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- GilgaladMaître floodeur
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 27 Aoû 2014 - 16:07
J'ai lu la suite dans un Super U, donc je ne peux commenter que maintenant. Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié l'arrivée de ce personnage. Cela apporte un petite vent de nouveauté au récit. Sans compter que cela relance un peu le suspense. Par contre, il faudra que tu donnes à un moment ou l'autre sa place dans la lignée des Von Carstein. En effet, on sait que Mannfred a essayé de contrôler la comtesse d'Essen mais la question est de savoir s'il tente de la contrôlée par l'intermédiaire d'Emmanuelle ou si cette dernière agit en totale indépendance.
Et sinon, vivement la suite.
Et sinon, vivement la suite.
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Veuillez à ne pas insulter les Hauts Elfes, sans quoi il vous en cuira. Le risque est un démembrement très rapide suivit d'une décapitation.
- EssenSeigneur vampire
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Jeu 28 Aoû 2014 - 18:31
Elle sentit tout d’un coup un subtil changement dans l’aethyr. Son sixième sens lui cria qu’un danger se rapprochait, et qu’il était droit devant, quelque part au fond de la grande allée.
La comtesse replia prestement le parchemin. Son intuition était infaillible, mais elle ne suffisait pas pour discerner la menace. Cependant, elle entendit des portes claquer, puis un bruit de pas se rapprochant d’elle. Enfin, elle aperçut un serviteur à bout de souffle courir vers elle comme si sa vie en dépendait. Il s’arrêta devant elle, éreinté et plié en deux, la sueur mouillant les cheveux sur son front.
- V-v-votre Grâce ! – balbutia-t-il d’une voix à demi-étouffée par la peur.
Sa vision écœura la comtesse. Elle fixa ses prunelles sur lui, prêta à le jeter par son balcon, mais sa raison la retint. Il fallait savoir ce qui l’avait rendu dans cet état.
Cependant, elle entendit soudain un vacarme du diable provenir du bout du couloir. La salle de festins !
- Parle, abruti ! PARLE !
- D-d-des gens exigent v-votre p-présence-ce, ils s-sont-ont hor-ribles ! HORRIBLES ! – ajouta-t-il soudain en la regardant droit dans les yeux.
Emmanuelle von Carstein vit qu’il était proche de sombrer dans la folie, et s’empressa de le renvoyer sur le champ vers une autre issue. Ce qu’elle ressentait était donc vraiment quelque chose de terrifiant, et devait être mis hors d’état de nuire sur le champ. Pour cela, il fallait qu’elle le voie d’elle-même.
Pas après pas, elle franchit la grande allée toujours éclairée par des bougies. Les portes de la salle des festins s’ouvrirent devant elle, puis la comtesse se figea, sans voix face au capharnaüm auquel elle faisait face.
La grande table était mise en pièces, des bouts de bois verni trainant partout dans la salle. Les draperies et les quelques portraits avaient été arrachés des murs et martyrisés ; les murs eux-mêmes portaient des coups de hache ; les tapis portaient des traces de brûlures, mais leur humidité avait empêché que les flammes se propagent.
Une fureur froide emplit l’être de la vampiresse quand elle vit les fautifs d’un tel sacrilège : à l’opposé de la salle se tenait un groupuscule d’humains, tous tenant des armes et des torches, tous la regardant d’un regard haineux. Plus aucune bougie ne brûlait, seules les flammes crépitant sur leurs bouts de bois jetaient des lumières dansantes sur la scène chaotique.
- Et puis-je savoir, - retentit sa voix lente et appuyée, - qui vous êtes, messieurs ?
Disant cela, elle enleva son gant droit.
Un silence s’ensuivit. Elle ne les lâchait pas du regard, et eux semblaient incapables de s’en détacher. Enfin, l’un d’entre eux fit un pas en avant, jetant du même coup sa torche de côté.
- La justice ! – cria-t-il assez fort pour que le bruit s’entende dans toute la salle. – Vous avez tué mon père, et en faisant cela vous avez signé votre arrêt de mort. Vous allez mourir. Vous allez mourir !
La comtesse éclata de rire, d’abord en essayant de le dissimuler, puis de vive-voix. Enfin, elle déclama :
- Bande d’ignorants. Sombres crétins…
- ASSEZ ! – la coupa soudain la voix du même homme. – Ne croyez pas qu’on est venu ici comme ça, sans savoir à qui l’on a affaire ! – il pointa soudain du doigt la vampiresse. - Toi ! La créature ! Tu vas souffrir. Tu vas souffrir tellement que notre dieu finira par nous commander de cesser et de t’achever sur le champ !
- Votre dieu ? – résonna la voix moqueuse et hautaine de la comtesse. – Auriez-vous rapporté un marteau avec vous ? Une sainte relique qui vous protégerait du sort que je vous réserve ? Vous êtes encore plus stupides que…
- NON, CATIN ! NOUS SERVONS DÉSORMAIS LE SEUL DIEU QUI SOIT !
L’assemblée ne semblait plus captivée par la présence de la vampiresse, mais par la voix de l’homme qui venait de parler. Celui-ci reprit tout de suite, son expression de plus en plus démentielle dans la lueur des flammes.
- Avec moi, mes frères ! Du sang pour le dieu du sang ! Du sang pour le dieu du sang !
Le cri fut repris petit à petit par tous ceux qui le suivaient, et la clameur gagnait irrésistiblement en puissance.
- Du sang pour le dieu du sang ! Du sang pour le dieu du sang ! DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! DU SANG POUR LE DIEU DU SANG !
La comtesse les observait, impassible et méprisante, attendant le moment où elle serait d’humeur à les occire tous en même temps.
- DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! DU SANG POUR LE DIEU DU SANG !
Soudain, d’un mouvement fluide, leur meneur retroussa sa manche, et se trancha le poignet d’un coup sec. La clameur ne cessait pas, et l’homme ne poussa aucun cri de douleur, au contraire, il continua à scander de plus en plus fort, alors que son sang s’écoulait abondamment du moignon.
Puis, les autres hommes suivirent son exemple.
- DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! DU SANG POUR LE DIEU DU SANG !
Tous levèrent leurs épées, puis les abaissèrent. Certains se tranchèrent la main, d’autres n’en eurent pas la volonté et firent juste une profonde entaille, mais tous continuaient à invoquer leur dieu. Le sang ruisselait sur le sol en pierre, et s’infiltrait dans le tissu des tapis. Un tel carnage envers sa maisonnée poussa la comtesse à bout.
- MAIS ALLEZ-VOUS FINIR CET OUTRAGE !!!
Sa voix qui aurait fait tomber à genoux plus d’un mortel rebellé contre elle ne semblait avoir aucun effet sur la petite foule d’adorateurs. Leur sang continuait à gicler, et leur cri de guerre faisait écho sur les murs de la grande salle.
- DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! DU SANG POUR LE DIEU DU SANG ! DU SANG POUR LE DIEU DU SANG !
Le meneur regarda soudain la vampiresse droit dans les yeux ; tous deux avaient une lueur rouge dans le regard.
- Le sang appartient à Khorne, suceuse de sang ! NOTRE SANG NE T’APPARTIENT PLUS !
La comtesse voulut répliquer, quand elle ressentit soudain une faible vibration provenir du sol. Elle regarda par terre, et vit que le sang ruisselant finit par former sur les pierres un sombre symbole qu’elle ne connaissait pas, mais qui émettait une intense puissance destructrice.
- Qu’avez-vous fait à ma demeure ? – résonna implacablement la voix de la vampiresse.
Le meneur se contenta de lui afficher un rictus bestial. Il se mit à avancer pour se mettre sur le symbole maudit, et ses hommes le suivirent, clamant en chœur leur allégeance au dieu du sang.
Le liquide rouge se mit à fumer.
Finalement troublée, la comtesse fit un pas en arrière, anticipant une prochaine attaque. Même affaiblis par de graves blessures, ces assaillants lui semblaient au contraire plus redoutables qu’une bande de répurgateurs fanatisés.
Soudain, un cri meurtrier retentit parmi la foule, puis un autre. Tous se retournèrent, mais peu comprirent ce qui se passait dans la quasi-obscurité et le tumulte de la litanie impie. Emmanuelle von Carstein, elle, ressentit la cause de ces cris.
A ses pieds, la chaleur s’accumulait, et les pierres qui formaient le sol craquelaient d’un endroit à un autre. Les cris parmi les humains redoublèrent de violence. Il n’y avait plus de temps à perdre.
La comtesse fit un formidable bond en arrière, nullement gênée par sa robe d’apparat. Elle se retrouva dans le couloir, et les grandes portes se refermèrent devant elle.
Sur son visage se dessinait une sinistre détermination.
Elle se tourna et se mit à avancer dans l’allée, insensible aux cris de plus en plus inhumains provenant de la grande salle. Sur ses ordres informulés, les armures qui se tenaient debout le long des murs se mirent à se mouvoir ; d’autres venaient du bout de l’allée, et encore d’autres par une porte dérobée. Tous se formaient en rangs devant les grandes portes de la salle des festins, selon les désirs de la vampiresse.
Emmanuelle von Castein tourna au milieu du couloir et emprunta une autre porte dérobée ; cette fois-ci, sa large robe gênait légèrement sa progression, se frottant aux murs rugueux et étroits d’un escalier en colimaçon. Les rubans et le tissu se déchiraient. Glaciale, la comtesse n’accordait pas la moindre attention à ces détails.
Dans sa précipitation, et la conviction que ses ennemis viendraient rapidement à bout des portes de la salle des festins, elle trouva le passage plus long que dans ses souvenirs. Dans le noir le plus total, elle n’avançait qu’à l’instinct, mais avec l’assurance d’un mortel marchant en pleine lumière. Finalement, une ancienne porte renforcée de barres d’acier se montra à son toucher.
Elle ôta immédiatement le verrou, et ouvrit le passage.
Jadis, plusieurs lucarnes astucieusement disposées assuraient l’éclairage de ce lieu. A présent, les ténèbres de Drakenhof les rendaient quasi-inutiles. La comtesse jura, car elle dut à nouveau se servir de sa mémoire pour se repérer. Pourtant, sa dernière visite était tout récente…
Elle marcha rapidement sur des dalles humides et parsemées de flaques plus ou moins larges et profondes. Sa main tendue trouva enfin le mur opposé, lui indiquant qu’elle devait tourner dans l’une ou l’autre direction pour trouver ce qu’elle recherchait. Sa mémoire lui indiqua la droite.
Sa main gauche continuait à longer la paroi rugueuse et poisseuse. Sa main droite tenait son gant de satin. Le mur déboucha sous peu sur une salle plus grande, et la comtesse continua à avancer. Tout à coup, sa main trouva une autre surface dure, puis une chaine qui y pendait. Elle saisit la chaine de sa main gantée, alors que l’autre main extirpait de longues griffes redoutables. Le tintement du métal résonna dans l’obscurité, et un bruit sec de cassure lui fit écho, puis un bruit de métal tombant par terre. Les griffes de comtesse trouvèrent une fente dans la surface en bois, et s’insérèrent dedans.
Le couvercle ne put résister à sa poussée surnaturelle, et s’extirpa malgré les clous qui le retenaient.
- DEBOUT ! – résonna la voix profonde mais éraillée d’Emmanuelle von Carstein.
Deux lueurs rouges apparurent dans le noir, puis clignèrent. Les pupilles rétrécies de la comtesse fixèrent impitoyablement ces lueurs. Un rugissement aigu retentit, et elle fit un pas en arrière, tout en indiquant du doigt la direction à suivre. Une forme passa devant elle, rugissant toujours, suivant ses ordres informulés à la lettre.
Elle s’en souvenait parfaitement maintenant. A chacun des ses pas, une chaine volait en éclats, et il lui suffisait d’un effort de volonté pour eveiller la rage de ses serviteurs qui attendaient sa venue depuis des dizaines d’années. Les couvercles en bois craquaient, et de nouvelles formes rugissantes prenaient le chemin de l’escalier. Lorsqu’elle en eut fini avec cette salle, elle se demanda s’il lui valait la peine de s’aventurer dans la salle opposée, mais se dit que les forces qu’elle venait de déployer suffiraient amplement à venir à bout de l’ennemi, tout en réduisant ses serviteurs à un nombre qu’elle pourrait gérer par la suite.
Alors qu’elle allait retourner vers l’escalier, un cri étouffé retentit de la salle opposée. La comtesse s’arrêta, pensive. Pourquoi pas ? Qu’il meure avec les autres…
D’un pas assuré désormais, elle marcha dans le noir, ses pas résonnant sur la pierre mouillée. Le cri étouffé se répéta.
Emmanuelle von Carstein s’arrêta finalement, faisant face à la source du bruit. D’un coup de griffe, les chaines furent brisées. Une forme s’avança vers elle. La comtesse la fixa, impassible.
- Tu veux du sang, bel ange ? Monte l’escalier avec moi et affronte mes ennemis.
Elle sentit une main se saisir d’un pan de sa robe, et, ennuyée, donna une violente gifle à la créature, qui alla s’écraser par terre.
- Tu seras décapité pour moins que ça, impudent. Suis le bruit de mes pas et n’ose rien, ou je t’enferme de nouveau.
Ainsi accompagnée, elle arriva au début de l’escalier ; la lourde porte renforcée d’acier se referma derrière elle et la chose qui la suivait. Ils remontèrent les marches, la créature qui la suivait manquant plusieurs fois de trébucher et de s’effondrer vers le bas. Lorsqu’elle et la chose arrivèrent enfin à la grande allée, un effroyable combat faisait rage devant la grande salle des festins.
Des débris d’os et d’armures gisaient dans tous les recoins. Les derniers revenants restant debout avaient été rejoints in extremis par d’imposantes créatures musclées, aux larges ailes membraneuses et à la sauvagerie inégalée. Le sang giclait le plus là où auparavant se dressaient les grandes portes, désormais sorties de leurs gonds et reposant par terre, piétinées par les assaillants et les défenseurs. Un vacarme surnaturel accompagné d’épaisse fumée provenant de la grande salle rendaient la vision complètement chaotique.
- Va, va te battre maintenant, - dit la comtesse à la chose qui s’était finalement redressée, et observait toute la scène avec des yeux ébahis.
Lui et la vampiresse était à peu près de la même taille, lui était même d’une carrure légèrement plus large, mais la volonté de la comtesse dominait à l’instant tout son for intérieur. Il se rappelait qui il était, mais réalisait également qu’il était en ce moment-même à la merci de cette femme monstrueuse, et qu’il devait lui obéir pour survivre comme il le souhaitait. Ses griffes surgirent quasi-instinctivement, et ses crocs qui le démangeaient depuis plusieurs jours s’allongèrent légèrement, pressentant leurs proies.
Nombreux étaient les tentacules, et presque aussi nombreuses étaient les mâchoires qui se refermaient sur la chair distendue des vargheists. Chacune des créatures difformes provenant de la grande salle disposait de nombreux appendices meurtriers plus ou moins divers, et chacune était irrémédiablement marquée du symbole fumant que la comtesse von Carstein avait vu s’étaler sur le sol de sa demeure. Elle vit le vampire qu’elle avait par hasard rencontré puis capturé se jeter dans la sanglante mêlée, tranchant impitoyablement dans le vif des créatures du chaos. Croisant les bras sur sa poitrine, elle décida de ne point partir en attendant la fin, mais de rester et d’observer ce nouveau venu, s’interrogeant s’il méritait mieux que d’être enfermé au fond d’un souterrain.
Leur sang avait un goût abominable. Dès qu’il l’avait goûté, Von Essen s’était juré de ne plus jamais en avaler. Tous sens en éveil, il se battait du mieux qu’il pouvait, constatant sa force jusque là inconnue, de même que ses griffes tranchantes comme des rasoirs. Toutefois, les choses qu’il affrontait avaient peu à lui envier ; dotés d’autant de membres qu’il était impossible de se l’imaginer, ils exhalaient une odeur de métal fondu et de vapeurs sulfureuses. Leur sang coulait à flots, et sa couleur était indescriptible. Leur sang coulait à flots, mais les créatures ne songeaient même pas à la douleur. Leurs dents et leurs pinces lacéraient les ailes et les pattes griffues des alliés du vampire, qui lui-même parvenait à peine à éviter les assauts incessants. Un tentacule empoigna sa main, alors qu’une mâchoire se referma sur son bras tel un étau, mais curieusement ne parvint pas à perforer sa peau. Une autre pince lui entailla profondément le visage ; Von Essen ripostait avec ses crocs et ses griffes, mordant dans les pattes crochues, tranchant les tentacules, libérant à chaque fois un liquide immonde et nauséabond. Tout en se battant, il percevait de nouvelles possibilités, de nouvelles nécessités pour se maintenir en vie. Puisant dans une énergie qu’il ne pouvait que deviner, il insuffla un semblant de mouvement dans une des armures gisant par terre, la tête défoncée ; cette dernière se fixa de nouveau au corps, et le revenant redressa soudain sa lame sépulcrale, tranchant dans le tentacule qui empoignait un des pieds du vampire.
La manœuvre fut répétée à plusieurs reprises, malgré la douleur cinglante que lui avait infligée une patte effilée qui s’était enfoncée dans son flanc telle une lance de cavalerie. Déjà, plusieurs des créatures du chaos avaient cessé de bouger, et se faisaient à présent piétiner par leurs congénères ou par leurs bourreaux. Von Essen ne s’apercevait plus de rien d’autre que la nécessité de poursuivre le combat jusqu’à la fin, voyant que le nombre de ses ennemis avait une limite, alors qu’il avait découvert comment maintenir ses alliés à un nombre infini. A plusieurs reprises, déjà, une créature croyant enjamber un corps inerte engoncé dans du métal se faisait brusquement surprendre par une lame mise en mouvement suite au désir du vampire. Le cuir des créatures était épais, mais leurs nombreuses attaques étaient maladroites, et Von Essen tranchait allègrement dans leurs membres difformes avec ses griffes, avant de réunir sa paume en une seule arme meurtrière, puis de l’enfoncer au plus profond de la chair de son ennemi, rendant celui-ci définitivement immobile.
Toujours debout, sans décroiser ses bras, Emmanuelle von Carstein observait, un sourire satisfait sur son visage émacié.
Lorsqu’une demi-douzaine de revenants relevés en même temps vint à bout de la dernière créature, Von Essen ne put résister à l’envie de poser son pied dessus, un air triomphateur sur ses traits. Ses crocs démesurés s’étaient légèrement rétractés, et il se sentit faire la même chose de ses griffes. Sa tête semblait prête à éclater de joie, alors que toutes les parties d’os et de métal qu’il voyait auparavant éparpillées dans tout le champ de bataille se scindaient de nouveau en guerriers prêts à exécuter le moindre de ses ordres.
La comtesse l’observa pendant un moment, puis décida de l’interpeller.
- Toi, le vampire, approche.
Elle le vit se tourner vers elle, un sourire bienheureux flottant sur son visage, autrement terrifiant par l’abondance de sang noir, vert et rouge sur sa peau. Une lueur rouge n’avait pas encore quitté ses prunelles. Il se dirigea enfin vers elle, tout ensanglanté dans ses haillons, ses cheveux poisseux collés sur son front. Chacun de ses pas faisait un bruit de succion sur les chairs mortes des ennemis terrassés. Lorsqu’il fut en face d’elle, elle l’observa encore, puis ordonna :
- Agenouille-toi.
Le vampire obéit.
- Quel est ton nom ?
Il prononça lentement, d’une voix encore vibrante d’excitation.
- Von… Essen… Votre…
- Votre Grâce, c’est ainsi que tu t’adresseras à moi désormais. Tu feras un bon lieutenant, Von Essen, je ne regrette pas de t’avoir libéré de ta prison. Maintenant, quitte cet endroit et trouve les serviteurs. Qu’ils nettoient tout sur le champ !
