Le deal à ne pas rater :
Funko POP! Jumbo One Piece Kaido Dragon Form : où l’acheter ?
Voir le deal

Aller en bas
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Concours de récits 2022 - Textes

Sam 10 Sep 2022 - 16:03
Bonjour à tous,

Ce sujet accueillera les textes des différents participants. Pour rappel, vos textes doivent être envoyés au comte de la crypte qui les postera anonymement ici.

Au départ je voulais n'ouvrir ce sujet qu'avec le premier texte envoyé, mais finalement pourquoi remettre à demain ce qu'on peut faire dans l'après-midi ? Mr. Green

Tous les commentaires, questions, rp, sont à envoyer directement dans le sujet des discussions : dans la crypte elle-même.

Pour rappel, les règles de cette année sont les suivantes  :
- Le thème de cette année est le vol. L'interprétation du mot est tout à fait libre.
-  Chaque récit doit faire au plus 8000 caractères (espaces inclus) ou moins de deux pages word (Times New Roman, police 11, intervalle 1.0).
-  Les récits doivent se dérouler dans l'univers de Warhammer (Age of Sigmar est également autorisé)
-  Le envois des textes sera possible jusqu'au au 16 Octobre 2022 à 23h59 (plus éventuel retard des organisateurs Whistling )
-  Les inscriptions sont autorisées tout au long du concours. Même à la veille de la clôture.
-  Toute inscription romancée (même courte) donne un point bonus ! Vampire 2
-  Toute personne ayant lu les textes peut voter, qu'elle participe ou non au concours.
-  Les votes se feront par podium de 3 (1er texte 3 points  Vampire 2  Vampire 2  Vampire 2 , 2e texte 2 points  Vampire 2  Vampire 2 , 3e texte 1 point  Vampire 2 ).

Les règles spécifiques à cette année sont :
-  Les textes seront envoyés par MP au Comte, qui les publiera 48h après réception sur le sujet dédié aux textes. Les textes apparaitront donc anonymes (il est donc fortement recommandé de donner un titre à vos textes pour permettre un vote sans ambiguïté ensuite)
-  A l'issu des votes, les noms des auteurs seront rajoutés par édition des messages dans le sujet des textes afin que les générations futures puissent quand même vous attribuer la gloire de vos textes bien entendu. Pour ceux qui le souhaiteront, vous pourrez à l'issu des votes reposter votre texte pour qu'il apparaisse en votre nom dans le sujet des textes. Le Comte supprimera alors le texte qu'il avait posté pour éviter le doublon dans le sujet.
-  Lors du vote, vous distribuerez dans votre podium des points aux textes, sans connaitre les auteurs de ceux-ci !
- De plus, dans votre message de vote, vous pourrez choisir un texte, et tenter de le percer à jour en annonçant qui vous pensez en être l'auteur. Si vous avez vu juste, vous et l'auteur identifié gagnerez 0,5 point chacun  Vampire 2 ! Si en revanche vous vous trompez, alors vous donnerez 1 point Vampire 2 au vrai auteur du texte !
-  Si quelqu'un a déjà attribué un texte à un auteur dans un des deux messages de vote au dessus du votre, il ne sera plus possible de faire la même déclaration. Vous pourrez cependant toujours affirmer que ce texte appartient à un autre auteur, ou tenter d'identifier l'auteur d'un autre texte.
-  Le Comte ayant accès aux noms des auteurs textes, il ne pourra pas recevoir ou donner de point de cette manière.

Bonne journée à tous et dans la hâte de vous lire !  Happy



Après clôture des votes et consécration du nouveau Comte, la liste des textes et de leurs auteurs est maintenant disponible :
"Les grandissimes et épastrouillantes pérégrinations du grand escroc Gumbagubanga le magnifique", de Franziska Schrei
Jojo de Arcanide valtek
Nid d’étoiles de Hjalmar Oksilden
L’enfant mage de Ethgri Wyrda
Le jardin de l'Empereur de vg11k
La Marchande et le Voleur de Lanoar
Le vol du dragon de Gilgalad
De Haut Vol de Keraad de Gespenst
Décrocher la lune, oui-oui! d'Arken
Un Oeuf. de Thomov Le Poussiéreux

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Dim 11 Sep 2022 - 22:44
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes. Camouflé Ninja




"Les grandissimes et épastrouillantes pérégrinations du grand escroc Gumbagubanga le magnifique"




Le collège gris ainsi que le collège impérial d’illusionnisme se sont récemment concertés dans une enquête concernant des activités criminelles survenant dans le sud ouest de l’empire. Le rapport de leur enquête révèle quelques éléments curieux.

Rapportés par les répurgateurs de la région, dont la suspicion était justifiée, les témoignages affluaient sur une étrange caravane voyageant de ville en villages. On voyait débouler sur les routes cette roulotte très somptueuse, entourée de milles artifices visant à attirer le chaland. Les espions du collège gris qui ont pu observer la chose affirment que cette roulotte était entourée d’une quantité formidable d’Ulgu transpirant dans toutes les directions, mais le vent gris n’était pas utilisé pour dissimuler ou créer une chape de ténèbres, bien au contraire.

On décrit un splendide chariot rutilant entouré de lumières éblouissantes et multicolores. Des formes douceâtres comme de petits nuages d’or et d’azur s’enroulaient autour d’arabesques tendres et éclatantes. La roulotte avançait en faisant vibrer la magie tout autour, dans une fanfare de lumières ahurissantes, un fumet capiteux et déroutant, et une musique guillerette au rythme entrainant.

Au dessus de l’imposante et rayonnante structure de la roulotte, une large enseigne rendue brillante par Ulgu affichait le titre ronflant :


« Der große Zauberer Gumbagubanga !
Zaubertrank und Wunder zu den besten preis ! »




Tout autour, une foule suivait, serviteurs en livrées multicolores et incohérentes, comme le personnel d’un cirque. Ils avaient des silhouettes décrites comme bigarrées, souvent difformes, et jouaient de nombreux instruments, flûtes et trompettes en passant par les tambours et hautbois. Leur musique et leur démarche claudiquante annonçait l’arrivée du magicien autoproclamé, Gumbagubanga. Il est à noter que dès leur première apparition, des badauds ainsi que certains agents ont essayé d’adresser la parole aux laquais, mais ceux-ci faisaient preuve d’un mutisme on ne peut plus suspect.

Le seul serviteur de Gumbagubanga à parler est celui qui se tient debout au sommet de la roulotte, sur une estrade prévue à cet effet juste en dessous du grand panneau brillant. Un jeune garçon qu’on devait situer dans les quinze ans, revêtu d’une tenue de valet très riche et très propre à la mode de Nuln, comprenant un petit chapeau noir serré, un plastron blanc et une veste en queue de pie, avec une grande baguette qu’il remuait en rythme avec la chanson des laquais.

Ce jeune garçon répétait alors au rythme de la chanson des slogans contant les louanges du grand enchanteur Gumbagubanga. Aux questions posées par des badauds concernant ce magicien inconnu de nos services, il répondait que Gumbagubanga était : « Un grand, un immense enchanteur venu de bien au-delà des horizons de l’empire, venu d’un autre hémisphère, un magicien immense aux connaissances étrangères et exotiques ayant eu la grâce et la magnanimité de venir offrir aux terres de l’empire de Sigmar sa grandissime et admirable présence. Il leur accordera les immenses bienfaits de ses enchantements, de ses philtres toujours réussis et à tout petits prix, et bien d’autres prodiges et merveilles. Car le grand enchanteur Gumbagubanga saurait faire se lever le soleil en pleine nuit et pour des sommes très modiques, il vous offre de quoi faire resplendir vos fêtes et les anniversaires. Pour un prix qui défie toute concurrence, Gumbagubanga vous confectionne sur mesure les talismans connus seulement dans l’autre hémisphère et qui seuls sont efficaces contre les mauvais esprits, les mauvais sorts et les vampires. Pour une somme tout à fait digne, le grand enchanteur Gumbagubanga peut aussi plonger son regard dans l’éther et vous révéler votre avenir, car même cela n’est pas hors de son pouvoir qui est immense ! »
Et ces discours étaient ponctués par des éructations de feu et de fumées multicolores jaillissant des cheminées de la roulotte. Des vapeurs de potions alchimiques et de philtres enchantés entouraient toute la roulotte qui dansait presque au son de la musique, comme un cabaret ambulant. Et partout où ils passaient, passée la première frayeur qui agitait la population, ils finissaient par repartir chargés d’argent en ayant vendu une foule de colifichets, de philtres en tout genre, et bien entendu d’enchantements et bénédictions intangibles. Chaque fois, les répurgateurs finissaient par intervenir, se lançant à la poursuite de la roulotte, pour découvrir avec frustration qu’elle avait disparue, volatilisée ou bien camouflée par Ulgu.

Les agents du collège ont essayé d’approcher le garçon qui servait de porte parole à ce prétendu Gumbagubanga. Un dossier avait déjà été dressé pour escroquerie, fausse identité, commerce illégal, et bien entendu utilisation illégale de la magie. Les premiers agents à approcher le garçon ont demandé à parler à Gumbagubanga, mais le serviteur prétextait que son grand et puissant maitre ne parlait pas le reikspiel. Un autre agent plus astucieux s’est assuré en payant une petite fortune d’avoir une entrevue avec le magicien pour une séance de voyance. Le garçon l’a alors guidé à l’intérieur de la roulotte, devant une table où attendait une silhouette colossale vêtue de robes multicolores et d’un grand chapeau pointu. Le magicien ne bougea pas, et l’agent prétend même plutôt avoir eu l’impression d’être face à un mannequin ou un cadavre. Quelques grognements sont montés de la chose, ainsi qu’une odeur de décomposition, et c’est le jeune serviteur qui fit traduction de toutes les prédictions de Gumbagubanga.

Après cette étape de l’enquête, une découverte fit tout à fait changer d’approche les agents du collège gris. En effet, on témoignait que les villages visités par la roulotte de Gumbagubanga avaient été dépouillés d’une part de ce qui leur appartenait : leurs morts. Les cimetières avaient été vandalisés, et des tombes retournées, les cadavres devenus introuvables. Le dossier d’enquête rajouta sur Gumbagubanga des soupçons prononcés de nécromancie. Le magicien que l’agent avait rencontré n’était peut-être d’ailleurs qu’un leurre, et une analyse poussée de plusieurs agents déguisés en badauds semblait tendre vers la conclusion que les autres laquais de la roulotte étaient eux aussi des zombis animés par magie noire, à peine déguisés avec Ulgu.

Mais chaque fois que des répurgateurs pointaient le bout de leur nez, Gumbagubanga et sa roulotte étaient volatilisés. Il fut décidé de leur tendre un piège. Un compagnon sorcier du collège gris se plaça en embuscade dans le cimetière d’un village au moment où la roulotte le traversait. L’umbramancien embusqué attendit longuement, jusqu’à ce que dans la nuit, alors que la caravane du charlatan avait déjà disparue, il voie se dessiner plusieurs silhouettes.

