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Seigneur vampire
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Concours de récits 2024 - Textes Empty Concours de récits 2024 - Textes

Dim 15 Sep 2024 - 15:43
Bonjour à tous !

Ce sujet accueillera les textes des participants, et uniquement les textes. Tout les commentaires, spoils, questions et échanges divers seront à effectuer dans la salle du trône.


Rappel rapide du règlement de cette année :

  • Le dépôt sera possible jusqu'au au 30 Septembre 2024 à minuit (plus éventuel retard des organisateurs). Les textes hors-délais pourront être tolérés, le jugement se fera par les votes.
  • Les inscriptions sont autorisées tout au long du concours. Même à la veille de la clôture
  • Toute inscription romancée (même courte) donne un point bonus
  • Chaque récit doit faire moins de 8000 caractères (espaces inclus, notepad++ fera foi) ou moins de deux page word (Times New Roman, police 11, intervalle 1.0). Les textes ne respectant pas ces contraintes ne seront pas sanctionnés mais indiqué comme hors-limites, le jugement se faisant par les votes là encore.
  • Les récits doivent se dérouler dans l'univers de Warhammer (Age of Sigmar est également autorisé)
  • Toute personne ayant lu les textes peut voter, qu'elle participe ou non au concours.
  • Les votes se feront par podium de 3 (1er texte 3 points, 2e texte 2 points, 3e texte  point).
  • L'usage d'outils tierce de génération de texte comme chatgpt ou n'importe lequel de ses imitations est strictement interdit.


Le mois d'Octobre sera consacré à la lecture et au vote dans le sujet adéquat ouvert à cette occasion. Dans le sujet des commentaires ou en accompagnant vos votes, vous aurez la possibilité - et y êtes fortement encouragés - d'indiquer individuellement ce que vous avez apprécié dans les œuvres de vos concurrents. Il n'y a malheureusement que trois textes pour lesquels l'on peut voter, mais tous ici peuvent être récompensés.



Le thème de cette année est :

développez un texte à partir de la photo d'une miniature, d'un groupe de miniature ou d'un diaorama

Pour le cadrage:

Bonne chance à tous
Essen

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Seigneur vampire
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Concours de récits 2024 - Textes Empty Re: Concours de récits 2024 - Textes

Dim 22 Sep 2024 - 12:51
Concours de récits 2024 - Textes Img_2034


     Un vaste ciel bleu au-dessus d’une mer turquoise. Sur les rivages de la baie, une cité de pierre blanche, aux tours élancées ; sur les quais, des navires aux coques effilées et aux voiles brodées d’or et d’argent. La brise maritime, fraiche et revigorante, remuait les drapeaux des navires, les bannières des régiments embarqués, les rubans des uniformes. La clameur des elfes affairés se mélangeait au bruissement discret de la houle et aux plaintes incessantes des mouettes. Depuis les hauteurs des palais s’échappaient par intermittence quelques échos de chants et de percussions. Sur l’une des rues en pente donnant sur la baie, quatre gardes maritimes s’arrêtèrent. Ils étaient armés de pied en cap.
     « Naudir ?
     - Oui ?
     - Veux-tu commencer ?
     L’elfe le plus à gauche hésita.
     - D’accord, mais ne soyez pas trop sévères avec moi. »


Etincelle le soleil sur la mer de Lothern
Ô cité sans pareille, ô joyau d’Ulthuan !
N’oublie pas les soldats qui, sans cesse, te surveillent
Ô cité de Lothern, ô joyau d’Ulthuan !



     Les trois autres gardes ne dirent rien, mais leurs traits se tendirent et leur emprise sur leurs armes se raffermit. L’un d’eux, le plus à droite, prit une profonde inspiration, montrant qu’il allait poursuivre à son tour.


Dans la baie de Lothern, les dauphins nous surveillent
Ô cité des merveilles, ô joyau d’Ulthuan !
A travers les tempêtes, ils protègent nos rames,
A travers les naufrages, ils protègent nos âmes.



     Il ne se sentit pas satisfait, mais son compagnon à sa gauche, l’air grave, acquiesça et attendit que les autres comprennent qu’il voulait prendre son tour.


Ô cité de Lothern ! Ô foyer de nos pères !
Comme nous, ils se tinrent sur tes quais ouvragés
Comme nous, consolèrent leurs mères outragées
Que leurs fils bien-aimés prissent la Grande Mer.



     Un silence un peu plus long lui succéda. Le dernier des quatre elfes ne pouvait enchaîner si vite sur une telle saillie de son compagnon. Il n’y eut, pendant un moment, que les échos de la ville et les cris des mouettes.


Dans les rues de Lothern, ça sent bon le lembas
Ô cité sans pareille ! Ô joyau d’Ulthuan !
Nobles de ville haute, humbles de ville basse,
Tous y vivent en paix, tous y trouvent leur place.



     Il regarda son compagnon qui avait parlé avant lui, mais n’y trouva pas l’approbation qu’il aurait voulu y apercevoir. Ce dernier avait les lèvres serrées, on aurait presque dit qu’il n’avait guère entendu les dernières paroles prononcées, et il enchaîna soudain :


Ô cité de Lothern ! Ô protégée des dieux !
Laisse-nous un éclat de la flamme de tes phares !
Et qu’au lieu qu’aujourd’hui, nous te disions « Adieu »
Fais que cela ne soit qu’un modeste « Au revoir »



     Il sentit alors une main posée sur son épaule droite : le garde qui avait invoqué les dauphins le regardait droit dans les yeux. Il y avait de la compréhension dans son regard, mais aussi une ombre de reproche. Son compagnon soutint le reproche muet, mais avant que le moindre mot ne fût échangé, le garde aux dauphins enchaîna :


Sur les quais de Lothern, j’aperçois un visage
Et, de sage, je passe à béat et simplet
Je l’emporte avec moi, vers de lointains rivages,
Ce visage grâcieux d’une femme qui me plaît.



     Naudir et le garde « au lembas » esquissèrent un sourire, le garde aux dauphins aussi. Le quatrième elfe eut un mouvement de recul ; il se sentit esseulé, incompris, et voulut partir. Lorsqu’il en fit cependant le premier mouvement, ses compagnons d’armes qui le jouxtaient le retinrent par les épaules : il lut dans l’expression de leurs visages une sympathie sincère, envisagea son propre excès, et resta. Le garde « au lembas » reprit, essayant de mettre dans ses paroles autant de fermeté qu’il le pouvait :


Sur les quais de Lothern, j’ai laissé ma promise,
Sur les quais de Lothern, je la retrouverai,
Le devoir accompli, je la retrouverai,
Mon joyau d’Ulthuan, mon aimée, ma promise.



     Il était vrai qu’il était le plus jeune des trois. Naudir et les deux autres étaient mariés mais, pour lui, les pourparlers entre les deux familles étaient seulement en cours. Afin de le distraire de ces pensées, Naudir signala que le temps pressait et qu’il allait conclure :


Etincelle le soleil sur la mer de Lothern
Ô cité sans pareille, ô joyau d’Ulthuan !
Puissions-nous revenir tous les quatre en caserne
Nous prenons la Grande Mer.
Protège-nous, Asuryan !




***
***
***
ethgri wyrda

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Roi revenant
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Concours de récits 2024 - Textes Empty Re: Concours de récits 2024 - Textes

Dim 22 Sep 2024 - 22:34
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Charrette macabre par Vg11k

La poigne qui me broie l’épaule appuie sans ménagement et m’écrase dans une vieille chaise grinçante. La paille et les échardes me mordent la peau par les larges trous du dos de ma chemise et de mes chausses. Une autre main m’arrache la capuche qui me cachait la vue. Je cligne des yeux, la lumière des cierges au plafond me fait mal. Les deux hommes en face de moi ont fait un pas en arrière : après des jours d’errance, mon état doit faire peur à voir.

« Pétauchez pas les gars ! Il est moche mais pas méchant ! » raille une grosse voix derrière moi. La main sur mon épaule me lâche et une troisième silhouette, plus trapue, entre dans mon champ de vision. Petit à petit, mes yeux s’habituent à la pièce. Les murs de pierre sont aussi crasseux que le sol de terre. Mais après ces dernières heures, le simple fait d’être au sec et entouré d’êtres vivants, suffit à me donner un sentiment de soulagement. Les trois personnes qui m’observent avec trois dosages de curiosité et de dégoût sont aussi rugueux que la pièce. L’un d’eux porte un vertigineux chapeau noir et un manteau au haut col, les deux autres des gambisons épais. Alors que je plisse les yeux pour les voir plus précisément, celui qui avait déjà parlé lance aux deux autres :

« Pas mal hein ?
- Et tu dis qu’il peut parler ? lui répond l’homme au chapeau d’une voix cassée.
- Non seulement causer, croisse le troisième homme, mais en plus il dit des trucs pas inintéressants. »

J’ai mal aux poignets, une corde les entaille. Instinctivement, j’essaye de m’en défaire en tirant dessus. Un coup de poing me foudroie le visage. Je vois blanc, mes oreilles sifflent, ma tête tourne. Je sens que la lourde main du plus petit des trois hommes, revenu derrière moi, me verrouille à nouveau sur la chaise. Après quelques temps, la vue me revient, et je discerne l’individu au chapeau assis sur une chaise devant moi. Mon dernier interrogateur est debout quelques pas plus loin.

« Où…suis-je ? balbutié-je
- J’vous avez dit qu’il pouvait encore braire ! Ricane à nouveau la voix derrière moi.
- Ta gueule Karl ! » le coupe l’homme au chapeau. Sa voix est rauque, mais assurément autoritaire. Il plonge son regard dans le mien et me lance, plus calmement : « Comment t’appelles-tu ? »

Je mets quelques secondes à finir de retrouver mes esprits.

« Je suis Baudry, je sers dans les arquebusiers de… »

Je manque de salive, j’ai du mal à parler. L’homme au chapeau, toujours immobile, me relance d’une voix posée :

« Continue. Que t’est-il arrivé ? »

La panique monte en moi d’un coup

« La charrette ! Ils sont tous morts ! morts ! La charrette voulait passer ! La cloche !  On n’a rien pu faire ! Les balles… rien ! Ça ne servait à rien ! rien ! »

L’homme au chapeau me saisit par la mâchoire. Il s’est levé et me transperce de ses yeux glacials :

« Du sang froid soldat ! Dis-moi tout, et dans l’ordre.
- Et calmement, parce qu’on n’a rien compris, ricane à nouveau la voix derrière moi.
- Ta gueule Karl ! lui rétorque le troisième homme. »

Je m’efforce de faire cesser mes tremblements. J’ai mal partout, mes poignets me brûlent. Mais, poussé par le regard fixe qui me dévisage, je reprends le contrôle de moi-même. L’homme au chapeau desserre sa main, puis me lâche complètement, et se rassoit.

« Je t’écoute. »

« Je…je viens de Haukern. On était seize arquebusiers de là-bas. On nous a ordonné d’aller à frontière de l’Averland, sur la route, et faire appliquer la nouvelle taxe sur les marchands de seigle. Alors nous avons monté un camp et une barrière au pont qui traverse l’Aver. Mais c’était vraiment un mauvais endroit, trop proche du marais, trop humide. Je n’aimais pas du tout le coin. Mais Boster - Boster c’était un peu l’ancien parmi nous-, Boster il disait que les marchands, ils allaient forcément passer par ici.
Pendant toute la semaine, on a surtout vu des pèlerins, et puis des vagabonds, beaucoup. Mais pas le moindre marchand. On avait vraiment l’impression de perdre notre temps. Et puis il faisait de plus en plus froid, avec de la brume jusqu’à midi. Tellement de brume : on ne voyait pas de l’autre côté du pont !