Derrière eux, les vargheists survivants sortirent d’une torpeur passagère, et fixèrent bêtement le vampire qui se tenait devant leur maîtresse. L’envie de sang se sentait dans chaque infime partie de leurs corps.
Emmanuelle von Carstein se tourna vers eux, et indiqua la porte dérobée qui conduisait aux souterrains. Toujours menaçants, grommelant sauvagement contre le chose qu’ils voulaient dévorer, les vargheists s’exécutèrent.
La comtesse se retourna alors vers Von Essen, toujours agenouillé.
- Quand tu auras trouvé les serviteurs, exige qu’ils te remettent en état et te donnent de nouveaux vêtements. Veille à ce que les autres aient bien rangé les lieux par la suite. Quand tu auras fini cette tâche, rejoins moi au balcon, - elle lui indiqua le bout du couloir, - et dis moi lequel des serviteurs mortels tu voudras en guise de repas. Si tout est bien fait, tu auras même le droit de le saigner à mort.
Von Essen baissa la tête pour montrer qu’il avait compris. Cette maitresse lui plaisait, il ne désirait rien d’autre qu’elle, que de lui servir, sur le moment. L’avenir plus lointain lui paraissait brumeux et sans importance.
Emmanuelle von Carstein le congédia alors, puis son regard tomba sur sa robe meurtrie. Elle grimaça de dégoût. Elle se rappela ensuite qu’au départ, les créatures qui en voulaient à sa vie étaient des humains, et se demanda d’où ils venaient. Puis, les paroles du meneur lui revinrent en mémoire… « Vous avez tué mon père… » Elle eut une soudaine révélation : von Kriegz ! Le vieil imbécile qu’elle avait occis il y a quelques heures de cela ! Le pauvre homme, savait-il que son fils était devenu le maître-prêcheur d’un culte de sang ? Elle lui avait au moins évité le désagrément de le savoir un jour. Toutefois, il faudrait veiller de plus près sur ce que faisaient les mortels sous sa coupe, et, - se dit-elle, - ce nouveau vampire pourrait en cela lui rendre bien plus de services que prévu.
- Nyklaus von CarsteinSeigneur vampire
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Jeu 28 Aoû 2014 - 18:56
Géant ! On te retrouve enfin ;-)... Belle description des Vangheists. Von Essen a laissé sa Bête Intérieure libre non ?
PS: Ma suite arrive bientôt, plus qu'à la mettre sous Word
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- EssenSeigneur vampire
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Jeu 28 Aoû 2014 - 19:02
Euh... Pas dans mes souvenirs, non. La bête libérée est selon moi un état où le vampire perd complètement la raison, plus ou moins temporairement. En l'occurrence, je crois que j'avais (heureusement) toute ma têteVon Essen a laissé sa Bête Intérieure libre non ?
- Nyklaus von CarsteinSeigneur vampire
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Jeu 28 Aoû 2014 - 19:10
Ok toutes mes excuses... Je me demande comment sera la comtesse von Essen
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Sam 30 Aoû 2014 - 20:39
Mouahahahaha ! J'adore
Le seul commentaire possible est LA SUITE !
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- GilgaladMaître floodeur
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Sam 30 Aoû 2014 - 23:22
On voit bien dans cette suite surtout consacrée à Emmanuelle qu'elle est un peu à part. Néanmoins, subsiste toujours dans mon esprit cette question pour savoir si elle est manipulée par Mannfred ou si elle agit de son propre chef. Je suis aussi impatient de voir comment va réagir Von Essen maintenant qu'il est sous la domination de la comtesse.
Mais sinon, c'est toujours aussi bon à tous les niveaux.
Et on l'aura quand ta suite ?
Mais sinon, c'est toujours aussi bon à tous les niveaux.
Et on l'aura quand ta suite ?
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- EssenSeigneur vampire
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Jeu 4 Sep 2014 - 21:35
59e partie.
Le vieil homme avançait péniblement, une prière aux lèvres. Ses pieds foulaient un sol gris et craquelé, plus gris que le ciel, beaucoup plus gris que le soleil, qui brillait d’un blanc terne. Tout était gris, noir et blanc, depuis combien de temps, il ne le savait plus. Lui aussi était gris et blanc, et n’avait des couleurs plus que la mémoire dans sa tête.
Ses bras pendaient mollement le long de ses flancs, tous deux dénués de poignets. Plus aucune douleur ne se faisait ressentir, à part la gêne mêlée d’amertume de ne plus sentir ses mains. Peu lui importait, d’ailleurs, puisqu’il savait pertinemment qu’il était mort. Il faisait nuit, ses frères l’entouraient, lui agonisait dans la boue, il n’entendait plus que ses propres cris, et les leurs. Puis plus rien, le noir complet. Depuis, il se rappelait d’avoir été soumis à de lourdes épreuves.
Le noir s’était dissipé alors, montrant une lande désolée à perte de vue, plate, morne, une brise soulevant parfois des volutes de poussière grise. Rien d’autre, où que son regard ne se dirigeât. Il avait prié, espérant un signe des dieux lui indiquant la route vers l’autre monde, les jardins de Morr, où le protecteur des défunts l’attendait. Mais rien. Seule une quiétude insondable, un silence surnaturel, un vide comblé seulement par le fait d’avoir toujours un sol sous ses pieds, et un soleil éclairant son chemin.
Lui portait toujours les habits dans lesquels il avait trépassé, et rien d’autre, à part ses moignons étrangement cicatrisés, n’avait changé à son corps. Aussi avait-il choisi d’avancer et de prier, dans l’espoir que les divines paroles le mettent sur la bonne route.
Rapidement, ou le crut-il seulement, car le temps ne se mesurait plus à ses yeux, une silhouette apparut à l’horizon. Elle se rapprochait rapidement, et avait la singularité d’apparaître dans les couleurs les plus vives qu’il lui avait été donné de voir. Avec un vague espoir, le vieil homme eut alors décidé de se rapprocher lui aussi de la vision. Finalement, il maudit son sort et entonna une nouvelle prière, car la vision n’était autre qu’un démon qui l’approchait à grands pas. Rouge sang, bondissant sur des pattes arquées, hurlant et crachant des cris de guerre incompréhensibles, le démon fut rapidement sur lui.
« SIGMAR ! DONNE-MOI LA FORCE ! » - s’entendit hurler à son tour le vieil homme, et se rua lui aussi à l’attaque, alors encore peu conscient que ses mains n’étaient plus qu’un souvenir.
Il évita de justesse l’épée ardente qui s’abattait sur lui à la verticale, et voulut empoigner son ennemi par le cou. Horrifié, il eut alors découvert à quel point il était terriblement vulnérable quand il vit que ce n’était que dans son imagination que ses doigts pouvaient se refermer. Le démon, lui, enchaina les coups.
Seulement par quelques esquives miraculeuses, le vieil homme eut pu alors éviter de se faire couper en morceaux. L’épée fendait l’air avec vivacité, mais l’expérience guerrière de sa cible l’empêchait de trancher dans le vif. Le démon sifflait de colère, sa peau s’enflammant alors telle une braise.
Enfin, l’homme se fut habitué à ses moignons, et esquissa instinctivement des mouvements qui avaient quelque chance de lui faire reprendre l’avantage. Au détour d’une pirouette spectaculaire, il parvint à faire un croche-pied au démon, faisant mordre la poussière à celui-ci, et enchainant ses mouvements en s’abattant sur son ennemi de tout son corps. Ce dernier cracha et tempêta, allongé sur le ventre et incapable sur le moment de renverser son assaillant. Il sentit alors un premier coup s’abattre sur son dos, puis encore un autre, à chaque fois l’empêchant de réunir ses forces pour se relever.
L’homme continuait alors à marteler de ses coudes, implorant le nom de Sigmar à son aide, sentant que la situation ne pourrait durer longtemps, car ses forces s’épuisaient. Il tenta alors le tout pour le tout, espérant surprendre son ennemi pour de bon. Un infime instant après un énième coup de boutoir, il bloqua soudainement la tête du démon entre ses deux bras mutilés, et tira d’un coup sec, mettant toutes ses dernières ressources dans cette attaque. Le cri incessant du démon se transforma en râle hargneux, mais de plus en plus faible, puis s’éteignit. Le cou avait été brisé.
Le vainqueur profita de ce répit pour remercier les dieux, croyant que leur aide lui serait encore certainement nécessaire.
« HA ! HA HAHA HA HA ! EXCELLENT ! PRENDS MON EPEE, ET DETRUIS MON RIVAL QUI ESSAIERA DE TE PRENDRE A MA PLACE ! ALORS, PEUT-ETRE, JE NE REVIENDRAI PAS ! HAHAHAHAHA ! »
La voix qui venait de prononcer ces paroles était aussi lourde et résonnante qu’une armée de soldats frappant leurs épées contre leurs boucliers. Elle s’évanouit cependant aussi vite qu’elle était apparue, avec le corps du démon, laissant seulement son épée encore fumante sur le sol.
Le vieil homme ne sut pas alors que faire, autant la nécessité d’une arme semblait se comparer à l’horreur quant la provenance de l’épée que l’on lui proposait. Puis, sans cesser de murmurer une prière, il enleva d’abord son pendentif au symbole de Morr, et l’accrocha à l’épée, avant de s’emparer maladroitement de cette dernière. Son périple pouvait alors continuer.
Le soleil était fixé à un seul et même endroit, et ses rayons ne portaient en eux aucune chaleur. Le vieil homme n’avait ni chaud, ni froid. C’est pour cela qu’il fut fort étonné en sentant une douce chaleur provenir de derrière lui. Il se retourna brusquement, et se statufia.
Une femme se tenait devant lui, nue et souriante. Sa femme.
Il s’en était rappelé immédiatement, car il était celui qui avait partagé sa vie pendant plus de vingt ans, puis l’avait enterrée avec tous les rituels qui la protégeraient de la magie impie des nécromanciens. Son visage, il était le dernier à l’avoir vu, avant de le recouvrir du couvercle de son cercueil.
- Helgert… - lui dit-elle alors d’une voix mielleuse et suave, - étreins-moi, Helgert…
Elle se mit soudain à genoux devant lui.
- Helgert… - dit-elle en haussant légèrement la voix et en tendant ses mains vers lui.
Sa voix était aussi chaleureuse que l’air qui émanait de son corps ; elle n’était qu’à quelques pas de l’homme. Ce dernier osait à peine respirer.
Elle se mit alors à s’approcher de lui, à quatre pattes, remuant à chaque mouvement sa poitrine vers son époux.
- Helgert !
Son visage exprimait du désir. Son visage était rose pâle, légèrement pourpré par le sang qui lui montait aux joues, sa langue léchant langoureusement ses lèvres.
Helgert n’osait bouger.
Soudain, il ressentit sur son torse la même douleur qui l’avait inondé alors qu’il dominait le démon ardent et le harcelait de coups. Sa robe fuma et faillit même prendre feu quand il recula à temps la lame rougeoyante de son corps. Sa femme, qui n’était plus qu’à un pas, changea subitement d’expression.
- Helgert !
Sa voix n’était plus aussi naturelle. Une autre s’y mêlait, plus suave mais moins féminine. Une voix étrangement pleine de haine, alors que celle de sa femme était pleine d’affection.
Quelque chose se déclencha dans l’être du vieil homme. La supercherie avait été brusquement dévoilée à ses yeux ; ce n’était pas sa femme qu’il voyait, mais une créature abjecte envoyée pour le tourmenter.
- Non !
Elle n’eut que le temps de s’écarter brusquement, retombant sur ses fesses et ses mains, quand la lame démoniaque se planta dans son cœur. L’homme en face d’elle enserrait la poignée du mieux qu’il le pouvait avec ses moignons, et enfonçait son arme de plus en plus profondément.
Le voile fut finalement levé ; la femme poussa un cri inhumain, découvrant des cornes sur son front et plusieurs paires de seins voluptueux sur sa poitrine. Puis son corps perdit toute consistance, se transformant en brume rosâtre, rapidement dissipée dans le vent.
Perdant son appui, Helgert s’effondra en avant, se brûlant la joue sur la lame ardente, hurlant de douleur puis roulant immédiatement sur le côté pour apaiser sa peau.
L’épée resta auprès de lui, et ne perdit rien de sa couleur écarlate.
Le vieil homme se releva alors lentement, ébranlé par la vision qu’il venait d’apercevoir. Toutefois, les dieux l’avaient protégé jusque là, et il les remercia encore par de ferventes prières. Emportant de nouveau son épée quelque peu refroidie, il se remit en marche. De tout son cœur, il espérait que cette vision serait la dernière, même si sa raison s’efforçait de le convaincre du contraire.
- A l’aide !
Cet appel fit alors s’arrêter le vieil homme. Continuant obstinément à prier Sigmar de lui accorder sa protection, il se tourna dans la direction d’où provenait le cri.
Il vit au loin une forme allongée par terre.
- Au secours !
Ses yeux ne distinguaient toujours pas ce que c’était, mais en percevaient bien la couleur : vert et brun, tous deux tachetés de rouge sale. Au fur et à mesure qu’il se rapprochait, la forme se voyait mieux, au point qu’il vit finalement qu’il s’agissait d’un homme allongé par terre, vêtu de peaux de bête, de noirs cheveux longs en bataille, la peau désagréablement verte et recouverte de pustules purulentes. Pour le première fois depuis son errance en ce lieu maudit, Helgert ressentit une odeur, et celle-là n’évoquait que le mort et la maladie. Le visage de l’homme allongé était boursouflé, un mélange hideux entre les traits d’un nourrisson et ceux d’un orque. C’était cet homme-là qui appelait à l’aide.
- Donnez-moi votre main, - dit-il d’une voix rauque en tendant la sienne.
Helgert ne bougea pas, indécis.
- Donnez-moi votre main ! – fit l’homme d’une voix plus implorante.
Il avait l’air terrassé de faiblesse, sa main tremblait et son corps tout entier était secoué de faibles convulsions. La pitié n’était pas un sentiment inconnu à Helgert, mais son séjour dans ce lieu désert lui avait appris à se méfier des apparitions. Cependant, l’homme malade ne semblait aucunement en état de l’attaquer, ni même de s’approcher de lui. Devait-il l’abandonner ici à son sort ?
Le vieil homme s’efforça de remuer sa mémoire et de réfléchir. Ces apparitions, - réalisa-t-il, - il savait d’où elles provenaient. Les puissances de la corruption ! Le Destructeur ! Le Tentateur ! Le Pestiféré ! Le Changelin !
Les traits de Helgert se durcirent, tout son être secoué d’aversion face au piège morbide dans lequel on espérait le faire tomber. Ne lâchant pas le « malade » des yeux, il se mit à reculer, pas après pas, essayant de pointer son épée en direction de son ennemi présumé.
L’homme en peaux de bête cessa de suite d’implorer son aide, et fixa son « sauveur » d’un regard empli de mépris. Il fronça les sourcils, comme s’il se concentrait éperdument sur quelque mystère, quand soudain, l’une de ses pustules les plus volumineuses se gonfla plus éclata en mille gouttes de pus gluant.
Helgert bondit trop tard ; quelques gouttes se déposèrent sur ses vêtements et sur sa peau. Il vit l’homme allongé lui adresser un sourire radieux, puis éclater tout entier dans une pluie de chair et de liquide...
Le vieil homme pesta alors contre celui qui venait de le « pester », mais ne put rien faire d’autre à part prier en espérant contrer le sort qui s’acharnait contre lui.
L’épée ne lui fut d’aucune aide quand il sentit la fièvre s’emparer peu à peu de lui. Le temps était toujours ni glacial, ni suffoquant, mais le vieil homme ressentait en lui tous les tourments que pouvait infliger la Nature. Tantôt il grelottait, tantôt il suait, priant pour lutter contre les crises de délire qui voulaient l’empêcher d’avancer vers l’avant. Il revit sa femme mourante, que la maladie avait emportée, il revit ses deux enfants qui subirent le même sort, et lui, qui survécut pour pleurer sur leurs cadavres qu’il ne voulut pas brûler alors, de peur qu’ils ne trouvent pas le chemin dans l’autre monde. Sa gorge se serrait, et il peinait à respirer. Seule une prière résolue à Morr lui permettait d’avancer avec obstination, dans une direction qui lui était inconnue.
Quand les premiers bubons apparurent sur sa peau, son regard tomba sur l’épée, se demandant s’il lui était possible de mourir une seconde fois, abrégeant ainsi ses souffrances. Mais il y renonça, convaincu qu’un tel acte serait indigne d’un homme pieux, qui plus est d’un homme veillant à ce que chacun soit mort au temps fixé pour lui par le Protecteur des défunts.
Son agonie se prolongea ainsi encore longtemps ; quand il marchait, des bubons éclataient de temps à autre et lui faisaient subir le martyr.
Son salut lui vint alors de manière inattendue.
Une voix parvint à ses oreilles ; d’où elle provenait, il ne pouvait le dire, mais s’efforça tout du moins à en percevoir les mots. Quand leur sens lui parvint, il faillit sauter de joie, tel un enfant, et tomba à genoux, les mains jointes, essayant de répéter les paroles prononcées, et d’y joindre les siennes. Il avait essayé de prier Shallya à de nombreuses reprises, mais s’était alors reproché un manque de ferveur ; le déesse de la miséricorde n’avait pu sauver sa famille jadis, et il avait depuis que peu de foi envers celle-ci. Aussi ses prières étaient faibles et incomplètes.
La voix, au contraire, était douce, ferme et résolue, et elle priait que l’âme du père Bauklötze trouve enfin la paix ou revienne parmi le monde des vivants. Elle bannissait tout mal qui résidait dans son corps ou dans son âme, assurant que Shallya irait trouver son père Morr, pour lui demander enfin de s’occuper de l’âme égarée qu’elle avait entre ses mains. Helgert écoutait cette prière et se réjouissait, car sa douleur s’estompait, ses plaies disparaissaient et tout son être semblait respirer à nouveau. Quand la prière cessa, il ne restait plus aucune trace de maladie sur son corps, et le vieil homme se jura de mémoriser les prières à la déesse qui venaient d’être prononcées, si seulement il lui était donné de revenir parmi les vivants.
Sa bonne humeur le fit marcher pendant longtemps, longtemps, longtemps. Le ciel demeurait gris, le sol demeurait gris, le soleil demeurait gris. Comme une nouvelle sorte de contagion, cette grisaille finit par atténuer l’espoir pourtant fermement établi dans l’âme du vieil homme, qui toutefois prit cela comme un nouveau défi divin, et s’entêta à marcher.
C’est alors qu’une quatrième vision lui apparut.
La poussière se leva devant lui, alors qu’aucun vent ne soufflait, et Helgert s’arrêta net. La poussière s’épaissit en un nuage gris, qui lui-même commença à osciller et prendre toutes sortes de formes les plus formidables.
« Le Changelin… » - songea avec défiance le vieil homme, et brandit sa lame d’un geste assuré.
Le nuage cessa de bouger, figé dans une forme atrocement familière à Helgert : lui-même. Comme réagissant à sa pensée, le nuage se colora et… prit vie, souriant à son double et lui faisant un signe de main amical.
Le vieil homme fit un brusque pas en arrière, tous sens aux aguets, ne sachant pas comment lutter contre ce nouvel héraut des puissances de la déchéance.
- Bonjour, - lui dit le second vieil homme d’une voix dynamique, - veux-tu récupérer tes mains ?
Helgert ne réagit pas. Il eut évidemment entendu la demande, mais savait qu’un subterfuge évident s’y dissimulait.
- Je répète ma question. Veux-tu récupérer tes mains ?
Incrédule, Helgert essaya alors de réfléchir à sa situation. Peut-être était-ce un duel de paroles qu’il devait remporter ?
- Je… ne veux pas, - parvint-il à articuler seulement.
