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Hjalmar Oksilden

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Kasztellan
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Concours de récits 2023 -  Textes Empty Concours de récits 2023 - Textes

Ven 1 Sep 2023 - 18:36
Bonjour à tous !

Ce sujet accueillera les textes des participants, et uniquement les textes. Tout les commentaires, spoils, questions et échanges divers seront à effectuer dans la salle du trône.


Rappel rapide du règlement de cette année :

  • Le dépôt des textes sera possible jusqu'au au 1er Octobre 2023 (comprendre là jusqu'à 23h59 dudit jour)
  • Les inscriptions sont autorisées tout au long du concours. Même à la veille de la clôture
  • Toute inscription romancée (même courte) donne un point bonus
  • Chaque récit doit faire moins de 8000 caractères (espaces inclus) ou moins de deux page word (Times New Roman, police 11, intervalle 1.0).
  • Les récits doivent se dérouler dans l'univers de Warhammer (Age of Sigmar est également autorisé)
  • Toute personne ayant lu les textes peut voter, qu'elle participe ou non au concours.
  • Les votes se feront par podium de 3 (1er texte 3 points, 2e texte 2 points, 3e texte  point).


Le thème de cette année est "Panique à bord"

Bonne chance à tous et surprenez-nous avec vos idées Sourire

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"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett

Les livres dans le paquetage du nordique...:
Le (sale)Nick

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Nécrophage
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Concours de récits 2023 -  Textes Empty Re: Concours de récits 2023 - Textes

Sam 2 Sep 2023 - 17:56
La Machine

"Ils voguaient tel un navire frôlant les flots. Ils fendaient la brise à vive allure, se jouant des obstacles et des intempéries. La vitesse, couplée au bruit du puissant moteur, leur procurait un sentiment proche de l'extase. Quel sentiment vivifiant c'était, pour l'équipage du tank à vapeur impérial numéro 7, "Mein liebe Frida", de partir une fois de plus en guerre contre les séides du chaos. 7 tonnes d'acier impérial propulsées par un moteur à vapeur dernier cri que même les nains, pourtant si prompts à critiquer les inventions humaines, n'avaient pas pu s'empêcher d'admirer. Armé d'un canon de 8 pouces et d'une couleuvrine à vapeur, le monstre ne craignait personne.
Aucun cheval, aucune autre machine du collège des ingénieurs ne leur arrivait à la cheville, tant en puissance qu'en rapidité. Ils étaient le fer de lance des forces impériales dans la défense du petit village de Krinkelt contre une force d'invasion d'adorateurs de Slaanesh. "Du pain béni" avait dit à ses hommes l'ingénieur Tomáš Novotný, commandant du tank, "aucune armure, aucune protection physique ou surnaturelle ne peut protéger contre la force d'impact de cette merveille. Avec de la chance, nous n'aurons même pas besoin d'utiliser le canon".
C'est que les autorités impériales, qui avaient fait de la défense de cette bourgade du nord de l'Empire un enjeu stratégique majeur, n'avaient pas lésiné sur les moyens. Un host impérial puissant s'était amassé pour la défense de cet avant-poste. "Aucun sauvage du nord de devra passer"! leur avait-on dit".

"Et l'occasion de s'illustrer se présenta bien vite pour l'équipe de Frida. Alors que les guerriers du chaos approchaient, l'un deux, plus gros et plus laid encore que ses congénères, se mit à hurler à tue-tête. "Je suis Oleg Mikalsen, chef de cette compagnie de guerriers. J'ai été choisi par Slaanesh en personne pour éradiquer la présence des faibles hommes du sud". Depuis sa tourelle, Tomáš, qui écoutait les délires du chaotique, se senti soudain parcouru d'un frisson d'horreur: l'ennemi avait commencé à muter atrocement sous l'influence de son dieu impie. Il se métamorphosait maintenant en un monstre gigantesque, mi-mâle, mi-femelle, en agitant une immense épée magique au dessus de son crâne déformé. "Fonce!" cria-t-il au pilote du tank. "Pleine puissance sur cette chose. Nous l'écraserons par Sigmar!"
"Je suis le bras armé du chaos, continua la créature en pleine extase, le guerrier choisi pour propager l'apocalypse, la réincarnation d'Archaon en personne, la..."
Il ne put en dire plus, sauvagement écrasé qu'il fut par 7 tonnes d'acier impérial propulsées à pleine vitesse.
La ligne impériale hurla d'allégresse, tandis que les guerriers du chaos furent pris d'un début de panique. À peine commencée, la bataille pesait déjà en faveur des Impériaux. Allait-ce être le début de la fin pour les forces impies? Une machine manœuvrée par une poignée d'hommes vaillants allait-elle défaire une force entière de guerriers enragés?"

"Hélas, une seule machine, si puissante soit-elle, ne peut contenir la puissance d'une armée entière. Les guerriers du chaos revinrent en masse et attaquèrent bientôt la vaillante Frida à grands coups de lames corrompues. Le tank, déjà en difficulté, fut finalement engagé par plus de créatures de cauchemars, brandissant d'immenses haches, capables de fendre un bâtiment en deux. La panique s'installa progressivement à bord de l'engin, alors que sa chaudière menaçait d'exploser. Dans un ultime geste de défi, Tomáš Novotný vida son pistolait à répétition sur la masse de guerriers vociférants qui s'amassaient autour de sa machine paralysée. Son sacrifice, s'il devait en être ainsi, serait au moins digne de demeurer dans les annales de l'Empire."

"Le village de Krinkelt fut sauvé in extremis des rejetons du chaos. Mais les forces impériales stationnées sur place subirent de lourdes pertes. La destruction de Frida, dédiée corps et âme qu'elle fut à la défense de la ville, fut un coup majeur pour l'armée chargée de surveiller la frontière nord. Une force armée digne de ce nom peut-elle encore se passer d'un atout de cette taille dans cette tâche écrasante qui est la sienne: défendre les terres et protéger la population impériale?"

Tandis qu'il écoutait le récit du maître-ingénieur Otto von Daimler, chef du collège des ingénieurs de Nuln, l'empereur Karl Franz soupira.
"Bon! Bon! Inutile d'en rajouter vous m'avez convaincu. Combien pouvez-vous m'en produire et à quel prix?"
Cachant mal un sourire cupide, le nulnois s'empressa de répondre : "Je peux garantir à Votre Majesté la livraison de dix tanks à vapeur dernier modèle pour la fin de l'année. Vue l'urgence dans le nord, je me suis permis d'en commencer la construction dès à présent. Pour une commande de cette ampleur, je pourrais vous les faire à 1500 marks d'or l'unité".
"C'est très obligeant de votre part. Envoyez-moi donc le contrat au palais impérial cet après-midi. Je verrai avec le trésorier pour débloquer la somme".

Après que le monarque eut pris congé, von Daimler claqua dans le dos de son acolyte :"Vous voyez, Fritz, je ne rate jamais un vente. L'essentiel est de ne pas lésiner sur le détail. Après tout, rien ne vaut une bataille sanglante sur une obscure frontière de l'Empire pour relancer nos affaires. Les ingénieurs, les hommes de terrain et les troupiers ne sont-ils pas au final les martyrs de notre cause à nous? Nous vendons avant tout de la sécurité et les ennemis ne manquent pas. Pourquoi ne pas mettre la technologie au service de la populace, tant que le trésor publique sait y mettre le prix?".

