en fait pas un coupable ! » Cria Wilhelm, regagnant de l’assurance à entendre sa propre voix. « Vous n’avez pas le droit de le déclarer hérétique et de l’exécuter comme ça ! »

       De façon inattendue, la voix grave de Frère Félix s’éleva à son secours alors que le prêtre retenait toujours tant bien que mal un kasztellan Von Urlauberg au bord de l’explosion.

       « Il a raison, et vous le savez. »

       Rottmann leva les yeux au plafond, son grand chapeau sombre lui donnant toujours l’air aussi sinistre. Il semblait perdre patience, mais lorsqu’il s’exprima ce fut avec un calme olympien.

       « Une bonne fois pour toutes, j’ai dit que je l’interrogeais. Je n’ai nullement l’intention de l’exécuter à l’instant présent. Ceci », dit-il en désignant son pistolet, « ne servira que si ce qu’il me dit ne me convainc pas. »

       Von Urlauberg ouvrit de grands yeux sidérés, et Wilhelm dut avoir la même expression sur le visage, car il était scandalisé par une telle réponse.

       « Vous menacez ce chevalier d’une arme à feu en disant que vous allez simplement l’interroger ? Mais vous êtes un grand malade ! » Le kasztellan était furieux, et il s’exprimait d’une voix forte alors que son expression évoquait une vouivre écarlate enragée. « Vous allez nous laisser le soigner, et ensuite on écoutera son histoire. Et sans pistolet !

- Herr Von Urlauberg, si vous continuez à le prendre sur ce ton… »

       Frère Félix l’interrompit, les mains toujours occupées à tenir l’officier du Fort de Sang loin du répurgateur.

       « Je pense que nous devrions faire comme il propose, Herr Rottmann. Après tout, il s’agit d’une situation particulière, et je vous signale que, pour la défense de mein Herr Von Rosenburg, il a été le seul blessé par notre agresseur à l’armure noire, et m’a sauvé la vie par la même occasion. Nous devrions lui accorder suffisamment de crédit. »

       Guy, de son côté, avait fini par suivre l’échange avec un parfait mutisme. Son visage était trempé de sueur, ses yeux plissés, et son expression faciale n’exprimant que la douleur. Il y eu un léger moment de flottement où tout le monde retint son souffle, puis un cliquetis métallique se fit entendre alors que Rottmann rangeait son arme à feu.

       La tension sembla baisser progressivement. Wilhelm et Gottfried rengainèrent à leur tour leurs épées, et un léger soulagement se dessina sur le visage du bretonnien, encore allongé sur la table. Herr Gottfried garda un regard assassin braqué sur Rottmann, mais ne dit rien de plus, tandis que Reiner, qui avait déjà rangé ses propres armes, scrutait à présent Guy d’un air songeur. Se rappelant à cet instant que son chevalier souffrait, Wilhelm se précipita vers lui, et posa la main sous sa tête.

       « Messire Guy, comment vous sentez-vous ? »

       Sa main se couvrit immédiatement de sueur. Le chevalier était brûlant.

       « Ma jambe… » Articula le chevalier. « Elle me brûle… »

       Etouffant un juron dans sa moustache, Herr Gottfried ne perdit pas une seconde. Empoignant la botte gauche de Guy, il entreprit de les lui retirer, rapidement rejoint par Wilhelm. À eux deux, ils retirèrent le pantalon de maille du bretonnien, dont la partie touchée par l’épée enflammée était grandement abîmée. Le métal semblait avoir en partie fondu sous l’effet de la chaleur, et l’ensemble avait pas mal perdu de sa souplesse. Durant toute l’opération, messire Guy s’était mis à gémir, les yeux fermés et les dents serrées. Alors, contre toute attente, Frère Félix prit la direction des opérations. Avec un sang-froid montrant une grande expérience, il demanda à Lydia de bien vouloir trouver des linges, tout en ordonnant à Reiner d’aller chercher une grande bassine d’eau. Ce faisant, il pria Rottmann, qui n’avait pas bougé, de monter la garde s’il ne comptait pas se rendre plus utile que ça. Le répurgateur obéit sans un mot, la tête haute et la mine renfrognée, son interrogatoire étant visiblement repoussé jusqu’à ce que le ‘suspect’ aille mieux.

       Lydia, elle, sursauta quand son nom fut évoqué, mais le ton du prêtre-guerrier ne souffrait aucune réplique. Elle afficha rapidement un visage décidé quand le prêtre lui adressa cette demande dans sa propre maison, mais elle se mit au travail en hochant la tête. J’espère qu’elle ne va pas nous considérer comme des envahisseurs, priait intérieurement Wilhelm en continuant sa tâche. Dès que l’occasion se présente, je lui assurerai le contraire. Mais les évènements ne laissaient pas beaucoup de place à ses préoccupations romantiques. Bientôt, Reiner et la jeune fille accoururent avec les objets demandés par Félix, qui entre temps s’était penché vers la tête de messire Guy et avait recommencé à lui parler doucement à l’oreille. Wilhelm ne pouvait entendre ce qu’il lui disait, mais le visage de son chevalier semblait légèrement plus apaisé. Lui-même s’était occupé à dénuder les jambes de son chevalier, retirant précautionneusement le tissu en accordant une attention particulière à la zone brûlée.

       « Bien, poussez-vous ! » dit alors Frère Félix en se redressant. Sans attendre, il écarta Wilhelm et Herr Gottfried d’un coup d’épaule, se positionnant ainsi devant les pieds du bretonnien. La jambe gauche de ce dernier, à présent totalement nue, présentait une impressionnante brûlure là où le dénommé Ferragus avait frappé. La peau était cloquée, comme plissée et étirée, et sa couleur oscillait entre le rouge vif et le blanc cassé. D’une taille équivalente à celle de la paume de Wilhelm, cette blessure paraissait extrêmement douloureuse, et il serra les dents en imaginant ce que son chevalier devait endurer. Pourtant, Frère Félix ne s’attarda pas dessus. « Wilhelm », appela-t-il de sa voix aussi calme que ferme, « prenez un linge, humidifiez-le, et posez-le sur son front. Et maintenez-le en place, je ne voudrais pas qu’il tombe. » Wilhelm s’apprêta à poser une question, mais un regard impérieux du prêtre l’en dissuada. Baissant la tête, il obéit à l’ordre de Félix, se saisissant vivement d’un tissu qu’il trempa dans la bassine, et épongea la tête de son chevalier. Ce dernier trembla à ce contact, mais ne dit rien tandis que Wilhelm lui appliquait le lin imprégné d’eau. Frère Félix, de son côté, leva les bras en croix et regarda vers le plafond.

       « Oh Sigmar » commença doucement sa voix de basse, « délivre-nous du mal qui nous ronge. Que Ta lumière soit le fanal qui nous purifie le corps et l’esprit, et nous apporte le réconfort dans les heures sombres. »

       Absorbé par les soins de Guy, qui gémissait doucement, Wilhelm comprit cependant que le grand homme priait. Mais il ne pipa mot, pas plus que qui que ce soit d’autre, car pendant la litanie, Frère Félix commença peu à peu à être enveloppé d’un halo lumineux, dont l’intensité augmentait progressivement.

       « Et que Ta bienveillance nous porte, nous Tes serviteurs, car en ce lieu et ce moment, l’espoir et la foi en Toi sont à présent les deux piliers de la victoire ! »

       Frère Félix abaissa alors les mains, les pointant sur les jambes de messire Guy. La lumière s’intensifia brusquement, et Wilhelm dut fermer les yeux, presque aveuglé par le soudain éclat qui enveloppa la pièce. Rottmann baissa le bord de son chapeau, mais les autres, pris de courts, eurent un mouvement de recul alors qu’ils se plaquèrent le bras sur les yeux. Messire Guy se mit alors à trembler violemment, et à gémir de plus en plus. Wilhelm lui saisit alors les épaules, tentant tant bien que mal de l’empêcher de convulser trop fort. La lumière le handicapait, et il parvenait à peine à garder les yeux entrouverts. De plus, quoi qu’était en train de faire le prêtre, cela ne faisait pas plaisir à son chevalier. Est-il en train de lui faire du mal ? Il hésitait à intervenir de façon à arrêter Félix, mais le prêtre ne pouvait certainement pas chercher à faire du mal à Guy, et il maintint sa prise. Herr Gottfried le rejoignit, ainsi que Reiner, tous deux protégeant leurs yeux avec leurs bras tout en maintenant Guy, qui convulsait de plus en plus fort. Alors, une petite main s’empara du linge humide et épongea doucement le front du chevalier. L’autre main en visière, Lydia s’était jointe à eux elle aussi, et elle s’évertuait à présent à calmer le bretonnien.

       Au bout de quelques dizaines de secondes, Frère Félix arrêta sa litanie, et la lumière disparut d’un coup. Seuls les halètements rapides de Guy brisaient le silence désormais, chacun restant aussi immobile qu’une pierre. Wilhelm releva lentement les yeux, qui se réhabituaient petit à petit à la luminosité ambiante. Le prêtre-guerrier était penché au-dessus de la jambe de Guy, une main appuyée sur la table en guise de soutien, l’autre agrippant fermement le mollet du chevalier.

       « Je crains de ne pouvoir faire mieux messire… » Finit par dire doucement le prélat. Wilhelm, interloqué par tout ce qui venait de se produire, remarqua que sa voix semblait soudain fatiguée, exténuée. Visiblement, ce qu’il avait fait, cette sorte d’émission de lumière, couplée à l’effort fourni pour charrier Guy depuis le village, prélevait son dû. Rottmann fut le premier à bouger, se dirigeant machinalement vers la fenêtre pour surveiller les alentours. Juste à côté de Wilhelm, Lydia considérait Frère Félix avec le même air impressionné qu’il devait lui-même arborer. Les yeux grands ouverts, la bouche entrouverte, elle avait l’expression de quelqu’un qui ne croit qu’à moitié ce qu’il vient de voir. C’était la deuxième fois en moins d’une journée qu’ils avaient assisté aux miracles dont le grand homme chauve était capable, et il y avait de quoi être désemparé. D’ailleurs, qu’avait-il fait cette fois ? Un rapide coup d’œil suffit à Wilhelm pour s’assurer que rien n’avait brûlé dans la pièce, confirmant qu’il avait fait autre-chose. Mais alors que…

       « Messire Guy…Votre jambe… »

       La voix de Herr Gottfried, dont la moustache imposante ne parvenait pas à cacher totalement la bouche béante d’étonnement, était comme atténuée par rapport à d’habitude, comme précautionneuse. Le kasztellan avait d’ailleurs presque poussé Frère Félix à son tour, les yeux rivés sur… Wilhelm posa alors les yeux sur la jambe de son chevalier, qui semblait attirer l’attention de tout le monde (sauf Rottmann), et écarquilla les yeux à son tour. La brûlure causée par l’épée enflammée, jusqu’alors si impressionnante, n’était désormais plus qu’une plaque rougeâtre à peine striée de rides, et ne faisant à présent que le quart de sa taille initiale.

       « Par la barbe d’Ulric... » Laissa échapper Wilhelm, qui d’habitude ne jurait jamais. Il ignora le regard noir que lui lança instinctivement son chevalier pour cet écart de conduite, trop occupé à admirer le résultat de l’imposition des mains du prêtre de Sigmar. Lydia hoqueta de surprise elle aussi, et recula d’un bon pied. Wilhelm avait déjà entendu parler des prouesses miraculeuses des prêtres, mais jusqu’à ce jour il n’y avait jamais assisté, et tenait ces histoires pour des racontars propagés par la rumeur. Il se rendait à présent compte de son ignorance, et surtout qu’il se trouvait en présence d’individus bien plus efficaces que lui au combat. Si Frère Félix était capable de guérir des plaies aussi graves, et de créer des flammes destructrices, qui pouvait dire ce qu’il savait faire d’autre ? Et Rottmann, le répurgateur, était-il lui aussi capable de similaires prouesses ? D’ailleurs, seuls Albrecht Rottmann lui-même, ainsi que Reiner, gardèrent leur calme à la vue de la guérison de Guy. L’ancien camarade de promotion de Wilhelm n’avait pratiquement pas réagi, comme à son habitude, même si l’intensité de son regard en direction de Frère Félix en disait long sur son propre étonnement.

       Le répurgateur, lui, ne perdit pas une seconde après avoir scruté l’extérieur.

       « Bien, » commença-t-il de sa voix aigüe, les bras croisés sur son torse, brisant ainsi le climat de contemplation qui s’était instauré. « Je vois que le handicap de notre ami ici présent est presque réglé. Puis-je procéder à mon interrogatoire maintenant ? »

       Il avait pris un ton sarcastique qui, avec son air exaspéré, lui donnait l’air de singer un enfant réclamant un jouet. Wilhelm en fut profondément irrité, et intervint vivement.

       « Vous allez le laisser tranquille. Il a besoin de repos. »

       Il avait dit cette dernière phrase de façon un peu automatique, car cela lui paraissait aller de soi. Tout homme en rémission doit se reposer, c’est ce qu’il avait toujours vu et appris. Mais une fois de plus, le prêtre vint à son secours, toujours penché sur Guy.

       « C’est exact. La grâce du très saint Sigmar guérit du mal, mais le corps doit récupérer seul. »

       Rottmann leva les yeux au ciel, l’air résigné. « Fort bien, » lança-t-il tout en se tournant vers Lydia. « Fraulein, y-a-t-il un lit sur lequel on pourrait allonger notre grand blessé ? »

       Malgré la peur qu’il semblait avoir inspiré à la jeune fille quelques minutes plus tôt, celle-ci, loin de lui obéir avec déférence, lui jeta un regard plein de défiance.

       « Certainement mein Herr, mais il serait malvenu que ce lit soit ensuite couvert de sang à la suite d’un geste malheureux. »

       Et sans attendre de réponse d’un Rottmann plus surpris par ces paroles que par la démonstration de Frère Félix, elle tourna les talons et ouvrit une porte au fond de la pièce. Puis, avec la même assurance, elle leur annonça :

       « Allongez-le ici, c’est la chambre de mes parents. Il y sera assez bien installé. »

       Ce fut fait en un tournemain. En effet, Guy pouvait à présent se lever seul, et Wilhelm et Gottfried n’eurent pas grand-chose à faire, à part à l’empêcher de tomber de fatigue, pour l’aider à rejoindre ladite chambre. Celle-ci était fort simple : un lit de deux places en paillasse, une table basse avec quelques vieilles bougies, et une petite lucarne. Le chevalier bretonnien fut bientôt confortablement allongé sur le lit, et Wilhelm s’accroupit à son chevet, tout à ses penséees. Dans un coin de son esprit, il se demandait si Lydia n’avait pas une personnalité plus complexe qu’il ne l’aurait cru, pour tenir ainsi tête à Rottmann avant de lui obéir humblement l’instant suivant. Mais pour l’heure, c’était surtout l’état de messire Guy qui l’inquiétait.

       « Comment vous sentez-vous messire ? » Lui demanda-t-il doucement.

       « Fort mieux, louée soit la Dame. » Répondit le chevalier sur le même ton. Et de fait, il semblait presque remis, à tel point que les linges humides ne semblaient à présent plus servir à rien.

       « Eh bien si c’est le cas, j’aimerais écouter ce que vous avez à dire, à moins que ces messieurs-dames ne veulent aller vous faire une petite tisane. » Rottmann semblait perdre patience, et sans attendre de réponse il amena brutalement une chaise depuis la pièce principale et s’y installa en face du lit, penché en avant tel un corbeau affamé. Et affamé, il semblait l’être, à tel point que ses yeux brillaient de frustration.

       En retour, Guy détourna les yeux vers le plafond. Il avait soudain l’air à bout de forces.

       « Soit, » répondit-il d’un ton fatigué, « c’est votre droit de le demander. Que souhaitez-vous savoir ? »

       « Tout ! » Ordonna sèchement le répurgateur en lissant à nouveau sa moustache. « Comment vous connaissiez l’homme qui nous a attaqué, ce qui vous lie à ce ‘patriarche’ que vous avez attaqué, et qu’est-ce que c’est que cette histoire d’homme-oiseaux ? Je veux tout ! Et le plus vite possible, nous manquons de temps. »

       Il y eu un silence. Cette dernière remarque leur avait faisait réaliser qu’ils étaient avant tout en fuite, et que le danger pouvait arriver à tout instant. Que possiblement, les hommes-rats avaient déjà encerclé le moulin, s’apprêtant peut-être même à donner l’assaut. Il fallait faire vite.

       Toutes les têtes étaient tournées vers Guy, même le visage ovale de Lydia, qui était retournée en retrait. Seul Reiner, resté dans l’entrée pour surveiller les alentours, ne dardait pas son regard vers le bretonnien. Wilhelm sentait une boule d’angoisse se former dans son ventre, et son pouls s’accéléra légèrement. À ses yeux, messire Guy était un chevalier, un individu au service du peuple, animé seulement par des désirs d’abnégation et de noblesse. Mais il ne pouvait chasser de son esprit les humeurs sombres de son chevalier ces derniers jours, son comportement de plus en plus distant, ou sa consommation grandissante d’alcool. Et par-dessus tout, il ne pouvait oublier la remarque de Rottmann : son chevalier savait des choses étonnantes, ayant parlé avec le patriarche comme s’il le connaissait déjà. Tout cela s’entrechoquait dans sa tête dans une cacophonie assourdissante, sans logique ni réponse. Cependant, il était aussi persuadé qu’il y avait une explication, un sens, une façon cohérente de tout justifier, et qui convaincrait cet…enfoiré de Rottmann de cesser ses persécutions. Il suffisait à messire Guy de la donner.

       Ce dernier finit par ouvrir la bouche, mettant ainsi fin au supplice de l’attente.

       « Je vais vous narrer mon histoire, le plus promptement possible, en espérant que cela vous conviendra. »

       Sa voix était calme, quoiqu’un peu faible, mais on sentait toujours ce même goût pour la narration, et le fait d’être le centre de l’attention.

       « Je ne vais pas revenir sur mes débuts dans la vie. Sachez simplement que je suis devenu chevalier errant à seize ans, et à dix-neuf ans je suis entré au service de Gérald de Montvilliers, baron du Mont-du-Loup. Cela, je l’ai accompli en même temps qu’un de mes amis les plus chers à l’époque, Ferragus de Fortcoutal, un chevalier du même âge que moi que j’ai rencontré sur les routes. »

       Herr Gottfried réagit au quart de tour, faisant tressaillir son imposante pilosité nasale. Le pauvre kasztellan semblait en proie aux doutes les plus vifs concernant son subordonné, car il avait la mine grave, et le front luisant.

       « Ce prénom », commença-t-il en semblant peser chaque mot avant de le prononcer, « ‘Ferragus’, c’est celui par lequel vous avez appelé cet étrange chevalier noir qui nous a attaqué. Est-ce le même homme ?

       « Oui » répondit Guy en plissant les lèvres de déconfort. « Mais je ne l’avais pas…rencontré…depuis longtemps. »

       Le silence s’ensuivit, alors que tout le monde s’attendait à une irruption vindicative de la part de Rottmann. Mais le répurgateur garda le silence, les yeux ouverts mais les sourcils froncés. D’un geste, il invita messire Guy à poursuivre. Ce dernier ne se fit pas prier.

       « Nous étions bien jeunes, et nous goûtions l’aventure, le danger, les combats, la ripaille, et le bon vin, comme tout chevalier de notre âge dans notre situation. Nous avons fièrement combattu pour le baron, mais après quelques années, à l’âge de vingt-sept ans, nous avons entamé la quête du graal. »

       Wilhelm avait connaissance de cette histoire jusqu’à ce point précis, à l’exception de l’existence de Ferragus. Après le début de cette fameuse quête, il n’avait pas la moindre lumière sur la vie qu’avait menée Guy jusqu’à leur propre rencontre. Et au vu du regard, tout aussi intense que celui de Rottmann, qu’Herr Gottfried porta au bretonnien, celui-ci n’en avait pas plus. D’ailleurs, Wilhelm remarqua avec un sombre amusement qu’à cet instant précis, les deux hommes avaient aussi en commun d’être en train de lisser leur moustache droite. Lydia et Frère Félix s’étaient un peu éloignés, et une vive lumière vint un instant de la pièce principale, signe que le prêtre utilisait à nouveau ses pouvoirs guérisseurs. Wilhelm, dans un coin de sa tête, se fit la remarque de remercier le prêtre pour avoir soigné la jeune fille. Et si possible devant elle.

       Impassible à tout ce qui se passait autour de lui, messire Guy reprit son histoire. Ses cheveux blonds, ébouriffés et trempés d’eau et de sueur, tombaient sur son visage, le cachant partiellement. Il portait à présent une mine sombre, comme lors de ses crises de mélancolie, et ne semblait plus vraiment apprécier son propre récit.

       « Cette quête, nous la poursuivîmes à travers le duché de Parravon comme de véritables chevaliers, du moins le pensions-nous. Villages en détresse, hommes-bêtes à traquer, peaux-vertes à tuer, nous ne reculions devant aucun danger. Puis vint…le tournant funeste. » Il marqua une pause, prenant une grande inspiration en fixant le plafond, avant de reprendre. « Un jour, nous apprîmes par la bouche de quelques gueux qu’un lieu, dans la forêt, semblait avoir été maudit. Il s’agissait des ruines d’un fort, un endroit de plutôt mauvais aloi, mais sans que quoi que ce soit de précis n’en soit rapporté.

       Bien sûr, nous prîmes des précautions par rapport au discours. Nous en rîmes plusieurs fois, car les gueux en question nous avaient semblé peu fiables, et nous pensions surtout que leur imagination avait fait la prime du travail. Eh bien que nenni ! »

       C’était maintenant la colère qui semblait l’animer. Guy, aux prises avec ses souvenirs, avait à présent lui aussi les sourcils aussi froncés que ceux du répurgateur assis en face de lui. Wilhelm était fasciné et gêné, découvrant petit à petit la part sombre de son chevalier, mais dans un cadre beaucoup moins intime qu’il l’aurait voulu. Mais surtout, son angoisse ne se dissipait pas, et il était suspendu aux lèvres de son chevalier.

       « Nous sommes parvenus devant la ruine, une vieille tour, avec les restes d’une petite muraille. Nous sommes entrés sans méfiance, et nous nous sommes retrouvés face à face avec un homme. Et cet homme, messieurs, je vous le jure sur mon épée, c’était ce ‘patriarche’ que nous, ici présents, avons vu ce matin. »

       À cette déclaration, Herr Gottfried et Wilhelm éructèrent un « Quoi ?! » explosif tandis que Frère Félix laissa échapper un « Sigmar nous protège », portant la main à sa bouche. Rottmann, de son côté, se redressa calmement sur son siège en joignant les mains devant son nez, ce qui cachait sa bouche. Il avait une expression inquiétante.

       « Et donc » répondit le répurgateur, « c’est votre version. Vous attestez l’avoir déjà rencontré dans vos jeunes années. Mais pour l’instant rien n’explique votre violence extrême. »

       Guy soutint son regard, pour la première fois depuis leur arrivée dans la maison adossée au moulin. « J’y viens, Mein Herr » lui répondit-il froidement. Wilhelm lut la fureur dans ses yeux, mais cette fureur ne quitta pas l’expression du bretonnien quand il se détourna pour regarder ailleurs. Pour Wilhelm, cela semblait indiquer que cette rage était causée non pas par Rottmann, qui pourtant se montrait peu amène, mais plutôt par la simple évocation de ce souvenir. Sa bouche prenant un rictus de dégoût, Guy continua son récit.

       « Nous l’avons menacé, et il nous a conduit à l’étage. Là, nous avons rencontré celui qu’il appelait son ‘maître’. C’était une créature comme je n’en avais jamais vu, et que je n’ai pas revu depuis. » La voix du chevalier se fit plus sèche encore, et il parlait à présent par saccades, comme si l’effort physique de parler lui était douloureux. « Son apparence hante encore mes cauchemars…Il était de taille humaine, mais sa tête était celle…celle d’un oiseau. Ses bras se terminaient par des serres. Et il y avait des…choses, sur sa peau. Comme des…visages, qui allaient et venaient, qui parlaient, pleuraient, criaient, chantaient… »

       Guy s’arrêta, le regard confusément tourné vers le bas, considérant son propre torse encore vêtu de mailles comme s’il le voyait pour la première fois. L’horreur qu’il venait de décrire avait gelé l’atmosphère. Gottfried était blême, et par une sorte de miracle sa moustache semblait pendouiller comme si elle aussi était terrifiée. Frère Félix était figé, les yeux rivés sur le bretonnien, et sa mine exprimait autant la stupéfaction que l’incrédulité. Wilhelm, dont le visage avait pris le même teint que celui du kasztellan, se rendit compte qu’il avait tellement serré le pommeau de son épée que ses phalanges étaient douloureuses. Il avait la bouche entrouverte – il la ferma dès qu’il s’en rendit compte – et la cacophonie de ses émotions avait augmenté d’un cran. Selon ses dires, son chevalier avait rencontré une...abomination, qu’il n’arrivait même pas à imaginer. Cela pouvait-il seulement être possible ? Ce genre de chose pouvait-il seulement exister ? De son côté, Lydia, pourtant en retrait depuis le début de la discussion, semblait la plus affectée par cette description, car on put l’entendre étouffer un cri au milieu de la tirade du chevalier. Elle dut s’asseoir elle aussi, une expression d’intense frayeur sur le visage. Fait surprenant, Rottmann semblait lui aussi perturbé, mais à un degré moindre, se contentant de hocher imperceptiblement la tête tandis qu’on pouvait l’entendre pousser de grands soupirs. Wilhelm s’était attendu à le voir éclater d’un rire sardonique, puis déclarer à Guy, avec un ton goguenard, que tout cela n’était qu’un mauvais mensonge, mais il n’en fut rien. Il sentit ses entrailles se geler petit à petit. Si le répurgateur n’avait pas contredit cette partie du récit, c’est donc qu’elle pouvait être…réelle. Avec toutes les conséquences qu’elle impliquait.

       Le silence était assourdissant. Guy ne disait plus rien, et son expression était l’image même de l’affliction, mais Wilhelm voyait, sentait, que des hurlements retentissaient dans sa tête. Il pouvait presque les entendre. Ce fut le répurgateur qui rompit le mutisme ambiant. « Que s’est-il passé ensuite ? » demanda-t-il, presque dans un murmure.

       Alors, sans bouger, Guy répondit, d’une voix neutre, passive, sans aucune émotion.

       « Nous l’avons attaqué. Il nous a vaincus. Le feu…Il utilisait du feu, du feu multicolore. Je suis passé par la fenêtre, et je me suis évanoui. À mon réveil, ils avaient tous disparus. Ferragus avait disparu, et les deux autres aussi. Je… » Sa voix se brisa à nouveau, à tel point que Rottmann dut une nouvelle fois lui demander de continuer d’un ton impatient.

       « Je suis parti, voilà tout. Je suis parti dans les montagnes. Je ne savais plus quoi faire. J’étais un homme fini. La Dame nous avait confié une tâche, et nous avons pêché par orgueil. J’avais causé la mort de mon compagnon, et permis la fuite de deux dangereux individus. J’étais déshonoré, la Dame ne pouvait plus décemment me considérer comme un chevalier. Je n’en étais plus digne... » Un léger sanglot le secoua. Quelques larmes coulaient sur ses joues, se mêlant à l’eau du linge et à la sueur, descendant jusqu’à son gorgerin pour se perdre dedans. Le visage large et beau du chevalier était à présent un masque de tristesse, de regrets et d’impuissance. C’en fut trop pour Herr Gottfried.

       « Voilà qui suffit, » affirma l’imposant chevalier impérial en se postant entre Guy et Rottmann. Il avait la mine blême, et la moustache pendante, mais ses yeux étaient brillants. Il brandit un doigt vers le répurgateur, qui ne bougea pas d’une fibre. « Vous avez appris tout ce que vous vouliez savoir, non ? Vous voyez ce que cela lui a coûté de vous le dire ? Laissez-le en paix à présent. » Wilhelm, alors en accord total avec son supérieur, se leva à son tour pour faire mine de protéger son chevalier. Ce dernier lui inspirait le plus grand respect à présent, du fait d’avoir réussi à survivre à cette rencontre, et de parvenir à garder sa santé mentale. Mais il ressentait aussi autre-chose, qui le mettait plus mal à l’aise. Une chose qu’il n’arrivait pas à bien définir, et qu’il assimila à…de la pitié. Messire Guy, allongé dans ce lit, affaibli, mentalement brisé, ne ressemblait en fait plus du tout à un preux chevalier, capable de défendre les opprimés, mais plus à un individu qui aurait besoin de lui, Wilhelm. Cette fois, il lui semblait que l’opprimé, c’était Guy.

       Il s’en voulut immédiatement d’avoir un tel sentiment, qu’il assimilait presque à une trahison envers son maître, mais cette impression était bien là, cachée au fond de lui. Après tout, ce même Guy ne lui avait-il pas dit qu’être chevalier, c’était avant tout une question d’état d’esprit ? Est-ce que l’état d’esprit de messire Guy était actuellement celui d’un chevalier ? Cela ne semblait pas être le cas, mais il revenait de bataille, blessé dans son corps et dans son esprit, et il venait de raconter une histoire dont il avait honte. Les pensées de Wilhelm étaient confuses, contradictoires, et c’est alors qu’il débattait ainsi intérieurement que Rottmann répondit à Herr Gottfried sans même le regarder.

       « Navré, mais non, nous n’en avons pas fini. Messire Guy, dites-moi s’il vous plait comment vous saviez que vous deviez venir ici. Car vous le saviez, n’est-ce pas ? »

       Le kasztellan s’apprêta à rugir, le visage tordu par le dégout que lui inspirait à présent le répurgateur tranquillement assis. Il gonflait déjà ses poumons pour une réplique bien sentie quand la voix désormais monocorde de Guy résonna derrière lui.

       « C’est le Grand-Maître qui me l’a dit. Herr Bastian connaissait mon histoire. C’est lui qui m’a trouvé alors que je m’étais perdu dans les montagnes. Je lui ai tout dit, et il m’avait proposé de me rendre utile dans son ordre. Il m’a dit que dans votre rapport, vous aviez mentionné le même symbole, celui d’un œil multicolore, sur une tenture turquoise. »

*

       Tout le monde s’était retiré de la chambre, laissant Wilhelm s’occuper seul de son chevalier. Dans la pièce à côté, il pouvait entendre les autres converser, notamment la voix de basse de Frère Félix. Il eut en réalité peu à faire auprès de Guy, se contentant juste de lui retirer sa maille pour lui permettre de dormir confortablement. Le visage grimaçant, le bretonnien se plaignait encore de la douleur, mais manifestement il ne souffrait plus le martyr. C’était déjà ça. Cependant, Wilhelm voyait bien que son mentor avait été très affecté par les évènements récents. Guy semblait essayer de cacher sa tristesse et sa souffrance, ne laissant échapper que quelques rares gémissements quand son écuyer lui retira son armure, et gardant le visage était complètement fermé, à part quelques vestiges de larmes dans ses yeux rougis. Toute l’opération se déroula sans qu’aucun des deux ne prononce le moindre mot. Rapidement, Guy finit par sombrer dans le sommeil, et Wilhelm se retira silencieusement.

       Dans la pièce principale, que les rayons du soleil matinal éclairaient par les deux fenêtres, il trouva ses compagnons en pleine discussion. L’expression pensive, tirant sur son bouc, Herr Rottmann faisait les cent pas dans la pièce principale, ses talons claquant à un rythme soutenu sur le parquet. Les autres s’étaient dispersés dans des chaises, autour de la table sur laquelle messire Guy avait été allongé. Wilhelm remarqua immédiatement que Lydia n’avait pas bougé du fauteuil qu’elle avait elle-même pris quelques minutes plus tôt près de la cheminée. Elle avait la tête baissée, un air effrayé sur le visage, et semblait très tendue, comme si elle subissait la situation. Il entendait confusément que les hommes s’entretenaient de la situation présente, et de ce qu’ils devaient faire, mais il décida qu’il avait là l’occasion de parler à cette magnifique jeune fille, et qu’il n’allait pas la rater.

       S’approchant doucement, il s’accroupit lentement devant la jeune femme, et tout en arborant ce qu’il pensait être son sourire le plus rassurant, il croisa son regard et lui demanda :

       « Ça va ? »

       Elle lui rendit son sourire pendant une seconde, puis ses traits redevinrent marqués par l’appréhension.

       « Ça peut aller. »

       Evidemment que ça ne va pas, bougre d’idiot, s’admonesta Wilhelm, en s’efforçant de garder son sourire. On débarque chez elle, et immédiatement l’un de nous cherche à tuer l’autre, et tout se termine en un récit glauque au possible. Sans compter la guérison miraculeuse faite par Frère Félix.

       « Il ne faut pas avoir peur, » reprit-il en se forçant à prendre un ton paisible. « On va les retrouver, tes parents. »

       Elle fronça les sourcils, et le regarda droit dans les yeux.

       « Pas la peine de me parler comme à une enfant. J’ai vingt ans, tu sais ? Je sais quand la situation est compliquée. Et je sais aussi que tout ne va pas bien se passer, même si vous tentez de vous persuader que vous gérez. »

       Wilhelm eut un mouvement de recul, ce qui faillit le faire tomber à la renverse vue sa position accroupie.

       « Qu’est-ce que tu veux dire ? »

       C’était à son tour d’avoir l’air effrayé. Le tempérament de Lydia avait à présent prit le dessus sur sa peur, et il en était impressionné.

       « Je veux dire », continua-t-elle, une lueur d’irritation dans ses grands yeux, « que plein de gens ont disparu, que ça fait des semaines que ça dure, et que le patriarche ne fait rien d’autre que nous dire que ‘tout ira bien’. Et pile quand vous débarquez, il y a une invasion de créatures mutantes. Vous êtes six, et ils sont vraiment beaucoup plus. Alors non, tout ne va pas bien se passer. »

       Wilhelm mit quelques secondes à remarquer que la pièce était tombée dans le silence. Lui-même avait les yeux grands ouverts, tétanisé par ce que la jeune fille avait dit. Car elle avait raison : ils n’étaient que six, et même cinq si Guy restait dans le même état. Il n’avait pas vraiment pensé à la suite des évènements, se concentrant plus sur l’instant présent du fait de l’état de Guy, mais elle y avait pensé pour lui, et sa conclusion n’était pas brillante : ils étaient coincés.

       « Depuis plusieurs semaines vous dites, jeune fille ? »

La voix de crécelle de Rottmann avait brisé le silence avec la violence d’un éclair dans du brouillard. Wilhelm se leva et vit le répurgateur s’avancer vers eux, son regard intense désormais fixé sur Lydia, qui sembla intimidée pendant une fraction de seconde. Son grand chapeau était désormais posé sur la table, mettant en valeur son crâne osseux aux cheveux poivre et sel coupés courts, martialement. Herr Gottfried, Reiner et Frère Félix étaient restés derrière, assis à la table, mais ils écoutaient à présent attentivement. Le kasztellan avait l’air aussi pensif qu’inquiet, et le prêtre semblait concentré, ses sourcils étant froncés en une expression de grande réflexion. Seul Reiner, comme à son habitude, ne montrait aucune émotion sur son pâle visage glabre.

« Oui, » finit par répondre doucement Lydia. « Les gens ont commencé à disparaître il y a un mois et demi environ. Ils ne sont jamais revenus… »

       Sa voix s’affaiblissait, trahissant le caractère sensible de ce sujet. Pourtant, comme il l’avait fait auparavant avec Guy, Rottmann ne prit aucunes précautions dans sa question, même si sa voix n’avait cette fois pas d’intonation accusatrice.

       « Racontez-moi tout. Depuis le début. Quand est-il arrivé exactement ? Comment avez-vous succombés à son charme ? »

       « Mais je n’ai pas succombé à son charme ! » Protesta Lydia avec véhémence. Mais il en fallait plus pour convaincre Rottmann. Le répurgateur ne cilla pas à cette remarque, continuant de la scruter froidement. Lydia sembla finir par comprendre qu’elle allait devoir répondre plus avant, car elle prit une grande inspiration et continua de façon plus calme :

       « Le patriarche est arrivé il y a environ trois mois, et au début ça avait l’air trop beau pour être vrai. Les récoltes n’étaient pas bonnes du tout avant son arrivée, mais il nous a dit qu’en priant le Grand Aigle, ça allait s’arranger. »

       En disant cela, elle eut un petit rire nerveux, montrant qu’elle savait bien que ça n’avait pas été le cas. Puis elle continua son récit.

       « Et par Rhya, ça s’est arrangé. Plutôt trois fois qu’une. On aurait dit que les champs n’attendaient que ça pour donner la meilleure récolte en dix ans. »

       Frère Félix se frotta le menton. « Une technique efficace pour gagner leur confiance » commenta-t-il d’un air songeur.

       « C’est un peu après que les gens ont commencé à partir. Le patriarche ne restait jamais très longtemps, mais à chaque fois qu’il passait, un nouveau groupe de gens l’accompagnait. Des gens de chez nous, qui n’auraient jamais abandonné leurs familles comme ça. Et presque tout le monde trouvait ça normal. C’était dingue !

- Mais dites-moi » demanda alors Von Urlauberg, que ce récit avait l’air d’intriguer, « n’y avait-il pas ici un prêtre de Sigmar, qui aurait pu vous mettre en garde contre cet homme ? »

       Lydia eut un nouveau petit rire ironique. Wilhelm, qui s’était relevé et se tenait à présent en retrait, toujours captivé par la beauté de la jeune femme, plissa les lèvres de déplaisir. Il regrettait de la voir ainsi jouer les cyniques. Elle lui semblait en réalité profondément malheureuse, et il craignait que cette façon de réagir ne soit pour elle qu’une manière de cacher sa détresse.

       « Il avait disparu un peu avant l’arrivée du patriarche. » Répondit-elle d’un ton soudain presque triste. « Pas grand-monde ne s’en était soucié, on n’était pas très pieux ici. Enfin, envers Sigmar… »

       Un éclair de frayeur traversa ses yeux, et elle scruta Rottmann avec méfiance, craignant d’avoir dit quelque-chose que le répurgateur pourrait mal interpréter. Mais ce dernier avait à présent les yeux perdus dans le vague, et paraissait en proie à d’importantes réflexions.

       « Il a tout de même rapidement réussi à convaincre les habitants de ce village, ce ‘patriarche’ », énonça Frère Félix avec étonnement. « Comment s’y est-il prit exactement ? »

       La jeune femme poussa un soupir tout en plissant les lèvres à son tour.

       « Vous savez, c’était vraiment la misère. Tout le monde pensait qu’on allait droit à la catastrophe. Alors quand il a débarqué, en parlant de salvation, et en donnant des médailles magiques à tout le monde… »

       Cette fois-ci, Rottmann réagit au quart de tour. Avant même que Frère Félix ne se soit levé ou qu’Herr Gottfried n’ait fini de plisser les sourcils, il avait déjà empoigné les bras de Lydia en lui ordonnant d’une voix forte : « des médailles ? Quelles médailles ? Dites-moi tout ! »

       La jeune femme était à présent réellement terrorisée par le répurgateur. « Là, dans ma chambre…Vous me faites mal… ». Sa délicate main désignait en tremblant l’escalier situé en face de l’entrée, qui menait à l’étage supérieur. La douleur et la peur qu’exprimaient son visage firent voir rouge à Wilhelm. « Laissez-la tranquille ! » cria-t-il au templier de Sigmar, mais celui-ci ne l’écoutait pas, ayant déjà lâché sa victime féminine pour foncer dans la pièce à l’étage. Quelques secondes plus tard, on put entendre des bruits d’objets renversés et d’étoffes jetées au sol. Herr Gottfried, Frère Félix et Reiner échangèrent un regard, puis se lancèrent à son tour dans l’escalier. Restant debout dans le salon, Wilhelm hésitait à les suivre, mais il préféra finalement rester auprès de Lydia, qui haletait en jetant des regards affolés autour d’elle. Il avait envie de la prendre dans ses bras, de lui assurer que tout irait bien, que lui vivant elle ne courait aucun danger, mais il doutait qu’elle le croie, et même qu’elle le laisse faire. Il se contenta donc de lui dire « ça va aller » en boucle en essayant de prendre le ton le plus rassurant possible. Wilhelm se sentait complètement inutile, et il cherchait désespérément un moyen plus efficace de la réconforter. À l’étage, des éclats de voix retentissaient, suivis par d’autres bruits, mais il n’en avait cure. Dieter aurait su quoi faire pensa-t-il, se surprenant lui-même de penser à son ami décédé quatre années auparavant. Avec son air sur de lui et légèrement désinvolte, Dieter avait toujours su comment s’y prendre avec les filles, au grand dam du reste de leur promotion. Pourtant, sa propre technique sembla miraculeusement marcher, car Lydia parut s’apaiser peu à peu.

       « Que font-ils ? » finit par demander la jeune femme en observant le plafond. Wilhelm lui répondit gravement qu’à son avis, ils étaient en train de fouiller sa chambre à la recherche des fameuses médailles. Clignant des yeux, Lydia sembla alors recouvrer ses esprits. « Mais ils auraient pu me demander. Quelle bande d’idiots. » Et sans attendre, elle alla elle aussi vers l’escalier d’un pas rapide, lourdement suivi par un Wilhelm interloqué qu’elle ait ainsi pu passer d’une humeur à l’autre en une fraction de seconde. Il n’y a même pas cinq minutes elle était terrorisée, et là elle se dirige d’un pas décidé vers celui qui lui avait fait aussi peur. Que Morr m’emporte si je comprends. Lydia, qu’il voyait à présent de dos, n’était visiblement pas embarrassée par ces contradictions, mais au moment où elle posait le pied sur la première marche, une exclamation de victoire éructée par une voix nasillarde retentit au-dessus d’eux. Cela les figea sur place. L’instant d’après, Rottmann fit irruption dans l’encadrement de l’escalier, brandissant un objet dans sa main droite.

       « La voilà, la preuve que je cherchais. La voilà ! » Il bouillonnait d’une joie malsaine, paraissant se délecter de la situation alors qu’il descendait les marches. Wilhelm et Lydia se replièrent silencieusement, toute combativité semblant avoir quitté la jeune femme, alors que le répurgateur s’approcha de la fenêtre pour observer sa trouvaille. Son sourire s’étirait d’une oreille à l’autre, mais paradoxalement, au vu de ses yeux plissés et de son regard dédaigneux, il semblait réellement mépriser l’objet en question. Wilhelm put alors voir de quoi il s’agissait : une chaînette en ferraille bleutée, sur laquelle était accrochée une médaille prenant la forme d’un œil à moitié ouvert, entouré d’ailes, et surmonté d’une tête d’oiseau de proie au regard agressif, le bec grand ouvert. Le tout était bleu également, sauf l’œil lui-même qui était multicolore. Rottmann tenait l’objet à bout de bras, comme s’il craignait de le regarder de trop près.