Et puis, un matin, Boster nous a tous réveillés. Il disait qu’il entendait un bruit de charrette. On s’est tous levés en vitesse, et on est allé voir. Il avait raison Boster, on entendait la roue d’une charrette qui grinçait comme pas possible de l’autre côté du pont. Par contre, on ne voyait rien avec la brume, il n’y avait que du gris à partir du milieu du fleuve. Ce n’était pas sombre, le soleil s’était levé, juste… flou.

On s’est mis en ordre, tous les seize. Et c’est là qu’on a entendu la cloche pour la première fois. Un bruit interminable, grave, qui vrillait dans les aigus sur la fin et continuait à sonner dans nos têtes plusieurs secondes après ! Alors la charrette est apparue sur le pont. On a tous fixé ce qui sortait de la brume.

Ce n’était pas du tout un marchant, c’était un tas de corps. Un charnier roulant, une fosse commune mouvante. Et puis il y avait les yeux, ces centaines d’yeux qui nous regardaient depuis le tas charnel. Et les rires glauques, les gémissements… Et toujours cette maudite cloche ! Il y avait quelqu’un sur la charrette. Quand il nous a vu, il a cogné la cloche avec sa paume comme un forcené, et l'attelage a accéléré vers nous. C’était tiré par des cadavres déchirés qui se lamentaient. Il y en a un qui est tombé juste devant nous, je crois que c’est quand on a commencé à tirer dessus. Mais ça n’a pas du tout ralenti la chose. J’ai vu les mains dans la charrette attraper le corps au passage et le remonter dans le tas de chair.

Et puis, avant qu’on comprenne, la chose était sur nous. J’ai vu deux gars, des costauds pourtant, essayer de frapper le type sur la charrette avec leurs crosses. Ils ont été empoignés par des centaines de membres. Je ne me souviens plus de la suite, juste des cris. J’ai entendu des coups de feu. J’étais tétanisé, je ne pouvais pas bouger.

J’ai vu Boster se prendre une hache dans le crâne. C’est ça qui m’a fait réagir je crois. Je ne pouvais pas bouger mes jambes, mais je ne voulais pas qu’ils me prennent. J’ai mis le canon de mon pistolet contre mon front. Je voulais éviter… je ne sais pas quoi. Mais je n’ai pas eu le temps : J’ai senti un choc, quelque chose m’a assommé, tout est devenu noir.

Quand je me suis réveillé, ça puait. J’ai tout de suite compris où j’étais. La pluie épaisse, les cahots de la route, et les gémissements autour de moi m’ont immédiatement ramené à la conscience. Je n’ai pas hésité une seule seconde, j’ai sauté de la charrette. Je me suis mal réceptionné, et j'ai dérapé dans une ravine. Même si j'y ai déchiré mes vêtements, ça m’a sauvé : sans ça, l’attelage se serait lancé à ma poursuite.

J’ai couru en ligne droite aussi loin que j’ai pu pendant des heures, peut-être même des jours. Difficile à dire sous cette pluie... J’ai fini par apercevoir du mouvement sur la route devant moi, j’ai appelé à l’aide. C’est alors que ces deux-là m'ont attrapé, mis cette capuche sur la tête, et conduit ici.

Voilà. C’est toute l’histoire. »

L’homme au chapeau m’a écouté tout du long, sans m’interrompre une seule fois, sans bouger du visage. Quand j’ai terminé, il respire longuement. Pour la première fois, je le sens hésitant. Le soldat debout semble mal à l’aise aussi, et derrière moi, Karl a lâché mon épaule. L’homme au chapeau finit par plonger la main dans son manteau, et en sort un petit miroir rond qu’il me présente. J’écarquille les yeux devant le reflet qu’il me renvoie. Je suis famélique, la peau blanche, non, bleu. Mes yeux sont vitreux, ma bouche décharnée. Et au milieu de mon front, un unique trou net, me plonge dans le crâne, entraînant mon regard vers les ténèbres.

« Karl. » lâche sobrement l’homme au chapeau

J’entends un soupir derrière moi. Puis le déclic d’un mécanisme.

Je n’entends pas la détonation. C’est tout de suite le noir.

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
Franziska Schrei

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Mer 25 Sep 2024 - 13:04
Querelle de voisinage

Un soleil pâle, caché derrière un mince filet de nuages grisonnants, éclairait une maigre ruelle des faubourgs de Clar Karond. Les deux blocs de bâtiments noirs s’étendaient de part et d’autre d’un chemin pierreux humide et mal entretenu, leurs formes alambiquées rappelant des mandibules noires de scarabée. Nayssandre s’arrêta, stupéfaite, devant sa propre boutique, un reniflement dégoûté parant son visage longiligne d’une série de rides disgracieuses.
« Sang d’Ellinill ! Que s’est-il passé ici ! »
L’échoppe était dans un état plus que lamentable. On distinguait à peine l’intitulé de l’enseigne : "ganterie Froide-veine, gants de luxe en cuirs divers. Un savoir faire depuis trois générations" tant les déjections d’oiseaux et de harpies l’avaient recouvert de longues tâches beiges et brunâtres. Le bois noir était si gonflé d’humidité que des stries de moisissures et des colonies de champignons paraient la façade. C’était une catastrophe d’image, si abominable et intolérable que Nayssandre ne savait plus comment réagir. Sa colère était enterrée sous le poids de la surprise et de l’anxiété, une anxiété ô combien difficile à supporter.
Elle n’avait même pas encore retiré son équipement de chasse, et était encombrée dans une épaisse veste de cuir, avec d’énormes cuissardes de cavalerie qui lui donnaient une démarche maladroite quand elle se précipita vers la ganterie. En hâte, elle franchit la porte, pour trouver un intérieur inondé d’eau croupie. Le sol était jonché de seaux d’eau, placés maladroitement sous plusieurs trous dans le plafond. Dans un geste de colère puéril, peut-être juste dans le but de se rassurer quand à sa propre capacité de violence, Nayssandre retira les sangles de la veste de cuir encombrante et la jeta brutalement par terre dans une flaque. Ce matériel n’était pas à elle, elle l’avait loué, mais détruire le bien d’autrui n’était que plus gratifiant encore.
« Enguerrant ! Jocelyn ! Montrez vous, bande de macaques ! » fit-elle dans un bretonni haché.
Une forme blafarde se montra, rampant sur ses genoux. Un humain à moitié nu, tremblant de tous ses membres, s’inclina devant elle.
« Pitié, maitresse… pitié… ce n’est pas ma faute… »
Nayssandre s’approcha, décidée à lui offrir un châtiment exemplaire, mais elle s’arrêta lorsque l’humain lui montra ses mains. Ou plutôt les moignons qu’il en restait.
« Que s’est-il passé ? Je m’absente deux semaines, et voilà l’état de mes biens ! »
Les deux mains d’Enguerrant avaient été tranchées net, proprement. Du travail d’elfe.
« C’est… missire Corche-main… il a, il a dit que je m’étais mal comporté et il a tranché mes deux mains. Jocelyn, elle, est sortie pour chasser une harpie sur le toit, et elle n’est jamais revenue. Elles ont troué le toit et… j’ai… j’ai fait ce que j’ai pu…
- Corche-main ! Morai-Heg l’emporte ! »
Sans plus se préoccuper de l’humain qui sanglotait dans sa flaque, elle sortit en trombe. Elle n’eut pas à aller bien loin. C’est à quelques dizaines de mètres qu’elle trouva l’échoppe portant pour enseigne :
"Corche-main, gants sophistiqués pour les personnalités sophistiquées."
Nayssandre poussa la porte et rentra en trombes dans la boutique. Pas le moindre client à l’horizon, il n’y avait que le gantier derrière son comptoir. Il réprima un sursaut en voyant sa voisine faire irruption, mais sa figure fut bien vite parée d’un sourire suffisant.
« Eh bien, voisine. Que me vaut ta visite ? Tu te décide enfin à ployer devant la supériorité de la concurrence ?
- Vallyott, espèce de sous-race ! De quel droit oses-tu t’en prendre à ma propriété ! »
Vallyott Corche-main fit mine de ne pas saisir. Alors Nayssandre se rapprocha à grands pas.
« Tu as mutilé mon esclave, sinistre abruti !
- Tu devrais changer de ton, ma chère. Je ne t’ai pas insulté, moi, que je sache. Veille à garder un ton courtois quand tu t’adresses à moi en public. »
Il n’y avait personne d’autre dans la bâtisse, sinon des esclaves humains tout à fait négligeables. Nayssansdre trouvait ça presque dommage.
« Saches que ton macaque, reprit Vallyott, a tenté de me cambrioler. Je l’ai vu touchant de ses deux mains l’une de mes esclaves. J’ai donc réagi en lui infligeant une peine adéquate. Estime-toi heureuse que je ne l’aie tué.
- Tu n’as pas le droit de faire ça sans en référer à ma personne !
- Comment ? Tu étais partie en vacance pour deux semaines.
- C’est du sabotage ! De la concurrence déloyale ! Tu ne t’en tireras pas à si bon compte !
- Ah, oui ? Trouve donc un tribunal qui veuille défendre ta boutique misérable, d’abord !
- Boutique misérable ? »
Elle songea un instant, un seul instant, à le provoquer en duel, mais ni elle ni lui n’étaient des bretteurs, et ça lui semblait trop hasardeux. À la place, elle répliqua :
« Cette ganterie est dans ma famille depuis des générations. Nous, nous connaissons notre art. Tu n’es qu’un amateur arrogant ! Saurais tu travailler un matériau aussi fin que la peau humaine ? Non ! Tu ne sais utiliser que du cuir de bovin épais et rustique !
- Et toi, sais tu attirer des clients ? Non ! Pourquoi ? Parce que tu as cinq trous dans ton toit et des crottes de harpie partout sur ta façade. Dommage, hein ? »

Le ton était monté, mais les deux artisans finirent par se séparer en ruminant, Nayssandre n’ayant pas assez de temps ou d’énergie à perdre avec ces bêtises. Il lui fallait racheter des esclaves et faire retaper sa boutique. Avec de telles dépenses, elle ne repartirait pas en vacances avant un moment.
* * *

Concours de récits 2024 - Textes Capture_decran_2024-09-01_a_00.08.21
Source : La guerre au garage (YouTube) : https://youtu.be/R2XTzkpXX4g

Le soleil pâle, caché par un mince blizzard venu du nord, éclairait leurs pas sur un champs de bataille enneigé. Ils étaient une équipe de seize arbalétriers, marchant sous l’étendard cramoisi de Clar Karond. Quatorze roturiers, un musicien et un nobliau, ce dernier tenant bien haut une bannière à laquelle étaient accrochés plusieurs crânes.
Concours de récits 2024 - Textes Capture_decran_2024-09-01_a_23.31.57

Nayssandre ne pouvait s’empêcher de penser à sa ganterie, au manque à gagner à cause de l'absence de main d'œuvre, et de ruminer. Son artisanat était sa vie, et la guerre une perturbation malheureusement obligatoire. Si d’ordinaire elle essayait du moins de profiter du bain de sang pour se divertir, ses inquiétudes et ses craintes formaient maintenant comme un nœud brulant dans son estomac. Le regard dans le vide et avec un flegme feint qui cachait mal son anxiété, elle passait en revue son équipement de ses mains adroites. À l’audition d’un ordre, elle glissa un chargeur dans son Uraithen et leva les yeux vers l’horizon.