Et de conclure: "Nous sommes avant tout les bienfaiteurs de notre peuple".
Franziska Schrei

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Zombie
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Mer 6 Sep 2023 - 18:13
Le Foltergeist


La mine sévère du capitaine Guy Carnel se fendit d’un mince sourire pour célébrer sa victoire. L’abordage n’avait pas rencontré de véritable résistance, et ses vigoureux marins de Bordeleau poussaient devant lui, ficelés comme des rosbifs, une douzaine de prisonniers tous plus patibulaires et infâmes les uns que les autres. Certains semblaient humains, mais ce qui leur servait de peau faisait un assemblage répugnant entre écailles fourrures et plumes. D’autres avaient des organes mutés dégoulinants hors de leurs corps, des tentacules, des glandes et des kystes répugnants. On avait aussi attrapé plusieurs monstres trapus, cubiques et gras, avec de grosses dents et des barbes noires chaotiques ; encore plus laids que les nains des montagnes grises. Enfin, le capitaine de cette frégate du chaos, un impérial félon dont le visage blafard était strié de cicatrices rouges et dont la langue fourchue claquait entre des dents pointues. Peut-être la prudence eut-elle été d’occire toute cette racaille, mais, le capitaine bretonnien était trop curieux de ce que ce prisonnier allait pouvoir lui raconter ; avant de passer au bûcher, cela va de soi.

« Drôle de machine, que vous avez là. » admit le capitaine.

Dès qu’il l’avait aperçu, sa curiosité avait été piquée. Un engin flottant semblant entièrement fait de métal convulsant, filant sur les flots à une vitesse sans pareille. Des canons avaient jailli de partout et de nulle part sur cette structure abjecte et s’étaient mis à cracher du feu dans toutes les directions de l’espace. Pourtant, le capitaine Carnel, au sang froid légendaire, l’avait mis en échec avec habileté et méthode. Manœuvres d’évitement, anticipation des mouvements et des tirs, neutralisation des armes, neutralisation des moteurs par une salve précise… le cuirassier n’ayant pas de voiles et la machinerie à son train qui crachait des volutes de fumées cramoisies ayant été réduite en charpie, il s’était immobilisé en panique. Carnel aurait pu couler le vaisseau impie, mais il avait été bien plus payant de l’aborder.

« Le Foltergeist ! » siffla le mutant ligoté qui servait de chef à cette abomination flottante. « Il est bien plus qu’une machine. Il est vivant.

- Mais bien sûr. »

Le regard de Carnel se reporta vers la porte qui menait du pont vers les tréfonds du cuirassier. Il avait envoyé plusieurs hommes là dedans, mais ils tardaient à revenir.

« M’as tu menti, canaille, en disant que tout ton équipage était là ?

- Non, mais je ne connais pas moi même toutes ses ressources.

- Ses ressources ?

- Nous avons forgé le Foltergeist avec l’aide des nains du chaos en infusant chaque atome de sa coque de maléfices et de haine. L’esprit d’un démon a été soudé à sa structure, incorporé en lui.

- Vos rites barbares ne m’intéressent guère. Ce qui m’intéresse c’est de découvrir comment fonctionne cette machine.

- Ha ! Seuls ceux qui sont éclairés aux vérités de ce monde sauraient le reproduire.

- Fadaises ! Jusqu’alors je pensais que seuls les nains pouvaient en faire, mais si des barbares du nord ont su fabriquer un moteur à charbon, les bretonniens le peuvent sans doute.

- Le Foltergeist ne fonctionne pas avec un combustible ordinaire. Il ne carbure qu’à la haine et au sang ! »

Carnel s’apprêtait à répliquer, quand un bruissement aiguë se fit entendre. Il lui fallut plusieurs secondes pour comprendre qu’il s’agissait de cris, montants depuis la cale de la frégate.

« Par la nouille de Manann, qu’est-ce que…

- Capitaine ! » l’interrompit un second.

- Du calme, attendez.

- Mais capitaine vous…

- Silence. Allez voir ce qu’il se passe là bas dessous, et revenez immédiatement. Les autres, on reste tous ici. »

Il valait mieux ne pas discuter un ordre du capitaine Carnel. Le second se dirigea doucement vers la porte, tandis que les autres marins s’immobilisaient, leurs armes sorties.

« Alors ? Vous voyez quelque chose ? »

Un long hurlement fut la seule réponse. Le second revint un courant vers eux, le visage défiguré par la peur. Le capitaine ne put pas même tenter de l’intercepter, l’homme fila à travers le pont et plongea par dessus bord sans demander son reste.

« Nom de nom ! »

Carnel dégaina son sabre et marcha vers la porte comme un ost sur une forteresse. Il écarta la porte d’un coup de botte virulent et plongea son regard dans la moite ténèbre que transperçaient maintenant quelques rayons de soleil.

Il fallut quelques secondes pour que ses yeux comprennent ce qu’ils y voyaient. Les ténèbres visqueuses étaient habitées par des formes affreuses, semblables à des bulbes de chair moisie et décadente, ruisselantes de fluides innommables, éclatantes d’un rose chair démoniaque. Par endroit, dans ces bourgeons de chair qui collaient au sol et au plafond comme des kystes excrétés par le métal, on voyait dépasser un pied, un bras, une main se contractant au rythme des pulsations de la douleur la plus atroce.

Carnel crut avaler sa propre langue dans son effort vigoureux pour ne pas hurler d’horreur. Il recula, pas à pas, répétant dans un murmure qui devint vite un cri :

« Il les digère… Il les digère ! »

Les prisonniers se mirent à rire aux éclats, leur capitaine sifflant avec sa langue de serpent tout en s’esclaffant comme un fou.

« Capitaine ! On se déplace ! C'est pas bon ! » cria un marin.

Carnel crut sortir d’une torpeur. En effet, ils étaient en mouvement. Un craquement sinistre, presque organique accompagnait la mise en branle des mécanismes du navire impie. L’eau autour d’eux se fendait, la frégate bretonnienne, stationnée à côté d’eux, s’éloignait désormais.