C’étaient des formes colossales, escortant une petite silhouette qui tenait une lanterne sourde. L’agent parvint assez vite à reconnaître le garçon qui servait de porte paroles à Gumbagubanga, ainsi que plusieurs des serviteurs, armés de pelles. À sa grande stupeur, quand l’agent vit le garçon sans son chapeau et sa tenue habituelle, ne se forçant plus dans sa posture rigide et dansante, il comprit que c’était en fait une femme, et plutôt dans la vingtaine. Elle invectivait ses serviteurs qui n’avaient pas plus de réaction que des automates.
« Vite enfin ! Je n’ai pas de temps à perdre. C’est déjà compliqué de maintenir tous ces sorts à la fois… oh, si seulement j’avais quelque aide. La magie m’épuise. »
Quelques instants après, l’agent la vit faire sortir de leurs tombes plusieurs corps, et repartir avec dans la nuit.

Cette dernière entrée est la plus importante de l’enquête. Nous sommes désormais focalisés sur une affaire de vol de cadavres avec pratique de nécromancie. Le suspect n’est plus un  magicien étranger, mais bien une jeune femme impériale maitrisant le vent d’Ulgu. Une renégate du collège gris semble la piste la plus plausible. L’enquête est toujours en cours.


Dernière édition par ethgri wyrda le Dim 16 Oct 2022 - 21:31, édité 2 fois

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Sam 15 Oct 2022 - 21:55
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes Camouflé Ninja



Jojo




Jojo a encore cassé un vase. Il a vraiment pas fait exprès, c’est parce qu’on jouait aux soldats dans le salon parce que maman a dit qu’il faisait trop moche pour que j’aille dehors. Mais Jojo il aime bien jouer dedans, il dit que c’est rigolo de zigzaguer entre les meubles, et c’est vrai que c’est rigolo, surtout quand on joue aux soldats, parce que ça fait comme une vraie bataille. Alors avec Jojo il y en a un qui fait le gentil et l’autre le méchant, mais personne ne veut faire le méchant alors on a tiré à la courte paille et c’est moi qui ai fait le méchant. J’étais triste mais on a dit qu’après on échangerait. Les règles, c’est que le méchant se cache pour prendre le gentil en embuscade, comme papa à la guerre. Même que papa a ramené une fois une tête sur une planche de bois. Il a dit que c’était un trophée, et c’était terrible. Mais maman, elle n’a pas aimé, et elle m’a mis les mains sur les yeux en disant à papa qu’il devait sortir ce truc de sauvage de la maison. Papa, il a dû faire une drôle de tête, mais je ne l’ai pas vu à cause des mains de maman. Il a dit que c’était une récompense parce qu’il avait tué ce monstre. Il a dit des tas de gros mots sur la saleté qu’il avait tuée et moi je rigolais bien, mais maman elle lui a dit d’arrêter de dire des grossièretés devant l’enfant et il est parti avec la tête. Mais je l’ai trouvée dans le grenier, et elle est terrible ! Quand je serai grand, je serai un grand soldat comme papa, et je tuerai des tas de monstres et j’aurai plein de trophées et mon papa sera très fier.

Alors du coup, je me suis mis en embuscade derrière le buffet de la salle à manger, et là, quand Jojo est passé, je lui ai sauté dessus en criant que j’allais lui prendre sa tête comme trophée. J’ai voulu le taper avec mon épée de bois que papa m’a offert pour mes huit ans, mais il m’a vu et il a couru. Et c’est vrai que je criais fort et que ce n’était pas difficile de me repérer. Il court très vite Jojo, je n’arrive jamais à le rattraper, mais là il a voulu me faire une grimace en courant, et ce n’était pas une très bonne idée parce qu’il n’a pas vu le pli dans le tapis et au lieu de faire la grimace il a eu l’air drôlement surpris. Il a fait tout un tas de cabrioles et bang, il a tapé le buffet. Et là le vase qui était dessus est tombé et s’est cassé, alors on s’est regardé et on a couru tous les deux vers ma chambre. Mais maman nous a trouvé avant. Elle est très forte pour savoir quand je fais une bêtise, mais là ce n’était pas moi.

« C’est Jojo » j’ai dit. « Il a tapé contre le buffet en courant ! » Papa m’a dit un jour que dénoncer les autres ce n’était pas bien, mais je ne voulais pas être puni. Maman a fait sa tête des mauvais jours.

« Gerolt, je t’ai dit mille fois d’arrêter avec ça. Maintenant va dans ta chambre, et si je t’entends une seule fois avant ce soir, tu n’auras pas de dessert. » Moi, j’étais très embêté, mais je ne voulais pas être encore plus grondé ni être privé de dessert. Je me suis tourné pour partir, et là papa est arrivé dans le couloir.

« Qu’est-ce qui se passe ici ? » Il a dit en croisant les bras. Papa il aime bien croiser les bras, surtout quand il n’est pas content. Alors moi j’ai couru vers lui en pleurant que Jojo avait cassé le vase et que ce n’était pas moi mais que je voulais m’entraîner pour devenir soldat comme lui et que je ne pouvais pas le faire dans ma chambre. Maman a poussé un gros soupir. Papa m’a caressé la tête en me disant que ce n’était pas grave, qu’un soldat pouvait aussi se reposer après une bonne chasse. Il est gentil mon papa.

« Tu ne devrais pas l’encourager » a dit maman énervée quand je partais vers ma chambre. « Il a encore parlé de son ami Jojo. »

« C’est sans doute normal pour les enfants qui ont son…talent de s’inventer un ami imaginaire. » Jojo, ça ne lui plait pas qu’on dise qu’il est imaginaire. Il a répondu à papa « lui, bientôt, je lui mettrai sa tête sur le mur dans une planche, et avec sa moustache qui pendouille il fera un beau trophée ». J’ai bien rigolé, parce que c’était vrai que sa moustache pendouillait, mais papa s’est tourné vers moi et n’avait pas l’air très content.

« Qu’est-ce qui te fait rire ? » Alors j’ai répété ce que Jojo avait dit, parce que papa et maman ils font toujours comme s’il n’est pas là. Papa, ça ne lui a pas plu du tout, et il m’a crié de partir dans ma chambre tout de suite, et je suis parti en courant. J’ai beaucoup pleuré sur mon lit. Jojo a essayé de me consoler, en me disant qu’ils sont méchants.

Mais c’est vrai que quand je joue avec Jojo des fois on fait des bêtises, même si on rigole bien. Jojo, c’est mon meilleur copain, parce que je n’ai pas le droit de sortir pour aller voir les autres garçons. Un jour je lui ai demandé où étaient ses parents, et il m’a dit qu’on en parlerait plus tard. Il trouve toujours des idées de jeux terribles. Une fois, il a voulu qu’on sorte la nuit pour aller grimper dans des arbres. On a grimpé dans ceux du jardin et la lune éclairait suffisamment pour qu’on y voie. Mais à un moment elle s’est cachée, et on n’y voyait plus. Alors j’ai eu un peu peur et j’ai commencé à dire que je voulais rentrer dans ma chambre, mais Jojo il m’a dit d’allumer un feu, que c’était facile. Et c’est vrai que c’est facile, même si papa m’a bien dit de ne jamais le faire parce que c’était dangereux. Je ne voulais pas le faire, mais Jojo m’a dit que j’étais une poule mouillée, et que la prochaine fois il se trouverait un autre meilleur ami qui n’aurait pas peur d’un petit peu d’obscurité et qu’ils rigoleraient en parlant de moi. Moi, ça m’a mis très en colère, alors j’ai allumé un gros feu, mais ça a fait un incendie sur un arbre, et alors j’ai crié très fort parce que j’avais encore plus peur. Jojo a rigolé lui, il avait trouvé ça marrant. Cette nuit-là papa m’a beaucoup grondé et m’a donné une très grosse fessée. Je n’ai pas pu m’asseoir pendant un mois.

Mais là, ce soir, je ne voulais plus continuer à jouer aux soldats avec Jojo. C’est vrai quoi, à chaque fois c’est moi qui me fait gronder alors qu’il fait des bêtises et qu’il n’est jamais puni. Je voulais être sage, et j’ai dit à Jojo qu’on allait jouer aux figurines. Il a commencé par bouder, parce qu’il voulait beaucoup qu’on joue à cache-cache, mais il a fini par venir et on a fait une grosse bataille de petits soldats dans ma chambre. Le soir, maman m’a dit qu’elle était contente que j’ai pu me tenir tranquille au moins une partie de la journée. Elle était fatiguée, parce que maman s’occupe toute seule de la maison. Papa m’a souri, m’a demandé si le guerrier s’était bien reposé et il m’a passé une main dans les cheveux. J’ai même pu reprendre du dessert. C’était un chouette repas. Jojo n’a pas parlé du tout pendant qu’on mangeait. Il avait l’air embêté, mais quand je lui ai demandé pourquoi il a haussé les épaules. Il est bizarre Jojo parfois.

Cette nuit-là, j’ai été réveillé par le tonnerre. Ça m’a fait sursauter, mais je n’ai plus peur du tonnerre. Je ne suis plus un bébé. Mais ce qui m’a surpris, c’est que je n’étais plus dans mon lit, j’étais assis à côté, là où Jojo se met d’habitude. Et Jojo était dans mon lit. Il était réveillé lui aussi, et il me regardait. Il souriait.

« C’est l’heure » a dit Jojo, et ça m’a surpris parce qu’il n’y a pas de pendule dans ma chambre. « L’heure de quoi ? » j’ai demandé. « Et sors de mon lit, on avait dit que j’étais le seul à y aller. » Jojo s’est levé, et il portait mon pyjama. « Rend-moi mon pyjama » j’ai crié, mais il m’a mis une claque et je suis tombé.

Jojo est allé vers la porte en marchant tranquillement. Moi, je me suis relevé, et j’étais très en colère. Alors j’ai pris mon épée en bois et je lui ai donné un coup sur la tête. Il n’a pas aimé, je le sais parce qu’il m’a frappé très fort dans le ventre. Ça m’a fait très mal. J’ai crié, mais ça l’a fait rigoler, comme avec l’incendie. Il avait des yeux bizarres, parce que je les voyais dans le noir alors qu’il n’y avait pas de lumière.

Jojo a ouvert la porte sans la toucher, comme moi avant que papa me dise de ne pas le faire. Il a levé la main et bang, elle s’est ouverte. Il est allé dans le couloir. J’avais très mal au ventre, mais papa a dit qu’un soldat ça doit se battre jusqu’au bout, alors je l’ai suivi. Jojo était en train de rigoler très fort, et il y avait du feu sur les murs et j’ai commencé à avoir très peur. Puis j’ai entendu du bruit, et j’ai vu papa et maman arriver dans le couloir. Papa avait l’air furieux.

« Qu’est-ce que tu as fait Gerolt ? » a crié papa. « Tu veux tous nous tuer ? » Moi j’ai crié que non, que ce n’était pas moi. « C’est Jojo ! » j’ai dit en pleurant, « c’est Jojo qui a mis le feu au couloir ». Et le feu il y en avait partout. Maman avait l’air d’avoir très peur elle aussi. Elle s’est avancée, mais papa l’a arrêté avec son bras. Papa ne me regardait pas, il regardait Jojo. « Arrête de rire Gerolt ! » a dit papa. Mais c’était Jojo qui riait.