- Vraiment ? – l’autre Helgert parut étonné. – Pourtant, ce serait alors plus facile pour toi de brandir cette épée que tu as en bras.
« Que tu as en mains » - devait-il dire, mais… il ne l’a pas dit, - remarqua Helgert.
- Que veux-tu ? – lança-t-il d’un ton abrupt.
- Moi ? Je ne sais pas. Et toi, que veux-tu ?
- Passer mon chemin.
- Quel chemin ?
- Mon chemin.
- Il n’y a pas de chemin.
- Les dieux me guident.
- Quels dieux ?
- Sigmar ! – Helgert vit son double grimacer, et s’emporta. – Morr ! Taal ! Rhya ! Shallya ! Ulric ! Verena ! Ran…
- Tzeench ! – retorqua soudain sur le même ton l’autre vieil homme. – Khorne ! Slaanesh ! Nurgle !
Hors de lui, Helgert s’élança et essaya de lui planter son épée dans le corps. Son double ne réagit pas. Emporté dans son élan, Helgert pointa sa lame et… sentit une atroce douleur dans son ventre. Pourtant, la lame ardente était bien plantée dans le corps de l’autre…
- Pour toi, c’est Khorne, alors ? – lança l’autre Helgert, amusé.
- Va-t-en, - put seulement répliquer le vieil homme, plié en deux.
- Pourquoi ?
- Tu es abominable, tu es un démon.
- Et alors ? Je peux te rendre tes mains !
Avec une horreur grandissante, Helgert vit deux mains bleuâtres pousser de ses moignons : l’une était palmée, l’autre avait des doigts tentaculaires. Instinctivement, il se servit de cette dernière pour saisir la poignée de la lame ardente, et de la retirer de son double. La douleur lui coupa le souffle, et le fit tomber sur le flanc.
- Alors ? - l’autre vieil homme se recroquevilla pour se rapprocher de lui, - tu vois bien que c’est pratique.
- Au nom de Sigmar, d’Ulric, de Morr, de Shallya, de…
- ARRETE ! C’est fou, ça ! – tempêta son double, se redressant brusquement. – Jamais vu un pareil ingrat !
- Va-t'en, abomination, - fit Helgert d’une voix encore éraillée.
- Et si je m’en vais, qu’est-ce que ça change ? – l’autre Helgert le regarda d’un air à la fois irrité et ennuyé. – Tu vas rester planté ici pour l’éternité, dans un monde qui ne change jamais, seul, à errer sans fin ni but. C’est ça que tu veux ?
Le vieil homme émit soudain un rire. Il était déjà mort, il n’allait pas aggraver son cas !
- C’est ça que je veux. Maintenant va-t'en, abomination, et laisse-moi respirer.
- Respire tant que tu le peux, - menaça son double d’une voix soudainement neutre, et la douleur dans le ventre de Helgert disparut d’un seul coup.
Alors que l’autre vieil homme s’estompait, sa voix si fit entendre une dernière fois :
- Quand l’éternité inchangée t’aura menée au bord de la folie, je me ferai une joie de te trouver, il suffit de m’appeler !
Puis la poussière retomba.
Depuis, le vieil homme continuait à marcher, priant humblement les dieux de mettre fin à ses errances. De temps à autres, il entendait la voix pure de celle qui priait Shallya, et alors son être se remplissait d’espoir, et il continuait sa longue marche dans les limbes gris où il était piégé, serrant toujours l’épée ardente dans ses bras mutilés.
Le vieil homme avançait péniblement, une prière aux lèvres. Ses pieds foulaient un sol gris et craquelé, plus gris que le ciel, beaucoup plus gris que le soleil, qui brillait d’un blanc terne. Tout était gris, noir et blanc, depuis combien de temps, il ne le savait plus. Lui aussi était gris et blanc, et n’avait des couleurs plus que la mémoire dans sa tête.
Ses bras pendaient mollement le long de ses flancs, tous deux dénués de poignets. Plus aucune douleur ne se faisait ressentir, à part la gêne mêlée d’amertume de ne plus sentir ses mains. Peu lui importait, d’ailleurs, puisqu’il savait pertinemment qu’il était mort. Il faisait nuit, ses frères l’entouraient, lui agonisait dans la boue, il n’entendait plus que ses propres cris, et les leurs. Puis plus rien, le noir complet. Depuis, il se rappelait d’avoir été soumis à de lourdes épreuves.
Le noir s’était dissipé alors, montrant une lande désolée à perte de vue, plate, morne, une brise soulevant parfois des volutes de poussière grise. Rien d’autre, où que son regard ne se dirigeât. Il avait prié, espérant un signe des dieux lui indiquant la route vers l’autre monde, les jardins de Morr, où le protecteur des défunts l’attendait. Mais rien. Seule une quiétude insondable, un silence surnaturel, un vide comblé seulement par le fait d’avoir toujours un sol sous ses pieds, et un soleil éclairant son chemin.
Lui portait toujours les habits dans lesquels il avait trépassé, et rien d’autre, à part ses moignons étrangement cicatrisés, n’avait changé à son corps. Aussi avait-il choisi d’avancer et de prier, dans l’espoir que les divines paroles le mettent sur la bonne route.
Rapidement, ou le crut-il seulement, car le temps ne se mesurait plus à ses yeux, une silhouette apparut à l’horizon. Elle se rapprochait rapidement, et avait la singularité d’apparaître dans les couleurs les plus vives qu’il lui avait été donné de voir. Avec un vague espoir, le vieil homme eut alors décidé de se rapprocher lui aussi de la vision. Finalement, il maudit son sort et entonna une nouvelle prière, car la vision n’était autre qu’un démon qui l’approchait à grands pas. Rouge sang, bondissant sur des pattes arquées, hurlant et crachant des cris de guerre incompréhensibles, le démon fut rapidement sur lui.
« SIGMAR ! DONNE-MOI LA FORCE ! » - s’entendit hurler à son tour le vieil homme, et se rua lui aussi à l’attaque, alors encore peu conscient que ses mains n’étaient plus qu’un souvenir.
Il évita de justesse l’épée ardente qui s’abattait sur lui à la verticale, et voulut empoigner son ennemi par le cou. Horrifié, il eut alors découvert à quel point il était terriblement vulnérable quand il vit que ce n’était que dans son imagination que ses doigts pouvaient se refermer. Le démon, lui, enchaina les coups.
Seulement par quelques esquives miraculeuses, le vieil homme eut pu alors éviter de se faire couper en morceaux. L’épée fendait l’air avec vivacité, mais l’expérience guerrière de sa cible l’empêchait de trancher dans le vif. Le démon sifflait de colère, sa peau s’enflammant alors telle une braise.
Enfin, l’homme se fut habitué à ses moignons, et esquissa instinctivement des mouvements qui avaient quelque chance de lui faire reprendre l’avantage. Au détour d’une pirouette spectaculaire, il parvint à faire un croche-pied au démon, faisant mordre la poussière à celui-ci, et enchainant ses mouvements en s’abattant sur son ennemi de tout son corps. Ce dernier cracha et tempêta, allongé sur le ventre et incapable sur le moment de renverser son assaillant. Il sentit alors un premier coup s’abattre sur son dos, puis encore un autre, à chaque fois l’empêchant de réunir ses forces pour se relever.
L’homme continuait alors à marteler de ses coudes, implorant le nom de Sigmar à son aide, sentant que la situation ne pourrait durer longtemps, car ses forces s’épuisaient. Il tenta alors le tout pour le tout, espérant surprendre son ennemi pour de bon. Un infime instant après un énième coup de boutoir, il bloqua soudainement la tête du démon entre ses deux bras mutilés, et tira d’un coup sec, mettant toutes ses dernières ressources dans cette attaque. Le cri incessant du démon se transforma en râle hargneux, mais de plus en plus faible, puis s’éteignit. Le cou avait été brisé.
Le vainqueur profita de ce répit pour remercier les dieux, croyant que leur aide lui serait encore certainement nécessaire.
« HA ! HA HAHA HA HA ! EXCELLENT ! PRENDS MON EPEE, ET DETRUIS MON RIVAL QUI ESSAIERA DE TE PRENDRE A MA PLACE ! ALORS, PEUT-ETRE, JE NE REVIENDRAI PAS ! HAHAHAHAHA ! »
La voix qui venait de prononcer ces paroles était aussi lourde et résonnante qu’une armée de soldats frappant leurs épées contre leurs boucliers. Elle s’évanouit cependant aussi vite qu’elle était apparue, avec le corps du démon, laissant seulement son épée encore fumante sur le sol.
Le vieil homme ne sut pas alors que faire, autant la nécessité d’une arme semblait se comparer à l’horreur quant la provenance de l’épée que l’on lui proposait. Puis, sans cesser de murmurer une prière, il enleva d’abord son pendentif au symbole de Morr, et l’accrocha à l’épée, avant de s’emparer maladroitement de cette dernière. Son périple pouvait alors continuer.
Le soleil était fixé à un seul et même endroit, et ses rayons ne portaient en eux aucune chaleur. Le vieil homme n’avait ni chaud, ni froid. C’est pour cela qu’il fut fort étonné en sentant une douce chaleur provenir de derrière lui. Il se retourna brusquement, et se statufia.
Une femme se tenait devant lui, nue et souriante. Sa femme.
Il s’en était rappelé immédiatement, car il était celui qui avait partagé sa vie pendant plus de vingt ans, puis l’avait enterrée avec tous les rituels qui la protégeraient de la magie impie des nécromanciens. Son visage, il était le dernier à l’avoir vu, avant de le recouvrir du couvercle de son cercueil.
- Helgert… - lui dit-elle alors d’une voix mielleuse et suave, - étreins-moi, Helgert…
Elle se mit soudain à genoux devant lui.
- Helgert… - dit-elle en haussant légèrement la voix et en tendant ses mains vers lui.
Sa voix était aussi chaleureuse que l’air qui émanait de son corps ; elle n’était qu’à quelques pas de l’homme. Ce dernier osait à peine respirer.
Elle se mit alors à s’approcher de lui, à quatre pattes, remuant à chaque mouvement sa poitrine vers son époux.
- Helgert !
Son visage exprimait du désir. Son visage était rose pâle, légèrement pourpré par le sang qui lui montait aux joues, sa langue léchant langoureusement ses lèvres.
Helgert n’osait bouger.
Soudain, il ressentit sur son torse la même douleur qui l’avait inondé alors qu’il dominait le démon ardent et le harcelait de coups. Sa robe fuma et faillit même prendre feu quand il recula à temps la lame rougeoyante de son corps. Sa femme, qui n’était plus qu’à un pas, changea subitement d’expression.
- Helgert !
Sa voix n’était plus aussi naturelle. Une autre s’y mêlait, plus suave mais moins féminine. Une voix étrangement pleine de haine, alors que celle de sa femme était pleine d’affection.
Quelque chose se déclencha dans l’être du vieil homme. La supercherie avait été brusquement dévoilée à ses yeux ; ce n’était pas sa femme qu’il voyait, mais une créature abjecte envoyée pour le tourmenter.
- Non !
Elle n’eut que le temps de s’écarter brusquement, retombant sur ses fesses et ses mains, quand la lame démoniaque se planta dans son cœur. L’homme en face d’elle enserrait la poignée du mieux qu’il le pouvait avec ses moignons, et enfonçait son arme de plus en plus profondément.
Le voile fut finalement levé ; la femme poussa un cri inhumain, découvrant des cornes sur son front et plusieurs paires de seins voluptueux sur sa poitrine. Puis son corps perdit toute consistance, se transformant en brume rosâtre, rapidement dissipée dans le vent.
Perdant son appui, Helgert s’effondra en avant, se brûlant la joue sur la lame ardente, hurlant de douleur puis roulant immédiatement sur le côté pour apaiser sa peau.
L’épée resta auprès de lui, et ne perdit rien de sa couleur écarlate.
Le vieil homme se releva alors lentement, ébranlé par la vision qu’il venait d’apercevoir. Toutefois, les dieux l’avaient protégé jusque là, et il les remercia encore par de ferventes prières. Emportant de nouveau son épée quelque peu refroidie, il se remit en marche. De tout son cœur, il espérait que cette vision serait la dernière, même si sa raison s’efforçait de le convaincre du contraire.
- A l’aide !
Cet appel fit alors s’arrêter le vieil homme. Continuant obstinément à prier Sigmar de lui accorder sa protection, il se tourna dans la direction d’où provenait le cri.
Il vit au loin une forme allongée par terre.
- Au secours !
Ses yeux ne distinguaient toujours pas ce que c’était, mais en percevaient bien la couleur : vert et brun, tous deux tachetés de rouge sale. Au fur et à mesure qu’il se rapprochait, la forme se voyait mieux, au point qu’il vit finalement qu’il s’agissait d’un homme allongé par terre, vêtu de peaux de bête, de noirs cheveux longs en bataille, la peau désagréablement verte et recouverte de pustules purulentes. Pour le première fois depuis son errance en ce lieu maudit, Helgert ressentit une odeur, et celle-là n’évoquait que le mort et la maladie. Le visage de l’homme allongé était boursouflé, un mélange hideux entre les traits d’un nourrisson et ceux d’un orque. C’était cet homme-là qui appelait à l’aide.
- Donnez-moi votre main, - dit-il d’une voix rauque en tendant la sienne.
Helgert ne bougea pas, indécis.
- Donnez-moi votre main ! – fit l’homme d’une voix plus implorante.
Il avait l’air terrassé de faiblesse, sa main tremblait et son corps tout entier était secoué de faibles convulsions. La pitié n’était pas un sentiment inconnu à Helgert, mais son séjour dans ce lieu désert lui avait appris à se méfier des apparitions. Cependant, l’homme malade ne semblait aucunement en état de l’attaquer, ni même de s’approcher de lui. Devait-il l’abandonner ici à son sort ?
Le vieil homme s’efforça de remuer sa mémoire et de réfléchir. Ces apparitions, - réalisa-t-il, - il savait d’où elles provenaient. Les puissances de la corruption ! Le Destructeur ! Le Tentateur ! Le Pestiféré ! Le Changelin !
Les traits de Helgert se durcirent, tout son être secoué d’aversion face au piège morbide dans lequel on espérait le faire tomber. Ne lâchant pas le « malade » des yeux, il se mit à reculer, pas après pas, essayant de pointer son épée en direction de son ennemi présumé.
L’homme en peaux de bête cessa de suite d’implorer son aide, et fixa son « sauveur » d’un regard empli de mépris. Il fronça les sourcils, comme s’il se concentrait éperdument sur quelque mystère, quand soudain, l’une de ses pustules les plus volumineuses se gonfla plus éclata en mille gouttes de pus gluant.
Helgert bondit trop tard ; quelques gouttes se déposèrent sur ses vêtements et sur sa peau. Il vit l’homme allongé lui adresser un sourire radieux, puis éclater tout entier dans une pluie de chair et de liquide...
Le vieil homme pesta alors contre celui qui venait de le « pester », mais ne put rien faire d’autre à part prier en espérant contrer le sort qui s’acharnait contre lui.
L’épée ne lui fut d’aucune aide quand il sentit la fièvre s’emparer peu à peu de lui. Le temps était toujours ni glacial, ni suffoquant, mais le vieil homme ressentait en lui tous les tourments que pouvait infliger la Nature. Tantôt il grelottait, tantôt il suait, priant pour lutter contre les crises de délire qui voulaient l’empêcher d’avancer vers l’avant. Il revit sa femme mourante, que la maladie avait emportée, il revit ses deux enfants qui subirent le même sort, et lui, qui survécut pour pleurer sur leurs cadavres qu’il ne voulut pas brûler alors, de peur qu’ils ne trouvent pas le chemin dans l’autre monde. Sa gorge se serrait, et il peinait à respirer. Seule une prière résolue à Morr lui permettait d’avancer avec obstination, dans une direction qui lui était inconnue.
Quand les premiers bubons apparurent sur sa peau, son regard tomba sur l’épée, se demandant s’il lui était possible de mourir une seconde fois, abrégeant ainsi ses souffrances. Mais il y renonça, convaincu qu’un tel acte serait indigne d’un homme pieux, qui plus est d’un homme veillant à ce que chacun soit mort au temps fixé pour lui par le Protecteur des défunts.
Son agonie se prolongea ainsi encore longtemps ; quand il marchait, des bubons éclataient de temps à autre et lui faisaient subir le martyr.
Son salut lui vint alors de manière inattendue.
Une voix parvint à ses oreilles ; d’où elle provenait, il ne pouvait le dire, mais s’efforça tout du moins à en percevoir les mots. Quand leur sens lui parvint, il faillit sauter de joie, tel un enfant, et tomba à genoux, les mains jointes, essayant de répéter les paroles prononcées, et d’y joindre les siennes. Il avait essayé de prier Shallya à de nombreuses reprises, mais s’était alors reproché un manque de ferveur ; le déesse de la miséricorde n’avait pu sauver sa famille jadis, et il avait depuis que peu de foi envers celle-ci. Aussi ses prières étaient faibles et incomplètes.
La voix, au contraire, était douce, ferme et résolue, et elle priait que l’âme du père Bauklötze trouve enfin la paix ou revienne parmi le monde des vivants. Elle bannissait tout mal qui résidait dans son corps ou dans son âme, assurant que Shallya irait trouver son père Morr, pour lui demander enfin de s’occuper de l’âme égarée qu’elle avait entre ses mains. Helgert écoutait cette prière et se réjouissait, car sa douleur s’estompait, ses plaies disparaissaient et tout son être semblait respirer à nouveau. Quand la prière cessa, il ne restait plus aucune trace de maladie sur son corps, et le vieil homme se jura de mémoriser les prières à la déesse qui venaient d’être prononcées, si seulement il lui était donné de revenir parmi les vivants.
Sa bonne humeur le fit marcher pendant longtemps, longtemps, longtemps. Le ciel demeurait gris, le sol demeurait gris, le soleil demeurait gris. Comme une nouvelle sorte de contagion, cette grisaille finit par atténuer l’espoir pourtant fermement établi dans l’âme du vieil homme, qui toutefois prit cela comme un nouveau défi divin, et s’entêta à marcher.
C’est alors qu’une quatrième vision lui apparut.
La poussière se leva devant lui, alors qu’aucun vent ne soufflait, et Helgert s’arrêta net. La poussière s’épaissit en un nuage gris, qui lui-même commença à osciller et prendre toutes sortes de formes les plus formidables.
« Le Changelin… » - songea avec défiance le vieil homme, et brandit sa lame d’un geste assuré.
Le nuage cessa de bouger, figé dans une forme atrocement familière à Helgert : lui-même. Comme réagissant à sa pensée, le nuage se colora et… prit vie, souriant à son double et lui faisant un signe de main amical.
Le vieil homme fit un brusque pas en arrière, tous sens aux aguets, ne sachant pas comment lutter contre ce nouvel héraut des puissances de la déchéance.
- Bonjour, - lui dit le second vieil homme d’une voix dynamique, - veux-tu récupérer tes mains ?
Helgert ne réagit pas. Il eut évidemment entendu la demande, mais savait qu’un subterfuge évident s’y dissimulait.
- Je répète ma question. Veux-tu récupérer tes mains ?
Incrédule, Helgert essaya alors de réfléchir à sa situation. Peut-être était-ce un duel de paroles qu’il devait remporter ?
- Je… ne veux pas, - parvint-il à articuler seulement.
- Vraiment ? – l’autre Helgert parut étonné. – Pourtant, ce serait alors plus facile pour toi de brandir cette épée que tu as en bras.
« Que tu as en mains » - devait-il dire, mais… il ne l’a pas dit, - remarqua Helgert.
- Que veux-tu ? – lança-t-il d’un ton abrupt.
- Moi ? Je ne sais pas. Et toi, que veux-tu ?
- Passer mon chemin.
- Quel chemin ?
- Mon chemin.