« Quoi ? »

S’il avait levé les yeux à ce moment là, il aurait vu le métal finir de se ressouder et cicatriser comme de la chair, la cheminée s’ériger derechef pour vomir une fumée couleur sang, et des canons s’extraire des combles de métal comme des os transperçant les muscles. Mais Guy Carnel ne leva pas les yeux, à la place il se tordit en deux de douleur. Une cicatrice vermeil venait d’apparaitre de nulle part sur son ventre, lui arrachant un gémissement de souffrance. Autour de lui, ses hommes étaient eux aussi atteints des mêmes symptômes, leur peau se déchirant, comme si une main invisible les équarrissait vivants. Le meneur des mutants gueula, extatique :

« Vous êtes maintenant en son pouvoir ! À la merci du Foltergeist ! Sa cruauté est démoniaque, elle n’est pas régie par les limites de ce monde ! Savourez la souffrance dont il vous fait don ! Vous n’approcherez jamais rien de plus sacré dans vos pathétiques existences ! Souffrez et hurlez ! Ainsi vous ferez honneur à sa personnalité infâme ! »

Refusant de tolérer ce discours dément, Carnel brandit son sabre et se jeta sur l’hérétique. Son épée lui transperça le poitrail, mais cela ne le fit pas taire, son rire ne faisant que redoubler après cet assaut désespéré.
Le capitaine bretonnien lâcha son arme, et recula en titubant. Son bras… tout son bras n’était plus qu’un océan de sang où la peau était introuvable. Sa chair à vif suintait du rouge, plus de rouge qu’il n’en avait jamais vu. Les canons du Foltergeist, pleinement régénérés, se remirent à tonner dans un orage affreux à briser les esprits, et les bretonniens se roulant au sol de douleur gémissaient, nourrissant le monstre avec leurs supplications.

« Vous êtes venus vous même vous placer en son pouvoir. Rendez hommage à sa divine cruauté ! Il n’y a qu’ainsi que vous rendrez utiles vos pathétiques existences. » continuait le chef chaotique.

Guy Carnel, souffrant le martyr, à peine capable de garder connaissance, se traina péniblement jusqu’au bastingage. Du sang lui jaillissait des pores, du nez, de la bouche, des yeux… il ne pouvait en supporter plus, mais dans un dernier effort de ses muscles liquéfiés par la douleur, il tira son corps en avant et se laissa chuter par dessus bord, au beau milieu de l’océan.

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Sam 9 Sep 2023 - 12:32
Giordano


     Le siège avait commencé il y a quelques jours, après trois assauts glorieusement repoussés. Renversée des hautes murailles, exterminée aux entrées des canaux, la vermine se fut alors retirée hors de portée d’arbalète et s’était mise à creuser des tranchées. Après une longue délibération au conseil, il fut décidé d’évacuer les femmes, les enfants et les vieillards : la vermine avait l’infame réputation de provoquer des épidémies dans les cités assiégées.

***  

     La traversée avait commencé il y a quelques jours, les timoniers prenant bien garde d’éviter les nombreux bancs de sable de la côte. Les quelques galions et les nombreuses galères bourdonnaient de vie péniblement contenue à l’intérieur des cales. Il faisait chaud, l’on respirait à peine, la tempête qui s’annonça le soir venu arracha à tout le monde un soupir de soulagement. Les vents furieux, cependant, obligèrent les navires surchargés à prendre la haute mer.

***  

     La fièvre avait commencé il y a quelques jours, légère d’abord, éreintante ensuite. Giordano faisait partie des vieux ; veuf, il avait laissé son fils à la défense de la cité et n’avait pas de petits enfants à surveiller. Roulé en boule, le dos contre le bois grinçant de la cale, Giordano s’efforçait de contenir ses grelottements. Il priait mais ses maux rendaient ses pensées de plus en plus confuses.

***

     Les murmures avaient commencé il y a quelques heures, ou quelques jours, il ne savait plus. En rêve, Giordano se revoyait jeune et vigoureux, ce qui rendait son réveil de moins en moins supportable. En rêve, quelqu’un lui suggéra des prières qu’il ne connaissait pas mais qui l’aideraient, apparemment, à guérir. Le vieil homme n’avait parlé de son état à personne, craignant de provoquer la panique et se faire jeter par-dessus-bord. Giordano essaya une fois la nouvelle prière, s’endormit et, à son réveil, il fut surpris de ne plus avoir mal.

***

     Giordano n’était ni méchant, ni stupide, mais, pour ne pas subir à nouveau mille douleurs, il accepta de toucher la main du marin qui lui tendait son bol de soupe. Le marin s’effondra le jour suivant, manquant de provoquer un accident pendant une manœuvre. L’on fit passer le tout pour un coup de soleil mais, dans la petite cabine du capitaine, le diagnostic du chirurgien fut sans appel : virulent et gravement contagieux. Le cas fut naturellement tenu secret, afin de ne pas provoquer de panique à bord du navire.

***

     Les murmures félicitèrent Giordano, sans qu’il sache exactement pourquoi. En rêve, il eut une vague vision, une lumière au lointain, une voix étonnamment sévère et implorante à la fois. Le souvenir en fut promptement effacé à son réveil, tant le vieil homme sentait ses entrailles se tortiller curieusement. Pris d’une frayeur soudaine, Giordano s’empressa à midi de toucher la main du nouveau marin qui lui tendait son écuelle de soupe.

***

     Giordano eut le sommeil léger cette nuit-là. Comme à travers un voile, il crut revoir sa femme, et leurs premiers ébats. Il sentit alors quelqu’un l’agripper aux chevilles, ouvrit les yeux et la bouche, cette dernière fut immédiatement bloquée par un torchon. Les sourds grognements d’un affrontement inégal furent noyés dans le tonnerre de ronflements qui emplissait la cale. Ils devaient être au moins trois à l’emporter sur le pont contre son gré.

     Giordano s’affola. Ils allaient le tuer, il ne pouvait que s’imaginer cette issue inévitable et se démenait avec toute la force de son vieux corps pour résister aux mains qui le tenaient à présent sous le grand ciel étoilé. Sous l’effet de la colère, ses entrailles se nouèrent, puis il ressentit dans son bas-ventre une douleur si cinglante qu’il en ferma les yeux et ne s’entendit pas hurler. Le supplice s’acheva presque aussitôt, dans le grand noir sans retour.

***

     La tête de Giordano roula sourdement sur le pont. Ses intestins, qui s’étaient enroulés autour des cous de ses quatre ravisseurs, relâchèrent leur emprise aussi surnaturelle que meurtrière. Le corps du vieil homme empestait, c’était à son odeur que le chirurgien avait conclu, quelques moments plus tôt, qu’il devait être à la source de la maladie. En revanche, le capitaine, les deux marins complices et lui-même venaient d’être secourus par quelqu’un dont le physique jurait totalement avec l’acte brutal qui venait d’être accompli : une jeune femme bien mise, que le capitaine reconnut pour être l’occupante de l’unique autre cabine en face de la sienne.

***  

     Le nom de Giordano fut rayé d’une liste de passagers rédigée par un capitaine soigneux. Lors du retour des navires à Miragliano un mois plus tard, personne ne vint demander le nom du vieil homme. Pourtant, en jetant la liste, le capitaine ne put s’empêcher de repenser à cette horrible nuit, quand son sang-froid et celui de ses hommes fut si rudement éprouvé, par trois fois. La jeune femme leur eut avoué qu’elle n’était pas comme eux mais qu’elle était de leur côté. Tout comme eux, elle désirait surtout, et à tout prix, éviter de provoquer la panique à bord du navire.