       « Ceci, messieurs » commença le répurgateur sans se retourner, désignant la médaille, « constituera je pense une preuve suffisante pour votre grand-maître, ajouté à votre témoignage. Nous n’avons plus qu’à partir. »

       Les autres étaient descendus aussi. Frère Félix s’avança vers son comparse, l’air méfiant.

       « Cet objet me met mal à l’aise, Herr Rottmann. Peut-être devriez-vous me le confier. Après tout, je puis faire appel aux bénédictions de Sigmar, et il saura sans doute me protéger de ses éventuels effets néfastes.

- Soit, je vous le confie. Gardez-le précieusement, Frère Félix, une bonne partie de notre action future en dépend. »

       Et joignant le geste à la parole, le répurgateur tendit le médaillon aux motifs aviaires au prêtre guerrier, qui le fit instantanément disparaître dans un pli de sa tenue.

       Pendant tout l’échange, les représentants de l’Ordo Draconis étaient restés muets, considérant la situation d’un regard neutre. Mais à présent, Herr Gottfried entendait bien prendre part à la discussion. Il croisa les bras et toisa le répurgateur, qui entre-temps avait récupéré son chapeau.

       « Dois-je comprendre, messieurs, que vous souhaitez repartir instamment pour le Fort du Sang ? Je tiens pour ma part à vous signaler que ce sera impossible tant que messire Guy sera alité. »

       Rottmann eut une moue désapprobatrice, l’air déjà sur le départ rien que par sa façon de s’agiter. Il répondit d’un ton sans réplique :

       « Laissez-le donc ici, qu’il se repose. Nous devons agir promptement. Chaque minute peut compter. »

       Le kasztellan au gambison rouge sombre ne se laissa pas démonter pour autant. La moustache se gonflant de défi et la figure virant au rougeaud, il rétorqua d’une voix presque provocante :

      « Et moi, je vous dit que nous ne partirons pas sans lui. Et sans nous, votre babiole bleue ne vaut pas grand-chose. Alors soit vous nous attendez ici, soit vous allez seul vous ridiculiser devant Herr Bastian. Sans compter, » continua-t-il d’un ton plus calme et plus posé, « que nous avons vu de visu que l’endroit n’est pas sûr. Guy ne sera pas en sécurité par ici si nous l’y laissons, et il n’est pas dit que vous puissiez partir vous-même. »

      L’expression de Rottmann changea plusieurs fois sans qu’il prononce le moindre mot, montrant bien qu’il n’avait pas de réponse à ce dernier point. Frère Félix semblait ne pas vouloir être là, son visage taillé à la serpe exprimant un embarras gêné.

      « Ecoutez » finit par dire le prêtre en essayant une nouvelle fois de s’interposer entre les deux hommes qui se défiaient du regard. « Nous sommes coincés ici tant que messire Guy est alité et que nous ne pouvons pas le transporter, mais cela ne veut pas dire que nous devons nous crier dessus. » Sans leur laisser le temps de répliquer, il jeta un regard à Lydia. « Jeune fille, savez-vous s’il existe un moyen d’évacuer rapidement ces lieux ? Les skavens n’attaqueront pas en plein jour, mais la nuit venue, je ne pense pas qu’ils mettront longtemps à nous trouver. »


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Dim 12 Jan 2020 - 23:31
Lydia ouvrit la bouche, mais elle n’eut pas le temps de répondre que Rottmann dardait à nouveau sur elle ses yeux suspicieux. « Et vous lui demandez à elle de nous aider, Félix ? Rappelez-vous chez qui nous avons trouvé cette médaille chaotique. Pour moi, jeune fille, vous êtes une potentielle hérétique en puissance, et vous finirez certainement comme telle si je parviens à le prouver : fauchée par la divine justice. »

     Et sur ces mots, il se saisit d’un de ses pistolets qu’il pointa droit vers elle.

*

     Appuyé sur l’encadrement de la fenêtre, Relimus observait avec fascination la masse grouillante en contrebas. De son point de vue privilégié, du haut de son laboratoire, il pouvait embrasser du regard l’intégralité de la cité souterraine. C’était à la fois très satisfaisant, très pratique, et très dangereux. En effet, cela faisait de lui une cible très, voir trop, voyante, et il n’aimait pas du tout la perspective de voir son merveilleux et si génial occiput cornu percé par un immonde projectile dont il aurait facilité la visée en se mettant en évidence. Pourtant, la vision de cette cité totalement à ses ordres avait quelque-chose de…jouissif, et il s’accordait de temps à autre quelques secondes de contemplation. Bien évidemment, ces instants à la fenêtre étaient courts, et jamais espacés de la même durée, afin que personne ne puisse en prévoir l’occurrence. Et de temps à autre, il y faisait passer un esclave vêtu de robes, histoire de leurrer l’ignoble ennemi. Pour l’instant, aucun n’avait été fauché-tué à ces instants précis, mais cela voulait peut-être dire que les minables assassins qui le surveillaient savaient les reconnaître. Les enfoirés.

     Mais à cet instant, il ne pensait pas à cela. Son attention était accaparée par la gigantesque tour qui venait d’être achevée au centre de la cité, tour dont il était le concepteur. Et comment pourrait-il d’ailleurs en être autrement ? Qui d’autre que lui, l’un des meilleurs prophètes gris (si ce n’est le meilleur, n’en déplaise au seigneur devin), aurait pu imaginer une telle splendeur ? Il sourit à cette seule pensée, extasié par son propre géni. La tour était un gargantuesque monument de plus de cinquante mètres de bois, de métal et de tissu, monté sur d’immenses roues actionnées par des machineries achetées au clan Skryre (et pour un prix bien trop haut, ces minables technomages ayant abusivement profité de ses largesses). Cet édifice, nommé (par lui) la ‘tour du destin’, était un temple à la grandeur du rat cornu, dont la toute-magnificence était sublimée par la présence, en son sommet, d’une des plus grandes cloches que le monde ait connu.

     Cette cloche à elle seule était la raison d’être de cette structure. D’une hauteur de huit mètres et d’un diamètre presque aussi grand, l’instrument était une splendeur de métallurgie. Car elle ne se contentait pas d’être grande, oh non, ça il ne l’aurait jamais autorisé-permis. Elle était finement gravée, incrustée de motifs, de dessins et de runes. Et ces motifs, c’est encore lui qui les avaient dessinés, lui seul, et ce pour deux raisons. La première, c’est qu’il ne pouvait faire confiance à personne pour le faire à sa place, étant donné qu’ils cachaient en réalité de nombreux symboles cabalistiques, dont la position devait être définie avec une très grande précision pour avoir l’effet escompté. Si un traître en modifiait l’agencement, les conséquences pourraient être catastrophiques. Et la seconde, c’est qu’il était bien évidemment le seul à en avoir la compétence, car aucun des minables qui l’entouraient n’en était capable. Son cerveau, parmi les plus géniaux que le monde ait porté, était certainement l’un des meilleurs espoirs de la race skaven. Quelle chagrin-tristesse d’ailleurs, pensa-t-il en un instant de fausse solidarité en secouant la tête, que si peu d’individus aussi intelligents que lui ne naissent.

     Un léger grattement tira Relimus de la contemplation de ‘son’ œuvre. Qui vient me déranger-ennuyer ? Ce grattement était le seul son qu’il autorisait en sa présence dans ces moments-là, et encore que dans une certaine mesure. Il était produit par le frottement de la griffe d’une de ses vermines de choc sur l’encadrement de la porte, et devait être produit seulement si sa garde personnelle au grand complet jugeait que la raison était suffisamment pressée pour le déranger. Ils n’ignoraient pas le châtiment que lui, Relimus, faisait subir aux importuns, et prenaient ainsi toutes les précautions pour éviter que cela n’arrive.

     Le prophète gris se retourna, le museau bien haut, et s’écarta presque immédiatement de la fenêtre (par réflexe). Son laboratoire, constamment meublé de tables et d’étagères recouvertes de parchemins, d’échantillons et d’artefacts divers et variés, n’était plus vide de tout être vivant comme il l’avait ordonné. À l’entrée se trouvait en effet un de ses immenses soldats au pelage noir, qui à sa vue se prosterna immédiatement au sol dans un geste de soumission absolue. La scène se figea un moment. Relimus, toisant son soldat en croisant les pattes, se demanda s’il n’allait pas simplement tuer ce rat pour l’exemple. Mais le silence soudain parvint à lui faire retenir ses instincts meurtriers. Après tout, le grand-œuvre était presque achevé, et tout incident pouvait revêtir une importance capitale.

     « Parle-annonssssse ! » Se contenta-t-il de dire, en prenant grand soin de garder la mine contrite. Plus son garde aurait peur, mieux ça vaudrait.

     Ce dernier ne se fit pas prier, et c’est tout tremblant, le museau encore au ras du sol, qu’il énonça son message à toute vitesse.

     « Immensément vénéré-adoré prophète gris, un messager vient d’arriver de la part de la chose-oiseau. Elle voudrait s’entretenir-parler avec votre magnificence. »

     La chose-oiseau ? Relimus grinça des dents de dégoût tout en détournant légèrement la tête, ce que son garde, dont le regard était toujours fixé sur les planches du sol, ne put voir. Il détestait la chose-oiseau, mais devait bien reconnaître (même s’il ne le dirait à personne) que sans elle le grand-œuvre serait loin d’être prêt. En effet, il lui en coûtait de l’admettre, mais cet étrange individu avait plus de facilité à trouver des esclaves que lui. Et sans armée en plus ! Le plus étrange, c’était que ces choses-hommes-esclaves étaient venus de leur plein gré, et qu’il n’en avait jamais vu de plus acharnés à la tâche. Aucun n’avait tenté de s’évader, de fomenter une rébellion, ou même n’avait fait preuve de mauvaise volonté. Au contraire, tous avaient rivalisé d’ardeur pour travailler, encore et encore, et ce malgré une forme physique qui décroissait rapidement. Nombre d’entre eux étaient morts, mais d’autres arrivaient, petit à petit, encore et encore, et ce depuis bientôt trois ans. Relimus, malgré toute sa puissance et ses connaissances, ne savait pas quelle sombre magie était à l’œuvre derrière ce miracle, et cela l’inquiétait. Toute chose qu’il ne comprenait pas était un sujet de préoccupation légitime, et il ne comprenait pas la chose-oiseau. Pas du tout. L’idée de s’entretenir avec elle lui était presque insupportable, mais à aucun moment il ne devait le montrer. Ainsi, c’est la voix emplie de mépris qu’il répondit « fais amener-venir la chose-oiseau issssi. Si elle veut parler-négossssier, qu’elle le fasssssssse en persssonne. »

     Il tourna le dos, signe que l’entretien était terminé. Le garde d’élite se retira le plus silencieusement possible, faisant à peine grincer les plaques successives de son armure, laissant Relimus avec ses pensées. Si la chose-oiseau voulait parler, ça ne pouvait qu’être important. Ça l’avait toujours été, surtout la première fois. Il s’en rappelait parfaitement, amer souvenir que celui-ci. La chose-oiseau était venue à l’improviste, trouvant son chemin dans les souterrains comme si elle s’y était toujours promenée. Lui-même était alors caché, attendant avant de revenir à la cité d’avoir repris le contrôle du clan Custrik à la suite de la défaite subie aux mains des choses-hommes-en-armure. Il ne s’était pas du tout attendu à la visite, et avait cru à un ennemi. La moitié de son régiment de gardes du corps avait péri par des flammes multicolores ou sous les coups de la chose-homme-noire (le guerrier qui accompagnait chose-oiseau partout) avant qu’il ne comprenne qu’il valait mieux négocier. Chose-oiseau avait alors proposé un accord, qui paraissait trop beau : il demandait simplement le libre accès pour lui et les siens aux tunnels contrôlés par le clan Custrik, en échange d’un flux constant d’esclaves soumis et dociles. Relimus avait pesé le pour et le contre, mais le besoin urgent de main d’œuvre avait fait pencher la balance. Son esprit génial avait exploré toutes les possibilités, et celle-ci paraissait de loin la plus profitable, alors il avait accepté. Pourtant, depuis que cet arrangement durait, il ne pouvait s’empêcher de se sentir mal à l’aise, et ce malgré les grandes avancées effectuées. Il n’aimait pas dépendre de chose-oiseau, pas pour quelque-chose d’aussi important que le grand-œuvre.

     Quelques instants plus tard, chose-oiseau en personne rentra dans le laboratoire, louvoyant entre les éléments du mobilier d’une étrange démarche à la fois souple et claudicante, sa robe bleutée semblant flotter autour de lui. Les poils de Relimus se dressèrent par réflexe à la vue de cet être qui avait presque l’air de venir d’un autre monde. Ses bras couverts de plumes étaient terminés par des serres, et sa tête de rapace malfaisant, équipée de deux yeux globuleux qui ne cessaient de se tourner dans toutes les directions, ne semblait pas naturelle, même de son point de vue. Sur toutes les parties visibles de son corps, des visages apparaissaient et disparaissaient, souriants ou grimaçants, riant ou pleurant, et la cacophonie de leurs plaintes le suivait partout. L’une de ses serres était agrippée à un long bâton de métal rouge sombre, terminé par une sorte griffe enserrant une pierre taillée pour ressembler à un œil. Il semblait se servir de l’objet comme d’un appui pour se déplacer sans tomber, mais Relimus n’était pas dupe, et était certain qu’il s’agissait d’un artefact magique. Après tout, lui aussi disposait d’un bâton servant à amplifier ses pouvoirs. En y pensant, il regretta soudain de ne pas l’avoir à la main, et ses yeux le cherchèrent machinalement. Là ! Il était sur une étagère, de l’autre côté de la pièce, entre un coffre de plomb et un crâne de chose-naine. Mais il réalisa qu’il ne pourrait le prendre sans avoir l’air d’aller spécifiquement le chercher, et ainsi montrer qu’il en avait besoin. Relimus préféra alors se dire qu’il aurait l’air bien plus confiant sans son propre bâton, que chose-oiseau verrait qu’il n’avait aucunement peur de lui. C’est donc l’air défiant et ennuyé qu’il interpella son étrange visiteur.

     « Parle-parle, vite-vite ! J’ai autre-chose à faire, le grand-œuvre est bientôt prêt-fini. »

     Chose-oiseau répondit d’une voix indescriptible, semblant faite d’une multitude d’autres voix qui parlaient en même temps d’un ton aigu. Les mots retentirent sur les murs du laboratoire comme un concert désaccordé, et Relimus fronça les sourcils rien qu’à l’entendre.

     « Oh prophète vénéré, je ne suis pas venu te faire perdre ton temps. Il se trouve que j’ai reçu des nouvelles préoccupantes de la surface. Des intrus sont venus et ont posé beaucoup de questions, puis ils ont blessé mes serviteurs. Ils pourraient représenter un danger pour notre œuvre. »

     Droit au but, très peu de fioriture. Chose-oiseau parlait un queekish parfait, bien qu’avec un accent prononcé. Relimus tiqua un peu quand l’autre parla de « notre » grand-œuvre. De plus, le prophète gris toujours un peu désappointé quand on s’adressait à lui sans rajouter quinze formules de politesse tous les dix mots.

     « Les intrus ont été gérés-tués. Je m’en ssssssuis asssssssuré. »

     En réalité, il n’en avait aucune certitude, mais c’était inutile de le signaler. Il avait été informé la veille de la présence de ces intrus, et avait immédiatement ordonné qu’une colonne de guerriers soit envoyée les intercepter. Aux dernières nouvelles, les choses-hommes en questions avaient échappé à la mort, mais ce n’était qu’une question de temps. Il aurait bien envoyé Qrekch en plus, mais à l’approche du moment fatidique, il préférait garder l’assassin près de lui. Après tout, les ignobles comploteurs qui devaient, il en était certain, être en train d’ourdir sa perte, allaient sans nul doute bientôt passer à l’action, et la présence de Qrekch ne serait pas de trop. Par contre, la bonne nouvelle du jour était la blessure des serviteurs de chose-oiseau. Relimus garda un air digne, chose qui n’était pas aisée quand il était aussi content. Il balaya l’air de sa patte tout en répondant, signe qu’il n’accordait plus aucune importance à son interlocuteur.

     « Maintenant, ssssssi sssssssss’est tout, partez-sssssortez ! J’ai beaucoup à faire-faire ! »

     Tout plutôt que de le voir plus longtemps que nécessaire. Si les choses-hommes-intrus voulaient poser des questions, qu’ils le fassent, il s’en lavait les pattes si ça dérangeait les plans de chose-oiseau. Les siens étaient trop aboutis pour échouer maintenant, et il était plus que temps de se séparer de cet ‘allié’ trop encombrant. Chose-oiseau prit congé après un semblant de révérence chaloupée, et les cris des visages sous sa peau finirent par s’évanouir, laissant à nouveau Relimus seul dans le laboratoire enfin parfaitement silencieux.

     Relimus voulait accomplir le grand-œuvre le plus vite possible, et reprit ses cent-pas après avoir saisi son propre bâton. L’objet, une splendide œuvre achetée là encore (bien trop cher-cher) au clan Skryre, était une barre de métal couleur cuivrée à l’extrémité de laquelle étaient enchâssés plusieurs fragments de malepierre, reliés entre eux par des câbles et des tuyaux. Cet artefact irradiait de puissance, mais Relimus ne comprenait pas vraiment son fonctionnement, si ce n’est qu’il s’agissait d’une forme modifiée de la technologie employée pour alimenter les canons à malefoudre et autres machineries infernales dont ce clan était spécialiste. Grâce à ses propres talents magiques, immensément supérieurs à ceux des autres (pathétiques) prophètes gris et autres technomages, il pouvait exploiter cette énergie sans y être directement branché. Il avait déjà carbonisé une chose-naine-runée bardé de protections avec ça – celle dont le crâne ornait son étagère –bien que le contrecoup de cet exploit l’ait fait cruellement souffrir du crâne pendant une bonne année.

     Son impatience le rongeait, et il tournait maintenant comme un rat-ogre en cage, renversant sans s’en apercevoir plusieurs parchemins et autres bibelots sur le passage de ses déambulations. Le grand-œuvre ne pouvait pas attendre, et il était sur le point de réussir-aboutir. Il attendait simplement que les derniers préparatifs soient terminés, et, il en était certain, cela allait arriver d’un instant à l’autre. Après tout, il en avait donné l’ordre-instruction. Et seul un complot d’envergure parviendrait à l’arrêter maintenant.

     Comme si le Rat Cornu lisait dans ses pensées, un autre grattement lui annonça que sa garde avait, à nouveau, un message. Il s’immobilisa et transperça la vermine de choc du regard, mais celle-ci, s’étant à nouveau prosternée au ras du sol, ne le vit pas. Le rat au pelage noir fut bref : la tour du destin était prête. Tout pouvait commencer quand lui, Relimus, meilleur parmi les prophètes gris et futur seigneur-devin, le dirait. Relimus contint un cri de joie extatique, et ordonna qu’on amène immédiatement son palanquin.

     Plus rien ne pouvait le stopper-arrêter à présent.

*

     La tour du destin était certainement l’un des plus grands ouvrages jamais entrepris par la race skaven. D’une hauteur proche de quatre-vingt mètres, elle tutoyait le plafond de la cité-caverne, dominant de son ombre les bâtiments alentours. Relimus, perché sur un balcon situé sous la grande cloche, à quelques mètres du sommet, observait solennellement le monde en-dessous de lui, et levait périodiquement les yeux vers le plafond, comme pour y voir un signe appréciateur du Rat Cornu. Cette tour, cet ouvrage, c’était son grand-œuvre, c’était lui qui l’avait conçu, plusieurs années auparavant, et qui en avait supervisé la construction. Celle-ci avait nécessité un nombre incalculable d’esclaves, prélevés par son armée chez les choses-hommes des alentours, du moins jusqu’au désastre de l’attaque des choses-hommes-en-armure. Ses dents grincèrent à cette seule pensée alors que sa prise sur son bâton se raffermissait. Ces infâmes choses-hommes incroyants et primitifs avaient réussi à stopper, pour un temps, la construction de la tour. Ç’avait presque été la fin de ses plans, un désastre complet. Mais grâce à Chose-Oiseau et à ses esclaves ‘volontaires’, le chantier avait repris, et était à présent terminé. Il en aurait presque été ravi, mais il détestait devoir quoi que ce soit à quiconque, et l’implication de Chose-Oiseau dans son plan l’ennuyait.

     En contrebas, une gigantesque masse de skavens et de choses-hommes attendait dans un simili-ordre. Il avait ordonné que ses troupes viennent assister au rituel, pour être témoins de son ascension vers la gloire. De plus, ledit rituel allait affecter les choses-hommes des alentours, et il avait donc veillé à ce que les esclaves survivants soient aux premières loges. Ceux-ci n’avaient pas opposé de résistance, loin de là, et c’était donc devant un public de plusieurs milliers de personnes, choses-hommes comme skavens, qu’il allait l’accomplir. En y repensant, Relimus recula vivement du balcon, une expression de frayeur sur son ‘visage’. Cet endroit faisait de lui une cible trop facile, et vu qu’aucun attentat n’avait été déjoué jusque-là, il ne pouvait se permettre la moindre imprudence. À ses côtés, en plus de ses gardes du corps, Srat Fauche-barbe, le chef du clan Custrik, se tenait presque au garde-à-vous. Relimus était très fier d’avoir réussi à le mettre à la tête du clan. Ce pantin était tellement effrayé par le prophète gris qu’il n’avait jamais osé le défier, même en privé. Chose-Oiseau n’était visible nulle-part. En venant, un de ses espions était venu lui annoncer qu’on avait vu le serviteur chose-homme-chauve de Chose-Oiseau, et qu’il était très mal en point. Relimus aurait pu s’assurer qu’il ne s’en sorte pas, mais le grand-œuvre allait s’en charger. Oui-oui, ricana intérieurement l’homme-rat, le moment est enfin venu.

     D’un geste, il donna l’ordre de lancer le rituel. Aussitôt, Srat cria des consignes aux serviteurs qui grouillaient dans la tour. Plusieurs fouets claquèrent à l’étage en-dessous alors que des chefs de meute mettaient à l’ouvrage la dizaine de rats-ogres qui devaient actionner la cloche. Relimus se plaça au centre de la plateforme, juste en-dessous de la cloche elle-même, et leva les bras. L’impressionnante pièce ouvragée et ornée de centaines de runes se mit lentement à bouger, mise en branle par les créatures du clan Moulder. Tout est prêt se réjouit Relimus alors que son visage n’exprimait plus qu’une joie sans limite. La gloire-triomphe sera pour moi ! La cloche atteint son apogée, puis les cordes se relâchèrent, et elle oscilla dans l’autre-sens, émettant un son qui résonna dans toute l’immense caverne comme un son de victoire aux oreilles du prophète gris :

     DONG

*

     « Quoi ? »

     Wilhelm sentit comme un froid intense le saisir, presque immédiatement suivi d’une chaleur intense. Une colère sourde révulsa ses yeux. Ce répurgateur était décidément allé trop loin. Sans un mot de plus, le regard fixé sur les yeux de Rottmann, il dégaina son épée et s’interposa entre Lydia et lui. La colère lui faisait serrer son arme tellement fort que ses doigts en étaient devenus blancs. Lydia, elle, était devenue pâle comme un linge, et s’était mise à trembler tout en reculant à petits pas. Ses grands yeux, si expressifs, luisaient de terreur.

     Rottmann décrocha à Wilhelm un regard qui aurait pu geler un incendie. « Je vous préviens jeune homme, si vous continuez à vous interposer avec autant de stupidité, je vais devoir sévir. » Le répurgateur était visiblement partagé entre jubilation et colère, et à bout de patience, ses mouvements se faisant secs et vifs, et son ton plus impératif que jamais. « Vous vous interposez – encore – entre moi et une hérétique avérée, et je vous avoue que j’en ai assez de me répéter. Alors dernier avertissement ! Poussez-vous, ou subissez-en les conséquences ! »

     Mais Wilhelm ne bougeait pas d’un pouce. Il savait qu’il n’avait presque aucune chance de survivre à un tir de pistolet à cette distance. L’idée de mourir ici, de la main d’un allié de la veille, lui était intolérable. Ses mains tremblaient, et ses dents ne claquaient pas que parce que ses mâchoires étaient comme soudées l’une à l’autre, mais il se refusait à laisser Lydia, cette aussi ravissante jeune femme, aux cruelles tortures de cet individu fanatique. Si, en tant qu’écuyer et futur chevalier, il n’était pas capable de sauver des innocents de ce genre d’injustices, à quoi pourrait-il servir ? Sa résolution était totale, et tout en défiant le répurgateur des yeux, il raffermit la prise sur son arme, et planta son regard dans celui de Rottmann.

     À cet instant, le kasztellan Von Urlauberg se plaça derrière Rottmann, ses traits tirés en une moue désapprobatrice. Frère Félix, le visage fermé, ne s’interposa pas cette fois-ci. La voix du chevalier moustachu trahissait un certain agacement.

     « Baissez-votre pistolet, répurgateur. Et toi Wilhelm, range ton épée. Êtes-vous tous devenus fous ? Avez-vous oublié qu’une bande de créatures assoiffées de meurtre nous courent après ?

- Et vous ? » Rétorqua sèchement Rottmann sans baisser son arme, « Avez-vous oublié que nous avons été témoins des manipulations sournoises de serviteurs de la ruine ? Pour ce que j’en sais, ce village entier pourrait être acquis aux forces des dieux sombres. Il va falloir en interroger tous les habitants, un par un, et votre intervention ne facilite pas les choses ! »

     Wilhelm entendit Lydia hoqueter derrière lui. Visiblement, la perspective d’un interrogatoire avec Rottmann la terrifiait.

     « S’il vous plait », demanda Frère Félix de sa voix forte tout en levant les mains, « Calmons-nous. Tous. La situation est critique, et… »

     DONG

     La scène sembla se figer. Le son de cloche semblait venir de partout et nulle-part à la fois, résonnant sur les murs et le plafond dans toute la maison. Il était ténu, mais parfaitement audible, sonnant comme le glas d’une procession funèbre. Soudain intrigué, et les traits toujours déformés par la suspicion, Rottmann tourna la tête et pointa son pistolet au hasard dans la pièce, ses yeux scrutant rapidement chaque recoin. Lydia s’éloigna de la scène, cherchant une cachette. Tous les autres étaient aux aguets, y compris Wilhelm, qui pourtant ne rengaina pas son épée. Frère Félix semblait pâle. La surprise se lisait sur chaque visage.

     DONG

     Rottmann ouvrit brutalement la porte de la chambre où reposait Guy, mais seule la respiration calme du chevalier endormit lui répondit.

     « Mais quel est ce maléfice ? D’où est-ce que ça peut venir ? »

*

     Du haut de la tour du destin, Relimus exultait, éclatant d’un gloussement sardonique qui le fit même trembler de bonheur. Ces merveilleux sons de cloche résonnaient dans ses oreilles comme autant de carillons de gloire et de puissance. Son grand-œuvre était achevé, terminé, et enclenché. Désormais, plus rien ne pouvait l’empêcher d’accéder à la gloire. Cette énorme cloche, dont les runes magiques gravées dessus à la malepierre luisaient d’une lueur vert pâle, allait atteindre les oreilles de toutes les choses-hommes dans les environs, à commencer par les esclaves fournis par la chose-oiseau. Oh, elle avait été si naïve de lui fournir tous ces choses-hommes sans presque rien demander en retour ou presque. Oui-oui ! Mais moi, se réjouissait-il intérieurement, le plus génial des prophètes gris, je n’ai désormais plus besoin de cet horrible-immonde serviteur du chaos, non-non !

     DONG

     Il pouvait les entendre. Les cris des esclaves. La transformation était certainement en train de commencer. Chacun d’entre eux allait désormais devenir un loyal skaven, qui lui serait entièrement soumis, à lui et à lui seul. C’était le commencement de sa gloire éternelle. Cette magnifique tour montée sur roues, il allait la faire circuler dans tous les tunnels environnants, et transformerait ainsi la population des villes des choses-hommes situées au-dessus. Avec cet outil à sa disposition, le monde allait trembler et connaître son nom, le nom de celui qui fera des skavens ses dominateurs sans partage ! Une gloire sans pareil l’attendait, et il pouvait déjà sentir le conseil des treize lui manger dans la main.

     DOING

     Quoi ?

*

     DOIENG

     Wilhelm fronça les sourcils. Les bruits de cloche commençaient à se distordre, comme si elle se mettait à sonner faux, terriblement faux. C’était ridicule d’imaginer qu’une cloche pouvait sonner faux, et pourtant…

     Tout le monde restait silencieux, tentant de déterminer l’origine de ce son improbable. Quand soudain…

     « AAAAAAAAAARGH ! »

     Frère Félix tomba à terre, hurlant comme un damné. Son corps était pris de violentes convulsions. Bras et jambes se tortillaient en des mouvements incontrôlables et improbables, frappant même d’un coup de pied Rottmann qui se précipitait à son secours. Herr Gottfried accourut lui aussi alors que le prêtre se tordait dans tous les sens en vociférant sa douleur. Un sinistre craquement se fit entendre, puis un autre, et à la grande horreur de Wilhelm et des autres le prêtre se mit à fumer alors que sa peau rougeoyait.

     DOIEIENG

     « Qu’est-ce qui lui arrive bon sang ? » demanda la voix presque paniquée de Herr Gottfried. Rottmann n’avait aucune réponse, se contentant d’essayer de saisir son compagnon de route. Mais ce dernier ne sembla même pas s’en apercevoir. Son dos formait à présent un angle improbable avec le reste de son corps, mais cela ne l’empêchait pas de continuer de convulser et de hurler. Le lourd marteau de guerre du prêtre fut propulsé dans un coin d’un coup de coude involontaire, et Wilhelm s’aperçut alors avec effroi et stupéfaction que la main droite du prêtre n’était plus une main. À la place, les doigts commençaient à se fondre les uns dans les autres. Le jeune homme poussa un cri et recula, sa propre main sur la bouche. Lydia, qui quant à elle s’était cachée dans la pièce qui accueillait Guy, gémit de terreur.

     DIOIIIIEEEENG

     Le son de cloche désaccordé avait l’air de plus en plus impossible. Un dernier craquement retentit et Frère Félix se cambra complètement en arrière tout en poussant un cri qui cette-fois n’avait plus rien d’humain mais qui tenait plus du mugissement bestial. Son membre muté était désormais un tentacule grotesque qui se trémoussait dans tous les sens, tandis que son autre bras enflait de façon disproportionnée, éclatant les pièces d’armure et déchirant les vêtements de l’intérieur. Désormais, Rottmann, Von Ulrauberg et Reiner, qui étaient restés à côté, reculèrent rapidement, complètement pris de court. Le répurgateur avait une mine hallucinée, la bouche entrouverte et la lèvre pendante. Toute trace de détermination ayant disparue de son visage, et s’il pointait à présent son pistolet vers l’horreur qu’était devenu frère Félix en quelques secondes, sa main tremblait, et il ne fit pas feu. Von Ulrauberg se prit le pied dans une chaise en reculait et faillit tomber, alors que Reiner était plus pâle que messire Guy. Le prêtre était désormais secoué de spasmes violents, et sa peau devenait de plus en plus rouge, comme s’il bouillonnait de l’intérieur. Alors, en une seconde, sa tête fit un demi-tour sur elle-même, et Wilhelm put voir que son visage paraissait avoir fondu. Ses yeux s’étaient éloignés, sa bouche élargie par endroits comme si ses lèvres avaient coulé, et son nez avait désormais la forme d’un crochet disgracieux. Et manifestement, sa souffrance était immense.

     Wilhelm rendit son petit déjeuner, qui se répandit au sol en plusieurs flaques maronnâtes. Il avait déjà vu des tripes à l’air, des hommes se faire trancher des membres, et même des skavens massacrer ses compagnons d’antan, mais c’était la première fois qu’un spectacle aussi immonde se déroulait devant ses yeux.

*

     DOOEEEEIIIIING

     Relimus ne comprenait pas. Que se passait-il ? Pourquoi sa cloche, sa superbe, sa magnifique cloche qui devait être parfaite, était à présent en train de sonner aussi faux ? Et pourquoi les runes qui la recouvraient luisaient non plus de leur divine lueur verte mais d’un éclat bleu pâle aussi hideux qu’hérétique ? Autour de lui, les skavens du clan Custrik glapissaient de terreur, d’incompréhension, et la panique commençait à s’installer. Seul Qrekch, sa capuche rabattue sur sa tête, paraissait relativement calme, l’assassin se contentant de se tenir aux aguets au cas où le moindre danger viendrait les menacer, Relimus et lui. Les moustaches frisant de frustration, le prophète gris se tourna vers Srat, qui semblait lui complètement perdu.

     « Rassssssemble nos forces-troupes, je crois que nous en aurons besoin vite-vite ! » l’admonesta-t-il du ton le plus impérieux qu’il pouvait prendre. Le chef de clan n’hésita pas une seconde à obéir, et s’éloigna au pas de course en donnant des ordres. Bien-bien se dit Relimus, examinons l’effet de la cloche sur les choses-hommes-esclaves.

     DOIIOUIUYNG

     Et d’effet, il y en avait bien un, et pas qu’un peu. Les esclaves, auparavant si droits et presque souriants même dans les pires conditions, étaient désormais tous au sol à se tordre de douleur. Plusieurs centaines de choses-hommes qui hurlaient, poussaient des cris déchirants tout en étant secoués de tremblements incontrôlés. En temps normal, un tel spectacle l’aurait ravi, et il aurait ri aux éclats. Mais là, il restait silencieux, aux aguets, cherchant la moindre modification dans les enveloppes corporelles des suppliciés. Et à sa grande horreur, il en vit apparaître, mais pas celles qu’il attendait, celles qu’il avait préparé depuis des années et pour lesquelles il avait tant sacrifié. Non-non. Pas de fourrures brunes ou noires, pas de queue murine ou de dents aiguisées. À la place, il voyait sous ses yeux les choses-hommes grossir de façon presque ridicule, leurs membres enfler ou fusionner, leurs corps se tordre dans des postures improbables et absurdes, et leurs cris prenaient peu à peu des timbres bestiaux, gutturaux. C’était un désastre. À la place d’une horde de superbes guerriers skavens, il voyait ses choses-hommes-esclaves devenir d’affreux mutants, qu’il doutait beaucoup pouvoir contrôler.

     DOOIYIOUNG

*

     Alors que Frère Félix s’effondrait à nouveau au sol en grognant, Wilhelm attrapa son épée à deux mains et se déplaça en crabe vers la porte de la chambre où messire Guy, et surtout Lydia, étaient réfugiés. Et tu penses faire quoi ? Tu penses qu’un adversaire pareil serait à ta portée s’il essayait d’attaquer ? Le jeune homme n’était pourtant pas prêt à laisser ces deux personnes sans défenses se faire attaquer sans rien faire, malgré ses appréhensions. Il fut cependant très soulagé de voir que la monstruosité qu’était devenu le prêtre ne semblait pas s’intéresser à lui ou à ceux qu’il protégeait – ou essayait de protéger. Elle ne paraissait même pas s’intéresser à qui que ce soit. À la place, elle resta au sol, soufflant bruyamment, laissant le temps à Rottmann et Herr Gottfried de s’approcher à pas lents et précautionneux. Le répurgateur n’avait pas repris son habituelle expression sévère, son visage n’exprimant cette-fois que la stupeur et l’incertitude, même si une froide résolution semblait petit à petit éclairer ses yeux. Le kasztellan, lui, avait le visage fermé et inexpressif, ce qui dans son cas était assez alarmant. Tous avaient une arme à la main, de même que Reiner qui avait silencieusement dégainé un pistolet et était prêt à s’en servir. Pendant ce temps, la cloche continuait de sonner ses affreuses notes discordantes.

     Mais alors que les deux hommes n’étaient qu’à un mètre de lui, Félix poussa un nouveau cri, qui pour Wilhelm ressemblait moins à un cri de douleur qu’au grognement décidé d’une bête prête à agir. Et cela ne le trompa pas : passant brutalement de l’inaction à l’action, la créature mutante se leva et se rua sur la fenêtre. Avant que qui que ce soit ait pu réagir, elle avait fait éclater les carreaux et s’était jetée dehors. Rottmann tira, Reiner aussi, et la créature se prostra en poussant un cri, mais cela n’eut pas l’air d’avoir d’autre effet. Wilhelm la vit se mettre à courir d’une étrange démarche chaloupée qui était étonnamment rapide et qui l’emmenait de plus en plus loin.

     Aussitôt, Herr Rottmann se précipita sur la porte et s’élança à la poursuite de ce qu’était devenu son collègue tout en criant un « suivons-le ! » impérieux. Reiner guetta la réaction d’Herr Gottfried, qui d’un geste lui indiqua de suivre le répurgateur. Wilhelm tenta d’emboîter le pas de son ex-camarade de promotion, mais en atteignant la porte le kasztellan l’arrêta d’un geste ferme, une étincelle dans les yeux.

     « Que faites-vous ? Il faut l’arrêter, il faut faire quelque-chose ! » La voix de Wilhelm était claire, à son grand étonnement vu qu’il s’attendait à chevroter après l’expérience qu’il venait de vivre.

     « Oui, mais toi tu restes ici » lui dit son supérieur d’un ton sans réplique. « Tu dois rester auprès de ton chevalier, qui je le rappelle n’est pas en état de se protéger lui-même, ainsi que de cette jeune-fille. Les créatures que nous avons affronté, ces ‘skavens’, elles sont peut-être encore dans les parages. Ton devoir est de rester ici. »

     Wilhelm le regarda fixement, l’esprit bouillonnant entre les deux options. Sa fougue lui criait de pousser le kasztellan et de se lancer derrière Reiner et Rottmann, mais son sens du devoir lui disait clairement qu’Herr Gottfried avait raison. Fermant les yeux, il prit sa décision et rengaina son arme. Si une demoiselle avait besoin de lui, tout le reste était superflu. Surtout cette demoiselle, fit une petite voix dans sa tête qu’il s’efforça de faire taire. Il rouvrit les yeux et hocha la tête. « Comptez-sur moi mein Herr, je ne vous décevrai pas ». Son ton était résolu. Le chevalier opina du chef à son tour tout en redressant sa moustache, avant de se ruer à la poursuite des trois autres. Wilhelm le regarda s’éloigner avec une pointe de regret, puis ferma la porte et entreprit de barricader l’endroit du mieux possible.

*

     DIONEING

     Relimus était furieux. Non, furieux n’était pas le mot adapté. Il était la fureur, bouillonnant d’une rage incroyable. Ses membres tremblaient, ses yeux étaient révulsés, et même Qrekch avait décidé de s’éloigner provisoirement.

     Il ne pouvait s’agit que d’une cabale-complot, oui-oui. Une affreuse cabale-complot ourdie contre lui par des contrevenants aussi hérétiques que haïssables. Mais qui, qui pouvait bien avoir eu la possibilité de modifier ainsi sa magnifique, sa superbe cloche, sans qu’il ne s’en rende compte ? C’était pourtant impossible, il avait lui-même fait les plans de chaque rune, de chaque gravure, et cela avait demandé presque chaque miette de son pourtant immense savoir en la matière. Rejetant la tête en arrière, il cria sa rage. Puis son regard se fixa sur quelque-chose qui lui fit écarquiller encore plus les yeux (si cela était encore possible) : les runes bleutées qui luisaient à présent sur la cloche. Elles ne ressemblaient en rien celles qu’il avait dessinées. Ses poils se hérissèrent, et il se décida à aller voir ça de plus près. Canalisant les vents sacrés, il lui suffit d’un mot pour lancer un sort qui le téléporta sur l’un des piliers soutenant la cloche, et juste en arrivant il s’agrippa tant bien que mal aux différents cordages qui entouraient l’édifice pour éviter de tomber. Que je doive faire ça moi-même est une honte-scandale, écuma-t-il intérieurement en pestant contre l’absence de ses subalternes. Dès que je serai descendu j’en tuerai-abattrai quelques-uns pour l’exemple.

     Mais pour l’heure, il était tout à son observation de la cloche. De l’endroit où il était, il avait une vue imprenable sur l’instrument, dont la gigantesque masse oscillait régulièrement sans s’arrêter. Elle n’avait même plus besoin des rats-ogres, que Relimus avait fait s’arrêter de tirer dès le début des problèmes, et bougeait désormais uniquement par magie. Plissant les yeux, le prophète gris fixa les runes couvrant son imposant dôme, et se rendit compte avec rage et stupéfaction qu’il avait raison : aucune des runes magiques qui luisaient à présent n’étaient celles qu’il avait conçues. Aucune ! À la place il se voyait confronté à un ensemble de symboles qui lui étaient totalement inconnus. Pourtant, cela faisait des mois que cette cloche était en préparation, et que les choses-hommes-esclaves de chose-oiseau s’appliquaient à concrétiser ses plans et...

     DOIENG

     Une seconde. C’étaient les esclaves…de chose-oiseau !

     Relimus se téléporta à nouveau sur le balcon en hurlant de rage. Ça ne pouvait être que ça : chose-oiseau l’avait trompé depuis le début. Il avait accepté son aide, et était tombé dans le panneau. Mais ça n’allait pas se reproduire, oh non. « On ne trompe-dupe pas le plus grand prophète-gris de tous les temps deux fois, non-non » s’écria-t-il en direction du vide comme pour s’en convaincre. « Et on ne le fait pas impunément non-non-plus. » Puis il s’aperçut que le bruit environnant avait changé. À la place d’une cacophonie de cris de souffrance humains, il entendait à présent des bruits de combats, d’un combat acharné. Regardant en contrebas, sur le sol de la cité, il vit que ses problèmes ne faisaient que commencer.

     Car là, dans l’enchevêtrement de bâtiments, de passerelles et de ruelles que constituaient la ville, les centaines de mutants s’étaient lancés à l’assaut de ses propres troupes.

************************


Dernière édition par Arcanide valtek le Ven 7 Aoû 2020 - 22:30, édité 1 fois

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Lun 13 Jan 2020 - 18:47
Du grand skaven bien orchestré, une bonne vieille trahison chaotique et un petit saupoudrage de tension à huit clos.

Tu nous gâtes Mr. Green

Vivement la suite, j'attends avec impatience le dénouement de ce bordel en devenir Cool

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Mer 15 Jan 2020 - 11:54
Un sacré maelstrom que le chapitre 8, mêlant inquisition, cultistes énigmatiques et un gourou que l'on est amenés à revoir, le retour de la vermine et l'arrivée d'un ennemi personnel de Guy. Guy qui semble avoir un lien avec l'aigle et une personne "à tête d'oiseau". Un lien avec ce Ferragus ou les deux sont-ils décorrélés ?