« Je ne suis pas Gerolt » a dit Jojo. « J’en ai fini avec lui ». Moi je pleurais, et j’ai couru vers papa et maman, mais ils ne me regardaient même pas. Et quand j’ai voulu attraper la main de maman pour la tirer, je n’ai pas réussi. Je croyais que j’avais glissé, alors j’ai réessayé, mais je n’y arrivais pas. « Allons-nous en ! » je criais, mais ils ont fait comme s’ils ne m’entendaient pas.

« Qu’est-ce que tu as fait ? » j’ai crié à Jojo. Mais lui a recommencé à rire. Papa avait l’air furieux, et lui a demandé « si tu n’es pas Gerolt, qui es-tu ? » Alors Jojo a levé les mains vers papa et maman, et il leur a répondu.

« Je suis Jojo, et je suis enfin libre. »

Et il leur a mis le feu. Papa et maman se sont mis à brûler, et à crier, et à appeler au secours, et moi aussi j’appelais au secours, et je pleurais. J’ai pleuré pendant qu’ils sont partis en courant, tout en brûlant. Les flammes étaient de toutes les couleurs. La maison aussi brûlait. Jojo m’a attrapé la main, et il m’a trainé dehors. Moi je ne voulais pas le suivre, alors je me suis débattu, mais je n’ai pas pu l’empêcher. Je voulais savoir où était papa et maman, mais on n’y voyait plus rien avec la fumée. Je criais, je pleurais, je voulais le frapper, mais Jojo lui il rigolait. Il voulait regarder la maison brûler.
Quand on est sortis, il pleuvait toujours. J’ai vu deux objets noirs sur le sol, avec encore des flammes dessus. Jojo m’a lâché, alors j’ai couru vers eux. Et je crois que la pluie ne me touchait pas parce que je n’arrivais même plus à pleurer et que mon visage était tout sec. J’ai essayé de toucher le corps de maman, mais je n’y arrivais toujours pas.
Je n’ai pas vu Jojo partir. Papa et maman ont fini par s’éteindre. Maintenant je suis tout seul.


Dernière édition par ethgri wyrda le Dim 16 Oct 2022 - 21:29, édité 2 fois

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Sam 15 Oct 2022 - 21:56
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes.  Camouflé Ninja




Nid d’étoiles




    Quelle ironie tout de même. Pouvoir voyager à l’autre bout du monde et se retrouver à greloter au gré d’une bise hivernale à l’ombre d’une chaumière peu amène. Il savait qu’il aurait dû tenter sa chance avec les autres. Leurs fausses promesses paraissaient si vraies à présent. Sa décision de ne pas les suivre ne devint que plus amère quand quelques gouttes de pluie l’éclaboussèrent. D’un geste sec, il s’ébroua pour tenter de se réchauffer. Tss, il pouvait même les entendre croasser de rire depuis leurs rivages chauds, ces maudits...

    Désirant changer sa situation peu enviable, le triste sire s’étira, prit une inspiration et sauta du rebord où il se trouvait. La bise devint un ouragan miniature, l’enveloppant dans son hurlement strident pendant quelques secondes. Puis, ses ailes de jais firent leur œuvre. Un battement s’accompagna d’un autre et l’habitude fit le reste. Au revoir gravité, place à la liberté. Et la pluie, aussi, malheureusement.

    Les dagues glaciales tombaient du ciel sans pitié aucune, se perdant dans le flou qui entourait sa vision. Son objectif était simple, un balcon bien plus protecteur que le précédent. Tout son être vécu pour cet instant de délivrance où ces fichues flèches liquides cesseraient de l’engourdir. Encore un battement, puis un autre. Tiens, il y avait du monde en contrebas. La poutre s’approcha. Ses serres s’agrippèrent au bois avec insistance avant de le faire sautiller précipitamment à l’abri.

    Mieux, bien mieux. Moins de pluie. Il s’ébroua. Toujours froid par contre… Quoique ? Un filet de chaleur s’échappait d’une ouverture de la demeure à côté de lui. Un des panneaux de bois qu’ils ouvraient et fermaient à longueur de journée sans raison apparente. Il s’en fichait bien, tout ce qui comptait était de se blottir contre. Un sautillon plus loin et il pût profiter d’une once de réconfort dont devaient profiter ses congénères plus au Sud. Qu’ils y brûlent tous ceux-là, claqua-t-il du bec.

    Tiens, du bruit depuis l’intérieur ? Une écoute plus attentive révéla les grondements cacophoniques des grands dadais qui occupaient les environs. Curieux, il glissa sa tête dans l’ouverture pour attraper un bout de conversation :

    « …savoir où est-ce que tu vas ? continua la plus aiguë.
    — C’est l’exécution d’un hérétique, on se doit d’y assister par Ulric ! répondit l’autre.
    — Oh le voilà fort pieux maintenant ! Approprié puisque tu y passes tes journées, hmm ?
    — Mais, enfin… ! »

    Interrompu par un objet tendu à bout de bras, le bonhomme se fit coi.

    « Tu veux voir un couperet tomber ? reprit sa femme. Allez, il y a du bois à couper et qu’ça saute ! »

    Tandis que le mâle s’en allait l’air penaud, l’autre se retourna vers l’observateur emplumé qu’elle remarqua.

    « Ah non ! s’écria-t-elle. Tu n’va pas nous piquer notre pitance toi ! »

    Si le corbeau ne comprenait fichtre rien à ce qui disait ces grandes bêtes roses, il savait d’instinct reconnaître leur colère. Quelques sauts pour se dégager de l’ouverture et il prit son envol alors que l’autre furie refermait le tout dans un claquement sec.

    Et voilà que la fureur du ciel lui retombait sur la caboche maintenant. Vite, trouver un autre endroit. Ses muscles tendus par l’effort le réchauffèrent assez pour conserver un semblant de conscience. Un battement et encore un. Il tenta de se laisser porter par la bise, réalisa son erreur et rebattit des ailes quand le sol s’approcha brièvement. Tu parlais d’une liberté, ça tenait plus de la fuite en avant.

    En tout cas, cette retraite paniquée lui permit d’arriver à un autre perchoir. Pas vraiment mieux que le premier, mais, eh, mieux que rien. En s’ébrouant, encore, il remarqua le monde sur la clairière en contrebas dans cette forêt de pierre. Étrange arbre qu’ils avaient assemblé au milieu et… *Rllou rllou*

    Oh non, se dit le corbeau en se tournant à demi. Sa crainte se confirma quand ses yeux se posèrent sur la forme dodue d’un pigeon qui se tenait là, l’air béat et trop content d’exister sans en comprendre la signification. Il y avait quelque chose de terrible dans la contemplation d’un abysse intellectuel, parce que, parfois, on croyait s’y reconnaître.

    *Rllou rllou* fit à nouveau le volatile gris-bleu en ondulant sa tête. Finalement, la pluie paraissait agréable. L’oiseau noir fit un sautillon de côté pour s’éloigner de ce qu’il considérait comme un fléau insupportable et manqua de glisser sur quelques graines. Il regarda les graines encore humides, l’idiot du village, les graines et flanqua un coup de serre pour les envoyer vers l’autre.

    Le pigeon sauta sur place, fit *Rllou rllou* à nouveau, propulsa puissamment sa tête ondulante vers les graines, les rata, se prit la poutre avec un poc retentissant, tomba dans les vapes et fila par-dessus bord.

    « Oh mais bordel de…! » s’exclama-t-on en contrebas, suivit par plusieurs flic/floc paniqués et moults rires assez gras pour maintenir une lanterne allumée.

    Le corbeau, lui, resta un instant à observer la scène dans un silence détrempée, sa patte toujours levée. Puis, avec un haussement d’ailes, il picora les graines meurtrières. Pas de gâchis. L’apéritif ingurgité, il concentra son attention sur l’attroupement qui ne cessait de grossir. La pluie diminua en intensité, lui permettant de voir un peu plus loin. Et, hmm, ils étaient nombreux. Mais pourquoi n’étaient-ils que trois au milieu ? Dont un qui vociférait à tout va.

    La curiosité ne manquait pas chez notre corbeau du jour et il s’en alla voir de plus près. Les traits du firmament se faisant plus espacés, son moment dans les airs ressembla un peu moins à un champ de bataille. Toutefois, ce calme apparent disparut bien vite. A peine se posa-t-il sur l’arbre étrange que le hurleur entama une autre litanie invoquant un « jugement de Morr ». On le pointa du doigt avec ferveur et un grand gaillard à la tête recouverte abattit une grande chose sur le troisième larron qui ne semblait pas apprécier l’instant. Autant dire que quand sa tête rebondit seule sur le sol, le corbeau resta perplexe.

    Pas longtemps toutefois, sentant l’ambiance friser l’hystérie alors que des voix montèrent, il décida de quitter ce fichu lieu pour plus de calme. Pourtant, au moment de s’élancer, un scintillement lui attira l’œil. Une couleur de soleil, en plus fade, brillait par intermittence autour de la tête de feu le bonhomme rose malchanceux. Des sortes de cercle qui devaient autrefois en former un plus grand. Ils s’étalaient à présent dans une flaque grandissante de sang.

    Eh, pourquoi pas, pensa-t-il. Et au corbeau de filer plein pot sur quelques-uns de ces bouts de ciel tombés d’on ne savait où. Sa prise étonnamment froide entre les serres, il prit de l’altitude, laissant derrière lui la clameur pour s’engouffrer dans le chant du vent. La pluie disparue, l’oiseau de jais goûta à nouveau au plaisir de se laisser porter par les éléments. Oh, il grelottait toujours, mais ça ne comptait plus vraiment. Un rayon céleste apparut même au travers de la canopée grise et, en se reflétant sur sa trouvaille, confirma sa valeur aux yeux du concerné.

    Il profita encore un peu, puis entama sa descente. Un passage habile par un trou dans un toit, l’esquive de quelques toiles d’araignées, un atterrissage en douceur, quelques sauts hasardeux à cloche-patte et le voilà arrivé dans son nid douillet. Un havre de tranquillité qui ne l’avait pas toujours été, mais qui, maintenant, s’ornait d’une trouvaille supplémentaire à faire pâlir bons nombres de congénères.

    Qu’ils lui semblaient loin les jours où son nid n’était pas trop grand car moins vide. Les babioles compensaient un peu, mais pas tout. Et un voyage ailleurs ne résoudrait rien. Il le savait bien au fond de lui, malgré ses hésitations précédentes. Le corbeau changea sa position et se blottit un peu plus dans sa constellation personnelle. Encore quelques étoiles de plus et ce serait parfait. Ce qui resterait à combler ? Oh, ça, il le remplissait déjà de souvenirs.



_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Sam 15 Oct 2022 - 21:57
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes Camouflé Ninja



L’enfant mage



Hugues lança un dernier regard à la chambre de son fils, plongée dans la pénombre.