***
***
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ethgri wyrda

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Dim 17 Sep 2023 - 17:56
La Chanson des Rat-meurt


Trente-neuf skavens sur un rafiot
Ramaient depuis des heures
Leurs rames étaient en fait des rats
Aux longue queue raides et aux dos plats
Qui couinaient de terreur

Un rat-ogre et le capitaine
Gardaient la chiourme à l’œil
Et à eux deux ils partageaient
Dix-sept dents, trois bras, deux crochet
Et trois yeux plein d’ orgueil

Le ciel était d’un bleu constant
Quand passa un nuage.
Bien que petit, il inquiéta
Un des rameurs dont l’embarra
Se vit sur son visage

Ses voisins surprirent le rictus
Et en cherchèrent la cause
Laissant leurs rames ils s’agitèrent
Pour regarder devant, derrière
S’ils voyaient quelque chose

Apercevant ces mouvements
Le rat-ogre grogna
Et pour mater l’indiscipline
Courut vers eux, bave aux babines
Son maitre sur le bras

Pour ne pas mourir piétinés
Trois rangs sautèrent aux flots
Leurs cris noyés par l’eau de mer
Saisirent aux tripes leurs congénères
Restés dans le bateau

Surpris par les glapissements
Le rat-ogre stoppa
Et soudain déstabilisé
Le capitaine vint s’écraser
Sur les planches de bois

Voulant reprendre les choses en main
Le chef pirate tira
Deux rameurs furent pulvérisés
Et le mat fut décapité
Le nid de pie chuta

En tombant sur le pont pourri
Le mat perça un trou
Du fond duquel l’eau remonta
Mouillant les pattes des hommes-rats
Qui courraient à la proue

Les rames lâchées par les marins
S’égayaient sur le pont
Certaines, affamées du voyage
Rongeaient le bois et les cordages
En un essaim glouton

Quelques skavens, plein de sang-froid
Pensèrent à écoper.
Pour le seul seau restant à bord
Ils se battirent jusqu’à la mort
Même s’il était percé

Sentant que les choses dérapaient
Le capitaine s’enfuit
Il sauta dans l’unique canot
Sans voir qu’il grouillait des marmots
Des rames les plus bouffies

Dévoré en quelques instant
Le chef ne put rien faire
Pour calmer son monstre effrayé
Qui attaquait l’eau embarquée
A grands coups de rapière

Les skavens arrachaient les planches
Pour se faire des radeaux
Accélérant l’effritement
D’un navire déjà peu fringuant
Au beau milieu des flots

Certains se jetaient sur les rames
Pour un dernier repas
L’inverse arrivait tout autant
On s’échangeait moult coups de dents
Quand toute la coque céda

Sous un ciel toujours innocent
Et sur une mer d’huile
La poupe flottait encore un peu.
Entourée des radeaux miteux
Des marins en exil

Chaque bout de bois encore à flot
Grouillait d’individus
Qui rageusement se battaient
Pour être le plus au sommet
De leurs planches de salut

Le rat-ogre resté seul à bord
Avisa un radeau
Il sauta dans un beuglement
Sans vraiment réfléchir avant
Et sombra dans les flots

Une par une les embarcations
Coulaient au fond de l’eau
La moitié des rats se noyait
Et l’autre moitié rejoignait
Le plus proche radeau

Bientôt ne resta plus en mer
Qu’une vieille planche vermoulue
Où tremblotait un seul skaven
Et une rames plus vraiment toute jeune.
Qu’il mangea dès qu’il put.

Trois jours plus tard, sur une plage
Un prêtre skink trouva
Un skaven sous un cocotier
Qu’une grosse noix avait tué
Près d’une planche de bois

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
Thomov Le Poussiéreux

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Concours de récits 2023 -  Textes Empty Re: Concours de récits 2023 - Textes

Lun 18 Sep 2023 - 1:29
Les paroles du Recteur aux étudiants en début d’année résonnaient encore dans la tête de Johannes : « Gardez l’esprit ouvert aux choses nouvelles et soyez curieux de tout. » Etait-ce ce à quoi il songeait alors ? Ils étaient quatre dans la vieille bibliothèque où pratiquement plus personne ne se rendait jamais. Pourtant, Johannes aimait beaucoup cet endroit avec ses vieilles étagères bourrées de rouleaux de parchemins et ses murs lambrissés aux teintes chaudes. L’épais tapis qui couvrait le sol lui avait toujours semblé d’une douceur moelleuse presque indécente dans un tel lieu d’étude.
Tapis qui était à présent roulé sur sa plus grande partie afin de laisser Helmut terminer son tracé ; le plus grand soin devait être apporté au dessin du cercle et des runes, ce qui n’était pas aisé sur les lattes bombées du parquet ancien. Johannes se mordit machinalement la lèvre inférieure en se demandant pour la énième fois comment les autres avaient réussi à l’attirer dans une aventure aussi rocambolesque, lui qui se targuait d’avoir l’esprit le plus rationnel.
Il voulu consulter le livre, mais Rupert l’en dissuada d’un seul regard ; il y croyait dur comme fer, à cette incantation, cela se voyait à la lueur presque démente qui faisait intensément briller ses yeux. Johannes regarda alors furtivement Conrad, qui suait à grosse gouttes en faisant le guet à la porte. Comment avaient-ils réussis à convaincre un tel couard de se prêter à cette entreprise, voilà qui relevait d’avantage de la sorcellerie que toute cette pantomime grotesque…
Helmut termina son dessin et Rupert le vérifia méticuleusement avant d’annoncer d’une voix rauque : « Cette fois nous y sommes ; tout est en place pour le rituel. »
Johannes se retint de lever les yeux au ciel devant l’emphase toute théâtrale de son camarade. Les quatre jeunes gens se répartirent autour du cercle et commencèrent à réciter l’incantation contenue dans le livre.
Rien ne se passa. Evidemment. Bon, au moins Johannes pourrait se coucher de bonne heure. Mais comme ils s’apprêtaient à quitter la pièce, Helmut poussa un juron en désignant le cercle cabalistique qui s’était mis à luire faiblement de lueurs changeantes et multicolores.
Ils restèrent sans voix pendant un long moment, puis Conrad déroula d’un coup le lourd tapis pour recouvrir leur ouvrage et s’enfuit presque de la salle. Johannes était estomaqué, toutes ses certitudes vacillaient soudain à la lumière de l’acte magique qu’ils avaient accompli. Le groupe se sépara sans plus rien dire.


Un homme sinistre se tenait derrière le recteur, le dominant d’une bonne tête. Ce dernier prononçait à nouveau un discours devant les étudiants rassemblés, mais la teneur en était toute autre aujourd’hui : prudence dans vos recherches, le savoir est une dangereuse illusion, les connaissances déjà accumulées devraient suffire à toutes les âmes pieuses,… Pendant qu’il débitait ces inepties, visiblement mal à l’aise, l’étranger derrière lui scrutait la foule de dessous son chapeau noir à larges bords, avec une intensité proprement terrifiante.
Quand il sentit ces yeux fous se poser sur lui, Johannes cru que son cœur allait cesser ce battre. « Il sait, la chose est certaine. Il sait tout et il me fera brûler pour ce que je suis devenu. » Il gratta sans y penser son torse où poussait depuis la veille un duvet qui se transformait peu à peu en plumes aux teintes bleutées. Il se reprit soudain et cessa brusquement de se gratter, puis se maudit intérieurement en pensant que son geste devait l’avoir trahi encore d’avantage. Personne ne devait savoir, personne.