- Il n’y a pas de chemin.
- Les dieux me guident.
- Quels dieux ?
- Sigmar ! – Helgert vit son double grimacer, et s’emporta. – Morr ! Taal ! Rhya ! Shallya ! Ulric ! Verena ! Ran…
- Tzeench ! – retorqua soudain sur le même ton l’autre vieil homme. – Khorne ! Slaanesh ! Nurgle !
Hors de lui, Helgert s’élança et essaya de lui planter son épée dans le corps. Son double ne réagit pas. Emporté dans son élan, Helgert pointa sa lame et… sentit une atroce douleur dans son ventre. Pourtant, la lame ardente était bien plantée dans le corps de l’autre…
- Pour toi, c’est Khorne, alors ? – lança l’autre Helgert, amusé.
- Va-t-en, - put seulement répliquer le vieil homme, plié en deux.
- Pourquoi ?
- Tu es abominable, tu es un démon.
- Et alors ? Je peux te rendre tes mains !
Avec une horreur grandissante, Helgert vit deux mains bleuâtres pousser de ses moignons : l’une était palmée, l’autre avait des doigts tentaculaires. Instinctivement, il se servit de cette dernière pour saisir la poignée de la lame ardente, et de la retirer de son double. La douleur lui coupa le souffle, et le fit tomber sur le flanc.
- Alors ? - l’autre vieil homme se recroquevilla pour se rapprocher de lui, - tu vois bien que c’est pratique.
- Au nom de Sigmar, d’Ulric, de Morr, de Shallya, de…
- ARRETE ! C’est fou, ça ! – tempêta son double, se redressant brusquement. – Jamais vu un pareil ingrat !
- Va-t'en, abomination, - fit Helgert d’une voix encore éraillée.
- Et si je m’en vais, qu’est-ce que ça change ? – l’autre Helgert le regarda d’un air à la fois irrité et ennuyé. – Tu vas rester planté ici pour l’éternité, dans un monde qui ne change jamais, seul, à errer sans fin ni but. C’est ça que tu veux ?
Le vieil homme émit soudain un rire. Il était déjà mort, il n’allait pas aggraver son cas !
- C’est ça que je veux. Maintenant va-t'en, abomination, et laisse-moi respirer.
- Respire tant que tu le peux, - menaça son double d’une voix soudainement neutre, et la douleur dans le ventre de Helgert disparut d’un seul coup.
Alors que l’autre vieil homme s’estompait, sa voix si fit entendre une dernière fois :
- Quand l’éternité inchangée t’aura menée au bord de la folie, je me ferai une joie de te trouver, il suffit de m’appeler !
Puis la poussière retomba.
Depuis, le vieil homme continuait à marcher, priant humblement les dieux de mettre fin à ses errances. De temps à autres, il entendait la voix pure de celle qui priait Shallya, et alors son être se remplissait d’espoir, et il continuait sa longue marche dans les limbes gris où il était piégé, serrant toujours l’épée ardente dans ses bras mutilés.
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Ven 5 Sep 2014 - 10:44
Je dois avouer que je ne m'attendais pas vraiment à ce genre de suites pour le moment. L'introduction de la suite est bien amenée et même si pour l'instant cela n'a pas de rapport avec le reste de l'histoire, je sens que cela en va pas tarder.
Du coup, je suis impatient d'avoir la suite pour connaître la suite des aventures de ce cher monsieur et des héros habituels.
Du coup, je suis impatient d'avoir la suite pour connaître la suite des aventures de ce cher monsieur et des héros habituels.
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Ven 5 Sep 2014 - 11:29
"mais le vieil homme ressentait"
"- Que veux-tu ? – lança-t-il d’un ton abrupt."
"- C’est ça que je veux."
Ce passage ne permet qu'une seule réflexion : La suite !
"- Que veux-tu ? – lança-t-il d’un ton abrupt."
"- C’est ça que je veux."
Ce passage ne permet qu'une seule réflexion : La suite !
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Ven 12 Sep 2014 - 22:22
Curieusement, une autre vision apparut devant lui. Combien de temps s’était écoulé entre sa rencontre avec son double et cette apparition, il ne pouvait le savoir, car le soleil ne se couchait jamais dans ce monde incolore. Helgert vit d’abord la silhouette apparaître à l’horizon, puis se rapprocher, lentement, comme si elle aussi n’était pas pressée de le rencontrer.
La poussière remuait sous leurs pieds, puis s’envolait dans la brise, alors que les deux hommes franchissaient pas à pas la distance qui les séparait. Helgert voyait devant lui un vieillard vêtu de noir, un vieillard qu’il ne reconnut pas tout d’abord, puis dont la vue lui glaça le sang dans les veines, si seulement celui-ci continuait à couler en lui. Son ennemi, celui qui a été le présage de sa mort : le nécromancien.
Avec une sombre détermination, le prêtre de Morr bloqua son arme du mieux qu’il put entre ses moignons, et chargea le vieillard qui, lui, affichait d’abord une expression d’incrédulité, puis de sincère frayeur.
- ATTENDEZ ! – proclama-t-il de vive voix, esquivant adroitement la lame pointée sur lui.
Nullement convaincu, Helgert se retourna et engagea de nouveau son adversaire, essayant cette fois-ci un coup transversal. Le nécromancien dut reculer de plusieurs pas, se mouvant lestement dans sa robe ornée de runes et d’arabesques.
- Cessez cela sur-le-champ ! – insista-t-il de nouveau. – Je… - il changea soudain d’expression. – Vous ?!
Imperturbable, le prêtre de Morr pointa de nouveau l’épée ardente droit vers son cœur. Cependant, cette fois-là, le nécromancien anticipa le coup. Sa main empoigna violemment la lame, il passa sur le côté et appuya lourdement de son autre main sur la garde ; l’épée, privée de poigne assurée, fut arrachée de l’emprise de Helgert.
Le coup de coude qui s’enchaina fut cependant contré, l’expérience martiale du prêtre surpassant de loin celle de son ennemi. Ce fut lui qui se saisit de son bras, tira et, arrachant un cri de douleur au nécromancien, le contraignit à plier le genou. Un autre coup de coude acheva de le clouer au sol.
L’épée ardente gisait à côté, mais Helgert n’avait aucun moyen de s’en emparer sans relâcher son emprise sur le nécromancien, aussi il entreprit d’en finir de la même manière qu’avec le démon ardent.
Un coup de coude.
- Cessez…
Un autre coup de coude.
- Je ne voulais p…
Un troisième coup. La violente empoignade. Les os qui se brisent sous la pression. Un dernier râle implorant, puis plus rien.
Dès qu’il eut expiré son dernier souffle, le corps de son ennemi disparut aussi rapidement qu’il était apparu.
***
Friedrich von Nettesheim se réveilla en sursaut, la sueur perlant sur son front. Ses mains usées se refermèrent immédiatement sur son cou, sentant qu’il était intact, incapable encore de le croire. L’air gonflait ses poumons, tel un baume apaisant. Ce que le vieux maître venait de voir n’était autre chose que sa mort, et il avait été convaincu de l’avoir vécue en réalité. Ce rêve, cette lande stérile, il crut l’avoir déjà visitée pendant d’autres nuits de sommeil, mais jamais il n’avait rencontré d’autre personne sur son chemin. Jamais.
Une voix féminine l’interrompit dans son agitation.
- Maître von Nettesheim ? Si vous êtes réveillé, notre maîtresse aimerait vous parler dès que possible.
Il reconnut les paroles de Mina, l’une des servantes de la comtesse. Les rideaux du large lit sur lequel il reposait étaient toujours tirés, ses vêtements étant posés sur ses couvertures à côté de lui. Une culotte et une chemise de qualité admirable, des chausses, des souliers, ainsi que des hauts plus épais qui le garderaient au chaud.
Prenant le temps de se rappeler les événements des derniers jours, le nécromancien soupira et se mit à enfiler ses affaires.
Il tira ensuite les rideaux du baldaquin, et vit avec un léger étonnement que les servantes finissaient de mettre de l’ordre dans un grand coffre à vêtements, alors que la comtesse d’Essen l’observait avec appréhension depuis l’autre coin de la chambre, assise sur une chaise. Elle sourit, puis le salua d’un hochement de tête. Le vieux maître se mit debout en s’inclina en retour.
- Asseyez-vous, maître, – prononça la dame d’Essen d’un ton affable. – Nous avons des choses à discuter.
Sans dissimuler sa curiosité, von Nettesheim s’installa sur le bord du lit.
- Je suis à votre écoute, comtesse.
- Manon devrait être de retour sous peu. En attendant, lisez ceci, - elle lui tendit la lettre décachetée.
Delphine observa le vieux maître parcourir les lignes du parchemin, amusée par ses sourcils s’élevant de plus en plus haut sur son front.
- Qu’en dites-vous, maître ? – glissa-t-elle enfin, voyant que le nécromancien avait fini.
- De la provocation, et rien d’autre, comtesse. Quand cela est-il arrivé ?
- Cette nuit. N’est-ce pas une charmante missive ?
- Certes. Qui l’a apportée ?
- Un mortel. Ne vous inquiétez pas, il dort dans la chambre d’à côté.
Le vieux maître poussa un long soupir. Il pressentait ce qu’allait dire la comtesse, et devinait la tournure que prendrait la conversation.
De son côté, Delphine se doutait elle aussi de l’avis que choisirait son dévoué serviteur. Cela lui déplaisait et l’agréait à la fois.
- Votre… intention est de répondre à l’invitation, n’est-ce pas ? – dit-il enfin.
- Votre intention, maître, est de m’en dissuader, suis-je correcte ? – répliqua-t-elle sur le même ton.
- Vous êtes clairvoyante, comtesse. Vous savez donc pourquoi je désapprouve ce que vous comptez faire.
La dame d’Essen était amusée intérieurement. Elle voulait à la fois céder à son propre caprice, mais elle voulait aussi se faire convaincre du contraire. Le vieux maître tenait-il à elle tant que ça ?
- On ne saurait laisser pareille provocation impunie, vous ne croyez pas ? – lança-t-elle avec un sourire. – Et puis, que faites-vous de la promesse de richesses que l’on pourrait trouver sur place ?
- Mensonge ou vérité, comtesse, c’est en tout cas la meilleure manière de vous jeter droit dans la gueule du loup.
Delphine crut deviner une trace d’impatience sur son visage. L’agaçait-elle ? Quelque part, Friedrich von Nettesheim lui rappelait son père : lui aussi, elle aimait l’agacer, voir à quel point il se montrerait patient pour elle, sentir son affection, son amour paternel. Le vieux maître n’était pas pareil, mais s’en rapprochait tellement…
- Que voulez-vous que je fasse, maître ? – répliqua-t-elle enfin. – Que je reste éternellement dans ce trou à rats ? – elle fut coupée net par la vue de l’expression changeante du nécromancien.
Il avait à présent l’air un peu plus irrité.
- Si Essen est pour vous un trou à rats, comtesse, - elle faillit l’interrompre, mais s’arrêta au dernier moment, - vous avez raison, il faudrait le quitter sur-le-champ. Je vous déconseillerais toutefois d’aller vous aventurer en Sylvanie, vous savez pourquoi.
La comtesse ne voulait plus en parler. Tout amusement s’était comme volatilisé, aussi elle s’empressa de changer de sujet.
- Que se passe-t-il en Sylvanie, maître ?
Elle le vit réfléchir, manifestement pris au dépourvu par cette question, et resta satisfaite d’avoir ainsi écarté l’orage.
- Quelque chose qui se passe à chaque fois que quelqu’un a besoin de beaucoup d’obscurité pour manigancer dans l’ombre, - prononça enfin le vieux maître. – Les nuages qui planent au-dessus de nous ne sont nullement l’œuvre de la nature, mais le fruit d’un rituel quelconque, que je ne saurais expliquer, et encore moins répliquer.
Quasi-involontairement, elle posa alors la question suivante :
- Mais n’est-ce pas alors la meilleure destination que nous pourrions espérer, maître ? Loin du soleil, et des mortels trop encombrants ?
Elle regretta de suite, voyant la frustration percer à travers le sang-froid habituel du nécromancien.
- La Sylvanie, comtesse, appartient aux von Carstein, vous le savez. A moins de les avoir rejoints, nous ne survivrons pas longtemps.
La comtesse empoigna le tissu de sa robe sur ses genoux, courroucée d’avoir ainsi été mise en face de sa propre bêtise.
- Je ne désire plus rester cloitrée comme je l’avais fait auparavant, maître, - sa voix laissait transparaître sa colère, et elle le savait. – Je souhaite conquérir mon propre castel, et montrer à quel point je peux être redoutable à ceux ou celles qui se dresseront sur mon chemin.
A côté, les servantes avaient terminé leur tâche, et attendaient patiemment la fin de la discussion. Von Nettesheim passa sa main dans sa barbe, ruminant les dernières paroles de la dame d’Essen, paroles qu’il craignait mais qu’il croyait qu’elles seraient prononcées un jour ou l’autre.
- La Sylvanie ne cède pas ses castels facilement, - dit-il enfin.
Il essayait de trouver d’autres mots, mais hésitait, ne sachant pas quelle incidence ceux-ci auraient sur la décision de la comtesse.
Cette dernière réfléchissait elle aussi, se doutant de la folie de ce qu’elle comptait entreprendre, consciente qu’elle s’attirerait l’ire de Mannfred von Carstein, dont l’emprise de naguère avait failli lui faire commettre les pires atrocités. Essen lui déplaisait, elle ne le niait plus, mais la ville gardait pour elle une valeur unique qu’elle souffrirait de voir endommagée, pire si détruite.
- J’aurai besoin de vous, maître, - prononça-t-elle, - et d’Ashur, si je veux espérer l’emporter.
Von Nettesheim leva son regard sur la comtesse. Déterminée ainsi, elle ne lui déplaisait point. Insensée, son idée de conquête l’était, mais il savait qu’il ne pouvait espérer mieux d’une immortelle. Occire une de ces autres créatures arrogantes et abjectes qu’étaient les von Carstein ne lui semblait pas non plus une idée mauvaise. Et s’il fallait mourir, n’y était-il pas résolu de toute façon ?
Une pensée se glissa cependant, une pensée concernant la demoiselle d’Essen, Manon. Il ne sut alors s’il la verrait mieux suivre sa mère adoptive vers son péril, ou s’il préfèrerait lui imposer de la laisser à l’écart. Non, elle ne resterait jamais à l’écart, quoi qu’il arrive. Douée, elle l’était, et pareillement obstinée quand il s’agissait pour elle de choisir entre le combat et l’oisiveté. En tant qu’immortelle, elle aussi devait tenter le sort, car telle était leur nature…
- Maître ?
Il fut brusquement arraché de ses pensées.
- Hum, aheum, oui, - la comtesse sourit en le voyant ainsi perturbé. Ses traits ridés lui rappelaient ceux de son père. – Oui, comtesse, Ashur… Messire Ashur nous serait d’un grand soutien dans pareille entreprise, - acheva-t-il enfin, confus.
- Parfait. Nous voila donc en état de guerre, - lança-t-elle d’un air sensiblement satisfait. – Vous devriez descendre et vous sustenter, maître. Même si cela ne se voit pas, l’astre du jour s’est levé depuis longtemps déjà.
Toujours passablement confus, von Nettesheim se leva de son lit et s’inclina avant de prendre congé. Une fois de plus, il songea à quel point la dame d’Essen était une femme de sublime beauté, et pourtant sa nature recelait une créature capable des pires monstruosités que le commun des mortels pouvait connaître…
En Sylvanie, au moins, sa fureur serait dirigée contre ses semblables.
***
Bien que servi dans une vaisselle en bois soigneusement nettoyée, le gruau du tavernier était infect. Le nécromancien grimaça en avalant une cuillérée après l’autre, sans prendre la peine de cacher son dégoût au maître des lieux. Celui-là, visiblement inquiet de la mine dépitée de son riche client, ne put que lui promettre d’un ton mal assuré que le déjeuner serait bien meilleur.
Von Nettesheim finit son plat, gardant une expression des plus désapprobatrices. Intérieurement, il savait que le tavernier faisait de son mieux, mais tenait à ne pas se faire remarquer par trop de bonté. De ce fait, il maintenait quotidiennement une prestance dédaigneuse propre aux nobles et aux bourgeois soudain confrontés à la misère du peuple. Pis encore, il tâchait de paraitre aussi désagréable que possible, afin que toutes les personnes qui fréquentaient la taverne ne prissent pas la peine de s’enquérir des raisons de sa présence à Essen. Enfin, depuis la fois où un ivrogne plus fort et moins scrupuleux que la moyenne avait tenté de l’intimider pour lui soutirer quelques pistoles, le vieux maître avait confié tout leur argent à la comtesse, et évitait la salle commune autant que faire se pouvait.
Aujourd’hui était l’une des rares exceptions.
Alors que tavernier débarrassait la table, il sentit brusquement que quelque chose passa dans son dos, tel un courant d’air. Figé de stupeur, il ne put que tourner lentement la tête pour regarder derrière. Rien.
Von Nettesheim, qui avait eu le temps d’entrevoir une fulgurante Manon d’Essen lui adresser un sourire en courant, quitta sa chaise comme si de rien n’était.
- Du gibier, dites-vous ? – lança-t-il en s’approchant de l’escalier. – Il y a intérêt, mon brave. Votre gruau grinçait sur les dents !
Lorsqu’il eut franchi les quelques vingt marches grinçantes qui le séparaient de l’étage, tout avait déjà été réglé entre la comtesse et sa fille. Cette dernière eut toutefois la courtoisie de saluer le nécromancien en le croisant dans le couloir, et de lui expliquer en quelques mots la mission que lui avait confiée sa mère : trouver Ashur et, moins primordial, trouver la garde d’Essen, régiment de revenants qui les servait depuis toujours au Haut Col.
Quoiqu’elle se sentit un peu consternée de ne pouvoir rester plus longtemps, Manon d’Essen s’éclipsa juste après de brefs adieux, laissant le maître Friedrich rejoindre seul les quartiers de la comtesse.
Aucun mortel de la ville ne pouvait avoir l’acuité suffisante pour discerner dans la pénombre les mouvements furtifs de la svelte silhouette vampirique. Ses vêtements de chasseur, que sa mère lui avait offerts il y a bien des décennies, Manon ne les échangeait pour d’autres que très peu souvent, le temps que sa tenue préférée soit remise en état par les servantes. Dans les forêts qu’elle adorait fréquenter, les robes étaient bien peu pratiques…
Jadis, la forêt d’Essen regorgeait d’odeurs, mais tout avait drastiquement changé depuis que les nuages noirs des von Carstein s’étaient allongés au-delà du Stir. Contrairement à la saison, les arbres perdaient leurs feuillages à une vitesse ahurissante, et même les bourgeons qui n’avaient pas encore éclos perdaient leurs couleurs et dépérissaient. Il en était de même des buissons et des arbustes ; les branches se dénudaient, puis se desséchaient sous le froid, ou bien pourrissaient si leurs racines se rattachaient à un sol trop humide. Privées d’obstacles, la neige et la pluie se faufilaient partout, se mélangeant à l’humus et aux feuilles mortes. Le vent soufflait librement parmi les frondaisons, condamnant toute source de chaleur qui pouvait exister à la surface.
Le gibier avait quitté la forêt agonisante, devenue seulement le lieu de refuge de quelques créatures informes venant du bois maudit de Mordheim, et abritant au passage les seuls êtres qui n’avaient nul besoin de chaleur ou de pitance pour perdurer : des morts vivants.