« Dors bien, Guimart, Papa veille » chuchota-t-il.

Le Bretonnien prit son fourreau sous la garde et l’écarta de ses jambes pour qu’il ne tinte pas contre les mailles de sa cotte. Il sortit précautionneusement de la pièce et, le seuil passé, il se retourna pour tirer lentement la porte.
Le loquet se cala avec un léger bruit, que couvrit le clapotis de l’eau sur la toiture au-dessus.

Hugues souffla.  

Il ne pouvait pas s’empêcher d’être anxieux.

Il décida de monter un peu la garde sur le palier, appuyant son dos sur la porte. Il fixa son regard sur l’escalier qui descendait vers le pied du donjon. La torche en contrebas projetait sur la pierre l’ombre tremblante du Bretonnien. Du pouce, Hugues fit jouer son épée dans son fourreau. Le chevalier devait rester parfaitement alerte. La vie de son fils en dépendait.

Ce fils extraordinaire. Il était tout ce qu’il lui restait de son épouse Lauréanne. Comme tant d’autres, Hugues maudissait le sort qui, en échange du plus beau des enfants, lui avait pris celle qu’il aimait. Alors il avait couvert d’attention ce fils qui déjà si jeune avait le regard et la sagesse de sa mère.

« Pourquoi Dame a-t-il fallu qu’il ait ce don ? » pesta intérieurement le chevalier. Quand la Demoiselle l’avait appris, elle lui avait ordonné de lui livrer l’enfant. « Jamais ! » avait hurlé Hugues au messager, à la stupeur de sa cour. Alors la Demoiselle l’avait menacé que les fées viendraient enlever son fils.

Le chevalier se secoua la tête. Il broyait du noir et risquait de s’endormir s’il restait plongé ainsi dans ses pensées. Il se dégourdit les jambes avec quelques mouvements sur place.

« Elles viendront cette nuit » était venue clamer la Demoiselle au pied des murs, le matin même.

Hugues chassa la scène de ses pensées, ses doigts se serrèrent dans ses gants de cuir. La peste soit ces cruelles Demoiselles !

Le chevalier ne pouvait pas rester en place.

Il descendit l’escalier d’un étage, et déboucha dans la salle d’arme. Le plancher en bois vermoulu de la pièce était poussiéreux, craquant. Hugues s’en irrita, car le donjon avait été rénové il y a peu de temps. Il marcha jusqu’à la fenêtre et s’y accouda. L’ouverture était fermée par d’épais barreaux de fer, laissant passer la fraicheur de l’averse.

Tout était calme.

Il avait ordonné à ses hommes d’arme et à ses serviteurs de quitter le château dès que la Demoiselle était partie. Même les plus fidèles risquaient de le trahir si l’enchanteresse le leur ordonnait. Il était seul pour protéger son fils chéri.

C’était surement le plus sûr, pensa-t-il.

Il tendit l’oreille vers l’étage. Il ne perçut rien de suspect. Il n’y avait que le chant arythmique de la pluie tombant sur les vieilles tuiles du toit. L’une d’elles devait s’être déchaussée, car il entendait de l’eau goutter du plafond de la chambre sur le plancher au-dessus de lui.

Ce bruit le détendit rapidement, et un souvenir lui vint. C’était il y a quelques semaines, en se promenant avec Guimart, ils s’étaient fait surprendre dehors par une averse de printemps. Il avait couru vers son fils pour le ramener en vitesse au château et l’empêcher de prendre froid. Mais à sa grande surprise, la pluie n’embarrassait pas Guimart : les gouttes déviaient un mètre au-dessus de lui. C’était comme si sa jolie tête brune fendait la pluie. C’était stupéfiant de voir ce bout d’enfant courant après l’eau qui le fuyait. Hugues sourit à ce souvenir.

« Elles viendront cette nuit ! »

Le Bretonnien frappa le bord de la fenêtre avec rage. Quand la nuit sera terminée, il chassera cette infame sorcière de son domaine, et malheur à qui voudra l’en empêcher !

Un doute soudain l’envahit.

La grande porte du bas était-elle bien fermée ?

Il se tourna, attrapa une torche sur le mur, et se rua à l’étage au-dessous. Ses pieds foulèrent la terre battue du rez-de-chaussée. Il souleva son bras, éclairant la porte en chêne bardé de fer.

La porte était bien fermée.

Hugues en fut soulagé. Il s’approcha, et appuya sur la lourde planche qui verrouillait l’entrée. Le bois grinça, mais il était solide.

Le chevalier hocha la tête avec satisfaction.

Hugues avait cloué à plusieurs endroits de la porte des amulettes pour éloigner les fées. Cherchant de quoi renforcer les protections du donjon, il avait passé des jours à cheval en quête de rebouteux et de sorcières de villages. Il avait eu le plus grand mal à en trouver, car habituellement les nobles bretonniens ne veulent pas de bien à ces gueux jeteurs de sorts.

En fait, il ne fit que deux rencontres. La première, avec un marchand venu d’au-delà des montagnes, lui avait permis d’acheter un lot entier de petits marteaux d’airain, soi-disant bénis par une divinité de son pays. La seconde avait eu lieu en bordure de forêt, où une vieille femme aux cheveux filasse lui avait vendu une poignée de poupées de paille entortillée dans des fils de chanvre.
Le chevalier avait attendu que ses serviteurs partent pour accrocher les talismans. Son fils lui avait alors candidement demandé ce qu’il faisait. Hugues l’avait pris dans ses bras, et lui avait répondu avec un sourire bienveillant :

« C’est pour éloigner les méchantes dames ».

Puis, il avait monté Guimart sur ses épaules et l’avait porté jusqu’à sa chambre, lentement.

« Elles viendront cette nuit ! »

« Je serai prêt, pensa Hugues. Guimart est sauf. »

La porte était infranchissable, par la force ou par la magie. Dehors, la pluie redoublait d’intensité. Le vent s’était levé, et projetait l’orage contre le donjon. Hugues n’avait plus rien à faire à cet étage. Il remonta.

La salle d’arme, à nouveau. Hugues se demanda s’il allait tourner en rond toute la nuit. La pièce était encore plus sombre que tout à l’heure. Les torches faiblissaient. Il raccrocha près de la fenêtre celle qu’il avait descendu avec lui. Un éclair. L’ombre des barreaux de la fenêtre zébra le sol.

Il faisait froid.

Ici aussi il avait accroché les talismans du marchand et de la sorcière. Une poupée pendait aux barreaux et des marteaux gisaient sur le rebord de la fenêtre.

Rien n’avait bougé. Tout était calme sauf la pluie dehors qui tombait toujours à un rythme soutenu.

« Elles viendront cette nuit ! »

Hugues crut entendre un bruit à l’étage.

Il tira son épée et courut dans l’escalier. Il vola par-dessus les marches. Il se projeta contre la porte de la chambre. Celle-ci tourna sur ses gonds comme une quintaine et heurta le mur avec fracas. Hugues sauta dans la pièce, l’épée levée, l’œil fou.

« MONTREZ-VOUS, CHIENS ! »

Pas un bruit.

Personne.

Rien n’avait bougé.

Son regard aux aguets détailla toute la pièce. Tout était exactement comme il l’avait laissé. Les jouets jonchaient toujours le sol, aux mêmes endroits. Le lit de Guimart était toujours en place, les gris-gris étaient toujours accrochés aux murs. Même les toiles d’araignées dans les coins et sur les poutres étaient toujours identiques.

Personne n’était entré.

Il était arrivé à temps cette fois.

Il remit son épée au fourreau. Inutile d’effrayer Guimart s’il se réveillait. A pas de loup, le chevalier fit le tour de la chambre pour aller voir la fenêtre ouverte. Il se pencha par-dessus, mais ne vit aucun mouvement inhabituel. Il n’y avait que le lierre touffu, battu contre la pierre de la tour par le vent, et la pluie qui ne faiblissait pas. Son regard suivit les traits d’eau qui se ruaient vers le sol, et disparaissaient dans la pénombre de la nuit avant d’avoir touché terre.

La fenêtre est-elle sûre ? Hugues la ferma.

Le chevalier reprit la poupée qui était posée sur le rebord et l’accrocha au loquet de la fenêtre. Plus personne ne pourrait entrer par ici.

Le Bretonnien s’approcha du lit de son fils.

Il s’assit au bord et remonta les draps. Ses mains gantées pour la bataille redonnèrent tendrement une forme arrondie aux oreillers de l’enfant.

La poussière dans cette pièce fit tousser Hugues. Guimart ne pouvait pas dormir dans un air si étouffant. Le chevalier se leva et rouvrit la fenêtre.

Guimart était en sécurité au sommet du donjon. Hugues devait patrouiller les étages en dessous, et laisser dormir son fils.
Le chevalier lança un dernier regard à la chambre plongée dans la pénombre.

« Dors bien Guimart, Papa veille » chuchota-t-il.

Le Bretonnien prit son fourreau sous la garde et l’écarta de ses jambes pour qu’il ne tinte pas contre les mailles de sa cotte. Il sortit précautionneusement de la pièce.

Non rien n’avait bougé.


Le lit de Guimart était toujours vide.


Dernière édition par ethgri wyrda le Dim 16 Oct 2022 - 21:26, édité 3 fois

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Sam 15 Oct 2022 - 21:57
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes Camouflé Ninja




Le jardin de l'Empereur



- Yù Luànwu !!

Le cri de détresse fut étouffé par le vacarme environnant. En un éclair, le ciel paisible s'était mué en chaos assourdissant lui vrillant les tympans. Le vent puissant lui arracha sa coiffe. Les bourrasques étaient tumultueuses, claquant ses vêtements et cheveux. Mille doigts acérés lui griffaient le visage. Ou qu'il pose le regard, éprouvant toutes les difficultés du monde à les garder ouverts, il ne discernait qu'une masse blanche et informe. Puis brusquement, le monde se révéla à lui. Littéralement enfanté des nuages, il chutait du ciel.

Huàn Liang était un futur officier militaire promis à un avenir brillant. Il représentait la fierté de sa famille. Athlétique, habile une arme à la main et vif d'esprit, une carrière prometteuse lui était prédestinée. Avant même sa majorité, il avait décroché une place à l'académie militaire de Fuyani, appris et perfectionné les enseignements de Tzu-Sun.

Cependant, très vite, il jugea un point des préceptes du grand stratège comme perfectible. Voire superficiel dans son analyse. Or, il s'agissait d'un facteur clé de l'empire du Dragon Céleste : le ciel. Les approches, tactiques et stratagèmes du combat aérien étaient bien abordés, voire rigoureusement développées, mais nulle mention n'était faite des hauteurs extrêmes. De ses risques et potentiels. Comme s'il était convenu que tout ennemi volant se cantonnerait à une certaine altitude. Cela troublait Huàn qui décida d'en faire le cœur de ses études polémologiques.