Les bannières argent et azur de l’ennemi commençaient à se confondre avec les étendards sanglants des druchii. Eux, les sombretraits, n’avaient pas une grande part à jouer. L’unité était calme. C’étaient tous des elfes qu’elle connaissait. Ses voisins directs, tous issus de la même caserne de quartier. Elle reconnaissait le boucher, le boulanger, et même le musicien de l’unité : un vétéran, n’était autre que le maitre charpentier qu’elle avait payé pour son toit. La plupart avaient des mines des plus froides, et pas seulement parce que leurs capuches protégeaient mal leurs visages bleuis du vent glacial du nord. Tous étaient inexpressifs, leurs esprits plus préoccupés par leurs affaires personnelles que par la bataille.
Et puis il y avait Vallyott, bien sûr, qui tenait la jambe à l’officier qui levait les yeux au ciel.
« Une fois encore, je n’en ai rien à faire de vos gants, artisan.
- Mais, messire, une personne de votre rang se doit d’être bien gantée. La main est la partie du corps la plus symbolique pour qui a de l’ambition et de la noblesse. Un elfe bien ganté est un elfe d’action, un elfe mal ganté est indigne de confiance. »
Le nobliau en question était un bâtard de la maison Helbaine, si jeune et de si peu de mérite que la remarque de Vallyott ne pouvait faire que deux choses : faire mouche, ou faire merde, comme la chose se disait dans leur corps de métier ; susciter l’intérêt, ou provoquer l'ire du client.
« On prend position. Je veux une volée de tir sur leur carré central, répliqua le noble, faisant mine d’ignorer Vallyott. Si l’un d’entre vous touche leur sorcière, vous serez peut-être récompensés. »
Nayssandre savoura goulûment la déconfiture sur le visage de Vallyott, mais ce n’était pas suffisant. Sa haine ne serait satisfaite que lorsque ce concurrent serait hors d’état de nuire, humilié, rétrogradé, ou tué.

Mais cela avait-il la moindre chance d’arriver ?

Elle banda son Uraithen. Chacun visa. L’ennemi était trop loin et trop armuré pour que l’on puisse réellement savourer le résultat de la volée de carreaux. Avec les barbares du nord, qui combattaient presque nus, c’était bien plus divertissant.
La volée partit, ne fit presque rien. L’officier ordonna de temporiser.
« Laissez faire les Faucheuses. On attend qu’ils se rapprochent, et nos tirs les transperceront comme les larves qu’ils sont. »

Ils étaient à l’écart du plus gros des combats. Des sortilèges vibraient dans l’air, des tirs de baliste volaient ci et là, mais pour l’escouade de sombretraits, c’était ironiquement le calme qui dominait. Au plus, certains étaient distraits à regarder, de dos, les furies de Khaine qui chargeaient en poussant des cris de joie.
Nayssandre ne quittait pas Vallyott des yeux. Son regard rivé sur sa gorge.
Le corps à corps central tourna en défaveur des druchii. Une bannière tomba. Un fuyard vint vers eux en courant, mais tomba, percé d’une flèche dans le dos.
Le nobliau le regarda en ricanant.

« Il faudrait peut-être que quelqu’un aille regarder s’il est vivant, non ? »
Vallyott venait de prendre la parole. Il n’avait décidément pas compris quand le nobliau l’avait remis à sa place.
Le gantier à grande gueule se tourna vers Nayssandre.
« Tiens, toi, tu n’as qu’à y aller ! »
Une tentative aussi grossière était presque indigne d’un druchii. Même l’officier se frotta l’arête du nez avec deux doigts, visiblement contrit.
« Taisez-vous ! J’ai plus important à considérer… »
Nayssandre commençait à avoir une idée, mais elle se doutait bien que le nobliau ne la laisserait même pas prendre la parole. Le musicien, de son côté, paraissait plus abordable. Un elfe charismatique, mais calme. C’était le plus ancien de leur régiment, et il connaissait bien Nayssandre, qui avait pris garde à le payer grassement pour le service de ses esclaves. Elle s’approcha de lui discrètement. Il la reconnut. Elle lui glissa quelques mots à l’oreille. Il sourit, puis hocha la tête.
« On va reculer… » commença l’officier, lorsque le musicien se pencha à son oreille et lui murmura quelque chose.
« Bonne idée. Tout le monde, un pas en arrière. Vous, par contre ! »
Il pointa du doigt Vallyott.
« Plutôt que de jouer à l’insolent, vous allez vous rendre utile.
- Avec plaisir, messire.
- Vous allez m’aider à estimer la portée de leurs archers.
- Plait-il ?
- Avancez. »
Vallyott resta immobile un instant. Il se demandait certainement si l’officier avait même le droit de faire ça, mais Nayssandre le poussa en avant.
« Alors, Corche-main, ta peau serait-elle la seule que tu ne veux pas gaspiller ? »
La boutade fit rire tous ceux qui connaissaient la réputation de Vallyott en tant que gantier. L’elfe, réticent s’avança.
« Ils ne tirent pas, fit-il, mais ils se rapprochent. Ils vont chercher le corps à corps. »
La tête bien inclinée en avant pour ne pas croiser son regard, Nayssandre s’approcha de l’officier.
« On dirait que c’est leur peloton central qui se rapproche. Est-ce bien là que vous avez dit que se trouvait leur magicienne, messire ? »
Le nobliau eut un sourire carnassier.
« Ah, la portée est meilleure en effet. Louée soit Anath Raema ! Celui qui abat cette sorcière gagnera… mon éternelle reconnaissance. »
Si récompense il y avait, bien sûr, elle était destinée à l’officier. Mais Nayssandre n’en avait que faire.
Sans attendre, l’escouade leva les arbalètes. Une volée partit. Quelques soldats ennemis tombèrent. Vallyott s’effondra en glapissant, deux carreaux dans logés dans sa gorge.
« Quelle maladresse ! aboya l’officier en réprimant un sourire. Vous devrez rattraper des séances d’entrainement pour pallier à cette incompétence.
- Toutes mes excuses messire. Je ferai comme vous dites.
- Bon, au vu de la situation, on amorce un repli. En ordre ! »
Nayssandre, la tête baissée dans une imitation de honte, ne s’était jamais sentie aussi légère.



Dernière édition par Franziska Schrei le Mar 8 Oct 2024 - 13:23, édité 1 fois

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Sam 28 Sep 2024 - 23:52
TW violences diverses


Par-delà la mort

La sorcière hurlait. Les flammes qui la dévoraient trouvaient leur parfait écho dans le ciel rouge du crépuscule. La foule, hypnotisée et silencieuse, frémit. La peur s’insinua par un frisson dans leurs corps, en même temps que l’odeur âcre de la chair carbonisée. Le répurgateur prit une grande et profonde inspiration. Il laissa libre cours à son tic labial qui monta vers son bec de lièvre dans un simili de sourire jouissif, tandis que ses yeux de fouine laissaient échapper des larmes d’irritation. Peu importe. Il ne manquerait pas une seule seconde de ce spectacle purificateur. Comme la foule, il resta figé comme une statue dans un moment rappelant l’éternité.
Il s’autorisa enfin à cligner des yeux quand la sorcière eut exhalé son dernier soupir. Son âme impie avait finalement quitté ce monde, comme toutes les autres de cette semaine de procès. Le clou du spectacle avait déjà eu lieu quelques jours auparavant, en la personne de cette fausse mère au cœur de glace et de son familier diabolique grimé en fils innocent. Leur détresse avait été jouée à la perfection, mais il n’était pas dupe, il…
Il sentit soudain une curieuse brise, plutôt fraiche pour une soirée d’été. Le soleil disparut de l’horizon, plongeant la scène dans un clair-obscur saisissant, entre le feu du bucher et la foule chuchotante massée dans la pénombre. Le vent s’intensifia en puissance et la température chuta brusquement. Il y avait comme une mélodie dans l’air, cristalline et dissonante tel un vent d’hiver. Trois notes qui se répétaient et entraient en contradiction. Une soudaine panique primale s’empara des manants, qui se mirent à brailler et à courir en tous sens. Il ne réagit pas. Il ne les voyait, ne les entendait pas. Seul comptait ce chant aérien, si enivrant et dérangeant à la fois. Il écoutait, une main sur la poitrine, une grimace rêveuse pétrifiée sur son visage. Il se crispa dans un dernier soubresaut. Le corps de ce qui fut le plus grand chasseur de sorcières du comté s’effondra mollement, sans aucun vivant pour s’en inquiéter. La brise tourbillonna, invisible et glaciale, autour de l’estrade. Le cadavre se retrouva entouré d’une pâle lumière bleutée, qui semblait s’extirper de la chair pour tomber directement dans les griffes des rafales, exprimant un dernier cri silencieux de souffrance damnée.
Elle avait retrouvé le premier.
***

L’ongle s’arracha dans un bruit si délicieux qu’il entendit à peine le cri. Il le déposa sur sa table, tel un trophée d’une grande valeur.
- Pitié… Je n’ai rien fait… Arrêtez…
Le tortionnaire se tourna lentement et regarda d’un air affligé la propriétaire de cette voix faiblarde.
- Encore un mensonge? Ah lala… tu me forces à ouvrir un peu plus pour déceler la vérité.
Il leva la main avec fierté, faisant briller le scalpel à la lumière des torches. Il l’approcha de l’abdomen, juste en-dessous du nombril. La peau, la couche adipeuse, l’aponévrose avaient déjà été entaillées. La lame caressa doucement les muscles, qui se rompirent.
- Hum, nous y sommes presque. Bientôt nous aurons accès à ton ventre, sorcière, dont l’infécondité et la nécrose nous avoueront ta nature, si ta bouche n’en est pas capable.
La séance de questions continua des heures durant. Le bourreau chorégraphiait toute une danse charnelle, passant tantôt aux doigts, aux dents, au pieds… Les mouvements s’harmonisaient avec la symphonie de cris qu’il provoquait, tel le plus grand chef d’orchestre de l’Empire. Le rythme, les tons étaient différents à chaque nouvel instrument, mais d’autant plus entre les deux sexes opposés. Il avait moins l’occasion de pratiquer son art sur la gent masculine, encore moins sur un enfant… Son dernier travail avait été très instructif. Si la mère avait eu la présence d’esprit d’avouer, elle et ses deux enfants auraient eu une mort bien plus rapide. Mais heureusement pour lui, il avait eu l’occasion d’en apprendre plus sur les corps prépubères. Notamment à quel point ils sont fragiles et meurent rapidement.
Les yeux de sa prisonnière devinrent vitreux alors qu’il perforait l’utérus. Sa tête bascula sur le côté, mais son regard sembla s’accrocher sur quelque chose derrière son épaule, une chose qui paraissait l’effrayer bien davantage que lui. Il se retourna vivement, le scalpel dans une main, une pince dans l’autre. Sa large trogne cicatrisée chercha des yeux un quelconque crétin qui oserait le déranger dans son travail. Ne voyant ni danger ni perturbateurs, il allait baisser sa garde quand il l’entendit. Un murmure, au creux de son oreille. Un souffle. Discret, aigu, distordu. Trois notes qui l’obnubilaient, avec une envie dérangeante d’en trouver la source. Il frissonna. Depuis quand faisait-il si froid dans ses cachots?
- Merci…
Il fit volteface et jura. Alors qu’il maitrisait si bien le fil qui sépare la vie de la mort, son expérience du jour avait rendu l’âme d’une manière inexplicable. Il tendit les mains vers le corps, pour essayer de déceler une hémorragie qui lui aurait échappé. Un seul bras lui obéit. Il regarda sa main droite avec perplexité. Elle s’était levée devant son visage, jouant avec le scalpel par elle-même. Elle s’arrêta, comme si elle comprenait qu’il l’avait remarquée. Il sursauta quand elle se referma brusquement, tenant l’outil avec fermeté. Le murmure devint une voix, chantant inlassablement ces trois notes discordantes, trop aigües pour un vivant. Une panique insidieuse se propagea dans tout son être. La main gauche, tremblante, laissa échapper sa pince alors qu’il tentait de l’approcher de celle de droite, pour la forcer à lâcher la lame. Une sueur froide coula le long de sa colonne. Son pouls s’accéléra. Son souffle devint laborieux. Une immense douleur fulgura. Les deux mains venaient de s’affronter, avec pour résultat une entaille profonde. Il s’entendit gémir pour la première fois de sa vie tandis que la main rebelle s’avançait, lentement mais inexorablement, vers sa gorge. Il essaya tout : l’ordre, la demande, l’intimidation, la supplique… Le scalpel s’enfonça doucement, profondément, dans un borborygme insoutenable. Le corps, étalé de tout son long, usait de ses derniers tressaillements quand une pâleur bleutée en sortit. Elle fut happée par une rafale soudaine, laissant pour seule trace un écho de détresse infinie.
Celui qui aurait été assez fou pour regarder dans la pièce à ce moment précis aurait aperçu, le temps d’un clignement d’œil, une silhouette éthérée aux jupes déchirées, entourée de deux émanations livides.
Un dernier, et ses enfants seraient de nouveau auprès d’elle.
***