C’était là, auprès de la garde rapprochée de la comtesse que la vampirette avait acquis l’habitude de laisser sa monture ailée ; au départ, quelques rares abominations ayant muté avaient été attirées par les restes de chair qui se raccrochaient aux os du pégase, et avaient du payer pour leur faim insatiable : les chevaliers noirs les eurent embrochés sur leurs lances. Depuis, le vent portait souvent l’odeur des cadavres vers l’ouest, et d’autres créatures venaient de temps à autres, pour être immanquablement massacrées par les neuf cavaliers d’outre-tombe, ou par leur roi brandissant sa grande lame spectrale. Les corps s’entassaient, et d’autres victimes venaient toujours, parfois le jour, parfois la nuit, vers une mort certaine.
A une centaine de pas tout autour, le sol boueux était parsemé de corps. Nues pour la plupart, les charognes glaciales faisaient étalage de toutes sortes de difformités abjectes, allant de simples cornes au milieu du front aux tentacules hérissés de griffes ; les peaux étaient recouvertes de fourrure par endroits, ou d’écailles semblables à celles des poissons ; d’autres émettaient encore une faible lueur verte.
Tous, cependant, sans distinction, avaient leurs entrailles, leurs cervelles ou du moins des giclées de leur sang éparpillées par terre. La vampirette fut bien peinée dans son choix d’itinéraire qui ne souillerait pas ses bottes dans la fange incolore, mêlant des liquides écarlates, plus récents, à des substances brunâtres et visqueuses, plus anciennes. Les chevaliers noirs, quant à eux, n’avaient de « noirs » plus que le nom, tellement la croûte qui recouvrait leurs armes, armures et caparaçons les avait rendus méconnaissables.
Manon poussa un soupir de soulagement quand son pégase put enfin prendre assez d’élan et déployer ses ailes. En quelques battements, ils franchirent les branchages avec fracas, et quelques instants de vol plané après, Manon vit le bout de la forêt, puis laissa l’orée derrière elle, survolant à présent des plaines de hautes herbes aux couleurs maladives.
Elle connaissait parfaitement le chemin. A sa droite continuaient à s’écouler les eaux tumultueuses du Stir. A sa gauche s’étendaient les Collines de l’Effroi. Droit devant, les sommets ébréchés des Montagnes du Bord du Monde se rapprochaient peu à peu.
Un jour après qu’il se fut volatilisé d’Essen, elle l’avait traqué sans encombre : Ashur, le puissant Ashur s’était rendu au Haut Col, ayant au passage retrouvé le ménestrel fou à la tête d’un régiment de gardes des cryptes. Tous furent regroupés dans les montagnes selon sa volonté.
Manon l’y retrouva, et ils eurent alors conclu un accord : elle devait toujours garder un œil sur les agissements de sa mère et du maître Friedrich, et lui faire un rapport de temps à autres ; le sabreur immortel partagerait en échange ses vastes connaissances des arcanes avec la vampirette. Elle lui avait posé depuis bien des questions : certaines furent résolues, d’autres restèrent sans réponse. Toujours est-il qu’un lien mutuel de complicité se tissa entre Manon et le seigneur vampire, aussi ce fut non sans une certaine impatience qu’elle franchit les dernières dizaines de lieues qui la séparaient du Haut Col.
« Il est là ! » - pensa-t-elle en reconnaissant l’intense aura magique qui émanait du plateau enneigé. Peu de temps après, sa vue surnaturelle lui permit d’apercevoir une scène bien familière : les revenants en armure lourde formaient un cercle défensif autour du sabreur immortel et de son objet d’occupation depuis bien des jours : les corps mutilés de cinq chevaliers vampires, les cadavres de leurs montures cauchemardesques gisant non loin. Nulle trace, cependant, du ménestrel fou.
Ashur la gratifia d’un sourire radieux alors qu’elle atterrissait à l’intérieur du cercle de revenants :
- Déjà de retour ? – lança-t-il d’un ton désinvolte. – Pourquoi cela ?
- On m’a envoyée vous trouver ! – répondit-elle en descendant de son pégase mort-vivant.
- Oh ? Là, tu m’intrigues, fillette. Tu n’aurais donc pas brisé ma méditation pour rien ?
- Mère veut vous voir, Ashur. Elle veut déclarer une guerre.
Le vampire millénaire ne répondit pas tout de suite.
- Déjà ? – dit-il enfin.
Ce fut au tour de la vampirette d’hésiter. Elle s’assit en face de lui, comme réfléchissant à une réponse, qu’elle parvint finalement à formuler :
- Vous… saviez déjà quelque chose ? Sur les intentions de ma mère ?
Il la dévisagea, amusé.
- Je suis tombé sur ta mère après bien des années d’errances infructueuses. Bien que je n’aie pu la connaître aussi longtemps que toi, je devine facilement ses intentions.
Manon baissa d’abord les yeux, puis les releva vers lui.
- Et… pourquoi « déjà » ?
Le sabreur immortel leva les yeux au ciel.
- Pardi, je n’ai pas fini ! Je suis loin d’avoir fini ! Très loin !
Il se mit debout, se retournant pour faire face à son ouvrage, parlant soudainement comme à soi-même.
- Trois d’entre eux sont brûlés par une lumière sacrée ! Non seulement leurs corps sont en état lamentable, mais leurs âmes sont bannies de ces corps, à jamais, paraît-il. Je pourrais prendre beaucoup moins de temps à redonner vie aux deux autres, mais sans leurs abrutis de compagnons, ils ne valent rien ! Rien ! Des mois, ce sont des mois qu’il me faut, et non des semaines ! Des mois.
Il pivota de nouveau vers Manon. Son visage affichait une apparente agitation interne.
- Ta mère peut-elle attendre encore des mois, fillette, ou est-elle à ce point impatiente de conquérir ?
Nullement intimidée, la vampirette répliqua :
- Si c’est vous qui le dites, je pense qu’elle attendra. Si elle sait ce que vous préparez, elle attendra, j’en suis certaine.
Une légère déception déforma les traits du sabreur immortel.
- Cela m’obligera à lui révéler ces préparatifs. Crois-le ou non, fillette, je pensais lui en faire une surprise.
Manon sourit, puis se releva elle aussi.
- Je l’avais compris, Ashur. Et si le maître Friedrich vous venait en aide ?
- Des mois, fillette, à moins qu’il n’ait connaissance de quelque rituel que je ne sache pas.
- Puis-je lui en parler à lui aussi ?
- Si Delphine le sait, le vieux grincheux doit aussi savoir. S’ils veulent la guerre, ils l’auront, mais pas avant d’avoir des troupes. Des troupes puissantes, pas que de simples marionnettes. D’ailleurs, qui est l’heureux élu de votre mère ? Mannfred von Carstein ?
- Non, un autre. Enfin, une autre. Une autre von Carstein.
- A la bonne heure, car Mannfred est à moi.
- Vous ne voudriez pas m’accompagner, et porter vous-même votre réponse à ma mère ?
- Non. Qu’elle vienne à moi, si elle souhaite réellement mener un conseil de guerre avec mon appui. Je me serais gêné pour le vieux grincheux, mais ce ne sera pas lui qui conduira les troupes. Ce n’est pas lui qui déclare la guerre. Delphine elle-même, fillette, ta mère doit venir à moi, quand bon lui semble, car je l’attendrai.
Manon le dévisagea un moment. Il lui paraissait toujours singulier, et elle ne savait jamais quelle attitude elle devait adopter envers un être capable de vie et de mort sur son entourage. Sa mère devait être bien singulière elle aussi, pour ainsi lier son sort au sien.
- Je m’en vais lui porter le message, alors ! – lança-t-elle, se dirigeant à grands pas vers sa monture.
- Et fillette, - lui dit Ashur alors qu’elle s’apprêtait à regagner les cieux, - accorde-moi encore une faveur. Ne reviens plus par ici pour le moment. La seule personne que je souhaite voir désormais, c’est ta mère.
Manon fit la moue, mais changea de suite d’expression, souriante.
- Je plaisante, - répondit-elle. – Je lui dirai que vous l’attendez.
Disant cela, elle mit son pégase au galop.
Rêve brisé déploya ses ailes membraneuses au-dessus du chemin qui descendait du plateau, et survola les cimes des premiers sapins qui poussaient sur les flancs rocailleux du Haut Col. Ashur regarda la vampirette s’éloigner de plus en plus, se demandant quand viendrait le moment où elle souffrirait autant que lui, autant que Delphine, sa mère, autant que souffrent les immortels.
- ArkenMaîtresse des fouets
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Sam 13 Sep 2014 - 10:14
C'est bien joli tout ça, mais où est la suite ?
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Sam 13 Sep 2014 - 10:57
Je suis d'accord avec Arken. Je me demande bien pourquoi tu n'as pas encore publié la suite.
Sinon c'est toujours aussi bien de te lire. J'ai comme l'impression qu'il a un certain nombre de vampires qui ne sont pas des Von Carstein en Sylvanie, pas vous ?
Sinon c'est toujours aussi bien de te lire. J'ai comme l'impression qu'il a un certain nombre de vampires qui ne sont pas des Von Carstein en Sylvanie, pas vous ?
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- Nyklaus von CarsteinSeigneur vampire
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Sam 13 Sep 2014 - 11:30
oui, moi aussi j'ai l'impression...
Et la suite ??
Et la suite ??
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Mon histoire...Histoire de Nyklaus
Mes dessins (avec les fiches de monstres dont vous pouvez vous inspirer dans vos récits) : Dessins de Nyklaus
- EssenSeigneur vampire
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Lun 15 Sep 2014 - 15:21
Bande de chenapans ! Ça ne se fait pas de presser un vampire de la sorte !
Voila la suite !
60e partie.
En tant que shalléenne itinérante, Miranda s’en voulait de rester si longtemps à un seul et même endroit, mais ses devoirs de guérisseuse la retenaient à Essen. Cela faisait des semaines que cette étrange noirceur avait envahi le ciel, privant la ville de lumière, mais pour beaucoup, aussi, de courage. C’était comme si le Stir ne suffisait plus à séparer la province maudite de Sylvanie des terres de l’Ostermark, comme si la Sylvanie s’étendait au-delà de ses frontières, apportant avec elle ses vices et ses fléaux.
Malgré l’été qui approchait, la région était comme prise dans un étau de froid et d’humidité, qu’aucun soleil ne pourrait jamais desserrer. Il ne fallut pas longtemps pour que les rares cas de fièvre et de rhumes se répandent sur la majeure partie de la population, et la prêtresse était demandée partout, au chevet de chaque malade, pour apporter les soins nécessaires et prier la déesse miséricordieuse d’apporter la guérison. Miranda ne pouvait guère refuser, et insistait seulement qu’elle ne pourrait voir tout le monde en même temps, et que l’argent ne la ferait pas rester plus longtemps que le strict nécessaire. Les rares fois où les tisanes et les prières ne suffisaient pas, la bonne sœur se joignait au deuil, quels que soient le rang et la renommée du défunt.
Elle était nourrie et logée aux frais de la garnison, la capitaine se rendant parfaitement compte à quel point les services de la prêtresse étaient vitaux dans l’heure où tout disant que la ville serait de nouveau mise à l’épreuve. Il avait eu également la sagesse de s’enquérir des nécessités de la bonne sœur, et avait ainsi obtenu que le prochain convoi de ravitaillement venu du nord rapporterait en plus des vivres quelques herbes spéciales, du miel et des bandages supplémentaires. Le capitaine avait la charge de la ville à présent, personne ne s’étant désigné à la charge de bourgmestre, craignant de disparaitre aussi mystérieusement que son prédécesseur. La fonction ne semblait plus nécessaire, par ailleurs : le commerce, aussi modeste qu’il eut pu être dans les années précédentes, avait entièrement disparu depuis que l’obscurité avait recouvert la ville, les commerçants préférant aller chercher fortune ailleurs que dans un dangereux, croyaient-ils, poste frontalier.
Ils n’étaient pas les seuls à vouloir éviter la ville, - constatait Miranda dans ses rares moments de liberté, souvent le temps qu’elle s’accordait à dormir ne serait-ce que quelques heures. – Tous les habitants qui pouvaient s’offrir ce luxe partaient vers le Nord, suivant le retour des convois de ravitaillement, ou du moins essayaient d’y envoyer leurs familles, afin de les éloigner du danger, mais aussi pour ne plus avoir à les nourrir avec les vivres qui s’étaient nettement amoindri depuis quelque temps. Essen suivant une lente transformation, celle de ville en place forte, le capitaine de la garde à la tête des opérations. La garnison était forte d’une centaine d’hommes, subdivisés en régiments d’hallebardiers et détachements d’arquebusiers, tous suivant des entrainements au moins une fois par semaine. Bien que les soldats fussent réticents à effectuer toujours les mêmes manœuvres alors que souvent le ciel crachait des torrents de pluie, personne ne remettait les ordres du capitaine en question. Une même impression planait sur tous les habitants, y compris ses défenseurs : la noirceur stagnante des cieux, une menace constante, menaçant de se réveiller à tout moment, comme une vague prête à tous les engloutir.
Les prêtres de Morr continuaient leur nécessaire office, veillant également au sommeil, qu’ils jugeaient mystique, de leur père supérieur, Helgert Baüklotze. Quelquefois, Miranda se rendait au temple pour s’enquérir s’il y avait du changement, prenait le temps de réciter une courte prière pour le grand prêtre, puis s’en retournait à ses occupations. Elle ne savait s’il fallait encore espérer qu’il se réveille, mais il n’était pas mort, donc il serait absurde de désespérer.
Le temple de Sigmar, quoique plus petit que celui de Morr, accueillait quotidiennement des croyants voulant se confier au dieu protecteur de l’Empire ; Miranda s’y était rendue de nombreuses fois depuis son arrivée à Essen. Cependant, alors que les disciples de Morr gardaient leur immanquable sombre détermination face à la fatalité du trépas et des ténèbres, la prêtresse ne pouvait s’empêcher de constater que les sermons des quelques sigmarites qui officiaient chaque semaine manquaient de conviction : une crainte indicible se lisait sur leurs traits, signe que leur foi vacillait, comme submergée par la noirceur qui recouvrait la ville.
« Sigmar Exalt ! »
« Sigmar Exalt ! »
« Sigmar Exalt ! »
Les mêmes sermons, prononcés de plus en plus souvent sur un ton monocorde, espérant seulement que ceux qui les prononçaient auraient toujours droit à leur part des vivres apportés par les convois. Miranda ne pouvait rester longtemps face à de telles fausses liturgies, et venait désormais seulement pour marquer sa présence auprès des clercs, qui par ailleurs semblaient réciproquement ne pas regarder la prêtresse d’un œil bienveillant. Elle se doutait de la raison de ce désaveu, et cela ne faisait que d’approfondir sa déception envers le culte sigmarite de la ville. Les villageois avaient foi en elle, et étaient prêts à partager leur propre pain pour qu’elle continue à les soigner. Les prêtres, eux, n’obtenaient peut-être pas autant d’affection, ce qui pour eux devait paraitre de moins en moins tolérable.
Miranda refusait d’y prêter plus de pensée, son temps étant partagé entre la prière, les malades et le repos.
Les choses commencèrent à se compliquer pour elle lorsque les attaques commencèrent.
La première fois, elle était en train de dormir, mais sut par la suite que l’alerte n’eut même pas le temps d’être levée : les assaillants furent peu nombreux, à peine une dizaine, mais fulgurants, et il fallut que plusieurs patrouilles soient attirées par les cris de douleur pour que l’ennemi soit appréhendé puis détruit. A la lumière des lanternes, on discerna les corps des attaquants : des humains, encore en haillons, mais terriblement transformés. Parmi la patrouille qui essuya l’assaut, le seul survivant grièvement blessé au cou ne put tenir jusqu’à l’arrivée de la prêtresse, succombant à une sorte de fièvre qui s’empara de tout son corps et le terrassa en quelques minutes.
Lorsque Miranda arriva sur les lieux, elle dut appliquer un traitement désespéré pour ne pas que la chose se reproduise sur des soldats même légèrement blessés. Avec l’approbation du capitaine de la garde, des membres allant du doigt jusqu’à la main ou au pied tout entier durent être amputés. L’on dénombra en tout une douzaine de morts, et cinq hommes devenus inaptes à porter les armes.
Les gués d’Essen furent désormais bardés de barricades en troncs d’arbres du côté de la ville, surveillés nuit et jour, si tant est que la distinction existait encore. Ces mesures furent loin d’être vaines : deux jours après le premier assaut, un groupe semblable de paysans mutilés déambulant à quatre pattes se montra à l’autre rive du Stir. Tous furent décimés à coups d’arquebuses.
Depuis, ces attaques devinrent quasiment habituelles, séparées entre elles en général par deux ou trois jours, se terminant toujours de la même façon : des sylvaniens rendus fous par la faim et la chair humaine trouvaient leur repos dans les eaux des gués, fauchés par une bille de plomb bien ajustée. L’on remerciait les dieux d’avoir ainsi la situation en main, bien que la capitaine dût à présent toujours envoyer un homme de confiance avec les convois pour s’assurer que la prochaine livraison apporte suffisamment de vivres et de munitions.
Ce fut d’autant plus nécessaire lorsque l’on signala de semblables créatures rampant du côté du bois d’Essen. Le groupe de bûcheron en charge de ravitailler toute la ville revint alors bredouille, leurs visages portant encore la marque du danger écarté de justesse, et ce seulement parce que les goules (personne ne remettait leur nature en question à présent) étaient inférieures en nombre et n’osèrent pas attaquer de front, se contentant de suivre les bûcherons, guettant un moment d’inattention, finalement préférant se retirer à l’approche des palissades de la ville.
Dès lors, des détachements d’hallebardiers durent être envoyés afin d’assurer les réserves de bois de chauffage, indispensable dans cette saison abjecte qui semblait s’éterniser. Tout se déroula pour le mieux de prime abord, mais les nombres de sylvaniens fuyant la stérilité de leur patrie dut augmenter au fil du temps, et s’ensuivirent ainsi des affrontements directs, avec des groupuscules de goules plus enhardies, souvent essayant s’encercler les bûcherons et leurs gardes du corps. Quinze morts et six autres soldats mutilés à vie. Depuis, les seuls arbres que l’on coupait étaient ceux qui étaient le plus près de la palissade, là où les arquebusiers pouvaient offrir un couvert de plomb et dissuader ainsi les mangeurs de chair humaine d’approcher.
Quelques temps plus tard, cependant, les cris plaintifs de ces créatures ne se firent plus entendre comme les patrouilleurs de la ville s’y étaient habitués. Lorsqu’un détachement de volontaires fut envoyé pour inspecter les bois, ils n’y trouvèrent que les traces des créatures rampantes, des traces, qui, bien que profondément confuses, conduisaient finalement ailleurs, vers l’est, là où pourtant, personne n’habitait. Personne ne voulut s’encombrer de la raison d’une telle disparition, tous remerciant les dieux pour avoir enlevé cette terrible menace de leurs épaules. Les volontaires firent en outre le rapport d’avoir vu les traces d’un immense carnage opposant entre elles des créatures déformées par le chaos, mais le capitaine n’y prêta pas attention, pas plus qu’aux évocations de certains de ces soldats d’avoir entendu au loin une étrange et indescriptible musique de vielle, ou de violon, ou quelque chose qui lui ressemblât de loin.
Les jours, puis les mois s’ensuivirent. Delphine d’Essen s’en fut au Haut Col, chevauchant un destrier écarlate dont le propriétaire retrouvait lentement son apparence sous l’effet de la magie du sabreur immortel.