Il rassembla ce que l'on savait de ce lieu et constata avec stupéfaction que 'finalement les connaissances de son peuple n'étaient que peu développées, pour ne pas dire inexistantes. Par des jonques de vermeil égarées dans les cieux suite à des accidents de lest, l'on savait que la température chutait. Que respirer devenait plus laborieux. Que l'esprit humain perdait en lucidité. Que la lumière de l'astre flamboyant devenait éblouissante. Des bribes de connaissances incroyablement minces auxquelles il n'envisageait qu'une issue : voler lui-même jusqu'au-dessus des nuages pour documenter ce lieu.

Durant de longues semaines, il s'entraîna physiquement à fortifier sa respiration en préparation de ce voyage. Tous les jours, il nageait et pratiquait le Qi-Gong, l'art du souffle vital par l'exercice physique. Puis lorsqu'il se jugea enfin prêt, il passa à l'acte. Formé à la chevauchée des Sangs-de-Dragons, aussi appelés Longmas, il s'envola de l'académie. La monture puissante et majestueuse dont les pégases de l'occident - dépourvus d'écailles - n'étaient que de pâles imitations, représentait l'accès idéal à ce territoire encore méconnu. Vêtus d'habits chauds et muni de tablettes rattachées à la selle de sa monture, il la guida au firmament.

À l'approche des nuages, il nota que les mouvements de son sang-de-dragon se faisaient progressivement de plus en plus lents. Que l'effort nécessaire pour gagner en altitude, battant des ailes avec puissance, devenait difficile. Après un temps étonnamment long, accroché aux reines de son destrier, Huàn Liang creva le plafond nuageux. La vue qui s'offrit à lui, une mer de coton s'étendant presque jusqu'à l'horizon, l’abasourdi. Sous un ciel d'azur infini, une véritable merveille se cachait au-dessus de leurs têtes. Les îles célestes, plongées dans le brouillard, ne pourraient maintenant n'être que de pâles imitations à ses yeux. Était-ce là le jardin secret de l'Empereur lui-même ? Un paradis où son souverain résidait et que lui, simple scolaire, avait le privilège et l'honneur d'apercevoir ? Émerveillé, il en oublia quelques instants la raison de sa présence.

Néanmoins.

Jamais il n'aurait imaginé que le ciel soit si… vide. Ni qu'il soit aussi dangereux. Tout comme l'horizon est peuplé de créatures étranges, qu'il est des monstres hantant les abysses marins et les profondeurs de la terre, il sait désormais que le ciel lointain recèle ses propres menaces. La créature aérienne attaqua en jaillissant de nulle part, vraisemblablement embusquée sous la surface du tapis cotonneux. Il ne put voir de quoi il s'agissait. Tout juste un tourbillon d'écailles précédé d'un rugissement féroce avant que le choc ne le désarçonne et qu'il ne bascule dans le vide.

- Yù Luànwu ! appela-t-il encore sa monture à pleins poumons.

En vain. Le longma se trouvait loin au-dessus des nuages, si seulement il vivait toujours. Chutant comme une pierre, Huàn Liang était pleinement conscient de l'horrible situation dans laquelle il se trouvait. Par chance, dans son malheur, il ne tourbillonnait pas chaotiquement sur lui-même. Bras et jambes grands écartés, il avait le sentiment de reposer sur un matelas d'air. D'être repoussé vers le haut. Au détail près du vent terrible qui tentait de lui arracher vêtements et cheveux. Mais Huàn Liang était assez érudit pour savoir que ces sensations n'étaient qu'une macabre illusion. Il tombait. De si haut que sa chute paraissait durer une éternité. Et rien ni personne ne pourrait voler à son secours. Il était déjà mort et contemplait son propre décès.

Il luttait pour garder les yeux ouverts malgré sa situation effroyable et la morsure du souffle le rendant larmoyant. Puis, aux portes de la mort, il réalisa qu'une scène nouvelle lui était offerte. Un spectacle funeste qu'il n'avait pas remarqué lors de son ascension. Une forme d'abandon s'empara de lui, effaçant le rugissement du vent à ses oreilles.

Sous ses yeux, le monde était dessiné comme sur la toile d'une carte immense. Une carte d'une précision et d'une beauté époustouflante. Ici, il pouvait suivre du regard le lit paresseux du fleuve et ses multiples affluents. Là, l'épaisse forêt, lovée sur le flanc des monts bas, lui rappelait la mousse accrochée à de petits rochers. Partout dans une autre direction, les champs cultivés par les paysans dessinaient des formes colorées plus ou moins géométriques.

C'était tout bonnement incroyable.

Il pouvait voir ce que seuls les dieux avaient le privilège d'apprécier. Mais il ne pourrait jamais le raconter à qui que ce soit. Doucement, la carte du monde se rétrécissait. Les champs devenaient plus grands. Les monts se rapprochaient et se révélaient escarpés. Les routes et sentiers sinueux ici et là apparaissaient. Le sol devenait de plus en plus proche.

Huàn Liang était terrifié. Mais il avait cessé de hurler. Il acceptait son sort et remerciait en silence l'Empereur de cet ultime cadeau. Un aperçu de sa propre vision du monde.

Puis Huàn ferma les yeux.

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Sam 15 Oct 2022 - 21:58
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes Camouflé Ninja




La Marchande et le Voleur


~

Il n’y a pas si longtemps, dans la bonne cité de Nuln, vivait une Marchande si riche que rien ne l'inquiétait. Elle était dure en affaire mais elle mettait un point d'honneur à payer rubis sur l'ongle. « Les dettes sont la mort du profit » comme elle se plaisait à dire.
Au fil des années et des obligations, elle avait accumulé nombre de trésors ; d'après les rumeurs elle aurait même possédé d'authentiques objets enchantés, et les plus envieux et médisants prétendaient qu'une boule de cristal lui permettait de flairer les bonnes affaires.

Sa suffisance et son opulence attirèrent l'attention d'une troupe de voleurs. Miséreux mais pleins d'audace, ils convoitaient les merveilles de la Marchande et le plus hardi d'entre eux releva le défi.
À la faveur de la nuit, il s'introduisit chez la Marchande. Il trouva sans mal la salle des coffres et, après avoir dupé les gardes, déroba quelques pierres précieuses et pièces de joaillerie. Une richesse suffisante à la petite troupe pour vivre pendant des mois !
Cependant la curiosité et la cupidité poussa le Voleur jusqu'aux appartements de la Marchande. Pénétrer dans la chambre est beaucoup trop risqué, pensa-t-il, mais quelque chose attira son regard dans le bureau. En effet, on voyait dépasser d'une étoffe de soie mauve un magnifique miroir à main brillant de mille feux. Ni une ni deux, le Voleur enveloppa le miroir dans la soierie et quitta la demeure au plus vite.
Ses compagnons, qui ne croyaient jamais le revoir vivant, l'accueillirent en grand triomphe. On prépara une fête qui battit son plein pour le reste de la nuit ; la petite bande était heureuse.

Lorsque la Marchande découvrit le vol elle devint folle de rage. Elle envoya ses hommes aux quatre coins de la ville retrouver son dût, en vain.
Elle s'était toutefois bien gardée de révéler la disparition de son précieux miroir. Car en effet les rumeurs ne s'était pas trompées : c'était un authentique miroir enchanté qui offrait chaque jour de montrer la personne la plus susceptible de faire de bonnes affaires.
Au bout de quelques temps, sans l'aide de son précieux miroir, les affaires de la Marchande déclinaient et son commerce dépérissait.

Pendant ce temps, le Voleur, qui était très malin, découvrit le pouvoir secret de l'objet merveilleux. Il le mit à profit et, grâce aux richesses dérobées à la Marchande, commença à investir, monnayer, marchander, négocier. Tant et si bien qu'il se retrouva à la tête d'un petit commerce très florissant !
Au début, il conserva des liens amicaux avec sa bande mais à mesure que sa richesse croissait, ces dernier devinrent gênants. Ils n’étaient jamais bien loin de lui et surgissaient toujours aux mauvais moment. Après plusieurs affaires manquées, relations contrariées et bourses vidées, il décida que s'en fut assez et coupa tout contact avec eux. Il acheta une officine sur une belle petite place ornée d'une fontaine et ne les revit plus jamais.

La Marchande, quant à elle, s'était fait une raison et songeait à arrêter le commerce. Un beau jour cependant, elle tomba par hasard sur un magnifique collier de perle au détour d'un étal de marchand ambulant.
« - D'où tiens-tu ce collier, manant ?
- Pardon madame mais j'ai obtenu ce collier de façon tout à fait honnête !
- Ah oui ? Et bien sache qu'il m'appartient. Qui te l'a donné ?
- Je l'ai échangé contre une charrette de grains qui m'encombrait. Une bonne affaire à n'en pas douter.
- Je veux son nom.
- Il ne me l'a pas dit mais cherchez dans le quartier sud, on raconte qu'un nouveau marchand a établit son office sur une belle petite place avec une fontaine, je crois bien que c'est lui. Hé mais attendez, rendez-moi mon collier ! »
La Marchande, encore pleine de ressource, demanda une entrevue avec la Comtesse. Les deux femmes se connaissaient bien et s'étaient entraidé maintes fois. Lorsqu'elle eut connaissance de la situation, la Comtesse lui confia son plus fidèle limier. Un homme rustre mais discret et efficace.

La Marchande présenta au Limier toutes les preuves dont elle disposait, notamment les documents attestant de la propriété des bijoux, signés de la main des maitre-artisans qui les avaient fabriqués.
Le duo atypique se rendit sur le champ dans le quartier sud. Il ne leur fallu pas longtemps pour trouver sur une petite place la demeure du « négociant prodigue, celui qui sait ce dont vous avez besoin ou ce qui ne vous sert plus ». Malheureusement pour eux, le Voleur-marchand était absent. Qu’à cela ne tienne, il avait des serviteurs et des assistants.
Le Limier interpela ces gens et commença à poser des questions, de plus en plus précises, de plus en plus insistantes, de plus en plus dures, de plus en plus bruyantes… de plus en plus sanglantes.
Il ne restait plus grand monde dans la bâtisse, ni sur la place d’ailleurs.

Le soir venu, en rentrant dans son quartier, le Voleur sentait bien que quelque chose clochait. Mais il était trop tard. Le piège tendu par le Limier et la Marchande, aidés par la milice, s’était refermé sur lui. Il était pris.
Submergé par la terreur et le désespoir, il prit la fuite. Il couru et couru encore jusqu’à avoir les jambes en feu. Instinctivement le malandrin s’était dirigé droit vers le repaire de ses anciens compagnons. Ceux-ci le rejetèrent et le chassèrent violemment. Mais c’est à ce moment là que ses poursuivants le rattrapèrent.
« - C’est donc là ta vraie nature. Un beau négociant prodigue que voilà !
- On peut s’arranger ! Je vous rend le miroir et nous somme quitte !
- Bien sûr que tu vas me rendre mon miroir ! Mais je vais prendre bien plus. »

La milice appréhenda les voleurs qui n’avaient pas eu le temps de fuir. Le repère ainsi que l’office furent mis à sac. Le lendemain soir, tous étaient pendus haut et court, à l'exception du Voleur qui subit un traitement de faveur et fût écartelé.