Il n'est pas facile d'accorder suffisamment d'attention à chacun pour bien leur insuffler leur propre caractère, peurs, humeurs, tics... en bref ce qui les rendent unique. Notamment lorsque tes personnages évoluent en "formation serrée". J'entends par là qu'ils forment un groupe complet - six en l?occurrence. La promiscuité et les scènes à deux ou trois individus y sont plus propices pour les développer et, lorsque tu as beaucoup de monde, ici et là caser une réplique/mimique/actions qui clairement renvoie à l'un des personnages "présenté" en comité restreint.

Je dis tout cela mais pour le coup dans cet exercice je ne suis pas certain que tu ais besoin de ces conseils.

Comme l'a souligné Essen, gottfried est celui le plus en retrait du groupe de six, mais rien de bien méchant en soit. A la lecture je me faisais justement la réflexion que tes "personnages secondaires" (l'aubergiste, le palefrenier...) étaient décris et construit avec un soin tout particulier. Ce ne sont pas simplement ce que je qualifierais de décor de western où, quand tu sorts de l'allée principale, tu réalises que ce ne sont pas des bâtiments mais du cinéma où tout est plat et dénué de profondeur. Je prends l'exemple de ton palefrenier. Sans revenir en arrière, j'ai l?image d'un ado à taches de rousseurs, timide et impressionnable, pas forcément très investi (il pionçait au lieu de bosser à sa première introduction) mais qui aime ce qu'il fait (l'attention sincère vis à vis des montures) et est curieux (assister à l'entrainement des combattants plutôt que rester dans son coin). Et ça c'est très agréable.

Maintenant le chapitre 9. Albrecht me fait délirer "interrogatoire, interrogatoire, INTERROGATOIIIIIRE". D'alliés qui plus est. Il voit vraiment le mal partout et quand il a une idée en tête il ne la lâche plus xD

J'ai à présent réponse à certaines de mes interrogations. Le patriarche, l'oiseau et Ferragus sont tout les trois liés par le triste récit de Guy. De plus, à la description des flammes multicolores dignes d'incendiaires, il n'y au plus aucun doute permit sur les liens qu'entretiennent ces cultistes avec le grand architecte. Mais aura-t-il prédit actions de nos protagonistes ? Il semble en tout cas avoir parfaitement anticipé celles de nos amis à fourrure. Très sympathique cette dernière partie qui s'oriente lentement sur l'horreur avec la transformation de ce pauvre prêtre auquel je commençais à m'attacher. Pourquoi lui plutôt qu'un autre d'ailleurs ?

Notons également que si un prophète gris ne fait nullement confiance en sa garde et ses serviteurs, il l'accorde à des esclaves fournis par un inconnu au point de les laisser réaliser l'œuvre de sa (courte) vie et ne pas vérifier leurs travaux Mr. Green

la suite !
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Mer 15 Jan 2020 - 23:37
Merci à vous deux !

vg11k a écrit:Un sacré maelstrom que le chapitre 8
C'est le chapitre 10  Mr. Green .

vg11k a écrit:Il n'est pas facile d'accorder suffisamment d'attention à chacun pour bien leur insuffler leur propre caractère, peurs, humeurs, tics... en bref ce qui les rendent unique. Notamment lorsque tes personnages évoluent en "formation serrée". J'entends par là qu'ils forment un groupe complet - six en l?occurrence. La promiscuité et les scènes à deux ou trois individus y sont plus propices pour les développer et, lorsque tu as beaucoup de monde, ici et là caser une réplique/mimique/actions qui clairement renvoie à l'un des personnages "présenté" en comité restreint.

Je dis tout cela mais pour le coup dans cet exercice je ne suis pas certain que tu ais besoin de ces conseils.
Merci pour le compliment. Effectivement, faire des discussions avec de nombreux personnages n'est pas évident du tout. Je ne sais pas comment je m'en suis tiré, mais je suis content que ça vous plaise.

vg11k a écrit:Comme l'a souligné Essen, gottfried est celui le plus en retrait du groupe de six, mais rien de bien méchant en soit. A la lecture je me faisais justement la réflexion que tes "personnages secondaires" (l'aubergiste, le palefrenier...) étaient décris et construit avec un soin tout particulier. Ce ne sont pas simplement ce que je qualifierais de décor de western où, quand tu sorts de l'allée principale, tu réalises que ce ne sont pas des bâtiments mais du cinéma où tout est plat et dénué de profondeur. Je prends l'exemple de ton palefrenier. Sans revenir en arrière, j'ai l?image d'un ado à taches de rousseurs, timide et impressionnable, pas forcément très investi (il pionçait au lieu de bosser à sa première introduction) mais qui aime ce qu'il fait (l'attention sincère vis à vis des montures) et est curieux (assister à l'entrainement des combattants plutôt que rester dans son coin). Et ça c'est très agréable.
Les personnages secondaire ou tertiaires comme ceux-là, j'essaye de les travailler un minimum. On dit qu'on est ce que l'on mange, et du point de vue de l'écriture, c'est certainement pareil. Etant en train de lire "The Wheel of Time", j'ai vu que ce genre de personnage tertiaire a toujours un minimum de détails qui servent à les personnaliser, et j'ai trouvé que ça renforçait beaucoup l'immersion. Pour Gottfried, j'ai essayé de plus parler de lui dans le chapitre suivant.

vg11k a écrit:Maintenant le chapitre 9.
C'est en fait le chapitre 11  Fou  .
vg11k a écrit:Albrecht me fait délirer "interrogatoire, interrogatoire, INTERROGATOIIIIIRE". D'alliés qui plus est. Il voit vraiment le mal partout et quand il a une idée en tête il ne la lâche plus xD
Albrecht est un personnage que surprenamment j'aime bien écrire. Il est psychorigide et paranoïaque, mais loin d'être bête, et j'aime beaucoup son pragmatisme. J'essaye d'en faire un répurgateur crédible, un mec habitué à vivre dans le feutré, à faire attention à chaque pas et à ne faire confiance à personne, mais aussi à ne pas être contredit.

vg11k a écrit:J'ai à présent réponse à certaines de mes interrogations. Le patriarche, l'oiseau et Ferragus sont tout les trois liés par le triste récit de Guy. De plus, à la description des flammes multicolores dignes d'incendiaires, il n'y au plus aucun doute permit sur les liens qu'entretiennent ces cultistes avec le grand architecte. Mais aura-t-il prédit actions de nos protagonistes ? Il semble en tout cas avoir parfaitement anticipé celles de nos amis à fourrure. Très sympathique cette dernière partie qui s'oriente lentement sur l'horreur avec la transformation de ce pauvre prêtre auquel je commençais à m'attacher. Pourquoi lui plutôt qu'un autre d'ailleurs ?
Le fameux lien est effectivement assez clair. D'ailleurs, peut-être auras-tu aussi deviné la véritable nature du fameux "grand aigle" vénéré par ces villageois.

Pour ce qui est de Félix, le choix n'a pas vraiment été dur, dans le sens où j'ai créé ce personnage...pour cette scène. Je ne plaisante pas, le reste est venu après. J'ai fini par moi aussi apprécier ce prêtre, mais tel était son destin  Devil .

MOUAHAHAHA  Vampire

vg11k a écrit:Notons également que si un prophète gris ne fait nullement confiance en sa garde et ses serviteurs, il l'accorde à des esclaves fournis par un inconnu au point de les laisser réaliser l'œuvre de sa (courte) vie et ne pas vérifier leurs travaux  Mr. Green
Relimus n'a jamais imaginé que des esclaves pourraient le trahir. Il les voit comme des meubles, et surtout pas comme des dangers. D'ailleurs, étant des humains, ils n'étaient même pas censés comprendre ce qu'il faisait, étant des être inférieurs.

Hjalmar Oksilden a écrit:Vivement la suite, j'attends avec impatience le dénouement de ce bordel en devenir

vg11k a écrit:
la suite !
Ben il va falloir être patient, vu le temps que le dernier chapitre m'a prit à écrire XD.

Mais j'ai bien l'intention de la faire. Happy

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Dim 2 Fév 2020 - 11:12
Arcanide Valtek a écrit:Pour ce qui est de Félix, le choix n'a pas vraiment été dur, dans le sens où j'ai créé ce personnage...pour cette scène. Je ne plaisante pas, le reste est venu après. J'ai fini par moi aussi apprécier ce prêtre, mais tel était son destin.
N'est-ce pas le médaillon chaotique en sa possession qui a précipité sa perte plutôt que celle d'un autre ? Si l'on me convainc du contraire, c'est que je dois vraiment être rouillé en compréhension écrite Fou

Du grand art, du grand art que tu nous sers là, et par là j'entends surtout l'improbable, l'incroyable aboutissement d'un immense édifice d'architecture skaven. M'est avis que l'homme oiseau a dû le faire surveiller de très près par ses agents, faute de quoi un clan voisin aurait tôt fait de le saboter. Je ne parle même pas de potentiels comploteurs au sein-même du clan : Relimus ne pouvait simplement pas se douter qu'il avait un ange-gardien aussi efficace que chaotique.
En somme, du grand art !

Si tu veux me combler, j'émets le souhait que la cloche géante se transforme elle-même en amalgame chaotique à tête d'oiseau, perce le plafond de la grotte et se mette à saccager les environs Devil

J'aurai une seule remarque à faire au sujet du sieur Rottmann : tout au long des derniers chapitres, nous le voyons braquer son arme vers des personnes suspectes d'hérésie, prêt à tirer. Or, au moment de la transformation du prêtre-guerrier, le répurgateur a... attendu.
Il s'agit peut-être là d'une légère torsion narrative pour permettre au récit de prendre une direction particulière, et je n'y vois alors que peu d'objections, surtout au vu que je ne vois rien d'autre à signaler. Si ce n'est pas le cas, en revanche, je m'insurge gentiment contre cette hésitation qui me trouble au plus haut point Tongue

Quoi qu'il en soit, j'espère vivement (MUAHAHA) que nos héros restés au moulin ne vont pas rester tranquille trop longtemps. Je veux qu'il leur tombe un truc dessus. Peut-être est-ce dû au fait de voir Wilhelm sortir son arme tant de fois sans jamais s'en servir. J'ai une rapière de Khorne, moi ? Meuh non, elle a été brisée et jetée dans un champ...

RIP le clan Custrik, m'est avis que l'homme-oiseau a lui aussi pour geste professionnel de se débarrasser de ses alliés devenus inutiles Shifty


La suite ! Clap Clap Clap
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Dim 2 Fév 2020 - 12:40
Essen a écrit:Du grand art, du grand art que tu nous sers là
Merci  Happy  banane .

Essen a écrit:et par là j'entends surtout l'improbable, l'incroyable aboutissement d'un immense édifice d'architecture skaven.
Paradoxalement, je ne m'attendais pas à ce que cette idée plaise autant, mais je suis ravi que ce soit le cas. Y a-t-il d'autres choses que tu as apprécié dans ce chapitre ?

Oui, je suis simple : j'aime qu'on me fasse des compliments  Whistling . Ça me motive pour écrire  Mr. Green .

Essen a écrit:M'est avis que l'homme oiseau a dû le faire surveiller de très près par ses agents, faute de quoi un clan voisin aurait tôt fait de le saboter. Je ne parle même pas de potentiels comploteurs au sein-même du clan : Relimus ne pouvait simplement pas se douter qu'il avait un ange-gardien aussi efficace que chaotique.
Il y a de ça, mais Relimus lui-même est un sacré paranoïaque, et a fait tout son possible pour que le travail en question passe inaperçu. C'est aussi pour ça qu'il a choisi un clan très mineur comme le clan Custrik (que j'ai inventé pour l'occasion), qui est de plus installé sous la campagne Wissenlandaise, donc un endroit assez vide en fait. Tout était fait pour agir dans le feutré.


Essen a écrit:J'aurai une seule remarque à faire au sujet du sieur Rottmann : tout au long des derniers chapitres, nous le voyons braquer son arme vers des personnes suspectes d'hérésie, prêt à tirer. Or, au moment de la transformation du prêtre-guerrier, le répurgateur a... attendu.
Il s'agit peut-être là d'une légère torsion narrative pour permettre au récit de prendre une direction particulière, et je n'y vois alors que peu d'objections, surtout au vu que je ne vois rien d'autre à signaler. Si ce n'est pas le cas, en revanche, je m'insurge gentiment contre cette hésitation qui me trouble au plus haut point  Tongue .
On peut aussi dire que vu qu'il connaissait Félix depuis longtemps, et qu'ils ont beaucoup travaillé ensemble, ben l'impact émotionnel n'était pas le même. Rottmann passe peut-être pour un robot, mais il est biaisé comme tout un chacun, et voir un proche succomber au chaos c'est pas la même chose que de voir un parfait inconnu.
Et effectivement, il y a aussi une intention scénaristique derrière. Innocent


Essen a écrit:Quoi qu'il en soit, j'espère vivement (MUAHAHA) que nos héros restés au moulin ne vont pas rester tranquille trop longtemps. Je veux qu'il leur tombe un truc dessus. Peut-être est-ce dû au fait de voir Wilhelm sortir son arme tant de fois sans jamais s'en servir
On remarquera d'ailleurs que si Wilhelm a sorti son arme, c'était bien le seul. Je voulais aussi montrer qu'il agit de façon un peu irréfléchie quand des gens auxquels il tient sont menacés, et que ça le mène à faire des trucs stupides.
Quant à ce qui va leur arriver, mystère... Devil .

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Jeu 13 Fév 2020 - 21:09
Arcanide Valtek a écrit:Y a-t-il d'autres choses que tu as apprécié dans ce chapitre ?
Je vais partir du plus évident : la "traîtrise de Tzeentch" Du du changement
En somme, il y avait forcément anguille sous roche, il fallait qu'il arrive un truc à la malheureuse cloche à fromage de Relimus. Ce passage, tu l'as décrit du point de vue du prophète gris, et j'ai beaucoup apprécié la manière avec laquelle tu enchaînes les émotions de surprise, de peur, d'incrédulité, de terreur, de fureur et ainsi de suite Mr. Green On pourrait presque s'imaginer le dieu du changement ricaner dans son coin et susurrer sa réplique-fétiche : "Just as planned !"

Sinon, après réflexion, je désire mettre en avant mon approbation envers le personnage de Rottmann : on peut lui reprocher d'être parfaitement antipathique, en revanche je souhaite personnellement lui donner une médaille pour son dynamisme. Il faut dire en effet que sans lui, notre groupe manquerait simplement de cran dans certaines situations, piétinerait là où il faut avancer, et perdrait nettement en efficacité, et ce malgré leur bonne foi évidente. Cette qualité se répercute également dans la narration : grâce à Rottmann, le récit piétine moins, les questions s'enchaînent et les temps morts sont réduits. Chapeau au monsieur Happy

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Mer 22 Avr 2020 - 19:34
Petit message pour préciser que j'ai fait un nouveau passage sur le chapitre X (en page 2 donc). Il a été étoffé par de petits ajouts par-ci par-là, surtout pour renforcer l'immersion (j'espère).

Si vous an avez le courage, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Le chapitre XI va subir la même chose.

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Mar 23 Juin 2020 - 4:19
J'ai tout lu. C'est trop bien.

J'adore tout de bout en bout, les personnages, les descriptions, le scénario qui est vraiment bien fichu...

J'aime tout excepté un truc : la romance à deux balles et Wilhelm qui a un coup de foudre absolument pas crédible Tout est trop rapide dans sa relation et je me demande comment il fait pour penser à ça dans des moments aussi critiques. Je crois que tu aurais dû y aller molo sur les yeux comme des lacs et les démonstrations d'amour, qui, en moins d'une heure, font passer Wilhelm de l'écuyer exemplaire à gros clampin incapable de réfléchir.

Je pense aussi que tu ne devrais pas hésiter a séparer plus tes personnages pour qu'ils aient entre eux des scènes particulières plutôt que de tous les laisser ensemble, parce que les scènes à 6 personnages très actifs ça devient vite assez imbuvable, encore que je trouve que tu t'en sors très bien.

Si un jour tu publie tout ça dans un bouquin, j'achète immédiatement.

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Jeu 6 Aoû 2020 - 15:13
Ahoy ! Je suis en vacances ! Je peux lire et même relire des récits ! Loué soit Sigmar pour ce moment de répit Fou
litrik a écrit:J'aime tout excepté un truc : la romance à deux balles et Wilhelm qui a un coup de foudre absolument pas crédible Tout est trop rapide dans sa relation et je me demande comment il fait pour penser à ça dans des moments aussi critiques.
Après avoir relu le chapitre 10, je suis en mesure de mettre des mots sur ce qui m'a un peu troublé dans cet amour impromptu. C'est peut-être la même chose qui a conduit Litrik a le désigner comme une "romance à deux balles". Il s'agit du contraste crée entre le registre employé jusqu'à présent pour nous décrire l'éducation et le caractère de Wilhelm et les tournures employées pour décrire ses émotions face à Lydia Neisser. D'un côté, il nous a été régulièrement exposé que le quotidien de l'écuyer est consacré au service de son chevalier et à l'entrainement aux armes ; le registre employé est sobre, point de tournures particulières pour le décrire. De l'autre côté, voilà que le jeune homme ne voit plus que la belle, dont les yeux sont comparés à des lacs et la voix passe pour le chant d'un rossignol.
On prête involontairement l'invention de ces comparaisons au personnage (qui est un jeune militaire, et non un courtisan lettré) alors que c'est le narrateur qui en est à l'origine. Il y a de grandes chances que je me trompe, auquel cas je serais ravi qu'on m'éclaircisse.

Autre sujet en parallèle : je recommande fortement d'ajouter une mise en page à tes textes ! Rien de compliqué, juste un peu d'harmonisation : pour ma part, je mets six espaces pour marquer chaque début de nouveau paragraphe ; de plus, tout le texte est mis sous format justifié.
Ca rend l'ensemble plus agréable à l’œil, je trouve Happy
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Jeu 6 Aoû 2020 - 16:59
litrik a écrit:J'ai tout lu. C'est trop bien.

J'adore tout de bout en bout, les personnages, les descriptions, le scénario qui est vraiment bien fichu...

litrik a écrit:Si un jour tu publie tout ça dans un bouquin, j'achète immédiatement.
Merci  Blushing .

litrik a écrit:J'aime tout excepté un truc : la romance à deux balles et Wilhelm qui a un coup de foudre absolument pas crédible Tout est trop rapide dans sa relation et je me demande comment il fait pour penser à ça dans des moments aussi critiques. Je crois que tu aurais dû y aller molo sur les yeux comme des lacs et les démonstrations d'amour, qui, en moins d'une heure, font passer Wilhelm de l'écuyer exemplaire à gros clampin incapable de réfléchir.
Merci de ce point de vue sur la question. Je ne vais pas me défendre, plutôt plaider le talonnement.
C'est bien simple : je ne sais pas écrire de romance. Je ne m'étais jamais essayé à la chose avant, et n'ayant pas moi-même vécu de belle histoire d'amour, je n'en sais que ce que les gens disent/écrivent.
Mais je voulais absolument m'y essayer. Pourquoi ? Parce que je raconte ici la vie d'un jeune homme, et que ça ne pouvait pas ne pas en faire partie. Il devait découvrir l'amour, les émois de la jeunesse. Sinon justement, j'aurais eu l'impression de prendre la solution de la facilité et de passer à côté de mon sujet.
Manifestement j'ai du progrès à faire, et je crains que ta critique ne soit pas la seule. Mais j'assume, j'assume d'avoir raté mon coup. J'essaierai de faire mieux la prochaine fois.

Essen a écrit:D'un côté, il nous a été régulièrement exposé que le quotidien de l'écuyer est consacré au service de son chevalier et à l'entrainement aux armes ; le registre employé est sobre, point de tournures particulières pour le décrire. De l'autre côté, voilà que le jeune homme ne voit plus que la belle, dont les yeux sont comparés à des lacs et la voix passe pour le chant d'un rossignol.
On prête involontairement l'invention de ces comparaisons au personnage (qui est un jeune militaire, et non un courtisan lettré) alors que c'est le narrateur qui en est à l'origine. Il y a de grandes chances que je me trompe, auquel cas je serais ravi qu'on m'éclaircisse.
Ben justement, tu te trompes. C'est bien le personnage qui fait ces associations. Il ne faut pas oublier que Wilhelm a été élevé dans un milieu où les livres étaient facilement accessibles, et il a été abreuvé de récits d'aventures et d'amour. Mais j'avoue, j'en ai peut-être un peu trop fait.

Je pense que je dois préciser un truc : je ne suis pas un grand auteur, et faire varier le registre employé pour m'adapter un personnage, c'est un exercice auquel je ne m'essaie pas, et dont je ne m'estime presque pas capable. Les rares passages du point de vue skaven sont une exception, et ils sont courts.

litrik a écrit:Je pense aussi que tu ne devrais pas hésiter a séparer plus tes personnages pour qu'ils aient entre eux des scènes particulières plutôt que de tous les laisser ensemble, parce que les scènes à 6 personnages très actifs ça devient vite assez imbuvable, encore que je trouve que tu t'en sors très bien.
Oui, je suis d'accord, tous ensemble ça fait cacophonie. Mais je ne souhaite pas forcer les choses, et si je les sépare, je veux que ce soit pour une bonne raison. Cette raison est arrivée en fin de dernier chapitre d'ailleurs.

Mais en fait, je suis parfois pris au piège par mes propres personnages. Quand je visualise un chapitre, je vois scène après scène ce qu'il va se passer. Sauf qu'en fait, quand je décris un truc, parfois, je me rend compte que tel ou tel personnage ne peut pas ne pas réagir. Il doit faire quelque-chose. Et les autres vont forcément réagir en fonction. Par exemple, toute la dispute du début du chapitre 11 était imprévue, mais j'ai réalisé en écrivant que notre ami le répurgateur ne pouvait que trouver très suspect le comportement de Guy. Et qu'il devait réagir.

Essen a écrit:Autre sujet en parallèle : je recommande fortement d'ajouter une mise en page à tes textes ! Rien de compliqué, juste un peu d'harmonisation : pour ma part, je mets six espaces pour marquer chaque début de nouveau paragraphe ; de plus, tout le texte est mis sous format justifié.
Alors j'ai essayé au début, et ça ne marchait pas. J'ai fini par trouver, mais j'avais déjà publié 9 chapitres sans interlignes, et j'avoue avoir la flemme de repasser derrière chaque paragraphe.
Promis, dans la suite ce sera fait.

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Jeu 6 Aoû 2020 - 17:26
Valtek a écrit:Il devait découvrir l'amour, les émois de la jeunesse. Sinon justement, j'aurais eu l'impression de prendre la solution de la facilité et de passer à côté de mon sujet.

Je comprends. C'est une question de réalisme, le bouillon des hormones, tout ça tout ça...
Mais pour la suite je te conseille de plutôt faire de ton personnage un mec qui perd ses moyens et qui est timide et se pose des questions sur ce qu'il ressent (bien plus crédible pour n'importe quel ado) plutôt qu'un mec qui devient une espèce de sauveur qui oublie ses responsabilités parce qu'il est d'office conscient d'être amoureux.

Sauf exception, les ados sont rarement sûrs d'eux et capables d'initiatives franches quand on parle de sentiments, principalement parce qu'ils apprennent, qu'ils ne reconnaissent pas ce qu'ils vivent. Après, tu as l'excuse du contexte d'urgence et de bataille, mais justement, les questionnements qui prennent du temps et les hésitations sont sources de tension. Genre hésiter à prendre une femme par la main pour la tirer d'un danger peut amener à des péripéties, des accidents, qui sont très intéressantes à exploiter. La fille peut finir blessée, et Wilhelm peut s'en vouloir, ou au contraire blâmer ses sentiments, ou même blâmer cette fille qui la trouble tellement.

Bref, l'amour c'est plus compliqué que simplement devenir un idiot avec le syndrome du sauveur, ça apporte souvent autant de douleur et de questionnements compliqués que d'énergie et de volonté. Smile

Valtek a écrit:Manifestement j'ai du progrès à faire, et je crains que ta critique ne soit pas la seule. Mais j'assume, j'assume d'avoir raté mon coup. J'essaierai de faire mieux la prochaine fois.

Apprendre ne se fait pas sans erreur, assumer est la meilleure des choses tant qu'on en est conscient. C'est toujours la même histoire, qu'on peigne des figurines ou qu'on s'essai à la littérature. ^^

Valtek a écrit:il a été abreuvé de récits d'aventures et d'amour. Mais j'avoue, j'en ai peut-être un peu trop fait.

Je pense que tu as mis toi-même le doigt sur le problème. Entre la théorie sur l'amour et vraiment être frappé de plein fouet par des sentiments envahissant, il y a un monde. ^^


Je t'encourage à continuer à écrire encore et encore, je suis fan de ton récit et je pense que tu es plus doué que tu ne le pense pour être toujours meilleur !

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Jeu 6 Aoû 2020 - 17:49
Litrik a écrit:
Sauf exception, les ados sont rarement sûrs d'eux et capables d'initiatives franches quand on parle de sentiments, principalement parce qu'ils apprennent, qu'ils ne reconnaissent pas ce qu'ils vivent.
Sauf que Wilhelm n'est plus un ado à ce moment là. Il a 21 ans.
Je chipote, mais pour moi c'est important. La psychologie d'un ado n'est pas la même que celle d'un jeune adulte, et je pense que ces années de plus ont rendu Wilhelm plus terre-à-terre.
Et c'est peut-être là que mon travail d'auteur a des lacunes. Wilhelm adulte est une personne très posé et calme, qui ne s'emporte que quand ses principes sont bafoués, et encore, il le fait avec mesure. Une force tranquille quoi.

Litrik a écrit: Genre hésiter à prendre une femme par la main pour la tirer d'un danger peut amener à des péripéties, des accidents, qui sont très intéressantes à exploiter. La fille peut finir blessée, et Wilhelm peut s'en vouloir, ou au contraire blâmer ses sentiments, ou même blâmer cette fille qui la trouble tellement.
Oui, tu as raison. Le problème ici est encore une fois de ma faute. En gros, j'ai défini la trame générale de mon récit avant de mettre ce personnage féminin. Et je n'ai pas du tout eu envie de tout recommencer en le prenant en compte. C'est une fainéantise artistique, je sais, mais j'aurais été trop frustré. Et trop perdu aussi.

Du coup, on se retrouve avec ce résultat, qui plus j'y pense plus il me dérange. Mais je vais m'y tenir, et tenter d'amener cette histoire vers une conclusion satisfaisante.

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Ven 7 Aoû 2020 - 22:40
Petit double post pour indiquer que j'ai modifié le chapitre XI cette fois.

Pareil, il y a peu de changements, surtout quelques petits éléments de description en plus. Et pour @Essen : Rottmann ouvre le feu Devil .

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Sam 8 Aoû 2020 - 22:47
Je ne peux avoir que de la peine pour le Herr Rottmann : perdre probablement la seule personne en qui subsistait en lui une once de confiance, surtout d'une manière aussi abjecte, est un sort des plus malheureux.

Maintenant que les mises à jour ont été faites, aurions-nous droit à la suite ? Innocent
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Dim 20 Sep 2020 - 16:49
hop! retard rattrapé!

Et... plein de trucs à dire; alors on va commencer par un résumé de mon avis: C'est vraiment bon, avec de la menace tout du long qui maintient une tension continue à la lecture!

Le parcours de Wilhelm arrive à faire en même temps une description vraiment interressante du parcours "classique" d'un jeune noble impérial jusqu'à chevalerie, mais en même temps son histoire est pleine d'évènements exceptionnels (enfin... on l'espère pour la survie de l'empire) qui donnent une histoire pleine de temps forts. A mon sens le récit est très bien équilibré entre les deux: assez d'élements quotidiens pour nous introduire à l'univers (dont on ne se lasse jamais) et souligner l’exceptionnalité des rencontres et des évènements.
Sans compter que l'histoire arrive à mêler skavens, chevalerie, histoire de famille, periode des trois empereurs, chaos, bretonnie, empire etc sans qu'on ne se sente perdu parmi tous les protagonistes ou dans les différentes intrigues. C'est bien sympa et très impressionant de jongler avec autant d'élements.

Au niveau des personnages, tu as vraiment réussi à tous les caractériser. Si ils ne sont pas tous aussi profonds ou développés, ils ont tous largement assez pour être identifiables. C'est d'autant plus cruel de tuer autant de monde Devil
L'autre chose qui rend les personnages crédibles est qu'ils restent tous très "humains" dans leurs capacités et dans leur chance: ils sont souvent blessés, fatigués, submergés parfois... On a jamais l'impression d'avoir affaire à des "héros légendaires de la mort qui tue", mais à des humains dans un monde dangereux. C'est vraiment bien pour l'identification aux personnages. Pour accentuer ça j'aurais même ajouté une blessure un peu plus grave à Wilhelm lors du combat face aux skavens dans  le village. Sur ce coup, hormis Guy, ils s'en tirent tous relativement bien quand même.

Toujours sur ces personnages, la réaction de Wilhelm face au surnaturel est à mon avis très bien dosée: On sent que la magie (celle du prêtre par exemple) ou les créatures magiques (comme la monture du comte électeur citée rapidement) sont connus, que les personnages savent qu'elle existe, mais que ça reste rare. J'aime beaucoup. Avec ce que j'ai dis au dessus sur la vulnérabilité des personnages, ce point est à mon avis le moteur de la tension (dans son sens positif de "qui nous tient en haleine) dans ton histoire: on sait qu'on peut être surpris.

A propos de surprise, mon passage préféré soit être la fuite du groupe du village. La SAINTE GRENADE est la solution à tous les problème!
Un chevalier bretonnien du chaos à la vitesse surnaturelle et portant une épée nimbée de flammes te lance un duel? SAINTE GRENADE! KABOUM! EXPLOSION DE L'HERESIE! Clap

je vais rejoindre ce qui a été dit plus tôt sur la romance qui arrive un peu "d'un coup". mais le principal a été dit, je vais pas trop en ajouter sauf un truc: on sait bien ce que Wilhelm pense, mais on a absolument aucune idée de quel est le caractère de Lydia: elle n'a pas l'air très bouleversée ou n'a pas beaucoup de questions pour tout ce qu'elle traverse: des hommes-rats, ses parents disparus, des explosions, des morts, et surtout un amoureux visiblement très très protecteur. J'ai eu un peu le sentiment qu'elle était super louche à cause du fait qu'elle semble encaisser super bien toutes ces émotions.

Et à mon avis la seule autre chose qui pourrait être ajoutée est qu'il manque un peu de description du quotidien dans la forteresse de l'ordo draconis. Wilhelm parle d'une ambiance qu'il apprécie beaucoup, mais au final on voit assez peu cette ambiance. Peut-être que ça serait bien d'ajouter quelques passages ou la camaraderie entre chevaliers est plus mise en avant, quelques scènes du quotidien dans la forteresse, lors de la bataille, des petits élements pour caractériser aussi les particularités de l'ordre par rapport à d'autres...

J'ai une théorie pour la transformation de frère Félix: je pense que le brave prêtre a protégé le reste du groupe des effets de la cloche, servant de prêtre-paratonnerre, faisant que le pauvre homme a été le seul transformé. j'ai bon?

Bien entendu, je t'implore pour avoir la suite!!!!

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Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Ven 29 Juil 2022 - 18:07
Boum ! Alors que plus personne ne l'attendait, sachez que j'ai continué d'écrire et que j'ai accéléré le mouvement depuis quelque temps. Pour la petite histoire, le chapitre 12 que j'ai écrit s'est révélé être tellement long que je l'ai scindé en deux. Donc, non seulement celui-ci est prêt, mais le suivant aussi.

Ainsi, je vous offre sans plus attendre...

La suite !

Chapitre XII

La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Pp,840x830-pad,1000x1000,f8f8f8

Il avait mal. Très mal. Tremblant sur le lit de fortune qu’on lui avait fait à son arrivée, l’homme qui se faisait appeler le ‘patriarche’ serrait les dents pour éviter de les sentir claquer. Il avait très froid depuis que ce chevalier au regard fou l’avait attaqué et tranché de part en part, mais il était déjà content d’avoir survécu. Il était à présent seul, ce qui en soit était un miracle dans cet endroit, et ses mains ridées serraient compulsivement le bandage rougi de sang qui recouvrait son corps. Ses yeux fixés sur le plafond rocailleux éclairé par la lumière dansante de quelques torches, une foule de questions se pressaient dans son esprit embrouillé par la douleur. Qui étaient ces gens qui l’avaient découvert ? Est-ce que son Maître allait quand-même parvenir à enclencher le plan comme prévu ? Allait-il survivre ? Allait-il être récompensé ? Pourquoi les chevaliers étaient autorisés à frapper les gens sans conséquences ? La douleur était-elle une pure formation de l’esprit de laquelle on pouvait se soustraire ? Et par-dessus tout, où avait-il déjà vu ce chevalier blond ?

S’il tremblait, c’était aussi de rage, tout en essayant d’ignorer l’odeur pestilentielle du lieu. Tout cela n’était pas prévu, et il avait horreur de l’imprévu. Quand on lui avait annoncé, la veille, que des étrangers étaient arrivés à Gullenburg, et que par-dessus le marché ils posaient beaucoup de questions, il avait passé le message, demandant du renfort. Mais il ne s’était pas imaginé que les étrangers en question comptaient parmi eux un chasseur de sorcières et un chevalier fou à lier. Avec tout ça, il ne pourrait pas bouger pendant des semaines, au mieux. Et ces idiots de ‘pèlerins pourpres’, qui lui servaient de gardes du corps. Des incapables oui ! Pas fichus de voir un taré meurtrier sous leurs yeux. Ah ça, cette bande de coupe-gorges autoglorifiés, quand il s’agissait de faire les gros bras devant des paysans il y avait du monde, mais quand un vrai combattant se présentait, plus personne ! Et par les rémiges de Tzeentch, cette blessure lui faisait un mal de chien !

Un son particulier le tira de sa diatribe interne. L’endroit où il était, c’est-à-dire dans les tunnels skavens, étaient remplis de sons. Des cris surtout. Il y avait mille raisons de crier ici. Les skavens noirs criaient sur les skavens bruns, les skavens bruns criaient sur les esclaves, et les esclaves criaient de douleur. Il y avait aussi des couinements de peur, car d’une façon générale tout le monde avait peur de tout le monde, même le plus gros skaven se méfiait du plus petit. Pour la centième fois il se demanda comment toute leur société ne s’effondrait pas toute seule avec tant de méfiance dans l’air. C’était à ne rien y comprendre. Et à côté de ça, les skavens ricanaient, brouxaient, râlaient, et émettaient au moins une centaine d’autres vocalises. Sans oublier les autres bruits, d’innombrables autres bruits, qui étaient générés par l’activité industrielle frénétique de cette ‘ville’ – à défaut d’un meilleur mot. Dès qu’il passait plus de deux minutes dans cet endroit, la tête lui tournait. Rien d’étonnant à ce que le ‘prophète gris’ qui les dirige veuille rester dans le silence.

Mais ce son, ce son qui attira son attention, n’avait rien à faire ici, du moins n’y paraissait-il pas naturel. Mais il le fit sourire, ou plutôt grimacer un peu moins que la seconde d’avant. C’étaient des centaines de voix inhumaines qui criaient, pleuraient, riaient, murmuraient, et plus encore. C’était une litanie à la gloire de l’humanité, une composition sans cesse changeante de ce qui faisait la beauté de l’âme, une mise en scène de chaque sensation. C’était le son produit par son Maître.

Une poignée de seconde plus tard, un bruit de pas saccadé résonna dans la ‘chambre’ dans laquelle il avait été entreposé, et il perçut le mouvement d’une étoffe bleutée au bord de son champ de vision. Son Maître s’était avancé à son chevet, et, chose rare, il fit taire les voix émanant des visages apparaissant sur sa peau, qui se contentèrent de changer d’expression dans un silence aberrant. Son Maître pencha alors sur lui son visage aviaire, yeux globuleux plantés dans les siens. Il déglutit, puis essaya de s’exprimer clairement, mais sa voix tressautait, hachant son discours :

« Pardonnez…ma…posture. Je ne peux…vous faire…une révérence. Mon état…

- Tu n’as pas à te faire pardonner, mon cher. » Répondit la voix aux multiples nuances et tonalités du magus, donnant l’impression que vingt gorges s’exprimaient à la fois. « Tu as très bien servi les desseins du grand Architecte. »

Son esprit tourna à plein régime. Il avait ‘très bien servi’ ? Cela voulait donc dire qu’il n’allait plus servir désormais ? Qu’il était inutilisable ? Non, ce ne pouvait être possible. Et pourtant, son Maître se contentait de le regarder de ses yeux froids, sans faire le moindre geste pour l’aider. Il insista alors.

« Permettez…que je continue de vous servir. Je vous…en…prie. »

La tête d’oiseau au-dessus de lui cligna des yeux et tourna légèrement, ressemblant en réalité furieusement à un charognard prêt à engloutir sa proie. Puis un léger sourire l’éclaira, et la tête recula.

« Très bien, je vais te donner une nouvelle occasion de servir. Ne la gâche pas, elle te sera précieuse. »

Le soulagement qu’il ressentit était tel que pendant une seconde il oublia son supplice. Son visage se tordit en un nouveau rictus alors qu’il essayait de sourire à son tour. Tout n’était pas fini pour lui. Le grand architecte lui donnait une nouvelle mission.

Puis un nouveau son retentit, un son qui couvrit tous les autres par sa puissance, et qu’il entendit malgré la distance.

DONG

C’était donc vrai. Leur plan avait réussi. Il avait bien servi, et allait être récompensé. Il ferma les yeux, prêt à accepter ce que son Maître allait faire de lui, et murmura un « merci » plein de ferveur. Puis il sentit qu’on soulevait sa tête du lit, entendit un cliquetis métallique, et un instant plus tard un léger poids se posa sur sa poitrine. Puis le bruit de pas saccadé s’éloigna peu à peu.

DONG

Il ouvrit les yeux, surpris que rien d’autre ne se soit passé. Et les écarquilla d’horreur. Là, sur son torse, autour de son cou, il y avait une médaille, une magnifique médaille représentant un œil entouré d’ailes, et surmontée d’une tête de rapace. Il la reconnaissait, pour en avoir donné des centaines à des villageois dans la région, dans tous les villages qu’il avait pu trouver. Et il savait exactement ce que c’était.

« Maître… » Gémit-il en tournant légèrement la tête, la voix tremblant encore plus du fait de la terreur qui s’insinuait en lui comme un si on le remplissait d’eau glacée, le faisant, si c’était possible, trembler de plus belle. « S’il vous plait…pas ça… »

La silhouette du magus ne s’arrêta pas, mais sa voix résonna à nouveau dans la petite caverne.

« Tu serviras encore, oui. Ton souhait sera exaucé. »

Puis il s’éloigna en claudiquant, toujours appuyé sur son bâton de métal rouge sombre, sans un seul regard en arrière, et petit à petit les plaintes reprirent, emplissant le couloir de leur sinistre cacophonie.

DONG

L’homme tenta frénétiquement de bouger les bras, de retirer cet atroce objet qui le condamnait à un sort pire que la mort. Mais c’était presque impossible. Ses forces l’avaient abandonné, et le seul fait de parler l’avait épuisé. Il essaya pourtant, le désespoir lui faisant serrer les dents encore plus fort, mais ses mains refusaient de lui obéir. Bientôt, il serait trop tard. Peut-être l’était-il déjà. Il ne savait même pas quand il le saurait, ou non.

DOING

Une étrange chaleur se répandit dans son corps, et un malaise soudain le prit.

Ça commençait.

*

Quelques minutes plus tard, dans les souterrains de l’immense cité troglodyte des hommes-rats, constituée de bâtiments de bois entassés les uns sur les autres sans organisation apparente, s’engagea une bataille aussi violente qu’elle était inattendue. Les skavens étaient des centaines, des milliers, et connaissaient cet endroit par cœur. Dans un concert de couinements et de cris gutturaux, ils brandissaient leurs lames, leurs fourches, leurs hallebardes, et s’élançaient contre les mutants. À l’avant-garde, engoncées dans leurs armures lourdes étrangement adaptées à leur morphologie murine, les vermines de choc, menés par le chef du clan, faisaient tournoyer leurs armes en faisant pleuvoir des coups meurtriers. Srat Fauchebarbe lui-même, dominant les autres d’une tête et armé d’une longue hallebarde, frappait régulièrement depuis les rangs serrés de sa garde personnelle, même s’il préférait quand-même les regarder faire, n’étant pas rat à se mettre en danger inutilement. À plusieurs endroits, les équipes d’armes achetées auprès du clan Skryre se déployèrent et libérèrent leur puissance destructrice. Lances-feu, ratlings et ratasphères se mirent à prélever leur tribut parmi les mutants.

Mais la bataille était loin d’être gagnée pour les skavens. Car là où ils avaient le nombre et la connaissance des lieux, leurs adversaires avaient pour eux une force physique proprement terrifiante, ajoutée à ce qui semblait être une absence totale de peur ou de panique. Et ils semblaient même ignorer la douleur. Ces humains, qui n’avaient été jusqu’à présent que des esclaves soumis, s’étaient transformés en des parodies d’êtres vivants, aussi variés qu’horribles. C’était à qui était devenu un corps bouffi, roulant plus qu’il ne marchait, qui avait acquis des tentacules jusque sur le visage, qui avait les bras qui avaient grossi jusqu’à se traîner par terre, et une myriade d’autres modifications. Tuer la moindre de ces créatures était une épreuve, chacune emportant généralement plusieurs skavens dans la mort.

« Pour le seigneur du changement ! Pour les flaaaaaaaaaames ! »

Alors qu’il jaillit d’un des nombreux tunnels qui menaient à la cité, le cri que poussa Ferragus fit se retourner plusieurs hommes-rats, qui ne purent réagir assez vite quand son épée les démembra. L’arme, alors nimbée de flammes multicolores, décrivit plusieurs arcs de cercles iridescents dans les airs, et les premières victimes du chevalier déchu s’effondrèrent en hurlant. Il ne leur prêta aucune attention, s’attachant à trouver immédiatement de nouvelles cibles. Sous le heaume noir qui lui couvrait le visage, son sourire était éclatant, rieur, amusé. C’était tellement drôle de voir la peur dans leurs yeux, d’y lire l’incompréhension. Après plusieurs années de faux semblants et de tromperie, voilà que le voile tombait, et qu’il pouvait enfin s’en donner à cœur joie sur eux. Son Dieu n’était pas friand de carnages, mais savait s’en servir quand c’était le moyen le plus efficace d’atteindre un but. Et Ferragus, en bon guerrier, était ravi de l’obliger.