Son crachat, rempli de mépris, alla directement frapper les pieds nus qui se présentèrent devant lui.
- Qu’est-ce’ c’est ça?
- Une souillon, sergent. R’trouvée planquée dans un cellier d’l’auberge qu’on a cramée.
Il s’approcha, le regard sévère, et inspecta la marchandise. Frêle, les cheveux crades et emmêlés, le visage bouffi de contusions et sale. Elle tremblait de froid et de peur, et ses yeux restaient obnubilés par la bave qui coulait entre ses orteils. Sa tunique en partie déchirée laissait voir un sein pas plus gros qu’une pomme de printemps. Beaucoup moins belle que la sorcière, mais très certainement bien plus docile.
- Les aut’, sont passés d’ssus?
- Non sergent, on l’a am’née direc’ chez vous.
- Laisse-la. Casse-toi. J’veux voir personne c’soir.
Le fantassin salua et sortit. Le chef tourna autour de sa nouvelle acquisition, qui tressaillit quand il lui effleura la peau.
- T’sais qu’t’as bin d’la chance. T’as failli finir en combustib’. À place, t’vas servir à queq’chose.
D’un geste aussi soudain que brusque, il déchira ce qui restait de son haillon. La jeune femme se mit à sangloter. Il la gifla.
- Ferme ta gueule. Si t’restes sage, qu’t’écartes les cuisses quand j’te l’demande, t’êt’ bin que t’seras encore en vie quand on s’ra en ville. Parle trop, t’en r’cevras d’aut’. Fais des conn’ries, j’laiss’rai tout l’régiment t’passer d’ssus avant d’t’égorger moi-même. Pigé?
Elle hocha la tête imperceptiblement et réprima ses larmes. Satisfait, il lui désigna le fond de la pièce et son lit de camp. Elle s’y traina le plus silencieusement possible alors qu’il se déshabillait. Celle-ci ne risquerait pas sa vie, il le sentait, contrairement à la dernière putain qu’il avait croisée. Il aurait le temps de la prendre plusieurs fois avant de retrouver la civilisation. Ça le détendrait, après ce qu’il s’était passé une semaine auparavant.

La compagnie était constituée de jeunes recrues. Il leur fallait du sang, des pillages, des viols. Le sergent savait très bien comment satisfaire ces besoins et gagner une loyauté sans faille de son régiment. Ils s’étaient déjà occupés de plusieurs villages, sans accro. Mais le dernier leur avait donné du fil à retordre. Comme à chaque fois, ils y restaient quelques jours, juste le temps de manger tout ce qu’ils trouvaient, et profiter un peu de leurs femmes. Les maris, ayant déjà vécu nombreux conflits, savaient qu’il fallait garder profil bas et serrer les dents. Le sergent s’était arrogé la plus belle femme du village : la femme du boulanger, d’une crinière flamboyante, et mère de triplés de 13 ans. Cela faisait trois jours qu’ils occupaient le village quand l’incident survint.
Il venait de faire sortir la boulangère de force pour la ramener dans sa tante. Mais cette fois-ci, son premier fils en fut témoin et il n’avait pas l’expérience ni le calme de son père. Il l’avait chargé en criant, un couteau à pain dans la main, dans le vain espoir de défendre l’honneur de sa mère. Le petit écervelé s’était fait contrer et tuer dans la seconde, bien évidemment, mais le bref échange avait libéré la mère, qui s’était mise à hurler et à se précipiter au chevet du cadavre. Dès lors, les évènements s’étaient enchainés très vite. Le village s’attroupa, les esprits s’échauffèrent. Dans la confusion, le boulanger trouva aussi la mort, et il fut décidé d’embarquer la mère pour son plaisir personnel ainsi que les deux mioches restants : la femme resterait docile tant que sa progéniture serait menacée.
Mais cette putain n’avait pas fini de l’emmerder. À chaque jour, à chaque viol, elle se laissait s’éteindre, de plus en plus amorphe, au point d’en devenir indésirable, sans plus de différence que de prendre un objet inanimé. Devenue inutile, il avait envoyé le p’tit jeune s’occuper d’elle. Elle représentait une bouche à nourrir dans le camp. Et une fois les gosses orphelins, ils pourraient les revendre à un quelconque temple contre de l’or. Le p’tit jeune n’était jamais revenu. Cette salope avait tout manigancé depuis le début. Alors que le soldat se penchait sur elle, elle avait réagi avec fulgurance. Elle avait dérobé le poignard des mains de l’agresseur, totalement surpris, et le lui avait enfoncé dans le cœur. Elle fut arrêtée alors qu’elle essayait de briser les chaines qui retenaient ses fils. Tout le régiment acquiesça quand il la décréta sorcière, et qu’une simple mort ne lui suffirait pas. Il confia toute la petite famille dans la prochaine bourgade : un fameux répurgateur y vivait et organisait des procès de sorcières aussi souvent qu’il le pouvait. Depuis, il avait reçu différents rapports contradictoires, mais tous s’accordaient à dire qu’elle était morte, et ses mômes aussi.

Il secoua la tête. Que de temps perdu alors qu’il aurait pu parcourir la campagne avec ses gars. Temps qu’il allait regagner dès maintenant. Nu, il se dirigea vers son lit et écarta négligemment la cuisse de la jeune fille qui s’y était couchée. Il commença son affaire, poussant des gémissements rauques alors qu’elle-même se forçait à ne pas émettre un son. Il fut surpris que l’activité, bien que plaisante, ne le réchauffait pas. C’était même l’inverse. Il sentait la chair de poule sur tout son corps. Il fronça les sourcils, posa une main sur la poitrine de la gueuse. Elle avait tourné de l’œil et était aussi glacée que lui. Il lui semblait même que son pouls était trop faible pour qu’il puisse le sentir. Soudain inquiet, il lui envoya une gifle pour essayer de la faire réagir. Il retint un hoquet de surprise quand une main agrippa son poignet avec une force démesurée. Il essaya de se dégager. Non seulement il n’y arriva pas, mais en plus les jambes de sa victime venaient de se refermer autour des siennes, dans un étau inébranlable. La terreur sourde qu’il sentait se fit soudain brusque et intense. La jeune fille tournait lentement la tête, les yeux de nouveau grands ouverts. Des yeux d’une couleur différente, injectés de sang. Magie noire, la Sorcière!
Il se débattit violemment, de toutes ses forces, en vain. Il était pris au piège dans ce qui ressemblait de plus en plus à un cadavre. Il essayait au moins de sortir son membre viril quand elle fredonna. Une courte berceuse. Trois notes, suraigües, grinçantes, insupportables. Elles lui vrillèrent la tête. Il hurla, incapable de mettre ses mains sur ses oreilles, retenues par la défunte. Cette dernière semblait relever son buste doucement, faisant fi de l’apesanteur. Elle continuait de chanter, ses lèvres entrouvertes, cherchant celles du sergent. Son cri d’effroi s’étouffa dans sa mort quand le baiser les unit.
Une tempête soudaine se leva dans la tente. Une lumière bleue aveuglante emplit la pièce, juste avant que le vent ne fasse s’envoler le toit. La panique s’empara du camp. Une ombre funeste se formait dans l’œil du cyclone, alors que la tourmente détruisait tous les abris visibles. Une grande femme, blanche, transparente, effroyable, le visage décharné, les cheveux roux flottants, les habits déchirés, les pieds volant à trois mettre du sol, hurla. Elle hurla, et les verres se brisèrent, les fleurs fanèrent, les oreilles saignèrent. Les cœurs des mortels les plus proches s’arrêtèrent définitivement.
Le camp prenait feu peu à peu, chaque tente s’embrasant au passage d’une des deux boules d’énergie bleues qui virevoltaient tout autour. Une fois toutes les tentes allumées, les feux-follets attaquèrent en enflammèrent tout ce qu’ils pouvaient : chevaux, chiens, putains, piétaille, officiers. Le spectre baissa sa main, paume ouverte, vers la dernière lueur bleue qui restait, preuve de son ultime meurtre. L’âme du sergent se déchira de son corps dans un cri de supplice éthéré, pour se lover dans les bras de sa nouvelle mère. Celle-ci la modela de tout son amour malfaisant. Quand elle rouvrit son étreinte, un troisième feu-follet en sortit. Les trois enfants se mirent à danser autour de leur mère, qui hurla une dernière fois avant de disparaitre avec eux.
Sa famille était enfin réunie.
Figurines:

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Dim 29 Sep 2024 - 1:15
SOUS LE COUVERT DES BOIS


Mon cheval est hors d’haleine, il peine à trouver un passage dans la densité du sous-bois qui entrave ses mouvements désordonnés. Mon poursuivant ne semble pas éprouver les mêmes difficultés ; il trace son chemin presque en ligne droite, le martellement de ses lourds sabots se rapprochant toujours d’avantage.
Je n’ose pas tourner la tête pour évaluer la distance qui nous sépare encore. Il est tout proche maintenant. J’entends son souffle rauque et puissant, je peux sentir l’odeur pesante d’animal, presque étouffante qu’exhale son épaisse fourrure. J’en ai la gorge serrée et les larmes aux yeux alors même que le vent fouette mon visage.
Il lance une imprécation gutturale et je ne peux m’empêcher de lui jeter un regard. Il est immense, plus grand que moi, même perchée sur ma monture. Ses crocs dégoulinants d’écume et ses yeux rouges et luisants suffiraient seuls à me terroriser, mais il brandit en plus un grossier bouclier de planches mal dégrossies ornées d’un crâne cornu et une hache énorme que j’aurais toutes les peines du monde à soulever des deux mains. Son torse humanoïde aux muscles saillants fusionne de manière contre-nature avec le corps d’un équidé en un alliage impossible.
Je trouve la force de cesser de le contempler, bien que sa vue me fascine et me laisse sans voix. Je n’ai aucune chance. Aucune chance de lui échapper, quelque bonne cavalière que je sois, aucune chance de le vaincre malgré mon adresse une épée à la main. Il n’y aura pas même de combat ; il se contentera de me jeter à terre et de me fouler de ses sabots.
Si Sigmar est bon je trépasserai rapidement. Les récits abondent sur les sévices que les Bêtes du Chaos infligent sans fin aux malheureux qu’ils parviennent à capturer en vie. Ce qu’ils pourraient faire à une femme telle que moi, je refuse de l’imaginer.
Mon cheval poursuit sa course folle, à bout de force. Il a prit le mors aux dents, je ne peux rien faire d’autre que de me cramponner à la selle. Mon seul espoir, infime, est qu’il me ramène au convoi et aux gardes qui pourront peut-être lui faire face. Je n’ai plus la moindre notion de direction ni le moindre repère, moi qui pourtant connait si bien ces bois. Qui croyait si bien les connaître.


Je travaille avec ma tante Karoline depuis la mort de mes parents. Elle était patrouilleuse jusqu’alors et elle est guide pour des caravanes de marchands à présent. Elle fait équipe avec Herbert, un rude et solide gaillard. Le convoi que nous accompagnons traverse une partie de la Drakwald. C’est une mauvaise idée, les gens des villages alentours parlent de disparitions et des Démons de la forêt qu’un hiver trop rigoureux aurait rendus plus agressifs encore qu’à l’accoutumée. Herbert et ma tante patrouillent sur les flancs de la caravane, ils veulent éviter à tout prix de se faire surprendre. Ma tâche à moi est de partir en avant et de m’assurer que la route est dégagée. Je fais de nombreux allez-et-retours pour rassurer les conducteurs de chariots. C’est un travail pénible et peu exaltant, mais il faut bien que quelqu’un le fasse.
A mon dernier retour, Herbert et ma tante sont là eux aussi. Ils ne sont pas d’accord, ils discutent vivement devant les caravaniers. Encore une mauvaise idée, ça va les rendre nerveux ; j’ai appris depuis longtemps que les clients qui s’en sortent sont ceux qui gardent la tête froide en cas de problème. Ils vont tout nous les effrayer, ils auraient dû s’éloigner un peu pour régler leur histoire. Comme je m’approche pour leur faire la remarque, j’entends de quoi ils parlent et mon sang se glace dans mes veines. Les cornus.

-J’en ai compté une dizaine de mon côté, ça ne veut pas dire qu’ils préparent une attaque !

Herbert secoue vigoureusement la tête.

-Nous ne pouvons pas prendre ce risque, la piste de la rivière n’est plus sûre. Nous passerons par la route des collines.

Ma tante me lance un regard chargé d’émotion, elle sait mieux que personne quels souvenirs ces créatures évoquent en moi.

-Nous ne savons pas si la route des collines est praticable, ni si d’avantage de ces monstres ne nous y attendent pas ; une fois que nous seront engagés entre les collines, nous ne pourrons plus faire marche-arrière !

Ils continuent de se disputer un moment. Herbert ne changera pas d’avis, c’est certain.
Les Cornus. Je ne parviens plus à penser, j’ai trop d’images et de sons dans ma tête qui jaillissent.

-Ethel ? Ethel !

Ma tante me secoue doucement par le bras.

-Nous passerons par les collines ; tu connais Herbert… Quelque chose n’est pas normal, j’ai l’impression que ces Bêtes voulaient que je les voie. Je voudrais que tu prennes ton cheval et que tu ailles le long de la rivière. Suis le cours d’eau et tâche de faire attention. Si tu ne trouves rien, coupe à travers bois vers la route des collines. Nous nous retrouverons là-bas.

Je grimpe en selle et je pars, mais comme ma tante le supposait il n’y a rien le long de la rivière. Je chevauche à travers bois, sûre de ne pas me perdre. Bientôt la route des collines sera en vue.
Mais là, quelque chose m’arrête ; j’ai vu des mouvements parmi les arbres. Et c’est là qu’il surgit, immense et terrifiant. Ses sabots font voler de la terre meuble dans son sillage et il galope droit vers ma position. Mon cheval prend peur et se lance dans une fuite éperdue…

Ma tante est là, devant moi. Comme dans un rêve je la vois se ruer à cheval sur mon poursuivant, en criant et en brandissant son épée et son bouclier. C’est à peine s’il marque un temps d’arrêt avant d’abattre sa sinistre hache et de pratiquement fendre en deux la monture de Karoline. Sans que je comprenne comment elle se relève aussitôt, ses armes toujours en main. Mais son adversaire est trop puissant ; je le vois avec horreur se cabrer et décocher une ruade qui fait voler le bouclier de ma tante en éclats, brisant son bras comme une brindille au passage. A terre, vaincue, ma tante me hurle de fuir et de prévenir les autres. Bien que mon cœur saigne par avance de la perte de ma seule parente, je sais qu’il n’est rien que je puisse faire pour elle ; je fais donc volter mon cheval et repars au galop. Les Cornus m’ont pris ma famille, encore.
Herbert est là quand je parviens à retrouver le convoi. Il ne me prête pas grande attention, il scrute attentivement la forêt alentour, il sait déjà que quelque chose ne va pas. Je crie à pleins poumons à l’embuscade, mais c’est inutile ; déjà résonne entre les arbres le son glauque et persistant d’une corne de guerre. Et ils sont là, par grappes, par dizaines, surgissant de tous côtés et nous cernant de toutes parts. Ils braillent et cognent leurs armes grossières sur leurs boucliers ou sur des troncs proches en salivant d’avance du massacre à venir.
Ma monture est épuisée, je n’ai plus la force de me battre.
Tout est perdu.


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Dim 29 Sep 2024 - 17:18
Le Guide

    Sa gorge lui faisait un mal de chien. À croire que ces créatures s’aiguisaient les crocs. Pas possible que ces dégénérés puants puissent être nées ainsi. S’essuyant le menton, il gratifia le corps le plus proche d’un coup de pied bien senti. Cinq de leurs cadavres gisaient là, fracassés par sa hallebarde.

    Fritz affirmait qu’avant, c’étaient des humains. Fritz affirmait aussi qu’au pénitencier de Leopoldheim des lézards volaient dans le ciel. Quel idiot ce Fritz. Mais un idiot qui avait besoin de lui : des coups de feu résonnaient de l’autre côté du torrent. Les arquebusiers avaient besoin d’aide !

    S’aidant de son arme comme d’un bâton, il fit quelques pas et contourna l’auberge, plissant les yeux en cherchant du regard ses camarades. La détonation d’un tir éclaira brusquement deux tireurs. Ainsi que la monstruosité se précipitant sur eux.

- Fritz ! Oswald ! essaya-t-il d’articuler avant d’être interrompu par une quinte de toux.

    Crachant un peu de sang lui encombrant les bronches avec un regain d’animosité, il sentit la douleur s’envoler. Ces monstres venaient jusque dans leur village s’en prendre à leurs femmes et enfants ! Par Sigmar pas question de…

- Bonsoir Ludwig, déclara brusquement une voix calme derrière lui.

    Sursautant, le hallebardier pivota et manqua d’embrocher son interlocuteur. Ou du moins l’aurait embroché, si celui-ci n’avait pas mesuré la taille d’un enfant. Ou d’un halfling.

- Que…

    Le regard du soldat alla de ses compagnons criants et tirants de plus belle à cet inconnu. Il était affublé d’une robe à capuchon dissimulant ses traits dans l’ombre et traînant par terre, un sac et une lanterne éteinte aux poings. Toutefois Ludwig secoua la tête. Le moment n’était pas…

- Ce n’est plus ton combat Ludwig, reprit toutefois l’inconnu d’une voix douce avant qu’il ne puisse s’éloigner.  Tu en as assez fait. Il est l’heure.

    Hébété, il se tourna de nouveau vers le petit homme, à qui il vociféra d’aller se réfugier à l’intérieur avant que d’autres horreurs mangeuses d’homme ne rappliquent.

- Il est l’heure Ludwig, répéta calmement l’individu en se redressant légèrement.
- L’heure ?

    Quelque chose n’allait pas. Les cris semblaient étouffés par la distance. Les odeurs de la poudre et du sang masquées. La pénombre plus facile à discerner. Fritz. Oswald. La compagnie. Ils étaient là, juste de l’autre côté du… Le petit homme réalisa-t-il avec effroi. Il n’avait pas de visage. Son faciès n’était qu’ossements froids et sans vie. Nulles cordes vocales n’articulaient ses mots. Et pourtant.

- Tu as atteint la dernière étape Ludwig, continua-t-il en faisant preuve de réconfort. Je suis envoyé te chercher. Et t’accompagner.
- Que…

    Confus, il dévisagea plus attentivement la créature qu’il avait sous les yeux. Désarmée. Fragile. Faible. Vêtue d’autours sobres et délavés, arborant une broche argentée en forme de crâne pour tenir son vêtement.

- Non… tu n’es pas Morr, l’accusa-t-il en faisant référence au dieu gardien des défunts. J’ai occis les monstres ! Ils ont besoin de moi ! Fri…
- Je regrette Ludwig. Tu t’es vaillamment battu et a triomphé de ces goules oui. Mais elles aussi sont venues à bout de toi.

    S’avançant, son vêtement s’accrochant aux herbes folles, il dépassa le soldat et leva sa lanterne éteinte. Au-dessus d’une paire de jambes armurées étendues dans l’herbe. De braies blanc et rouge comme les siennes. D’une hallebarde ayant échappé aux doigts de son propriétaire. D’un homme à la gorge arrachée, s’étant vraisemblablement étouffé avec son sang.

    Abasourdi, Ludwig reconnu son propre visage. Il contemplait sa dépouille, encore chaude et étendue dans l’herbe. Il y avait du sang partout. Lui paraissait vieux et fatigué. Si fatigué…

- Mais… Morr… balbutia-t-il en se tournant vers l’inconnu. Je… Sans blasphémer, sur les gravures et au temple, il ne ressemble pas à…
- Le gardien des morts a beau être divin, il ne peut en personne se présenter pour guider toutes ses brebis dans l’autre monde, expliqua le petit être d’une voix douce. Nombreux sont ses protégés à être accompagnés par de simples guides sur les sentiers vers les profondeurs. Souvent, il s’agit d’ancien religieux, qui poursuivent leur tâche par-delà la tombe…

    Loin, très loin, résonnèrent encore des cris. Puis un ultime coup de feu. Un ordre unique, facile à discerner malgré la distance, creva la nuit : celui de la retraite.

- Mes frères d’armes, insista tout de même le hallebardier. Les autres gars, ils ont besoin de mon aide ! Je dois faire quelque chose !

    Le petit homme secoua doucement la tête, sa capuche se tendant d’un côté puis de l’autre.

- N’aie crainte. Ils sauront se débrouiller seul. Cela va aller.

    Laissant son sac à terre, il s’approcha en levant une main en direction du soldat, paume vers le haut. Une main sans peau ni muscles. Une main cauchemardesque, aux phalanges à nu qui n’auraient pas dû pouvoir bouger.

- Tu as mérité ton repos Ludwig, déclara-t-il simplement. Sois en paix.

    Se pinçant les lèvres, il secoua la tête. Ce « guide » voulait l’emmener à l’écart de ses frères d’armes. L’empêcher de les aider. Mais pourtant… au vu du corps par terre… son propre corps… il était mort. Tué au champ de bataille. Et le dieu gardien des morts de l’empire lui avait envoyé un serviteur, attendant patiemment qu’il prenne sa main.

- Fritz, Oswald et les autres soldats te rejoindront lorsque viendra leur heure, affirma le guide en lui tendant toujours les doigts. Je te le promets. Lorsque viendra leur heure et pas avant.

    Le cœur serré, Ludwig se tourna vers le torrent. Il discernait encore du mouvement, mais plus de bruits. Où qu’ils soient, ils s’étaient éloignés. Hors de sa portée.

- Promis ? Je les reverrais une fois dans l’autre monde ? interrogea-t-il en reportant son attention sur l’être à la capuche, ce à quoi il hocha solennellement la tête en signe d’approbation.

    Avec un mélange de tristesse, de soulagement et de reconnaissance, il tendit enfin les doigts vers les phalanges nues du guide encapuchonné. Il lui tint la main, esquissant un sourire triste. Le sang n’imbibait plus sa barbe et sa moustache. Ses yeux étaient humides, mais leur voile était levé. Sans un mot supplémentaire, il perdit consistance. Tel un mirage soufflé par la brise, le hallebardier se dissipa. Puis disparut.

    Finalement seul, le silence tout juste troublé par les échos de la bataille se finissant de l’autre côté de la rivière, si loin et étouffé qu’il aurait pu s’agir d’un rêve, il abaissa le bras. Nulle expression ne perçait les orbites vides du guide, ni ne venait se dessiner sur les ossements constituant son visage. Un moment, il examina sa main. Ses os froids qui, l’espace d’un instant, avaient effleuré ceux d’une âme encore tiède du feu des vivants. Feu qui embrasa doucement sa lanterne.

- Jamais je n’ai dit servir Morr, déclara-t-il simplement d’une voix où lassitude et regret étaient tous deux perceptibles.

    Mais personne n’était là pour entendre ces mots. Se tournant vers la forêt, de l’autre côté du cours d’eau, il avisa que le tumulte avait pris fin. Après avoir ramassé son fardeau, sans un bruit, il se dirigea dans cette direction en abandonnant la dépouille. D’autres mortels allaient passer le voile. Être confus, égarés, à la recherche de réponses et d’une direction. Une assistance qu’il fournirait avant qu’un ecclésiaste ne leur rende les derniers sacrements. Sacrements qui auraient permis aux véritables guides du gardien des morts de les accompagner aux sanctuaires souterrains de Morr, hors de portée de l’éleveur de spectres sylvanien.

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Mar 1 Oct 2024 - 1:13
La Damoiselle

Quelque part dans une seigneurie du bon royaume de Brétonnie, vivait une jeune dame du nom d'Élinor. Élinor n'était pas n'importe quelle dame, elle était une Damoiselle, une de ces femmes revenues de la forêt des fées avec le don de magie. Elle n'était conseillère du seigneur que depuis fort peu longtemps mais elle remplissait déjà sa fonction avec un grand dévouement.

Par une sombre journée d'automne, alors qu'elle scrutait l'horizon depuis les remparts, elle ressentit une influence mauvaise provenant des montagnes de l'est. Toujours prudente et mesurée, elle se dirigea vers son atelier pour confirmer son impression. Elle installa sa boule de cristal sur sa table, pris une fleur d'asphodèle, une pince de crabe et trois crocs de loup.
Elle se concentra et les vents de magie se mirent à tournoyer autour d'elle de plus en plus vite. Au bout d'un moment, des images se formèrent dans la boule :  au milieu d'une brume sombre, trois yeux rouges brillants… des crocs acérés… des épines… des longs doigts crochus… Élinor fut prise de panique et, avant qu'elle n'ait pu rompre le sort, la boule se mit à rougeoyer avant d'éclater en mille morceaux ! Heureusement, la Damoiselle eût le temps de se mettre à l’abri.
« Un grave péril nous guette, s'exclama-t-elle, je dois en avertir le seigneur sur le champ ! »

Le seigneur écouta la Damoiselle avec intérêt et on pouvait lire l'inquiétude grandissante sur son visage.
« Vous avez toute ma confiance chère Élinor, dit le seigneur. Vous serez accompagnée de fiers chevaliers et de vaillants hommes d'arme. Les périls sont nombreux sur la route des montagnes, puisse la Dame veiller sur vous dans cette quête périlleuse. »
Avec l'aide de l'intendant du château, Élinor et les chevaliers préparèrent le voyage.

Arrivée dans la forêt au pied des montagnes, la troupe attendait le retour des éclaireurs, quand soudain un grondement horrible se fit entendre qui résonnait entre les arbres. Une horde d'animaux sauvages surgit des bois : des cerfs, des daims, des blaireaux, des renards et bien d'autres encore ; leurs yeux fous brillaient de rouge et de jaune, leurs membres étaient déformés, tordus, dédoublés et leur corps était couvert de pustules verdâtres. De la gueule d'un sanglier, on pouvait voir ressortir le bras ensanglanté d'un des éclaireurs.
« Hardi compagnons ! Tenez les rangs ! Protégez la Dame ! » hurla un des chevaliers. Les soldats se postèrent en cercle autour d’Élinor, et la marée animale se fracassa sur les boucliers et les lances des hommes d'arme tandis que les chevaliers contournaient la masse grâce à leurs destriers pour faucher le plus possible d'abominations. Beaucoup de guerriers furent emportés ou prirent la fuite malgré les protection magiques que déployait la Damoiselle au centre de la troupe.
Alors que les rangs ne tenaient plus, un cerf à quatre yeux et six pattes se rua au milieu du cercle et menaçait d’encorner Élinor de ses bois difformes. Heureusement, au dernier moment, un vaillant Chevalier intervint et transperça la bête. Il se précipita auprès de la jeune femme : « Êtes-vous blessée ? s’enquit-il, tenez bon nous les avons presque occis ! »
En effet, la masse grouillante de bestioles finit par se disperser. Les survivants ne purent que constater l’étendue des pertes. Et pourtant il fallait continuer.

Le Chevalier était intrigant, Élinor l’examina en silence tant qu’ils étaient au calme  : il ne portait pas de heaume, son écu et sa lance étaient usés, on distinguait à peine ses armoiries sur sa livrée.
« - Mais qui êtes-vous, mystérieux sauveur ? demanda-t-elle.
- Rien de plus et rien de moins que votre serviteur, répondit le Chevalier, mais si vous voulez une réponse honnête, je suis un chevalier sans terres car je dois encore faire mes preuves. J’ai pris la place de mon père qui est souffrant. Je sais que c’est un affront à cette quête sacrée mais je n’avais pas le choix.
- Ne vous excusez pas, vous m’avez sauvé la vie, soyez assuré que notre seigneur saura vous récompenser. »

Après avoir passé la forêt, ce qui restait de la troupe arriva devant une petite bâtisse de pierre et de bois qui s’élevait sur le contrefort la montagne, à côté d’une petite cascade d’eau autrefois pure. La terre aux alentours était souillée, les arbres noircis et sans feuilles, des veinules rouges et ocres parcouraient les murs et le toit de cette chapelle autrefois consacrée par la bénédiction du Graal. Cependant, une lueur dorée rayonnait encore depuis l’intérieur à travers les ouvertures.
Accompagnée du Chevalier errant, Élinor s’approcha et poussa lentement la porte. Face à eux, le gardien des lieux, un chevalier en armure d’or était agenouillé devant l’autel, totalement immobile. Une voix résonna tout autour d’eux : « Il est trop tard, je n’ai pas réussi à contenir la corruption, cet endroit est perdu, emportez la relique et fuyez cet endroit tant que vous le pouvez ! »
Élinor couru vers l’autel et se saisit du coffret qui était posé dessus. Une douce chaleur l’envahit et elle se sentit revigorée. Au même moment, le Chevalier d’or s’écroula lourdement en laissant échapper son dernier soupir.

« Ma dame ! J’entends des bruits au dehors, nous devons partir ! » s’écria le Chevalier errant. Mais il était trop tard. Les hurlements de terreur des soldats restés dehors leur glacèrent le sang, puis la porte de la chapelle s’ouvrit à la volée déversant une horde de créatures démoniaques aux yeux rouges, aux mains griffues, aux crocs acérés et au corps couvert de piques.
Gardant son calme, Élinor brandit son bâton et une lueur aveuglante stoppa l’avancée des créatures.
« SoRciÈRE dE paCoTiLLe, tu NE faiS pAs Le pOIDS fAcE à MOI ! »
Une silhouette immense se dressait dans l’ouverture de la grande porte d’entrée et la remplissait entièrement. Son allure était indescriptible et aurait rendu fou n’importe quel esprit humain qui aurait posé son regard sur elle. Une vague de brume noire entoura les deux malheureux, leur bouchant totalement la vue. La puissance de la relique et des pouvoirs d’Élinor peinaient à repousser l’influence du démon.
« Élinor, je vous défendrait au péril de ma vie, pour la Dame et pour le Graal ! »
« Merci Chevalier, ne perdez pas espoir ! »
Ils combattirent vaillamment les ennemis qui les assaillaient de toutes parts. Leur résolution ne faiblissait pas, mais bientôt la fatigue eu raison de leur corps.

Alors qu’ils étaient acculés, meurtris, les pans de murs et de plafonds chutant tout autour d’eux, les deux combattants tombèrent à genoux sous les coups de leurs ennemis. Alors qu’ils étaient au bord de l’inconscience, la dernière chose qu’ils virent fût une lumière couleur d’émeraude se déverser depuis le ciel à travers le plafond éventré, se répandant dans toute la chapelle.
Puis plus rien. Le noir. Le silence.
Tout était paisible.

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Mar 1 Oct 2024 - 1:14
Vaillance


Il courait. À toutes jambes. Rien d’autre n’avait d’importance. Une branche basse lui fouetta le visage, sans qu’il ne cherche à l’éviter. Il ne l’avait même pas remarquée. Son cerveau était bloqué sur une idée fixe, inflexible, impérieuse.

Fuir, à tout prix.

Ses poumons étaient en feu, ses muscles le brûlaient, mais il courait toujours, presque inconscient des kilos d’armure qui l’alourdissaient. Quelques sons lui parvenaient de derrière, des cris, des plaintes, mais rapidement tout fut couvert par sa course, et par les battements affolés de son propre cœur. Il sauta par-dessus un fossé puis s’enfonça dans les broussailles, ignorant leurs épines et leurs branches qui tentaient de lui lacérer le visage. Il n’y avait pas de direction à sa course, pas de sens, pas de logique, si ce n’est une seule.

La peur panique.

Ce fut après quelques minutes de cette course effrénée qu’il s’arrêta dans une petite clairière, faiblement éclairée par le soleil mourant. Il s’appuya lourdement sur un arbre tout en soufflant avec difficulté, essuyant la sueur qui trempait ses cheveux, engrangeant pêle-mêle les informations que l’adrénaline lui avait occultées. Il avait quelques légères coupures au visage, son heaume avait disparu, mais sa main était toujours crispée sur son bouclier orné de fleurs de Lys. Un chat-huant hulula dans les frondaisons, annonçant le début de la nuit. Se redressant, les sens aux aguets, Galéran réalisa que les cris humains s’étaient arrêtés. Il déglutit. Soit il avait pris suffisamment de distance, soit les autres étaient...