La riche et opiniâtre Marchande récupéra son miroir et, satisfaite, retourna à ses affaires. Et de mémoire d'homme, plus personne n'osa lui porter ombrage. Ni en acte, ni en parole.

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Dim 16 Oct 2022 - 21:15
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes. Camouflé Ninja



Le vol du dragon

Noirs. Les nuages étaient aussi noirs et menaçants que la nuit. L’air était chargé d’électricité. Les rafales de vent soufflaient continuellement. Elles manquaient de le déséquilibrer de temps à autre. Il devait progresser pas à pas en se pliant en deux. Quand une bourrasque était plus fort qu’une autre, il devait s’abriter derrière un rocher pour éviter de chuter. Chaque pris était dangereuse et pouvait faire la différence entre la vie et la mort. Chaque poussée sur les jambes pouvait le déséquilibrer. Il marchait en permanence sur un fil. Il devait lutter contre les éléments et la montagne elle-même pour atteindre son objectif.
Soudain, une grotte apparut. Il s’y réfugia rapidement et put souffler, à l’abri des éléments se déchainant à l’extérieur. Gravir une montagne escarpée alors qu’une tempête menaçait d’éclater n’était pas l’idée la plus brillante qu’il ait pu avoir. C’était toutefois la seule solution qui était venue à son esprit. La seule solution pour pénétrer une grande série de grottes. La récompense qui l’attendait s’il y parvenait, valait, très largement, les risques pris. La descente, s’il la faisait sous un ciel plus clément, serait bien plus aisée, même plus lourdement chargé.
Le vent devint si violent qu’il manqua plusieurs fois de chuter en quelques minutes. Une goutte tomba juste à ses côtés. Une goutte tomba ensuite sur sa tête, le faisant sursauter. Une troisième tomba sur sa main. Il en reçut d’autres, petit à petit. Quelques minutes plus tard, des trombes d’eau tombèrent, rendant la progression infiniment dangereuse. Les pierres devinrent aussi glissantes que la glace en quelques minutes seulement. Chaque pied de gagné était une victoire en soi. La fatigue commença à se faire sentir. Considérant que le risque ne valait plus la chandelle, il décida de trouver le plus tôt possible un renfoncement. C’était la prudence qui guidait maintenant ses réflexions. Il était prêt à prendre des risques. Mourir stupidement n’était toutefois pas nécessaire. Loin de là. Alors il se mit à tenter de trouver le moindre rocher pouvant l’abriter quelque peu des éléments se déchainant autour de lui. La fatigue se faisait sentir dans ses bras. L’espoir de trouver un abri diminuait de minutes en minutes alors que les éléments se déchainaient, tels une manifestation de la colère des dieux. Il était trempé jusqu’aux os. Chaque pas, chaque avancée était une prise de risque considérable. Chaque pas était une souffrance. Chaque pas était un véritable enfer.
Un renfoncement apparut. Appliqué, le grimpeur mit d’interminables minutes à le rejoindre avant de rire nerveusement. Il était enfin à l’abri des éléments. Dehors, le vent et la pluie redoublaient d’intensité, accompagnés par de terribles éclairs. Bientôt, le froid vint le saisir avec l’arrêt de l’effort physique. Il se mit à trembler et à avoir la chair de poule. Il retira sa besace ainsi que sa cape et sortit un briquet ainsi que quelques morceaux de bois. C’était tout ce qui lui restait pour faire un feu et se réchauffer pour ne pas mourir, littéralement, de froid. La fatigue commença à se faire sentir et sans qu’il n’ait eu la possibilité de s’en rendre compte, il ferma ses yeux et sentit la fatigue le submerger.

Le réveil fut douloureux. Il avait des courbatures dans tous ses membres. Ces derniers le faisaient souffrir, certainement à cause de la position plus qu’inconfortable prise pour dormir. Il fallut quelques heures pour se remettre de ces dernières et rassembler ses affaires séchantes. La tempête s’était, enfin, terminée, lui permettant de reprendre sa route à condition d’être prudent. Les ombres jouaient parfois avec lui et ce qu’il semblait être une grotte n’était qu’un gros rocher placé selon un certain angle. Les minutes devinrent des heures et avec elles l’avancée de la nuit. Il montait encore et encore, examinant chaque recoin de chaque flanc de la montagne. C’était un long travail de recherche. Un long travail qui, il l’espérait, porterait bientôt ses fruits. Il était suffisamment reposé pour faire cela toute la nuit et continuer encore une large partie de la journée.
La nuit était de plus en plus lumineuse à mesure que l’aurore approchait. Loin à l’est, les premières lueurs du soleil commençaient à poindre. Une couleur orangée se répandit peu à peu dans le ciel alors que les lunes jumelles quittaient les cieux pour laisser place au jour. Les roches prirent une douce couleur jaune-orangé selon l’orientation qu’ils avaient par rapport à l’astre solaire. Il s’arrêta alors quelques dizaines de minutes, profitant de la chaleur que l’air du matin lui offrait. Il profita de l’occasion pour contempler l’aube et un doux sourire plia ses lèvres. Il pouvait le contempler une dernière fois.  
Bientôt, il fallut se remettre en route. Il ne pouvait attendre indéfiniment debout, en regardant l’horizon dévoilé à travers les vallées des montagnes. Un coup d’œil vers le haut lui dévoila ce qu’il restait à découvrir. Quelque chose attira son attention. Un rocher dressé avec une forme particulière. Un nouveau sourire s’étendit sur ses lèvres. C’était le point de repère qu’il cherchait. Revigoré par la trouvaille et pensant que c’était un bon signe, il reprit sa progression. La douleur se fit plus légère, son pas plus rapide. Chaque prise était plus ferme, son énergie étant redoublée. Il touchait enfin au but. Il était à deux pas de pouvoir remplir le serment qu’il avait prêté. Il ne lui fallut que deux heures de plus pour atteindre le rocher à la forme si particulière. De là, il observa les montagnes aux alentours et nota bien sa position, pour le retrouver plus aisément à l’avenir. Il en profita pour admirer un peu la vue. S’il aimait les plaines vallonées de certaines régions, il avait une affection particulière pour l’environnement minéral des montagnes. Mais le temps filait. Il fallait se mettre en route.

Il pénétra dans la grotte et mit quelques minutes à allumer une torche avec son briquet. Elle projeta un halo de lumière sur les parois. Malgré la lumière, chaque pas devait être fait avec une grande précaution. Il n’avait aucune idée de la solidité de la roche. Celle-ci pouvait aussi bien être très dure que très fragile. C’était l’inconvénient d’explorer une montagne creusée et abandonnée il y avait des millénaires de cela. Ce n’était pas l’endroit le plus sûr de cette partie du monde et la prudence était donc de mise.
Une heure, plus ou moins, la notion du temps étant difficile à avoir dans des tunnels et des cavernes, suffit pour atteindre une immense grotte. Il la repéra en remarquant les immenses murs s’étendant à perte de vue. Il tenait sa torche au bout de son bras et le halo de lumière se perdait dans l’obscurité. En tendant l’oreille, il entendit une respiration lourde. Il s’immobilisa aussitôt et écouta plus attentivement. Elle était régulière et profonde. L’être qui la produisait était assoupi mais assurément d’une grande taille. Il progressa prudemment, faisant attention à chaque pas. Il ignorait l’animal se dissimulant dans l’immense caverne mais il voulait éviter de le réveiller.
Quelques minutes plus tard, la lueur de sa torche dévoila un immense tas d’or qui s’étendait à perte de vue. Caché jusque-là de la lumière de la torche, celle-ci se reflétait à perte de vue. Jusqu’à dévoiler une immense forme endormie. Elle était, à proprement parler, gigantesque. Elle était couverte d’écailles aussi rouge que le feu et qui, de loin, semblaient aussi dures que l’acier le plus dur des Nains. Un sourire de victoire s’étendit. Il avait enfin trouvé ce qu’il cherchait. L’heure de réveiller le monstre et le déchainer sur les terres des mortels avait sonné.
Posant sa torche au sol, il en sortit cinq autres, qu’il alluma et dispersa à proximité. Cela lui servit à éclairer un peu plus les alentours. La bête au sommet de la pile de trésors et de pièces d’or ne semblait pas être troublée par sa présence et continuait à dormir d’un profond sommeil. Son dieu ne lui avait pas fait don de magie. Il ne pouvait donc pas en user pour déchainer le dragon sur les terres des mortels vénérant les faux dieux. Déterminé, il se baissa et ramassa des poignées de pièces d’or. Il les lança sur la bête dans l’espoir de la réveiller.
Plusieurs minutes avant que celle-ci ne se mette à gigoter. Ce simple mouvement fit trembler le tas de richesses. Quelques autres suffirent pour permettre à l’aventurier de voir un œil reptilien s’ouvrir. L’immense dragon se leva et le questionna :
« Qui ose me tirer de mon sommeil ? Qui tient si peu à sa si misérable et si courte vie pour venir me troubler et voler ce qui m’appartient de droit ? »
Loin de se démonter, le visiteur se releva et annonça d’une voix forte :
« Mon seigneur Tzeentch vient réclamer son dû, noble Arcangalagnir. Il vous demande de déchainer votre fureur contre ceux qui pensent que, désormais, votre immense trésor leur appartient et montent des armées pour venir tenter de le voler. »
De la fumée sortait des naseaux de la bête qui se redressait désormais de toute sa taille. La colère du dragon était palpable et envahissait l’air tout entier. Sa queue, dans un large mouvement, dégagea brutalement l’accès vers l’extérieur de la montagne. La lumière du soleil entra dans la caverne, révélant toute sa taille et la réelle quantité de richesses à l’intérieur. Il put enfin voir la réelle du dragon. Il était immense. Plus grand que des villes entières des humains. Ses crocs étaient plus aiguisés que les meilleures épées et ses écailles plus dures que la pierre ou l’armure la plus résistante pouvant sortir des forges infernales. Majestueusement, il battit des ailes et prit l’air.

Attiré par l’immense tas d’or et jugeant que cela ne ferait pas de mal, l’aventurier ne put résister à l’envie de prendre une centaine de pièces d’or et de les placer dans sa besace. Oui, il venait de voler un dragon. Mais cela comptait peu. Pourtant, quand il gagna l’air libre, il sentit son corps commencer à picoter. Une voix ricanant apparut dans sa tête, annonçant un changement à venir. Il s’immobilisa, effrayé, avant de prendre feu. Les flammes, d’un bleu électrique, l’enveloppèrent et le tuèrent en quelques instants.
Personne ne volait les serviteurs de Tzeentch. Personne.


Dernière édition par ethgri wyrda le Dim 16 Oct 2022 - 21:27, édité 3 fois

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Dim 16 Oct 2022 - 21:15
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes. Camouflé Ninja




De Haut Vol



Soufflant bruyamment, Mundek grimpait à la corde avec lenteur. La sueur qui lui couvrait le corps ne venait pas que de l’effort. Personne n’appréciait de se retrouver à quinze mètres au-dessus du sol, en particulier quand votre propre taille n’excédait pas le mètre dix. En ce moment précis, le nain n’aurait pas dit non à une longueur de bras supplémentaire, la distance à monter s’en serait trouvé plus courte. Et s’il tombait par terre ? Il le savait, ce serait la faute à son caractère.