Il esquiva une attaque, puis faucha son auteur, avant d’en parer une autre portée dans son dos avec son large écu. Au-dessus de la mêlée, la cloche continuait d’émettre ses sonneries distordues. Oui, le Seigneur du changement était miséricordieux aujourd’hui, car en récompense de leur plan méticuleusement et magistralement exécuté, il les laissait massacrer ces rats ridicules, dont le seul intérêt avait été de créer cette œuvre. Le prophète gris, cet imbécile, l’avait très justement appelé ‘grand œuvre’. Il s’était juste trompé sur son auteur réel. Machine à tuer d’un noir d’obsidienne, Ferragus se mit à se tailler un chemin dans la mêlée. Il n’y avait pas de plan de bataille ici, pas d’armées coordonnées. Ce n’était qu’une exécution, et lui-même se sentait bourreau. Son sourire ne faiblit pas alors qu’il se joignait aux mutants pour remplir ce qu’il s’amusait à qualifier de ‘son office’.

Tout d’un coup, un hurlement aigu, déchirant et inhumain retentit dans l’immense caverne. Non, pas un hurlement. Il y en avait en réalité plusieurs dizaines, mais qui criaient de concert. Le champion du chaos à l’armure noire plissa les yeux de curiosité. De son point de vue, au ras du sol, il ne pouvait voir ce qui avait poussé un tel vagissement, mais quand il entendit les bruits de combats redoubler d’intensité, il se dit qu’il faudrait peut-être mieux qu’il en sache plus. Profitant de la présence de plus en plus nombreuse de mutants autour de lui, ceux-ci s’étant manifestement ralliés à sa personne, il se fraya, en quelques moulinets mortels, un chemin jusqu’à l’escalier menant au sommet d’un bâtiment proche. Sans même lâcher son épée, il gravit quatre à quatre les marches faites de planches à moitié moisies, jurant quand l’une d’elles céda sous le poids combiné de son corps et de son armure. Ce contretemps ne le ralentit pas beaucoup, car il atteignit rapidement le toit, sur lequel se trouvait ce qui semblait être le début d’un échafaudage qui s’élançait vers la paroi de pierre la plus proche en un amalgame de poutres et de cordes dont il ne s’aperçut même pas de la présence. À la place, son regard était surtout attiré par ce qui se trouvait près de l’immense cloche, à quelques centaines de mètres de sa position. De là où il était, il put voir ce qui avait causé le vacarme qui avait résonné tout à l’heure.

Et ce qu’il vit lui fit faire une moue de surprise.

Au pied de la gigantesque ‘tour du Destin’ se trouvaient trois créatures qui faisaient passer les mutants pour des êtres gracieux. Semblables de loin à des wyrms d’une vingtaine de mètres, elles se tortillaient brutalement au milieu de la mêlée, brisant les rangs des mutants, mais aussi des malheureux hommes-rats qui s’approchaient trop près. Cependant, un regard attentif lui apprit qu’elles n’étaient pas de simples bêtes dressées pour la guerre. Non. Car ces choses étaient manifestement faites de plusieurs êtres vivants, compressés et fusionnés jusqu’à donner un résultat plus repoussant encore que la somme de ses parties. Elles possédaient plusieurs têtes de rats géantes d’où sortaient les hurlements désincarnés qui dominaient à eux seuls le bruit ambiant, et ce malgré le tumulte de la bataille. De leurs corps jaillissaient au moins une quinzaine de membres, dont certains traînaient pitoyablement au sol, alors que d’autres frappaient dans toutes les directions. Certains de ces ‘bras’ étaient terminés par des implants métalliques, comme d’énormes et sombres lames dentelées, ou des orbes noires hérissées de pointes. Mais les améliorations technologiques ne s’arrêtaient pas là. Partout sur leurs corps bouffis, des perfusions reliées à des réservoirs verdâtres semblaient déverser en continue des substances dont Ferragus ne pouvait que se douter des effets énergisants.

Il sourit à nouveau. Enfin, un peu de répondant.

*

Toujours en haut de la tour du Destin, Relimus observait, avec une satisfaction non dissimulée, le carnage opéré par les trois abominations qu’il avait lâchées sur les choses-hommes-mutantes. Ses moustaches frétillaient de plaisir en voyant ces trois immenses masses bouffies se précipiter sur tous les êtres vivants environnants pour les piétiner, les mordre, les déchiqueter ou les écraser, et ce avec une vélocité improbable pour des créatures aussi gigantesques. Le prophète gris, toujours appuyé sur son bâton, partit d’un grand éclat de rire. Si le plan de chose-oiseau avait été de l’attaquer avec tous ces mutants, il était décidément très mauvais. Le clan Custrik s’était reconstruit, et il avait personnellement acheté à prix d’or ces trois abominations au clan Moulder – même s’il était certain de s’être fait avoir, ces infâmes maîtres corrupteurs ayant indûment profité de ses largesses.

Mais un mouvement attira son regard. Fronçant les sourcils, il darda ses yeux noirs en direction de l’une des nombreuses entrées de la cité. Là-bas, parmi les enchevêtrements de plates-formes et de poutres, il y avait des formes qui bougeaient. C’était clairement, indiscutablement, d’autres choses-hommes-mutantes. Depuis sa position surélevée, il voyait clairement qu’elles arrivaient par petits nombres, mais le flux de renforts ennemis était constant. Son cœur se mit à battre plus vite. Il s’agissait de renforts, certes, mais rien qui ne puisse tenir contre la fabuleuse puissance du clan Custrik. Oh oui-oui, il allait leur montrer, quitte à se lancer personnellement dans la bataille. Sa prise sur son bâton se renforça, et son regard se concentra sur l’affrontement en contrebas. Qui serait sa première cible ?

Tout à coup un frémissement à la bordure de sa perception lui fit tourner les yeux. Il ne comprit tout d’abord pas, avant de réaliser, en une fraction de seconde, que non-loin de lui, quelqu’un effectuait…de la magie.

Très vite, il se concentra sur les flux sacrés, les énergies qu’il était censé être le seul ici à maîtriser. Il ne pouvait s’agir que de chose-oiseau. Et ce dernier tissait les vents avec un talent redoutable ! Une vaste quantité de magie était mobilisée, et Relimus enragea devant sa propre impuissance à la dissiper, réalisant, trop tard, que ce thaumaturge était extrêmement puissant.

L’énergie magique fut libérée d’un seul coup. Relimus sentit ses poils se hérisser sur tout son corps alors que, sur la vaste place en-dessous de lui, se concentra une énorme quantité de magie, si soudaine et si intense qu’elle créa une onde de choc qui traversa le champ de bataille. Lui-même se sentit poussé d’un bon mètre en arrière, mais d’un bond il revint à son poste d’observation, avec l’impression d’avoir été plongé successivement dans de l’eau froide puis dans un brasier.

La bataille faisait encore rage, les skavens affrontant les mutants, sautant, frappant, fuyant, dans tous les côtés, et les abominations écrasant tout autour d’elles. La cacophonie était phénoménale, mais pour le coup, Relimus n’avait cure de tout cela. Il n’avait d’yeux que pour le gigantesque amas de magie qui s’accumulait seconde après seconde autour de l’une de ses abominations. La créature ne sembla pas en ressentir le moindre effet, du moins dans les premiers instants. Puis soudain, un immense coup de tonnerre retentit dans la grotte, coïncidant presque parfaitement avec la chute erratique de l’immense bête dénaturée. Celle-ci fut soudain prise de convulsions, et semblait presque…se replier sur elle-même, alors que, simultanément, plusieurs salves d’éclairs violacés parcouraient son corps. En très peu de temps, les éclairs magiques la recouvrirent totalement, éclairant au passage presque toute la bataille d’une lumière maligne.

Puis, en une fraction de seconde, les éclairs disparurent. Et avec eux la créature. Elle n’était tout simplement plus là.

« RAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH ! »

Relimus poussa un hurlement de rage folle, ses dents jaunâtres claquant presque les unes contre les autres alors qu’en bas la bataille reprenait de plus belle. Il ignorait ce qui venait de se produire, mais ça n’allait pas se passer comme ça ! On ne le défiait pas ainsi impunément, surtout en anéantissant ainsi ses investissements les plus coûteux ! Se focalisant sur l’endroit d’où il avait senti se réunir les flux de magie sacrés, il apprêta son bâton, et, à son tour, entonnant les formules adéquates, il attira la puissance à lui. C’était toujours une sensation extatique, sentir ainsi la puissance déferler dans son corps à chaque syllabe, presque la voir ainsi entre ses doigts, sous son seul contrôle. Mais il n’oubliait pas sa haine, et il focalisa l’énergie de sa façon préférée.

« MEURS-MEURS ! » Hurla-t-il, alors qu’une série d’éclairs verts jaillirent de sa main, frappant l’une des bâtisses de la cité de plein fouet. C’était là que se tenait la chose-oiseau, il en était certain ! L’endroit explosa dans un craquement sinistre alors que la malefoudre pulvérisait bois, métal et cordages en un nuage de poussière et d’échardes. Respirant par saccades, complètement oublieux de la bataille qui se déroulait autour de lui, Relimus observait son œuvre d’un œil torve, le cœur battant à tout rompre et les dents battant les unes contre les autres. Quelques secondes passèrent. Aucun mouvement parmi l’amas de débris carbonisés. Mais il devait être sûr. Utilisant à nouveau la magie, il prononça la très courte formule de téléportation sans même y penser, et se retrouva instantanément dans le bâtiment en question, tous les sens aux aguets.

La pièce avait été une ruine avant même qu’il ne la détruise par magie, les quelques planches encore entières étant pourries, et les autres rongées, trouées, ou simplement absentes. Le sol était jonché de paille, de tissus poussiéreux éparpillés par la détonation, et désormais de bris de bois et de métal. L’odeur, s’il y faisait attention, était celle de la fourrure humide et des excréments, ce qui lui fit plisser le museau de dégoût. Vraiment, il était déjà scandaleux qu’il ait à ne serait-ce que poser la patte sur un sol aussi répugnant, mais le pire, c’est qu’il n’y avait aucune odeur de chair brûlée. Et ses yeux le confirmèrent vite : la chose-oiseau n’était pas là, vivante ou morte.

Tout à coup, venant d’une vingtaine de mètres à sa gauche, il sentit une nouvelle fois les flux magiques être canalisés par une puissance autre que la sienne. Chose-oiseau était là-bas ! Elle s’était échappée ! Ruminant à voix basses des imprécations, Relimus prépara à nouveau un sort de téléportation. Si cette créature voulait se battre, il allait lui montrer la puissance du plus merveilleux des prophètes gris !

*

Gottfried Von Urlauberg suait, beaucoup, alors qu’il courrait à la suite de Rottmann, le répurgateur moustachu sans pitié, et de Reiner, son propre écuyer au teint pâle. Fichue armure. Il n’était pas loin d’être exténué, n’étant pas habitué aux longues courses-poursuites que les dernières heures leur avaient imposées, mais il refusait de se plaindre. Penchant la tête pour esquiver la branche basse d’un arbre, il s’efforça de garder un bon rythme. Il n’était pas question de donner à Rottmann une raison supplémentaire de le mépriser, et de plus, il savait que faire la mauvaise tête ne servirait à rien dans l’épreuve à venir, et doutait de pouvoir se reposer avant longtemps. La tête haute, la moustache résolue, Herr Gottfried maintenait l’allure pendant la poursuite de…cette chose, immonde, qu’était devenu le sympathique frère Félix.

Frère Félix. Le souvenir de ce prêtre, au visage parfois dur mais souvent aimable, ce colosse d’homme qui semblait si inexorable lors de leurs affrontements, était vissé dans son esprit comme avec des boulons d’acier. Alors que la grotesque créature qu’il était devenu se faufilait entre les buissons et les branches, Herr Gottfried se lamentait intérieurement sur le sort que cet homme droit et juste avait subi, et avait du mal à retenir ses larmes. Que Morr m’emporte, tonna-t-il intérieurement, je n’ai pas le droit de me laisser aller maintenant, zut ! Il se savait prompt à de vives réactions émotionnelles, qu’il arrivait généralement à canaliser. Mais là, ce n’était pas facile. D’autant qu’à intervalle régulier, cette cloche sonnait toujours, de cette étrange tonalité désaccordée.

DOIENG…DIONG…DOOIIING

Cela faisait une dizaine de minutes que lui et les deux autres, qui menaient la course, s’étaient lancés à la poursuite de la créature mutante. Avec une démarche chaloupée très étrange, qui donnait l’impression qu’elle rampait tout en courant, elle les avait éloignés du village, les menant dans les bois environnants. Là, au milieu des chênes, hêtres et autres épicéas, elle les avait presque perdus, mais sa taille imposante et les longs râles rauques qu’elle poussait leur permettaient de la retrouver. De plus, il arrivait quelquefois à la créature de s’arrêter pendant une seconde ou deux, durant lesquelles elle tournait la tête de droite et de gauche en poussant des soufflements rauques, avant de repartir dans une direction légèrement différente de la précédente. Elle va à un endroit précis réalisa rapidement le kasztellan en fronçant les sourcils tout en courant, reste à savoir lequel.

Tout à coup, un autre râle, à sa droite, lui fit tourner brusquement son propre regard dans cette direction.

Et il se figea, les yeux exorbités.

Là, à une vingtaine de mètres, se trouvait une…chose…tout aussi difforme. Cette nouvelle abomination était à quatre pattes, mais à l’envers, ce qui ressemblait à ses pieds étant devant alors que ses bras servaient à présent de membres postérieurs. Son corps, obèse, ne semblait pas lui poser de problèmes pour se déplacer avec la vélocité d’un cerf. Mais le plus immonde était indubitablement sa tête, car même si à cette distance il était impossible d’en distinguer les traits, Herr Gottfried voyait très bien que le cou de cette créature s’était allongé de près d’un mètre, et se dressait dans les airs comme un long tentacule articulé. Des lambeaux de vêtements témoignaient qu’il s’agissait naguère, également, d’un être humain.

Un profond sentiment d’horreur envahit l’esprit du chevalier, qui remarqua à cet instant que Reiner et Rottmann s’étaient arrêtés en même temps que lui. Le répurgateur avait même fait tomber son chapeau pointu en passant sous une branche basse, et le récupérait sans un mot, tout en gardant la seconde créature mutante dans son champ de vision. Un pistolet brillait dans sa main, mais la chose, sans même paraître leur accorder d’attention, continuait cahin-caha sa propre progression à travers les arbres et les buissons, butant parfois sur une racine, sans ralentir pour autant. La main sur la poignée de son épée, Gottfried réalisa alors qu’ils avaient perdu de vue Frère Félix, ou ce qu’il était devenu, et étouffa un nouveau juron dans sa vaste moustache. Avec toujours cette cloche, qui sonnait, inlassablement.

DOOEENG

Il en fit part à ses compagnons de course, mais loin de sembler s’en émouvoir, Rottmann haussa les épaules. Le visage du répurgateur était luisant de sueur, mais son souffle était calme. Il avait manifestement l’habitude de ce genre de course.

« Ils semblent tous aller dans la même direction. Nous devrions retrouver Félix là où ils se dirigent. »

Ils ? Le kasztellan regarda autour de lui avec attention, et un puissant sentiment d’effroi le glaça jusqu’à la moelle. La forêt autour d’eux était constellée de mouvements alors que plusieurs autres grotesques et répugnantes créatures mutantes la traversaient, allant tous effectivement dans la même direction. Il se sentit blêmir. C’était un véritable musée des horreurs ambulant, avec ici un individu couvert de nombreux tentacules bleuâtres de plusieurs mètres de long, là une monstruosité à l’allure d’une énorme tête munie de pattes, qui se révéla être en réalité un homme dont le ventre avait enflé et sur lequel était apparu une bouche baveuse munie de crocs longs comme un doigt. Il aperçut également ce qui restait d’une femme, dont les jambes s’étaient agrandies et s’étaient arquées de façon à lui donner l’air d’une poule difforme, impression renforcée par le fait qu’elle était couverte de plumes aux couleurs criardes. Et il y en avait d’autres. De plus, ils n’étaient en fait pas du tout silencieux, et dans le coin de sa tête qui n’était pas halluciné devant ces apparitions, Herr Gottfried se demanda s’il avait été à ce point obnubilé par sa course qu’il ne les avait pas entendus. De là où il était, il entendait que certains poussaient les mêmes grognements sourds que Félix, mais d’autres donnaient dans les aigus. Il dut s’appuyer sur un arbre et lever les yeux au ciel tout en prenant de grandes inspirations pour ne pas immédiatement se mettre à vomir. La vue des nuages, si simples dans leur normalité et dont le faible nombre annonçait une belle journée d’automne lui fit petit à petit reprendre ses esprits. Il respira bruyamment, humant l’air aux senteurs de mousse et de fougères, s’accrochant à ces sensations familières avant de baisser à nouveau le regard pour affronter la réalité.

Devant lui, il vit que Rottmann et Reiner le regardaient fixement, l’un avec une pointe d’impatience, et l’autre avec le regard aussi profond que sans émotion qu’il arborait perpétuellement. Secouant la tête tout en grommelant que son écuyer n’était de toute évidence pas humain, il reprit brutalement sa marche et les dépassa.

« Bon, suivons-les ! » s’exclama-t-il en assumant sa mauvaise foi. Il n’allait tout de même pas être moins courageux que ce chasseur de sorcières d’opérette et que son propre écuyer !

Comme en écho, la cloche sonna une nouvelle fois.

DOOIIIIEEENG

*

Une demi-heure plus tard, ils avaient pénétré beaucoup plus profondément dans les sous-bois, à tel point qu’Herr Gottfried se dit en maugréant que retrouver leur chemin en sens inverse serait compliqué. Autour d’eux, il n’y avait que des arbres, encore des arbres. Ils n’avaient pas pris de sentier tracé, et ils devaient maintenant progresser sur un sol couvert de mousse et de feuilles mortes, qui montaient parfois jusqu’aux chevilles. Leur allure avait ralenti par la force des choses, mais il était établi maintenant que les mutants qu’ils suivaient allaient tous dans la même direction, et certains étaient plus lents que d’autres, leur permettant de reprendre leur souffle. Le soleil de l’après-midi échouait à leur apporter autre-chose qu’une légère tiédeur, souvent caché qu’il était par des nuages et par les épais feuillages de leur environnement sylvestre. Mais les trois hommes n’en avaient cure, étant à la fois concentrés et intrigués.

Alors qu’ils descendaient dans une petite combe ceinte de chênes, Herr Gottfried, reprenant petit à petit ses habitudes espiègles, s’était aventuré à demander à Rottmann pourquoi il n’avait pas tenté séance tenante d’exécuter toutes ces affreuses créatures difformes qu’ils étaient en train de suivre. Le répurgateur lui avait décroché un regard si noir que le kasztellan avait blêmi, son sourire s’effaçant aussi brusquement qu’une balle fauche une vie. Rottmann avait alors répondu qu’il valait mieux « voir où ils se dirigeaient, afin de les exterminer tous d’un seul coup, plutôt que de détruire la piste, et que même un gros imbécile comme vous aurait pu le deviner ». Herr Gottfried se dit que son intonation avait été assez froide pour congeler le Reik tout entier en plein été. Il ne fit pas de commentaire sur le fait que parmi eux se trouvait un de ses amis. Il doutait même que ce répurgateur taciturne avait pu avoir le moindre ami. Frère Félix n’avait sans doute pas été plus qu’un compagnon de route, et au vu du coup de feu qu’il avait tiré dans sa direction juste après sa transformation, il ne se faisait pas d’illusions sur la façon dont Rottmann considérait la chose.

DIOING parut répondre la cloche.

Mais, en atteignant le fond de la combe, le kasztellan réalisa alors avec une profonde mélancolie que lui-même n’avait pas la moindre idée de comment aider le prêtre-guerrier. Ce qui lui était arrivé était plus qu’une vulgaire blessure ou même la perte d’un membre. C’était son être tout entier qui avait disparu, son corps remplacé par un autre, et il doutait que quoi que ce fut puisse l’aider à présent. Rien dans ses connaissances ne pouvait lutter contre cette affreuse magie. Il frissonna à nouveau d’horreur, se demandant ce que le pauvre prêtre avait pu ressentir à ce moment-là. Avait-il senti la fin arriver ?

« Ne faites pas ça » ordonna alors Rottmann.

Herr Gottfried releva alors la tête, les sourcils froncés d’interrogation, et fixa l’homme au grand chapeau. Ce dernier le précédait, mais lui faisait désormais face et le fixait d’un regard autoritaire. Une légère brise faisait bouger le bouc du répurgateur de façon irrégulière. Plus loin, Reiner les attendait, ses yeux perçant examinant les alentours.

« Que je ne fasse pas quoi ? » Répondit Von Urlauberg, intrigué.

« Ne commencez pas à réfléchir sur Félix. »

Le chevalier était interloqué.

« Comment savez-vous…

- J’ai vu votre regard, et je connais ce genre de réaction. Parler de ces mutants vous a rappelé Félix, et j’ai bien vu que cette pensé vous a affligé. Là n’est pas le moment. Nous marchons vers la guerre. Ne pensez qu’à ça. Oubliez le reste ! »

Sur ces mots, tourna la tête et pressa le pas, laissant un Herr Gottfried déconcerté qui, une seconde plus tard, ravala sa salive et le suivit à grandes enjambées, faisant craquer les feuilles mortes sous ses pieds. Finalement, ce répurgateur avait peut-être quelques aspects rappelant les êtres humains…

L’écho de la cloche retentissait toujours. Le kasztellan, passablement lassé par cet instrument, demanda à Rottmann, d’un ton bougon, ce que ce son pouvait bien signifier. Il n’y avait pas de clocher visible aux alentours, et ce son ne faiblissait pourtant pas.

« Je l’ignore » avoua frontalement le répurgateur de sa voix nasillarde, tripotant son bouc sans même tourner la tête. Un temps s’écoula, puis il ajouta « mais elle ne peut être qu’issue d’un puissant maléfice. »

*

Ils en eurent encore pour quelques minutes de marche sur ce sol incertain et avant qu’un semblant de destination pointe à l’horizon. Ce fut Reiner qui, après un bref examen des environs, vint de lui-même se mettre aux côtés de son chevalier. Herr Gottfried en fut si surpris qu’il ne trouva aucune plaisanterie à faire sur le sujet.

« Ils semblent se diriger vers cet escarpement rocheux, mein Herr Ritter. » Déclara le jeune averlander au teint pâle sans détourner le regard. Le kasztellan, qui n’avait pas la tête à s’émouvoir une nouvelle fois des manières de son écuyer, plissa les yeux dans la direction indiquée tout en avançant. Il faillit se prendre les pieds dans un buisson pour cela, mais malgré ses jurons et le bruit de feuilles, qui déclenchèrent un nouveau regard noir de Rottmann, les mutants l’ignorèrent complètement. Le kasztellan réalisa qu’effectivement, ces créatures avaient l’air de converger vers une sorte d’affleurement, situé à environ cent mètres devant eux, mais encore difficilement visible, à cause de la végétation luxuriante qui les en séparait. Il devinait de loin que c’était une sorte de colline rocheuse, aux flancs escarpés. Chose étrange pourtant, les mutants n’avaient pas l’air de s’y agglutiner. Au vu du grand nombre de ces créatures qu’ils avaient suivis, il y aurait dû y avoir un attroupement, mais il n’en était rien.

« Auraient-elles disparues sous terre ? » Demanda-t-il à la cantonade, plissant sa moustache, tout en contournant le tronc d’un énorme chêne, « Ou alors le contournent-ils pour passer derrière ? ». Il espérait en finir au plus vite, car toute cette situation le mettait profondément mal à l’aise, sans compter leur propre vulnérabilité qui lui faisait craindre une embuscade. Les deux autres ne répondirent pas, continuant d’avancer précautionneusement à travers le sous-bois. Rottmann semblait scruter les broussailles avec attention, au point qu’Herr Gottfried commença à s’inquiéter. Avait-il repéré quelque-chose ? Mais le répurgateur gardait le silence, le visage fermé.

Quand ils parvinrent à une dizaine de mètres des rochers, il apparut que la première hypothèse du kasztellan était la bonne. Là, entre les buissons épais et les broussailles, les trois hommes s’aperçurent que se trouvait là l’entrée d’une grotte, par laquelle les derniers retardataires parmi les mutants s’engouffraient sans aucune hésitation, disparaissant soudain de la vue. Rottmann leva le bras, puis sans dire un mot, pointa du doigt la droite des rochers, leur signifiant par ce signe qu’il souhaitait s’y diriger plutôt que de foncer tout droit.

« Bon, nous allons devoir y entrer je le crains » chuchota-t-il une fois à l’abri des regards derrière un renfoncement. Mais Herr Gottfried ouvrit de grands yeux à cette proposition. « Vous êtes encore plus malade que vous en avez l’air ou quoi ? » murmura-t-il en donnant quand-même l’air de vociférer. « Ils doivent être des dizaines, voire plus, là-dessous. Et c’est sans compter la possibilité qu’il y en ait d’autres qui soient venus d’ailleurs. Nous ne sommes que trois, par Sigmar, trois. Si nous rentrons au Fort de Sang, je peux vous garantir que je mettrais tout mon poids dans la balance pour convaincre le grand-maître d’effectuer une opération militaire. »

Le kasztellan était éberlué. Il ne voyait pas ce que ce répurgateur voulait accomplir en jouant ainsi les héros. Foncer dans une grotte où se trouvaient de façon certaine des créatures énormes couvertes d’appendices capables de lui arracher la tête lui semblait être tout sauf sage. Qu’y trouveraient-ils ? La mort, certainement. Et une mort inutile encore plus certainement. Or, autant le courage avait de la valeur à ses yeux, autant la stupidité n’en avait aucune.

Mais Rottmann, une fois de plus, ne se laissa pas intimider par le refus net du chevalier. Il avait enlevé son chapeau et s’épongeait le front sans paraître affecté outre-mesure par la réplique cinglante du chevalier. Quand il se couvrit à nouveau la tête, ce dernier vit clairement les yeux du répurgateur briller et un sourire sombre fendre son visage dur. « Nous ne devons pas y aller pour triompher de quoi que ce soit, mein Herr. Nous devons y aller pour savoir ce qu’il se passe. Nous n’avons simplement pas le temps de faire demi-tour. Si nous partons maintenant, qui sait ce qu’il peut arriver ? Qui sait quelles informations cruciales pourraient nous passer sous le nez ? Je souhaite éradiquer la menace, mais frapper au hasard contre une force capable de détruire nos armées en les transformant en mutants, ce n’est pas une perspective qui me convient.

- Pourtant, » répliqua le chevalier avec mépris tout en croisant les bras, « frapper au hasard, c’est ce que vous vouliez faire lorsque vous êtes venus quérir notre aide au fort. » Rottmann soupira à cette remarque, puis répondit tout en plantant ses yeux dans ceux d’Herr Gottfried.

« À ce moment-là, je pensais que nous n’avions affaire qu’à un culte hérétique sans importance. Là, nous sommes face à un complot bien plus important, qui est certainement ourdi par des gens très puissants et qui se cachent dans l’ombre. » Il croisa à son tour les bras et toisa le chevalier malgré le fait qu’il fasse dix centimètres de moins, en hauteur comme en largeur. « Et je veux avoir un maximum d’éléments avant de frapper. »

Herr Gottfried ne sut quoi répondre, se contentant de faire la moue tout en levant les yeux vers les nuages. Ce satané fanatique avait le don de le mettre en rogne tout en ayant des idées parfaitement défendables. De mauvaise grâce, il finit par s’entendre répondre : « Bien. Mais au moindre signe que nous risquons notre peau de façon disproportionnée, il nous faudra partir. Nous ne servirons à personne une fois morts. » Puis, se tournant vers son écuyer, il éleva la voix en durcissant le ton : « Reiner ! » L’intéressé tourna son visage pâle et glabre vers lui, fichant ses yeux gris acier dans les sien. Mais le kasztellan ne le laissa pas répondre. « Va nous trouver de quoi faire des torches. Nous allons pénétrer dans cette caverne. »

L’Averlander ne pipa mot en se dirigeant vers le sous-bois, et revint rapidement avec plusieurs branches de résineux brisées net. Rottmann avait sorti l’une des nombreuses gourdes métalliques qu’il transportait sur lui, ainsi que quelques morceaux de tissus, en grommelant quelque-chose sur l’importance d’être toujours capable de fabriquer ce genre d’outil indispensable. Si Herr Gottfried supposa que la présence de liquide inflammable sur le répurgateur n’était pas seulement dans le but de s’éclairer, mais aussi pour allumer des bûchers, il se garda bien d’en faire part. Bientôt, ils furent tous les trois équipés de torches enflammées, tout en gardant quelques branches pour en faire d’autres. Le feu réchauffait agréablement le visage du kasztellan. Entre-temps, la quasi-totalité des créatures mutantes étaient entrées dans la grotte, et la forêt avait retrouvé son calme, avec ses bruissements de feuilles, ses cris d’oiseaux et son vent dans les broussailles, entrecoupés des sons de cloche éraillés. L’ambiance parut à Herr Gottfried être comme le prélude à une tempête d’une violence inouïe.

*

Quelques dizaines de minutes plus tard, tous trois crapahutaient dans une galerie juste assez large pour qu’ils marchassent à trois de front. Les murs étaient rugueux, et le sol, pentu et irrégulier, était à peine mieux, de sorte qu’ils avançaient à un faible rythme, trébuchant presque un pas sur deux sur une excroissance rocheuse. Autour d’eux, l’obscurité était totale, presque impénétrable, et il semblait à Herr Gottfried que sa torche avait de plus en plus de mal à percer ces ténèbres oppressantes. Chaque son résonnait pendant plusieurs secondes sur les parois de la caverne, semblant venir de tous les côtés à la fois. Et il avait surtout l’impression d’être épié. Cette sensation, il la connaissait par cœur. Elle venait de la faiblesse, de la vulnérabilité de leur situation : trois hommes dans un souterrain étroit, sans repère ni soutien, qui n’y voient pas à cinq mètres devant eux. Et cette impression de fragilité était fortement accentuée par les cris sinistres qui retentissaient parfois dans toute la galerie, des cris parfois aigus, parfois graves, et toujours inquiétants. Ils rebondissaient dans un écho qui paraissait sans fin, et ne s’évanouissaient qu’après une éternité. Le silence qui les suivait était encore pire. Et malgré cela, ils avançaient.

Von Urlauberg avait bien reconnu que ce tunnel était en effet artificiel, car une grotte naturelle a généralement des parois lisses formées par l’écoulement de l’eau, mais il fut impressionné par le niveau d’expertise du répurgateur, même si pour rien au monde il ne le lui aurait dit. En effet, très tôt, Rottmann avait identifié l’origine du tunnel. « Ce sont les skavens qui ont creusé ça. Voyez là, et là, ce sont les marques de leurs outils. » Il désignait de son doit ganté des marques dans la roche, des petits creux ou de légères entailles, apparaissant à intervalle régulier. « Cette roche doit être molle pour qu’ils aient pu s’y prendre avec des pioches et des pelles, sans utiliser de machine infernale. » Reiner, droit comme un I, scruta l’endroit désigné avec attention, comme s’il espérait y voir apparaître une réponse.

Un instant, le kasztellan se demanda de quoi il parlait au sujet de ces machines infernales. Puis lui revinrent en mémoire les témoignages glaçants de ses compagnons d’arme, quatre années auparavant, après la funeste bataille souterraine à laquelle son ordre s’était livré. Le visage stoïque mais la voix tremblante, plusieurs chevaliers ou simples soldats avaient évoqué des appareils diaboliques crachant des flammes vertes, et des protubérances métalliques d’où jaillissaient des éclairs. Il les avait à moitié crus, malgré leur insistance, car sur le moment ils paraissaient avoir à moitié perdu la raison. Mais Rottmann était calme, sa voix était posée, et avait véritablement l’air d’un expert en la matière. Herr Gottfried fut pris d’un tremblement soudain à la pensée, fugace, de se trouver face à une machine conçue pour creuses la roche dure. Il serra les dents, et referma la main sur la poignée de son épée. Cela lui fit du bien. Dans son autre main, la torche crépitait, projetant des ombres dansantes aux alentours. Pour l’instant, aucune horreur mécanique à l’horizon.

Petit à petit cependant, au cours de leur avancée, un léger bourdonnement se fit entendre, comme si des milliers de cordes vrombissaient dans le lointain. Ce bruit supplanta le silence, faisant se croiser des yeux intrigués surplombant des bouches hermétiquement closes parmi les trois hommes. Il ne fallait plus faire le moindre bruit ! Avançant à pas précautionneux, ils continuèrent leur progression alors que les lueurs mouvantes de leurs torches éclairaient leurs traits tirés par l’appréhension. Le bourdonnement devenait de plus en plus fort au fur et à mesure qu’ils s’enfonçaient dans les profondeurs de la terre. Les cris qui déchiraient parfois le silence s’étaient finalement tus. Seule la cloche, éternelle présence, continuait de sonner ses notes dissonantes à intervalle régulier, son timbre ne changeant jamais. Rottmann, un pistolet à la main, jouait nerveusement avec le chien de l’arme, signe d’une inhabituelle agitation chez lui. Reiner avançait par saccades, en mouvements brusques suivis par des pauses où il restait immobile, scrutant chaque recoin, mettant tous ses sens à l’épreuve. L’imposant kasztellan Von Urlauberg, lui, se contentait de tenir la poignée de son épée tout en tenant sa torche levée. Il n’avait aucun doute que des dangers se trouvaient devant lui, et était déterminé à les repousser coûte que coûte. Il sentait le poids de la responsabilité pesant sur ses épaules, une responsabilité concernant certainement la région, voire le Wissenland tout entier. La déclaration de Rottmann lui revint en mémoire : « Nous marchons vers la guerre. Ne pensez qu’à ça. Oubliez le reste pour le moment. » C’était un bon conseil, mais il avait le plus grand mal à l’appliquer.

Au bout d’un moment, le tunnel dans lequel ils marchaient déboucha sur un autre, bien plus large et haut de plafond, qui partait lui aussi en pente douce vers les profondeurs. Les trois hommes s’y engouffrèrent avec prudence, ressentant presque des milliers d’yeux les épiant dans l’ombre. Le vrombissement était toujours présent, et semblait plus intense. La lumière de leurs torches révéla des ensembles de poutres, de cordages et de rivets grossièrement assemblés sur les murs et le plafond. À cette vue, Reiner s’arrêta net.

« J’ai déjà vu ça Mein Herr. » dit-il laconiquement. « Dans les tunnels des hommes-rats, proche de leur cité. »

Herr Gottfried tourna vers lui des yeux emplis d’inquiétude.

« Tu penses que nous nous en approchons ? »

Reiner ne bougea pas d’un cheveu. « Je dirais que nous en sommes très proches. La dernière fois que j’ai vu ce genre de tunnel, nous étions à quelques centaines de mètres de la ville. Ou de ce qui en tient lieu. »

Le kasztellan vit Rottmann hocher lentement la tête. Avec l’obscurité ambiante, son chapeau à large bords cachait la majeure partie de son visage, de sorte qu’on ne voyait de sa tête que le reflet des flammes dans ses yeux et son bouc. C’était une vision sinistre.

Avant de reprendre leur avancée dans le nouveau tunnel, Rottmann grava avec une pierre un symbole à l’entrée du tunnel qu’ils venaient de quitter, afin de le retrouver facilement. Puis ils se mirent à nouveau en route, se dirigeant vers le bas après que Reiner leur ait indiqué que selon toutes probabilités, c’était là que se trouvait la cité skaven, et donc les informations qu’ils recherchaient. Ils profitaient d’un sol plus régulier pour faire le moins de bruit possible. Chaque pas semblait se répercuter en écho à des kilomètres à la ronde. Ils savaient tous que la discrétion était leur seule chance. Leurs torches les rendaient aussi faciles à suivre qu’un cheval dans une niche, mais elles étaient leur ligne de vie. Sans lumière, ils mourraient. Herr Gottfried laissa presque échapper un rire nerveux. Douloureuse certitude que celle qui assure que ta seule chance de survie est aussi ta meilleure chance de mourir.

Et alors qu’ils continuaient leur lente progression dans ce tunnel anguleux aux nombreux virages abrupts, le vrombissement constant finit petit à petit par se scinder. Il y avait des cris, nombreux, de joie et d’agonie, comme poussés par des milliers de bouches, tantôt aigues tantôt graves, brefs autant que longs. Il y avait des bruits métalliques, tintements et raclements. Et il y avait des bruits sourds, ceux de dizaines de milliers de pas qui frappaient le sol. Et avec cela vint la lumière. Une lumière faiblarde tout d’abord, mais bien présente, qui semblait toujours venir de plus loin, chaque virage révélant une portion de couloir plus éclairée que la précédente. Tous trois commencèrent à réaliser que manifestement, ils n’étaient plus seuls. Pourtant, rien ne les avait préparés à la vision qui s’imposa à eux quand ils passèrent le dernier virage.

Ils débouchèrent sur une sorte de promontoire rocheux qui dominait une falaise, faisant alors face à une caverne aux dimensions gargantuesques. Le plafond, illuminé par des pierres luminescentes verdâtres situé sur les murs, était à plusieurs dizaines de mètres, et en contrebas s’étendait la ville des skavens. Toute en poutres, en cordages, en bâtiments bigarrés reliés par d’improbables passerelles et échafaudages, elle était aussi vaste que Nuln, et avec des baraquements bien plus concentrés. Mais ce qui attira leurs regards en premier lieu était l’immense construction située en son centre, une tour proprement colossale avec en son sommet une cloche. La cloche, se dit Herr Gottfried, au vu de l’intense lumière bleutée qui semblait l’entourer. Et cette cloche sonnait, se balançant lentement d’avant en arrière avec régularité, semblant laisser un sillage de flammes bleues ciel, et émettant à chaque fois un carillonnement qui sonnait…faux. Et irréel.

DOINIENG…DIONG…DOEING

Le kasztellan était proprement hypnotisé par cette vision, sa moustache déformée par le « O » muet formé par sa bouche. Il s’était attendu, quelque-part, à être confronté à quelque-chose de redoutable, de terrifiant, mais pas à tomber sur la fameuse cité des hommes-rats. Cité qui d’ailleurs, en y regardant de plus près, était dans le chaos le plus total. Les bruits de combats étaient partout, semblant venir de chaque recoin. Et des combats, il y en avait. Beaucoup. On pouvait deviner, sur les toits, dans les rues, sur les passerelles, d’innombrables silhouettes qui s’affrontaient entre elles. Certaines, grosses, ne pouvaient être que les créatures mutantes dans l’esprit du kasztellan. Les autres, bien plus petites et nombreuses, étaient certainement les hommes-rats. De la fumée s’élevait de plusieurs constructions, des volutes grises et épaisses qui se rejoignaient en un nuage planant au-dessus de l’endroit comme un gigantesque oiseau de proie.

*




Dernière édition par Arcanide valtek le Sam 7 Jan 2023 - 22:28, édité 3 fois

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Ven 29 Juil 2022 - 18:08
« J’espère qu’ils reviendront bientôt, et vivant. »

La phrase de Wilhelm brisa le silence pesant qui s’était installé depuis que Lydia et lui s’étaient retrouvés seuls. Depuis le départ précipité de Reiner, Rottmann et d’Herr Gottfried à la poursuite de…la chose qu’était devenu Frère Félix, pas un mot n’avait franchi les lèvres des deux jeunes gens enfermés dans la maison sous le moulin. Les seules choses que Wilhelm avait faites, ç’avait été de nettoyer rapidement la pièce après le départ des autres, puis de manger un morceau de pain trouvé dans un placard. Ça lui avait fait du bien. Debout près de la fenêtre, il avait décidé de regarder Lydia le moins possible afin de ne pas être distrait par sa silhouette, et tentait vaguement de faire le point sur ce qu’il ressentait actuellement. Et ce tout en faisant le guet en jetant régulièrement des regards par les interstices dans la fenêtre barricadée, et en essayant de ne pas être dérangé par les désormais constants sons de cloche faux qui résonnaient de temps à autre.

Le résultat était assez confus.

Lydia le perturbait au plus haut point, ça c’était indéniable. Mais qu’est-ce que cela voulait dire ? Etait-ce le coup de foudre, l’amour au premier regard comme ce qu’on voit dans les récits et les légendes ? Ou était-ce simplement un désir physique ? Il avait déjà ressenti du désir pour plusieurs jeunes femmes, mais jamais cela ne s’était exprimé de cette façon. Et bien évidemment, messire Guy, qui pourtant n’était pas avare de conseils concernant la gente féminine, était en train de dormir, sa guérison et l’interrogatoire intensif qui avait suivi l’ayant épuisé. Aucune aide possible de ce côté-là donc. La main posée contre le montant de la fenêtre, Wilhelm jeta un œil distrait vers la porte derrière laquelle Guy dormait à point fermé. Il avait encore en mémoire cette impression, cette pitié, ressentie lorsque le bretonnien, au comble du désespoir, avait livré le récit de ses heures les plus sombres en pâture à un Rottmann avide de le lui arracher. Ce sentiment, c’était la première fois qu’il l’éprouvait envers quelqu’un qui normalement incarnait l’autorité. Et maintenant, c’était presque pire, puisqu’il devait le protéger. C’était à lui, Wilhelm, de protéger son chevalier. La situation était nouvelle, et l’emplissait d’une responsabilité qu’il n’était pas certain de pouvoir accepter. Mais cette mission, sa mission, il tâcherait de la remplir au mieux, quand bien même il ne se sentait pas prêt. Wilhelm poussa une grande inspiration. Il devait l’être. Il n’avait pas le choix.

« Moi non. »

Il lui fallut une seconde pour comprendre que Lydia avait parlé. Assise dans un fauteuil près de la cheminée, le visage tourné vers l’âtre, elle s’était exprimée avec un ton péremptoire, cassant. Wilhelm sentit ses joues s’enflammer pendant les longs instants qui suivirent. Allez, répond-lui, elle ne va pas te manger, se dit-il confusément. De toute façon, ça ne peut pas être pire que tout à l’heure, quand je l’ai traitée comme une gamine.

« Je sais qu’ils n’ont pas tous fait bonne impression. Herr Rottmann s’est comporté comme un paranoïaque dégénéré, c’est vrai. Mais les autres sont mes compagnons d’arme. Je ne voudrais pas qu’il leur arrive quoi que ce soit. »

Wilhelm avait tenté de prendre un ton conciliant, mais il sentait qu’il marchait sur des œufs. Cependant, la réponse le surprit au-delà de ses espérances.