Johannes se trouve une fois encore dans la vieille bibliothèque, mais elle ne lui procure plus aujourd’hui son habituel sentiment de douceur et de sécurité. Helmut a convoqué cette réunion et ils sont là. Conrad les voit déjà tous pendus : un Répurgateur, dans les murs de l’Université et le jour suivant leur expérience ; ce ne peut pas être dû au hasard !
Rupert est furieux, cette réunion attire bien trop l’attention sur eux alors qu’ils devraient faire profil bas. Johannes veut savoir si le cercle est toujours en place. Après tout, on peut encore essayer d’effacer toutes les traces et personne n’en saurait jamais rien.
Le tapis est roulé et le cercle est toujours là, et il brille toujours des mêmes lueurs dansantes et changeantes, aux hypnotiques teintes irisées…
Conrad se jette au sol et commence à frotter frénétiquement les marquages de craie. Mais rien ne peut même les estomper et le jeune homme se prend la tête entre les mains et se met à pleurer pitoyablement, à même le plancher.
Helmut dit : « Nous pourrions toujours remettre le tapis en place et oublier toute cette histoire. »
Mais Johannes, caressant ses plumes nouvelles, sait bien qu’il n’est plus question de revenir à sa vie d’avant. Jamais plus.
Conrad se relève d’un bond, comme pris de folie. Il se met à secouer Helmut en le traitant d’imbécile : leur seule chance est d’avouer leur forfait. Ils sont jeunes et leurs familles sont riches : on leur pardonnera leur erreur et ils pourront alors retrouver leur existence paisible et plus jamais ils ne tenteront quoi que ce soit de ce genre.
Rupert le coupe. Il a déjà vu un Répurgateur à l’œuvre, massacrant tout un village pour avoir trouvé un simple mutant dans une cave. Il se souvient des procès, des tortures et des supplices. Il se souvient des bûchers où brûlaient d’une même flamme coupables et innocents. Ces gens-là ne pardonnent rien ; ils en sont incapables.
Conrad se jette sur lui et lui hurle qu’il va le dénoncer, qu’il va tous les dénoncer, qu’il ne brûlera pas pour les avoir simplement suivi, que ce n’était pas son idée, qu’il…
Johannes réalise qu’il tient son stylet à la main. Qu’il vient de trancher la gorge de Conrad. Il sait que c’était la chose à faire, mais il ne parvient pas à réaliser qu’il l’a fait. Il regarde son camarade tomber à la renverse, un jet de sang sporadique s’échappant d’entre ses doigts avec lesquels il tente sans succès de retenir la vie qui le quitte.
Le sang asperge copieusement les runes impies qui n’en brillent que plus intensément. Tous sont figés et ne savent pas comment réagir. Ils pensent au corps qu’il va falloir cacher ; ils pensent au Répurgateur qui va forcément remonter la piste de cet étudiant disparu ; ils pensent que si l’un d’entre eux voulait les trahir, les autres pourraient bien en faire autant ; ils pensent au couteau que tient encore Johannes ; ils pensent…
Une forme vient d’apparaître.
Un petit être tordu s’est matérialisé sur la dépouille encore agitée de spasmes de Conrad. Il grandit rapidement, formant une silhouette oblongue pourvue de deux bras bien étranges.
Les trois compères ne peuvent en détacher le regard ; cela ne peut pas être, cela défie tout sens commun, toute logique. Et pourtant cela est bel et bien, là, sous leurs yeux.
Rien ne se passe, le temps semble suspendu. C’est à peine s’ils osent encore respirer. Puis, d’un coup, la créature s’embrase ; son corps tout entier se couvre de flammes multicolores. Elle lève ses bras impossibles terminés par deux cavités insondables et qui se mettent à cracher des flammes. Le feu caresse les vieilles étagères, garnies d’antiques rouleaux, il lèche les murs lambrissés, il frappe le parquet ancien faisant éclater les lattes de bois bombées, il enserre l’épais tapis qui s’embrase en un seul souffle.

Johannes est sorti, il ne sait pas comment. Derrière lui, l’Université entière est en flammes. Ses vêtements sont roussis, mais il est indemne. Partout des attroupements se forment ; badauds et lettrés qui assistent au désastre. Parmi la foule, Johannes reconnait le Recteur, atterré, abattu. Il voit Johannes à son tour et il devient soudain très pâle.
Machinalement, le jeune homme gratte son torse qui le démange toujours furieusement. Il réalise alors que ses habits ont brûlés, que sa poitrine est dénudée et que chacun peut voir le plumage qui la couvre. Déjà une main s’abat sur son épaule, c’est l’étranger sinistre. Il est prit.

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Sam 30 Sep 2023 - 15:58
À tire-d'aile

- Le brouillard a passé les murs ! s’écria leur père en jetant littéralement le cadet à la suite de sa sœur. Fichez le camp ! Prévenez le magistrat !
- Mais p…
- Pas de “mais” Xia ! coupa-t-il avec autorité en bouclant la nacelle d’un revers rageur. Réponds-moi oui et fais ce que je t’ordonne !

     Coite, l’adolescente ne trouva pas à répondre. Tout allait trop vite. Son monde sombrait et elle ne pouvait rien faire, impuissante. L’homme qui l’avait élevé s’échinait sur la corde retenant leur navire, luttant contre le chanvre, mais également contre l’affliction lui dévorant la peau à vue d'œil. Tout son bras gauche et sa gorge avaient noirci, recouverts de bubons et de lambeaux de peau suintants. Cela ne faisait pourtant pas une heure qu’il avait été poignardé sur le rempart…

     Avec un cri de libération autant que d’agonie, il parvint enfin à trancher la corde épaisse retenant encore ses enfants. En quelques instants, le véhicule s’éloigna de plusieurs mètres.

- Papa ! s’écrièrent-ils tous deux en se précipitant contre le bastingage pour regarder en contrebas.

     Celui-ci n’eut pas l’opportunité de leur répondre. En une bourrasque, il fut avalé par la brume et disparut du champ de vision des deux passagers. Une épaisse mélasse dont la couleur même trahissait la nature pernicieuse. Une vapeur cotonneuse d’un vert maladif où semblaient nager des reflets violacés, ondulante et agitée de remous. Comme dotée d’une vie propre. Cette brume galopait plus vite qu’aucune monture ne pourrait jamais fuir la forteresse. Les défenseurs du mur n’avaient pas eu la moindre chance.

- Papa ! s’écria à nouveau Huan en s’efforçant d'escalader la rambarde, aveuglé par le chagrin.

     C’est sa sœur qui l’empêcha de se jeter dans la purée de pois. Presqu’aveuglée par les larmes, elle se laissa affaler au fond de la nacelle, ceinturant le garçon contre son abdomen. Le cadet se débattit et lui laboura les côtés de ses coudes, mais elle tint bon. Jusqu’à ce qu’il accepte finalement de ne plus lutter.