Un frisson le fit chanceler, et il dut à nouveau s’appuyer sur l’arbre pour ne pas s’effondrer. Leurs visages défilaient dans sa tête, Estienne, Amaury, Jaufré, Mainard, et tous les autres, des hommes que pour certains il connaissait depuis l’enfance, avec qui il s’était entraîné aux armes dans le château de son père. Ses yeux s’embuèrent de larmes. Ces hommes, il n’avait rien fait pour les défendre. Il avait fui, sans un regard en arrière, quand cette…chose, les avait attaqués. Il n’aurait rien pu faire, personne n’aurait rien pu faire, mais ça ne changeait rien. Et dire qu’on le surnommait ‘Galéran le vaillant’, après qu’il ait affronté un gros orque. ‘Le vaillant’ était plutôt ‘le tremblant’ oui, voire ‘le fuyant’. Un bref sanglot s’échappa de son gosier. Ses entrailles semblaient s’être changées en glace.

Soudain, devant lui, une branche craqua, et son cœur manqua un battement. Il se releva immédiatement.

Trop tard.

« Tu me déçois, chevalier » trancha une voix de basse.

Galéran recula d’un bond, se cognant presque contre un épais tronc d’arbre. La silhouette sombre qui lui faisait désormais face ne bougea pas d’un cil, mais Galéran ne le regardait même plus, son corps avait pris le relai sur son esprit, et il partit à toutes jambes vers la forêt. Du moins il essaya.

Une poigne de fer enserra son poignet droit, et un choc brutal se répercuta dans son corps quand l’autre l’arrêta en pleine course pour le jeter au sol. Une vive douleur transperça son dos, lui arrachant un cri.

« Je suis venu dans cette contrée attiré par les récits de tes exploits, toi ‘Galéran le vaillant’, dont toute la seigneurie parle. »

Galéran releva la tête, osant à peine regarder celui qui lui faisait face. Il ressemblait à un homme de haute taille, engoncé dans une armure de plates aux allures antique rehaussée d’une cape noire. Un heaume surmonté d’un dragon repoussant encadrait un visage pâle comme le marbre. Mais ce n’était pas un homme, en témoignaient ses yeux couleur de sang, parfaitement visibles malgré l’obscurité. Sa posture était sévère, et sa voix aussi inflexible que la lame qu’il portait au côté.

« Pitoyable. Tu me fais perdre mon temps. »

Galéran se remit péniblement sur ses pieds, sans que son macabre adversaire n’esquisse le moindre mouvement. Mais quand il fut debout, l’autre jeta un objet à ses pieds dans un fracas métallique. La voix claque de nouveau.

« Met-le, et dégaine. Que nous soyons au moins à armes égales. »

Galéran jeta un œil à l’objet, qui se révéla être, à sa grande surprise, son heaume. Il obéit mécaniquement, tentant de maîtriser le tremblement de ses membres alors qu’il enfilait la pièce d’armure sur sa tête, se sentant comme spectateur de son propre corps. Son esprit était en ébullition. À armes égales ? Il avait vu cette créature tuer Hugues et Jaufré d’un seul revers, tout en encaissant sans broncher un coup de hallebarde dans les entrailles. Il l’avait vu briser la hampe de l’arme à mains nues, avant de la planter dans le corps de Bertin, le vétéran de la troupe, et ce malgré le bouclier levé du pauvre homme. Et cette…horreur voulait l’affronter ?

Avait-il le choix ?

Il comprenait maintenant ne l’avoir jamais eu.

La mort dans l’âme, il dégaina sa propre épée, cherchant de l’assurance dans la poignée de l’arme. Mannslieb s’était levée, lui permettant de distinguer plus clairement son adversaire. Qui avait sa propre lame entre les mains.

« En garde. »

Le premier assaut du démon fut d’une rapidité monstrueuse, son épée longue virevolta si vite qu’elle en devint floue. Galéran parvint in extremis à la bloquer. Mais cette attaque fut suivie d’une autre, toute aussi rapide, puis d’une autre encore. Les chocs successifs sur son bouclier qu’il tenait obstinément devant lui se répercutaient dans son avant-bras et son épaule, lui causant peu à peu une douleur sourde qui lui fit serrer les dents. D’autant que les coups de son adversaire étaient d’une force phénoménale. À chaque assaut, Galéran reculait, il reculait autant pour se mettre hors de portée qu’à cause de la peur que lui inspirait cette bête à forme humaine, dont le visage immobile paraissait taillé dans la pierre.

Mais il ne pouvait reculer éternellement.

L’attaque sembla venir de partout à la fois. Une fraction de seconde après avoir levé son bouclier une énième fois, Galéran comprit qu’il était tombé dans un piège. L’épée adverse fit un écart et le toucha de plein fouet à la hanche. Il ne dut son salut qu’à la cote de mailles qui l’empêcha d’être éviscéré sur place. La force du coup le fit chanceler sur le côté, et il se rattrapa à un arbre avec un grognement de douleur. Son adversaire le toisa sans cacher son mépris.

« Pathétique. Tu vas mourir. »

Galéran fut par la suite incapable d’expliquer précisément ce qui se produisit.

La souffrance était insoutenable, sa vue commençait à se brouiller, et ses muscles menaçaient de lâcher à tout moment. Mais quelque-part, au fond de lui, quelque-chose venait de s’enclencher, comme si on avait levé un voile sur ses sens. Il n’émit aucun autre son, puis se remit en garde.

Et avança un pied.

Il y eut un changement imperceptible dans l’expression du démon, un tressautement de paupière causé par la surprise. La première attaque de Galéran fut parée avec négligence, et la contre-attaque lui vrilla l’épaule quand il la bloqua, mais il ne reculait plus. Il avait cessé de regarder le visage de son adversaire. Il ignorait si c’était la douleur ou l’attitude méprisante et outrecuidante de cette créature dont il ignorait jusqu’au nom, mais, si le rapport de forces ne s’était pas inversé, il regardait les mouvements adverses pour ce qu’ils étaient : des passes d’arme.

Des passes qu’il pouvait lire.

Son maître d’arme lui avait dit un jour « toutes les armes se manient de la même façon. D’abord il faut se protéger. Et ensuite, il faut attaquer, mais uniquement quand on peut, et pour le faire au bon moment, il faut savoir observer. Le reste, c’est des fioritures. » Et Galéran observa. Il observa comment son adversaire portait ses coups, comment il se remettait en garde, à quelle vitesse il parait et contre-attaquait. Face à lui, la créature avait changé d’expression. Le pli arrogant de sa bouche s’était crispé, et ses sourcils étaient froncés de concentration. Ses attaques paraissaient sans failles cependant, et Galéran essuya d’autres chocs, qui commençaient à sérieusement émousser son endurance, mais il n’en avait cure. Il cherchait le bon moment. Et le vit.

Son épée fusa comme l’éclair. Le monstre entrouvrit la bouche, seule marque de la surprise qu’il devait ressentir à cet instant précis. Puis, à une vitesse ahurissante, il décala sa tête.

Trop tard.

L’épée du bretonnien le toucha au front, dans l’une des seules zones découvertes de son casque. Galéran eut l’impression que son épée avait touché un cuir très épais, mais il savait, il sentait qu’il l’avait tranché. Et, comme pour confirmer ses impressions, un mince filet de fluide sombre se mit à couler sur le visage de son adversaire.

Le démon porta la main à son front, puis la regarda avec un air impassible. Ensuite, pesamment, son regard se releva alors sur Galéran, qui reprenait son souffle. Il y eu un moment de flottement, puis il se transforma.

C’est du moins ainsi que Galéran perçut ce qui arriva. Son ennemi lâcha son épée, et son visage se déforma dans un rugissement rauque à terrifier un cadavre. Sa mâchoire se tordit, et sembla se déboîter en s’ouvrant telle une gueule garnie de crocs acérés. La seconde suivante, il était sur Galéran.

Un premier coup le toucha au bouclier, et fut si fort qu’il sentit un craquement alors que son bras gauche explosa d’une douleur insoutenable. Le deuxième frappa son visage, et si son heaume empêcha sa tête d’être perforée, il fut totalement sonné. Un troisième lui enfonça la poitrine, ses pieds quittèrent le sol, puis tout devint noir.

*

Lorsque Galéran se réveilla, il se trouvait dans sa chambre au château d’Angonne, le domaine de son père. Il était couvert de bandages, et des guérisseuses se relayaient à son chevet. Au cours de sa longue convalescence, il apprit qu’il avait été ramené là par un cavalier solitaire, droit comme un i, portant un heaume orné d’un dragon et couvert d’une longue cape noire et rouge. En partant, ce cavalier aurait eu ces mots.

« Dites-lui que Reiner Von Enghelhoff, de l’ordre des dragons de sang, est fier d’avoir eu l’honneur de croiser le fer avec Galéran le vaillant, et que ce dernier porte bien son titre. »
Les deux combattants:

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Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

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Mar 1 Oct 2024 - 3:39
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   Le casque de bois peint chût au sol aux côtés de l’épée d’obsidienne; elle l’aurait bien lancé, mais n’en avait plus la force : il s’en fallait de peu pour que ses genoux ne s’écroulent eux aussi dans le sable.
   À bout de souffle, Oceloquichtli jetta un regard dans les fourrés touffus derrière elle, mais elle ne vit ni n’entendit rien. Enfin, le bruissement de la jungle était comme toujours incessant, mais la guerrière en avait trop l’habitude pour l’entendre réellement.
Elle était seule, débarrassée de ses poursuivants, mais aussi de ses consœurs. L’adrénaline redescendait, et elle pouvait enfin reprendre ses esprits. Elle s’éveillait d’un long cauchemar dont elle prenait enfin toute la mesure et goûtait pleinement l’amertume.

   — J’ai appris la nouvelle.
   Elle avait lancé la phrase, fébrile, depuis la porte. Le soleil levant dessinait un rectangle de lumière dorée dans lequel se découpait la forme agenouillée de Chimalxochilt au centre de la pièce, une craie à la main. Les épaules de cette dernière s’étaient affaissées, et elle avait suspendu son geste, laissant inachevée la ligne blanche qu’elle avait commencé à tracer sur son bras déjà noirci au charbon. Une peinture rituelle qu’Oceloquichtli avait déjà vu trop de fois ; seul le visage de la femme noble n’était pas encore couvert de ces lignes colorées, et arborait à la place une expression oscillant entre impuissance et résignation.
   — Il fallait bien que tu finisses par l’apprendre.
   — Et que comptais-tu faire ? avait répondu Oceloquichtli, blessée. Me laisser devant le fait accompli ?
   Chimalxochitl lui avait lancé un regard désolé.
   — Je ne voulais pas perturber tes propres préparatifs et… j’avais moi-même besoin de temps pour me préparer.
   Les yeux de Chilmalxochitl s’étaient perdu dans le lointain. À ces mots, la colère d’Oceloquichtli s’était envolée, ne laissant qu’un sentiment de honte derrière elle, et ses paroles moururent dans sa bouche. Si elles s’étaient adoucies, l’amertume et l’incrédulité étaient restées, cependant.
   — Je … je ne peux que… que comprendre.
   Et pourtant, son regard avait transpercé Chimalxochitl de détresse avant qu’elle ne reprenne la parole :
   — N’y a-t-il pas un autre moyen ?
   L’intéressée avait souri doucement.
   — Les prêtresses ont été claires, les temps à venir sont troubles, et les dieux ont besoin de tout ce que nous pouvons leur donner pour qu’ils puissent nous aider à les affronter. Quant à ce que nous aurons à affronter, tu les connais mieux que moi.
   — Mais il n’y a pas quelqu’un d’autre qui…
   — Tu sais quel est le sang qui coule dans mes veines. Chaque instant de ma vie m’a préparé à ce moment.
   — Mais je te dois la mienne, avait répondu Oceloquichtli. Depuis que vous m’avez recueillie, chaque instant de ma vie s’est fait dans l’espoir de pouvoir un jour payer ma dette. Et maintenant…
   Sa voix s’était étranglée ; elle avait détourné la tête dans l’espoir qu’elle ne remarque pas ses larmes. Les yeux fermés, la voix de son amie lui était parvenue, d’une douceur qui dans l’instant avait été presque insupportable et qui, maintenant, la hantait :
   — Et je serai heureuse de pouvoir aider à la sauver une deuxième fois. C’est un grand honneur qui m’est fait de servir les dieux.
   Le regard perdu dans le lointain, Oceloquichtli avait souri amèrement entre ses larmes.
   — Je suppose que quoi que je puisse dire, cela t’es déjà venu à l’esprit et tu t’en es déjà dissuadée…
   Elle avait fini par se retourner, et Chimalxochilt se tenait toujours au milieu de la pièce, un sourire entre bienveillance et résignation sur le visage.
   — Que peux-tu dire, Oceloquichtli ? Nous parlons de la volonté des dieux.
   Lentement, elle s’était à nouveau emparée de sa craie blanche, puis de son charbon.
   — Profitons plutôt de ce moment, il faut que je finisse de m’apprêter. Si tu le veux bien, tu pourrais m’aider  à me peindre le visage ; je l’apprécierai.
   Les yeux d’Oceloquichtli étaient restés fixés sur la craie et le charbon au milieu des mains tendues de Chimalxochilt. L’idée de les faire courir elle-même sur la peau de son amie avait fait s’abattre sur son esprit une vague de révulsion et de panique.
   — Je… Non, je… je ne peux pas.. avait-elle finalement réussi à balbutier.
   Submergée par les émotions, elle avait lâché le rideau de l’entrée et s’était enfuie en courant.

    Et ô combien avait-elle regretté sa fuite alors que, quelques heures plus tard, c’était seule qu’elle avait du affronter la vision de ce corps peint s'avançant entre les prêtresses, la “volonté des dieux” faisant déjà s'envoler des braises dans le ciel assombri !
    Le chant des prêtresse était ainsi monté, et Chimalxochitl avait fait de même sur l’estrade de paille et de bois, sur laquelle couraient déjà des lambeaux de fumée claire. Debout au sein de ses consœurs immobiles, Oceloquichtli n’avait pas réussi à contenir ses tremblement devant la scène. Soudain, elle avait entendu une autre voix s’élever, portée par le vent, qui l’avait transpercée. Au milieu des flammes montantes, Chimalxochitl s'était mise à chanter elle aussi, une douce complainte pour elle-même, à peine audible derrière les chants rituels et leurs tambours. Et lorsque le vacarme des flammes avait fini par s’élever, le chant s'était peu à peu mué en cris de douleur, et il s’en était fallu de peu pour qu’Oceloquichtli l’accompagne des siens. Mais elle avait ravalé sa souffrance, et elle était restée droite avec les autres guerrières, alors qu’intérieurement, une part d’elle était là, dans ce brasier rugissant.
    Tout avait alors commencé à se bousculer dans l’esprit d’Oceloquichtli. La silhouette avait vacillé derrière le rideau de flammes et s’était effondrée en leur sein. Chimalxochitl s’était tue, et  il avait fini par ne rester que le silence sur l’esplanade, les prêtresses parties, une brise insensible commençant déjà à balayer les cendres encore chaudes.

    Elle avait quitté la place avec précipitation, mais le silence l’avait suivi jusque dans sa demeure. Mécaniquement, elle avait sorti ses pigments pour se préparer avant la bataille, mais devant la vision de ses propres doigts traçant les lignes colorées sur sa peau, Oceloquichtli avait fini par ployer. Elle avait hurlé, jusqu’à ce que sa gorge s’étrangle et que sa voix se brise.
    Elle ne savait dire combien de temps s'était écoulé alors qu'elle était restée prostrée, pliée en deux sur le sol de terre battue. Ses consœurs guerrières avaient fini par venir la chercher, s’inquiétant pour elle ; Acaxoch, Huaxtli, et Tecocoltzin bien sûr. Elles l’avaient redressée, avaient achevé ses peintures de guerre, et prise avec elles. L’esprit embrumé et confus, Oceloquichtli les avait suivies machinalement, répondant à peine à leurs invectives. Les arbres et les fourrés avaient défilé devant ses yeux pendant leur marche sans qu’elle ne s’en rende véritablement compte.

   Mais le projectile sifflant à son oreille qui avait dessiné sur sa rétine un trait d’un vert brillant avait eu raison de sa torpeur, et ses réflexes l’avaient brutalement rappelée à la réalité.

   À côté de ses larmes, un sourire teinté d’une amertume incontenable se dessina sur son visage : et quelle réalité ! Elles avaient été balayées comme des jeunes pousses de maïs.
   Où avaient été les dieux quand les balles avaient grêlé à travers les feuillages et transpercé ses sœurs ? Où s’était porté leur regard quand des foudres maudits avait brûlé leurs chairs, quand les vents nauséabonds avaient été libérés, sapant leurs forces, leur vue, leurs vies ? Où étaient-ils maintenant qu’elle était seule, seule et couverte d’un sang qui n’était pas le sien ?
  Elles avaient fui, elle, Acaxoch, Huaxtli, Tecocoltzin, et toutes les autres encore en vie. Elles s’étaient éparpillées telles du sable au vent et le chaos de la bataille l'avait séparée des autres. Rien ne disait que ses consoeurs avaient pu elles aussi s'en échapper vivantes.

   Oceloquichtli jeta un regard plein de rancœur vers le ciel aux nuages ternes et silencieux. Les dieux avaient réclamé la vie de Chimalxochilt pourquoi ? Pour les abandonner dans leur heure la plus sombre ? La colère et l’amertume enflaient dans sa gorge. Oceloquichtli avait tout donné, jusqu’à la vie des êtres qu’elle avait de plus cher, elle finissait là seule, et devait remercier les dieux ? Non. Ils n’en méritaient pas le titre, pas plus que sa fidélité. Les larmes d’Oceloquichtli avaient séché. Un cri gronda dans sa gorge, et elle leva le poing vers le ciel pour leur adresser toute sa hargne.  

   — Je vous hais ! hurla telle au milieu des échos de son cri. Vous m’entendez, “ô dieux” ? Je vous maudis !

   Feu attisé par toute cette rancœur qui grandissait en elle, un flot toujours plus soutenu de hargne se déversait entre ses lèvres.

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Uzkul ged a ibid Dawi. Bar Dawi urz grim un grom, un ekrokit "Nai. Drekgit.". Un Uzkul drekged.
La mort vint pour obtenir la vie du nain. Mais le nain était brave et obstiné, et répondit : "Non, va-t-en." Et la mort passa son chemin.
Proverbe nain.


Traduction réalisée d'après Grudgelore, de Nick Kyme et de Gave Thorpe.
Alain de Saint Jean

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Mar 1 Oct 2024 - 18:03
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Orage en forêt

Le soleil de Sonnstille, à son zénith, ne pouvait trouer la canopée épaisse de cet affluent fangeux du Reik; sous la pénombre sylvestre des nuées d’insectes vrombissaient dans la chaleur moite du marigot, entourant le Nain d’un nuage mouvant d’élytres aux vols complexes et chaotiques.

Il étouffa un juron en écrasant de sa main droite un moustique posé sur son cou.

«Mais ils mangent quoi ces p… d’insectes quand il n’y a pas de nains dans ce bourbier!? » éructa-t-il d’une voix rauque tout en essuyant son front dégoulinant de sueur.

Reniflant bruyamment en observant la pénombre des arbres bordant le lit du ru, il cracha un glaire épais dans l’eau croupie et repris sa traque, scrutant avec attention les empreintes laissées par sa proie dans le sol fangeux.

Il se releva d’un coup en humant l’air lourd de l’été Reikslandais, s’appuyant sur une vieille branche couverte de lichen suintant d’humidité, tourna la tête de droite et de gauche, caressant par réflexe sa barbe dégoulinante de sueur et cracha de nouveau; un crapaud plongea dans l’eau pour éviter le projectile salivaire en un coassement où se mêlait surprise et dégoût…

Un éclair emprunt de malice brilla dans son œil valide alors que celui-ci se fixait sur les ruines antiques d’un pilier de pont à moitié noyé dans la végétation à une cinquantaine de mètres à sa droite.

« Là! » souffla-t-il avec plaisir en dardant du regard les vestiges moussus de pierres branlantes, retenues on ne sait comment par les multiples racines d’un arbre décharné s’accrochant aux vestiges du pont comme un pendu à sa corde…

Non loin de là, à moitié immergée dans une flache putride, sa proie, toute occupée à éviscérer la carcasse d’un cerf, émettait de multiples grognements de satisfaction et bruits de succions; quelques craquements osseux rompaient le lourd silence environnant.

De multiples colifichets, os rongés, crâne défoncé, crochets rouillés, pendaient mollement à la bande de cuir passée en bandoulière sur l’épaule du monstre; une hache de pierre grossière, encore sanguinolente, était posée négligemment, à portée de main du troll d’eau. Des gouttes de sang perlant de sa lame ridaient irrégulièrement la surface d’eau saumâtre.

Gotreck avança lentement, à pas feutrés, prenant soin d’éviter les branches jonchant le sol de-ci de-là, la hache en main. La créature était imposante, d’une belle taille même! Surtout pour un troll…
Cela promettait un beau combat, peut-être même, enfin, la fin de son existence de réprouvé, il passa une main dans sa crête et continua d’avancer, pas à pas…

Soudain un croassement retentit! Rompant comme un coup de tonnerre le silence fiévreux des lieux.

Un corbeau, posé sur le parapet branlant du pont, regardait Gotreck d’un air moqueur ; le Nain étouffa un juron entre ses dents en maudissant le volatile du poing.

Le troll se redressa d’un coup, ombre sourde promesse de rage, huma l’air frénétiquement tout en se retournant, trop rapidement au goût du Nain, en se saisissant de sa hache de pierre.
À sa vue il émit un grondement gutturale tout en commençant sa course, prêt à mettre toute sa puissance bestiale dans l’impact qui allait suivre.

Avisant une souche d’arbre appuyée sur un rocher non loin de lui, le tueur de troll fonça dessus et, en quelques pas, pris suffisamment d’élan pour bondir au dessus de la créature, poussant un cri en Khazalide plus tempétueux que le beuglement de la bête abrutie.

Un éclair bleuté éclaira la rune majeur de sa hache, prémisse d’une averse de coups fatidiques. Le temps parut suspendu un instant...

Un grondement sourd retentit sous la pénombre forestière, une trombe d’eau trempa la structure décatie du pont antique, provoquant l’envol précipité des corbeaux en un croassement de dépit.
Gotreck, à l’issue de son roulé boulé, était de nouveau en position de garde, prêt à porter de nouveaux coups, puis se relâcha.

La carcasse du troll finissait de faire bouillonner la mare de son sang acide sous le regard hébété de sa tête tombée à quelques pieds du corps, dont les yeux se vitraient peu à peu.
Le silence retomba sur les lieux, des gouttes d’ichor et de sang perlaient du feuillage environnant, Gotreck, calmement, porta le coup rituel, cassant le processus de régénération du troll, puis reparti en direction d’Altdorf, en sifflotant…
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