« Je ne t’ai pas remercié pour t’être interposé entre lui et moi tout à l’heure. Désolé. »

Elle tourna alors vers lui ses grands yeux à la couleur indéfinissable, et Wilhelm ne put s’en détacher. C’était comme si son regard était magnétisé par le sien. Pourtant, loin de paraître s’en apercevoir, Lydia continua sur le même ton radouci.

« Merci de l’avoir fait. C’était stupide, irréfléchi et ça aurait pu te faire tuer. Mais merci. »

Wilhelm se sentit rougir comme une pivoine. Là, tu dois lui répondre, sombre crétin. Il savait que c’était le moment idéal, mais répondre quoi ? Il ferma les yeux, poussa un long soupir, et essaya de se rappeler pourquoi il s’était placé ainsi entre la jeune fille et le canon d’un pistolet tenu par un maniaque. Un autre son de cloche retentit, brisant momentanément le silence.

Il finit par retrouver un semblant de paix intérieur. Diantre, mais elle le perturbait vraiment si le simple fait de la regarder lui faisait perdre ses moyens. Là, les yeux fermés, il put se recentrer sur ce qui s’était passé, quand Rottmann, au comble de l’exultation, un sourire malsain vissé sur le visage, avait braqué son arme sur Lydia. Et sur la rage que ça avait déclenchée dans tout son être.

« Je n’aurais pas pu faire autrement » finit-il par répondre. « Je suis apprenti chevalier, et un chevalier ne laisse pas faire une injustice sous ses yeux sans réagir. »

Seul le silence lui répondit. Intrigué, Wilhelm rouvrit les yeux, et s’aperçut que Lydia le dévisageait. Décontenancé, il se tourna à nouveau vers la fenêtre. Il en était venu à détester la vue de cette ouverture grossièrement refermée à coup de planches qu’il avait clouées à la hâte, mais au moins son cœur ne battait-il pas la chamade quand il la regardait. Il souffla un bon coup.

« Je suis désolé de t’avoir parlé comme à une enfant tout à l’heure. En vérité, je trouve que malgré ce qu’on a vécu ce matin, tu t’en sors très bien. La première fois que j’ai vu des hommes-rats, j’étais terrorisé.

- Parce que tu en avais déjà vu ? »

La voix de Lydia était désormais empreinte de curiosité. Wilhelm repensa alors à la bataille où ses compagnons et lui avaient fait leurs premières armes. Et où plusieurs étaient morts. Ce souvenir lui était difficile, mais il ressentait le besoin d’en parler. Parler de ce qui lui faisait mal s’était souvent révélé être un bon moyen de soulager la douleur, et Lydia paraissait compatir.

« Oui. C’était il y a quatre ans, pas loin d’ici. Ils nous ont tendu une embuscade. Beaucoup des nôtres sont morts. On en a tué plein, mais ce n’était jamais suffisant. On a dû s’enfuir. »

Il y eut un silence. Puis Lydia, la voix soudain tremblante, demanda :

« Tu crois que mes parents sont morts ? Tu crois qu’ils les ont tués ? »

Wilhelm réfléchit quelque secondes. Il aurait voulu lui dire à nouveau que ses parents étaient en vie, mais il avait eu la démonstration qu’elle n’aimait pas qu’on lui mente pour la rassurer. Alors, tout en se retournant pour à nouveau lui faire face – comme si cela renforçait le sérieux de sa réponse – il déclara avec franchise :

« Honnêtement, je ne sais pas. Quand ils nous ont attaqués, c’était bien préparé, mais ils ont agi avec brutalité et sauvagerie. Ils voulaient nous tuer. Un enlèvement, c’est plus subtil. Et c’est le patriarche qui a fait disparaître tes parents, pas les hommes-rats. Après, il peut être leur complice, mais ça n’aurait pas de sens de faire disparaître des gens pour ensuite simplement les tuer. Il doit y avoir quelque-chose d’autre derrière ça. »

Il s’était pris le menton dans les mains en prononçant cette dernière phrase, et frotta machinalement son début de barbe. Ce n’était pas le genre de choses avec lesquelles il était habitué à composer. Durant ses pérégrinations dans la campagne du Wissenland avec messire Guy, ils avaient toujours eu affaire à des menaces relativement directes. Bandits et créatures malfaisantes avaient été leur lot, mais à aucun moment il n’avait eu à démêler l’écheveau d’une conspiration complexe. Plus il y pensait, plus l’arrivée des hommes-rats dans le temple lui paraissait indiquer une complicité entre le patriarche et ces skavens. Mais pourquoi ? Rien que de penser aux implications de cette question lui donnait le tournis. Lydia, toujours assise dans son fauteuil, s’était contorsionnée pour lui faire face. Son visage affichait des signes de résolution.

« S’ils sont vivants » déclara-t-elle, « il faut absolument les retrouver. Dès que possible, il faudra retourner en ville pour faire parler le patriarche. Ce vieux salaud nous a trompés. » Tout en parlant, elle frappa du poing sur l’accoudoir.

Wilhelm, toujours dos à la fenêtre, fronça les sourcils, puis se rappela d’un détail crucial.

« Il n’y est plus. On ne sait pas où il est.

- Comment ça ? » La voix de la jeune fille perdit un peu de son assurance.

« Messire Guy l’a frappé de son épée, et il a…il a pratiqué de la sorcellerie. » Wilhelm était mal à l’aise avec ce souvenir. Il n’avait guère d’expérience avec la magie, si ce n’est qu’il savait que c’était rare, et interdit, car seuls les êtres les plus malfaisants en usaient. « Il a fait surgir des flammes, s’en est enveloppé, et après il avait disparu. Il n’y avait même pas de cendres. Je pense que ça ne l’a pas tué, que ça l’a seulement…éloigné. »

Il avait dit ça en gardant les yeux baissés, le souvenir étant encore confus, car tout s’était passé si vite dans le temple. Lydia, elle, s’était levée, le visage catastrophé.

« Mais…tu te rends compte de ce que tu me dis ? Tu te rends compte ? Ça veut dire qu’on n’a pas la moindre piste pour remonter jusqu’à mes parents ! Tous les pèlerins pourpres sont morts, ça au moins je l’ai vu. Qui peut nous en parler, à présent, hein ? Qui ? »

Elle avait haussé le ton, jusqu’à presque crier à la fin, et la fin de sa tirade fut ponctuée d’un grand coup de poing sur le mur, qui par un hasard étrange coïncida avec l’un des DOING faux de la cloche. Si cela lui causa une quelconque douleur, elle n’en montra rien. Wilhelm était éberlué par cette réaction. Mais il avait déjà vécu des situations de désespoir semblable, et se souvint qu’il avait lui-même mal réagi parfois. La jeune fille, le regard baissé, paraissait à présent inconsolable.

« Je leur ai causé tant de soucis, à repousser ou terrifier tous ceux qui auraient pu faire un bon parti, et voilà qu’ils sont…, qu’ils sont… »

Une exclamation l’interrompit.

« Ma Dame…Ma Dame ! »

Wilhelm et Lydia se regardèrent en silence. C’était Guy qui avait crié, et sa voix avait quelque-chose d’étrange. Comme s’il pleurait.

Sans attendre, Wilhelm se précipita vers la porte donnant sur la petite chambre, l’ouvrant à la volée. La scène qu’il découvrit le laissa pantois. Agenouillé au pied du lit, Guy n’était plus allongé du tout. Vêtu de sa seule chemise et de ses sous-vêtements, il tenait son épée dégainée et la pointe plantée dans le parquet, comme s’il s’appuyait dessus. Mais ce qui frappa Wilhelm, c’était son visage. Guy avait en effet le regard orienté vers le haut, semblant fixer le milieu du mur face à lui, et son expression était celle d’un immense bonheur. Ses yeux étaient emplis de larmes, mais aussi de soulagement. Cependant il y avait…autre-chose. Quelque-chose qui rendait la scène plus étrange encore.

Ce fut un instant plus tard que Wilhelm comprit, car une seconde après que Lydia et lui eurent déboulé dans la chambre, la lumière y diminua fortement. Les quelques bougies posées sur la table de chevet n’auraient jamais pu diffuser une telle luminosité, et pourtant, Wilhelm en était à présent certain : cette pièce avait été baignée de lumière.

Son désarroi était tel devant cette scène qu’il ne sut comment réagir. Guy se leva alors lentement, l’épée toujours à la main, et sécha ses larmes du revers de la manche. Il avait l’air en pleine forme, comme si la faiblesse qui l’avait accablée après sa blessure avait disparu. Son apparence ne payait pas de mine, avec ses cheveux mi-longs décoiffés et trempés de sueur, et son allure débraillée et déguenillée. Mais il irradiait soudain de lui une aura d’assurance et d’autorité nouvelle. C’était une véritable transformation.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? » demanda Lydia sur un ton colérique. Manifestement, ses propres émotions ne l’avaient pas quitté. Mais Guy ne sembla pas l’entendre. Le regard du bretonnien prit une expression déterminée, et sa voix sonna, claire comme lors de leur première rencontre.

« Wilhelm, au trot ! Je veux être prêt de pied en cap dans les cinq minutes ! Par la Dame, c’est assez de temps perdu. »

Abasourdi, Wilhelm laissa alors faire ses réflexes, acquis après tant d’années à servir. Instinctivement, il se saisit des vêtements du chevalier et commença à le vêtir et à l’armer, tandis que son esprit travaillait d’arrache-pied. Que s’était-il passé ? Cette lumière, ces pleurs, ce nouvem aplomb de Guy, et la disparition totale – il le constata en l’habillant – de sa blessure à la jambe, tout cela n’était pas normal.

Son interrogation devait se lire sur son visage, car, tout en restant immobile pour permettre à son écuyer de remplir son rôle, Guy déclara avec force :

« La Dame m’est apparue en rêve, Wilhelm. Elle m’a parlé, à moi, chevalier qui ne mérite même pas son attention après ce que j’ai fait. »

À ces mots, il semblait déborder de ferveur. Ses yeux brillaient, sa bouche tremblait. Son bonheur était presque palpable.

« Elle m’a dit » continua-t-il, « que je devais affronter les forces du mal qui sévissaient sous nos pieds. Et que je devais rendre justice auprès de mon ancien compagnon, qui s’est détourné de la vertu. Cette quête m’apportera Son pardon, si je la mène à bien. Son pardon Wilhelm ! Le pardon de la Dame ! »

Wilhelm ne comprenait plus rien. Il aurait volontiers pensé que son chevalier avait simplement fait un rêve très agréable, mais ça n’expliquait pas la lumière, ni la blessure disparue que même les pouvoirs de Frère Félix – ses dents se serrèrent en repensant au prêtre – n’avaient pas pu totalement soigner. Mais de là à penser à une manifestation divine… Non, ce n’était pas son rôle. Lui devait obéir, car à priori messire Guy était en pleine possession de ses moyens. Ainsi, il l’équipa de ses braies, de son gambison, et de sa maille, malgré la zone abimée par le coup d’épée de Ferragus. Au début, Lydia observait la scène sur le pas de la porte, l’air aussi étonnée que Wilhelm de l’état du chevalier. Mais finalement, s’appuyant sur le manteau de l’ouverture, ce fut elle qui fit la conversation.

« Si je comprends bien, vous avez l’intention de partir combattre vous aussi ? Mais vous étiez dans un état pitoyable il y a à peine une demi-heure. Ce n’est pas sérieux, mein Herr, avec tout le respect que je vous dois. »

Sa voix était teintée d’incrédulité et de sévérité. Mais Guy ne l’entendait pas de cette oreille, et répondit sans se départir de son humeur déterminée, et avec sa verve habituelle.

« Mademoiselle, soyez assurée que je ne me suis jamais aussi bien porté. La Dame m’en est témoin séant, je connais ma mission et je n’y faillirai point. Mais dites-moi plutôt, vous qui semblez prompte à donner du plat de la langue, ce qu’il est advenu de nos autres compagnons. »

La demande fit baisser le regard à Lydia, qui ne souhaitait visiblement pas aborder le sujet. Pas plus que Wilhelm d’ailleurs, dont l’attention fut momentanément accaparée par la question, tant il n’avait pas réfléchi à la façon dont il en informerait Guy. Ce fut la jeune fille qui répondit la première, d’une voix hésitante.

« Le prêtre, celui qui était chauve, s’est transformé en…en un monstre. Ils le pourchassent en ce moment même. »

Guy écarquilla les yeux et entrouvrit la bouche, sans répondre. Wilhelm en profita pour essayer de meubler, tout en le ceignant de sa ceinture.

« Frère Félix a été victime d’un maléfice. Il est devenu méconnaissable, son corps s’est tordu, s’est boursouflé... Je ne sais pas comment le décrire. Il a franchi la fenêtre d’un seul bond avant de s’enfuir. Mein Herr Von Urlauberg m’a ordonné de veiller sur Lyds…mademoiselle Neisser, avant de s’élancer à sa poursuite, accompagné de Reiner et d’herr Rottmann. Ils ne sont pas reparus depuis. C’était il y a bien vingt minutes. »

Pendant un instant, Wilhelm crut que la nouvelle avait anéanti la nouvelle détermination de son chevalier. Guy resta d’abord sans bouger, les sourcils froncés et les yeux dans le vague, la bouche plissée en ce qui semblait être une intense réflexion. Mais cela ne dura que quelques secondes.

« Wilhelm, toi et moi devons partir. »

Ce fut au tour de Wilhelm d’écarquiller les yeux. La surprise que lui causa cette déclaration lui fit presque lâcher le heaume du chevalier alors qu’il s’apprêtait à le lui donner.

« Parti ? Mais où ? Et pourquoi ?

- La Dame m’a montré le chemin, n’écoutes-tu donc point ? Je sais que je dois trouver Ferragus, et je sais que je dois le vaincre. Et avec lui la secte à laquelle il s’est acoquiné. Tous affronteront la justice, incarnée par nos bras et nos lames. »

Pour Wilhelm, c’était de plus en plus certain que Guy avait perdu la raison. Les manifestations divines, ça n’existait que dans les livres. Ou autour des prêtres comme Frère Félix. Mais il avait envie d’y croire, cette solution était bien plus préférable à celle qui voudrait que Guy, terrassé par la fièvre et la mauvaise conscience, ait définitivement perdu toute prise sur la réalité. Et il restait cette lumière, qu’il n’expliquait pas. Se pourrait-il que ç’ait été la lumière divine de la Dame du lac ?

Il n’avait simplement pas le temps d’y réfléchir, car son attention était accaparée par un autre détail dans le discours de Guy.

« Mais, messire, vous suggérez que l’on désobéisse au kasztellan ? Et que l’on laisse Lyd…fraulein Neisser seule ? Devant tous les dangers qui se trouvent dans ce village ? »

Guy balaya ces protestations d’un ton sans réplique alors que, en armure et l’épée battant son flanc, il quittait déjà la pièce pour rejoindre la porte d’entrée dans un concert de cliquetis. Le jour continuait de filtrer à travers les planches, éclairant la scène d’une lumière blanche diffuse.

« Les ordres du kasztellan n’ont pas préséance sur ceux de la Dame, jeune impudent. Et concernant votre sort, mademoiselle, sachez que je ne vois qu’une solution. Le Fort de sang se trouve à quelques jours de marche d’ici, et nous ne pouvons pas les laisser dans l’ignorance de ce que nous avons vu. Je vais vous faire charger de transmettre un message au grand-maître. Wilhelm et moi allons au-devant de dangers tels que nous devons prendre des précautions au cas où aucun de nous ne reviendrait de ce voyage. »

L’ordre avait été clair. Mais Lydia ne l’entendait pas de cette oreille. Son visage s’empourpra alors que l’indignation luisait dans ses grands yeux en amande.

« Vous croyez que je vais simplement vous obéir parce que soudain vous arrivez à vous lever ? Je vous signale que mes parents sont encore disparus, et qu’ils sont peut-être avec cette secte dont vous parlez. »

Elle se planta devant Guy et pointa son index devant son visage, affrontant du regard le bretonnien sans faillir.

« Je n’ai pas l’intention de partir avant que ma famille et moi soyons réunis. Mettez-vous bien ça dans le crâne. »

D’un geste doux, Guy détourna le bras de la jeune fille. Lorsqu’il lui répondit, ce fut tout d’abord avec un ton bien plus aimable et moins autoritaire, mais petit à petit sa voix se fit de plus en plus dure.

« Mademoiselle, sachez que rien ne me ferait davantage plaisir, en cette heure sombre, que de vous réunifier avec vos parents. Mais vous devez comprendre le danger. Là dehors, et certainement sous nos pieds, se trouvent des hordes de créatures dont le seul but est de nous anéantir, tous autant que nous sommes. Elles veulent nous détruire, nous massacrer, danser sur nos cadavres, et balancer nos restes dans une oubliette. Je ne le permettrai pas, et moi vivant vous ne serez jamais touché par ne serait-ce que le bout de leurs ongles. Mais comprenez-moi bien. Ils sont nombreux, très nombreux. Et ils sont sournois, vicieux, et sans aucune pitié. Notre conjoncture n’est point des meilleures, et sachez que je ne souhaite pas qu’elle empire. Vous seule ici feriez une cible des plus facile. Vous avec nous ce serait encore pire. Je ne peux rester ici pour vous protéger, et il est du devoir de Wilhelm de me suivre. La seule et unique solution est donc que vous partiez aussi, et loin. »

Wilhelm, qui arrivait à la porte à ce moment-là, fut témoin des efforts que faisaient Lydia pour ne pas lancer de réplique cinglante alors que les mots de messire Guy faisaient leur chemin dans ses pensées. Le visage de la jeune fille était crispé, ses poings serrés, et ses sourcils froncés, ce qui lui donnait un air effrayant. Au bout de plusieurs secondes où Guy et elle se défièrent du regard, elle prit une grande inspiration en fermant les yeux.

« Très bien » murmura-t-elle, « donnez-moi ce message et allez-vous-en ».

Guy plongea alors la main dans les replis de ses vêtements, et en tira un objet que Wilhelm crut d’abord être une pierre, avant de s’apercevoir que c’était un bijou. Une chevalière de métal doré. Wilhelm plissa les yeux de surprise, car il n’avait jamais vu cet objet. Le chevalier la contempla un instant, l’air perdu dans ses pensées, puis la tendit à Lydia.

« Donnez ça à mein Herr Bastian Von Alte Brücke, le grand-maître. Il saura que ça vient de moi. Dites-lui ce que nous avons vu, et que nous avons besoin d’aide. Il fera le nécessaire. » Il hésita un instant, puis ajouta d’un ton badin « ah, et nous allons avoir besoin de ce briquet, là » en pointant du doigt un objet trônant sur la cheminée.

Lydia empoigna la bague, et lui grommela de prendre ce qu’il voulait. Guy inspira alors profondément, comme s’il était sur le point de prendre une décision importante, mais se contenta de dire « allons-y Wilhelm » et de pousser la porte d’un geste vif, sans regarder en arrière. La lumière du jour inonda la maison, faisant plisser les yeux à Wilhelm qui s’en détourna un instant pour se saisir du briquet. Il voulait laisser une bonne impression à la jeune fille, et ne savait comment. Puis une idée lui traversa l’esprit.

« Tiens, prend ça » murmura-t-il en lui donnant quelques pistoles d’argent qu’il tira prestement de sa bourse. Il savait qu’il lui donnait à peu près tout ce qu’il lui restait, mais Lydia allait déambuler sur les routes à cause d’eux, et c’était le moins qu’il puisse faire. « Les auberges sur le chemin ne sont pas trop onéreuses, cette somme devrait largement couvrir le trajet ». Elle le regardait avec insistance, une lueur indéfinissable au fond des yeux. Wilhelm, alors, osa lui rendre la pareille, et l’espace de quelques secondes leurs regards se fixèrent l’un à l’autre. Wilhelm sentait son cœur battre à toute allure. Je dois trouver une chose à ajouter, s’admonesta-t-il.

Ce fut Lydia pourtant qui brisa le silence en première. « Merci » dit-elle, un léger sourire éclairant son visage. Wilhelm réalisa que c’était presque la première fois qu’il la voyait sourire. Et que c’était un spectacle qu’il n’oublierait pas de sitôt. « Sois prudente » articula-t-il alors d’une voix rendue faible par le torrent d’émotions qui se déversait en lui. Il entendit à peine quand elle répondit « vous aussi ».

*

Quelques temps plus tard, Wilhelm et Guy déambulaient lentement dans les ruelles de Gullenburg, leurs heaumes sous le bras, tous leurs sens aux aguets. Le village était en effet totalement vide, et le seul son audible à part le cliquetis de leurs armures était celui du vent et d’un occasionnel volet mal accroché qui claquait, balloté par les courants d’air. Et toujours la cloche, dont les échos désaccordés semblaient venir de partout à la fois. Les maisons en pierres étaient pour la plupart complètement fermées, leurs portes de bois solidement verrouillées, mais beaucoup d’autres laissaient voir un spectacle des plus macabre. Portes arrachées de leurs gonds, murs et fenêtre brisées par endroit, çà et là du mobilier éparpillé et des lambeaux de vêtements. Mais pas âme qui vive pour témoigner, ni même le moindre corps.

La main posée sur ce qui avait été un muret de pierre intact quelques heures auparavant, Wilhelm entendait son cœur battre dans sa poitrine. Depuis que Guy et lui s’étaient assurés du départ de Lydia, ils avaient navigué de mauvaise surprise en mauvaise surprise, s’apercevant d’abord qu’une partie de la végétation menant à la forêt avait été écrasée comme sur le passage d’un troupeau de chevaux en colère. Au fur et à mesure qu’ils étaient entrés dans le village, les scènes de dévastation s’étaient enchaînées. Et aucun indice, aucune piste, rien qui ne permette de remonter à la cause de tout ceci. De frustration, Wilhelm serra son poing ganté et frappa violemment l’une des briques démises du mur, l’envoyant rebondir sur le sol avec un bruit sourd. Ce son avait quelque-chose de rassurant, de tangible. Au moins n’étaient-ils pas sous une gangue invisible qui les avait coupés du monde réel.

« Moins de bruit, jeune sot » lui chuchota Guy le visage sévère en se retournant. « Chercherais-tu à nous faire repérer ? »

- Repérer par qui ? Il n’y a personne ici, et nous perdons notre temps.

- Point du tout, bien au contraire. Mais si tu voulais bien te contenter de me suivre au lieu de faire n’importe-quoi, nous en perdrions moins. »

- Vous suivre où ?

- Là ! »

Accompagnant sa réponse laconique, Guy pointa du doigt le clocher du temple, dont la haute silhouette dominait les autres dans le paysage urbain. Puis, sans un mot de plus, il reprit son chemin d’un pas rapide, chaque pas résonnant dans les rues, ses cheveux blonds ballotés par le vent. Wilhelm renonça à lui faire remarquer que s’ils devaient avoir été repérés, ça faisait longtemps que c’était fait. Il connaissait ce Guy. C’était celui qui aimait se mettre en valeur, celui qui aimait le panache et les grandes phrases. Il aimait ce Guy, et le respectait. Mais il ne pouvait s’empêcher de réfléchir à ce qu’il ferait si, effectivement, son chevalier se révélait avoir perdu l’esprit. Pressant lui-même le pas, il s’efforça de chercher le moindre signe de vie. En vain. Tout en regardant à travers une énième fenêtre brisée, il se sentit reconnaissant envers le chevalier d’avoir éloigné Lydia. Il était très clair que tout le village avait subi quelque-chose de grave.

Lydia. Rien que pour la revoir, il espérait de toute son âme survivre à cette journée. Elle était partie sans un mot de plus, après avoir écouté les indications sommaires de Guy qui lui indiquait le chemin. Son dernier souvenir d’elle avait été son dos alors que, les cheveux se balançant de droite et de gauche, elle marchait rapidement vers la route de l’Ouest, coupant à travers champ. Par Sigmar, pourvu qu’elle ne fasse pas de mauvaises rencontres sur le chemin. Après tout, une femme seule sur les routes du Wissenland, ce n’était pas habituel, et sa sécurité était loin d’être garantie. Bandits de grands-chemins, ivrognes de tavernes, créatures malfaisantes, tout cela contribuait à le rendre mort d’inquiétude. Il avait suggéré à Guy de l’accompagner, pour sa sécurité, mais le chevalier avait refusé net, arguant d’un ton sans réplique que sa présence ici était bien plus nécessaire au vu des dangers qu’ils allaient eux-mêmes affronter. Il se surprit à se demander si par hasard, à force de s’éloigner, elle finirait par ne plus entendre cette sempiternelle cloche qui sonnait faux.

Guy et Wilhelm parvinrent finalement sur le parvis du temple de la ville fantôme, heaume désormais sur la tête, bouclier en main et prêts à dégainer l’épée. Les alentours ne portaient pourtant presque aucun des stigmates de leur précédent passage. Alors que Wilhelm se souvenait fort bien que de nombreux hommes-rats avaient péri à cet endroit, le sol était exempt de cadavres. Pourtant, un observateur extérieur n’aurait pu s’y tromper, car la porte grande ouverte laissait voir des signes de dévastation dans le bâtiment : bancs renversés ou brisés, meubles au sol, cierges répandus sur le dallage et ornements brisés ou piétinés. De grandes taches sombres couvraient le carrelage à l’entrée, signe que malgré les apparences plusieurs corps avaient abondamment saigné à cet endroit. Wilhelm déglutît, se demandant qui aurait pris la peine de faire disparaître des corps en laissant autant d’éléments compromettants, et pourquoi. Messire Guy s’était lui aussi arrêté, jetant des regards de droite et de gauche pour contempler la dévastation. Dans son tabard rouge sombre, il semblait incongru dans ce décor de pierres grises et blanches. Wilhelm, avec son propre équipement aux couleurs ternes, se disait qu’il avait certainement l’air bien plus à sa place. Sans qu’il sût pourquoi, cela lui évoqua l’époque où il était pistolier et des vêtements qu’il devait porter alors, notamment ce ridicule chapeau à plume. Un sourire éclaira son visage alors qu’il s’imaginait ainsi vêtu dans la même situation qu’aujourd’hui, et secoua la tête. Ç’aurait été ridicule à voir. Son propre casque, un heaume ouvert à l’avant, était certainement bien plus seyant.

L’intérieur du temple était tout aussi macabre que l’extérieur. Outre les bancs et les cierges éparpillés aux quatre coins de la pièce, plusieurs vitraux étaient brisés, laissant entrer la lumière du soleil en des taches lumineuses inégales. Les tentures avaient été en partie arrachées, leurs lambeaux faisant autant de points bleutés sur le sol. Et ce même sol portait là aussi de nombreuses traces de sang, également présentes sur le mobilier brisé. Mais toujours aucun corps. Wilhelm huma l’air, et y trouva encore un relent d’odeur musquée, lui faisant plisser le nez de dégoût. Les hommes-rats avaient quitté ce lieu bien des heures auparavant. Mais où étaient-ils ? Et que faisaient-ils tous les deux ici ?

Il baissa les yeux, et s’aperçut que son chevalier ne s’était pas attardé, empruntant d’un bon pas le couloir même qui menait à la pièce où ils avaient affronté le patriarche. Wilhelm le suivit rapidement, ne voulant pas rester plus de temps que nécessaire dans ce lieu sinistre. Le bruit de ses bottes se répercuta en écho dans tout l’édifice, lui donnant l’impression d’être suivi. Il déglutit alors qu’un frisson lui parcourait l’échine.

« Que faisons-nous ici, messire ? » Finit-il par oser demander après avoir rattrapé Guy. « Cet endroit est propice à une embuscade, nous ne devrions pas nous attarder. »
Guy, le heaume sur la tête, répondit avec entrain sans s’arrêter.
« C’est fort simple en vérité. Les skavens qui nous ont attaqués ce matin n’ont pas pu simplement surgir du néant par sorcellerie. Cela ne se peut. Ils ont donc emprunté un passage menant directement ici, et par la Dame, c’est nous à présent qui allons l’emprunter. Si tout se passe comme je le prévois, c’est nous qui les prendrons en embuscade. »

Un sentiment d’horreur submergea Wilhelm alors qu’il réalisait ce que cela impliquait. Descendre à nouveau dans ces galeries labyrinthiques de plusieurs kilomètres, éclairées par des lueurs malsaines et sans le moindre rayon de soleil.

« Messire, vous…vous souhaitez que nous foncions droit dans le repère des rats ? » Sa voix était incrédule. Mais Guy avait l’assurance d’un taureau en pleine charge.

« La Dame m’a montré ce chemin. Nous sommes son bras armé, et celui de la justice. C’est notre devoir. Et ils sont sans doute bien occupés à nous chasser dehors, pour la plupart. L’effet de surprise, voilà notre atout. Le temps qu’ils s’en rendent compte, je compte bien avoir retrouvé Ferragus, et l’empêcher de nuire. »

Wilhelm secoua la tête. Parfois, la volubilité toute romanesque de son chevalier l’exaspérait. Que n’apprenait-il à faire moins grandiloquent ?

« Si je puis me permettre, vous parlez depuis tout à l’heure de la Dame. Que s’est-il passé pour vous emplir ainsi de détermination ? »

Il y eut un silence alors qu’ils atteignaient, puis dépassaient, la porte menant à la salle où Wilhelm avait sauvé Lydia.

« La Dame m’est apparu Wilhelm. »

Il avait mis une grande émotion dans cette phrase. Le visage de Guy était invisible à son écuyer, mais ce dernier devinait que le chevalier était en proie à une joie phénoménale. Sa voix tressautait légèrement.

« Elle m’a dit…Elle m’a dit qu’elle pardonnait mes errements passés, parce qu’il n’y avait rien à pardonner, si ce n’est l’abandon. L’abandon de ma quête. Et alors j’ai compris que ce n’était pas tant auprès d’Elle que je devais me chercher l’absolution, mais auprès de moi-même. Elle m’a aussi dit que je trouverai Ferragus en descendant dans ces tunnels. Et que je devais l’arrêter. Qu’Elle me faisait confiance pour l’arrêter.

- Elle vous a dit tout ça ?

- Mais te rends-tu compte Wilhelm ? »

Ce dernier s’arrêta, surpris par le ton de plus en plus extatique de Guy. Guy qui se tourna pour lui faire face, lui posant ses mains gantées sur les épaules, le secouant presque.

« Elle m’a pardonné ! Ma vie n’avait plus de sens, et elle me l’a redonné ! Je n’osais même pas en rêver ! »

Malgré le heaume que portait Guy, Wilhelm pouvait deviner ses yeux luisants de larmes. Il ne sut quoi répondre.

« Nous n’avons pas le droit de reculer maintenant. Souviens-toi de ce que je t’ai dit. Être chevalier, c’est avant tout un état d’esprit. C’est être un rempart contre le mal. Et le mal, il est devant nous. Sous terre. »

Wilhelm prit une grande inspiration, luttant contre l’appréhension de se retrouver à nouveau dans un souterrain empli de ces skavens. La pensée de Lydia lui vint alors. Le malheur que ses yeux exprimaient quand elle parlait de sa famille disparue. Et là-haut, tant de gens devaient subir les mêmes affres. Sa mâchoire se serra alors que les paroles de son chevalier faisaient monter en lui le courage qui lui manquait. C’était vrai, Guy le lui avait enseigné et répété à maintes reprises : le devoir du chevalier, sa raison d’être, c’était la lutte pour l’humanité. Le combat quotidien pour sauver les hommes des pires horreurs de ce monde. Et les pires horreurs, elles étaient toutes proches. Il leur fallait y aller.

« Je vous suivrai messire. Je vous suivrai et nous vaincrons ce mal. Mais restons prudents. Je n’ai pas envie de finir en repas pour rat. »

Guy hocha la tête, sans rien dire. Wilhelm ne savait pas si cette bravoure soudaine qu’il ressentait était réelle ou si la folie du bretonnien était contagieuse, mais peu lui importait. Tous deux s’élancèrent à nouveau, sans dire un mot de plus, dans les couloirs du temple.

Il ne leur fallut pas longtemps pour trouver ce qu’ils cherchaient. La porte suivante, menant visiblement vers une cave, gisait misérablement sur le sol, dégondée et à l’armature de fer tordue par endroits. La cave en question était plongée dans le noir, mais était opportunément équipée en torches éteintes, accrochées aux murs à intervalles réguliers. Il y régnait une odeur animale bien plus forte, et lorsque Wilhelm parvint à faire jaillir du feu du briquet récupéré chez Lydia, la raison leur apparut pleinement. La pièce avait en effet été saccagée de fond en comble, comme si une tornade griffue s’était abattue dessus. Caisses, futs et étagères étaient en morceaux éparpillés dans tous les coins. Et le sol, en terre nue, était labouré à de multiples endroits, comme si des sangliers y étaient passés en nombre. Le silence se faisait de plus en plus pesant. Wilhelm, torche allumée à la main, se tenait aux aguets. À ses côtés, Guy considérait le mur opposé, fait de pierres sombres. Ce mur était percé en son centre par un trou de deux mètres de diamètre, qui le défigurait comme un vaste champignon creux. Et ce trou menait vers des ténèbres insondables. Ils sont bien passés par ici. Chevalier et écuyer n’eurent même pas à échanger un regard alors que, d’un même pas, ils s’y engouffrèrent.

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Sam 30 Juil 2022 - 10:16
HAAAAAAAAAA MAIS IL FAUT PAS S'ARRETER LA ! c'est criminel de nous laisser là dessus !

Vraiment bon ce petit texte, merci de l'avoir posté ! mais il fallait pas s'arrêter là espèce de fourbe !

La tension, le suspense est toujours aussi bien mené. On pourrait s'attendre à ce qu'il soit un peu dissipé, maintenant que l'on connait les visions des skavens et que le plan des tzeencheux est en parti dévoilé, mais il n'en est rien. On ressent toujours le danger, la précarité de la situation des personnages. Et il reste encore beaucoup de mystères qui tiennent en haleine : les chaotiques ont surement vu plus loin que juste attaquer les skavens frontalement, et ils n'ont surement pas oublié les humains. On s'attend à ce qu'un plan bien plus grand soit dévoilé, et j'ai hâte de voir la suite pour ça !

Il faut aussi admirer les descriptions de deux choses : tout d'abord, bien sûr, les mutants. C'est glauque comme il faut, c'est horrible, c'est le chaos. Tu as su retranscrire l'horreur qui peut s'abattre dans le monde de warhammer avec force.
L'autre, c'est la ville skaven. Le passage où les humains arrivent dans la grotte est court, mais très efficace. Et surtout, tout le reste du texte apporte beaucoup d'autres éléments : la description de l'entrée de la grotte et du tunnel, la marche d'escalier qui se casse sous le poids de Ferragus... Ces petits détails renforcent le réalisme avec brio !

Et l'autre point très positif que je voulais souligner c'est un ressenti d'amélioration dans l'histoire entre Wilhelm et Lydia. C'est beaucoup plus progressif, moins impulsif. Wilhelm est timide, très mignon même quand il cherche à éviter de la regarder pour garder les idées claires (mais sans pouvoir s'empêcher d'admirer son dos quand il quitte le moulin). Ils n'échangent quasiment aucuns mots, ce qui fait très crédible à la fois pour le contexte (combats, traumatismes récents, missions et devoir de rester alertes) et pour l'état de leurs relations (coup de foudre ou assimilé, timidité des personnages, inconnus pour le moment...)
Je pense que la scène se prêtait bien à ce ralentissement. En tout cas, je trouve que leurs échanges et pensées était bien plus juste que dans les scènes précédentes.

Sauf erreur de ma part, c'est le premier passage qui n'est pas du point de vue de Wilheim, ou où il n'est pas présent non ? C'est plutôt rafraichissant, et finalement croiser ces personnages peut-être plus durs, plus expérimentés que Wilhelm renforce la facette "jeune" de Wilhelm. Et le fait qu'ils soient très vulnérables dans ces souterrains augmente aussi le ressenti de danger pour le héros qui se retrouve sans protection.

je vais noter trois petits points qui me semblent améliorables cependant.

Le premier, c'est la phrase :
Pour Wilhelm, c’était de plus en plus certain que Guy avait perdu la raison. Les manifestations divines, ça n’existait que dans les livres. Ou autour des prêtres comme Frère Félix
Je trouve qu'elle est un peu hors de propos. D'une part, je trouve que l'expression "ça n'existe que dans les livres" est un peu hors-sujet dans un récit fantastique. Je lis un livre, mais je ne veux pas que le texte me souligne "tu es dans un livre". ça m'a un peu sorti du récit. D'autant qu'ici ça fait encore plus étrange. Avec tout ce que Wilhelm a croisé (skavens, mutants, grenades, chevaliers surnaturels, téléportation magique dans les flammes...), la frontière entre ce qui est "réaliste" pour lui et "ce qui n'existe que dans les livres" n'a plus vraiment de sens...

Ensuite, je continue de trouver Lydia super louche. Pour cette remarque, c'est peut-être fait exprès, et dans ce cas bravo ça marche trèsbien.
Mais si Lydia n'est pas une agent du chaos/autre qui cherche à s'infiltrer dans l'ordre de chevaliers avec un plan super complexe, alors elle ne me semble pas avoir le bon comportement. Il lui manque de la faiblesse : elle a vu le massacre de son village, est avec des inconnus dont l'un d'eux a voulu l'exécuter, ses parents ont disparus... Mais elle est combative, et ne semble pas ressentir de tristesses, pas d'état de choc. Pas vraiment de reconnaissance vis-à-vis de ses sauveurs, ou alors de manière très distante. Elle montre surtout de la colère, et ça ne colle pas vraiment avec la situation.
je peux tout à fait comprendre qu'elle soit combative, qu'elle veuille aller sauver sa famille, voir même qu'elle étouffe ses émotions sous un masque forcé de colère. Mais alors il faudrait que ses autres émotions soient un peu plus perceptibles. Elle doit paraitre plus perturbée par ce qui est arrivé ces dernières heures.

Pour le point suivant, je vais avoir plus de mal à l'écrire parce que ce n'est pas très clair dans ma tête. J'ai eu le ressenti que deux points de focalisation des personnages avaient été mis en avant sous des angles un peu trop artificiels. le premier est Félix. Après sa mutation, je ne comprends pas comment le kasztellan peut imaginer qu'il va le faire revenir. Et puis, sa transformation et son apparence sont un tout petit peu trop comparé aux autres mutants. L'intervention du repurgateur était le bienvenu pour recentrer les pensées sur l'instant présent.
L'autre, c'est les parents de Lydia. Ils sont très très très certainement morts, ou pire. Mais les personnages n'y pensent pas, et à la place ils pensent/parlent de les sauver. Il faudrait qu'il soit un peu plus clair que les chevaliers savent que la probabilité de retrouver ces parents en un seul morceaux humanoïde est faible.


Voilà voilà ! Merci beaucoup pour ce texte, et j'ai hâte de lire la suite !

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Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Sam 30 Juil 2022 - 14:00
Ethgri Wyrda a écrit:HAAAAAAAAAA MAIS IL FAUT PAS S'ARRETER LA ! c'est criminel de nous laisser là dessus !
Mais si voyons ! Les cliffhangers sont un lieu commun du genre "thriller", et celui-là est bien amené, bien rédigé Cool

Ce que je voudrais savoir, au risque de mettre le doigt sur un point qui fâche, c'est est-ce qu'il nous faudra attendre deux ans de plus avant de connaître la suite des aventures de nos héros Tongue
Bon, au lieu de parler, je devrais peut-être reprendre moi-même quelque chose dans notre rubrique récits. Ca encourage quand il y a plusieurs auteurs actifs, comme il y a quelques années  Camouflé Ninja

Même en tant que lecteur, d'ailleurs, j'ai l'impression d'avoir perdu la main, dans le sens où j'ai quelque peu perdu en patience : je m'attendais que le présent arc narratif trouve sa conclusion dans ce chapitre, et voir que la fin semble encore un peu loin m'a fait l'effet du randonneur qui désespère d'atteindre le point culminant des montagnes qu'il explore... Je mets ça sur le compte de l'année scolaire passée, particulièrement gourmande en lectures diverses, qui m'a épuisé.

Ethgri Wyrda a écrit: je continue de trouver Lydia super louche
Moi qui ne trouvais pas par où commencer, je vais prendre appui sur les com's de notre comte de la crypte en titre ! Donc, premièrement, les personnages.
Est-ce que Lydia est louche ? J'en serais surpris. J'ai plutôt l'impression qu'Arca attend le moment opportun pour nous dévoiler le fond de ses pensées. Si ça se trouve, c'est précidément l'adrénaline causée par l'enchaînement des événements (et qu'elle soit toujours avec des inconnus, dont l'un a braqué un pistolet sur elle) qui fait qu'elle a pour le moment maintenu l'attitude d'une dure à cuire. Je ne serais guère surpris qu'une fois tirée d'affaire, par exemple dans la prochaine chambre d'auberge, elle fonde en larmes et se lamente sur son sort.
D'un autre côté, mon expérience de ce genre de récit me souffle de me méfier. Pas dans le sens où Lydia serait un agent de la corruption, mais dans le sens où je doute sérieusement qu'elle va vraiment suivre les ordres de Guy. Si c'est bel et bien LA dure à cuire en devenir comme on en croise parfois dans la fantasy, elle va rebrousser chemin, ramasser une torche et un gourdin et suivre nos héros dans les souterrains, guidée par le fol espoir de retrouver ses parents. Ce serait stupide, mais ce serait métal.

Pour Wilhelm, c’était de plus en plus certain que Guy avait perdu la raison. Les manifestations divines, ça n’existait que dans les livres. Ou autour des prêtres comme Frère Félix
Je l'ai repérée aussi, celle-là. Je rejoins l'elfe pour plus ou moins les mêmes raisons qu'il a énoncées. Wilhelm en sait-il aussi peu sur la religion de son chevalier ? Après, ce n'est pas impossible. J'autorise ce scepticisme de Wilhelm, à condition cependant qu'il s'agisse d'un scepticisme chauvin : "des miracles, en provenance de la Dame du Lac ? Mais voyons, il n'y a que Sigmar qui puisse faire ça, en plus on l'a vu juste avant..."