     Ce n’est qu’après un temps qui parut des années, qu’ils trouvèrent la force de ravaler leurs sanglots, déchirés par le malheur. Puis qu’ils purent prendre pleinement conscience de leur situation précaire.

     Le grand mur, encore dressé à l’horizon, n’avait pas cédé. Cela n’avait pas été nécessaire. Même un mur ne pouvait stopper un nuage. Celui-là même continuait de ramper au sol, loin sous leurs pieds. Leur père les avait fait s’envoler à bord de la lanterne céleste d’alarme. Celle-là même à faire décoller du Bastion s’il venait à céder. De taille dérisoire en comparaison avec les jonques de combat, cette montgolfière serait portée jusqu’aux cités à l’intérieur des terres par le puissant vent du Nord. Aussi rapide qu’une monture et ne connaissant pas la fatigue, elle était apte à porter un unique messager - ou deux enfants - porteur de la funeste nouvelle : le mur était tombé aux griffes de l’ennemi.

- Papa, geignit vainement Huan le regard tourné vers la mer verdâtre s’étirant à perte de vue dans leur sillage. Qu’est-ce qu’on va… sans Papa…
- Notre devoir, articula difficilement l’aînée en refoulant sa propre peine avant de poursuivre sa réponse. Nous devons alerter le magistrat. Le mur a subi une percée. La brume ne doit pas prendre Shugengan par surprise. Ensuite, seulement, nous pourrons… nous pourrons pleurer père.

     Le regard que lui décocha le garçon fut un supplice à soutenir. Xia se détourna, incapable elle-même de rester de marbre. Comment aurait-elle pu ?

     Le temps s’était comme arrêté, là dans le ciel. Il était suspendu, aussi sûrement qu’ils l’étaient au-dessus de la mélasse putride. Un calme lugubre régnait, interrompu seulement par les craquements ponctuels de la nacelle ou les tensions de la lanterne sur les cordages. Quelques mètres plus bas, finalement très près au vu de l’immensité céleste, la brume dissimulait le paysage et étouffait tous les sons. Qu’il s’agisse d’une brise dans les arbres, du meuglement du bétail ou de la voix d’un homme. Rien ne perçait cette fumée verte. Y avait-il seulement encore quoi que ce soit de vivant là-dessous ?

     C’est pourquoi, lorsqu’un éclat d’ailes tout proche leur parvint soudain, ils sursautèrent et firent brusquement tanguer l'embarcation.

     C’était un corbeau. Un oiseau banal, venu de nulle part pour se poser sur le rebord de leur esquif volant. Un oiseau qui hochait nerveusement de la tête, se tournant de l’un vers l’autre.

- X… Xia… ses… ses…
- Je les vois… répondit-elle aux bégaiements de son frère sans pouvoir dissimuler sa propre peur.

     Le plumage de l’animal était clairsemé, exposant la peau pustulée en-dessous. Ses yeux étaient d’un blanc laiteux et maladif. Son cri lui-même était étranglé, comme s’il toussait plus qu’il ne coassait.

- Ouste !

     S’extirpant de sa torpeur, Xia fit mine de le chasser. Elle réalisa un pas en avant et agita les bras. Mais l’animal malade n’eut pas la réaction escomptée. Pas du tout même. Au lieu de fuir, il battit furieusement des ailes et lui sauta littéralement au visage, projetant des plumes dans toutes les directions. Avec un cri de panique, la jeune femme replia les bras et recula en s’efforçant de garder son équilibre. L’agitation soudaine fit de nouveau dangereusement tanguer la nacelle et projeta Xia contre la cloison. Elle s'agrippa au rebord pour ne pas basculer dans le vide, mais l’animal ne s’acharna pas contre l’adolescente. Il se laissa tomber sur son frère, hurlant de terreur. Tombé sur les fesses, Huan se débattit dans un mélange confus de plumes et de membres pour repousser la créature.

     Voir son frère assailli après avoir tant perdu ce jour-là attisa la colère de Xia. Suffisamment pour que l’adolescente surpasse sa propre épouvante. Tendant les bras, la jeune femme parvint à attraper le volatile, les plumes glissant sous ses doigts. Elle n’aurait su dire s’il s’agissait d’une aile ou du cou. Cela n’avait aucune importance. Avec un cri de fureur, elle le fracassa contre le garde-fou. Une fois. Deux fois. Puis jeta la carcasse brisée dans le vide.

     Elle haleta quelques instants, surprise par sa propre initiative. Au creux de sa poitrine, son cœur tambourinait si fort que s’en était douloureux.

     Avec un soupir, s’efforçant de dompter ses émotions, elle se tourna vers son petit frère. Celui-ci, blanc comme un linge, contemplait ses mains. Elles étaient écorchées de multiples griffures. Déjà, les plaies s’auréolaient d’une couleur jaunâtre n’augurant rien de bon.

     Tétanisée, Xia resta immobile, ne sachant que faire. Elle se savait incapable cette fois de venir en aide à son petit frère. Ses yeux s’emplirent de larmes comme Huan levait vers son aînée un regard implorant. Lui aussi comprenait ce qu’il lui arrivait. Levant les deux poings à son front, il hurla d’impuissance.



     Lorsqu’un cavalier longma de Shugengan vola jusqu’à la lanterne céleste égarée dans le ciel immense, deux jours plus tard, ce n’est pas un messager envoyé par le front qu’il découvrit. C’est le corps méconnaissable d’un enfant, nauséabond et en état avancé de décomposition, ainsi qu’une adolescente recroquevillée dans le coin opposée de la nacelle. L’unique survivante d’un cauchemar approchant la cité.
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Dim 1 Oct 2023 - 0:44
Les hommes et les amants d’abord!


Ulrick Von Evergrim avait un sourire rêveur figé sur son visage. Machinalement, ses mains tournaient la barre et rectifiaient le cap. Ses yeux se perdaient à l’horizon. La nuit était calme, silencieuse. Mannslieb éclairait faiblement l’écume qui venait se fracasser sans bruit contre les planches. Il se sentait flotter, bercé par le roulis, le corps léger, se balançant au rythme des vagues. Il savourait la paix enivrante qui se diffusait dans tout son être, comme un frisson de fraicheur.
Les ombres des marins oscillaient sur le pont. L’équipage s’affairait, chacun à sa tâche, avec efficacité, avec discrétion, dans un ballet mouvant incessant. Parmi eux, ce cher Mirka. Chemise bouffante, col légèrement entrouvert, cheveux ébouriffés et noirs de jais qui se fondaient dans l’obscurité, et des yeux bruns aussi profonds que les abysses. Son épée au clair rehaussait sa carrure agile et finement musclée.
Le sourire d’Ulrick s’élargit lentement. Ses yeux se fermèrent. Se rouvrirent. Un imposant nuage cacha Mannslieb. Il contempla la silhouette qui se dirigeait vers lui à toute allure. Dans la pénombre, il vit à peine les lèvres de Mirka bouger, dans un murmure qu’il n’entendit pas. Il ouvrit la bouche pour lui demander de répéter.
- Ulrick!!
Mirka dévisagea avec horreur le sang sortir de la bouche du timonier. Il lâcha son épée et se précipita pour le rattraper alors qu’il s’effondrait, ses mains tournant toujours dans le vide à la recherche de la barre. Les yeux vitreux d’Ulrick se figèrent dans ceux de son amant, ses lèvres ensanglantées dessinant un dernier sourire rêveur. Mirka resta statufié, sidéré, le regard perdu sur le corps de son compagnon, alors que les combats faisaient rage sur le pont supérieur. Des cris de toutes sortes l’entouraient, sadiques, paniqués, rageux, hilares. Malgré l’Arche Noire qui cachait la lune, la lumière revint sur le navire sous la forme d’un incendie dévastateur. Ses mains furent les premières à retrouver un semblant de mouvement, sous la forme de tremblements irrépressibles. Il tourna doucement le corps d’Ulrick pour découvrir une hampe dépasser de son dos, entourée d’une tache rouge qui envahissait son pourpoint. Il se raidit, fronça les sourcils, regarda autour de lui. Les druchii étaient en train de massacrer l’équipage. Ils viendront bientôt par ici et les découvriraient. Il devait mettre Ulrick à l’abri. Ils devaient fuir. Et alors il pourrait l’aider, le soigner, le sauver. Oui, ils s’en sortiraient. Mais il devait agir vite. Il prit Ulrick dans ses bras, se releva.
Le feu avait déjà pris possession des escaliers bâbord. À tribord, un groupe de druchii qui finissaient d’éventrer un moussaillon et qui se tourneraient bientôt vers eux. Il prit sa décision très rapidement. Il se retourna, fonça vers le bastingage et sauta. Serrant Ulrick contre lui, murmurant des paroles rassurantes, il ferma les yeux le plus fort possible. Ses pieds percutèrent l’eau glacée. Il remonta à la surface tant bien que mal, essayant de soutenir Ulrick du mieux qu’il pouvait. Voyant que le courant les éloignait des navires, il se mit à sourire, puis à rire. Un rire bientôt euphorique, incontrôlable, hystérique. Sauvés! Ils étaient sauvés!
Tiré vers le fond par le cadavre du timonier, le corps raidit par le froid, Mirka riait à gorge déployée, jusqu’à ce que l’eau finisse par s’engouffrer dans sa gorge. Les deux amants s’enfoncèrent dans les ténèbres, accueillant leur salut funèbre le sourire aux lèvres.

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Dim 1 Oct 2023 - 20:30
L’Aiguille de Stromfels


Un vent fort souffla de l’Est, gonflant les voiles de l’Aiguille de Stromfels qui filait au large. Du haut du pont arrière, Gwen observait l’immensité aux milles nuances de bleu qui s’étendait autour d’elle, tout en retenant son tricorne de la main gauche. Les pans de son ample manteau gris battaient une cadence effrénée contre son flanc, et le vent scandait ses imprécations habituelles. Elle connaissait bien l’océan, mais était toujours aussi impressionnée par sa force, sa violence, et son immense beauté. Il lui était parfois difficile de distinguer le ciel de la mer, tant l’une était le reflet fidèle de l’autre. Mais pas ce jour-là, non, pas avec ces gros nuages qui tourbillonnaient sans cesse au-dessus d’elle, ni avec ces énormes rochers pointus émergeant des flots comme autant de dents noires d’une créature tapie sous l’eau.

Une grosse vague fit faire une brusque embardée à son vaisseau, la forçant à se saisir de la barre pour garder le cap. Un aboiement retentit par-dessus les cris du Suet, venant de l’avant de l’Aiguille. Gwen ouvrit la bouche pour aboyer un ordre, puis s’interrompit. Le pont était désert, et elle s’en voulait de l’avoir à nouveau oublié. Transformant l’ordre en juron, elle cala le gouvernail et fonça vers l’avant pour rejoindre son chien. Croc mortel la regarda venir avec une patience, ayant depuis longtemps compris qu’il était inutile de répéter quand il l’appelait. Tout en continuant de jurer, elle attrapa le cordage qui s’était dénoué, et rétablit la voile. « J’espère que ces fils de silure iront nourrir les crabes » pesta-t-elle entre deux efforts, « ça leur apprendra à m’abandonner ».

Elle n’avait pas besoin d’eux. Elle pouvait contrôler l’Aiguille de Stromfels sans aide. Par contre, la trahison, elle détestait, autant qu’elle détestait les épinards. Juste parce qu’ils croyaient des rumeurs lancées par des idiots superstitieux, comme quoi il y aurait des vaisseaux fantômes au cimetière de galions. Peuh. Mais ça leur avait fichu une sacrée frousse, et ils avaient fini par détaler en chaloupe après avoir compris qu’elle ne changerait pas de cap. Bon débarras.

« Tout va bien Cromo » rassura-t-elle l’immense chien albionais au poil marron tout en lui caressant la tête, « on va pas tarder à arriver ». L’animal, qui l’accompagnait depuis des années, émit un petit couinement, signe de sa nervosité. Elle-même savait qu’elle se voilait la face, cachant sa propre angoisse derrière des rictus et des jurons. Mais les trésors qui l’attendaient valaient bien un peu de stress, non ?

Le voyage continua ainsi pendant des heures. Les vagues ballotaient l’Aiguille comme une vulgaire coque de noix dans un torrent, mais Gwen gardait le cap tant bien que mal. Il y avait de plus en plus de ces immenses formations rocheuses qui trouaient insolemment la surface. Les nuages noirs semblaient la suivre, et même la précéder, s’agglutinant jusqu’à entièrement cacher le bleue du ciel et la lumière du soleil. Des éclairs commencèrent à zébrer l’horizon. Gwen resserra son manteau autour d’elle tout en réprimant un frisson. « Un frisson de froid, sans aucun doute » se persuada-t-elle. De fait, la température baissait.

Puis, un éclair plus proche éclaira la mer devant elle, et elle la vit. La première carcasse de navire.

L’épave de ce qui avait été une caravelle gisait sur le flanc, brisée contre un des pitons rocheux. Son mat principal était encore miraculeusement attaché, et le vent dans les lambeaux de voiles qui s’y accrochaient évoquait des spectres enfiévrés. Dans le même temps, elle sentit une brusque embardée. L’Aiguille se faisait emporter par un courant aussi soudain que violent. Gwen se précipita à la barre, sur laquelle elle se cabra pour tenter de rétablir le cap, luttant contre la mer qui voulait l’entraîner vers le naufrage. Les vagues désormais violentes lui cinglèrent le visage. Tout son navire craqua, mais la manœuvre réussit tant bien que mal. Elle évita le récif.

« Ouf, on a eu chaud », souffla-t-elle après s’être assuré que le danger était passé. Son cœur battait à tout rompre. L’excitation la gagnait, elle était parvenue à destination. Gwen serra les dents pour les empêcher de claquer alors que son bateau était emporté vers l’avant. Elle sentait que le contrôle lui échappait. Autour d’elle, l’orage révélait par intermittence les restes de ce qui, naguère, était de fiers bâtiments. Dans cette lumière violente, elle distinguait des coques défoncées, des mâts brisés, des rames déchirées. L’ensemble transforma progressivement son impatience en effroi. Mais ce qui acheva de lui glacer le sang, ce fut le bras squelettique qui dépassait de la fenêtre d’un des bateaux. Un bras que ni le vent, ni la mer, ni la mort n’avaient pu arracher.