Ashur haïssait la nécromancie. Rien ne le répugnait plus que de voir un ennemi remuer devant soi des cadavres dénués de vie, restant lâchement en retrait, alors que le combattant devait vainement brandir son arme face à une foule da chair et d’os sans fin. Il aurait renoncé à la dhar, si seulement sa soif de pouvoir ne l’avait pas poussé à en saisir le contrôle dans ses plus extrêmes limites. Ashur n’avait pas le savoir. Les connaissances des rituels dont il avait été témoin il y a des millénaires lui manquaient, mais il ne désirait pas combler cette lacune, l’ayant compensé au fil des âges par une brute maîtrise du vent noir, et une perception extraordinaire du monde spirituel. Ce fut ainsi qu’il eut saisi le secret de la résurrection, ultime procédé contre-nature dont il ne s’était presque jamais servi. Les chevaliers de sang qu’il avait devant lui constituaient l’une des rares occasions, une opération lente et fastidieuse, mais qui serait pour lui un accomplissement sans précédent et une manière de plus d’obtenir la reconnaissance de la comtesse envers lui.
Il la sentit avant de l’entendre arriver, il l’entendit avant de la voir apparaître, toujours aussi belle, toujours autant désirée, toujours quelque chose qui le raccrochait encore aux basses affaires de ce monde. Une distraction qui transcendait le temps.
Derrière elle, sa garde rapprochée de chevaliers noirs.
Pour un bref instant, un rayon de lune perça à travers les nuages, éclairant le haut plateau enneigé. Ashur vit le teint pâle de la comtesse, devina derrière ses lèvres des crocs aussi longs que les siens, entrevit dans ses yeux rouges un gouffre de désirs et d’appréhensions. La voila qui, finalement, croyait que le monde lui tendait la main, qu’il n’attendait qu’à être conquis, qu’il se porterait mieux sous son bienveillant règne. Elle se rapprochait, et il ne pouvait pas en détourner les yeux. Dans son esprit, un sentiment de fatalité s’était installé, une impression de déjà-vu qu’il s’apprêtait encore à revivre, inévitablement.
Delphine démonta cependant, quelque peu étonnée de se voir ainsi muettement saluée. Elle voulut sourire, et y parvint, mais ne vit pas de sourire en retour, juste cette même expression hagarde, ou émerveillée, elle ne pouvait trancher entre les deux.
Ce silence lui parut soudain insupportable.
- Tu voulais me voir, Ashur. Me voila devant toi.
En arrivant, elle avait pris note de la garde d’Essen qui encerclait l’endroit du rituel, sans y prêter plus d’attention. A présent, seul un palpitement des pupilles d’Ashur indiqua qu’il devait avoir entendu ses paroles.
- C’est vrai… - dit-il enfin, comme sortant d’une profonde rêverie. – Vous… Toi aussi, tu voulais me voir, Delphine.
- Ashur…
Il souriait à présent. Elle eut l’impression qu’il la dévorait du regard, et que les paroles ne lui arrivaient qu’avec difficulté, comme si tout son corps s’était rigidifié. Intriguée, elle se rapprocha de lui.
Ce fut comme si l’attention du vampire millénaire redoubla : sans pour autant changer d’expression, il fit mécaniquement glisser sa main vers le fourreau de son sabre, empoignant fermement celui-ci.
Delphine crut que son excitation se transmettait à elle. Se rapprochant encore, elle posa sa main sur celle qui tenait l’arme de son bien-aimé. Elle croyait espérer le calmer ainsi, mais l’effet fut exactement inverse :
« EN GARDE ! »
La lame recourbée fusa de sa gaine métallique, la main valide d’Ashur s’emparant immédiatement de la poignée, tranchant droit devant soi. L’épée de la comtesse fut tout aussi fulgurante, cette dernière faisant un bond en arrière, intérieurement stupéfaite.
Devant elle, le vampire millénaire avait les deux mains empoignant son sabre, placé en position de combat. Tous les autres bruits environnants étaient comme étouffés par la présence oppressante du seigneur de la non-vie. Sauf l’indignation de la dame d’Essen.
- Pourquoi, Ashur ?!
Même dans l’obscurité, elle pouvait discerner son immanquable sourire insensé. Ses yeux brillèrent d’un éclat rouge vif.
- Je souhaite… ma revanche, Delphine. Pour l’humiliation que tu m’as infligée naguère, j’exige que l’on poursuive notre combat. Je ne ferai pas usage de la magie. Tu laisseras tes revenants en retrait. Ma décision n’est pas à refuser.
Elle entrevoyait beaucoup d’émotions : la colère, la rancœur, la folie. S’il l’aimait aussi, il n’y avait qu’un seul moyen de le découvrir.
Delphine d’Essen, comtesse d’Ostermark, se mit en garde, et l’attaque ne tarda pas à arriver.
Il assénait coup après coup, ils avaient déjà atteint le bord du plateau, et la comtesse sentait qu’elle ne pouvait que reculer. Les estocades foudroyantes qu’elle parvenait à asséner rebondissaient sur les plaques composites de l’armure du vampire millénaire, se remettant à chaque fois en place, comme dotées d’une conscience qui leur était propre. Le sabre d’Ashur, cependant, peinait à passer outre les runes de protection qui avaient été tracées sur l’armure de la dame d’Essen. La dhar en émanait, signe que l’ouvrage avait certainement pour auteur le très respectable vieux grincheux que sa bien-aimée avait recueilli. Malgré cela, elle reculait devant l’assaut insurmontable du sabreur immortel, dont la maîtrise de son arme avait été perfectionnée au cours des siècles.
Elle ne pouvait pas tenir longtemps. Même si quelque part, le soleil devait se lever, elle ne le verrait plus si Ashur ne voudrait pas faire cesser cet affrontement.
Un autre coup monstrueux la rejeta en arrière. Devait-elle ravaler sa fierté et rendre son dû à son bien-aimé, et s’incliner devant lui ? Pour lui…
Elle plia le genou.
« ASHUR ! »
Le sabre allait s’abattre sur elle et fendre son crâne en deux. Toujours plus rapide, elle mit son épée en travers du chemin.
Le choc la fit ployer et tomber à terre. L’espace d’un instant, elle ne vit plus rien d’autre que le noir. Retrouvant sa vision, elle aperçut le vampire millénaire debout devant elle, en train de la regarder… Elle ne vit pas son sabre. Resserrant sa poignée, elle fut horrifiée de ne plus retrouver son épée. Le croc runique de son époux ! Où était-il ?
- Ce n’est pas l’épée de ton mortel époux, - résonna lourdement la voix d’Ashur. – Ce n’était pas cette épée-là.
Se croyant au bord de l’inconscience, Delphine ne put que tourner son regard vers lui, les yeux écarquillés par la stupéfaction.
- Ce n’est pas l’épée de ton mortel époux, - répéta seulement le vampire millénaire. – Regarde.
Il tendit sa main vers le côté, ses contours se dessinant nettement dans le ciel nocturne. A peine quelques mots furent murmurés. Alors, la comtesse vit l’air se condenser autour de la main du seigneur vampire. Une légère brise souffla, apportant avec elle de brillantes particules qui, une par une, s’assemblèrent d’abord dans la paume du sabreur immortel, jusqu’à former une poignée finement ciselée, puis une garde.
Un sentiment de révolte s’empara d’elle au fur et à mesure qu’elle vit la réplique exacte du croc runique de l’Ostermark apparaître devant ses yeux. Avait-elle été trompée pendant tout ce temps ?
- ASHUR !
Ce furent alors ses prunelles luisantes qui trahirent sa colère dans l’obscurité. Impassible, le vampire millénaire lui tendit la garde de la lame ainsi restaurée.
- C’était un cadeau, - dit-il d’une voix plate. – Je savais qu’il te plairait. Mais je ne récupère jamais les armes de mes adversaires. Il y en a trop, et trop d'objets apportent trop de souvenirs.
Le ciel s’était dégagé au dessus des montagnes, et le monde au loin de voyait à présent comme divisé en deux parties : le Sud était recouvert par le maléfice sylvanien, alors que le Nord continuait à baigner sous les lumières des deux lunes. Seul l’horizon septentrional montrait quelques éclairs rouges briller au loin.
Incapable de dire un mot, Delphine prit l’épée qui lui était tendue, et la remit mécaniquement au fourreau qui lui était destiné, tout en se relevant.
Voila la suite !
60e partie.
En tant que shalléenne itinérante, Miranda s’en voulait de rester si longtemps à un seul et même endroit, mais ses devoirs de guérisseuse la retenaient à Essen. Cela faisait des semaines que cette étrange noirceur avait envahi le ciel, privant la ville de lumière, mais pour beaucoup, aussi, de courage. C’était comme si le Stir ne suffisait plus à séparer la province maudite de Sylvanie des terres de l’Ostermark, comme si la Sylvanie s’étendait au-delà de ses frontières, apportant avec elle ses vices et ses fléaux.
Malgré l’été qui approchait, la région était comme prise dans un étau de froid et d’humidité, qu’aucun soleil ne pourrait jamais desserrer. Il ne fallut pas longtemps pour que les rares cas de fièvre et de rhumes se répandent sur la majeure partie de la population, et la prêtresse était demandée partout, au chevet de chaque malade, pour apporter les soins nécessaires et prier la déesse miséricordieuse d’apporter la guérison. Miranda ne pouvait guère refuser, et insistait seulement qu’elle ne pourrait voir tout le monde en même temps, et que l’argent ne la ferait pas rester plus longtemps que le strict nécessaire. Les rares fois où les tisanes et les prières ne suffisaient pas, la bonne sœur se joignait au deuil, quels que soient le rang et la renommée du défunt.
Elle était nourrie et logée aux frais de la garnison, la capitaine se rendant parfaitement compte à quel point les services de la prêtresse étaient vitaux dans l’heure où tout disant que la ville serait de nouveau mise à l’épreuve. Il avait eu également la sagesse de s’enquérir des nécessités de la bonne sœur, et avait ainsi obtenu que le prochain convoi de ravitaillement venu du nord rapporterait en plus des vivres quelques herbes spéciales, du miel et des bandages supplémentaires. Le capitaine avait la charge de la ville à présent, personne ne s’étant désigné à la charge de bourgmestre, craignant de disparaitre aussi mystérieusement que son prédécesseur. La fonction ne semblait plus nécessaire, par ailleurs : le commerce, aussi modeste qu’il eut pu être dans les années précédentes, avait entièrement disparu depuis que l’obscurité avait recouvert la ville, les commerçants préférant aller chercher fortune ailleurs que dans un dangereux, croyaient-ils, poste frontalier.
Ils n’étaient pas les seuls à vouloir éviter la ville, - constatait Miranda dans ses rares moments de liberté, souvent le temps qu’elle s’accordait à dormir ne serait-ce que quelques heures. – Tous les habitants qui pouvaient s’offrir ce luxe partaient vers le Nord, suivant le retour des convois de ravitaillement, ou du moins essayaient d’y envoyer leurs familles, afin de les éloigner du danger, mais aussi pour ne plus avoir à les nourrir avec les vivres qui s’étaient nettement amoindri depuis quelque temps. Essen suivant une lente transformation, celle de ville en place forte, le capitaine de la garde à la tête des opérations. La garnison était forte d’une centaine d’hommes, subdivisés en régiments d’hallebardiers et détachements d’arquebusiers, tous suivant des entrainements au moins une fois par semaine. Bien que les soldats fussent réticents à effectuer toujours les mêmes manœuvres alors que souvent le ciel crachait des torrents de pluie, personne ne remettait les ordres du capitaine en question. Une même impression planait sur tous les habitants, y compris ses défenseurs : la noirceur stagnante des cieux, une menace constante, menaçant de se réveiller à tout moment, comme une vague prête à tous les engloutir.
Les prêtres de Morr continuaient leur nécessaire office, veillant également au sommeil, qu’ils jugeaient mystique, de leur père supérieur, Helgert Baüklotze. Quelquefois, Miranda se rendait au temple pour s’enquérir s’il y avait du changement, prenait le temps de réciter une courte prière pour le grand prêtre, puis s’en retournait à ses occupations. Elle ne savait s’il fallait encore espérer qu’il se réveille, mais il n’était pas mort, donc il serait absurde de désespérer.
Le temple de Sigmar, quoique plus petit que celui de Morr, accueillait quotidiennement des croyants voulant se confier au dieu protecteur de l’Empire ; Miranda s’y était rendue de nombreuses fois depuis son arrivée à Essen. Cependant, alors que les disciples de Morr gardaient leur immanquable sombre détermination face à la fatalité du trépas et des ténèbres, la prêtresse ne pouvait s’empêcher de constater que les sermons des quelques sigmarites qui officiaient chaque semaine manquaient de conviction : une crainte indicible se lisait sur leurs traits, signe que leur foi vacillait, comme submergée par la noirceur qui recouvrait la ville.
« Sigmar Exalt ! »
« Sigmar Exalt ! »
« Sigmar Exalt ! »
Les mêmes sermons, prononcés de plus en plus souvent sur un ton monocorde, espérant seulement que ceux qui les prononçaient auraient toujours droit à leur part des vivres apportés par les convois. Miranda ne pouvait rester longtemps face à de telles fausses liturgies, et venait désormais seulement pour marquer sa présence auprès des clercs, qui par ailleurs semblaient réciproquement ne pas regarder la prêtresse d’un œil bienveillant. Elle se doutait de la raison de ce désaveu, et cela ne faisait que d’approfondir sa déception envers le culte sigmarite de la ville. Les villageois avaient foi en elle, et étaient prêts à partager leur propre pain pour qu’elle continue à les soigner. Les prêtres, eux, n’obtenaient peut-être pas autant d’affection, ce qui pour eux devait paraitre de moins en moins tolérable.
Miranda refusait d’y prêter plus de pensée, son temps étant partagé entre la prière, les malades et le repos.
Les choses commencèrent à se compliquer pour elle lorsque les attaques commencèrent.
La première fois, elle était en train de dormir, mais sut par la suite que l’alerte n’eut même pas le temps d’être levée : les assaillants furent peu nombreux, à peine une dizaine, mais fulgurants, et il fallut que plusieurs patrouilles soient attirées par les cris de douleur pour que l’ennemi soit appréhendé puis détruit. A la lumière des lanternes, on discerna les corps des attaquants : des humains, encore en haillons, mais terriblement transformés. Parmi la patrouille qui essuya l’assaut, le seul survivant grièvement blessé au cou ne put tenir jusqu’à l’arrivée de la prêtresse, succombant à une sorte de fièvre qui s’empara de tout son corps et le terrassa en quelques minutes.
Lorsque Miranda arriva sur les lieux, elle dut appliquer un traitement désespéré pour ne pas que la chose se reproduise sur des soldats même légèrement blessés. Avec l’approbation du capitaine de la garde, des membres allant du doigt jusqu’à la main ou au pied tout entier durent être amputés. L’on dénombra en tout une douzaine de morts, et cinq hommes devenus inaptes à porter les armes.
Les gués d’Essen furent désormais bardés de barricades en troncs d’arbres du côté de la ville, surveillés nuit et jour, si tant est que la distinction existait encore. Ces mesures furent loin d’être vaines : deux jours après le premier assaut, un groupe semblable de paysans mutilés déambulant à quatre pattes se montra à l’autre rive du Stir. Tous furent décimés à coups d’arquebuses.
Depuis, ces attaques devinrent quasiment habituelles, séparées entre elles en général par deux ou trois jours, se terminant toujours de la même façon : des sylvaniens rendus fous par la faim et la chair humaine trouvaient leur repos dans les eaux des gués, fauchés par une bille de plomb bien ajustée. L’on remerciait les dieux d’avoir ainsi la situation en main, bien que la capitaine dût à présent toujours envoyer un homme de confiance avec les convois pour s’assurer que la prochaine livraison apporte suffisamment de vivres et de munitions.
Ce fut d’autant plus nécessaire lorsque l’on signala de semblables créatures rampant du côté du bois d’Essen. Le groupe de bûcheron en charge de ravitailler toute la ville revint alors bredouille, leurs visages portant encore la marque du danger écarté de justesse, et ce seulement parce que les goules (personne ne remettait leur nature en question à présent) étaient inférieures en nombre et n’osèrent pas attaquer de front, se contentant de suivre les bûcherons, guettant un moment d’inattention, finalement préférant se retirer à l’approche des palissades de la ville.
Dès lors, des détachements d’hallebardiers durent être envoyés afin d’assurer les réserves de bois de chauffage, indispensable dans cette saison abjecte qui semblait s’éterniser. Tout se déroula pour le mieux de prime abord, mais les nombres de sylvaniens fuyant la stérilité de leur patrie dut augmenter au fil du temps, et s’ensuivirent ainsi des affrontements directs, avec des groupuscules de goules plus enhardies, souvent essayant s’encercler les bûcherons et leurs gardes du corps. Quinze morts et six autres soldats mutilés à vie. Depuis, les seuls arbres que l’on coupait étaient ceux qui étaient le plus près de la palissade, là où les arquebusiers pouvaient offrir un couvert de plomb et dissuader ainsi les mangeurs de chair humaine d’approcher.
Quelques temps plus tard, cependant, les cris plaintifs de ces créatures ne se firent plus entendre comme les patrouilleurs de la ville s’y étaient habitués. Lorsqu’un détachement de volontaires fut envoyé pour inspecter les bois, ils n’y trouvèrent que les traces des créatures rampantes, des traces, qui, bien que profondément confuses, conduisaient finalement ailleurs, vers l’est, là où pourtant, personne n’habitait. Personne ne voulut s’encombrer de la raison d’une telle disparition, tous remerciant les dieux pour avoir enlevé cette terrible menace de leurs épaules. Les volontaires firent en outre le rapport d’avoir vu les traces d’un immense carnage opposant entre elles des créatures déformées par le chaos, mais le capitaine n’y prêta pas attention, pas plus qu’aux évocations de certains de ces soldats d’avoir entendu au loin une étrange et indescriptible musique de vielle, ou de violon, ou quelque chose qui lui ressemblât de loin.
***
Les jours, puis les mois s’ensuivirent. Delphine d’Essen s’en fut au Haut Col, chevauchant un destrier écarlate dont le propriétaire retrouvait lentement son apparence sous l’effet de la magie du sabreur immortel.
Ashur haïssait la nécromancie. Rien ne le répugnait plus que de voir un ennemi remuer devant soi des cadavres dénués de vie, restant lâchement en retrait, alors que le combattant devait vainement brandir son arme face à une foule da chair et d’os sans fin. Il aurait renoncé à la dhar, si seulement sa soif de pouvoir ne l’avait pas poussé à en saisir le contrôle dans ses plus extrêmes limites. Ashur n’avait pas le savoir. Les connaissances des rituels dont il avait été témoin il y a des millénaires lui manquaient, mais il ne désirait pas combler cette lacune, l’ayant compensé au fil des âges par une brute maîtrise du vent noir, et une perception extraordinaire du monde spirituel. Ce fut ainsi qu’il eut saisi le secret de la résurrection, ultime procédé contre-nature dont il ne s’était presque jamais servi. Les chevaliers de sang qu’il avait devant lui constituaient l’une des rares occasions, une opération lente et fastidieuse, mais qui serait pour lui un accomplissement sans précédent et une manière de plus d’obtenir la reconnaissance de la comtesse envers lui.
Il la sentit avant de l’entendre arriver, il l’entendit avant de la voir apparaître, toujours aussi belle, toujours autant désirée, toujours quelque chose qui le raccrochait encore aux basses affaires de ce monde. Une distraction qui transcendait le temps.
Derrière elle, sa garde rapprochée de chevaliers noirs.
Pour un bref instant, un rayon de lune perça à travers les nuages, éclairant le haut plateau enneigé. Ashur vit le teint pâle de la comtesse, devina derrière ses lèvres des crocs aussi longs que les siens, entrevit dans ses yeux rouges un gouffre de désirs et d’appréhensions. La voila qui, finalement, croyait que le monde lui tendait la main, qu’il n’attendait qu’à être conquis, qu’il se porterait mieux sous son bienveillant règne. Elle se rapprochait, et il ne pouvait pas en détourner les yeux. Dans son esprit, un sentiment de fatalité s’était installé, une impression de déjà-vu qu’il s’apprêtait encore à revivre, inévitablement.
Delphine démonta cependant, quelque peu étonnée de se voir ainsi muettement saluée. Elle voulut sourire, et y parvint, mais ne vit pas de sourire en retour, juste cette même expression hagarde, ou émerveillée, elle ne pouvait trancher entre les deux.
Ce silence lui parut soudain insupportable.
- Tu voulais me voir, Ashur. Me voila devant toi.
En arrivant, elle avait pris note de la garde d’Essen qui encerclait l’endroit du rituel, sans y prêter plus d’attention. A présent, seul un palpitement des pupilles d’Ashur indiqua qu’il devait avoir entendu ses paroles.
- C’est vrai… - dit-il enfin, comme sortant d’une profonde rêverie. – Vous… Toi aussi, tu voulais me voir, Delphine.
- Ashur…
Il souriait à présent. Elle eut l’impression qu’il la dévorait du regard, et que les paroles ne lui arrivaient qu’avec difficulté, comme si tout son corps s’était rigidifié. Intriguée, elle se rapprocha de lui.
Ce fut comme si l’attention du vampire millénaire redoubla : sans pour autant changer d’expression, il fit mécaniquement glisser sa main vers le fourreau de son sabre, empoignant fermement celui-ci.
Delphine crut que son excitation se transmettait à elle. Se rapprochant encore, elle posa sa main sur celle qui tenait l’arme de son bien-aimé. Elle croyait espérer le calmer ainsi, mais l’effet fut exactement inverse :
« EN GARDE ! »
La lame recourbée fusa de sa gaine métallique, la main valide d’Ashur s’emparant immédiatement de la poignée, tranchant droit devant soi. L’épée de la comtesse fut tout aussi fulgurante, cette dernière faisant un bond en arrière, intérieurement stupéfaite.
Devant elle, le vampire millénaire avait les deux mains empoignant son sabre, placé en position de combat. Tous les autres bruits environnants étaient comme étouffés par la présence oppressante du seigneur de la non-vie. Sauf l’indignation de la dame d’Essen.
- Pourquoi, Ashur ?!
Même dans l’obscurité, elle pouvait discerner son immanquable sourire insensé. Ses yeux brillèrent d’un éclat rouge vif.
- Je souhaite… ma revanche, Delphine. Pour l’humiliation que tu m’as infligée naguère, j’exige que l’on poursuive notre combat. Je ne ferai pas usage de la magie. Tu laisseras tes revenants en retrait. Ma décision n’est pas à refuser.
Elle entrevoyait beaucoup d’émotions : la colère, la rancœur, la folie. S’il l’aimait aussi, il n’y avait qu’un seul moyen de le découvrir.
Delphine d’Essen, comtesse d’Ostermark, se mit en garde, et l’attaque ne tarda pas à arriver.
Il assénait coup après coup, ils avaient déjà atteint le bord du plateau, et la comtesse sentait qu’elle ne pouvait que reculer. Les estocades foudroyantes qu’elle parvenait à asséner rebondissaient sur les plaques composites de l’armure du vampire millénaire, se remettant à chaque fois en place, comme dotées d’une conscience qui leur était propre. Le sabre d’Ashur, cependant, peinait à passer outre les runes de protection qui avaient été tracées sur l’armure de la dame d’Essen. La dhar en émanait, signe que l’ouvrage avait certainement pour auteur le très respectable vieux grincheux que sa bien-aimée avait recueilli. Malgré cela, elle reculait devant l’assaut insurmontable du sabreur immortel, dont la maîtrise de son arme avait été perfectionnée au cours des siècles.
Elle ne pouvait pas tenir longtemps. Même si quelque part, le soleil devait se lever, elle ne le verrait plus si Ashur ne voudrait pas faire cesser cet affrontement.
Un autre coup monstrueux la rejeta en arrière. Devait-elle ravaler sa fierté et rendre son dû à son bien-aimé, et s’incliner devant lui ? Pour lui…
Elle plia le genou.
« ASHUR ! »
Le sabre allait s’abattre sur elle et fendre son crâne en deux. Toujours plus rapide, elle mit son épée en travers du chemin.
Le choc la fit ployer et tomber à terre. L’espace d’un instant, elle ne vit plus rien d’autre que le noir. Retrouvant sa vision, elle aperçut le vampire millénaire debout devant elle, en train de la regarder… Elle ne vit pas son sabre. Resserrant sa poignée, elle fut horrifiée de ne plus retrouver son épée. Le croc runique de son époux ! Où était-il ?
- Ce n’est pas l’épée de ton mortel époux, - résonna lourdement la voix d’Ashur. – Ce n’était pas cette épée-là.
Se croyant au bord de l’inconscience, Delphine ne put que tourner son regard vers lui, les yeux écarquillés par la stupéfaction.
- Ce n’est pas l’épée de ton mortel époux, - répéta seulement le vampire millénaire. – Regarde.
Il tendit sa main vers le côté, ses contours se dessinant nettement dans le ciel nocturne. A peine quelques mots furent murmurés. Alors, la comtesse vit l’air se condenser autour de la main du seigneur vampire. Une légère brise souffla, apportant avec elle de brillantes particules qui, une par une, s’assemblèrent d’abord dans la paume du sabreur immortel, jusqu’à former une poignée finement ciselée, puis une garde.
Un sentiment de révolte s’empara d’elle au fur et à mesure qu’elle vit la réplique exacte du croc runique de l’Ostermark apparaître devant ses yeux. Avait-elle été trompée pendant tout ce temps ?
- ASHUR !
Ce furent alors ses prunelles luisantes qui trahirent sa colère dans l’obscurité. Impassible, le vampire millénaire lui tendit la garde de la lame ainsi restaurée.
- C’était un cadeau, - dit-il d’une voix plate. – Je savais qu’il te plairait. Mais je ne récupère jamais les armes de mes adversaires. Il y en a trop, et trop d'objets apportent trop de souvenirs.
Le ciel s’était dégagé au dessus des montagnes, et le monde au loin de voyait à présent comme divisé en deux parties : le Sud était recouvert par le maléfice sylvanien, alors que le Nord continuait à baigner sous les lumières des deux lunes. Seul l’horizon septentrional montrait quelques éclairs rouges briller au loin.
Incapable de dire un mot, Delphine prit l’épée qui lui était tendue, et la remit mécaniquement au fourreau qui lui était destiné, tout en se relevant.
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Lun 15 Sep 2014 - 18:33
C'est vraiment une suit génialissime. Il se passe pas mal de trucs aussi bien à Essen que dans la grotte d'Ashur. En revanche, je suis impatient de voir où il a trouvé ces chevaliers de Sang. Seraient-ce ceux qu'il a affronté il y a un certain temps et qu'il ne jugeait pas digne d'avoir le titre de Dragon de Sang ?
Sinon, vivement la suite !!!
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Lun 15 Sep 2014 - 20:56
Merci, ça fait toujours plaisir de savoir que je tiens le niveau
Pour ta question, fais attention aux noms des destinations : la comtesse se rend non pas à la grotte d'Ashur, mais au Haut Col... Là où jadis il y avait son manoir... Là où sur un grand plateau enneigé eut lieu une terrible bataille, il y a fort longtemps...
Pour ta question, fais attention aux noms des destinations : la comtesse se rend non pas à la grotte d'Ashur, mais au Haut Col... Là où jadis il y avait son manoir... Là où sur un grand plateau enneigé eut lieu une terrible bataille, il y a fort longtemps...
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Lun 15 Sep 2014 - 21:05
Dans une lointaine galaxie aussi, non ?
Sinon, merci de me faire remarquer mon erreur.
Sinon, merci de me faire remarquer mon erreur.
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Ven 19 Sep 2014 - 14:26
Son regard rencontra le sien.
- As-tu d’autres secrets de la même espèce ?
Ashur laissa passer un moment de silence avant de répondre, détournant ses yeux.
- Essaies-tu de m’hypnotiser, Delphine ?
Piquée au vif par son ton ironique, elle se rendit compte que sa tentative avait échoué. Néanmoins, elle se mit de nouveau en face de lui, cherchant son regard.
- Réponds-moi
- Tu n’as pas à m’y obliger.
- Je te le demande, Ashur, car tu m’as choisie pour amante. Tu ne dois rien me cacher.
Ashur éclata de rire, puis tendit ses mains vers elle, l’étreignant peu à peu. Elle posa ses mains sa poitrine, son regard rivé sur le sien. Ils restèrent ainsi un long moment, immobiles dans la nuit.
- Il n’y a rien que tu ne doives savoir que je ne t’aie pas dit, - murmura-t-il.
- Prouve-le, - insista-t-elle.
- Tu veux tout savoir sur moi, est-ce cela ?
Elle n’eut pas à lui répondre. Son souhait se voyait sur son visage. Une imploration à peine réprimée.
Sans relâcher son étreinte, Ashur rapprocha sa main droite de sa propre joue. Lentement, délibérément, il s’entailla la peau, laissant le sang noir perler sur la coupure. Tout au long, il n’eut de cesse d’adresser à Delphine en sourire affectueux. A présent, il parla, appuyant chaque mot :
- Tout est dans le sang.
L’ombre d’incrédulité sur le visage de sa bien-aimée ne dura guère. Elle s’approcha de lui, puis posa ses lèvres sur sa joue entaillée, et but.
*…*
Dès la première gorgée, sa gorge se noua. Toujours entre les bras du vampire millénaire, son corps tout entier fut secoué d’une violente convulsion, déformant ses traits, ses yeux grands ouverts ; une goutte seulement eut été avalée. Le sourire d’Ashur s’effaça.
- DELPHINE !
Il la maintint debout, alors qu’elle sembla au bord de l’évanouissement.
- DELPHINE !
Elle fut prise d’une effroyable crise de toux, comme cherchant désespérément à recracher quelque chose. Sans succès. Son regard perdu dans le vide, elle ne put qu’implorer : « Ashur… »
« DELPHINE ! »
Il avait mésestimé son sang. Sa puissance impie. Les différentes transformations auxquelles celui-ci avait été confronté. Il sentait à présent son propre sang se répandre en elle, tel un poison.
Il l’allongea par terre, une lente mélopée aux lèvres. L’air se condensa autour de lui, alourdi par les forces arcaniques qu’il invoquait. Le vent s’intensifia, jusqu’à devenir de puissantes bourrasques balayant le haut plateau ; Ashur s’efforçait à concentrer sa puissance en flux curatif, réprimant les effets dévastateurs qui se révélaient en son sang, jusque là insoupçonnés. Rien ne lui échappait : chaque parcelle de sa bien-aimée était comme soumise à une rude torture, tel un acide qui corrompt n’importe quel métal.
Les nuages s’accumulèrent au-dessus d’eux, chargés de vents de magie ; magie que le vampire millénaire ne se privait pas de drainer, encore et encore. Il sentait la conscience de Delphine lui échapper, rongée petit à petit par la folie contenue dans son sang, une solution d’horreurs vécues, d’horreurs infligées, de peurs et de passions inconnues des mortels. Lui avait noyé son esprit dans l’oubli ; elle voulut tout savoir, et en payait le prix à présent.
Tout autour, la vapeur montait du sol, la neige sublimée par la soudaine poussée de chaleur environnante. Insensible, Ashur continuait d’incanter.
La chape de nuages se fissura au-dessus de lui, laissant Morrslieb, la lune maudite, percer à travers. Un intense halo verdâtre l’entourait. Impassible, Ashur continua d’incanter.
Non loin, une aveuglante lumière verte vint fendre les cieux et incendier l’un des arbres en contrebas. Peu après, un effroyable coup de tonnerre retentit.
Plusieurs autres éclairs percutèrent encore le sol. La voix d’Ashur gagna en puissance, plus vibrante encore que le fracas de la tempête.
Soudain, un éclair plus aveuglant et plus sinistre encore que tous les précédents frappa le sol devant lui, et se figea ainsi, baignant le plateau craquelé par les secousses d’une intense lumière.
Ashur sentait que la progression du poison avait été endiguée, mais ne parvenait pas à l’extirper de l’être de sa bien-aimée. Il ne fit pas attention au phénomène surnaturel qui survenait devant lui. Cependant, la faille lumineuse s’élargit.
Une énorme patte crochue s’agrippa au rebord de la faille, ainsi que l’autre fit de même à l’opposé. Dans un assourdissant crépitement d’émanations occultes, répandant des éclairs bleus dans tous les environs, la faille s’élargit doucement.
Alors, Ashur leva son regard, et contempla la gigantesque apparition : un portail démoniaque, s’étendant du ciel à la terre. Peu à peu, une forme se détermina à l’intérieur : celle d’un colosse à deux têtes, une abominable créature bicéphale ; les deux pattes crochues lui appartenaient.
Les pupilles du vampire millénaire se rétrécirent, un rictus de mépris déformant ses traits, mais aussi, pour la première fois depuis une éternité, de crainte. L’apparition avait déjà presque franchi le portail, et sa présence seule était porteuse de fléaux et de malédictions muettes.
Avec la vitesse et l’apparence d’un autre éclair bleuté, une autre forme allongée fusa de la faille, se plantant violemment dans le sol, prenant immédiatement la forme d’un imposant sceptre faisant trois fois la taille d’un humain. A son sommet, un énorme tome s’ouvrit à la volée, les bourrasques impies ratissant ses pages tracées de lettres et de symboles inconnus. Une sculpture dorée rehaussait le livre, rappelant un croisement entre un dragon et un poisson, la gueule parsemée de dents acérées.
Alors que la masse imposante de la créature se frayait librement un chemin à travers la faille, une de ses pattes crochues d’empara du sceptre.
Ashur ne chercha pas à comprendre ce qui se tenait devant lui. Il lui suffisait de savoir qu’il s’agissant d’un être de puissance comparable, non, de puissance incommensurablement surélevée par rapport à la sienne. Il vit dans la lumière bleutée que malgré sa forme titanesque, le géant était de corpulence chétive ; deux ailes noires aussi grandes que la nuit le rendaient bien plus imposant qu’il ne devait l’être. Les deux têtes, quant à elles, étaient affublées de becs de corbeau, alors que la peau tout autour était recouverte de plumes.
Il ne savait si le temps pressait ou si le temps s’était arrêté. La magie venait à lui aussi librement que si elle cherchait à l’atteindre d’elle-même, mais il croyait évident qu’une telle facilité avait un prix à payer, et que l’abomination devant lui ne tarderait pas à le nommer. Sa nature, il la devinait. Ses intentions, il n’osait les deviner.
- QUI OSE AINSI ? – croassa l’une des têtes.
- C’EST LUI, LE VAMPIRE, LE FOU, ASHUR, QU’ON L’APPELLE, DANS LE PARCHEMIN, - répondit l’autre tête.
- LE VOLEUR, L’USURPATEUR, QUI PREND SANS JAMAIS RENDRE, QUI ECHOUE, MAIS QUI DOIT SERVIR !
- IL DOIT SERVIR !
- IL PAIE LE PRIX !
- IL LE PAIE, EVIDEMMENT !
- MAIS CE SERA INUTILE !
- TOUT EST DÉJÀ TRACÉ !
- IL DOIT LE RETRACER !
- RIEN NE SERA RETRACÉ ! – le livre du sceptre, immobilisé depuis un moment, se remit soudain à tourner ses pages de manière frénétique, sans jamais arriver à la fin.
- L’ORDRE EST DONNÉ ! TOUT DOIT ETRE FAIT ! TOUT !
- C’EST OUI OU C’EST NON ! PERSONNE NE LE SAURA JUSQU’AU BOUT !
- TOUT DOIT ETRE FAIT ! TOUT !
- LUI AUSSI !
- IL PAIE LE PRIX !
- IL PAIE LE PRIX ! TOI ! – la main crochue qui ne tenait pas le sceptre pointa du doigt le vampire millénaire. – TU SERS NOTRE MAITRE !
- IL SERT NOTRE MAITRE !
- LE GRAND DESSEIN DE NOTRE MAITRE !
- LE GRAND DESSEIN DE NOTRE MAITRE !
- QUI LUI-MÊME NE SAIT PAS !
- QUI LUI-MÊME NE SAIT PAS !
- IL SAIT !
- IL SAIT !
- MAIS PAS TOUT ! LE TOUT EST LA-BAS !
- LE TOUT FUT, EST ET SERA LA-BAS !
- NOUS SERONS LA-BAS ! NOUS Y ETIONS !
- NOUS Y ETIONS ! TOI ! – le doigt était toujours pointé sur Ashur.
- CE QUE TU DEVAIS FAIRE, TU NE L’AS PAS FAIT !
- CE QUE TU DEVAIS FAIRE, TU NE L’AS PAS FAIT !
- TUE MANNFRED VON CARSTEIN !
- TUE-LE ! LE VAMPIRE DE SYLVANIE ! LE JUGEMENT A RENDU SON VERDICT ! IL DOIT MOURIR AVANT L’ECLIPSE DE L’AN APRES L’AN APRES CET AN !
- AVANT L’ECLIPSE DES DEUX LUNES !
- AVANT L’ECLIPSE DES DEUX LUNES !
- LE POUVOIR QUE TU AS VOLÉ, IL T’EST LAISSÉ !
- TUE LE VAMPIRE !
- TUE-LE !
Ashur eut soudain une poussée d’orgueil, ou de désespoir, il n’aurait pu dire lequel.
- SAUVEZ-LA ! – il désigna le corps de Delphine d’Essen. – SAUVEZ-LA ET JE LE TUERAI !
- HAHAHAHAHA !
- IL FAUT QU’ON LA SAUVE !
- IL FAUT QU’ON LA SAUVE ! IL LE DIT, LE FOU, ASHUR, QU’ON L’APPELLE, DANS LE PARCHEMIN !
- ELLE MOURRA !
- ELLE MOURRA ! ELLE N’EST RIEN !
- ELLE MOURRA ! TUE LE VAMPIRE ! TUE-LE !
- SAUVEZ-LA ET JE LE TUERAI !
Il sentait que la magie ne lui obéissait plus de la même manière. L’abomination, elle, semblait faite de magie pure, à laquelle rien ni personne ne pouvait résister. Néanmoins, quelque chose lui disait que si la comtesse mourait cette fois-ci, ce serait à jamais, sans retour. Sa conscience serait détruite par le sang maudit, ne laissant derrière qu’un corps inerte et à jamais inutile.
- SAUVEZ-LA ET JE LE TUERAI ! – répéta-t-il.
- LES FILS DU DESTIN SONT TENDUS !
- ILS SONT TENDUS ! ELLE NE COMPTE PAS DANS LA TOILE DU GRAND DESSEIN DU MAITRE SUPREME !
Ashur changea soudain de ton, sachant pertinemment qu’il n’avait pas besoin de hurler pour que l’on l’entende.
- Tout doit être fait. Avec elle, je tuerai le vampire.
Le livre du sceptre remua ses pages de plus belle.
- RIEN !
- RIEN !
- RIEN !
- RIEN !
- RIEN POUR !
- RIEN CONTRE !
- LES FILS DU DESTIN SONT LES MÊMES !
- MAIS L’ORDRE A ÉTÉ DONNÉ !
- TOUT DOIT ÊTRE FAIT !
- TOUT DOIT ÊTRE FAIT !
- TOUT DOIT ÊTRE FAIT !
- TOUT DOIT ÊTRE FAIT !
- IL SERT NOTRE MAITRE !
- C’EST UN VAMPIRE ! IL TRAHIT !
- TELLE EST L’ECRITURE DU PARCHEMIN !
- MAIS L’ORDRE A ÉTÉ DONNÉ !
- TOUT DOIT ETRE FAIT !
- TOUT DOIT ETRE FAIT !
- MAIS LA TRAHISON SERA PUNIE !
- ELLE LE SERA !
- NOUS VEILLERONS !
- NOUS VEILLERONS !
La sculpture rehaussant le livre du sceptre brilla de la même aura blutée qui entourait la faille. Tout autour, la tempête surnaturelle continuait de rugir. Soudain, Ashur vit une forme ectoplasmique se distiller de la sculpture. Bleue, luminescente. Elle glissa lentement sur les pages du livre, emportant quelques symboles au passage, puis le long du sceptre, jusqu’en bas, jusqu’à prendre forme.
Un dragon. Un petit dragon de feu, faisant la longueur d’un coude, regarda le vampire millénaire. Un instant avant, ses yeux brillaient du même halo maudit que la faille, mais ils s’éteignirent. Pas même l’ombre d’une malice occulte ne subsistait dans la créature, mais Ashur savait que ce n’était qu’une tromperie. Il observa le dragon s’approcher lentement de la comtesse, déployant au passage ses ailes, puis les repliant. Arrivé près de son but, il s’allongea, replié sur lui-même, comme endormi.
Le démon tendit soudain son sceptre vers le corps de la comtesse ; un éclair en sortit, percuta sa cible ; Ashur vit la lumière se répandre partout dans son être, puis se réunir en un seul point, qui sortit par la bouche de sa bien-aimée : la goutte de son sang.
Celle-ci vola brusquement vers le démon, dont les deux têtes entamèrent une brève dispute sur qui avalerait la goutte, claquant de leurs becs dans tous les sens, tentant d’attraper le liquide précieux à leurs yeux. Finalement, l’une des têtes l’emporta.
- LA PUISSANCE !
- LA FOLIE !
- UNE SEULE PARCELLE TUE !
- UNE SEULE PARCELLE ! TOUT APPARTIENT AU MAITRE !
- TUE LE VAMPIRE !
- TOUT DOIT ETRE FAIT !
- SINON, TU PAIRAS LE PRIX !
- IL PAIERA LE PRIX, LES FILS DU DESTIN SONT TENDUS !
- MAIS L’ORDRE A ÉTÉ DONNÉ !
- L’ORDRE A ÉTÉ DONNÉ !
- TUE LE VAMPIRE !
Pas à pas, sans cesser de clamer l’ordre, le démon bicéphale se retira dans la faille. Le bruit assourdissant des pages frémissantes du sceptre paraissait à présent voiler le fracas du tonnerre. La lumière bleutée crépita de plus belle, alors que la faille se refermait. Ce ne fut peu après qu’une fente azurée, entourée d’un halo impie. Tout autour, la terre fumait. Là où le démon avait marché, tantôt un arbre poussait en quelques instants, atteignant la taille des sapins qui brûlaient non loin, tantôt un rocher se formait, gravé de runes impies desquelles émanait l’aura du chaos, tantôt un gouffre sans fond apparaîssait. Ashur ne pouvait en détacher le regard. Lorsque la faille se referma pour de bon, la tempête continua encore jusqu’au matin, alors que le vampire millénaire observait peu à peu sa bien-aimée reprendre conscience. Lorsqu’il observa les alentours, il vit le plateau désormais méconnaissable, déformé à jamais par la venue du démon. Miraculeusement, les cadavres des chevaliers de sang dont les corps étaient en bonne voie de réparation n’ont pas été altérés.
En revanche, les chevaliers noirs de la comtesse ainsi que la garde de revenants en armures lourdes avaient été réduits en poussière par les éléments déchainés. Toutefois, si ce qu’avait dit naguère le vieux nécromancien était vrai, la comtesse n’aurait aucun mal à les faire revenir.
- ASHUR !
Sa voix le fit sursauter, tellement elle lui parut familière mais à la fois distante par rapport à ce qui venait de se passer.
Plus loin au Nord, la lumière du soleil filtrait avec peine à travers la grisaille qui semblait recouvrir toute la contrée.
Il fut auprès d’elle en un instant. Sans lui donner le temps de dire quoi que ce soit d’autre, il l’enserra dans ses bras et l’embrassa. Il sentit son étonnement, puis sentit qu’elle lui rendait son baiser, mais aussi que cela ne saurait durer. Enfin, il desserra son étreinte.
- Ashur, - elle avait encore l’air angoissé, - que s’est-il passé ? Qu’ai-je vu ? Qu’as-tu vu ?
La voyant ainsi, le vampire millénaire sut qu’il ne saurait lui mentir ce coup-ci. Rien, aucune histoire ne saurait confondre les marques du chaos qui l’entouraient, et encore moins le petit dragon dont la comtesse ne semblait pas encore avoir remarqué la présence. Même si ses poumons n’en avaient plus besoin depuis une éternité, il prit une grande inspiration avant de tout lui raconter.
***
- Servir le chaos, est-ce cela ? Jamais.
- Moi seul en porte le fardeau, Delphine. Et Mannfred von Carstein sera mort parce qu’il ne te laissera pas conquérir sa province impunément.
Tout autour d’eux gisaient les cadavres de plusieurs dizaines de créatures à cornes de bouc et à sabots à la place des pieds. Attirés auparavant par le cataclysme vu de loin, puis par la sombre puissance des monolithes gravés de runes, ils avaient commis l’erreur de s’aventurer là où les seigneurs vampires n’avaient pas fini de parler.
- Ce « dragon » ne vient pas vers toi, pourtant, - fit-elle d’un ton méprisant, toisant la créature déambulant nonchalamment à ses pieds.
- Il partira dès que la tâche sera faite, j’en suis désolé.
- Je déteste être manipulée.
- Dois-je répéter que je suis désolé ?
- Non.
Un lourd silence s’ensuivit.
- Partons-nous toujours en guerre ?
La comtesse voulut rire, mais renonça, écœurée.
- Avons-nous le choix à présent, Ashur ?
- Non.
Le silence reprit, tempéré seulement par le vent dans les arbres nouveaux, et le claquement de la bannière royale des chevaliers noirs. La garde d’Essen, par contre, n’était plus.
- Qu’en pensera le vieux grincheux, Delphine ?
- Son nom est Friedrich von Nettesheim. Quand je lui ai dit que je partais en guerre, il a fini par me donner caution.
- Pour ce qui vient de se passer, il doit savoir. Il saura de toute façon.
- Pas Manon.
- Pas Manon, soit, je suis d’accord. Seuls nous trois. Dès que tu reviendras à Essen, envoie-la moi, et raconte tout à ton nécromancien. Nous aurons besoin de lui, tout au long de la campagne.
- Oui.
- Nous aurons besoin de troupes, tout au long de la campagne. L’autre abruti de ménestrel est en train de recruter là où il peut.
- Tu as réussi à lui donner des ordres ? – pour la première fois, l’affliction sur les traits de la comtesse laissa place à l’étonnement, si ce n’était l’amusement. – Je suis impressionnée, Ashur.
- Lui aussi nous sera utile. Son violon, ce n’est pas qu’un simple objet sans valeur. C’est un croisement de magie à lui seul. S’il vient à être brisé, voire même simplement endommagé, tous les sortilèges qui viennent d’être lancés à proximité sont immédiatement abolis.
L’espace d’un instant, la comtesse laissa paraitre son étonnement plus qu’évident, puis se reprit.
- Ce ne sera pas de trop quand nous y serons.
- Oui. C’est dommage pour les revenants, je croyais que tu les ferais revenir, comme tes chevaliers.
- Je ne sais pas comment cela fonctionne, Ashur, mais cela ne fonctionne qu’avec eux, et leur roi revenant.
- C’est toujours impressionnant. J’aurais voulu pouvoir faire de même.
Elle se tourna vers lui, affichant un sourire incrédule. Lui, Ashur, jaloux de son petit pouvoir ?
Il lui rendit son sourire.
- Nous devrions partir, Delphine. D’autres bestioles pourraient êtres attirées vers ce lieu, à présent.
- Je m’en occupe, - fit-elle avec un clin d’œil.
Quelque temps après, ils descendirent le chemin montagneux, les cadavres des chevaliers de sang et de leurs montures trainés par quelques hommes-bêtes animés par la nécromancie de la comtesse. Bien que toujours contrarié à la vue de la dhar en action, Ashur ne manqua pas d’agrémenter leur conversation de quelques compliments ; lui comme elle cherchaient à ignorer du mieux qu’ils pouvaient la présence du petit dragon à leurs côtés.
Arrivés au pied de la montagne, ils élurent rapidement de suivre le cours du Stir naissant, jugeant préférable par ailleurs de ne croiser aucun mortel sur leur chemin. Non que cela présenterait une menace, mais ni l’un, ni l’autre ne souhaitaient être tirés de leurs pensées pour si peu. La progression était pénible, et jugée indigne par les deux seigneurs de la nuit, impatients de trouver un endroit convenable où le rituel d’Ashur pourrait reprendre.
Ils laissèrent le Stir derrière eux, s’enfonçant de plus en plus dans les collines inhabitées. Lorsque finalement ils arrivèrent quelque part aux abords des Collines de l’Effroi, leur séparation se fit : Delphine repartait à Essen s’occuper des troupes de la non-vie avec le maître von Nettesheim, et Ashur restait sur place, jusqu’à résurrection simultanée des chevaliers de sang. Les adieux furent courts, chacun sentant l’œil insistant du chaos s’immiscer subrepticement dans leurs vies à travers le petit dragon démoniaque. Finalement, les collines dissimulèrent la chevauchée de la comtesse de la vue du vampire millénaire.
La première chose qu’il fit fut de pulvériser les marionnettes nécromantiques de sa bien-aimée, reprenant le rituel seulement après.
Ashur était insensible au changement des saisons, si tant est que l’on pouvait ressentir quoi que ce soit dans la venue d’un été disgracieux, faisant seulement pleuvoir des torrents de pluie à la place de la neige.
L’humeur du vampire millénaire changeait seulement quand la vampirette venait lui rendre visite, afin de rapporter des nouvelles de la ville, et de la progression que faisait son vieux maître dans la mobilisation d’une armée digne d’aller conquérir la Sylvanie.
La promesse fut tenue, et rien des événements survenus près du Haut Col ne fut révélé à Manon d’Essen. Ashur la voyait ainsi venir à lui, ignorante de tout, mais le peu qu’il pouvait en éprouver était noyé par sa propre distraction : le vent noir venait à lui, puis dans les cadavres des chevaliers de sang, ressoudant leurs os brisés, retissant leurs muscles et leur peau ; le vent du métal avait remis leurs armures en état il y a longtemps.
Cependant, il y eut une pensée qui ne cessa pas de hanter le vampire millénaire : la crainte de voir Manon d’Essen succomber ainsi, de la même manière, à quelque conjurateur de Hysh. Ainsi, puisant dans la puissance qui lui avait été accordée, il inocula à la vampirette une résistance inhumaine aux flammes, quelle que soit leur origine. Naturellement, elle lui en fut reconnaissante, gratitude à laquelle il n’accorda qu’une faible attention. Le moment approchait, le moment où les âmes des chevaliers vampires devaient revenir dans leurs corps, pour jurer loyauté à la cause de la comtesse, à jamais.
Leurs yeux s’ouvrirent. Leurs prunelles dilatées s’injectèrent de sang. D’un reflexe martial, chacun d’entre eux mit sa main au fourreau. Leurs épées étaient là, intactes.
- Vous êtes enfin réveillés, - résonna d’une note éreintée une voix proche.
Tous dégainèrent, immédiatement sur pieds, prêts à tuer.
- JE PEUX VOUS RENVOYER IMMEDIATEMENT DANS LE NÉANT SI CELA VOUS ARRANGE ! – tempêta la voix.
Ils virent en face d’eux une silhouette de carrure imposante, engoncée dans une armure complète, ses yeux rouges luisant dans la pénombre. Plus que la vision elle-même, l’aura qui en émanait évoquait la puissance.
Un bref silence s’ensuivit.
- Vous… - prit enfin la parole l’un des chevaliers. - … nous avez ramené en ce monde ?
L’aura impie redoubla d’intensité, comme menaçant à tout moment de se transformer en raz-de-marée qui engloutirait tout ce qui se dresse sur son chemin.
Mauroy de Brionne n’avait qu’un seul honneur. Bafoué une fois, son honneur appartenait désormais à celui qui le lui avait rendu. Ses chevaliers le suivraient ou mourraient pour rébellion.
Il s’agenouilla sans plus attendre devant la silhouette. L’instant d’après, il eut la satisfaction d’entendre les autres suivre son exemple.
- Nos épées sont les vôtres, ainsi que nos vies, - déclama-t-il d’une voix solennelle, après avoir enlevé son heaume finement ouvragé.
- Fort bien, - répondit la silhouette, dont la voix semblait reprendre des sonorités plus naturelles, - nous partons sur le champ.
C’était désormais la voix impérieuse et virile d’un homme mûr, sûr de lui-même, dont la volonté ne saurait être contrariée.
- L’un de vous n’aura pas de cheval, et devra voyager sur le mien, - dit l’homme, et deux destriers noirs de jais apparurent soudain de nulle part. – Si l’un de vous discute mes ordres, il lui servira de nourriture au lieu de cavalier.
A côté d’eux, quatre destriers cauchemardesques aux caparaçons écarlates se mirent debout.
- Dépêchons ! – ordonna l’homme en bondissant sur l’un des destriers d’ombre. – Il doit y avoir des mortels à l’est, assez de quoi vous sustenter. Dès que ce sera fait, nous repartirons vers, l’ouest, puis vers le sud, puis vers la guerre !
- LA GUERRE ! – clamèrent en chœur les cinq chevaliers de sang, chacun conscient que tout délai ne serait pas toléré.
Leurs noms n’importaient pas, l’identité de leur chef n’importait pas plus. Ils avaient été occis, et celui qui leur avait redonné une chance de briller sur les champs de bataille serait suivi et obéi partout sans discussion. Les discussions attendraient la fin de la prochaine bataille.
La guerre, elle, ne finissait jamais.
Épilogue : fin de Vampire at war : les chroniques d’Essen !
Je vous écris ces lignes moins de quarante-huit heures avant une effroyable bataille à 6000 points, qui opposera toutes les forces de ma comtesse à la puissance d’Emmanuelle von Carstein, redoutable vampiresse sylvanienne.
Cette bataille marquera le début de la nouvelle partie de la série Vampire at war, car mes héros auront dès lors quitté Essen pour peut-être ne plus jamais y revenir… En plus de cela, n’oubliez pas les mots mystérieux qu’a prononcés le démon : les fils du destin sont tendus… Quel destin attend la Sylvanie dans pas plus de deux ans ? Nous le savons tous, de près ou de loin. Mais quel sera le destin de mes héros dans tout ce tumulte ? Je suis le premier à vouloir le savoir, croyez-moi !
J’espère qu’en bons lecteurs et lectrices vous me souhaiterez bonne chance dans cette bataille ardue qui attend Delphine d’Essen et ceux qui la suivent, car j’en aurai besoin. Mon adversaire sera expérimenté et sans pitié, et il n’attend pas moins de ma part. Les dés trancheront !
Vampire at war ! Les vampires partent en guerre !
- GilgaladMaître floodeur
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Ven 19 Sep 2014 - 16:50
C'et dommage que ce soit la fin de cette partie de l'histoire mais comme elle continuera, ce n'est pas grave.
Sinon, cette suite est toujours aussi bonne que les précédentes et j'attendrai avec impatience la suite des aventures de tes personnages.
Enfin, bonne chance pour la bataille de demain. J'espère que les dieux des dés seront avec toi. Et tes chevaliers de Sang auront intérêt à briller parce que sinon Abhorash ne sera pas content.
Sinon, cette suite est toujours aussi bonne que les précédentes et j'attendrai avec impatience la suite des aventures de tes personnages.
Enfin, bonne chance pour la bataille de demain. J'espère que les dieux des dés seront avec toi. Et tes chevaliers de Sang auront intérêt à briller parce que sinon Abhorash ne sera pas content.
- Nyklaus von CarsteinSeigneur vampire
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Ven 19 Sep 2014 - 20:37
Très bonne fin! J'attendrais la suite avec impatience!
Bon courage pour ta partie!!! Détruit ton ennemi, il ne doit en rester pas plus que des cendres !!
Bon courage pour ta partie!!! Détruit ton ennemi, il ne doit en rester pas plus que des cendres !!
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 24 Sep 2014 - 18:51
La disparition des chevaliers noirs et du revenant est-elle dû à une certaine partie ?
Je rattrape mon retard pour découvrir la fin d'un sujet et le début d'un autre... Encore à lire !
Sinon bravo, je dois dire que cette fin se fait en apothéose tant au niveau scénaristique qu'au niveau stylistique
Je rattrape mon retard pour découvrir la fin d'un sujet et le début d'un autre... Encore à lire !
Sinon bravo, je dois dire que cette fin se fait en apothéose tant au niveau scénaristique qu'au niveau stylistique
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 24 Sep 2014 - 19:02
Les chevaliers noirs et leur roi ne sont pas disparus (je les ai déjà peints, je les adore, ils ne vont pas disparaitre comme ça ). C'est la garde d'Essen, unité fictive de gardes des cryptes qui a disparu
Et merci du compliment
Par ailleurs, si jamais un lecteur ou une lectrice qui joue les démons du chaos passe dans le secteur, il ou elle saura peut-être reconnaitre le démon qui est apparu devant mes vampires...
La suite du récit est déjà sortie ! Cliquez ici !
Et merci du compliment
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 24 Sep 2014 - 19:05
Je ne les joue pas et pourtant j'ai réussi à savoir qui c'était rien que grâce au fait qu'il ait deux têtes. Rien que pour le suspense je ne dirai rien
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 24 Sep 2014 - 19:15
Moi qui suis une vraie buse concernant les créatures des autres armées, je vais me laisser le plaisir de découvrir
Désolée Von Essen, sur le coup je me suis mélangée les pinceaux entre chevaliers de sang/revenants/GDC
Désolée Von Essen, sur le coup je me suis mélangée les pinceaux entre chevaliers de sang/revenants/GDC
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 24 Sep 2014 - 19:47
Alors autant je peux comprendre entre revenants et GDC mais alors entre chevaliers (ou dragons ?) de sang et des squelettes, là je ne comprends pas du tout. Il doit pourtant y avoir une différence entre les des squelettes et des vampires non ?
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 24 Sep 2014 - 20:18
C'est juste qu'entre les synonymes, les paraphrases et tout ce genre de trucs qu'il a fait de ses unités, je me perds un peu
(mais je suis malade donc shootée, ceci explique peut-être cela ^^)
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 24 Sep 2014 - 21:30
En effet, cela doit sûrement expliqué cela car je n'avais eu aucun mal à comprendre la différence entre les deux.
D'ailleurs j'ai une question pour Von Essen. S'agit-il bien de Chevaliers de Sang et pas de Dragons de Sang ? Car le fait d'être Dragon de Sang n'implique pas d'être Chevalier de Sang. En effet, pour être chevalier de sang, il faut faire partie de l'ordre de Walach Harkon qui s'est plus ou moins détourné de l'enseignement d'Abhorash vu que lui-même ne poursuit plus vraiment la quête d'absolu martial en créant un ordre de chevalerie (et ce bien avant l'histoire dans le bouquin de Nagash).
D'ailleurs j'ai une question pour Von Essen. S'agit-il bien de Chevaliers de Sang et pas de Dragons de Sang ? Car le fait d'être Dragon de Sang n'implique pas d'être Chevalier de Sang. En effet, pour être chevalier de sang, il faut faire partie de l'ordre de Walach Harkon qui s'est plus ou moins détourné de l'enseignement d'Abhorash vu que lui-même ne poursuit plus vraiment la quête d'absolu martial en créant un ordre de chevalerie (et ce bien avant l'histoire dans le bouquin de Nagash).
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Re: Vampire at war : chroniques d'Essen
Mer 24 Sep 2014 - 21:53
Je songe à ce qu'il s'agisse bien de chevaliers de sang. Ils portent après tout une des bannières du Fort de Sang, ce qui signifie leur appartenance à l'ordre de près ou de loin...
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