Ethgri Wyrda a écrit:Pour le point suivant, je vais avoir plus de mal à l'écrire parce que ce n'est pas très clair dans ma tête. J'ai eu le ressenti que deux points de focalisation des personnages avaient été mis en avant sous des angles un peu trop artificiels. le premier est Félix. Après sa mutation, je ne comprends pas comment le kasztellan peut imaginer qu'il va le faire revenir. Et puis, sa transformation et son apparence sont un tout petit peu trop comparé aux autres mutants. L'intervention du repurgateur était le bienvenu pour recentrer les pensées sur l'instant présent.
L'autre, c'est les parents de Lydia. Ils sont très très très certainement morts, ou pire. Mais les personnages n'y pensent pas, et à la place ils pensent/parlent de les sauver. Il faudrait qu'il soit un peu plus clair que les chevaliers savent que la probabilité de retrouver ces parents en un seul morceaux humanoïde est faible.
Là, je suis un peu moins d'accord. Pour toutes les victimes du maléfice, la plupart de nos héros n'ont aucune connaissance de la nature exacte de celui-ci. Le répurgateur est peut-être le seul a être véritablement convaincu qu'il est impossible de les sauver. Pour les autres, jusqu'à preuve du contraire, et surtout pour les êtres qui leur sont chers, ce mal doit avoir un remède. C'est peut-être même l'une des raisons qui leur donne le courage nécessaire pour avancer droit dans la gueule du loup. Ce n'est pas la raison la plus sensée, mais comme l'a dit l'ancêtre dans Darkest Dungeon : "Souvenez-vous qu'il n'y a pas de bravoure sans folie !"

Je rejoins tout ce qu'a dit Ethgri par rapport à ton sens du détail : les scènes sont bien décrites, le vocabulaire est percutant, il nous est facile de s'y imaginer.
De ce fait, j'aurai seulement deux éléments à signaler qui pourrait ajouter une pierre de plus à l'édifice déjà bien construit :
- le son de la cloche. Plus précisément, la perception de ce son au fur et à mesure du récit par les personnages. En fait, je m'attendais à ce que le volume du son de la cloche augmente au fur et à mesure que Rottmann, von Urlauberg et Reiner s'en approchent, voire même qu'ils se sentent de plus en plus agressés par celui-ci. Au vu de l'importance de l'objet dans l'intrigue, je me suis dit que cet aspect acoustique pourrait rajouter un cachet supplémentaire au caractère terrifiant de la cloche impie.
- le choix de l'agencement des scènes et l'écoulement du temps : il ne s'agit peut-être que de mon impression subjective, mais j'ai été nettement étonné lorsque Wilhelm a annoncé que le trio était parti il y a vingt minutes :
Ils ne sont pas reparus depuis. C’était il y a bien vingt minutes.
Je m'attendais à ce qu'il dise plutôt quelque chose comme "deux heures", au vu de toute la partie précédente qui avait décrit les événements dans les souterrains. Ma lecture de cette partie, je crois, a pris plus de vingt minutes, ou en tout cas j'ai eu l'impression que le temps qui s'était écoulé était largement supérieur à vingt minutes, au vu de la prudence et de la lenteur de progression des trois héros. Dès lors, entendre "vingt minutes" de la bouche de Wilhelm m'a donné l'impression d'un retour en arrière dans la continuité temporelle du récit. Avant de tirer des conclusions hâtives, cela dit, je veux bien être éclairci sur la question  Smile  
 
Allez maintenant, je me fais plaisir en annonçant mes coups de coeur : je trouve à la fois drôle et mignon le retour régulier des "grands yeux (en amande)" de Lydia. Si les astres s'alignent, je VEUX une illustration de Gromdal de la demoiselle !
Sur le même sujet, il me tarde d'arriver à un moment du récit où tu nous livreras (peut-être ?) le point de vue de la Fraulein Neisser sur Wilhelm. Est-ce que lui aussi a "des grands yeux" ou quelque chose d'autre qui trouve grâce auprès d'elle ? Cela peut paraître superflu comme ça, mais dans ce qui semble être une romance naissante, ce genre de détail me semble primordial pour rendre leur attirance mutuelle crédible  respect

Enfin, comme Ethgri, je salue le changement de point de vue narratif avec celui du Herr Gottfried, qui prend le relai de la pensée chevaleresque après Wilhelm. C'était prévisible et c'est tant mieux, on en apprend plus sur le monsieur lui-même tout en gardant un ancrage dans l'esprit chevaleresque qui est sans doute le fil directeur du récit  Clap  
Et courage à sire Guy et à son écuyer ! Pour la Dame !  Rock & Roll
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Dim 31 Juil 2022 - 2:43
Aïe Aïe Aïe Aïe Aïe... Qu'ai-je fait en créant ce personnage "fonction" aussi maladroitement ?

Je...heum...Comment vous dire. J'ai créé Lydia, comme je l'ai déjà expliqué, pour répondre à ce qui me semblait être un impératif de réalisme, mais ans avoir la moindre idée de quoi en faire après. Voilà que je trouve une idée pour m'en débarrasser (le message, quand j'y ai pensé, j'étais très content), et que certains trouvent encore moyen d'y voir du double sens. Non, ce n'est pas un agent du chaos (je préfère être cash, parce que ce n'est pas vraiment un spoil). Elle est simplement très trèèèèèès impulsive. Elle gère beaucoup les choses par la colère, ce qui marche assez mal la plupart du temps.

Je vais vous avouer le fond du sujet : Lydia est un personnage mal écrit. Voilà. Je ne sais juste pas écrire de personnage féminin de ce type, et j'ai fait ce que j'ai pu avec celui-là une fois la bêtise faite. Ma source d'inspiration, c'est Nyneave de 'La roue du temps', qui aurait très certainement ramassé un gourdin pour précéder Wilhelm dans les tunnels. J'ai voulu la faire plus soft, mais visiblement ce n'est pas très réussi. Essen a bien résumé la chose. Une fois la poussière retombée et l'adrénaline avec, il y a moyen qu'elle perde ses moyens...

Dites-vous que j'en suis encore à me demander ce que je vais en faire pour la fin...

Pour ce qui est de la phrase :
L'écrivain du dimanche à l'apéro a écrit:Pour Wilhelm, c’était de plus en plus certain que Guy avait perdu la raison. Les manifestations divines, ça n’existait que dans les livres. Ou autour des prêtres comme Frère Félix
Eh bien, j'ai failli l'enlever à la relecture. Cette référence aux livres, c'est un petit rappel que Wilhelm a été abreuvé dans a jeunesse de romans d'aventures. Mais je l'ai laissée, parce que, même s'il a déjà vu de la magie, pour lui la magie c'est le mal, la ruine, etc. Pour lui, c'est tout le contraire des dieux. Et de ce fait, il me paraissait cohérent que de son point de vue, les interventions divines ça ne concerne pas les chevaliers, même bretonniens (sur lesquels il ne connait pas grand-chose).
Par contre @Ethgri, je ne m'attendais pas du tout à ce qu'elle soit prise comme une rupture du 4eme mur. C'est vraiment une référence aux livres dans le livre.

L'ancien Burgmeister d'Essen a écrit:- le son de la cloche. Plus précisément, la perception de ce son au fur et à mesure du récit par les personnages. En fait, je m'attendais à ce que le volume du son de la cloche augmente au fur et à mesure que Rottmann, von Urlauberg et Reiner s'en approchent, voire même qu'ils se sentent de plus en plus agressés par celui-ci. Au vu de l'importance de l'objet dans l'intrigue, je me suis dit que cet aspect acoustique pourrait rajouter un cachet supplémentaire au caractère terrifiant de la cloche impie.
Eh bien justement non, c'est bien fait exprès. Le principe de cette cloche, c'est qu'on l'entende partout pareil. Elle est omniprésente, et le son ne se renforce que quand on est vraiment très très proche. Je comprend l'idée, mais il faut savoir que si je l'avais appliquée, mes personnage seraient vite devenus sourds au vu du volume initial tel que je l'imagine.

El Chroniquor a écrit:Je m'attendais à ce qu'il dise plutôt quelque chose comme "deux heures", au vu de toute la partie précédente qui avait décrit les événements dans les souterrains. Ma lecture de cette partie, je crois, a pris plus de vingt minutes, ou en tout cas j'ai eu l'impression que le temps qui s'était écoulé était largement supérieur à vingt minutes, au vu de la prudence et de la lenteur de progression des trois héros. Dès lors, entendre "vingt minutes" de la bouche de Wilhelm m'a donné l'impression d'un retour en arrière dans la continuité temporelle du récit. Avant de tirer des conclusions hâtives, cela dit, je veux bien être éclairci sur la question
Ton hypothèse est la bonne. Il s'agit effectivement d'un léger retour en arrière. Disons que les deux continuités vont se rattraper dans le chapitre suivant, sans réellement que l'une impacte l'autre avant cela. J'aurais effectivement pu mieux les agencer. Je vais réfléchir à changer un peu ça dans le montage final (celui qui finira par sortir sous forme de pdf à télécharger, ou même de livre du genre du tournoi du Fort du Sang, un jour, peut-être).

Le bouffeur de salades a écrit:Pour le point suivant, je vais avoir plus de mal à l'écrire parce que ce n'est pas très clair dans ma tête. J'ai eu le ressenti que deux points de focalisation des personnages avaient été mis en avant sous des angles un peu trop artificiels. le premier est Félix. Après sa mutation, je ne comprends pas comment le kasztellan peut imaginer qu'il va le faire revenir. Et puis, sa transformation et son apparence sont un tout petit peu trop comparé aux autres mutants. L'intervention du repurgateur était le bienvenu pour recentrer les pensées sur l'instant présent.
Ce cher Gottfried a, comme tu as pu t'en rendre compte, une façon très "carpe diem" de réfléchir. Il pense très peu au futur. Pour lui, l'important était de récupérer Félix. Pour le soigner, on verra plus tard. Tout le contraire de Rottmann, qui, vous allez voir dans le chapitre suivant, est presque trop prévoyant.

Le maître en récits inachevés a écrit:L'autre, c'est les parents de Lydia. Ils sont très très très certainement morts, ou pire. Mais les personnages n'y pensent pas, et à la place ils pensent/parlent de les sauver. Il faudrait qu'il soit un peu plus clair que les chevaliers savent que la probabilité de retrouver ces parents en un seul morceaux humanoïde est faible.
Les personnages qui peuvent y penser réellement sont seulement Lydia elle-même, Wilhelm et Guy. Guy n'est pas vraiment dans le mood, Lydia ne connait rien sur les skavens et sait simplement que ses parents ont disparu, et Wilhelm essaye de la ménager le plus possible. Du coup, je ne vois pas trop le problème les concernant...

L'auteur de la quête des flots dont on attend toujours la fin a écrit:Ce que je voudrais savoir, au risque de mettre le doigt sur un point qui fâche, c'est est-ce qu'il nous faudra attendre deux ans de plus avant de connaître la suite des aventures de nos héros
La suite est écrite, et doit juste être relue et peaufinée. Mais la version de base du chapitre XIII est écrite à 100%. Pour ce qui est de sa date de sortie, je pense tabler sur la fin du mois d'Aout.
Le chapitre XIV lui en est à...trois lignes ? La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 1f605

Bon, maintenant que les critiques ont reçu un semblant de réponse, je vais m'atteler à la partie plaisante. MERCI, merci de vos compliments sur la qualité du texte. J'ai vraiment été critique envers moi-même sur ce point, et vous n'imaginez pas à quel point je me suis pris la tête pour essayer de renforcer l'immersion. J'espère que je saurai vous satisfaire avec la suite. Écrire du point de vue de Gottfried a été assez marrant, surtout pour clasher le répurgateur (mais je préfère écrire du point de vue du prophète gris, je me marre tout du long, même si je sais qu'il y a un certain barbare qui est un maître en la matière et qui l'aurait mieux fait).
Ce n'est cependant pas la première fois que j'écris en-dehors du point de vue de Wilhelm (on avait déjà eu le prophète gris avant, plus le dialogue entre le grand-maître, Rottmann et Félix). Mais c'est à priori le chapitre où il y en a le plus jusqu'à présent.

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Dim 7 Aoû 2022 - 18:02
Tentons d'apporter quelques retours à ce chapitre fort conséquent !

Tout d'abord, j'ai comme ceux avant moi bien aimé retrouver les aventures de c'bon vieux Wilhelm. C'est que j'ai envie de savoir vers où sa vie va aller avant d'enchainer sur sa non-vie !

Et j'applaudis d'ailleurs bien fort tes descriptions des mutants, on sent que tu es au top de ton art dans ces moments-là et le tout a une vraie ambiance bien glauque. On y croit de bout en bout alors qu'on ne peut pas forcément se les représenter, ce qui aide à poser ladite ambiance. Je dirais peut-être "moins de comparaisons à du tangible et plus de descriptions presque contradictoires" pour accentuer, mais c'est du pinaillage à ce niveau.

Autre chose, les personnages semblent presque trop en connaître sur les skavens et ces derniers me semblent un poil suréquipé pour un clan mineur. Mais là c'est monsieur Lore-chiant qui vient frapper à la porte. Je suis toutefois partisan d'essayer de jouer avec le lore skaven, par exemple faire en sorte que les personnages aient lentement oubliés les hommes-rats ou aient réduit le tout à une escarmouche avec des hommes-bêtes pour peut-être leur faire retrouver leurs souvenirs plus tard en les revoyant ? Il y a un sortilège actif en permanence pour faire oublier à tout le monde l'existence des hommes-rats, ça peut former un outil scénaristique assez fort.


Maintenant, le gros du sujet : si le fond est là, j'ai toutefois quelques reproches sur la forme.


  • Là ça tient plutôt de la structure du chapitre en lui-même. Comme on a plusieurs points de vues avec les différents groupes, tu as fait le choix de raconter à peu près le même instant mais plusieurs fois. Cela peut être intéressant et nous faire voir une même situation avec un regard nouveau à chaque fois en ajoutant des détails que nous n'avions pas jusqu'ici... Or, et c'est peut-être là le couac du côté des héros du moment, on sait déjà ce qu'il y a savoir : ils vont vers une cité skaven en plein bordel, les mutants sont causés par la cloche.

    Le chapitre précédent l'a déjà établi. Ce qui fait que la tension qui monte dans ton texte monte pour les personnages, pas tellement le lecteur. Surtout quand les deux groupes font globalement la même chose -> aller vers la cité skaven. Si nous n'étions pas au courant de ce qui se passait sous terre et avaient seulement la transformation du prêtre-guerrier et la cloche comme indice, là il y a un mystère. Et on peut faire un retour en arrière plus tard sur le skaven pour avoir son déroulement des choses ? C'est une proposition d'ordre à la va-vite qui ne fait peut-être pas de sens. Mais j'ai peur qu'en ayant le point de vue du skaven (que j'apprécie pourtant bien mais c'est biaisé), on ait perdu en tension par rapport au déroulement des évènements.


  • Il y a quelques répétitions dans le texte. Par forcément des mots qui reviennent trop ou autre, mais plus des habitudes d'écriture. Un exemple ici:
    Arcanide Valtek a écrit:
    Ils profitaient d’un sol plus régulier pour faire le moins de bruit possible. Chaque pas semblait se répercuter en écho à des kilomètres à la ronde. Ils savaient tous que la discrétion était leur seule chance. Leurs torches les rendaient aussi faciles à suivre qu’un cheval dans une niche, mais elles étaient leur ligne de vie. Sans lumière, ils mourraient. Herr Gottfried laissa presque échapper un rire nerveux. Douloureuse certitude que celle qui assure que ta seule chance de survie est aussi ta meilleure chance de mourir.

    Au début, on oscille d'une phrase à l'autre de "on doit être discret" à "on nous repère à 8 kilomètres". Y'a peut-être un juste milieu à trouver pour impliquer qu'ils ne sentent pas discret malgré leurs efforts.
    En un sens, la métaphore du cheval dans la niche et la mention à la ligne de vie sont superbes pour ça et se suffisent à elles-même, mais le commentaire de Gottfried répète un peu ce motif sans que ça n'apporte grand chose.

    L'exemple est un peu maladroit car il fait partie d'un tout. Mais c'est une impression qui plane sur le texte, de bonnes idées mais répétées un poil trop souvent. Comment Gottfried voit Rottman comme un salaud sans pitié, comment Wilhelm perds ses moyens devant Talya, etc... Faut garder ces trucs, mais plus les distiller.


  • Autre commentaire qui va un peu avec le précédent, pour presque chaque action, on a une réaction. Certes, c'est bien de savoir ce que font les personnages en présence, mais pas forcément tout le temps. Parfois, les actions indiquent bien plus ce que pensent les personnages sans qu'ils n'aient besoin de le décrire sur un paragraphe. Je crois me souvenir (peut-être à tort) que tu disais avoir parfois l'impression de trainer un peu en longueur dans tes textes. C'est peut-être un point à regarder.
    Je me demande d'ailleurs si ça ne serait pas une habitude du genre d'horreur à la Lovecraft ? Passer du temps sur l'état émotionnel du personnage fait du sens dans ces récits car on veut ressentir en permanence l'inquiétude et autres raisonnements parfois sans logiques qui s’enchainent. Ça fait partie de l'ambiance.
    (...dixit le gars dont le 4e tome de sa saga est une introspection sans fin du personnage principal, mais tu as l'idée)


  • Autre détail par rapport auxdites réactions. Par exemple, au lieu d'indiquer que "Un sentiment d’horreur submergea Wilhelm alors qu’il réalisait ce que cela impliquait", fait-le trébucher sur place, la gorge sèche, alors que ses jambes ne veulent pas l'emmener un mètre plus loin dans ces souterrains ? Aucun besoin d'indiquer le mot "horreur", on le voit, on le devine même. Ne donne pas toutes les clés au lecteur, tout le sel consiste dans le fait de lui faire deviner des trucs aussi. Voire même se créer sa propre histoire en comblant les trous.


  • L'intervention de la Dame pour Guy. Certes, un poil Dame ex Machina avec la guérison magique, mais c'est la Bretonnie, c'est le délire local donc pourquoi pas.
    Toutefois, il y a une occasion manquée à mes yeux : Garde la scène exactement comme elle est, mais enlève totalement la lumière divine. Voire même garde Guy relativement blessé. Sa "guérison" éclair prend un tout autre ton d'un seul coup et fait en sorte que les questionnements de Wilhelm sur la sanité mentale de son mentor fassent d'autant plus sens. Est-ce réel ? Est-ce Guy qui a subitement décidé de partir en vrille dans un délire fiévreux ? Un peu des deux ? C'est parfois flou même dans le monde de Warhammer.




Et je me permets un Nota Bene à part pour Talya, j'ai relativement ressenti ton malaise avec ce personnage en lisant les chapitres et tes commentaires l'ont confirmé. Il y a toutefois quelque chose à en faire mais surtout pour la suite. Là, c'est de l'idée en passant qui vaut trois francs six sous, mais proposons : et si Talya revenait à plusieurs moments dans la vie (et non-vie ?) de Wilhelm ? Comme des petits moments clés, de passage ?
La perception de Wilhelm avec Talya va forcément changer avec le temps. Peut-être qu'il va se demander ce qu'elle faisait dans le temple ? Ou pas, peut-être que plusieurs années plus tard, il apprends qu'elle s'est remariée avec un autre ? Ou alors il lui demande sa main maladroitement ? Ou même sa simple absence va lui retourner l’estomac quelques mois comme tant d'adolescent qui perdent leur amour du moment ? Peut-être qu'elle ne le reconnaît plus quand ils se revoient ?
Pleins de petites pistes pour nous permettre de voir comment Wilhelm à évolué en tant que personnage au travers des rencontres avec une même Talya. Des sortes d'interlude dans l'histoire peut-être ?



J'espère ne pas avoir paru trop "critique" avec ces commentaires. N'hésite pas me contacter pour qu'on en rediscute, il y a souvent matière à reformuler de mon côté aussi.

En tout cas, soit certain que, comme les autres, je ne peux que demander la proverbiale suite !

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Lun 8 Aoû 2022 - 11:57
Hjalmar Oksilden a écrit:J'espère ne pas avoir paru trop "critique" avec ces commentaires.
J'ai toujours un sentiment mitigé vis-à-vis des commentaires comme ça. D'un côté ça me fait plaisir qu'on ne prenne pas de gants, et de l'autre ça me donne toujours envie de tout balancer à la poubelle en me jurant de ne plus jamais écrire.

Tentons d'y répondre en bonne et dûe forme, point par point.

Hjalmrat Oskaven a écrit:Autre chose, les personnages semblent presque trop en connaître sur les skavens
Ah bon ? J'aimerais que tu me précises à quel endroit tu as eu cette impression, parce que j'ai essayé de faire en sorte que ce ne soit pas le cas.

Le norse exilé a écrit:par exemple faire en sorte que les personnages aient lentement oubliés les hommes-rats ou aient réduit le tout à une escarmouche avec des hommes-bêtes pour peut-être leur faire retrouver leurs souvenirs plus tard en les revoyant ? Il y a un sortilège actif en permanence pour faire oublier à tout le monde l'existence des hommes-rats, ça peut former un outil scénaristique assez fort.
Euh, je vois l'idée, mais je ne le vois pas comme un enchantement qui fonctionne aussi bien sur 4 ans. Pour moi, c'est un truc qui fonctionne sur un temps plus long, même si ça se trouve les sources disent le contraire. Quant à le mettre en scène comme tu proposes, c'est un peu tard (je ne vais pas tout changer).

Le créateur de Thyroax a écrit:Là ça tient plutôt de la structure du chapitre en lui-même. Comme on a plusieurs points de vues avec les différents groupes, tu as fait le choix de raconter à peu près le même instant mais plusieurs fois. Cela peut être intéressant et nous faire voir une même situation avec un regard nouveau à chaque fois en ajoutant des détails que nous n'avions pas jusqu'ici... Or, et c'est peut-être là le couac du côté des héros du moment, on sait déjà ce qu'il y a savoir : ils vont vers une cité skaven en plein bordel, les mutants sont causés par la cloche.

Le chapitre précédent l'a déjà établi. Ce qui fait que la tension qui monte dans ton texte monte pour les personnages, pas tellement le lecteur. Surtout quand les deux groupes font globalement la même chose -> aller vers la cité skaven. Si nous n'étions pas au courant de ce qui se passait sous terre et avaient seulement la transformation du prêtre-guerrier et la cloche comme indice, là il y a un mystère. Et on peut faire un retour en arrière plus tard sur le skaven pour avoir son déroulement des choses ? C'est une proposition d'ordre à la va-vite qui ne fait peut-être pas de sens. Mais j'ai peur qu'en ayant le point de vue du skaven (que j'apprécie pourtant bien mais c'est biaisé), on ait perdu en tension par rapport au déroulement des évènements.
Alors je suis assez surpris par une partie de ton commentaire. Je n'ai jamais eu l'intention d'orienter la tension sur la question "mais où vont-ils ?" mais plutôt "mais comment vont-ils y survivre ?". C'est peut-être raté après.
Par contre, je suis assez fan de l'idée qui consiste à faire de la cité un mystère. Prendre tous les bouts de texte qui s'y rapportent pour les mettre après, avec un petit "quelques heures plus tôt" au début, après la découverte, ça semble être une bonne idée. À voir pour le montage final si d'autres sont convaincus.
Et je suis très attaché à montrer le point de vue du skaven. Je ne suis pas de ces gens qui considèrent qu'il faut laisser une part à l'interprétation du lecteur. Il va se passer trop de bordel dans cette cité à cause du skaven pour que je ne l'explique pas un minimum.


L'auteur de \"Neige Anthracite" dont on attend la suite a écrit:Il y a quelques répétitions dans le texte. Par forcément des mots qui reviennent trop ou autre, mais plus des habitudes d'écriture.

Autre commentaire qui va un peu avec le précédent, pour presque chaque action, on a une réaction. Certes, c'est bien de savoir ce que font les personnages en présence, mais pas forcément tout le temps. Parfois, les actions indiquent bien plus ce que pensent les personnages sans qu'ils n'aient besoin de le décrire sur un paragraphe. Je crois me souvenir (peut-être à tort) que tu disais avoir parfois l'impression de trainer un peu en longueur dans tes textes. C'est peut-être un point à regarder.

Mais c'est une impression qui plane sur le texte, de bonnes idées mais répétées un poil trop souvent. Comment Gottfried voit Rottman comme un salaud sans pitié, comment Wilhelm perds ses moyens devant Talya, etc... Faut garder ces trucs, mais plus les distiller.
Alors là c'est...plus difficile. C'est ce dont je parle quand je parle de tout mettre à la poubelle. Pour corriger ça, il va me falloir repasser tout le texte au peigne fin. L'ayant déjà fait pour d'autres chapitres, l'idée me fait frémir, mais je pense que je vais m'y coller.

L'amateur de blagues franco-nulles a écrit:Autre détail par rapport auxdites réactions. Par exemple, au lieu d'indiquer que "Un sentiment d’horreur submergea Wilhelm alors qu’il réalisait ce que cela impliquait", fait-le trébucher sur place, la gorge sèche, alors que ses jambes ne veulent pas l'emmener un mètre plus loin dans ces souterrains ? Aucun besoin d'indiquer le mot "horreur", on le voit, on le devine même. Ne donne pas toutes les clés au lecteur, tout le sel consiste dans le fait de lui faire deviner des trucs aussi. Voire même se créer sa propre histoire en comblant les trous.
C'est l'éternel "show, don't tell" que j'essaye d'appliquer. Mais quand-bien même, je n'arrive pas à me défaire de l'envie de décrire les sentiments de mes personnages. C'est un gros tic d'écriture, mais j'ai toujours l'impression que si je met "juste" les réactions purement physiques ça fait trop peu, et surtout ça fait narrateur externe. Or, comme j'ai choisi le point de vue interne, j'ai l'impression que je dois en mettre quand-même.
C'est pour ce genre de choses aussi qu'il faudrait que je (re)passe le texte au peigne fin...

Le seigneur de Mélinor a écrit:L'intervention de la Dame pour Guy. Certes, un poil Dame ex Machina avec la guérison magique, mais c'est la Bretonnie, c'est le délire local donc pourquoi pas.
Toutefois, il y a une occasion manquée à mes yeux : Garde la scène exactement comme elle est, mais enlève totalement la lumière divine. Voire même garde Guy relativement blessé. Sa "guérison" éclair prend un tout autre ton d'un seul coup et fait en sorte que les questionnements de Wilhelm sur la sanité mentale de son mentor fassent d'autant plus sens. Est-ce réel ? Est-ce Guy qui a subitement décidé de partir en vrille dans un délire fiévreux ? Un peu des deux ? C'est parfois flou même dans le monde de Warhammer.
J'avoue, c'est bien un Dame ex Machina. Mais il ne me paraissait pas totalement incohérent, et je suis content que tu le voies comme moi.
Par contre j'ai du mal à comprendre. Tu me suggères de réécrire la scène ? Parce que ça va nécessiter beaucoup de réécriture par la suite, vu que Wilhelm se pose énormément de questions sur ce phénomène, et que le changer va changer ses réflexions.


Hjalmar Oksliden a écrit:Et je me permets un Nota Bene à part pour Talya, j'ai relativement ressenti ton malaise avec ce personnage en lisant les chapitres et tes commentaires l'ont confirmé. Il y a toutefois quelque chose à en faire mais surtout pour la suite. Là, c'est de l'idée en passant qui vaut trois francs six sous, mais proposons : et si Talya revenait à plusieurs moments dans la vie (et non-vie ?) de Wilhelm ? Comme des petits moments clés, de passage ?
La perception de Wilhelm avec Talya va forcément changer avec le temps. Peut-être qu'il va se demander ce qu'elle faisait dans le temple ? Ou pas, peut-être que plusieurs années plus tard, il apprends qu'elle s'est remariée avec un autre ? Ou alors il lui demande sa main maladroitement ? Ou même sa simple absence va lui retourner l’estomac quelques mois comme tant d'adolescent qui perdent leur amour du moment ? Peut-être qu'elle ne le reconnaît plus quand ils se revoient ?
Pleins de petites pistes pour nous permettre de voir comment Wilhelm à évolué en tant que personnage au travers des rencontres avec une même Talya. Des sortes d'interlude dans l'histoire peut-être ?
C'est une idée. J'avais à peu près la même, mais sans tant de détails. Le (gros) souci c'est que ton idée implique de mettre en scène bien plus de moments de la vie et de la non-vie de Wilhelm que ce dont j'ai l'intention. Et quand je vois le temps que ça me prend d'écrire "juste" ça...
Bref. L'idée est bonne, mais je vais devoir la remanier.

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Lun 8 Aoû 2022 - 17:39
Arca a écrit:Ah bon ? J'aimerais que tu me précises à quel endroit tu as eu cette impression, parce que j'ai essayé de faire en sorte que ce ne soit pas le cas.
Je dirais que j'ai surtout tiqué au moment où Rottman mentionne leurs "machineries infernales" pour creuser leurs tunnels. Après, cette remarque va relativement en conjonction avec le détail sur le sortilège ambiant. Généralement, quand quelqu'un parle trop souvent de skaven, il finit par disparaître assez vite ou se fait très discret. Mais comme tu dis, on va pas changer un texte pour une simple couche de lore secondaire.

Le créateur d'Helmut a écrit:Alors je suis assez surpris par une partie de ton commentaire. Je n'ai jamais eu l'intention d'orienter la tension sur la question "mais où vont-ils ?" mais plutôt "mais comment vont-ils y survivre ?". C'est peut-être raté après.
Je dois avouer ne pas les avoir senti en danger une fois que le prêtre-guerrier mutant a quitté les lieux. Mais le ton va peut-être changer dans le chapitre d'après, donc je vois ce que tu veux dire.


N'allons pas jusque-là. Je dirais même, garde le texte en l'état, finit le bouquin et ensuite reviens-y pour le peaufinage final. Le problème de ces retouches sans cesse vient en partie du mode d'écriture que le forum nous as fait prendre avec ces chapitres épisodiques où ne sait pas toujours comment le récit va finir, que les commentaires de l'un ou l'autre change nos plans etc... C'est intéressant d'avoir autant de retour en continu, mais cela peut aussi dérailler un récit de sa voie, être bloqué par d'anciens chapitres ou  voire même ne pas penser l’œuvre comme un tout avec une vision trop court-terme pour établir des enjeux bien filés (ce qui explique pourquoi le 4e tome de ma saga est autant en sous-marin ces temps-ci, je veux le finir entièrement avant de le poster... Et vu les virages à 90° qu'il prend ce récit, c'est pas fini).

M'enfin, l'exercice est différent et demande de la préparation en amont. Quant à ton texte, si tu en est satisfait, c'est le plus important. Mes commentaires ne sont que des suggestions, pas des impératifs à prendre.

Arcanide Valtek a écrit:J'avoue, c'est bien un Dame ex Machina. Mais il ne me paraissait pas totalement incohérent, et je suis content que tu le voies comme moi.
Par contre j'ai du mal à comprendre. Tu me suggères de réécrire la scène ? Parce que ça va nécessiter beaucoup de réécriture par la suite, vu que Wilhelm se pose énormément de questions sur ce phénomène, et que le changer va changer ses réflexions.
La réécriture serait légère, seulement enlever la lumière divine de la description et potentiellement laisser Guy un peu blessé. Les questions de Wilhelm restent valable : as-t-il pété un boulon ? Comment se fait-il qu'il soit debout ? Serait-ce là l'oeuvre de la Dame ? etc... Je trouvais que ça ajoutait de l'ambiguité à la scène, mais si tu trouves que ce n'est pas nécessaire, je comprends aussi.


Et pour le bonus avec Lydia, c'était l'idée en passant. J'aime bien en balancer de temps en temps, ne te retournes pas le cerveau à trouver un moyen de l'implémenter non plus  Fou Je me disais qu'en donnant une piste, d'autres apparaitraient dans ton esprit par la suite qui sait...

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Jeu 22 Sep 2022 - 19:34
Chose promise, chose due.

Chapitre XIII

La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Full

Herr Gottfried bloqua un coup malhabile de son bouclier, faisant du même mouvement sauter la tête du skaven qui avait eu l’audace de l’attaquer frontalement. Pitoyable se dit-il en contemplant le cadavre choir sans un bruit. Ou plutôt, dont la chute fut couverte par le capharnaüm qui les entourait, Reiner, Rottmann et lui. Sans perdre une seconde, le kasztellan s’élança à la suite du répurgateur, qui caracolait en tête de leur groupe, réajustant inconsciemment son imposante moustache. Reiner se trouvait entre eux, l’attention entièrement focalisée sur les combats alentours. Ils avançaient péniblement dans la ville, après avoir rapidement discuté de la marche à suivre une fois le choc de la découverte passé. Gottfried s’était trouvé sans voix, et Rottmann, le regard féroce, avait aussitôt exposé un plan d’attaque. Ce dernier était très simple : détruire la cloche.

« Nous n’aurons pas de meilleure opportunité, mein Herren. Ils sont occupés à se battre, ce serait criminel de ne pas en profiter. »

Sur ce point, Gottfried était d’accord, la chance leur souriait enfin. Il n’avait pu s’empêcher néanmoins de jouer le contradicteur, ne serait-ce que parce que l’idée de s’enfoncer dans un endroit aussi dangereux hérissait chaque fibre de son corps. Durant tout l’échange Reiner avait fait le guet, usant de sa prodigieuse capacité à analyser son environnement en quelques secondes, et n’avait pas dit un mot.

« Et comment voulez-vous que nous l’atteignons ? En nous frayant un chemin à la pointe de l’épée ? Et ensuite, que ferons-nous ? Nous la détruirons à la force des bras ? »

À cette remarque de Gottfried, le répurgateur l’avait alors toisé d’un œil méprisant en tripotant son bouc. À la lueur de leurs torches et des pierres lumineuses, son apparence était macabre.

« Nous devrons être discrets, voilà tout. Une ville pareille doit être un nid à cachettes, et nous ne sommes pas attendus. Quant à votre deuxième question, voilà que devrait y répondre. »

Et, devant les yeux de Gottfried et de Reiner, il avait dégrafé son manteau pour en ouvrir un pan. Le kasztellan y distingua la présence d’une dizaine d’objets de forme sphérique, attachés à la doublure par de multiples lanières de cuir, et dont la couleur noire ne laissait aucun doute sur la nature.

Gottfried eut un mouvement de recul et manqua de s’étouffer.

« Vous vous trimballez toutes cette poudre depuis le début ? Et vous courrez avec ? Mais…mais vous êtes un malade ! »

L’autre s’était contenté de rattacher son manteau en secouant la tête.

« Elles sont parfaitement sécurisées tant que je ne les ai pas amorcées. Il faut ce qu’il faut pour faire régner la justice en ce monde. Soyez plutôt heureux que je les ai apportées, je ne vois pas d’autre moyen d’accomplir notre mission ici. »

Gottfried avait alors capitulé, trop las pour encore se disputer avec le répurgateur, et intérieurement ravi de la présence de ces bombes inopinées.

« Ah, et autre-chose » avait continué Rottmann en sortant trois morceaux de viande séchée d’une autre poche. « On a besoin de reprendre des forces. » Gottfried avait hésité à demander depuis combien de temps il se baladait avec ça, mais avait finalement renoncé. D’autant qu’il mourrait de faim.

Le début de leur plan avait fonctionné plus ou moins comme prévu. Après être descendus dans les profondeurs de la cité souterraine, le trio avait avancé prudemment, passant d’une ombre à l’autre sans être la cible d’une grande attention. De fait, la bataille qui faisait rage autour d’eux leur avait permis de se déplacer de façon relativement sûre, malgré quelques mauvaises rencontres. Plusieurs hommes-rats avaient quelquefois tenté de les attaquer par groupe de quatre ou cinq, mais l’avaient toujours amèrement regretté. Rottmann s’était avéré être une fine lame, maniant sa rapière avec une rapidité et une létalité qui impressionnaient beaucoup le kasztellan. Cet homme a l’air d’être dévoué à la mort. Gottfried lui-même, épée et bouclier en main, armuré de pied en cap, avait anéanti son content de ces skavens. Ce mot, dont la consonance lui déplaisait, paraissait plutôt approprié pour désigner une race aussi vile. Le chevalier moustachu fit la grimace, essayant de réprimer les nausées dues à l’odeur pestilentielle qui régnait partout, mélange de musc, d’humidité, de pourriture et de moisi. Il avait l’impression d’être dans une bauge de plusieurs dizaines d’hectares.

Alors qu’ils atteignaient un énième croisement de chemins grossièrement définis, Herr Gottfried leva juste un instant les yeux vers le plafond, pratiquement invisible derrière l’ensemble de poutres, d’échafaudages et de cordes qui s’étendait au-dessus d’eux. Pourtant, malgré cela, la cloche immense demeurait bien visible. Son carillon dissonant était le seul son constant dans tout le chaos ambiant, et Gottfried se rendit compte qu’il avait fini par en occulter le son. Il prit une grande inspiration – qu’il regretta aussitôt du fait de l’odeur. La tour semblait désormais proche. Mais à son grand dam, plus ils s’approchaient, plus les bruits de bataille s’intensifiaient. Etrangement cependant, la cloche ne lui semblait pas plus forte. Il y avait de la sorcellerie là-dessous, c’était évident, mais cette certitude ne le rassurait pas. Bien au contraire.

« Allons-y, continuons ! » Chuchota sèchement Rottmann, tout près de lui, le visage toujours caché par l’ombre de son chapeau. Seuls ses yeux brillaient, reflétant les multiples lumières environnantes dans un éclat glacial. Leur environnement immédiat aurait pu évoquer les bas-fonds d’Altdorf, avec ses petites ruelles bigarrées et parfois même sans pavés. Ici, ils étaient vraisemblablement dans une sorte de ville basse, dans une trouée de quatre mètres environ entre deux ‘bâtiments’ aux formes indécises. Le chemin qu’ils avaient parcouru jusqu’ici était essentiellement dans des passages de ce style, le tout formant un dédale, et Gottfried doutait de pouvoir y trouver le chemin du retour facilement. Mais pour l’heure, la tour leur servait de repère.

Alors qu’ils s’élançaient vers le croisement suivant, Reiner tourna son visage pâle vers l’arrière, ses traits habituellement inexpressifs soudain tirés en une inquiétude soudaine. Gottfried, qui le suivait de près, comprit immédiatement.

« Qu’est-ce qui… »

Le reste fut perdu dans un hurlement rauque qui déchira la réalité. La façade du bâtiment à leur gauche explosa en un déluge d’échardes et d’éclats, révélant une créature hideuse et difforme. Elle faisait plus de deux mètres, de couleur verdâtre, et juchée sur quatre pattes arachnéennes hérissées de pointes. Le haut de son corps évoquait un torse humanoïde, mais aux proportions malmenées, avec des épaules aussi grosses que sa tête, laquelle tête avait les yeux sur les côtés, et une bouche garnie de crocs qui la traversait en diagonale. Une longue langue fine en sortit tandis que la créature, semblant folle de rage, poussait un nouveau beuglement en se jetant sur eux.

Herr Gottfried fut le premier à réagir. Alors que le monstre balançait ses grands bras aux longs doigts boudinés dans leur direction, il apprêta son arme et n’hésita pas une seconde avant de s’élancer à sa rencontre.

« URLAUBEEEEEERG ! » Hurla-t-il. Un instant plus tard, un choc violent le faisait tomber sur le dos, une vive douleur à l’épaule. Il avait bloqué le coup, mais la créature était si forte qu’il n’avait pu le contenir. Il reprit ses esprits en une fraction de seconde, et vit la patte de la créature foncer vers son visage. Il roula in-extremis sur le côté et entendit le bruit des griffes s’enfoncer dans le sol. Un grand froid l’envahit alors pendant une fraction de seconde : il n’était pas passé loin du dernier voyage. Son épée toujours en main, il frappa à l’aveugle vers la patte, cisaillant l’appendice avec violence, et eut la satisfaction d’entendre un cri, de douleur cette fois, venir d’au-dessus de lui. Roulant à nouveau pour esquiver le prochain coup, il entendit une détonation, puis une autre, qui lui vrillèrent les tympans. On lui saisit le bras d’épée, et il tenta de se débattre.

« Laissez-moi vous tirer Mein Herr ! » La voix de Reiner était ténue, comme à travers trois oreillers. Le chevalier fut alors soulevé et parvint à se remettre debout. L’abomination avait reculé, et semblait mal en point, son ‘bras’ gauche enserrant le droit alors que du sang perlait entre ses doigts. Le bout de patte tranchée gisait sur le sol, et le fluide vital coulait du moignon. Ses vestiges de visage grimaçaient de douleur et de haine primale, mais aussi de peur. Le spectacle n’était pas beau à voir. Si cette chose a autrefois été un homme, se dit le kasztellan, ce n’est même pas la peine d’espérer la faire revenir à sa forme d’avant. Il s’aperçut que Reiner avait un pistolet à la main, et qu’un de ceux de sa ceinture était encore fumant. Cherchant Rottmann des yeux, il le découvrit juste derrière lui, brandissant lui aussi une arme à feu. Devant eux, leur adversaire difforme poussa un feulement de défi, mais ne semblait pas prête à repartir au combat.

« Bouchez-vous les oreilles » hurla la voix autoritaire et nasale du répurgateur. Gottfried n’eut que le temps d’obéir maladroitement du fait de ses armes. Un troisième BANG retentit alors que Rottmann déchargeait son pistolet, et le monstre s’effondra en poussant un braiement d’agonie.

Herr Gottfried secoua la tête, encore sonné par la violence du combat. Il commençait à entendre à nouveau autre-chose qu’un sifflement constant. Les bruits de la guerre revenaient petit à petit. Rangeant son épée, il entreprit de lisser machinalement sa moustache, tout en reprenant son souffle. Cet affrontement était leur troisième contre ces immondes parodies d’êtres humains, ces créatures grotesques et difformes dont aucune ne ressemblait à l’autre. Et l’une d’entre elles était leur ex-compagnon, le prêtre Félix.

« Pauvre hère » Dit-il. « Au moins, nous avons abrégé ses souffrances. »

Un mouvement près de lui. Rottmann contemplait la dépouille de leur assaillant, sans dire un mot. Herr Gottfried fut surpris de voir que pour une fois, la mine du répurgateur exprimait autre-chose que la méfiance ou la colère. Ses yeux brillants semblaient obsédés par un point inexistant, sa bouche était fermée en un pli et sa respiration profonde. Il paraissait…triste. L’impitoyable répurgateur, l’espace d’un instant, avait l’air d’être pris d’une vague de mélancolie. Gottfried, conscient d’assister à quelque-chose d’inhabituel, ne trouva rien à dire. La cloche sonna à nouveau, les rappelant à l’instant présent.

« Messieurs, le temps presse. » Reiner, le visage redevenu inexpressif, les attendait. Quelques secondes plus tard tous trois avaient repris leur chemin, au pas de course.

*

Après une heure et plusieurs affrontements contre des skavens isolés, les trois hommes, avançant prudemment désormais, débouchèrent sur une sorte de place. Ou plutôt, à ce qui sembla à Herr Gottfried, sur la place, celle qu’ils souhaitaient atteindre depuis le début. Et le spectacle les laissa bouche-bée. Gottfried ouvrit des yeux gros comme des soucoupes, Rottmann s’immobilisa, ses lèvres formant un « o » muet, et Reiner lâcha même un « Taal tout puissant… ».

Devant eux, au milieu de cette espèce de terrain vague de près d’un kilomètre de diamètre qui semblait surtout avoir été autrefois recouverts de bâtiments ensuite démolis, se trouvait la tour. De près, elle était encore plus impressionnante. C’était une gigantesque construction de pierres et de bois d’au moins cent, voire deux cents mètres de haut, dont l’assemblage paraissait bien plus précaire vu de près. De section carrée, large de plusieurs dizaines de mètres, et plus impressionnant encore, elle était montée sur roues. Des roues immenses, hautes comme cinq hommes, faites de bois cerclé d’un métal sombre. Le tout formait une improbable silhouette s’affinant de plus en plus jusqu’au sommet, et dont l’ensemble paraissait vouloir céder à tout instant sous l’effet des forces de la nature. Mais cette construction défiait la nature, étant aussi parcourue d’un enchevêtrement de câbles, de conduites et autres tuyaux, qui débouchaient sur des cheminées dont s’échappait une fumée verdâtre, ou au contraire s’enfonçaient dans la structure. Et au sommet, immense, provoquante, indécente, la cloche sonnait toujours, parcourue de lumières bleutées, faisant résonner son carillon faux avec régularité sans interruption.

DOING…DIOING…DOEEIONG…

Et aux pieds de l’édifice, les trois humains se trouvèrent être les involontaires spectateurs de l’une des scènes de bataille les plus chaotique de leurs vies. Des skavens par milliers affrontaient des centaines de créatures mutées aux multiples appendices et aux proportions saugrenues. Les hommes-rats se massaient, attaquaient en nombre avec leurs épées, lances, poignards, ou toute autre arme qui leur tombait sous la main. Mais très vite, il sembla que certains disposaient d’équipement plus sophistiqué, car Herr Gottfried en vit un déverser un jet de flammes vertes et luisantes par un tuyau relié à une sorte de réservoir tenu par un de ses congénères. Le chevalier déglutit alors qu’une goutte de sueur froide lui parcourut le dos. Il avait lu les rapports quant à la bataille qui avait eu lieu dans cette cité. Ces armes étaient redoutables, et terrifiantes. Et pourtant, les horreurs mutantes l’étaient tout autant. Bien plus grandes que leurs adversaires, elles balançaient leurs tentacules, bras, pattes ou gueules dans tous les sens, massacrant plusieurs skavens à chaque moulinet. Leur furie semblait incroyable, mais la rage des rats l’était également, car ceux-ci tenaient encore le coup malgré l’aspect terrifiant de leurs opposants et leurs pertes considérables. Les meuglements rauques des abominations se mêlaient aux cris aigus des hommes-rats, et le sol, déjà couvert de débris et de gravats, était à présent jonché de cadavres, ce qui semblait ajouter au chaos ambiant.

Mais ce qui dominait le champ de bataille, et de loin, c’étaient les deux immenses créatures aux allures de vers, d’une vingtaine de mètres de long, aux larges corps bouffis d’où sortaient une quinzaine de membres tous différents mais de grande taille, ainsi que plusieurs appareils métalliques repoussants. Ces…choses étaient manifestement en proie à une douleur incroyable doublée d’un accès de violence inouï. Leurs protubérances frappaient dans toutes les directions, broyant mutants et skavens indifféremment, et leurs hurlements désincarnés semblaient sortir de dizaines de gorges à l’agonie. Herr Gottfried tenta de trouver Frère Félix, ou plutôt ce qu’il était devenu, dans ce capharnaüm, mais y renonça vite. Il se rendit compte qu’il avait reculé de plus d’un mètre, la bouche soudain sèche. Reiner s’était adossé à un mur alors qu’il contemplait le spectacle, plus pâle que jamais et muet comme une tombe. Rottmann se trouva être derrière eux. Le chevalier ne l’avait même pas vu reculer. Face à un mur, la tête baissée et murmurant des paroles inaudibles, le répurgateur tenait dans ses mains jointes devant-lui un objet que Herr Gottfried identifia comme étant un pendentif en forme de marteau. L’homme priait. Le kasztellan l’interpréta comme un mauvais augure.

« Pour le seigneur du changement, meurs sale engeance ! »

Les deux hommes se retournèrent vers la bataille, reconnaissant la voix qui avait proféré ce cri de guerre impie. Rottmann avait la tête de quelqu’un qui respire une odeur pestilentielle – ce qui était le cas d’ailleurs. Là, au milieu de la mêlée, Ferragus, le chevalier noir déchu, semait la mort parmi les skavens de son épée enflammée tout en hurlant des imprécations.

Herr Gottfried posa la main sur sa propre arme.

« Que faites-vous ? » lui souffla sèchement Rottmann en l’attirant en arrière, dans l’ombre. « Si on se fait repérer maintenant, c’est foutu ! »

Le kasztellan dégagea son bras d’un geste brusque. « Je ne vais pas laisser vivre ce vermisseau, cet arrière-faix de truie larde, qui a osé blesser Guy dans son corps et dans son honneur ! » Il chuchotait pour ne pas attirer l’attention, mais il aurait bien voulu hurler ces paroles.

Reiner intervint alors à son tour, plantant devant le chevalier son visage maigre luisant de sueur. « Mein Herr, je vous rappelle que nous devons neutraliser la cloche, pas nous perdre en vaines vengeances. » L’écuyer avait la même expression que d’habitude, mélange de passivité et de nonchalance. Mais sa voix, bien que murmurée, était d’acier, et son regard de glace. Herr Gottfried réalisa alors la stupidité de sa réaction. Ils étaient là, tous les trois, cachés dans un recoin sombre alors qu’à quelques mètres se trouvaient des créatures capables de les tailler en pièces en quelques secondes. Et lui, dans sa colère, s’apprêtait à révéler leur position. Penaud, il recula de deux pas. Il avait chaud. Gottfried se saisit du bas de son tabard et s’en servit pour s’éponger le visage, inspira un grand coup malgré la puanteur de l’air, puis dévisagea ses deux partenaires.

« Très bien. Quel est le plan ? »

Rottmann se tourna pour faire à nouveau face au vaste terrain rempli d’ennemis où la bataille faisait rage. Il désigna la tour de sa main gantée alors qu’un nouveau carillon de la cloche résonna dans toute la grotte.

« Le plan, c’est de rejoindre cette sale cloche, sans plus tarder. Il doit bien y avoir un moyen de…grimper là-haut. » Sa voix était tremblante, et il avait marqué une pause avant de prononcer la fin de sa phrase. Son doigt décrivit ensuite une courbe. « Nous allons raser les murs, pour ne pas se trouver encerclés. » Il aurait tout aussi bien pu dire « pour ne pas croiser ce chevalier fou furieux », mais cela était inutile à présent.

Après quelques secondes de flottement, il reprit dans un chuchotement qui faisait presque oublier l’aspect nasillard de sa voix : « si vous êtes prêts, allons-y. »

*

« Crève-meurs maintenant ! »

L’éclair verdâtre jaillit des doigts crochus du prophète gris et parcourut en un instant la distance qui le séparait de chose-oiseau, debout sur le toit d’une tour. Rélimus exultait, hurlant son plaisir et sa haine alors qu’il voyait son ennemi sur le point de disparaître. Mais son cri s’étouffa dans sa gorge. Juste avant l’impact, une gerbe de flammes roses avait entouré la créature au faciès aviaire. Dans une explosion colorée, l’éclair percuta…quelque-chose, et pendant une seconde la lumière rendit impossible de savoir ce qu’il s’était passé.

« ssssaleté, j’esssspère que tu es mort-détruit. » Rélimus attendit quelques secondes encore, puis prononça sa formule de téléportation, et l’instant d’après il était sur la tour en question, contemplant les débris fumants de planches de bois réduites en charpie noircie dans une atmosphère saturée de poussière. Mais de son ennemi, de chose-oiseau, toujours aucune trace. L’infâme profanateur avait encore réussi à s’enfuir. Quel lâche ! Mais il ne perdait rien pour attendre, ça non-non. Rélimus secoua son museau de mépris, éructant un reniflement sec. L’incroyable-splendide-magnifique mage qu’il était ne pouvait pas perdre. Plongeant ses sens dans les courants de magie divine, il se remit en quête des variations causées par chose-oiseau. Ce dernier n’était sans doute pas conscient des remous qu’il provoquait, mais comment, après tout, pouvait-il se douter qu’il faisait face à un maître sorcier de son calibre ? Rélimus en était certain : je ne fais que jouer avec ma proie-victime. Mais cette dernière ne lui échapperait pas !

Alors que, de son perchoir, il observait distraitement le champ de bataille, un mouvement attira son attention. Un mouvement sur l’échelle de la grande-superbe cloche. Trois choses-homme. Trois choses-homme qui montaient. Le prophète gris serra les dents. Des moucherons qui venaient le distraire, rien de plus. Il allait les balayer d’un revers de la main.

« Qrekch ! » Hurla-t-il en détournant le regard. Il y avait plus important que ces trois choses-homme insignifiants : retrouver chose-oiseau, qui pour l’instant se tenait tranquille, mais pour combien de temps encore ? Un murmure derrière-lui l’avertit de la venue de l’assassin. Par quels moyens ce dernier était-il arrivé aussi vite ? Rélimus n’avait jamais compris comment faisait Qrekch pour se déplacer en quelques secondes sur des distances inimaginables, mais il n’en avait cure tant que ce dernier faisait son travail.

« Je vous entends-sers, seigneur. » La voix de l’assassin du clan Eshin était presque inaudible, mais pour une fois, avec les bruits de la bataille, Rélimus aurait préféré que ce ne soit pas le cas. Qu’importe. Il donna ses ordres rapidement. « Trois choses-homme-espions gravissssssssent mon grand-œuvre. Je veux qu’ils crèvent-périssent ! Et vite-vite ! ». Rélimus ne se tourna même pas pour voir la réaction de son serviteur, et seul un léger courant d’air lui annonça le départ de Qrekch.

Un ennui-problème de réglé. Au suivant.

*

Wilhelm n’en revenait pas. Au début, il n’avait pas fait attention, s’étant occupé de regarder constamment autour de lui et de s’arrêter à chaque son. Mais à présent que Guy et lui étaient dans une obscurité quasi-totale, le doute n’était plus permis : le chevalier bretonnien brillait dans le noir. C’était une lumière ténue, d’une teinte dorée rassurante, qui semblait irradier de l’homme comme si un feu brûlait à l’intérieur de lui. Il s’en était aperçu alors que, dans le tunnel sombre et étroit qu’ils avaient emprunté, la lumière de sa torche avait à peine suffit à éclairer ses propres pas. Guy, alors devant, n’avait néanmoins pas de problèmes pour s’orienter, et c’est en levant les yeux vers lui que Wilhelm s’aperçut que le bretonnien était devenu luminescent.

Il s’arrêta net, et sa bouche tomba de surprise.

« Messire… »

Le reste mourut dans sa gorge. L’écho de sa voix lui parut assourdissant, alors que le silence était essentiel. Guy ne prit pas le temps de se retourner, chuchotant tout en marchant.

« Ne crains rien Wilhelm. La Dame guide mes pas. »

Qu’est-ce que cela voulait dire ? Wilhelm réfléchissait tout en marchant, prenant bien garde à chaque pas dans ce tunnel erratique et malaisant. Un malheureux coup de pied dans une pierre posée dans le chemin pouvait résonner jusqu’à…Il ne savait pas, mais il ne voulait pas prendre le risque. Depuis la guérison miracle de Guy et sa soudaine ferveur, Wilhelm avait fini par admettre qu’il ne s’agissait sans doute pas d’un coup de folie. Le chevalier bretonnien avait l’air en pleine forme, bien plus que depuis longtemps. Mais il n’y avait toujours pas eu de preuve que cette ‘Dame du Lac’ l’avait réellement aidé.

Aucune preuve, jusqu’à maintenant. Car à présent, Wilhelm ne voyait aucune autre explication raisonnable à l’état de Guy, à moins bien sûr que lui-même ne commence à perdre la raison. Non se dit-il, non je ne deviens pas fou. J’ai vécu des situations similaires et j’ai encore toute ma tête. Il se frappa du poing sur la poitrine, comme pour vérifier que ses sens fonctionnaient toujours correctement. Je vois clairement, j’entends clairement, et je sens clairement. Car il était impossible d’ignorer l’odeur nauséabonde qui régnait dans ce tunnel, odeur qui lui faisait plisser la bouche de dégoût à chaque inspiration. Il reconnaissait désormais cette puanteur, qu’il avait déjà sentie dans les tunnels de la cité souterraine, plusieurs années auparavant. C’était un mélange fétide d’odeurs bestiales, de déjections animales et de poils mouillés, de crasse pourrie et de renfermé. Cette odeur mettait des jours à partir. S’il la sentait, c’est bien que sa tête fonctionnait toujours, non ? La faiblesse de son raisonnement lui apparut rapidement. Depuis le début de la journée, il avait déjà assisté à plusieurs miracles, sortilèges, et à une transformation. Alors non, il n’avait pas vécu de situation similaire. Devenait-il vraiment fou ? Ils marchaient tous les deux vers un danger inconnu, redoutable, et ils le y allaient le plus vite possible. Il essaya d’imaginer la réaction de son père en apprenant cette histoire. « Quoi, mon fils a foncé tout droit dans un tunnel d’où sont sortis des monstres ? Hum, c’est bien son genre. Avec ses délires sur la nature de la chevalerie, c’est tout à fait le type d’idioties dont il aurait été capable. » Un sourire décidé éclaira son visage alors qu’il étouffa un petit rire. Tu vois, père, même si je ne meurs pas dans la gloire, au moins le ferai-je en dans l’honneur, en accompagnant messire Guy jusqu’au bout. Cette pensée ne lui faisait plus peur. Il pressa le pas.

DOIENG

Le son de la cloche était depuis longtemps le seul qu’ils entendaient. Le carillon désaccordé n’était visiblement pas affecté par la distance ou les obstacles, son volume ne variant jamais. Mais Wilhelm l’avait depuis longtemps relégué dans un recoin de son cerveau.

Guy avançait sans rien dire, faisant preuve d’une étonnante maîtrise de ses mouvements pour quelqu’un engoncé dans une armure de mailles et de plates. Il faisait peu de bruits, parvenant à poser ses pieds cerclés de solerets sans émettre plus qu’un léger cliquetis. Wilhelm était impressionné. Il lui était impossible de voir le visage du chevalier, car il portait un casque et lui tournait le dos, mais Wilhelm pouvait presque sentir l’intensité de sa détermination.

Leur marche les avait menés loin sous terre pendant plusieurs heures, Wilhelm ayant dû changer deux fois de torche. Il se félicitait d’avoir pensé à emporter toutes celles de la cave du temple, n’osant imaginer leur situation si l’obscurité s’était refermée sur eux. Mais cette lumière générait aussi des ombres qui ondulaient sur le mur, chacune des aspérités semblant cacher un nouveau danger. Le tunnel serpentait, empêchant de savoir ce qui les attendait à chaque tournant, mais il était certain qu’ils descendaient lentement. À l’état d’excitation avait vite succédé celui de la lassitude. Crapahuter en armure dans un tunnel caillouteux pendant aussi longtemps n’avait rien d’agréable. Plusieurs fois, il avait envisagé de demander une pause, et quand il osa enfin le dire, messire Guy ne lui accorda que deux minutes. Fichue Dame du Lac avec ses miracles. Son chevalier avait semblé trépigner sur place, semblant aussi frais qu’après une nuit complète. Dès la pause finie, il avait redoublé de vitesse à la marche.

Au bout d’un moment cependant, Wilhelm tendit l’oreille, soudain aux aguets. Rien n’avait bougé, mais pourtant il lui semblait avoir entendu quelque-chose. Et il n’était visiblement pas le seul, car Guy s’arrêta net et leva la main droite à hauteur de sa tête. Le silence se fit. Un silence tendu, interrompu seulement par les battements de leurs cœurs et par la cloche.

« Tu entends ça ? » Il sembla à Wilhelm que le chuchotement de Guy pouvait être entendu d’un bout à l’autre du tunnel, mais il n’était plus temps de s’en soucier. Il acquiesça, car il y avait bien un bruit. Un bruit de fond, ténu, mais présent, et constant. Impossible de dire pour le moment de quoi il s’agissait. Ils échangèrent un regard, et Wilhelm eut la demi-surprise de voir que les yeux du chevalier étaient aussi dorés que la lumière qui l’entourait. Sans émettre la moindre parole, tous deux hochèrent la tête, puis repartirent de l’avant. Ils approchaient du but.

Quelques minutes plus tard, passées à marcher en prenant garde à chaque pas, à chaque souffle, un rayon de lumière parvint aux yeux de Wilhelm depuis ce qui semblait être une sortie. Enfin ! Le bruit ambiant s’était progressivement intensifié, et tous deux l’avaient reconnu : c’était le bruit d’une bataille. Là-bas, des gens criaient, frappaient, et mourraient. En grand nombre. Mais le tunnel dans lequel ils étaient s’était révélé désert. La situation doit être dramatique là-bas, pour qu’il n’y ait même pas une sentinelle ici. Cela, au moins, allait leur permettre de garder leur effet de surprise. Mais s’il y avait une bataille, qui se battait contre qui ? Wilhelm n’imaginait pas un seul instant les villageois se lancer dans les souterrains pour attaquer les hommes-rats dans leurs tanières. Mais pourtant, avec les maisons et rues désertes là-haut, il fallait bien que les habitants de Gullenburg fussent quelque-part. Et à part eux, qui d’autre ?

Guy accéléra alors qu’ils approchaient de l’issue par laquelle s’échappait une lumière jaunâtre. D’un pas décidé, il franchit l’embrasure sans marquer un seul instant d’hésitation. Wilhelm déglutit. On y est. Il lâcha sa torche et le suivit, plissant d’abord les yeux sous l’effet de la luminosité.

Avant de les écarquiller.

La cité skaven s’étendait devant eux, l’immense caverne dans laquelle, il en était certain, il s’était trouvé quelques années plus tôt. Il eut du mal à reconnaître l’endroit, mais ses tripes en plomb lui hurlaient que oui. Wilhelm ferma la bouche qu’il ne se souvenait même pas avoir ouverte. L’endroit peuplait encore ses cauchemars, avec ses innombrables bâtiments sombres illuminés par des pierres vertes luminescentes, qui fournissaient d’ailleurs l’éclairage principal. La lumière venait aussi de plusieurs incendies qui s’étaient déclaré çà et là, projetant des volutes de fumée noire qui s’unissaient en un plafond vaporeux. La cité souterraine n’avait rien perdu de son ambiance sordide, amplifiée par la présence, nouvelle, d’une immense tour, au sommet de laquelle une cloche gargantuesque battait furieusement. Et sonnait faux.

Wilhelm tituba un instant en arrière, avec l’impression qu’un pavé de glace descendait dans ses entrailles. Par réflexe, son nez se plissa en une expression de dégoût tandis que de nouvelles puanteurs l’agressaient, celle du sang, celle du feu, celle de la mort. Il plaça une main devant son visage tout en observant la scène. La veille encore, la moindre pensée de cette cité suffisait à le faire tressaillir. Et voilà qu’ils y étaient à nouveau.

Guy et lui surplombaient la ville, se trouvant sur un promontoire dominant la caverne. Un ensemble d’échafaudages et de passerelles étroites menaient vers le bas. Bas où se déroulait la bataille la plus chaotique que Wilhelm ait jamais vu. Des hommes-rats affrontaient des…des monstres ? Il n’avait pas d’autre mot. Des créatures toutes différentes, mais toutes similaires, avec leurs excroissances de chair et d’os, leurs mouvements titubants grotesques, et leurs hurlements furieux qui éclipsaient presque ceux des skavens. Mais ceux-ci étaient nombreux, très nombreux. Il en venait de partout, et quand bien même ils se faisaient massacrer, ils se battaient avec une énergie assourdissante.

Respire. Il ferma un instant les yeux, et remplit ses poumons par la bouche. Il devait se calmer, trouver une pensée à laquelle se raccrocher. Il revit un instant le visage de l’instructeur Stillmann, de Dieter, et de tous les autres qui avaient péri aux mains des immondes créatures qui vivaient là. Puis il pensa à Lydia. Tu n’es qu’un idiot ne put-il s’empêcher de penser. Vous venez de vous rencontrer, et tu crois déjà qu’elle est l’amour de ta vie ? Il sentit le rouge lui monter aux joues. Mais cette pensée l’apaisa, et il rouvrit les yeux.

« Attention ! »

Un mouvement à sa gauche le fit se retourner et il n’eut que le temps de plonger sur le côté pour tenter d’esquiver le moulinet d’une épée. Un choc sur sa cote de maille l’avertit qu’il n’avait que partiellement réussi, mais que son armure avait encaissé le choc. L’homme-rat pressa son avantage en ricanant, pointant une lame courbe de métal noir. D’un pas chassé, Wilhelm esquiva cette fois-ci totalement l’attaque, et dans le même geste il dégaina et frappa de taille. Le skaven s’effondra en pressant une patte contre son flanc ouvert. Un second prit sa place. Leurs regards se croisèrent, et Wilhelm put voir dans ces pupilles rouge sang toute l’animale envie de meurtre. Son esprit se vida, oubliant la douleur, les flammes et le reste. Un seul faux mouvement et il y passerait. Le skaven n’attendit pas, et bondit, les crocs saillants. Wilhelm recula, l’arme levée, et bloqua la lame de son adversaire. La seconde suivante, le skaven hurlait, de douleur cette fois, sa patte gauche tentant d’arrêter le sang qui s’écoulait de son moignon droit. Wilhelm porta un second coup, qui décapita la créature. Le sang jaillit, éclaboussant son armure, s’ajoutant aux taches faites plus tôt dans la journée. Wilhelm ne perdit pas de temps, fit glisser son bouclier de son dos, et l’enfila sur son bras gauche, tout en respirant de soulagement d’avoir réussi à survivre sans s’en servir.

« Ferragus est là. Je le sens. »

Messire Guy semblait de plus en plus excité. Wilhelm découvrit qu’aux pieds du chevalier se trouvaient trois corps de skavens démembrés, auxquels l’autre ne prêtait déjà plus la moindre attention. Guy avait les armes à la main, et son épée bâtarde était noircie de sang. De la pointe de sa lame, il désigna ce qui ressemblait vaguement à un chemin qui descendait en une pente rocailleuse peu engageante.

« Allons-y, Wilhelm. Nous devons éliminer ces serviteurs du mal. »

Son ton n’admettait pas de réplique. Mais Wilhelm n’avait aucune envie d’essayer de tuer tous les skavens présents, ni leurs monstrueux assaillants.

« Je pense, messire, que nous devrions faire quelque-chose à propos de cette cloche. C’est sans doute elle la cause de tout ce chaos. »

Guy hocha la tête, sans répondre, puis s’élança sur la pente escarpée qui semblait être leur seul moyen de descente. Wilhelm le suivit en espérant ne pas foncer vers la mort.

En quelques minutes, ils avaient descendu plusieurs dizaines de mètres, l’épée à la main. Wilhelm, tenant fermement le pommeau de son arme en acier nu, sentit une pierre céder sous ses pieds. Aussi vite que possible, il reporta son poids sur l’autre jambe, rétablissant ainsi son équilibre. La dangereuse descente nécessitait toute sa concentration. Sur cette pente rocailleuse pleine de gravats, il fallait assurer chaque pas, ne pas poser le pied sur une roche instable, tout en restant prêt à se faire attaquer. Toujours devant lui, Guy avait un peu perdu de sa superbe, son tabard rouge étant taché par de la poussière grisâtre qui volait à chaque fois qu’une pierre dégringolait, et ses bras lui servant plus à maintenir son équilibre qu’à tenir ses armes.

Mais quand les skavens avaient attaqué, il avait montré qu’il pouvait faire les deux. Un petit groupe d’hommes-rats avait en effet profité de la situation pour gravir la pente avec force couinements excités, toutes griffes dehors. Wilhelm avait serré les dents en voyant leurs ennemis évoluer sur cette surface avec bien plus de facilité que lui, du fait de leurs griffes et de leur poids léger. Mais par chance, il avait réussi à trouver un emplacement légèrement plus plat, et avait alors pu se concentrer pour tuer.

« La guerre, c’est tuer avant d’être tué » avait un jour dit le capitaine Oppenhauer, cinq ans et une éternité auparavant. Son enseignement avait consisté à briser un par un tous les préjugés sur le sujet que ses élèves pouvaient avoir. À commencer par les combats au corps à corps. De tels combats sont généralement brefs, la moindre ouverture pouvant signifier la mort. Un doigt mal placé sur la poignée de l’épée, un mouvement avec trop d’amplitude, et c’en était fini. Wilhelm n’en avait jamais été plus conscient que lorsqu’il affrontait plusieurs adversaires à la fois. Ces skavens mal armés, mal équipés, entassés devant lui, et pour lesquels le moindre coup était souvent fatal, étaient tout aussi capables de le tuer que n’importe-qui s’il leur en laissait l’occasion. Dans ces moments-là, il était concentré sur chaque partie de son corps, sur chaque geste, laissant parler son instinct pour n’avoir même plus à penser ses coups. « Lors d’un combat au corps à corps, réfléchir rime avec mourir ». Il ne réfléchissait plus. Ses armes étaient des prolongements de lui-même, et pouvait presque sentir la chair des skavens quand sa lame perçait leur peau. Un, puis deux, puis trois, puis quatre corps d’hommes-rats avaient dégringolé la pente, touchés par son épée. Il comptait le double d’estafilades sur son visage et de coups encaissés par sa cote de mailles. Le cinquième skaven préféra fuir, dégringolant le talus en éructant des cris stridents, mais un revers de Guy l’avait sectionné en deux.

Ce dernier avait abattu à lui seul une bonne dizaine d’hommes-rats, et se trouvait déjà en bas de la pente, à mi-hauteur par rapport au fond de la caverne. Wilhelm s’élança pour le rejoindre.

« Messire ! Attendez-moi !

- Presse le pas, jeune écuyer ! Notre gibier est proche ! »

Loin de l’attendre, Guy avançait déjà avec célérité, fonçant dans le dédale de plates-formes qui constituaient une forme d’échafaudage dans le prolongement du ravin qu’ils avaient descendu. Le cliquetis habituel que faisait son armure quand il courait était inaudible au milieu de tous les cris, et la lumière qui émanait de lui disparut dès qu’il emprunta la première passerelle. Je vais le perdre si ça continue pensa sombrement Wilhelm, qui finit lui aussi par atteindre le niveau inférieur. Il ne se demanda même pas comment ils pourraient remonter. Pas le temps.

Quand ses pieds atterrirent sur les premières planches, il hésita un instant. La lumière ambiante était juste assez forte pour lui permettre de voir son chemin, mais il sentait que le bois sur lequel il se trouvait pourrait céder n’importe-quand. Et dans l’état actuel des choses, aucun moyen d’être précautionneux…

« Arrière, sales engeance du démon ! Par la DAME, venez tâter de mon acier ! » Des cris de terreur suivirent ce cri de guerre. La voix de Guy était forte, même au milieu de ce chaos. Elle venait d’en-dessous. Passant la tête par-dessus le rebord, Wilhelm estima qu’il avait trois étages de retard, et s’élança dans ce qui semblait être une paire de planches qui descendaient relativement doucement vers une autre plate-forme. De celle-ci, le même genre de passage menait à nouveau vers le bas. Il pressa le pas. Ses blessures lui faisaient de plus en plus mal, et à plusieurs reprises il essuya un mince filet de sang qui coulait sur son visage.

Il lui fallut plusieurs minutes pour descendre tout l’ensemble. Plusieurs cadavres de skavens mutilés à divers degrés en jonchaient le chemin. Wilhelm avait failli tomber en butant sur le premier, et n’avait pu s’empêcher de jurer. Son chevalier n’avait pas fait dans la dentelle, et avait méthodiquement massacré tout ce qui passait à sa portée. Wilhelm était impressionné. Messire Guy est un grand guerrier, c’est indéniable, mais il devrait au minimum s’arrêter pour reprendre son souffle de temps à autre. Lui-même avait dû, parfois ralentir le rythme, et même s’arrêter à plusieurs reprises quelques secondes le temps de respirer à fond. Il doit être épuisé. Mais épuisé ou pas, le bretonnien avait creusé l’écart, poursuivant sa course sans ralentir. Pourtant, quand Wilhelm parvint à ce qui semblait être le bas – impossible à dire dans cette obscurité – il trouva messire Guy immobile, droit comme un piquet. La lumière qui émanait de son corps éclairait trois cadavres d’hommes rats à ses pieds. Le chevalier lui tournait le dos, semblant fixer un point précis des ténèbres devant lui. Tournant la tête, Wilhelm réalisa qu’ils étaient sur une sorte de promontoire rocheux, car après une dizaine de mètres de plat, le sol paraissait disparaître, et au-delà il apercevait les toits des bâtiments alentour. L’immense cloche était désormais un peu plus haute qu’eux.

« Tu as fini par venir mon cher Guy. Comme c’est aimable à toi. Je te propose de fêter ça dignement. »

Wilhelm sursauta violemment. Cette voix…

*


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Jeu 22 Sep 2022 - 19:59
DIONG…DOIENG…DOOEEEING…

Rottmann voulait se couvrir les oreilles. Mais à cinquante mètres du sol, mains et pieds sur les barreaux de l’échelle qui menait vers le haut de la tour, il n’en était évidemment pas question. Penchant légèrement la tête en arrière, il essaya de deviner combien de temps il faudrait encore grimper, mais il ne put voir que les pieds d’Herr Gottfried. Une goutte de sueur se glissa dans son œil, le faisant cligner un instant. Il s’empêchait par tous les moyens de regarder vers le bas. Vivement qu’on en ait fini. J’en aurai des choses à raconter dans mon rapport. Il se retint de lister à nouveau les « obstacles » qui avaient mené à cette sombre situation. Ce n’était ni le lieu ni le moment. Mais une partie de lui était satisfaite de voir Herr Gottfried, qui était un de ses plus véhément détracteurs, se trouver dans la même sombre situation que lui. Littéralement.

Avec une moue de dépit, Rottmann chassa ces pensées inutiles. Il fallait qu’il se concentre sur la chose essentielle du moment : empêcher son corps de trembler. Fichu cerveau déficient. Depuis aussi longtemps qu’il se souvienne, il avait toujours eu peur du vide. Même se trouver à quelques mètres du sol le rendait mal à l’aise. Il avait consulté – dans le plus grand secret – des médecins d’Altdorf, mais ceux-ci ne lui avaient été d’aucun secours, alternant entre poncifs ridicules et remèdes inutiles. Il avait abandonné, espérant ne jamais avoir à s’exposer au vide. Peine perdue. Il était en train de grimper sur la plus grande échelle qu’il avait jamais vue, et chaque seconde était pire que la précédente. S’il regardait en bas, il était certain de mourir de peur. Alors il focalisait sa pensée sur d’autres choses, comme la structure de la tour qu’il voyait défiler entre chaque barreau. Au sol, l’édifice était constitué de pierres et de bois, cerclé de métal, mais très rapidement toute trace minérale avait disparu, certainement pour des questions de poids. Globalement, il semblait que l’ensemble était de bien meilleure facture que le reste des bâtiments alentours, mais un mystère demeurait : malgré tout ça, comment cette tour arrivait-elle à tenir cette immense cloche sans s’effondrer ? L’instrument infernal faisait bien six mètres, voire plus, et devait peser des dizaines de tonnes. C’était certainement une autre preuve de sorcellerie, il en était certain. D’autant que l’air en semblait…saturé.

Ça avait commencé environ à mi-distance de la tour, quand ils avaient longé le mur en gardant leurs distances des combats. Une sensation de mal-être, de malaise, qui s’était progressivement amplifiée au fur et à mesure qu’ils s’étaient approchés du grand ‘clocher’ mobile. Leur avancée ne s’était pas faite sans encombres, car leur présence, bien que discrète, n’était pas passée totalement inaperçue. Quelques pitoyables skavens les avaient attaqués, et ce souvenir lui arracha un rictus de satisfaction. Sous-équipés et incapables de s’opposer à la force des serviteurs de Sigmar, ces créatures hérétiques avaient été promptement défaites et exécutées. Rien de plus dangereux ne s’était opposé à eux, ce qui tenait en soi du miracle. La suite avait également été plus facile que prévue. Une fois arrivés au pied du bâtiment, trouver un moyen de la gravir s’était avéré étonnamment aisé, car les constructeurs avaient manifestement placé une échelle contre la paroi. Par Sigmar avait pensé Rottmann, il semble que le destin veuille nous envoyer là-haut par tous les moyens. Cette facilité avait été douce-amère pour lui, car il n’avait alors plus eu la moindre excuse pour ne pas monter. Et en plus, ce plan est le mien. Je n’en vois pas de meilleur, mais c’est vraiment le pire. C’est peu avant le début de l’ascension que le malaise les avait vraiment saisis. L’impression d’être…repoussés par la tour. Rottmann avait initialement cru que c’était l’expression de son vertige, et ne s’était pas ouvert aux deux autres, mais Herr Gottfried avait alors clairement énoncé qu’il en ressentait aussi les effets :

« Dites-donc, tous les deux. Vous aussi vous vous sentez…bizarres ? Mes boyaux me hurlent de ne pas monter là-haut. Et puis cette cloche commence à être assourdissante ! »

Rottmann n’avait alors pas répondu, se contentant de regarder l’échelle avec appréhension tout en affinant nerveusement son bouc. Mais Reiner Von Enghelhoff, l’étrange écuyer d’Herr Gottfried, avait confirmé d’un ton laconique.

« Je ressens la même chose mein Herr. Mais je ne vois pas l’intérêt de les écouter à l’instant présent. Quant à la cloche, nous sommes ici pour la faire taire. »

Les deux hommes avaient hoché la tête, puis s’étaient mis à grimper. Silencieusement, Rottmann les avait suivis dans l’escalade, les dents serrées, jaloux de leur aplomb. Si Sigmar veut que je grimpe, alors je grimperai. Mais le malaise, loin de se dissiper, avait crû alors qu’ils se rapprochaient du sommet. Le seul bénéfice, c’était que la puanteur était moins forte à plusieurs mètres au-dessus de la bataille qu’au sol. Moins forte, mais toujours présente.

Après quelques minutes passées sur l’échelle, Rottmann agrippa le dernier barreau, et se hissa sur la plate-forme en soupirant de soulagement. Par réflexe, il dégaina immédiatement un pistolet tout en sondant l’endroit. Celui-ci n’était rien d’autre qu’une sorte de balcon de deux ou trois mètres de large, faisant le tour de l’édifice, avec un simple parapet de planches pour empêcher la chute. Un peu plus loin, Reiner, le gambison couvert de poussière, avait lui aussi une arme à feu au poing et semblait en avoir déjà fait le tour. « Rien à signaler » dit-il simplement. Bien pensa Rottmann. La vue était imprenable sur l’immense caverne, mais il évitait toujours de regarder en bas. Au contraire, il préféra lever les yeux vers la cloche. Ils n’avaient pas encore atteint le sommet de la tour, mais un escalier en bois – sans rambarde – montait le long d’un mur pour l’atteindre. Il s’aperçut avec surprise que sur la paroi de la grotte, au loin, il y avait d’autres constructions qu’il n’avait pas repérées depuis le bas. Cela faisait encore plus de ces sales créatures à détruire. Poussant un soupir d’exaspération, il retira son chapeau pour s’essuyer le front, et fut surpris par la quantité de sueur qu’il y trouva. Il avait soif.

« Nous y sommes presque messieurs ! Encore un effort ! » Von Urlauberg semblait à bout de nerfs, sa moustache complètement ébouriffée, mais il continuait inlassablement à parler pour ne rien dire. Ou plutôt à crier. Rottmann avait mis du temps à comprendre comment un homme pareil avait pu parvenir à un poste aussi important que kasztellan. Impulsif, imbu de sa propre importance et manquant de discernement, Rottmann l’avait longtemps pris un simple parvenu de faible compétence. D’autant qu’il s’était presque toujours opposé à lui. Mais avec le temps, il avait réalisé que Von Urlauberg faisait preuve d’une grande vaillance au combat, et avait montré sa fidélité à toute épreuve en ses idéaux. C’était un homme entier, qu’il était sans doute aussi facile d’apprécier que de détester. Un meneur par l’exemple. Rottmann se surprit à sourire à l’entendre essayer de les encourager, l’écuyer et lui. Il doit être lui aussi à bout de nerfs.

DOEING…DOOEINDANGDONG

« Allons-y ! » Se contenta-il de répondre en criant avant de dégainer sa rapière – mieux valait l’avoir à la main en cas de surprise – et de s’élancer vers l’escalier. Regarde devant toi Albrecht, et tout ira bien. Rien n’allait, autant se l’avouer. Il eut le temps de faire trois enjambées avant d’entendre un cri derrière-lui.

« SALETÉ ! »

Rottmann se retourna brusquement. Reiner, à trois pas derrière lui, fit de même. Face à eux, Herr Gottfried était immobile, livide, les yeux écarquillés. Il fit trois pas chancelants sans dire un mot, et parvint à s’appuyer sur le parapet avant de s’effondrer face contre terre. La poignée d’une dague dépassait de son dos.

« Par Sig… »

Son exclamation mourut dans sa gorge. Une forme sombre avait bondi depuis l’échelle, atterrissant souplement devant Reiner qui n’eut que le temps de dégainer. Aussitôt, deux dagues brillèrent, et une véritable pluie de coups tomba sur l’écuyer. Droite, gauche, haut, bas, droite, bas, tout ce que put faire Reiner était bloquer les attaques en reculant vers l’escalier. Rottmann se porta immédiatement à son secours. « Péris ! » cria-t-il en envoyant une estocade, mais à sa grande surprise son arme ne rencontra que de l’air. Dans un étrange mouvement qui fit tourbillonner sa cape, leur attaquant avait esquivé. Rottmann en profita pour l’observer, et à sa grande surprise il vit que c’était un autre skaven. Il était de taille moyenne, enveloppé dans un vêtement sombre très ample, et la tête couverte d’un long capuchon équipé de trous pour les yeux. Ces derniers brillaient d’une lueur malsaine. Ses lames, deux dagues recourbées, luisaient aussi faiblement malgré le manque de lumière. « Attention à ses armes » cria-t-il en reculant brusquement. Rottmann n’hésita pas une seconde, et pointa son pistolet vers le skaven. La détonation résonna dans son bras, et la fumée obscurcit momentanément son champ de vision. L’avait-il touché ?

« Il a filé par-là ! » Reiner désignait sa droite, vers l’angle du balcon. Zut ! Cette saleté de rat meurtrier était donc aussi rapide que ça ? Rottmann commençait à en avoir assez des ennemis qui évitaient ses balles. Intérieurement, il était admiratif du calme dont faisait toujours preuve le jeune Reiner. Son chevalier venait de se faire assassiner presque sous ses yeux, et pourtant cet écuyer n’avait pas montré la moindre faille dans sa détermination. Rottmann l’observa faire un prudent pas en avant, brandissant lui aussi un pistolet de la main gauche, alors que lui-même jetait un œil au corps de Von Urlauberg. Couché sur le ventre, le kasztellan ne bougeait plus. La dague avait percé son armure avec une facilité effrayante. Voilà un puissant allié qui disparaissait de façon bien misérable. Rapière en main, Rottmann se pencha pour examiner l’arme du crime. Un souffle de vent fit tomber son chapeau de sa tête.

Du vent, ici ?

Par réflexe, il fit une roulade, et entendit le bruit mat d’un couteau qui se plante dans le bois. Son assaillant l’avait raté d’un cheveu. Un coup de feu éclata à sa droite, effaçant tous les autres sons et l’empêchant de repérer l’assassin. Son cerveau nota que le tir ne l’avait heureusement pas touché. En se relevant, il n’eut que le temps de bloquer une nouvelle attaque de l’homme-rat encapuchonné, qui était tout près de lui. Celui-ci ne lui laissa aucun répit. Sifflant ce qui ressemblait à des insultes, ses armes se mirent à virevolter dans tous les sens en un ballet aussi complexe que mortel. Rottmann se savait être un très bon escrimeur, mais face à cet adversaire, pourtant muni d’armes courtes, il dut faire appel à toute sa science pour simplement rester en vie. Un coup à gauche, un coup en haut, une estocade enchaînée après deux coups de taille, puis un bond pour tenter de l’atteindre à la tête, avant de recommencer derrière-lui, le tout en à peine deux secondes. Rottmann avait l’impression d’affronter des ennemis venant de partout à la fois. La petite taille de son adversaire semblait jouer pour lui, lui permettant d’user de sa légèreté pour se déplacer avec une rapidité incroyable, et sautiller pour attaquer à n’importe-quelle hauteur.

Aucun rapport sur les hommes-rats n’avait jamais fait mention d’individus semblables. Sans doute que tous ceux qui en avaient vu un étaient morts peu après…Le souffle court, Rottmann sentait qu’il ne tiendrait pas longtemps. Il ne parvenait pas à parer la totalité des attaques, écopant de quelques entailles dans ses vêtements. Mais si ces lames inquiétantes coupaient le cuir comme du papier, il en était autrement de la maille, et plus d’une fois Rottmann se félicita de porter une chemise d’anneaux d’acier rivetés sous son manteau. Cela l’alourdissait, mais lui avait aussi sûrement sauvé la vie. Malgré tout, il savait que la moindre ouverture signifierait sa mort immédiate. Il se sentait par contre très vulnérable à la tête du fait de son absence soudaine de chapeau. Le couvre-chef en question n’aurait de toute façon pas servi à grand-chose face à cet adversaire, mais il n’était pas habitué à son absence.

Rottmann bloqua une nouvelle attaque qui visait sa jambe, puis plaça son pistolet sur le chemin de la seconde dague. Il recula à nouveau lorsque son adversaire fit un bond sur le côté, mais un léger choc dans son dos l’informa qu’il était désormais bloqué contre le parapet. Il déglutît, se sentant acculé. D’une façon ou d’une autre, il allait falloir se dégager, sinon je ne donne pas cher de ma peau. Mais l’homme-rat bondit soudain de l’autre côté de la plate-forme, s’éloignant de lui, atterrissant près du corps d’Herr Gottfried. Voyant Reiner apparaître à ses côtés, Rottmann comprit que ce dernier avait tenté de prendre le skaven à revers discrètement, sans succès. Il secoua la tête. Cette tactique aurait réussi avec un second répurgateur. Ou avec Frère Félix. L’absence du prêtre-guerrier se faisait cruellement sentir. Il observa rapidement Reiner. Le visage du jeune homme était fermé, concentré, et son regard rivé sur leur adversaire. Ce dernier était dans une position étrange, ramassé sur lui-même, les regardant tour à tour de ses petits yeux malsains vifs comme des mouches. Il ne produisait aucun autre geste, économisant manifestement son énergie. Il semblait prêt à bondir à la moindre ouverture. Rottmann s’était mis en garde, s’efforçant de n’en laisser aucune. La cloche sonna un autre carillon distordu.

Soudain, au lieu de bondir, la créature glapit de surprise et s’écrasa au sol. Sous les yeux ébahis de Rottmann, Herr Gottfried s’était redressé et avait attrapé les jambes du skaven de ses mains gantées d’acier, les tenant fermement. L’homme-rat, couinant de peur, se mit à se débattre de toutes ses forces, mais il semblait que rien ne pouvait faire céder le kasztellan, dont le visage était désormais d’albâtre mais exprimait une résolution à toute épreuve. « Tu crois m’avoir tué, tête de gobelin ? » grogna-t-il d’une voix plus rocailleuse qu’à l’ordinaire. « Je ne meurs pas pour si peu ! ». Le skaven fit pleuvoir les coups de dague sur le chevalier moustachu, mais ce dernier lui envoya un magistral coup de tête sur le museau. Un craquement retentit lors de l’impact, et l’assassin tomba en arrière. « Un Von Urlauberg ne se laisse pas tuer par un fifrelin aux allures de bouffon ! » Rottmann s’approcha, et, préférant ne rien laisser au hasard, planta son arme dans la gorge de leur assaillant désormais hors de combat. Autant être certain de la mort de ce... Avec un demi-sourire, il admit intérieurement que ‘fifrelin aux allures de bouffon’ était une description adéquate. Sa lame traversa le corps du skaven dans un bruit répugnant. Il reprit silencieusement son souffle alors que l’adrénaline retombait. Ce combat, bien que bref, il était certain de le garder gravé dans sa mémoire. Dans le trépas, cette créature semblait des plus pitoyables, aussi petite que frêle. Qui aurait pu croire qu’elle semait la mort encore quelques minutes avant ? Mais alors qu’il se perdait dans ses réflexions, un soubresaut anima le corps du skaven.

Rottmann recula vivement, l’arme levée, se mettant instinctivement en garde. Mais Reiner, qui s’était jeté vers son chevalier, secoua la tête d’un air résigné. « Ne vous en faites pas herr Rottmann. Il se dissout, c’est tout. » Rottmann lui jeta un œil méfiant. « Il se quoi ? » Il n’eut pas le temps d’en dire plus. Devant son regard qu’il s’efforça de rendre le plus neutre possible, le cadavre de l’assassin skaven se transforma en un liquide noirâtre qui s’écoula en une flaque sombre sur le bois noirci du balcon. Par une coïncidence étrange, un coup de cloche sonna juste à ce moment-là. En une poignée de secondes, il ne restait plus rien de l’assassin, pas même ses vêtements, le liquide ayant disparu entre les planches du sol. Seules restaient ses armes, dont l’éclat verdâtre était encore visible. Rottmann s’en saisit et les glissa à sa ceinture. Autant être sûr que ces instruments de mort ne puissent plus servir que la cause de Sigmar. Ou ne puissent plus servir du tout.

« Comment saviez-vous qu’il allait se dissoudre ? » Demanda-t-il tout en se tournant vers Reiner, rengainant sa rapière. L’écuyer était désormais au chevet d’Herr Gottfried qui, allongé sur le dos, respirait avec difficulté. Un mince filet de sang s’écoulait de ses lèvres, ce qui ajouté à sa pâleur lui donnait presque l’apparence d’un vampire. Rottmann plissa les lèvres. Il avait presque oublié que le chevalier n’était pas mort. Du moins pas encore. Reiner ignora sa question.

« Respirez, mein Herr. Respirez, mais ne dites rien, sinon, ça va empirer. » La voix de l’écuyer était ferme, froide. Comme si le chagrin ne le touchait pas. Rottmann ne savait pas s’il devait trouver ça admirable ou d’une grande tristesse. Ce chevalier était en train de mourir, et la seule personne à son chevet n’avait même pas les yeux humides. Herr Gottfried eut un petit rire sec.

« A qui crois-tu parler Reiner ? Je…je sais que je n’en ai plus pour longtemps…» Prononcer des mots lui semblait difficile, et il devait reprendre son souffle à plusieurs reprises. Rottmann avait déjà vu plus de gens mourir qu’il ne l’aurait voulu, et il savait à quoi s’attendre. Avec toutes ces blessures, et la sorcellerie qui les entourait, il ne donnait que quelques secondes à Herr Gottfried avant son dernier souffle. Tremblant, le kasztellan agrippa la nuque de Reiner pour rapprocher son oreille de sa bouche. « Je sais que…toi et moi, on n’a pas… pas vraiment réussi à s’entendre. Mais…je veux que tu entendes ceci. » Sa voix rauque se transformait petit à petit en murmure. Rottmann s’approcha lentement pour mieux écouter, ignorant la partie de lui qui disait que ça ne le regardait pas. L’inquisition doit tout savoir. Le kasztellan mourant continua : « Tu es certainement…le meilleur écuyer que j’ai eu. Dès que tu rentreras…dis à Herr Bastian…de ma part…que tu mérites mille fois l’adoubement. Ce fut…un immense…honneur…de te servir de…maître. » Il ferma les yeux. Son visage était éclairé par un faible sourire, qui exprimait une sorte de sérénité. Il était en train de mourir, mais ça ne semblait pas lui faire peur. Il ouvrit une ultime fois la bouche. « Fais…honneur…à ton nom. Il…le…mérite. ».

Son bras retomba au sol.

Rottmann, silencieux, fit le symbole de la comète à deux queues. C’était toujours une épreuve d’assister à la mort d’hommes de valeur. Il en détestait toujours chaque instant. Toutes ces pertes, et souvent pour si peu. Il secoua la tête, puis réalisa qu’elle était toujours nue. Dans l’instant de flottement qui suivit il pivota sur lui-même et récupéra son chapeau tombé contre le parapet. Un grand sentiment de bien-être l’envahit en sentant à nouveau le contact du cuir sur son front. Un mince sourire d’autodérision éclaira son visage durant une seconde. Von Urlauberg sourit à la mort, et moi à mon chapeau.

DIOOUEING

Rien n’est terminé, s’admonesta-t-il, s’en voulant presque de s’être arrêté pour assister aux derniers moments d’Herr Gottfried. Ce chevalier avait su qu’il risquait sa peau à chaque seconde, et l’avait fait le sourire aux lèvres, sans ciller. L’heure n’était toutefois pas encore aux hommages, mais à l’action. Et il n’y avait plus une seconde à perdre. Sans attendre Reiner, Rottmann s’élança dans l’escalier, gravissant les marches quatre à quatre. Fouillant dans son manteau, il sortit une sphère noire de la taille d’un gros poing, la fit tourner dans sa main jusqu’à trouver ce qu’il cherchait : un trou. L’instant d’après, il sortait une longue corde fine, en inséra une extrémité dans l’orifice en question avec mille précautions, puis commença à évaluer la bonne longueur de mèche. Il s’apprêtait à installer cette première bombe quand un éclair lumineux en périphérie de son champ de vision lui fit tourner la tête. Cela semblait venir d’un peu plus loin, en contrebas. Comme une sorte d’éclat de lumière dorée, qui aurait duré une fraction de seconde. Etait-ce Félix ? Il tua cet espoir dans l’œuf, honteux de l’avoir ressenti. Il fallait accepter la perte de Félix. Mais où que se posait son regard, il ne voyait que la violence des combats. Est-ce que j’ai rêvé ? Il y eut alors un second flash, et là, Rottmann parvint à déterminer son origine. Ça semblait venir d’un petit promontoire, quelques mètres au-dessus de la mêlée générale, non-loin de la tour. C’était trop étrange pour être naturel, et par réflexe, il sortit d’une de ses nombreuses poches une petite longue-vue qu’il déplia d’un coup sec et la porta à son œil. Sa première pensée fut qu’il s’agissait d’un autre de ces hérétiques alliés aux skavens. Non, on a vu ce Ferragus massacrer des skavens. J’ignore ce qu’il se passe ici, mais s’ils étaient alliés, ça semble terminé. Mais ça ne m’empêchera pas d’exécuter ces abominations jeteuses de sorts.

Ce qu’il vit coupa court à ses pensées meurtrières. Rottmann resta un instant figé, puis se passa sa main libre dans la barbe en plissant les lèvres d’ennui.

« Qu’observez-vous ? »

Rottmann sursauta, puis pivota pour faire face à Reiner. Que ce dernier soit parvenu à monter les escaliers sans qu’il ne l’entende en disait long sur son état de fatigue.

« Il y a du grabuge là-bas. Dès que ce sera prêt ici on s’y rend. »

Ce n’est qu’après avoir commencé à poser les bombes tout autour de la cloche que Rottmann se rendit compte qu’il avait oublié son vertige.

*

« Ferragus. »

La voix de Guy n’exprimait aucune émotion spécifique. Pas de colère, pas de mépris, ni même de froideur. C’était un ton calme, presque serein. Lui-même n’avait pas adopté de posture particulière à cet instant, restant simplement les bras le long du corps, l’épée baissée et le bouclier battant son flanc. Dans la faible luminosité, la lumière qui émanait de son être effaçait tout le reste, et Wilhelm eut du mal à distinguer le chevalier noir avant qu’il ne s’avance à son tour, affectant une posture similaire à celle de Guy. Il s’arrêta à quelques mètres d’eux, et pencha la tête sur le côté.

« Tu as quelque-chose de changé, mon cher Guy. Aurais-tu avalé un ver luisant ? Quel goût ça avait ? C’était meilleur que la trahison j’espère. Celle-ci est souvent assez amère. »

Sa voix résonnait en écho dans son heaume. Guy ne bougea pas.

« Je ne t’ai point trahi. C’est toi qui as trahi tout ce qui faisait ta vie. Tout ce que tu défendais. »

Ferragus éclata soudain d’un rire franc.

« Mais arrête donc d’être aussi grandiloquent mon cher Guy. On dirait que tu t’y crois vraiment, toi le chevalier, que dis-je, le paladin, défenseur de la Dame, face à moi, le vil suppôt du mal. Tu n’y comprends rien. Je ne t’ai pas trahi, tu m’as abandonné. Le reste, c’est des bêtises. » Il se mit à faire des grands gestes avec son épée, comme un enfant avec un bâton. « Tu crois que je suis devenu un serviteur du seigneur du changement par simple revirement de foi ? Il m’a ouvert les yeux, et m’a montré que la foi n’est qu’un prétexte pour les puissants, un outil pour mener le peuple. La Dame, c’est de la merde, parce qu’elle nous traite comme tel. » Wilhelm, qui s’était avancé, sentit Guy se tendre en entendant cette phrase. Mais le chevalier ne dit rien. L’autre continuait sans s’arrêter, et se mit même à contrefaire sa voix pour singer celle d’une femme. « Ouiiii, gnagnagna, preux chevaliers, allez donc sauver ces stupides paysans incapables de se défendre seuls. Allez tuer dix hommes-bêtes pour moi. Et surtout, n’oubliez pas de me remercier si vous gagnez. » Il reprit sa voix normale, mais ses intonations devinrent de plus en plus féroces. « Le grand architecte, lui, il m’a proposé de le rejoindre en toute connaissance de cause. Il m’a promis de vrais récompenses pour mes services. Et m’a offert de vrais pouvoirs. Comme ça ! »

Il pointa son épée vers eux, et soudain la lame s’enveloppa de flammes multicolores. Elles ne produisaient aucun bruit ni fumée, se contentant de danser le long de l’arme. Dans la pénombre environnante, cette vision avait quelque-chose de captivant. Rouges, bleues, vertes, violettes, blanches, jaunes, oranges, rouges, vertes, jaunes…Wilhelm cligna des yeux, puis serra les dents, en colère contre lui-même.

Je dois rester concentré. Ces flammes semblaient ne propager aucune chaleur, mais Wilhelm se rappelait de la blessure qui avait rendu Guy infirme le matin même. Il valait mieux ne pas se faire toucher par cette épée.

« Tu vois, même ton écuyer est fasciné » ricana Ferragus. « Eh, petit, tu ne veux pas me rejoindre ? On s’amuserait bien. »

Wilhelm fut surpris de cette apostrophe soudaine, mais il se ressaisit rapidement. « Jamais ! » fut néanmoins tout ce qu’il trouva à répondre. Cette conversation commençait à lui faire perdre patience. Et il semblait que c’était aussi l’avis de Guy.

« Tu parles trop Ferragus. Finissons-en. »

Le chevalier noir secoua un instant la tête.

« Ha ! Et c’est toi qui me dit ça ? Toi qui d’habitude parles tellement qu’on se demande si tu arrives à respirer ? »

Il y eut un silence, et en une fraction de seconde il se mit en garde, bouclier devant lui et l’épée levée. Et cette fois, son ton était sérieux.

« Mais pour une fois tu as raison. Finissons-en. »

Wilhelm n’eut que le temps de se mettre en garde à son tour que Ferragus était déjà sur eux. Son épée était aussi longue que celle de Guy, lui offrant une grande allonge dont il joua pour porter son premier coup. Wilhelm préféra esquiver, et riposta immédiatement en visant l’aisselle, mais il sentit d’un coup un grand choc qui le fit reculer. Ferragus lui avait asséné un violent coup de pieds qu’il aurait reçu à l’estomac s’il n’avait pas eu son bouclier. Messire Guy en avait profité pour attaquer à son tour, mais sa propre épée, illuminée d’une lumière chaude, fut bloquée par celle de leur adversaire.

« Tu ne peux pas me battre, pauvre idiot. »

Ferragus attaqua, faisant virevolter sa lame avec rapidité, et échangea plusieurs passes d’armes avec Guy, le mettant sous pression tout en le poussant vers le rebord du promontoire. Guy était concentré sur ses parades. Wilhelm repartit à l’attaque, et tenta de prendre le chevalier noir à revers. Mais alors qu’il portait un premier coup dans son dos, l’autre opéra un mouvement de recul sur le côté tout en rétablissant ses jambes, et bloqua l’attaque de Wilhelm avec son grand bouclier. C’était cependant le moment que semblait attendre Guy. Bougeant soudain très rapidement, il envoya un coup d’estoc dirigé droit vers le heaume de Ferragus. Qui esquiva en décalant sa tête, avant de porter un grand coup d’épée droit vers le torse de Guy, en poussant un cri de rage.

Il y eut un grand éclat de lumière accompagné d’un bruit strident. Wilhelm recula, bouclier levé, la main d’épée au-dessus des yeux. Devant son regard étonné, il vit que Ferragus avait reculé de plusieurs mètres, et faisait comme lui. De l’autre côté, Guy s’avançait, en garde, et intact.

« Qu’est-ce que tu as fait, Guy ? » La voix de Ferragus avait perdu son ton moqueur. « Tu aurais dû mourir, et c’est tout. Tu aurais dû me donner ce que je veux ! » Guy ne répondit pas.

Poussant un cri rageur, Ferragus repartit à l’assaut, mais Guy était prêt. Il bloqua l’épée enflammée, attaqua à son tour, mais fut à nouveau paré et recula rapidement. Wilhelm rejoignit alors que Ferragus armait un grand coup de taille vertical visant le heaume de Guy, mais la lumière et le bruit réapparurent au même moment qu’il frappait. Wilhelm profita de la seconde de déconcentration de leur adversaire pour essayer de lui trancher la tête d’un coup de taille. Mais alors que son bras partait, Ferragus lui porta un violent coup de bouclier qu’il reçut de plein fouet. Il tituba en arrière, sonné, alors qu’un bruit métallique résonna devant lui.

« La Dame me protège contre toi, Ferragus. Et ma mission pour Elle, c’est de t’occire. »

Cette réplique fut suivie d’un ricanement du chevalier noir. Wilhelm serra les dents. Vraiment, il m’énerve. Mais cette fois-là le son était…différent. Récupérant ses esprits, Wilhelm s’aperçut que les deux combattants étaient à nouveau séparés, garde levée. Le bouclier de Guy était taché de noir. Et le heaume de Ferragus gisait à ses pieds. Visiblement, messire Guy lui avait porté un coup assez violent pour le lui arracher, révélant son visage qui n’était éclairé que par les lumières dansantes de son épée. Wilhelm parvint à distinguer une touffe de cheveux ébouriffés, un regard de braise, un long menton, des traits tirés, un sourire narquois.

Et un œil sur le front.

Guy avait l’air interloqué par cette vision dérangeante, et semblait rester prudent. Leur adversaire était ravi de son effet.

« Hahahaha. Voici mon secret, Guy. Il te plait ? C’est un cadeau de mon nouveau seigneur. Et il n’est pas là que pour faire joli. »

Wilhelm dévisageait lui aussi ce troisième œil, qui semblait surexcité. Sa pupille roulait dans tous les sens sans s’arrêter, comme si elle essayait de regarder partout à chaque instant.Il ferma la bouche qu’il ne se souvenait même pas avoir ouverte.

« Grâce à cet œil, je vois chacun de tes coups avant même que tu n'y penses toi-même. Tu comprends, Guy ? Tu ne peux pas me battre, je connais chacun de tes assauts à l’avance ! »

Wilhelm sentit une goutte de sueur froide couler le long de son échine dorsale. Un œil magique ? Qui permet de savoir quand on est attaqué ? C’était difficile à croire. Mais pourtant… Wilhelm passa le combat en revue. Ce qui était indiscutable, c’était que la défense de cet homme semblait toujours parfaite. Ses esquives et ses parades réussissaient systématiquement à lui éviter une blessure mortelle. Un combattant avec un pareil don peut-il être vaincu ? Wilhelm serra les dents. Ce n’est pas le moment d’y penser. Si nous perdons ici, les conséquences seraient trop graves. Ferragus pivotait lentement, suivant les mouvements d’un Guy interdit qui avait commencé à tourner autour de lui. Wilhelm comprit rapidement qu’il cherchait à mettre de nouveau Ferragus entre eux deux. Ce dernier continuait à parler tout en lui faisant face.

« C’est pour ça que je ris. Toi et moi, nous sommes chacun bénis par notre maître, notre divinité. Quelle meilleure façon de finir notre querelle, Guy ? Un combat épique dans les ténèbres, sans aide à espérer de part et d’autre. Quelle… !

- Tais-toi ! »

Guy fonça, sa longue épée levée au-dessus de lui. Saisissant l’occasion, Wilhelm fit de même. Il veut le mettre en position défensive, pour qu’on le submerge. Le choc fut violent. Ferragus, qui avait sans nul doute réalisé leurs intentions, recula de biais, parvint à bloquer leurs deux armes avec son seul bouclier, mais fut forcé de reculer. Ni Guy ni Wilhelm ne s’arrêtèrent là. De coup de taille en coup d’estoc, de coup droit en revers, chevalier et écuyer firent reculer Ferragus qui ne parlait plus du tout. Ses traits, luisants de sueur, étaient figés de concentration alors qu’il soutenait leur assaut, et son troisième œil tournait furieusement dans son orbite. Il ne put parer ou esquiver toutes leurs attaques, mais les rares qui passaient sa défense rebondissaient sur sa maille. Wilhelm réalisa qu’il parait bien plus souvent les coups de Guy que les siens. Sans doute que l’arme du bretonnien, manifestement bénie par cette Dame du Lac, lui semblait plus dangereuse. Wilhelm était en nage, et commençait à étouffer dans son armure. Ce combat commençait à sérieusement le fatiguer. Mais Ferragus n’avait plus l’occasion de contre-attaquer. La tactique de Guy payait.

Et puis soudain Wilhelm perçut le vide. Leur adversaire avait reculé tant et si bien qu’ils se trouvaient à présent tous trois près du bord du promontoire. Peut-on le faire tomber ? Mais sitôt que cette pensée traversa sa tête que son épée ne rencontra que du vide. Ferragus, un sourire narquois sur les lèvres, avait brusquement raccourci la distance entre eux tout en esquivant. Wilhelm n’eut pas le temps de reculer que déjà un choc dans son tibia gauche lui faucha les jambes. Il se sentit basculer en arrière, et atterrit lourdement sur le dos, le souffle coupé. Son casque heurta la roche avec violence, et la douleur envahit un instant sa tête. Il serra les dents, s’apprêtant à se relever, quand il sentit une masse sur ses côtes. Baissant les yeux, Wilhelm réalisa avec effroi que Ferragus avait négligemment posé le pied sur son torse, tout en regardant fixement Guy situé juste derrière.

« Un geste, mon petit Guy, et ton écuyer passe par-dessus bord. »

Par-dessus bord ? Wilhelm tourna un instant le regard de l’autre-côté, et un sentiment d’horreur naquit en lui. Il était à quelques centimètres du précipice. Et au-delà, cinquante à soixante mètres de chute. Il ferma la main sur le pommeau de son épée…qui n’était plus là. Il avait dû la lâcher en tombant au sol.

« Oh, et puis zut, prenons un peu d’intimité. »

Et d’un mouvement du pied il fit chuter Wilhelm.

*

« Enfin tranquilles. Toi et moi, ça ne pouvait finir que comme ça, Guy. Ton allié qui bascule dans le vide, comme tu l’as fait ce fameux jour. »

Ferragus avait quitté sa garde. Face à lui, Guy du fort aux roses l’observait à travers les fentes de son heaume, épée et bouclier levés. La lumière qui sortait de leurs deux armes projetait d’étranges ombres sur le sol caillouteux. Pas un son n’était sorti de sa bouche quand Wilhelm était tombé du promontoire. Un sourire extatique vissé sur la bouche, Ferragus paraissait prendre un immense plaisir à la situation. Ses deux yeux ‘normaux’ étaient légèrement plissés, et le troisième restait fixé sur le bretonnien. Et chose plus étrange, il haletait, quoique faiblement.

« J’en ai plus qu’assez de t’entendre, Ferragus. Finissons-en.

- Avec plaisir ! »

*

Wilhelm ouvrit la bouche pour hurler, mais n’en eut pas le temps. Au bout d’une seconde de chute, une violente douleur lui vrilla le dos et la tête alors qu’un terrifiant craquement retentissait. Il resta un instant sonné, sur ce qu’il assimila être du sol, sans bouger. Son corps n’était que douleur. Douleur aux bras pour s’être battu depuis le début de la journée. Douleur à la tempe des coups des skavens. Douleur à la tête de sa première chute. Douleur dans tout le corps de la seconde. Sa vision resta brouillée pendant quelques instants, ne lui laissant voir qu’une obscurité teintée de demi-lumières. Son ouïe était dans le même état, les sons parvenant atténués et déformés jusqu’à ses oreilles, un peu comme à travers de l’eau. Mais progressivement ses sens revinrent. Les formes et les sons se firent plus nets. Il avait le goût du sang dans la bouche, et réalisa qu’il s’était mordu la lèvre. Il s’aperçut aussi qu’il avait dû momentanément perdre son odorat, car son nez se plissa de dégoût en retrouvant la puanteur à laquelle il avait pourtant fini par s’habituer. Il avait toujours mal cependant. Mais il pouvait bouger. C’était déjà une bonne nouvelle.

Il tenta de se redresser, et aussitôt le monde sembla tanguer autour de lui. Il crut un instant que ses sens étaient toujours brouillés, mais en posant une main sur le ‘sol’, il réalisa qu’il n’en était rien. Il se trouvait en effet sur un ensemble de planches de bois grossièrement clouées en une passerelle de fortune reposant sur deux plates-formes, et simplement suspendue par des cordes entre deux échafaudages. L’ensemble devait faire moins de deux mètres de large, et en-dessous, il n’y avait que le vide, sur au moins cinquante mètres. En réalisant que sa chute ne devait pas en avoir amélioré la stabilité de la structure, Wilhelm eut un mouvement de panique, ce qui provoqua un nouveau tangage de la passerelle. S’efforçant de reprendre son calme, Wilhelm regarda avec angoisse son environnement immédiat. Il semblait se trouver légèrement en-dessous du promontoire où il s’était battu. L’un des échafaudages devant lui y remontait visiblement. L’autre partait dans une autre direction, longeant la paroi jusqu’à perte de vue. Se rendant compte de sa chance, Wilhelm prit une grande inspiration.
Si j’étais tombé de l’autre-côté, je serais mort
. Il sentit le tangage ralentir, et prudemment, pas à pas, il quitta la passerelle pour remonter aussi vite que possible.

*

Ferragus frappa. Son épée enflammée se dirigea droit vers un angle mort de la garde de Guy. Mais alors que son attaque allait toucher, il y eut un bruit strident, et une lumière intense le repoussa en arrière. À nouveau. Et à nouveau son troisième œil vit Guy contre-attaquer, avant même que ce dernier ne lève son bras. Attaque de taille par le haut. Il suffisait de se placer correctement pour absorber le choc. Et le point mort dans sa garde se situerait dans les jambes. Bien. La vision disparut, et l’instant suivant, Guy exécuta en hurlant le geste que Ferragus avait prédit. Le chevalier noir bloqua en écartant ses appuis, puis fit un mouvement balayant de son épée en direction des grèves. Mais Guy semblait s’y être préparé, car il recula prestement, laissant Ferragus taillader l’air. Attaque après attaque, épées et boucliers s’entrechoquaient, et si Ferragus contrait chaque assaut de Guy, ce dernier s’en sortait toujours. Le bretonnien esquivait, parait, et quand il n’y parvenait pas sa protection de lumière prenait le relai. Tous deux étaient couverts de poussière et de sueur, et leurs boucliers portaient les marques des dizaines de coups qu’ils avaient tous les deux encaissés. Sur celui de Guy, les armes de sa maison étaient depuis longtemps remplacées par des traces de brûlures et de nombreuses entailles.

Et Ferragus riait. Il riait quand Guy échouait à le toucher d’un cheveu. Il riait quand ses propres assauts étaient repoussés par la lumière de la Dame. Il riait quand il devinait le regard de Guy entre les fentes de son heaume. Guy, lui, poussait des cris de guerre à chaque assaut d’une voix tonitruante qui se réverbérait dans son casque.

Il bloqua la lame de Ferragus une énième fois. La chaleur qui émanait de cette épée se ressentait jusque dans ses doigts, mais il l’ignora et repoussa l’assaut d’une extension du bras. Mais alors qu’il allait porter une autre attaque, le sourire de Ferragus apparut juste devant ses yeux.

« Ah, si c’est moi qui m’approche, ta protection ne marche plus. »

Il perdit l’équilibre.

*

Wilhelm agrippa la planche du haut et se hissa à l’aide de ses bras. L’échafaudage n’avait aucune échelle, mais il ne manquait pas de prises. Les hommes-rats montent sûrement de la même façon que moi. La seule chose qu’il craignait était de voir l’ensemble s’effondrer sous son poids. La construction lui paraissait bien frêle, et il s’accorda un soupir de soulagement en atteignant le niveau du promontoire. Un seul soupir. Puis il leva les yeux.

Guy était en train d’affronter Ferragus dans un corps à corps sans merci. Leurs armes n’étaient plus que des formes indistinctes faites de lumières, l’une blanche et rassurante, l’autre multicolore et enflammée. Le rire du chevalier noir contrastait avec les grognements sourds de Guy, qui donnait tout ce qu’il avait. De temps à autres, un flash signalait une nouvelle intervention surnaturelle pour protéger Guy d’un coup mortel. Je dois me dépêcher. Wilhelm tourna le regard, et se mit à la recherche de son arme. Les deux combattants s’étaient éloignés du bord, aussi put-il y retourner rapidement. Sa recherche fut de courte durée : son épée était au sol, vraisemblablement là où il s’était effondré quand Ferragus lui avait fauché les jambes. Il referma ses doigts sur la poignée, et se sentant alors investi d’une nouvelle force.

Mais en se retournant il se figea sur place.

Guy était au sol, sur le dos. Sa lumière n’avait pas faibli, mais il était en très mauvaise posture. Juste au-dessus de lui, Ferragus pointait son épée vers son buste. La lumière réapparut, mais cette fois le chevalier noir ne recula pas. Empoignant la poignée de son arme à deux mains, Ferragus poussa un hurlement :

« Oh dieu du changement, perce cette pitoyable coquille et accorde-moi la victoire que je mérite ! »

Aussitôt, dans un bruit assourdissant, les flammes autour de son arme se mirent à grossir, jusqu’à presque totalement envelopper Guy. La lumière qui le protégeait sembla grossir en intensité elle-aussi, et l’espace de quelques secondes les deux phénomènes semblèrent s’affronter alors que Guy essayait sans succès de se relever, piégé par les flammes. Wilhelm s’avança pas à pas, protégeant son visage et ses yeux par son bouclier, sentant la chaleur devenir progressivement insupportable. Puis il y eut un bruit semblable à celui d’une vitre qui se brise. Suivi de deux cris. L’un de douleur. L’autre de victoire.

La lumière s’éteignit.

************************







Dernière édition par Arcanide valtek le Jeu 18 Avr 2024 - 23:30, édité 5 fois

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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Sam 22 Oct 2022 - 21:27
Hello !

Deux parties publiées et je n'ai pas commenté ? Je fais mal mon travail de lecteur et de fan de l'histoire Gniié !

Pour rattraper ça, j'ai fais une relecture un peu plus complète que les autres fois. J'ai mis les remarques au fur et à mesure de la lecture, et j'ai reformulé à la fin pour clarifier mes notes ^^

J'ai adoré ce dernier chapitre, très très puissant, très prenant ! Alors les quelques recommandations que je vais faire sont à prendre avec des pincettes, parce que le plaisir de la lecture était là du début à la fin, et c'est le plus important !




Avec une moue de dépit, Rottmann chassa ces pensées inutiles.
C'est un peu étrange de commencer un paragraphe par "il chassa ces pensées inutiles" suivi de l'anecdote de son passage chez les médecins pour son vertige : on a l'impression qu'il chasse une pensée "inutile sur le moment" par une autre. L'anecdote est bonne et drôle, et pas trop longue donc ça ne gène pas beaucoup, mais tu pourrais décaler l'expression "chasser ces pensées inutiles" pour après l'anecdote, peut-être avant "s'il regardait en bas", quelques phrases plus loin.

Depuis aussi longtemps qu’il se souvienne, il avait toujours eu peur du vide.  
C'est une très bonne idée de mettre cette caractéristique du vertige à Rottman. ça l'humanise beaucoup, sans diminuer ses autres traits. Par contre, il me semble que c'est un élément qu'il faut qu'on apprenne dès que tu nous dis qu'il est sur une échelle, avant ses considérations sur Herr Gottfried, qui sont moins "intenses" pour le personnage. ça installerait immédiatement son inconfort, avec en plus l'altitude.

S’il regardait en bas, il était certain de mourir de peur. Alors il focalisait sa pensée sur d’autres choses, comme la structure de la tour qu’il voyait défiler entre chaque barreau
Je suis toujours admiratif de ce genre de transition entre pensées et description/action. C'est efficace et fluide !

Ça avait commencé environ à mi-distance de la tour, quand ils avaient longé le mur en gardant leurs distances des combats. [...] Le seul bénéfice, c’était que la puanteur était moins forte à plusieurs mètres au-dessus de la bataille qu’au sol. Moins forte, mais toujours présente.
C'est un peu dommage d'avoir ce retour en arrière, qui nous sort un peu de l'histoire : il brise la chronologie et froisse l'effet de "le personnage est de plus en plus mal à l'aise". Ce début du texte marcherait aussi bien je pense, et quasiment sans reformulation, avec juste un déplacement des paragraphes pour avoir 1) un résumé du trajet vers la tour/pas trop de dangers/la cloche a peu d'effet ; 2) au pied de la tour/sensation désagréable/le dialogue, et 3) Les deux premiers paragraphes, avec d'abord le vertige et l'anecdote des medecins, puis le premier paragraphe, puis la phrase "il chassa ces pensées stupides" et le "s'il regardait en bas" et la suite du second paragraphe. On aurait un crescendo avec la cloche et le vertige, puis plus de soulagement en arrivant sur la plateforme.


Mais Reiner Von Enghelhoff, l’étrange écuyer d’Herr Gottfried, avait confirmé d’un ton laconique
J'adore le personnage de Reiner. Il est tellement flegmatique, tellement constant, au début c'est quelqu'un d'insupportable, on prend son attitude pour du mépris, du snobisme, et on finit par s'attacher à lui, parce qu'il a été dans tellement de situation avec les autres héros, parce que cette attitude est un roc pour tous les personnages dans la tourmente ! A ce point du récit, je pense que c'est mon personnage préféré.

L’ascension fut de courte durée.  Après quelques minutes passées sur l’échelle...
Tu peux enlever la première phrase, elle atténue beaucoup la tension je trouve, et est immédiatement contredite par "quelques minutes sur l'échelle". C'est très très très long quelques minutes sur une échelle quand on a le vertige, je parle d'experience...

Cela faisait encore plus de ces sales créatures à détruire.
J'ai toujours peur de faire des remarques sur le style, parce qu'il y a une part de subjectif et que j'adore ton style. Mais ici, je pense que enlever "cela faisait" et laisser la phrase sans verbe serait plus fort : plus bref, plus direct, on est dans une pensée qui fuse.

Poussant un soupir d’exaspération, il retira son chapeau pour s’essuyer le front, et fut surpris par la quantité de sueur qu’il y trouva. Il avait soif.
Une phrase longue, une description organique, suivie d'une phrase courte de trois mots, tranchante. Je trouve ce court passage très caractéristique de ton style, j'aime beaucoup !

Von Urlauberg semblait à bout de nerfs
Il doit être lui aussi à bout de nerfs.
Attention à la petite répétition ici

DOEING…DOOEINDANGDONG
J'applaudie le travail sur le texte pour rendre le son dissonant de la cloche, différent à chaque coup. N'hésite pas à en mettre encore plus, pour qu'on n'oublie jamais cette cloche, ce bruit qui ne s'arrête pas, qui est en train de rendre les personnages dingues, qui vibre, qui couvre tout !

Il fit trois pas chancelants sans dire un mot, et parvint à s’appuyer sur le parapet avant de s’effondrer face contre terre. La poignée d’une dague dépassait de son dos.
Tu devrais préciser ici que l'armure est percée. A la première lecture (avant le passage plus tard où tu précises la description), je me suis dis "mais attend... il n'avait pas une armure dans le dos ?". Tu m'as répondu ensuite, mais il faudrait (encore une fois, ce n'est que mon avis) que dès cet endroit on se dise "ha oui... c'est sérieux, il a percé une armure d'un seul coup..."

. Dans un étrange mouvement qui fit tourbillonner sa cape, leur attaquant avait esquivé
Tu sais vraiment rendre tes personnages iconiques. Cet assassin skaven, menace dans l'ombre depuis plusieurs posts, apparait enfin, tue un des personnage principaux qu'en plus tu viens juste à l'instant de flatter plusieurs fois, puis en menace deux autres... C'est vraiment bien joué !

« Tu crois m’avoir tué, tête de gobelin ? »   grogna-t-il d’une voix plus rocailleuse qu’à l’ordinaire. « Je ne meurs pas pour si peu ! »
La phrase "je ne meurs pas pour si peu" est bien plus forte que "tête de gobelin" je trouve. Peut-être pourrais-tu mettre "je ne meurs pas pour si peu" en début de phrase, et ne mettrai pas de deuxième réplique. Par contre, dire "je ne meurs pas pour si peu" alors qu'il réalise juste après que, bah, si il meurt pour "si peu" fait presque cocasse... est-ce que tu as eu d'autres répliques en tête à ce moment ?
Peu après, c'est un peu dommage que dans ce passage épique, tu appelles le personnage "le chevalier moustachu". Il a tellement de titres plus puissants à utiliser à ce moment


Son bras retomba au sol.
Crying Crying Crying Crying Crying Crying Crying Crying Crying Crying Crying Crying
OUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIINNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNN
passage tellement fort et beau, et triste ! C'est tellement beau ce qu'il dit à Reiner ! Un passage magnifique. Et tristeeeeeuuuuuuOUIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIINNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNN

, il sortit d’une de ses nombreuses poches une petite longue-vue qu’il déplia d’un coup sec et la porta à son œil
J'aime beaucoup le fait que le répurgateur a plein d'équipements divers et varié pour répondre à toutes les situations. ça me rappelle (mais le registre n'a rien à voir) le manteau de Duchemin, dans le film "l'aile ou la cuisse".

S’il s’agit d’un autre de ces hérétiques alliés aux skavens, je vais le…
Le choix des mots fait un peu forcé : On a déjà lu que "ces hérétiques" ne sont pas du tout "alliés aux skaven". Donc le fait qu'il pense exactement au fait qu'il croit qu'ils sont alliés fait un peu de trop je trouve...

Ce n’est qu’après avoir commencé à poser les bombes tout autour de la cloche que Rottmann se rendit compte qu’il avait oublié son vertige.
Très bonne phrase de fin, d'ailleurs, pris dans tous les évènements, j'avais moi aussi oublié, donc en lisant cette phrase de fin de partie, je me suis senti super impliqué, concerné ! bravo

Dans la faible luminosité, la lumière qui sortait  de son être effaçait tout le reste
"émanait" ou "irradiait" rendraient mieux que "sortait" que je trouve.

« Qu’est-ce que tu as fait, Guy ? » La voix de Ferragus avait perdu son ton moqueur. « Tu aurais dû mourir, et c’est tout. Tu aurais dû me donner ce que je veux ! » Guy ne répondit pas.
Je le note ici, parce que je n'ai pas de notes depuis longtemps, mais je trouve tout ce combat très bon, bonne chorégraphie, tension au top

« Grâce à cet œil, j’arrive à voir quand quelqu’un m’attaque, avant même qu’il n’y pense.  Tu comprends, Guy ? Tu ne peux pas me battre, parce que je connais chacun de tes coups à l’avance ! »
Dans pas mal d'animés, les personnages décrivent leurs pouvoirs comme si c'était des activables ou des passifs de jeu vidéo, ce qui souvent me sort de l'univers. J'ai eu un peu ce ressenti avec la première phrase de la réplique... J'ai pensé à la reformulation "Grâce à cet oeil, je vois chacun de tes coups avant même que tu n'y penses toi-même. Tu comprends, Guy ? Tu ne peux pas me battre, je connais chacun de tes assauts à l’avance !". Je ne sais pas ce qu'elle vaut, qu'en penses-tu ?

Et d’un mouvement du pied il fit chuter Wilhelm.
J'ai cru pendant une seconde que le personnage allait le laisser en vie, ce qui aurait été cliché, mais en fait non,  il a juste joué avec Guy. J'adore : pas de pitié et un sadisme aiguisé, ça c'est un vrai méchant !

Il s’aperçut aussi qu’il avait dû momentanément perdre son odorat
COVID !
plus sérieusement, c'est cool que le personnage soit en aussi mauvais état, ça rend la chute très crédible !

Son épée enflammée se dirigea droit vers un point  angle mort de la garde de Guy.
Le "point" est peut-être en trop^^

Mais alors qu’il allait porter une autre attaque, le sourire de Ferragus apparut juste devant ses yeux.
« Ah, si c’est moi qui m’approche, ta protection ne marche plus. »
Il perdit l’équilibre.
Je ne suis pas certain d'avoir compris ce passage... Je comprends qu'il s'est approché et que Guy est tombé, mais je n'ai pas compris pourquoi la Dame ne peut pas aider, et pourquoi Guy est tombé...

La lumière s’éteignit.
Très bonne fin de partie ! sobre, fort, explicite, une excellente fin à ce duel !

Merci beaucoup pour ce texte Arca. C'est vraiment du bon, et j'ai adoré !

LA SUITE !!!!!!!! Je veux savoir qui va tirer dans le dos de Ferragus ! Mr. Green

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Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
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La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang - Page 3 Empty Re: La geste de Wilhelm Kruger Tome 1 : la voie du sang

Sam 22 Oct 2022 - 22:22
Quelques passages ont été corrigés suite à tes suggestions. D'autres non Innocent .

C'est un peu dommage d'avoir ce retour en arrière, qui nous sort un peu de l'histoire : il brise la chronologie et froisse l'effet de "le personnage est de plus en plus mal à l'aise". Ce début du texte marcherait aussi bien je pense, et quasiment sans reformulation, avec juste un déplacement des paragraphes pour avoir 1) un résumé du trajet vers la tour/pas trop de dangers/la cloche a peu d'effet ; 2) au pied de la tour/sensation désagréable/le dialogue, et 3) Les deux premiers paragraphes, avec d'abord le vertige et l'anecdote des medecins, puis le premier paragraphe, puis la phrase "il chassa ces pensées stupides" et le "s'il regardait en bas" et la suite du second paragraphe. On aurait un crescendo avec la cloche et le vertige, puis plus de soulagement en arrivant sur la plateforme.
J'aime bien mes retours en arrière moi Whistling . En fait, j'aime bien les intros "pile dans l'action" avant de faire un petit flashback pour expliquer ce qu'il s'est passé depuis le précédent passage avec les personnages concernés. Mais là j'avoue qu'il est peut-être un peu long.


La phrase "je ne meurs pas pour si peu" est bien plus forte que "tête de gobelin" je trouve. Peut-être pourrais-tu mettre "je ne meurs pas pour si peu" en début de phrase, et ne mettrai pas de deuxième réplique. Par contre, dire "je ne meurs pas pour si peu" alors qu'il réalise juste après que, bah, si il meurt pour "si peu" fait presque cocasse... est-ce que tu as eu d'autres répliques en tête à ce moment ?
Peu après, c'est un peu dommage que dans ce passage épique, tu appelles le personnage "le chevalier moustachu". Il a tellement de titres plus puissants à utiliser à ce moment
Je me dis qu'un tel personnage est à ce moment totalement en roue libre, et qu'il dit tout ce qui lui vient par la tête, donc surtout des insultes.
Le coup des moustaches a été remplacé ^^

Je ne suis pas certain d'avoir compris ce passage... Je comprends qu'il s'est approché et que Guy est tombé, mais je n'ai pas compris pourquoi la Dame ne peut pas aider, et pourquoi Guy est tombé...
Guy est tombé parce que l'autre lui a fauché les jambes d'un balayage, mais ce n'est pas écrit parce que du point de vue de Guy, ça s'est passé trop vite pour qu'il le réalise sur le moment. Par contre, pourquoi la Dame ne l'a pas protégé ? C'est une sorte de triche de ma part, où j'ai décrété que sa protection ne marchait que contre les attaques directes, mais pas contre quelqu'un qui va te coller au corps sans t'attaquer.

Sinon, je te dis merci, merci pour tous tes compliments, les lire m'a vraiment fait très plaisir. Que ce soit sur mes personnages ou sur mon style, ça fait beaucoup de bien. Smile Smile Smile

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