Un nouvel aboiement de Croc mortel lui redonna un peu sa contenance.

« Tu as raison Cromo » dit-elle de sa voix la plus claire possible, « on n’est pas venus ici pour rien. Il va falloir trouver un endroit pour accoster, ces épaves ne vont pas se vider toutes seules de leur butin. » Mais c’était plus facile à dire qu’à faire, déjà à cause du manque de lumière, mais aussi du fait des courants, de plus en plus violents, qui l’emportaient toujours plus vite.

Comme pour lui répondre, l’Aiguille de Stromfels essuya une nouvelle secousse. Elle chancela, se rattrapant à un cordage. Au même moment, Croc mortel grogna, et se précipita vers le bastingage tribord en aboyant frénétiquement. Gwen s’approcha prudemment, la main sur la poignée de son sabre. Elle s’aperçut alors que les battements de son propre cœur avaient supplanté le bruit du vent dans ses oreilles.

Ce fut sa dernière pensée cohérente.

Un bras sembla émerger des abysses, un bras décharné, grisâtre, aux ongles brunis écorchés. Le bras s’agrippa solidement au rebord sous les yeux médusés de Gwen qui recula d’un pas. Bientôt une épaule apparut, puis une tête. Ou plutôt les vestiges d’une tête, aux orbites vides, la chair détrempée à vif la privant à jamais de visage. La créature émit un gargouillis pathétique, tentant de se hisser à bord à l’aide d’un second bras, identique au premier.
Gwen se mit en mouvement.

Son sabre s’abattit, tranchant peau, chair et os d’un seul mouvement. Privé d’un de ses membres, le mort-vivant émit un sifflement rauque alors qu’il tombait en arrière, son autre main toujours accrochée au bateau. Le sabre fendit l’air une nouvelle fois, et la créature bascula. Cependant, Gwen n’entendit pas son corps toucher la surface. Plusieurs sifflements identiques avaient retentit derrière elle.

Elle se retourna, faisant soudain face à plusieurs autres de ces abominations déambulant sur le pont de son bateau, qui filait toujours à toute allure, porté par les courants de la tempête. Les vagues retombaient sur elle en une pluie glaciale. Gwen remercia un instant Manaan de n’avoir pas encore fait naufrage à son tour, puis se jeta en avant.
Les créatures étaient gauches et lentes. Elles tentaient de la frapper, de l’attraper, mais elle se glissait hors de leur portée tout en tranchant net bras, jambes ou têtes. Un mort-vivant, guère plus qu’un squelette en haillons, parvint par chance à parer un de ses coups. Mais pas le second. À ses côtés, Croc mortel usait de sa masse, culbutant les créatures avant de leur arracher les membres. Ses grognements de rage pourraient, Gwen en était sûre, terrifier même un de ces cadavres ambulants, dont bientôt plus un ne tenait debout.

« Gwen » appela soudain une voix gutturale. Elle se distinguait à peine du vent, semblant venir de la tempête même.
La jeune femme se retourna. Trop tard. Un impact d’une extrême violence la plia en deux et la projeta sur plusieurs mètres. Elle sentit confusément la collision contre le sol, suivie d’un rebond jusqu’au bastingage bâbord. La douleur explosa dans tout son être, coupant son souffle alors qu’un voile blanc masquait ses yeux. Les sons lui parvenaient comme à travers trois oreillers.

Gwen finit par reprendre ses esprits, et tenta d’identifier les bruits qui l’entouraient. Il y avait le vagissement du vent bien sûr, ainsi que celui, presque aussi fort, du courant. Mais il y en avait un autre, une succession de bruits aigus, comme si…
Gwen ouvrit les yeux. C’étaient des cris de chien. Des cris de terreur.

Elle lutta pour se redresser, serrant les dents sous la douleur atroce qui lui vrillait les membres, évaluant la situation en même temps. Les corps démembrés de ses assaillants jonchaient le pont. Puis elle vit ce qui l’avait frappée. Une énorme masse noire, de forme indistincte, dépassait des flots à côté du navire. De cette masse émergeaient de gigantesques tentacules sombres qui fouettaient l’air avec avidité. Et l’un d’eux avait saisi Croc mortel.

Gwen se remit debout, tentant d’ignorer la souffrance, et chercha quoi faire avec une peur panique. Son sabre était invisible, et son chien se débattait comme il pouvait, mais la force de la créature aux multiples tentacules ne lui laissa aucune chance. Croc mortel se retrouva soulevé dans les airs comme une poupée de chiffons, et alors que Gwen leva des yeux injectés de larmes vers son compagnon fidèle, le chien fut entraîné vers les flots en poussant une longue plainte.

« NON ! » hurla Gwen. « NOOOOOOOOOOOON ! ». Mais l’immense masse ne lui laissa pas le temps de réagir. Déjà, elle semblait se dresser de toute sa taille démesurée, surplombant désormais l’Aiguille de Stromfels. Les tentacules se rapprochaient de la jeune femme, frémissant d’impatience. Gwen se recroquevilla sur le bastingage, incapable d’esquisser le moindre son, le moindre geste. Et la voix, la voix de la créature résonnait dans sa tête.

« Gwen… »

Elle ferma les yeux, attendant la fin qui semblait inéluctable.

Le temps se figea.

« Je t’ai dit qu’on passait à table. »

Elle les rouvrit.

Sa mère la dévisageait d’un œil sévère. Croc mortel était calé dans ses bras, et semblait ravi d’y être. Gwen baissa la tête, penaude.

« Mais maman, j’avais presque atteint le trésor... » La réponse fusa. « Tut tut jeune fille. Tu trouveras ton trésor plus tard. Pour l’instant va te laver, on dirait que ça fait vraiment six mois que tu es en mer, comme tu dis. Et va ranger ton épée en bois.

- Je ne sais plus où elle est…

- Eh bien moi je l’ai trouvé, la voilà. » Gwen se saisit amoureusement de l’objet, cadeau de son papa, qui était le plus grand de tous les capitaines. Sa mère n’en fut pas plus attendrie.

« Et maintenant, au trot. Je ne veux pas te voir trainer à nouveau. Sinon, fini les jeux le soir dans le bateau du jardin, c’est compris ? »

Gwen ne se le fit pas dire deux fois, et fonça comme un boulet de canon vers la maison. Sa mère secoua la tête en souriant, puis la baissa vers le chiot toujours dans ses bras. Ce dernier tirait la langue d’un air ravi.

« Bon, toi, tu ne t’en tireras pas comme ça non-plus. Tu pues tellement qu’on dirait que tu as mangé un poulpe pas frais. Allez, au bain ! »

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Livre d'armée V8 : 8V/2N/3D

Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

Le lien vers mon second récit : la geste de Wilhelm Kruger tome 1
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