***

Peu de nains étaient aussi éloignés des standards de sa race que Mundek. Si son apparence physique était proche de celle de ses congénères, son caractère en était l’exact opposé. Dénué de tout sens de l’honneur, il s’était dès son plus jeune âge livré à autant de machinations qu’il pouvait risquer d’entreprendre. Sous de fausses identités, il s’était fait simultanément apprenti d’un ingénieur et d’un maître des runes. Et sitôt le soir tombé, il quittait en douce la forteresse et se rendait au village humain avoisinant pour détrousser les marchands ou trousser leur épouse. Las, ses trop grandes ambitions l’avaient conduit à berner tant de ses congénères qu’il avait fini par leur mettre la puce à l’oreille. Il s’était alors enfui, pensant trouver dans l’Empire un terrain parfait pour mettre ses talents à l’œuvre.

Non sans raison, il faut le dire.

Face à ses connaissances d’ingénieur, les serrures les plus complexes étaient des jouets pour enfant. Sa maîtrise relative des runes et les quelques objets volés à son maître lui avaient permis de se constituer un arsenal parfait pour le cambriolage.


***

« Dont la plaque gravée de rune qui permet actuellement à cette fichue corde de tenir droit sans aucune attache en haut, songea-t-il. Sacrément utile, tant que ça tient. »

***

Sa nature naine, enfin, lui était d’une grande utilité. Rien de tel qu’une petite taille, des bras robustes et un certain talent pour creuser la pierre quand on voulait entrer par effraction chez un riche commerçant. Et en cas de mauvaise surprise, un coup de boule bien ajusté dans celles des gardes avait tôt fait d’envoyer ces derniers au tapis.


***

« Si seulement je savais tenir ma langue ! » Mundek ahanait. Vingt mètres. La moitié. Saleté.

***

Plus prétentieux qu’un elfe, sa vantardise lui avait souvent joué des tours. Récemment, un verre de trop lui avait fait dire que la tour d’Elzebert serait une proie facile pour lui. Le lendemain, un étranger s’était approché de sa table pour lui faire une proposition. Un noble d’une vieille famille de Middenland. Son statut et son âge expliquaient sans doute son goût pour les excentricités. Il voulait quelque chose d’unique, quelque artefact rare et occulte à poser sur sa cheminée. Et il avait proposé à Mundek de rendre une petite « visite nocturne de courtoisie » à Elzebert.

Elzebert. Une légende dans le coin. Un mage reclus, spécialiste de la relation âme-corps, et dont les travaux frôlaient la magie noire. Il avait protégé l’entrée de sa tour avec un système aussi particulier qu’efficace : son pallier flottait à quarante mètres du sol. Idéal pour repousser les prêtres, les répurgateurs un peu trop curieux ou le percepteur le plus coriace.
Bien sûr une telle étrangeté attirait les convoitises, et on disait sa tour emplie de pièges plus terribles les uns que les autres. Et Mundek s’apprêtait à vérifier ces hypothèses.


***

Dans un ultime effort, il s’accrocha aux marches du perron et se hissa dessus à la force des bras. La porte d’entrée lui faisait face. Il avait franchi le premier obstacle.
Protégé par un torque gravé d’invisibilité, il parvint à passer les premiers étages sans encombre. Dalles piégées et sortilèges de veille étaient des plaisanteries pour un voleur de son calibre. La chimère aurait pu poser problème si, échaudé par sa dernière rencontre avec des chiens de garde trop tactiles, le nain n’avait pas également pris soin de masquer son odeur. Il approchait du cinquième étage, et aurait pu se sentir confiant s’il ne craignait pas autant Lia.

***

Alors qu’il avait déjà accepté la proposition de son mystérieux employeur, le noble lui avait confirmé qu’au moins une des légendes sur la tour était vraie. Elzebert avait jadis travaillé avec un technomage skaven, et, avant que ce dernier le trahisse, ils avaient réussi à utiliser une machine pour créer une âme de toutes pièces. Un esprit artificiel, emprisonné dans sa demeure et qui contrôlait toute la sécurité de la tour. « Lia de la tour » apprenait sans cesse de ses erreurs, progressant toujours vers la perfection.

***

Le sixième étage était un superbe exemple de sa compétence. Une immense salle vide. Des statues aux yeux et oreilles démesurés ornaient les murs. Quelque sortilège maintenait la pièce à une température glaciale. Le sol était aussi lisse que gelé. Et au bout de la salle, un escalier en colimaçon, lui aussi couvert de givre, menait à l’étage supérieur. Mundek hocha la tête, approbateur. Un piège superbe. Quiconque aurait pu parvenir jusqu’ici sans se faire repérer verrait sa progression stoppée net. Les gardiens de pierre devaient être capables de percevoir le plus faible bruit, le moindre mouvement. Nul équilibriste ne pourrait franchir la salle, ou pire encore monter l’escalier, sans se faire voir. Et aucun sortilège de camouflage ne résistait au mouvement brusque d’une glissade incontrôlée, ni n’empêchait les fins craquements de la glace. Superbe.

Le nain ne se démonta pas. De son sac, il sortit des semelles spéciales, empruntées aux rangers de son Karak. Des spécialistes de la lutte en surface contre les peaux-vertes, qui avaient perfectionné l’art des embuscades dans les cols neigeux des montagnes. Ainsi chaussé et toujours masqué par son torque runique, Mundek commença sa progression. Lentement. Il posait le pied avec assurance, sans perdre un instant son équilibre ni provoquer le moindre crissement de la glace. Il respirait lentement, bouche ouverte pour que le passage de l’air fasse le moins de bruit possible.

Les yeux des statues se mirent à briller d’un rouge vif.

ALERTE INTRUS ! ALERTE INTRUS !

Incrédule, le nain resta quelques secondes les bras ballants. Puis il comprit. Aucun voleur ne saurait s’empêcher de respirer. Dans une salle glaciale. Mundek soupira, contemplant le nuage de condensation parfaitement visible que son souffle venait d’émettre.

***

« Une partie de plaisir sieur middenlander. Je rentre, je dérobe, je sors, et cette Lia n’y verra que du feu ! »
Face à cette déclamation grandiloquente (et quelque peu alcoolisée), le noble avait eu un sourire indulgent.


***

Septième étage. Ça n’avait rien d’une partie de plaisir. Des sorts et des flèches empoisonnées fusaient de toute part. Mundek devait bouger vite, et cela le rendait plus facilement détectable. Lia le ciblait de plus en plus précisément. Il lança une charge de démolition artisanale sur un pilier garni de glyphes. Le nain n’avait pas dit son dernier mot.

Huitième étage. La trappe menant au septième avait disparu, pas de fuite possible. Une partie de plaisir.

Neuvième étage. Lia était douée, mais Mundek avait au moins une caractéristique typiquement naine.

Il était têtu.

Dixième étage. Elzebert s’était déplacé en personne.
Kruti !

***

Au sommet de la tour, un mur s’effondra, le bruit masqué par celui des sortilèges et des explosifs nains qui retentissaient quelques étages plus bas. Une silhouette humanoïde pénétra par l’ouverture. Si ses traits évoquaient encore ceux d’un noble middenlander, ses cornes torsadées et son regard malfaisant ne laissaient plus de doute sur sa nature véritable. Repliant ses ailes de cuir, le démon s’approcha du centre de la pièce et de l’artefact qui y trônait. Une étrange machine, siège de l’esprit qui habitait cette tour. Lia venait d’apprendre bien des choses aujourd’hui. Que tous les voleurs, jusqu’ici, avaient été attirés par le défi même qu’elle représentait, plus que par le larcin lui-même. Qu’un voleur d’une autre nature n’aurait aucun scrupule à monter directement au dernier étage. Et qu’un nain coriace faisait une excellente diversion.

Les traits du noble se durcirent. Oui elle apprenait. Dans quelques siècles, elle surpasserait probablement le plus rusé des démons. Il prit l’artefact, et fit demi-tour. Il déploya ses ailes, s’envola et, sitôt qu’il fut assez haut, lâcha la machine dans le vide.

Quand on planifie dans la durée, on élimine ses futurs rivaux au berceau. Cette leçon-là, elle ne l’apprendrait pas.

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Lun 17 Oct 2022 - 21:03
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes. Camouflé Ninja



Décrocher la lune, oui-oui!


Dans des galeries, loin sous terre
Dans un coin reculé de la Cité des Damnés,
Du clan Eshin, le chef de guerre
Préparait de main de maitre un plan futé-rusé.
Ses officiers, avait-il ouïe dire,
De tous les Skavens, étaient les pires.
Mais impossible de faire une tuerie-action!
La moitié du clan entrerait en rébellion…
Soudain, le rat cornu soit béni,
Le maitre eut une idée-génie…

« Proches-amis, le travail-galère est fini!
Farfouiller-chercher dans les débris
Des heures pour une petite pépite
Dans cette grande cité décrépite…
Voyez-mirez de toutes la plus grande!
Je promets une place au conseil des treize
Au rat-rongeur qui m’en fera l’offrande. »
Tous contemplèrent Morrslieb d’yeux de braise…
De tous les présents avortons,
Seuls trois mordirent à l’hameçon.

Le premier chevronné
Prépara son lancer.
Positionnée-placée, orientée, calibrée,
Au sommet d’un promontoire
La catapulte était la solution rêvée.
Et s’envolant pour sa victoire
Le rat se rendit compte bien trop tard
Qu’il finirait chez les sœurs de Sigmar.

Contre les nains, revenant de guerre
Le deuxième proposa un gyrocoptère.
Oui-oui, avec un peu de malepierre,
L’appareil-machine ferait l’affaire.
Un bruit de moteur,
Gagner de la hauteur,
S’approcher de la lueur,
Être déclaré vainqueur!
Et…
Les hélices qui gémissent,
L’absence de notice,
Un feu d’artifice,
Direction le précipice.

Le troisième ingénieur
Se savait supérieur.
Des humains prenant l’exemple
Chez Morr s’en alla avec ses sbires
Étudier la tour du temple
Très vite vint l’idée de l’agrandir.
Échafaudant des plans
Les gravats ramassant
Toute la ville dérangeant
Provoqua une guerre des clans!
Aventuriers, baroudeurs, mercenaires
Répurgateurs, chasseurs, possédés
Dans des escarmouches ensanglantées
Vers cette tour bancale se ruèrent.
De l’accord de tous nommé second cataclysme
Fut l’effondrement comparable à un séisme.

De son observatoire le maitre de la nuit
Assis, admirait son chef-d’œuvre.
Des félons-traitres occis, les factions affaiblies
Par le rat cornu, quelle manœuvre!
Dommage qu’il ne puisse pas en profiter…
Les yeux vides fixés sur Morrslieb
Doucement sa tunique s’imbibe
De son sang. Le nouveau maitre rangea
Dans son fourreau l’arme de l’attentat.
Rester sur terre était le secret pour gagner.

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
ethgri wyrda

ethgri wyrda





Roi revenant
Roi revenant
Age : 26
Nombre de messages : 1134
Date d'inscription : 03/04/2015
Vainqueur d'évènement : Concours de texte
Palmares : Comte de la crypte 2016 & 2021

Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Lun 17 Oct 2022 - 21:03
Note : L'auteur de ce texte et des textes suivants est anonyme. La réelle identité des auteurs sera dévoilée après les votes.  Camouflé Ninja



Un Oeuf.




"C’est une belle journée, ça c’est sûr. Pas tant qu’il fait soleil ou quoi, ni qu’on fait quelqu’chose qu’on aime, mais j’ai la main d’Edric dans la mienne ; alors c’est une sacrée belle journée ! On marche depuis l’aube, on est dix recrutés par le bâtard du Seigneur d’Haute Cime, plus le bâtard lui-même qui conduit l’expédition avec son foutu caractère. On dirait qu’l’est toujours en colère, comme sur’l’point d’vous mordre. Edric dit qu’c’est parc’qu’il en veut à tout l’monde d’pas être né du bon côté du lit ; qu’ça f’rait d’lui un seigneur au lieu d’devoir crapahuter avec des gens comme nous. J’y suis pour rien, moi, si sa mère était pas celle qui d’vait, j’comprends pas pourquoi il est si méchant. Du reste, personne peut encadrer les bâtards…

C’est Edric qui m’a convaincue d’accepter d’venir aujourd’hui. Mon Edric, avec ses yeux bizarres qui vous voient droit jusqu’au cœur. Un jaune presque doré et l’autre vert tout pétillant quand c’est moi qu’y r’garde. Les autres l’aiment pas, aucun d’eux ; ceux du village j’veux dire. « Demi-Fée » qu’il l’appelle, comme si qu’c’était une insulte. C’est vrai qu’il est sacrément grand et tout fin, souple et sec comme une branche de saule. Et avec ses ch’veux blonds qui r’tombent à la poitrine et ses yeux, y a d’quoi s’tromper. Moi J’sais qu’c’est qu’des racontars ; Edric essaie d’m’embobiner quelques fois, y sais bien qu’j’adore ça ; mais il est pas plus Fée qu’moi, ma main au feu.

Il est différent maintenant, il veut qu’on s’en aille, qu’on vive ailleurs, ensemble, à l’abri. C’est d’puis qu’la vieille Alberte m’a vue la dernière fois ; elle a su tout de suite. « Ce s’ra un garçon », qu’elle m’a dit, en souriant avec sa vieille bouche sans dent. « Un garçon, pour sûr, tu peux compter d’sus ma fille ». Elle se trompe jamais là-dessus, elle est un peu sorcière à c’qu’on dit. Edric, ça l’a tout retourné c’te nouvelle. Il a peur que l’gamin soit comme lui dans l’même village que lui : montré du doigt par les autres et forcé d’vivre à la lisière des bois, comme lui. Alors il veut qu’on fasse quelqu’chose pour se sortir de là. C’est là qu’il m’a dit que l’bâtard cherchait des gens décidés pour une aventure folle. « C’est risqué », qu’il m’a dit, « mais si on y arrive, on s’ra directement au service du Seigneur, avec plein de pièces pour nous en plus ». « Pourquoi l’bâtard f’rait ça pour nous ? », qu’j’ai d’mandé. « Y paraît qu’s’on père s’rait prêt à l’légitimer pour avoir c’qui veut ».

Donc nous v’la à marcher d’puis plusieurs jours et à grimper sec pour atteindre les sommets. D’après c’que disent les gens du pays, y aurait un nid pas loin ; des vaches disparaissent sans laisser d’traces, et plusieurs paysans pensent avoir vu son ombre qui v’nait du ciel.

C’est not’ dernière nuit avant d’aller fourrer nos mains dans les embrouilles ; c’est p’têt bien not’dernière nuit tout court. J’serre mon Edric tout cont’moi près du feu. Les autres l’aiment pas, surtout qu’y m’tournent autour depuis qu’on est partis. Mais j’lâche pas mon homme, ma Demi-Fée ; j’veux en profiter pour une fois qu’on doit pas s’cacher. Au village on pouvait jamais s’voir, fallait que j’parte en forêt et qu’on s’retrouve en douce. Mon père m’a battue bien des fois vu qu’il savait qu’j’filais le r’trouver, mais j’m’en fichais et j’y allais quand même. Alors c’est pas des r’gards d’travers qui vont m’priver d’mon p’tit bout d’bonheur, ça non. Ni l’bâtard qui ronchonne comme toujours dans son coin, sans s’occuper d’nous.

On dort tout les deux, tout blottis l’un contre l’autre et ses grandes mains fines sont posées sur mon ventre. J’voudrais qu’ça dure toujours.

C’te fois on y est, vrai de vrai. L’nid est là, juste à une trentaine de pas. On est tous blottis contre tous les pauv’ rochers qui traînent à la ronde. C’te chose est énorme, on pourrait tous tenir dedans sans s’serrer ; c’est plus grand qu’la bicoque d’mes parents. Le piaf est parti d’puis un moment déjà mais on attend. L’bâtard veut pas qu’on bouge avant qu’y donne l’ordre. J’suis juste derrière mon Edric, j’lui serre le bras. J’ai peur, j’sens qu’on pourrait y rester comme pour rien. On n’a pas vu partir l’bestiau mais on f’rait mieux d’plus y être quand y r’viendra ou ça va chauffer. L’bâtard agite enfin l’bras deux ou trois fois et on s’met en route. Y a des carcasses partout, des vaches à d’mi bouffées qui pourrissent ici et là, j’vois même un bras bien humain tout déchiqu’té qui traîne à terre. J’ai des sacrées montées d’trouille, j’veux plus être là ; si j’avais pas Edric qui m’tire en avant j’foutrais l’camp sans d’mander mon reste. Mais il avance toujours, il est décidé pour le p’tit et j’l’aime tant. Alors j’suis l’mouvement et on s’retrouve dans les premiers à atteindre le nid. P.utain qu’c’est grand, pourquoi faut qu’ce soit grand à c’point-là ?

Y a trois œufs, énormes, gros comme un veau. On pourra jamais les transporter, jamais. C’est trop lourd, pour sûr. On f’rait mieux d’partir et vite, mais les autres les soulèvent et commencent à les sortir du nid. J’sais pas pourquoi mais j’peux pas m’empêcher d’les trouver vraiment beaux. Ils sont parfaits, bien lisses et tout piquetés de taches rousses. Ils ont l’air doux et j’peux pas m’empêcher d’toucher c’lui qu’ils collent dans l’dos d’Edric. Y m’disent d’l’aider comme j’peux alors on repart en f’sant bien gaffe. J’tourne la tête et j’vois qu’les autres sont encore en train d’charrier les deux restants quand ça arrive. C’était fatal, fallait pas tant traîner. Au début, j’comprends pas trop c’qui s’passe : y a un cri si perçant qu’tout s’arrête. Plus personne bouge et pas un qui ose lever les yeux au ciel pour savoir. Puis y en a un qui s’effondre ; j’ai juste le temps d’voir son crâne exploser sous l’sabot qui lui tombe directement d’ssus. Tout l’monde s’met à courir sans plus s’soucier d’ram’ner quoi qu’ce soit d’autre que sa peau. Mais la mère est pas d’avis d’laisser des péquenots visiter son nid et elle se met à tailler dru dans tout ce qui passe à portée d’ses griffes. Elle couche plusieurs gars sans faire d’effort, quatre ou cinq j’dirais, même si j’suis sûre de rien. Les tripes volent de partout, ça m’donne envie d’gerber.

Edric continue d’avancer. Y m’parle mais j’comprends pas c’qu’y m’dit. J’peux pas quitter la bête des yeux, j’ai jamais rien vu d’plus terrifiant d’toute ma vie. Alors y m’retourne vers lui d’force et y m’colle une gifle d’sa grande main qui m’réveille d’un coup. Y m’a jamais cognée avant. J’veux pas qu’y m’cogne, j’ai bien assez avec mon paternel. J’ai les larmes qui m’piquent les yeux mais j’vois qu’il a peur lui aussi et y m’pousse en avant pour qu’on foute le camp l’plus vite possible.

On dévale la pente aussi vite qu’on peut, mais c’est pas facile avec c’te foutu chargement. S’agirait pas de l’briser, pas après tout ça. Edric m’dit qu’on s’ra en sécurité près des arbres, qu’la bête est trop grosse pour nous suivre là-bas et qu’les Fées nous protégeront ou j’sais pas quelle foutaise. Les Fées ont aut’chose à faire que d’nous sauver les fesses ! Y veut m’rassurer, j’sais bien. J’entends du bruit derrière et j’regarde ; c’est l’bâtard qui nous course. Y nous rattrape avec sa gueule toujours tordue d’colère. Il a pas un mot pour nous ou pour les autres. On sait qu’ceux qui sont restés derrière r’viendront pas, aucune chance. Mais lui y s’en fout, il a c’qui voulait. Y nous aide pas, y s’contente d’regarder en l’air avec la main sur son épée. Comme si ça pouvait servir à quelqu’chose…
On progresse, on longe une falaise. L’couvert des arbres est plus très loin, ça va aller. J’devrais savoir qu’ça marche pas comme ça mais j’peux pas m’empêcher d’espérer.

Dame, fais qu’on y arrive ; j’la veux c’te nouvelle vie avec mon Edric et mon gosse. Y a un nouveau cri. Je sens qu’j’fais sous moi ; elle nous a r’trouvés. Bien sûr qu’elle nous a r’trouvé, qu’est-ce qu’tu croyais ? On presse le pas mais l’bâtard reste en arrière et tire sa stupide épée. Elle va choisir l’œuf, on est foutus. A sa place j’prendrais l’œuf, y s’ra toujours temps d’s’occuper du guignol après ça. Mais non, c’est pour sa pomme à lui. On r’garde même pas, on trace. On entend l’bâtard hurler sa colère, puis plus rien alors qu’on franchit l’bord des arbres. On s’arrête pas, pas avant une bonne heure. Là on tombe raide, mais en f’sant gaffe pour l’chargement. On s’installe et on s’serre tous les deux. J’vois Edric pleurer avec ses yeux verrons. On l’a fait, on va changer d’vie. On va offrir autre chose pour not’ gamin. La vieille Alberte la dit, ce s’ra forcément un garçon. J’espère qu’il aura les yeux d’son père, j’espère tant. On s’roule autour d’l’œuf pour dormir, on peut plus rien faire d’autre ; plus la force. J’le caresse et j’me dis qu’se s’ra un peu comme un frère ou une sœur pour not’p’tit ; c’est bizarre comme pensée, mais c’est à ça que j’pense en fermant les yeux. Edric est près d’moi, il a sa grande main sur mon ventre. Je souris."

_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
Contenu sponsorisé






Concours de récits 2022 - Textes Empty Re: Concours de récits 2022 - Textes

Revenir en haut
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum