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Hjalmar Oksilden

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Kasztellan
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Textes du concours de récit 2019 Empty Textes du concours de récit 2019

Dim 15 Sep 2019 - 17:20
Bonjour à tous !

Comme convenu, le sujet ci-présent servira à recueillir les textes des participants au concours de récit de 2019.

Petit rappel des règles :


  • Ce sujet sera ouvert du dimanche 15 septembre au mardi 1er octobre

  • Seul les textes des participants sont autorisés dans ce sujet. Pour les commentaires en tout genre, il vous faudra discutailler dans le sujet suivant : Inscriptions et discussions variées

  • Au 1er octobre, j'ouvrirais un nouveau sujet dans lequel les votes pour départager les textes de cette année seront récoltés. Ce nouveau sujet sera ouvert jusqu'au  mardi 15 octobre


A vos plumes !

Rappel des quelques consignes (le non respect vaudra une pénalité dans le score final) :
- Respect du thème "L'autre" donné par le comte actuel
- Insérer le récit dans le monde de warhammer battle
- Ne pas dépasser 2 pages word (Times New Roman, police 11, intervalle 1.0) ou 8000 caractères (espaces compris)
Bonne chance à tous !
[A]

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"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett

Les livres dans le paquetage du nordique...:
ethgri wyrda

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Roi revenant
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Textes du concours de récit 2019 Empty Re: Textes du concours de récit 2019

Ven 20 Sep 2019 - 22:02
Eh bien... ouvrons le bal Messieurs Dames! Que la fête commence! Textes du concours de récit 2019 705433 Vampire study





Acte 1 Scène 1: Malekith




Une grande salle sombre. Le sol de marbre gris est maculé de sang caillé. Des arches de basalte montent jusqu’au plafond. Un imposant trône aux arrêtes tranchantes domine la pièce du haut de quelques marches de pierre. Un des murs est percé d’une ouverture donnant sur un balcon étroit et sans rebord. La neige s’y abat à lourds flocons, projetée par un blizzard féroce.
Malekith, le roi-sorcier de Nagaroth, fait le tour de la pièce. Le bruit des ongles de sa main métallique tapant contre le mur se répète inlassablement.

Une porte s’ouvre avec fracas. Un garde entre, le dos courbé dans une révérence respectueuse.


Garde:
Ô seigneur Malekith, voilà le prisonnier.

Un elfe en haillons est jeté dans la pièce. Le garde repart en reculant, toujours voûté. Pendant quelques secondes, le prisonnier cligne des yeux pour s’habituer à la lumière. Malékith s’est tourné vers lui.

Malekith :
La bienvenue, espion de la cour des Asurs  
Mes félicitations pour être le premier
Dans ces terres interdites à tous ceux que j’abjure.

Le Prisonnier : d’une voix hésitante
Etes-vous…ceci est un décalage invisiblececi est un décalage invisible

Malekith :
Je le suis.ceci est un décalage invisible

Le Prisonnier :
ceci est un décalage invisible…le roi-sorcier ?
Malekith :
ceci est un décalage invisiblececi est un décalage invisibleLe seul.

Le Prisonnier :
Je n’aurais jamais cru voir le monstre en personne.

Malekith :riant
Tes mots sont-ils si crûs car tu sens le linceul ?
Est-ce un vrai ressenti ? l’impression que je donne ?

Le Prisonnier : l’air un peu hagard
Pourquoi suis-je vivant ? ceci est un décalage invisible

Malekith :
ceci est un décalage invisibleNe sois pas si surpris.
Ceux qui viennent comme toi périssent souvent trop vite
Le peu qui ne meurt pas je veux pouvoir ici
Applaudir ses talents autant qu’il le mérite.

Le Prisonnier : en se redressant contre un mur
Nombreux sont vos espions parfois jusqu’à la cour
Qui corrompent et épient sur notre île-Continent
Dans cette guerre de la nuit, il faut bien qu’en retour
Parfois nous envoyions nous aussi des agents

Malékith : amusé
Je connais tous les goûts d’Aethis le faux-roi
Mais en retour que sait son espion sur mon compte ?

Le Prisonnier :
Plus qu’assezceci est un décalage invisible

Malekith:
ceci est un décalage invisibleEst-ce vrai ? J’attends, explique-moi ?

Le Prisonnier :
Je sais que vous êtes fou !ceci est un décalage invisible

Malekith :
ceci est un décalage invisibleC’est ce que l’on raconte.

Le Prisonnier :
Je connais toute l’histoire de la grande déchirure,
Tout de la guerre civile, de vos crimes innommables !

Malekith :
N’écoute pas ces babils, tu les tiens de parjures.
Tout ce que tu crois croire n’est que mensonges et fables.
Je ne fais que chercher ce qui me vient de droit.

Le Prisonnier :
Il n’y a que mourir qui vous revient !

Malekith :
ceci est un décalage invisiblececi est un décalage invisibleSuffit !
Je t’ai gardé pour rire mais ne me fâche pas.

Le Prisonnier : avec dégoût
Même pour vous amuser vous jouez avec la vie!

Malekith :
C’est un de mes moyens.ceci est un décalage invisible

Le Prisonnier : un rictus aux lèvres
ceci est un décalage invisibleComme détruire vos cités?
J’ai entendu parler du sort de Har Kaldra.
Combien vous souriiez quand vous l’avez rasée

Malekith :
Il me faut rester craint quand une ville quitte mes lois
Et vois, un an déjà, et pas un jour ne passe
Sans que le souvenir de la ville calcinée
N’éteigne les désirs de troubles qui menacent
La splendeur de l’éclat de ce que j’ai créé.

Le Prisonnier :
Vous êtes un destructeur, meurtrier…

Malekith :
ceci est un décalage invisiblececi est un décalage invisibleEt bien pire!

Le Prisonnier :
On vous suit, mais pourquoi ?  Par peur des coups de fouets ?
Nous, nous servons un roi pour l’amour qu’il inspire !
Gloire à notre seigneur, Aethis et sa paix !

Malekith se retourne brusquement vers le prisonnier, le bras tendu. Deux flèches translucides jaillissent de ses doigts et se plantent dans le bras du prisonnier qui retient un cri.

Malekith :
Je n’ai eu aucun mal à corrompre ses princes!
Aethis est un lâche et un incompétent !

Le Prisonnier : luttant contre la douleur
Lui travaille sans relâche au bien de ses provinces
Il est l’artiste royal à l’immense talent !
Musicien, batisseur, peintre, poète, écrivain…

Malekith :
Aethis est poète ? Pourquoi pas Malekith ?
N’ai-je que la facette d’un monstre que l’on craint ?
N’inspiré-je que la peur ?ceci est un décalage invisible

Le Prisonnier :
ceci est un décalage invisibleC’est votre seul mérite !

Malekith : tirant son épée et frappant le prisonnier à chaque phrase.
Idiot ! J’ai composé à la cour de mon père
Les poèmes les plus beaux qu’Ulthuan recevait!
D’à peine quelques bateaux, fait un royaume prospère !
J’ai moi-même dessiné les plans de mes palais !
Regarde ces hautes nefs, ces élégantes tours
J’en connais chaque détail, elles viennent toutes de moi !
Le fruit de mon travail peut-il être sans atours ?
Par-delà les griefs ne l’admire-t-on pas ?

Il laisse tomber son épée au sol

Malekith :se détournant du prisonnier
Aethis ! entend-moi ! Tu as tout pour le voir,
Cet autre Malekith plusieurs fois ton égal.
Cette copie maudite. Lui ai-je masqué sa gloire
En étant quelques fois Malekith le brutal ?
C’est pourtant mon talent qui permet de choisir
Qui j’envoie à ta cour infiltrer tes artistes
Ne dois-je pas tous les jours moi-même savoir écrire
Pour juger mes agents et mes propagandistes ?
Crois-tu que sans cet art Naggaroth serait née?
Qu’il n’y a pas de chants dans nos célébrations ?
Qu’aucun jeune insouciant ne rêve en mes cités ?
Que toi seul au miroir récite tes orations ?

Te rappelles-tu d’Anlec ? J’aimais tant cette ville
Tout y était si grand et précis à la fois
Elle était un joyau audacieux et fragile.
L’union du beau avec le plus pur des éclats.
Mais bien sûr elle n’est plus. Vous me l’avez brûlée
Ce qui était sublime vous l’avez mis à bas.
Tu dis que je décime mais lors de cette journée
Le massacre dans les rues venait de votre bras !
J’aurais dû faire taire l’autre Malekith passionné
Qui plutôt que des murs a construit des jardins.
Rester cruel et dur, rester le redouté
Pour tenir tous les vôtres par la terreur au loin.

C’est en étant violent que l’on protège ses œuvres :
Ma seule réputation suffit à repousser
Les plus grandes invasions déjà à la manœuvre
Mon monstre est le garant de ce que j’ai créé

Malekith s’assoit à même le sol. Le prisonnier émet un gémissement avant de s’écrouler.

Malekith :
Aethis je t’envie ne n’avoir qu’un visage
Tu es libre d’à loisir être un poète connu.
Tu peux chanter, sourire, récolter les hommages
Tu peux vivre ta vie telle que tu l’as voulue.
Si je montre un instant que j’aime trop quelque chose
L’instant d’après mille pièges sauront l’utiliser
Même le meilleur stratège, le jour où il s’expose
Succombe rapidement d’un coup bien ajusté.

Imagine qu’on apprenne soudain que l’Autre existe
Quelques jours suffiront pour que tout soit fini
Ceux qui fuient le démon attaqueront l’artiste
Poussé par cette haine que j’ai moi-même grandi
On viendra de partout pour le plaisir de voir
Tout ce que je chéris massacré, ravagé
Brûlant, rasé, détruit sous les coups de boutoir
Me voyant à genoux dans mes œuvres brisées.

Malekith, essoufflé, se redresse en s’aidant de son épée. Il regarde un moment sa victime qui se vide de son sang et hoquette à ses pieds.

Malekith :
Je t’ai porté ces coups tout en faisant des vers
Et vais pousser ton corps de tours que j’ai bâties
Demande toi alors quel roi est en colère
Malekith qui tue ou Malekith l’incompris.

Malekith prend le corps du prisonnier par la gorge et le traîne au travers de la pièce jusqu’au balcon. Là, il le jette sur la neige et, d’un coup de pied, le fait basculer dans le vide.


_________________
Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
vg11k

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Seigneur vampire
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Textes du concours de récit 2019 Empty Re: Textes du concours de récit 2019

Mer 25 Sep 2019 - 20:20
Cela faisait bien deux mois qu'elle n'avait plus revu son époux, Oscar Schnurrbart. Capitaine Schnurrbart. Celui-ci était tout juste arrivé, rappelé de sa campagne lointaine contre de perfides peaux-verte en maraude, menaçant la sécurité de la région.
 
     - Qu'ils aient réclamé mon assistance - et que ma hiérarchie l'ai accepté ! - est une insulte ! Enfin quoi, le clergé est amplement assez compétant pour s'occuper d'illuminés et de leurs croyances fantaisistes !
 
     Hochant la tête, elle approuva ses jérémiades sans oser protester. Ils étaient seuls dans la demeure, pourtant, il se sentait obligé de se donner en spectacle. Alors que, de toute évidence, elle n’avait aucun lien avec sa réaffectation…
 
     Tous deux s'étaient rencontrés lors de son bal de fin de promotion.  Elle n'était pas une noble dame venue chercher un conjoint parmi les généraux de demain, contrairement à d’autres. C'était alors une simple servante remplissant les verres et apportant les amuse-gueules. Et pourtant, il était venu lui parler. A elle. Plutôt qu’à une de ces femmes de noble lignée. Contre l'opinion générale, c'est elle qu'il avait fait danser. Et avec elle qu’il avait choisi de construire sa vie. De l’arracher à la misère.
 
     Tous deux eurent rapidement un enfant, Markus, marchant aujourd'hui dans les pas de son père à l'académie militaire. A tout juste dix ans, Oscar l’avait fait envoyer en internat dans une cité voisine « pour lui forger le caractère ». Toutefois, malgré la distance et les épreuves qu’il traversait, leur fils revenait tous les quatre mois aussi adorable qu’à son premier départ. De plus, il prenait soin d’écrire à sa mère toutes les semaines.
 
     - Ma place est sur un champ de bataille, pesta-t-il à nouveau en la tirant de ses pensées nostalgiques. Pas à l’abri derrière les murs à materner les bleusailles !
 
     Elle ne répondit pas à cette nouvelle protestation, baissant les yeux avec mélancolie. Elle aimait tendrement son mari et se réjouissait de le revoir, d’avoir l’occasion de partager du temps avec lui. Même si de toute évidence lui ne percevait pas cette opportunité de la même façon.
 
     Néanmoins, elle se ravisa après un moment :
 
     - Cela faisait longtemps que nous n’avions plus partagé une soirée… Juste toi et moi…
 
     Oscar se tourna vers elle, clignant des yeux. Un instant, elle crut avoir trop attendu de lui. Néanmoins, après un silence gênant, sa moustache se redressa pour révéler un sourire chaleureux. Ce même sourire qui l’avait conquis plus d’une décennie auparavant.
 
     - Tu dis vrai. Cela faisait trop longtemps.
 
     Tendrement, il se leva et prit sa main dans les siennes. Son front était plus ridé qu’à leur dernière rencontre, mais le bleu acier de son regard n’avait rien perdu de son magnétisme. Esquissant un grand sourire à son tour, elle réprima une bouffée d’émotions envers ce capitaine impérial. Son capitaine impérial. Son Oscar.
 
     - Je… Le repas… Hasarda-t-elle après un moment. Je vais le…
     - Laisse très chère, l’interrompit-il. Cela fait longtemps que je n’ai pas manié un couteau pour cuisiner. Il serait dommage que je perde la main.
 
     Ce fut presque à regret qu’elle le laissa se diriger vers la cuisine. Il avait toujours aimé manipuler les aliments, ce dont il ne se vantait certainement pas à la caserne. Souriant comme une gamine, elle le laissa à son petit plaisir, s’orientant vers leur chambre pour se refaire une beauté digne de la soirée à venir.
 
     Replaçant ses cheveux, elle étudia attentivement les mèches dans son reflet. Oscar était doux avec elle. Généreux. Elle souhaitait qu'il perçoive sa reconnaissance. Son amour. Son désir. Ses joues s'empourprèrent comme ceux d'une enfant à ces pensées.
 
     Brusquement, son reflet cessa de sourire. Le temps d'un battement de cils, la surprise chassa sa propre joie, venant imiter l'expression fugace qu'elle avait aperçue. Après un mouvement de recul, elle scruta ses propres traits avec intensité. Se penchant vers elle, la femme dans le miroir fit de même, étudiant son visage.
 
     - Ma pauvre, s'adressa-t-elle discrètement avec un rictus fatigué. Si ton mari te voyait, que penserait-il de toi ?
 
     Énonçant les mêmes mots, son double inclina tout comme elle la tête de côté. Ses joues étaient légèrement rosées, aussi déposa-t-elle une fine couche de poudre blanche sur sa peau afin d'éclaircir ses pommettes. Se penchant plus près, elle examina le résultat avec satisfaction.
 
     - Allez, Trésor, s'adressa-t-elle en se souriant.
 
     Jusqu'à ce que le regard de son reflet ne cille. Elle eut un nouveau mouvement de recul, fronçant les sourcils. Elle ne rêvait pas, l’image venait bien de bouger d'elle-même. Interloquée, elle réprima un frisson glacé qui lui remonta le long du dos, puis scruta le miroir en biais. Son double fit de même. Elle retint malgré tout son souffle, attentive aux réactions de la personne à qui elle faisait face.

     Brusquement elle ouvrit grand la bouche, tentant de surprendre son reflet. Mais celui-ci ne fut pas dupe. Elle plissa le regard, imitée par l'autre à l'expression pincée. Le doute la rongeait, l'empêchant de détacher son regard de la réflexion. Lorsque, timidement, elle approcha un doigt de la glace en retenant son souffle, là encore le double fit de même. Enfin, lorsqu'elle toucha la vitre froide du bout de l'index, la femme dans le miroir referma ses doigts sur son poignet.
 
     S'étranglant de stupeur, elle tenta de pousser un cri paniqué. Mais son reflet ne souriait plus du tout et la contempla intensément. Il tendit le bras à travers la vitre pour la saisir à la gorge. Ses doigts étaient froids contre la peau de son cou et avaient la force d'un étau, lui comprimant la trachée et l’empêchant d’appeler Oscar. En une fraction de seconde, elle fut tirée en avant et son front vint se coller au miroir glacé. Qu'elle traversa.
 
     La sensation d'un seau d'eau en pleine figure lui coupa le souffle comme elle plongeait de l'autre côté. Avant qu'elle ne le réalise, elle avait basculé toute entière. A l’intérieur du miroir. Son cadre était l'unique source lumineuse d’une nuit sans étoiles alors qu’elle semblait nager dans le vide. Il était une fenêtre vers son foyer. Pivotant, elle tendit les doigts pour effleurer celui-ci… et se heurta à une vitre solide. De l'autre côté, elle se voyait. Son reflet. Il l'avait littéralement remplacé dans la réalité, lui souriant. Il se recoiffa tranquillement.
 
     Elle hurla à pleins poumons, tambourinant contre la paroi lisse. Mais elle n'entendit pas sa propre détresse. En fait, elle ne percevait nul bruit autre que les battements furieux de son cœur, à l’intérieur de son crâne. Comme si la dimension où elle se trouvait ne pouvait diffuser le moindre son. Les larmes aux yeux, elle ne put qu'observer l'imposteur se délecter de sa détresse. Elle était piégée, incapable d'appeler son cher et tendre au secours.
 
     - Chérie, que fais-tu ? Demanda la voix de son époux dans la pièce voisine.
     - Je peaufinais mon teint, Trésor. J'arrive.
 
     Avec un clin d'œil sensuel, le reflet se détourna de sa prisonnière pour disparaître de son champ de vision. Dans l'instant, des ténèbres l'enveloppèrent tel un funeste linceul, l'entrainant en arrière. Ses efforts pour lutter étaient vains. Elle s'éloignait irrémédiablement de la lumière de sa chambre, avalée par l'obscurité...
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Jeu 26 Sep 2019 - 12:35

     Tout au fond de la Drakwald, au-delà de broussailles si épaisses que même les hommes-bêtes les plus audacieux refuseraient de les braver, trois guerriers du chaos, trois guerriers serviteurs de la Ruine, trois guerriers aussi massifs que les arbres qui les environnaient s'étaient installés à bivouaquer. Dans l'obscurité des frondaisons saturées d'immenses toiles d'araignée, au milieu des racines et des cadavres des arachnides qui avaient eu le toupet de se frotter à leurs épées, trois guerriers du Chaos, Velkar, Agrax et Lucius s'étaient passablement installés autour d'un feu de camp fumant et crachotant. Casques à cornes enlevés et posés à terre, ils s'étaient nonchalamment installés autour du feu de camp, à moins que ce fût simplement la fatigue qui expliquât leurs positions allongées. Armures du chaos luisantes encore de l'ichor fielleux des araignées géantes, Velkar, Agrax et Lucius s'étaient installés au fond du bois de la Drakwald, leurs coudes massifs enfonçant les épaisses racines humides et pourrissantes des arbres. Nonobstant le fait que rien ni personne n'aurait justifié leur présence en ce lieu, Velkar, Agrax et Lucius vérifiaient le bon état de leurs armes et de leurs boucliers, l'un d'entre eux rajoutant parfois quelques brindilles dans le malheureux feu de camp fumant et crachotant.
     Le jour s'était presque mué en nuit, les animaux herbivores s'étaient presque tous dissimulés dans leurs refuges, les animaux carnivores aussi et les monstres innommables de la Drakwald s'étaient presque tous réveillés pour semer à nouveau la terreur dans la forêt et ses environs. Ni Velkar, ni Agrax, ni Lucius ne savaient exactement de quelle manière ils s'étaient retrouvés là, quelque part au milieu de la Drakwald, mais ils n'en faisaient pas grand cas, les dieux du Chaos ayant réponse à tout mystère, à tout non-dit.
     Le feu de camp envoya des visions au trois guerriers. Dans chaque langue de flammes ils aperçurent des reflets du passé, des échos de leur vie antérieure, et il n'y avait pas de raison pour expliquer ces choses-là. Nul n'aurait d'ailleurs pu indiquer l'importance qu'accordaient les guerriers à leurs visions : l'un d'eux nettoyait son épée avec de l'humus, l'autre venait de déposer son bouclier proprement astiqué, le troisième s'était levé pour quelques sommaires étirements musculaires. En somme, ce fut comme si rien d'invraisemblable ne fût en train d'arriver.
     Quelque temps après, cependant, alors qu'ils avaient eu l'idée de mettre une araignée géante à rôtir au dessus du feu, l'un d'eux, Velkar, demanda à ses compagnons d'armes :

     Velkar : - Que les flammes montraient-elles ? Je n'ai pas bien suivi.

     Agrax : - Des échos du passé, des reflets de ta vie.

     Lucius : - Pour ma part, j'ai reçu la vision d'un avenir qui n'arrivera jamais.

     Velkar : - Comment ça ?

     Lucius : - C'est à dire que si dans le passé j'avais fait d'autres choix, j'aurais vécu l'avenir qui m'est apparu là.

     Velkar : - L'avenir... quoi ?!

     Agrax : - C'est très simple, Velkar, il n'y a pas qu'une seule voie.

     Velkar : - …

     Agrax : - On peut dire que Lucius a vu son autre « moi ». Car le « moi » que je suis, serviteur de la Ruine, n'est qu'un « moi » parmi d'autres. Vois-tu ?

     Velkar : - Je devine.

     Lucius : - L'autre « moi » que j'ai vu dans les flammes de ce soir est un beau gentilhomme, socialement au pouvoir.

     Agrax : - Eh bien, ça, cher Lucius, ça ne m'étonne même pas. Mais aimerais-tu savoir quel est mon autre « moi » ?

     Lucius : - Raconte ça !

     Agrax : - J'étais fils de boucher mais... Mais mon autre « moi » aurait été seigneur au service d'un roi.

     Velkar : - Vous êtes bien dérangeants, tous les deux, par ma foi !

     Agrax : - Bah, bah, bah, nous repartons demain à l'aurore. Le souvenir de ce soir sera promptement mort.

     Lucius : - Que c'est triste, je ne saurai jamais ce que c'est d'avoir femme et enfants, l'occasion est passée.

     Agrax : - Goûte donc une patte d'araignée épicée. Le dîner de ce soir est vraiment un succès !

     Velkar : - Vous m'agacez. Bonne nuit !


     Ses compagnons d'armes échangèrent des regards éloquents alors que le guerrier du chaos s'affalait pour de bon et sombrait presque immédiatement dans un profond sommeil. Il n'avait presque pas touché à l'araignée géante, alors que pourtant ils avaient mangé bien pire auparavant ; cela devait signifier que quelque chose lui avait coupé l'appétit et ni Agrax, ni Lucius ne se faisaient de doute là-dessus : les flammes du feu de camp lui avaient aussi révélé son « autre moi », ce qu'il aurait pu devenir si l'appel du Chaos n'avait pas retenti dans son esprit. Ils respecteraient sa  volonté de garder ce secret pour lui.
     Le feu de camp crépita et crachota longtemps encore après que l'araignée géante rôtie à la broche fut engloutie. Il y eut beaucoup de bruits nocturnes qui auraient rendu fou n'importe quel voyageur égaré dans cette forêt maudite mais les trois guerriers du Chaos dormirent sur leurs deux oreilles. Le jour suivant, ils balayèrent les traces de leur bivouac d'un coup de pied négligent et se remirent en route ; si les dieux entendaient leurs prières, ils leurs enverraient peut-être encore moult ennemis à vaincre et à massacrer pour la gloire éternelle de la Ruine.


Guerrier du chaos  Guerrier du chaos  Guerrier du chaos

Arken

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Ven 27 Sep 2019 - 10:12
L’herbe d’à côté

D’un formidable élan, le mollard s’écrasa sur le sol. Des morceaux de cuir mal assemblés, crottés, malodorants, ornaient le pied rachitique et terreux aux ongles noirs qui fit disparaître le crachat en malaxant la terre d’un geste méprisant. A l’opposé, la source du projectile. Une ruine dentaire noirâtre et puante animée par un rictus de dégout surmontée d’une cavité nasale recouverte de verrues, et de deux grottes orbitales bien trop grandes pour les billes brunâtres et fouineuses qui les habitaient.
Du concept de femme, cette pauvre créature n’en gardait que des cheveux blancs filasses et une poitrine si fripée qu’elle tombait comme un fruit pourri. Les amoncellements ensanglantés d’os, de chair et de peau qui devaient lui servir de mains tenaient tant bien que mal une faux rouillée et tordue.
- J’te sortirais de terre et te tuerais moi-même pour m’avoir abandonnée, pourriture !
Son arme s’abattit. Le blé se coucha sous le poids, trop résistant pour une lame émoussée maniée avec si peu de force.
Taploc-taploc. Taploc-taploc.
Sa vieille carcasse pivota avec difficulté. De l’autre côté du champ, sur la piste, deux cavaliers. Le visage de la paysanne se déforma sous l’impulsion d’une haine soudaine. Une Shalléenne et son protecteur. Une belle jeune femme, parée d’une robe si neuve, si propre, si blanche, avec des cheveux magnifiques reflétant le soleil comme un miroir, attachés par un chignon impeccable et élégant…
Que ne donnerait-elle pas pour retrouver cette jeunesse, ce dos bien droit, ce menton relevé avec fierté, gouter à la liberté de parcourir le monde, d’échapper à la déformation des grossesses à répétition et au dur labeur des champs ! Et surtout, de vivre avec tout l’amour et la reconnaissance des malades traités et de leur famille…
Elle resta immobile tandis que les cavaliers arrivaient à l’entrée de la bourgade, son regard haineux changé en une larme de triste jalousie.


Garde le dos droit. Sois forte. Fais ton devoir.
Elle descendit de cheval avec un soupir censé chasser son angoisse. Elle tourna la tête pour éviter le regard sévère de son garde du corps et s’empara de sa trousse de soins. Puis, avec résignation, elle s’approcha du bâtiment miteux qui faisait office de dispensaire. Comme à chaque fois, la première à l’accueillir était l’odeur. Maladive, gangrenée et mortifère. Elle s’arrêta un instant, le bras devant la bouche, le temps de s’y habituer. Même si elle savait très bien qu’elle ne se sentirait pas bien tant qu’elle ne s’en éloignerait pas. Ensuite, avant de pousser la porte, vinrent les bruits. Des gémissements de désespoir, des cris de douleur, des râles d’agonie, des sanglots anéantis. Elle se retint de se boucher les oreilles, consciente que ça ne servirait à rien. Arrivée à quelques pouces de l’entrée, elle faillit faire demi-tour. Mais le regard de la matriarche du temple lui revint en mémoire. Froid. Sévère. Inquisiteur. Elle pria la Déesse pour sa miséricorde, et entra.
Des paillasses à même le sol, un vieux panneau de bois branlant pour séparer malades et blessés, et seulement une vieille guérisseuse de village au milieu des habitants éplorés venus soutenir les membres de leur famille. L’air imprégné de suie laissait un brouillard âcre dans la semi-obscurité des cierges. La rebouteuse lui désigna le fond de la petite pièce. Les cas les plus graves, que seule une prêtresse comme elle pouvait espérer sauver. S’accrochant à l’idée d’être le dernier espoir de ces pauvres âmes, elle s’avança parmi la misère et la mort.
Elle n’eut pas le temps de se pencher vers son premier patient. Les mains d’une femme se refermèrent en étau sur son bras. Une villageoise, déjà bien trop ridée pour la trentaine d’années qu’elle avait, le ventre arrondi.
- Je vous en prie, aidez mon mari.
Elle l’attira vers une paillasse laissée dans l’ombre, elle s’agenouillèrent toutes les deux.
- Je ne pourrai pas élever nos enfants sans lui, guérissez-le !
La jeune prêtresse prit le poignet de l’homme et comprit tout de suite que quelque chose n’allait pas. Elle tourna la tête vers celle du malade et retint un cri. Le visage bouffi, la peau violacée, les lèvres gonflées, et deux yeux éteints déjà à moitié dévorés par les vers.
- Je… je suis désolée… Il est mort, il faut le sortir d’ici, creuser…
Sa phrase disparut dans un gargouillis de terreur. La paysanne l’avait attrapé par la nuque d’un geste et d’une force insoupçonnée et l’avait forcée à se pencher sur le visage de son cher mari. Les asticots à un pouce de son nez, elle pouvait entendre jusqu’aux bruits de grouillement qu’ils faisaient en creusant les orbites.
- RÉVEILLEZ-LE ! IL N’EST PAS MORT ! GUÉRISSEZ-LE !
La pression se relâcha soudain et un bruit d’os brisé fracassa ses oreilles alors qu’elle se reculait précipitamment. Son garde, resté à l’entrée, s’était rué sur la pauvre femme et l’avait écartée d’un geste puissant. Son corps gisait désormais contre le mur d’en face, inerte, du sang s’échappant de sa tête et colorant le sol.
- Vous allez bien ?
La jeune Shalléenne, le souffle saccadé, fixait tour à tour son protecteur et le cadavre de l’époux avec des yeux remplis d’horreur. Quand son regard se porta sur la villageoise, sa respiration se bloqua, avant de reprendre encore plus vite et de manière incontrôlable. Elle avait violé la première loi de l’Ordre. Elle avait tué quelqu’un, elle avait pris la vie d’une pauvre âme qui demandait son aide. Elle commença à suffoquer, ne pouvant détourner les yeux de la flaque de sang qui s’étendait.
- Prêtresse ?
En l’absence de réponse, le garde comprit l’urgence, soutint la jeune femme avec un bras sous les épaules et la sortit du bâtiment, écartant sans ménagement les badauds sur son chemin. Arrivés à l’extérieur, elle put enfin prendre une grande inspiration et éclata en sanglots, se laissant tomber dans la boue. Alors qu’elle pleurait toutes les larmes de son corps, une calèche passa à quelques pieds, à vive allure. Relevant la tête, elle put apercevoir la silhouette d’une noble Dame derrière les fins rideaux de l’habitacle. Sans doute faisait-elle partie de la famille du comte électeur, la ville se situant à moins d’une journée de marche.
Une lourde mélancolie s’abattit sur ses épaules. Si seulement elle avait pu naitre dans des draps de soie… Etre loin de toute cette misère, cette puanteur, côtoyer des personnes civilisées et richement vêtues, aimables et cultivées, et ne se soucier que de choisir les fleurs des jardins du château ou encore les tentures dans la salle de bal… Profiter d’une vie heureuse et insouciante...


- Ma Dame, voulez-vous que…
- Il suffit.
Elle prit le mouchoir que sa suivante lui proposait d’un geste agacé, et l’appliqua avec précaution contre sa lèvre tuméfiée dans un rictus de douleur.
- Je ne veux plus t’entendre avant d’être arrivées chez Monsieur mon père et Madame ma mère.
Il l’avait frappée. Violemment. Sans retenue. Elle sentit à nouveau la honte la submerger. Elle, la femme du premier conseiller, était désormais défigurée. Pour au moins deux semaines. Impossible de se présenter à la cour dans cet état. Toutes les dames se moqueraient, voire l’éviteraient. Une femme battue est une femme qui ne convient pas à son mari, et il est de mauvais ton de fréquenter une telle personne. Elle ne pouvait se permettre de perdre toute sa popularité et son influence. Elle allait devoir passer le temps de sa convalescence dans sa maison d’enfance, loin des bals et des frasques de la belle société, à endurer le regard désapprobateur de sa mère et furieux de son père. Elle eut un rire sarcastique. Certainement que son père n’hésiterait pas à la frapper également, pour la punir d’un tel déshonneur. Elle souleva légèrement le rideau qui la coupait du monde extérieur pour regarder une dernière fois la ville qu’elle quittait. Ses toits se dessinaient à l’horizon, séparés d’elle par un grand champ de blé où une vieille femme maniait la faux.
Ah, elle aurait tellement voulu être à la place de cette petite paysanne, libre de toutes les conventions sociales, à vivre sans pression constante sur les épaules...

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Hjalmar Oksilden

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Ven 27 Sep 2019 - 18:16
Gromthi Dokor

    « Gromthi Dokor ! » hurla-t-on.

    L’habitude, la routine, les voilà les vrais dangers quand on y réfléchissait. Des menaces sourdes et invisibles qui vous dominaient lentement et envoyaient votre prudence se perdre dans des méandres insondables.

    Bien loin des problèmes mondains des fières cités impériales ou des canopées luxuriantes de la surface, au cœur des voutes et tunnels aux proportions cathédralesques que les nains appelaient Undgrin Ankor, un couteau vint râper un cuir chevelu.

    Habituellement, quand quelqu’un avançait ce genre d’idée, forcément, on s’insurgeait. La routine ? Pfah ! Les grobis, les rakis ! Les voilà les vrais dangers, qu’on se disait en descendant rageusement une choppe, la rancune au coin de l’esprit.

    Un énième grattement un peu sec sur un crâne vint arracher un grognement sourd.

    On n’avait pas le temps de s’occuper de tels concepts ici-bas. C’était à la dure, du concret ! Et ainsi, on se complaisait dans sa tradition, sa confiance en ses connaissances… en son équipe.

    Quelques cheveux épais allèrent rejoindre en tourbillonnant le sol rocailleux, ou l’obscurité, ça dépendait du point de vue.

    Une expédition de plus, un repérage dans une voie de l’Undgrin qu’on connaissait par cœur. Une zone pacifiée dans laquelle on regardait moins les recoins que les statues qui ornaient encore les parois majestueuses avec une larmichette à l’œil.

    Un pan d’ombre bougea, encore. Un juron sourd suivit, mais il fut le seul à briser le silence. Comme ce dernier continuait, le raclement du couteau reprit, stoïquement.

    Il y avait eu une erreur. Une seule. Mais c’était celle qu’il n’aurait jamais fallu faire. Le coup de pioche de trop. Celui au mauvais endroit. Comment aurait-il pu savoir ? Il était trop jeune pour cela et la curiosité était dangereuse.

    Un sifflement incompréhensible vint chatoyer à la limite de l’audible avant de se fondre dans le néant.

    Certaines choses auraient dû rester enfermées. Surtout celle-là.

    Une crête capillaire fut dressée avec de la suie et de la poussière. La teinture n’était pas au programme, mais l’intention était là. Les murmures devinrent prières. Un serment fut pris.

    Face à la honte, aux conséquences de ses actes, Grimnir était une solution toute trouvée. Celui qui vous accordait le pardon en échange d’un sacrifice ultime… Un compagnon des derniers instants en quelque sorte. Une présence qui vous suivait malgré la solitude de votre condition.  

    Le tueur nouvellement apointé se leva d’un bond, empoigna sa pioche, son ancien outil de travail, et fila dans la pénombre.
    « Gromthi Dokor ! » hurla-t-il.
    Un feulement, puis plus rien. Le grattement du couteau reprit.

    Car c’était la solitude qui vous atteignait bien souvent avant le reste. Le peuple montagnard était un peuple social, clanique même. Enlevez-leur ça et leur honneur et ils n’étaient plus rien, ils n’avaient plus rien, à part Grimnir.

    A la lueur d’une lanterne, la lame vint mordre la chair cette fois. Faute d’encre, les tatouages symboliques étaient improvisés.

    Et ils acceptaient sa présence avec soulagement presque, et ce malgré l’horreur de leur condition. Était-ce de la folie ? Peut-être. Mais c’était ce fatalisme forcené qui l’avait fait jurer, lui, le jeune à présent paria, qu’il les enverrait rejoindre le seul qui les accueillerait encore.

    Un autre serment, un autre nain partit dans le néant.
    « Gromthi Dokor ! »

    Tout au long du rituel, la bête avait attendu. Elle attendait à chaque fois qu’on lui envoie le prochain sacrifié. Vicieuse comme saloperie, on aurait presque pu croire qu’elle s’amusait.
    Tout au long du rituel, ses anciens frères ne lui adressèrent aucun mot, aucun regard, aucun compliment, aucune attention. A vrai dire, ils ne s’en accordèrent aucun entre eux.
    Tout au long du rituel, assis en cercle, ils attendaient qu’il fasse son œuvre. Puis, et là seulement, ils observaient ensemble le nouveau tueur courir vers sa mort avant de reprendre leur mutisme lugubre. Ils n’avaient aucune chance, même ensemble, alors autant faire amende honorable.

    Plus que trois, puis il rejoindrait le vide à son tour, mais seul. Il n’aurait pas le temps de prêter le même serment, l’horreur ne lui donnerait pas l’occasion. Suivre le même chemin que les autres lui était donc impossible, mais un nain se devait de penser aux membres de son clan, de sa famille, avant tout.
    Gromthi Dokor. Regardez-moi mes ancêtres, disaient-ils. Mais lui, il le savait bien, personne ne le regarderait mourir. Pas même Grimnir. Et à vrai dire, aucun d’entre eux n’était certain de la présence de leur dieu ancestral. Le rituel était incomplet, bâclé, futile, fait avec les moyens du bord. C’était la raison de son serment, dans le doute, il leur accorderait ce dernier regard.
    Le regard d’un autre, la seule chose qu’ils souhaitaient tous pour leur dernier instant.  

    Le couteau continua son œuvre.

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Ven 27 Sep 2019 - 19:11
Dilemme


.              « Et ainsi, ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. »

             Dietrich referma le livre, jetant un œil sur le lit où dormaient déjà les deux fillettes identiques. Un faible sourire éclaira son visage. Une fois encore, elles n’avaient pas tenu jusqu’à la fin de l’histoire. Ce n’était pas grave, autant qu’elles dorment tant que c’était possible.

             Le plus silencieusement du monde, il souffla les bougies et se leva pour quitter la pièce. Au moment de sortir cependant, il ne put résister à l’envie de contempler cette scène, celle de deux petites filles parfaitement semblables qui dormaient à poings fermés. Le rythme léger de leurs respirations était le seul bruit audible à présent. Quel spectacle paisible. Une larme mouilla son œil droit. Il se détourna et ferma doucement la porte.

             Un frisson lui parcourut l’échine alors qu’il s’avançait à pas de loup dans le couloir sombre. La maison semblait si paisible, si tranquille. Mais au fond, il le savait, ce n’était que le calme avant la tempête. Avant que l’horreur ne recommence, encore une fois. Dietrich posa la main sur la porte de sa propre chambre. Aucun son ne s’en échappait, ce qui avait toujours été le cas depuis le décès de Greta. Ouvrant la porte, il révéla une pièce bien plus simple que la chambre des filles. Outre un lit qui en occupait la majeure partie, une grande armoire de vieux bois se dressait dans un coin comme une sentinelle immobile. Tout sourire disparu, il s’avança vers le meuble, et en ouvrit les deux battants. Comme il l’avait fait chaque nuit depuis deux ans.

             Deux ans. C’était depuis ce temps que sa famille avait été maudite. Il en ignorait la raison et le moyen, mais c’était indéniable, aussi vrai que la mort vient après la vie. La première victime de cette malédiction fut nulle autre que Greta, sa douce Greta, qu’il découvrit une après-midi dans une mare de sang, charcutée par ce qui semblait avoir été des griffes acérées. L’image l’avait pétrifié, et il s’était effondré en hurlant comme un damné, trop choqué pour pleurer ou même émettre un son cohérent. La parole avait mis quelques jours à revenir, mais la douleur n’était jamais partie.

             Sa seule consolation fut que sa défunte épouse n’eut pas à vivre ce qui s’ensuivit. Quelques mois plus tard, ce fut le tour de son frère, Anton, un rude fermier que les heures de travail ne parvenaient pas à faire cesser de sourire. Alors qu’il était venu passer quelques jours chez eux, pour remonter le moral de Dietrich, Anton fut retrouvé un matin dans sa chambre, glacé jusqu’aux os, et le visage déformé en un horrible rictus de rire et de terreur.

             Dietrich approcha les mains d’une pile de vêtements rangés dans l’armoire, et s’aperçut qu’elles tremblaient. Il agrippa son propre bras droit, essayant tant bien que mal d’arrêter ces spasmes. Je n’arrive pas à m’en empêcher, même après plusieurs semaines, pensa-t-il rageusement, pestant contre lui-même. Fermant les yeux, il se concentra sur sa respiration. Unedeuxtroisquatre… Au bout de douze, ses mains avaient cessé de trembler, et il reprit sa tâche. Soulevant les chemises, une par une, il finit par révéler une boîte rectangulaire cachée derrière les vêtements. Une boîte simple, en bois, qu’il avait faite lui-même il y a tant d’années. Il s’en saisit rapidement, comme pour empêcher son corps de le trahir à nouveau, et se tourna vers le lit. Il devait le faire, sinon les morts allaient continuer de pleuvoir. C’était la seule solution.

             Car Anton n’avait pas été le dernier, loin de là. Après lui ce fut sa belle-sœur Karola, et son mari Markus, tous deux d’excellentes âmes, et qui habitaient la maison voisine. Un matin, un grand cri avait retenti depuis cet endroit. Dietrich avait accouru, s’attendant au pire, et avait presque trébuché sur la boulangère du village, évanouie sur le sol. Devant lui se balançaient tristement les corps de sa belle-famille, pendus aux poutres du salon, et qui semblaient le considérer de leurs regards vides. Dietrich devait apprendre plus tard qu’ils avaient été énucléés, mais sur le moment il ne put que hurler à son tour. Puis il y eut Berenike, sa cousine, qui fut retrouvée un jour au pied d’une falaise, mais bien trop loin pour avoir simplement glissé. Ses deux pieds avaient été sciés, et furent retrouvés en haut, près du bord, cloués au sol l’un à côté de l’autre. La mort semblait frapper toute sa famille de la façon la plus atroce, chaque membre un par un, quels qu’ils soient et où qu’ils soient.

             Dietrich s’assit sur son matelas, la boîte en bois entre les mains. Il avait pour l’instant gardé la maîtrise de ses membres, mais il doutait que cela dure plus longtemps. D’un geste brusque, comme pour en finir plus vite, il souleva le couvercle, révélant un pistolet soigneusement lustré et une dizaine de balles en plomb, bien rangées dans des alcôves prévues à cet effet. Des effluves familiers de graisse et de renfermé frottèrent ses narines. L’arme était un vestige de sa vie passée en tant que soldat, quand il avait fièrement servi dans l’armée impériale. Son service n’avait pas duré très longtemps, mais il en avait gardé quelques souvenirs, dont cet objet qu’il avait régulièrement entretenu par habitude pendant des années, comme une relique.

             Maintenant, le même objet le terrifiait.

             Je ne peux pas faire ça ! Brutalement, il ferma la boîte et la jeta à côté de lui alors qu’il se prenait la tête dans les mains. Je peux arrêter tout ça. Je l’ai toujours pu ! Les tremblements revinrent, et il resta prostré, en proie à de vives convulsions, tout en essayant de reprendre son souffle. La vérité, c’est qu’il savait d’où venait le mal. Qu’il avait toujours su, mais qu’il n’avait jamais eu la force de le combattre, ni d’en parler à qui que ce soit. La peur le consumait, la peur de commettre l’irréparable, ou que quelqu’un le fasse à sa place. Et il était sûr que le démon en riait, que c’était sa macabre façon de s’amuser que de le soumettre ainsi à ce choix impossible.

             Car tout était pourtant si simple, si enfantin. Il se souvenait parfaitement de ce jour, il y a deux ans. Ce jour où tout avait changé. Dorothea, sa fille, était revenue à la maison après avoir joué dehors toute l’après-midi. Mais elle n’était pas revenue seule, oh ça non. Devant leurs yeux incrédules, elle était revenue avec une autre petite fille, apparemment prénommée Léonie.

             Une petite fille qui lui était en tout point identique.

             Greta et lui avaient été autant stupéfaits qu’apeurés. D’autant qu’il n’y avait eu aucun moyen de les différencier. Elles s’amusaient à échanger leurs prénoms tout le temps, et les vêtir ou les coiffer différemment n’y changea rien. Leur comportement, leur caractère, ou même des marques de naissances, rien n’était différent chez ces deux fillettes.

             Dietrich tomba au sol. Des larmes coulaient sur ses joues à présent, et son visage exprimait une douleur insoutenable. Roulé en boule, en proie à de violentes convulsions, il sanglotait en se tenant la tête des deux mains. La seule façon d’arrêter ces abominables meurtres, il le savait, c’était de tuer cette fausse jumelle, ce démon, qui avait pris place aux côtés de sa fille. Mais devant cette réponse simple, se trouvait une ironie cruelle.

             Il ne pouvait pas savoir laquelle c’était. C’était impossible, il avait tout tenté, tout essayé. L’affreuse évidence était toujours là. Inéluctable elle aussi. Comme s’il tournait en rond autour d’un gouffre. Il devait aveuglément choisir entre l’une…et l’autre.

    Ses pleurs durèrent toute la nuit.

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Textes du concours de récit 2019 2442907557  "Et quand les morts se lèvent, leurs tombeaux sont remplis par les vivants"  Textes du concours de récit 2019 2442907557

Livre d'armée V8 : 8V/2N/3D

Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

Le lien vers mon second récit : la geste de Wilhelm Kruger tome 1
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Sam 28 Sep 2019 - 23:07
L' Autre...

La nuit était déjà bien avancée, seul dans la salle du conseil, Arnulf se tenait la tête dans les mains, pleurant silencieusement au souvenir des événements passés.  

La dernière torche grésillait, signe avant-coureur d’une obscurité totale… Le vestige de feu dans l’âtre de la cheminée éclairait le jeune prince d’ombres rougeoyantes ; déjà les braséros s’étaient éteints laissant de nouveau l’hiver envahir la pièce ; bientôt, comme toutes les autres nuits, la pénombre allait l’envelopper de ses doigts froids et humides…

« Ne pensez-vous pas qu’il soit temps de réagir, de prendre enfin en mains ce destin que vous fuyez depuis déjà si longtemps ???... »

Arnulf releva la tête, jeta un regard empreint de peur tout autant que d’interrogation sur le côté gauche, tachant d’apercevoir une ombre ou un mouvement entre les piliers, sa main crispée sur le manche de sa dague. Ses yeux, rougis par les pleurs et le manque de sommeil, fouillaient la pièce d’un roulement frénétique, en vain...

« Qui êtes-vous, que voulez-vous !!!??? Montrez-vous si vous êtes un homme !!!... » hurlât-il tout en se tournant de droite et de gauche, tentant de percevoir l’écho de la voix…

« Allons mon Prince, calmez-vous, vous savez très bien qui je suis et ce que je fais ici… Nous avons déjà discuté mille fois de ce que vous devez faire… », cela venait de ce côté, Arnulf en était certain, pourtant il avait beau plissé les paupières, tendre toute son attention sur le point en question, rien…

« Et je refuse cela vous le savez très bien !!!  S’exclama Arnulf.  « Il est hors de question de guerroyer ainsi, c’est contraire aux règles de la Chevalerie, indigne de quelqu’un de mon rang, et contraire à mes principes, vous n’êtes pas sans l’ignorer !!! » hurla-t-il de plus belle, se haussant à demi sur le trône paternel…

« Sauf votre respect, mon Prince, ces considérations n’effleurent pas votre oncle, bien au contraire... Dois-je vous rappeler la liste de toutes les perfidies déployées, avec talent, par celui-ci pour vous abattre ???... », un rire sardonique, souffreteux et pervers, comparable au râle d’un phtisique se fît entendre doucement…

« Non… » gémit-il tout en frottant ses tempes douloureuses, « C’est inutile, je ne les connais que trop bien… »

Alors lui revinrent, en un flot ininterrompu d’images, les événements passés… La couronne de fer, la mort de son père, assassiné, les rumeurs le concernant comme étant, à défaut de l’assassin, le commanditaire… La disparition de son frère lors d’une chasse au cerf, puis le corps retrouvé, éventré… La suspicion de ses vassaux, entretenue par son oncle, les premières défections, les abandons successifs sans compter les disparitions des plus proches conseillers paternels, puis la rébellion…

Lui revinrent aussi les cauchemars qu’il ne cessait de vivre tous les soirs depuis lors… Le regard de son père, l’accusant de ses orbites vides, son frère disparu, le pourchassant sans cesse dans le dédale des couloirs vides du château, le poursuivant en laissant derrière lui, outre un bruit de sussions se répercutant en écho dans les pièces désertes, une longue trainée de sang mélangée d’ichor et de boyaux… Le poids du pouvoir lui pesait sur les épaules, ce pouvoir qu’il ne souhaitait pas, qu’il ne voulait pas, qu’il ne pouvait pas assumer…

« Ne pensez-vous pas qu’il est enfin temps de réagir avec la plus grande des sévérités ??? De lui montrer que vous n’êtes pas un monstre et encore moins une proie, celle qu’il voit en vous !!!???... » reprit la voix d’un ton sec et glacial, le rappelant à la réalité…

« Si… » répondit-il d’une voix lasse où transparaissait la fatigue de tant de nuits blanches, « Mais pas ainsi, c’est contraire au code… », ses mains se mirent à trembler, ses nerfs, plus d’une fois sollicités, ne tenaient plus, comme sa raison, qu’à un fil…

« Qu’importe le code !!! », s’emporta la voix sur sa droite « C’est ce fichu code qui nous a mené à la situation présente !!! Le castel va être assiégé, les défenseurs seront vite épuisés, réduits à une poignée nous ne tiendrons pas très longtemps et vous le savez tout aussi bien que moi !!! Vous vous devez de réagir maintenant, qu’importe les moyens !!! », un souffle méphitique se fît sentir dans son cou, il se retourna d’un bond et ne pût rien apercevoir…

« Pas ainsi… » gémit-il en un long soupir, « Pas de cette façon… Le tuer dans son sommeil est pire que tout… » dit-il en se recroquevillant sur le trône, se confondant avec les ombres dansantes projetées par le feu moribond… De nouveau les pleurs, nerveux, le saisirent, il sentait que son esprit menaçait de l’abandonner…Irrémédiablement…

La voix repris derrière lui, non loin de son oreille gauche, laissant transparaitre à son tour une sourde fatigue « Je comprends mon Prince… Mais vous savez, tout comme moi, que c’est la seule solution… C’est lui ou nous… »

« Non !!! » s’écria Arnulf en portant ses mains à la couronne, si lourde à porter, si chargée par le poids du pouvoir, les rancœurs, les jalousies que celui-ci apporte, faisant mine de vouloir la saisir pour la jeter au loin…

« Je vous interdit de faire cela !!! » Rugit alors la voix par-dessus son épaule droite en un cri raisonnant d’une colère jusqu’à présent étouffée, se dévoilant tel le flot tumultueux du plus puissant des torrents. Cette fois le souffle exhalait ce parfum qu’il sentait tant de fois dans ses sombres sommeils sans repos, ce remugle indicible d’odeurs confinant au pourrissement, à la moisissure et à autre chose d’aigre-doux…

« Je vous soutiens depuis le début, vous guide, vous écoute, vous conseille sans cesse jour et nuit, ce n’est pas le moment de flancher, de tout laisser tomber !!! » La voix était là !!! En vis-à-vis, directe, impossible à percevoir autrement que par son souffle fétide, relent de mille morts.

« Je ne peux faire cela… » gémit-il encore une fois d’une voix implorante, suppliant du regard l’obscurité qui s’était emparée de la pièce, les larmes coulant sur ses joues blanches de peur et pourpres de honte …

« Il suffit !!! » S’éraillât la voix, pointant dans les aigus, à la limite de la colère hystérique…

« Si vous êtes incapable de le faire par vous-même dois-je alors m’en saisir et assumer ce poids que vous rejetez de toute votre force ???... »

Arnulf se jeta au bas du trône, à genoux, tâtonnant les ténèbres de ses deux mains fiévreuses, espérant toucher son vis-à-vis invisible dans la noirceur de la pièce désormais vide de toutes lumières…

« Oui !!! Je vous en supplie, aidez-moi, faites-le pour moi, je n’en puis plus, je n’en veux plus… Le pouvoir me fatigue, m’épuise, me tue… De grâce aidez-moi !!!... »

Puis il s’effondra sur le sol, comme un pantin aux fils tranchés nets, le corps secoué de sanglots…

Le silence se fît peu à peu, les pleurs s’espacèrent, puis cessèrent… Lentement le souffle, il y a peu saccadé, redevenait souple, calme, profond et sifflant comme un vent glacé d’éternité.

Peu à peu il releva ce corps, fit jouer les phalanges de ces doigts, puis allongea et replia les bras, tituba jusqu’au trône où il s’assit à tâtons…

D’un geste de la main il ralluma le feu qui brula dans l’âtre d’une lueur verdâtre, ouvrit la bouche, expirant un air plus froid que la mort.

Enfin il maîtrisait ce corps, le dominait… Il avait vaincu la pauvre pensée chétive qui l’animait jusqu’alors… Il pencha en un craquement lugubre de cervicales la tête sur les côtés, réajusta la couronne qui avait glissé sur son front, puis rit d’un rire d’outre-tombe…

Ernst Mains Noires, Roi Liche, créateur et seul maître de la couronne maudite, allait pouvoir régner à nouveau…
Gilgalad

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Dim 29 Sep 2019 - 14:37
L’Autre Vie

Tous les vivants partageaient la même destinée. La même fin. Celle de passer dans l’Autre Monde. Non pas le Nouveau Monde, terre de promesses et de désespoirs, terre de richesses et d’infortunes. Non pas le monde lointain, celui des mythiques Cathay et Nippon. Non pas le monde des elfes de la lointaine Ulthuan, qui semblaient presque être sur un monde différent aux rares humains pouvant l’apercevoir, mais qui partageaient pour autant ce même destin final.

Car il y avait une chose qui unissait pratiquement toutes les races, humaines, elfes, naines et bien d’autres encore par-delà toutes les différences physiques, psychologiques, magiques ou autres. C’était le passage dans l’Autre Monde. Le Changement Ultime. Celui qui faisait passer de la Vie à la Mort. Le plus grand cadeau au plus grand des Dieux du Chaos, Tzeentch. Car on pouvait revivre sous la forme de zombie sans crâne, guérir d’une maladie ou servir éternellement comme esclave du dieu de la luxure. Mais seul le Grand Changement, celui prodigué par les adeptes du plus grand d’entre eux, le Grand Architecte, pouvait être définitif, grâce à ses flammes purgeant les terres des pauvres mortels ignorant tout de la futilité de leur existence même.

Telles étaient les pensées que pouvait avoir Granndar, serviteur de Tzeentch depuis une centaine d’années, au bas mot. Il avait emprunté l’autre voie, celle des Guerriers du Chaos en acceptant de servir celui qu’il considérait comme le plus grand des Quatre.

Tout cela l’avait conduit ici et aujourd’hui, chez ces elfes prétendument immortels. Ses milliers de soldats étaient bien alignés et prêts au combat. Le sang coulerait à flots. Son arme enflammée par les feux de Tzeentch, le Grand Architecte, brûleraient des centaines d’ennemis dans les flammes purificatrices et libératrices. Des milliers de vies seraient changées à jamais grâce à lui et à ses troupes.

Huit heures plus tard, le combat faisait toujours rage. Aucun des deux camps ne cédait un pouce de terrain. Granndar avait déjà tué des centaines d’elfes, qui ne se relèveraient absolument jamais, dussent-ils avoir des nécromants dans leurs rangs. Il savait que ce n’était pas le cas et ne s’en souciait donc pas. Rares étaient ses hommes tombés au combat. Il s’agissait surtout de simples humains, dont l’âme était partie renforcer le divin Tzeentch et l’aider dans ses grands plans pour le destin du monde.

Existait-il une vie après la mort ? Cet autre monde dont les mortels parlaient si souvent existait-il vraiment ? Nul ne le savait. Car chaque voyage était définitif et même les vampires, ces abominations sans nom, s’ils avaient vécu la mort, l’avaient été bien trop peu de temps et ne racontaient jamais ce qu’il s’était passé. Pourtant, sa curiosité était insatiable. Il demandait à chaque personne qu’il tuait ce qu’elle pensait de ce qu’il y avait après son décès. Pourtant, cette fois-ci, il ne comprenait rien à ce qu’ils disaient, quand ils parlaient toutefois.

La victoire semblait, petit à petit, à portée de main. L’effectif des suivants de Tzeentch était désormais supérieur à celui des elfes. Un sourire carnassier barrait le visage de ce seigneur d’une armée du Chaos. Il changeait totalement la vie des elfes et de la meilleure des manières.

Soudainement, le soleil fut masqué pendant une brève seconde. Granndar regarda alors en l’air, entouré par ses Elus. Il tourna sur lui-même mais ne vit rien. Brutalement, une immense forme noire surgit de derrière la colline défendue par les elfes. De grandes flammes bleues surgirent du ciel et brûlèrent les guerriers de Tzeentch. Le commandant de ces derniers tenta de regarder d’où venaient ces dernières et, pour la première fois de sa vie, du moins depuis qu’il servait Tzeentch, il était confronté à une situation à laquelle il ne s’attendait pas.

L’arrivée de cette créature changea radicalement la bataille. Les forces du Chaos ne pouvaient rien faire face à ce monstre volant crachant un feu si terrible qu’il brûlait même les armures résistantes au feu des soldats du Grand Architecte. Il put alors admirer ce dernier. Un immense dragon aussi bleu qu’un ciel d’orage et disposant d’une seule tête. Ce dernier, en atterrissant au sol, brisa entièrement les rangs de Granndar, qui ne parvint pas à reformer de ligne. Il raffermit la prise sur son bouclier avant de charger.

Un jet de flammes le propulsa au sol, même s’il ne fut pas blessé. En se relevant, le guerrier aperçut un elfe descendu du dragon. Son armure était aussi dorée que le soleil et si un dragon n’avait pas été représenté sur son armure, il aurait cru à un suivant de Slaanesh. La voix rocailleuse, s’exprimant parfaitement dans la langue des larbins de l’Empire, à mille lieues de celles des autres « immortels », le surprit encore plus.

« Tu prônes le changement et pense que la mort est le plus grand qui puisse exister en ce monde. Aujourd’hui, tu vas pouvoir le découvrir. »

L’elfe le chargea et le combat s’engagea. Il fut aussi bref que violent. Malgré sa prescience, Granndar ne put anticiper les mouvements de son ennemi et se retrouva rapidement à saigner de nombreuses blessures, sentant la vie le quitter lentement mais sûrement.

Malgré cela, il n’avait pas peur. Il savait que son âme irait renforcer le Grand Architecte. Il ne voulait pas découvrir cet Autre Monde que les mortels révéraient tant. Il lui paraissait fade et sans goût par rapport au destin qui l’attendait lui en temps que serviteur de Tzeentch. Toutefois, il demanda, dans un râle, le nom de son meurtrier.

Alors il reconnut son regard. Celui de son ennemi juré, celui d’un être qui le poursuivait dans de nombreuses vies, à travers les univers, les siècles et les millénaires.

« On se retrouve dans une autre vie, fit simplement l’elfe. »

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Veuillez à ne pas insulter les Hauts Elfes, sans quoi il vous en cuira. Le risque est un démembrement très rapide suivit d'une décapitation.
MagnanXXIII

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Kasztellan
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Dim 29 Sep 2019 - 17:26
JUSTICES


« C’est ainsi que, suivant la très juste et respectable loi de Talabheim, je déclare votre entreprise illégale. La gestion de la ferme d’Eldengarten vous est donc retirée et sera transmise aux Von Hauptstadt. »

Après ce jugement qui laissa sans voix les négociants de la salle, le légat saisit son marteau et frappa solennellement le socle de bois posé sur la table du salon puis il déclara :

« Justice rendu par Véréna ! »

Puis, estimant que son œuvre était accompli, il se leva.

« Monseigneur… Voulu protester le propriétaire de la demeure.
— Vous pouvez parler autant que vous voudrez, mais sachez que plus rien ne pourra me faire revenir sur cette décision, répondit calmement le juge tout en rassemblant ses affaires.
— Dites-moi monseigneur. Pourquoi le scribe Thomas n’est-il pas venu ? C’était à lui de régler cette affaire.
— Le fonctionnaire Thomas a été arrêté ce matin, il est accusé de corruption. Et on a fait appel aux services du culte de Vénéra pour le replacer, d’où ma présence.
— …
— Je vous laisse messieurs, il se fait tard et la lune maudite est déjà visible dans le ciel. Nous devons rentrer avant le couvre-feu, une obligation qui s’applique aussi aux juges et à ses serviteurs. »

Les hommes de main du légat accompagnèrent leur maître jusqu’à la sortie la demeure, le plus fort gardait toujours une main proche de son fourreau alors que le plus maigre porta avec peine les nombreux bagages du juge comportant de nombreux livres et parchemins. Sur le seuil de la porte, l’homme de loi se retourna et adressa ses derniers mots aux riches marchands :

« Bonne nuit messieurs, on se retrouve bientôt pour régler le cas de la ferme d’Upperhof »

Puis il s’en alla, rejoignant ainsi la lumière verte de l’astre maudit qui irradiait les rues de la ville.
Après un court silence malaisant, le propriétaire de la maison interpella un de ses associés tout en gardant un ton très calme, presque amical :

« Caspar, mon cher Caspar. Non. Tu n’as pas pu me faire ça. Et moi qui te prenais pour un bon ami. Moi qui avais confiance en toi.
— Je… je ne comprends pas, répondit Caspar d’un air désemparé, j’ai pourtant fait tout ce que vous m’avez demandé. Je…
— Oui bien sûr. Je te crois. Pas besoin d’en dire plus. Il se fait tard d’ailleurs. Vous avez entendu les paroles de notre ami le juge ? La lune maudite, le couvre-feu... Il serait sage de rentrer chez vous Caspar.
— Mais…
— Hubert, Victor, accompagnez Caspar jusqu’à chez lui, les rues sont dangereuses à cette heure et je ne voudrais pas qu’il arrive quelque chose de… malencontreux à notre ami. »


***


Il avait froid, il souffrait. Les pavés de cette ruelle n’étaient pas très confortables, et les savoir abreuvés de son propre sang n’était pas très rassurant.

Caspar était couché là, seul, la peau transpercée par les lames de ses anciens associés. Il les haïssait, ceux qui ont mis fin à ses rêves. Ils auraient dû être de simples outils qui lui permettaient de monter dans les niveaux de la société, mais le voilà maintenant plus bas qu’un chat de gouttière…

Qu’avait t’il fait aux dieux pour mériter un tel châtiment ? Serait-ce une punition de Véréna pour avoir détourné la loi ? Une loi idiote qui entravait le progrès ? Avec le rendement de toutes ces nouvelles fermes ils auraient pu mettre un terme aux famines et… se faire beaucoup d’argent. Surtout l’argent, son précieux argent, il aurait pu faire de grandes choses avec…

« Non ! Je ne peux pas ! Je ne veux pas mourir ici ! »

Hurla Caspar en tentant de se relever. Mais il n’avait plus de force et s’écroula à nouveau sur les durs pavés de la ruelle.

Puis sa vie défila devant lui, il revit sa pauvre enfance, les gens détestables qu’il avait rencontré, les obstacles qu’il avait surmontés pour sortir de la misère, sa femme, son fils et sa fille. Son travail n’était pas achevé et il ne sera jamais achevé. Il était seul, abandonné par la vie qui ne faisait aucun cadeau.

Sombrant dans la folie, Caspar s’adressa au seul témoin de sa misère, la lune maudite, Morrslieb, qui le regardait depuis le ciel étoilé.

« Aidez-moi… »

À ce moment, un vielle homme aux vêtements sales et tenant un morceau de bois en guise de canne, probablement un mendiant, s’approcha du Caspar agonisant et lui adressa la parole :

« Il faut être fou ou complètement désespéré pour s’adresser à la lune maudite.
— Aidez-moi... soupira Caspar.
— Ça va être compliqué, vu ton état il ne te reste plus beaucoup de temps à vivre. Et si tu me donnais ta bourse avant de mourir ? Je déteste détrousser les morts.
— …
— Hmm, je vais prendre ça pour un oui. »

Voyant que Caspar ne pouvait plus vraiment bouger, le vieillard se permit de lui faire les poches. Mais alors qu’il fouillait l’intérieur du manteau, il s’étonna :

« Mais qu’est-ce que c’est ? »

Il sortit alors un pendentif, c’était un bijou tout ce qu’il y avait de plus normal, au dos il y avait une gravure, « Mathilda » pouvait-on lire, et à l’avant il y avait une pierre précieuse incrustée. Quand Caspar vit l'action du vieillard, il trembla légèrement, rassemblant ses dernières forces pour lancer un faible :

« Rend… moi… »

Contre toute attente, le mendiant, au lieu de garder le précieux bijou qui aurait fait sa journée, le lâcha, puis il recula les yeux écarquillés et s’enfuit en courant, comme s’il avait vu quelque chose d’horrible.

Le médaillon retomba sur le torse de Caspar, il le saisit aussitôt d’une main, puis l’apporta au niveau de ses yeux pour l’observer une dernière fois. Puis il adressa une pensée à sa femme dans l’intention de lui faire ses adieux, mais une question sortie de sa bouche :

« Mathilda… Pourquoi notre rubis est-il vert ? »

C’est alors qu’il contrasta avec effroi que la pierre rouge du pendentif avait prise la même teinte que la lune maudite et que deux yeux macabres semblaient l’observer depuis l’intérieur de la pierre. Puis, l’horreur continua quand il se rendit compte que ce n’était ni sa main droite, ni sa main gauche qui tenait le talisman, mais une troisième main qui sortait de son ventre. Il avait regagné ses forces, il sentait la vie revenir en lui, mais il avait toujours froid, il souffrait toujours autant et sa haine était encore plus forte qu’avant…


***


Le lendemain, le prélat qui avait réglé le cas de la ferme d’Eldengarten fut appelé au temple de Véréna dans le cadre d’une enquête le concernant. Trois des hommes qu’il avait rencontré la veille furent sauvagement massacrés à leurs domiciles durant la nuit et un homme n’est jamais rentré chez lui. La femme du disparu a rapporté qu’elle avait trouvé le médaillon de son mari devant sa porte et que le rubis qui était incrusté dedans avait disparu. Un mendiant dément tenant des propos incompréhensibles a été arrêté. Et finalement, un rapport de gardes intriguant stipule qu’un monstre mutant difforme de quatre mètres de haut a enfoncé une des portes de la ville à l’aube. Tout compte fait, des évènements plutôt habituels pour un lendemain d’une nuit éclairée par Morrslieb…
Sirisgard

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Dim 29 Sep 2019 - 23:05
Chères confrères, chères consœurs, et créatures apparentées,

Votre appel n'a point troublé le silence de mon sépulcre en vain : j'entends et j’accours. Pour avoir ainsi troublé mon repos, je n'ai qu'une chose à vous dire : que l'éternité vous semble longue, misérables.
Yerk, yerk, yerk.

---------------------------------------------------------------------------------------

Ici, vous êtes chez moi. Et cette forêt, c’est ma forêt. J’ai eu une vie différente par le passé, mais ici je me suis construit. Ma maison est peut-être modeste, mais elle est solide. Mon caractère est peut-être rude, mais ce que j’ai gagné ici, je ne l’ai pas volé. Et la forêt m’a beaucoup donné : de la nourriture et du bois, c’est vrai, mais aussi des amis qui partagent mon exil, et même une compagne et des enfants que je n’espérais plus. Mais je lui rends bien : je l’entretien, je l’alimente, je la fais vivre, grandir et prospérer. Et cette forêt n’est pas un péril ou un ennemi : elle est avant tout une protection contre l’injustice de ceux qu’on appelle « civilisés ».

Je suis arrivé ici il y a vingt ans maintenant. Je n’avais pas trop le choix : ma tête menaçait de m’être ôtée dans la plupart des villes de Bretonnie. J’ai discrètement remonté la Grismerie avec mon plus fidèle compagnon de débauche et nous avons fini par arriver dans ce coin reculé de la forêt qu’on connaît aujourd’hui sous le nom de Roche-moussue. Après deux hivers est arrivé Charlotte. Elle était grosse d’un ivrogne qui s’était fait pendre le matin-même, faute de bien pour étancher sa soif. Plutôt que de repartir en esclavage chez son père, elle a retroussé ses jupons en direction de la forêt. Fallait-il qu’elle soit désespérée… j’y pense encore parfois, quand je vois les petites rides au coin de ses yeux se marquer quand elle scrute l’horizon pour voir si notre dernier arrive. Il serait bien en âge de mener sa propre vie, cet imbécile, mais il aide sa mère et n’a pas encore trouvé de raison de quitter le nid, alors je laisse faire.

Mais cette horrible tragédie, ça, je ne vais pas laisser faire. Deux enfants ont été atrocement massacrés par les fées hier. D’habitude, elles se tiennent tranquilles, ces sales bêtes, si on ne va pas les chatouiller là où il ne faut pas. Pourquoi s’en sont-ils pris à nos enfants, cette fois ? Si c’est la guerre qu’ils veulent, on ne va pas reculer. Ca, non. C’est ma forêt. Et vous êtes ici chez moi.



Ici, vous êtes chez moi. Et cette forêt, c’est ma forêt. La forêt de mes ancêtres depuis des temps immémoriaux. Ou plutôt : la forêt est mes ancêtres, comme je suis la forêt. Elle vit avec moi et moi avec elle. Automne, hiver, été, printemps, nous changeons ensemble, grandissons ensemble, mourrons parfois, ensemble, pour renaître de nos racines et de nos spores. Le cerf qui court, la feuille qui danse, le ruisseau qui chante, sont mes jambes, mes bras et mon souffle, toujours en mouvement. La vie s’écoule. Je ne connais et n’espère rien d’autre que de continuer à chanter avec ses cascades, me reposer sur sa mousse tendre, rêver à travers le clair-obscur de ses feuilles. La forêt est ma famille : ma compagne et moi avons grandi comme deux jeunes loups d’une même portée et aujourd’hui, ce sont nos enfants qui guettent les premiers perce-neiges et font la chasse aux lapereaux.

Depuis quelques saisons, cependant, des humains ont décidés de s’installer ici. Ils sont évidemment anecdotiques à l’échelle de la forêt. Mais nous devons les surveiller pour qu’il ne fasse pas de dégâts. Ils semblent complètement sourds et aveugles au monde qui les environne, c’est pourquoi nous devons être vigilants. Une fourmi sur un chêne n’a sans doute pas plus de conscience de ce qui l’héberge et la fait vivre. Mais il faut parfois détourner son chemin pour que le chêne vive. Protéger la forêt fait partie de mes instincts et de mes devoirs, comme défendre ma famille ou mon propre corps.

Aujourd’hui, ils s’offusquent, mais ils étaient prévenus : la Clairière des Murmures, il ne faut pas y poser le pied. Parce que je crois qu’ils ont oublié un détail : cette forêt, c’est ma forêt. Et vous êtes ici chez moi.
Thomov Le Poussiéreux

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Dim 29 Sep 2019 - 23:12
Thomov Le Poussiéreux affichait un sourire qui se voulait chaleureux alors qu’il faisait face à la véritable foule qui était venue lui présenter ses hommages à l’occasion de ses épousailles avec la jeune Eveline von Erkinmund. Il serrait des mains, adressait à l’un ou à l’autre quelques paroles, demandait des nouvelles de connaissances communes. Il avait déjà vécu cette journée, bien des années plus tôt, avec au bras une autre épouse. Une femme pour laquelle il ne devait pas feindre l’amour ou l’affection. Une femme qu’on lui avait enlevé, qu’il avait été impuissant à sauver de la fureur de ses ennemis. Une femme enfin qu’il trahissait aujourd’hui en s’unissant avec une autre pour qui il ne ressentait rien ; comme si Emmanuelle n’était plus là, comme si elle ne hantait plus son esprit jour après jour. Comme s’il pouvait s’arracher le cœur pour qu’un autre lui pousse.



Dans le repaire montagneux de son maître, Rohémond d’Eau-Vive aiguisait lentement sa longue épée. Il avait gardé cette habitude de son existence mortelle, quand il était encore un brave et noble Chevalier Bretonnien. Quelle disgrâce d’en être aujourd’hui réduit à servir un maître tel que le sien, bien qu’il eu certes pu tomber plus mal. Si seulement il parvenait à libérer son seigneur de l’influence néfaste de cette bête sauvage qui se faisait appeler « le Marquis von Breiterzahn ». Taggart et lui s’étaient cordialement haïs dès leur première rencontre et, n’était la présence de Thomov, ils auraient depuis longtemps réglé leur différent l’épée à la main. Dans le doux chuintement de la pierre frottant contre le métal, Rohémond vivait mille fois cette scène en pensée. Parviendrait-il à vaincre l’immonde créature, par la grâce de sa Déesse ? Il se voyait, à chaque frottement de la pierre sur le métal, tuer son adversaire d’une manière nouvelle. Lui plantant sa lame dans l’œil, lui coupant la tête d’un revers, lui perçant le cœur d’un coup d’estoc, …



Taggart Largedent souriait aussi largement qu’il lui était possible et devait se retenir pour ne pas glousser de plaisir. Son invitée, perdant abondamment du sang des multiples plaies qu’il lui avait savamment infligées, se traînait pitoyablement à même le sol dans un futile espoir d’atteindre la sortie de cette pièce des horreurs.

- Allons, très chère, vous nous quittez déjà ?  Je sais que je fais un hôte fort peu prévenant de vous avoir laissée seule quelques instants, mais il fallait absolument que j’aille chercher ce nouveau jeu de pinces que l’on vient tout juste de me livrer. Restez encore, je vous en conjure, j’aimerais tant vous les faire essayer…

Malgré les faibles gémissements désespérés de sa victime, le Vampire la souleva de terre pour la ramener sur son sinistre établi où il l’attacha solidement avant de déballer ses nouveaux outils avec une lenteur consommée.

-Très bien, voyons à présent si nous pouvons tirer de vous de nouvelles sensations…



Wolfgang déposa près de l’âtre un autre fagot de bois ramassé dans les sombres bois de Lassov. Sa mère s’empressa d’alimenter le feu déjà mourant sans lui adresser le moindre mot. Elle ne parlait plus depuis bien longtemps. Il avait cru un temps que la mort de son père lui ferait retrouver la parole, mais rien n’était venu. Dix ans s’étaient écoulés depuis cette affreuse nuit où la terrifiante Bête des Bois de Lassov avait tué son père qui tentait vainement de le sauver, lui. C’était finalement sa mère qui avait mis le monstre en fuite.
Il aurait voulu en parler avec elle, lui dire son chagrin et combien il était désolé ; mais à quoi bon ? Il pouvait voir dans son œil unique qu’elle savait déjà tout ce qu’il ressentait et que les mots ne feraient rien de plus que de raviver cette douleur ancienne. Elle le regardait, le visage terne et fermé, marqué par cette affreuse balafre dont il était sans doute lui-même l’auteur et il parvenait à y lire l’amour farouche qu’elle lui portait, au-delà des mots. Comme une louve protégeant son petit.

-Je vais nourrir ma sœur, dit-il simplement au bout d’un moment.



Helena vivait dans un monde de ténèbres et de chuchotements. Elle ne voyait pratiquement rien autour d’elle et ce d’aussi loin qu’elle pouvait se rappeler. Mais elle n’en avait pas besoin, il n’y avait rien autour, que la chaîne et le mur et puis son écuelle à présent vide et qu’on viendrait bientôt remplir. Son frère sans doute. Son père ne venait plus à présent, ce dont elle se réjouissait car il ne manquait jamais de lui administrer une volée de coups. Quant à sa mère, elle n’était plus descendue dans cette cave depuis qu’elle avait changé et qu’on l’avait conduite ici.
Quand son frère venait, elle lui chantait encore la comptine qu’elle fredonnait quand il était bébé pour l’aider à s’endormir. Bien sûr, elle ne poussait en fait qu’un gémissement rauque, faute de pouvoir produire quelque autre son. Une déformation l’empêchait de parler et du pus lui suintait dans la bouche quand elle s’y essayait. Elle aurait voulu dire à son petit frère qu’elle l’aimait, malgré tout. Elle sentait confusément qu’il avait besoin qu’elle le réconforte. Il avait toujours une réaction de recul quand il l’entendait gémir ainsi et poussait alors sa gamelle du bout du pied, juste assez loin pour qu’elle put l’attraper et l’attirer à elle en tendant au maximum son long tentacule. Mais au plus profond d’elle-même, elle restait certaine que Wolfgang l’aimait elle aussi.



Matthias l’Aragne n’avait plus quitté son repaire souterrain depuis si longtemps qu’il ne pouvait même pas s’en souvenir. Il se félicitait cependant d’avoir accepté l’invitation du jeune von Hernst. Parmi la foule des invités insipides, il avait trouvé la perle rare. Elle approchait la cinquantaine et se vêtait avec une vulgarité à faire rougir une catin, donnant outrageusement vue sur sa poitrine décrépite et ses nombreux bourrelets. Elle semblait n’avoir pas d’avantage d’esprit que de goût et jacassait à propos de tout ce qui lui tombait sous les yeux. Mais sa voix… Sa voix était un long ruban de velours qu’il ne se lasserait jamais de caresser. Jamais.
Il avait décidé que cette voix serait sienne avant la fin de la nuit et il ne parvenait à penser à rien d’autre qu’à l’effet qu’aurait celle-ci dans son chœur gémissant d’âmes damnées. Il ne prêtait plus attention à ce qu’on pouvait bien lui dire ni aux personnes auxquelles Thomov voulait tant le présenter. Il ne pensait qu’à elle, cette voix si étonnante et suave. Une fois qu’il l’aurait débarrassé de toute la chair qui l’emprisonnait, elle serait libre de chanter pour lui à tout jamais.



Léopold Krautheim tentait tant bien que mal de ne pas sombrer. Il était debout, chancelant, se retenant à grand peine à un meuble proche. Dans sa tête, une cacophonie indescriptible le mettait au supplice. Certains hurlaient à toute force de prendre garde à quelque danger approchant, d’autres lui susurraient des souvenirs d’événements qu’il n’avait pas vécus, d’autres encore lui posaient des questions et exigeaient de lui qu’il y réponde sur le champ. Il les entendait tous, tout le temps.
Parfois, peu fréquemment, il parvenait à en faire abstraction. Il parvenait, même pour quelques instants seulement, à les oblitérer de sa conscience et à dominer ces centaines et centaines de défunts s’exprimant sans relâche en lui. Dans le silence restauré, il restait un moment hébété. Puis, prudemment, il tendait son esprit vers la seule âme qu’il eut jamais voulu côtoyer : celle de sa jeune sœur Almudis. Eternellement enfant et apeurée, jamais elle ne comprendrait ce qui lui arrivait ni où elle se trouvait. Alors, avant que les autres et la furie ne reviennent, Léopold demeurait près de sa sœur et la réconfortait.

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Lun 30 Sep 2019 - 22:56
~ Geheimnisnacht ~


Hans "l'ancien" fixait la rue de ses yeux perçants alors que le jour déclinait. Il passa la main dans ses cheveux grisonnants puis la porta à sa cuisse d’un geste nerveux. Sa vieille blessure le lançait, c'était pour ce soir il en était convaincu.
À chaque lune verte la petite bourgade impériale était sur le qui-vive à cause d'événements sordides qui se produisaient et se reproduisaient encore : quelqu'un devenait fou et c'est toute une famille qui s’entretuait. Il arriva même qu’un quartier entier soit le théâtre d’un bain de sang.
Les prêtres de tous bords criaient à la malédiction chaotique mais le vieux militaire qu’était Hans n'en croyait pas un mot. Seulement l'œuvre de détraqués, pensait-il, même s'il admettait que cette histoire de tâche purulente au milieu du front le laissait perplexe. Quoi qu'il en fût il ne pouvait faire confiance qu'à lui-même et à son fidèle sabre de cavalerie, dernier vestige de sa gloire passée et de son sobriquet un peu désuet.
"- Vous devriez laisser le personnel de maison monter la garde mon cher. Venez vous reposer, suggéra-t-elle.
- Non, Moira, je dois montrer la garde moi-même, les fous rôdent. Je vous rejoins dès que tout sera finit, répondit-il un peu sèchement."

Finalement la nuit vint, accompagnée de sa douce lueur. Le calme régnait. Ce n'était peut-être pas pour ce soir. L'homme vieillissant décida de s'asseoir, juste un peu, pour se reposer. Il laissa son esprit divaguer, ses paupières s'alourdirent. La nuit l'emporta.

Un hurlement retentit. Il ouvrit brusquement les yeux et se leva d'un seul mouvement. Une lumière verdâtre éclairait son visage perlant de sueur. Il saisit son sabre et défourailla dans l'instant tandis que ses yeux hagards balayèrent la pièce.
Une ombre passa devant l'embrasure de la porte. L’ancien militaire se lança à sa poursuite dans le couloir obscur, semblant ignorer les autres bruits qui résonnaient dans la demeure.
Il avançait à tâtons mais d’un pas assuré et parvint à la hauteur de la forme, qui était en fait de petite taille. Il arma au dessus de sa tête et frappa en poussant un hurlement mais manqua son coup et son arme vint se ficher dans un meuble. La petite créature sembla surprise par ce mouvement car elle trébucha.
Soudain, quelque chose bouscula l’homme par derrière. D'un mouvement puissant il retira la lame du bois, fit volte-face et attaqua le deuxième assaillant avec succès cette fois-ci ; le sabre entailla la chair de la créature qui se mit à courir vers la cuisine en criant de douleur.
Abandonnant sa première cible, le vieux militaire se mit en chasse de la fuyarde qui semblait maintenant fouiller frénétiquement sur les plans de travail. Un bruit métallique se fit entendre et Morrslieb se refléta sur la lame d’un large couteau tenue par la forme humaine blessée. L’homme n’y prêta pas attention et s’élança à corps perdu, hurlant de plus belle pour impressionner l’ennemie. Malheureusement pour lui, dans sa précipitation ses yeux ne virent pas la chaise qui s’était mise en travers du passage et trébucha maladroitement. Il tenta de reprendre l’équilibre, mais en vain, son poitrail vint s’empaler sur la pointe du couteau fermement tenu. Dans un dernier soubresaut il tenta de porter un ultime coup mais l’arme lui glissa des mains et il rendit son dernier soupir.

Les mains de Moira étaient crispées, tétanisées, alors que tout le reste de son corps était parcouru de tremblements. Le sang se répandit sur ses mains puis coula sur le sol en de long filets visqueux. Elle finit par lâcher prise et le corps de son mari tomba lourdement au sol avant qu’elle ne s’effondre elle-même à genou.
Après quelques minutes, la lueur d’une lampe à huile pénétra par la porte et une petite fille passa la tête avec inquiétude pour voir si tout était terminé. Voyant le corps sans vie, elle réprima un hoquet et couru dans les bras de sa mère.
L’esprit de la pauvre pauvre femme était agité et en désordre mais intérieurement elle savait ce qu’il en était. Lorsque la lumière éclaira le visage du malheureux, elle sût : sur le front de Hans apparaissait une boursoufflure en forme d’étoile.
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Mar 1 Oct 2019 - 20:18
L'Autre

toc toc toc

Il enleva son chapeau, se recoiffa, impatient de retrouver son cousin Kunibald qui s’était installé dans ce quartier quelque peu excentré par rapport au centre-ville de Wurzen. Ce dernier avait investi pendant de longues années de dure labeur en vue de pouvoir s’acheter une grande bâtisse, chose qu’il avait enfin réussi à faire ! Bien que faisant part de la communauté restreinte des peintres, Kunibald avait réussi à s’en sortir suffisamment bien pour obtenir une maison dans un quartier plutôt huppé. Pour fêter cette acquisition, il avait invité pour la crémaillère l’ensemble de sa famille ainsi que ses amis et collègues peintres.

Comme à son habitude, Otto était en avance par rapport aux autres, car il avait horreur d’être le dernier arrivé, pouvant donc se fondre plus facilement avec le reste des invités. C’est donc avec une joie non dissimulée qu’il sera fortement la main de son cousin Kunibald lorsque la porte s’ouvrit. Il avait l’air épanoui, fier de l’acquisition obtenue après maints efforts. Malgré tout, Otto ressentit comme un gène, une méfiance envers son cousin qui n’avait aucune raison valable. Aussi chassa-t-il cette pensée pour le moins désagréable qui venait assombrir un tableau de retrouvailles joyeux.
« Mais entre cousin, entre ! Je savais que tu allais venir en avance par rapport aux autres. Heureusement que j’ai pris mon bain encore plus tôt que d’habitude sinon tu te serais retrouvé dehors à attendre », invita peu de temps après Kunibald avant qu’il ne referme la porte de sa demeure derrière Otto. La lumière procurée par les bougies était douce, mettant ainsi en valeur les quelques biens que Kunibald avait soit amassés, soit créés, étant un peintre ayant de plus en plus d’importance dans la ville. Ce dernier abordait d’ailleurs des vêtements d’apparat, spécialement conçus pour la soirée, qu’Otto prit le temps de regarder en détail.
Son cousin portait une saie d’un rouge carmin avec des bordures brodées de fils d’or. Sur son épaule droite était accrochée, à l’aide d’une fibule d’or, une cape d’un bleu sombre, parsemée de motifs arabiens. Il avait également un haut-de-chausses blanc, simple, mais élégant, permettant de mettre l’accent sur les bottes, d’un cuir sombre et décoré à l’aide d’une peinture dorée. Lorsqu’il revint sur les yeux de son cousin, Otto cru pendant un instant qu’ils étaient d’un bleu glacial contrairement au marron habituel. Cette impression ne dura qu’une fraction de seconde, suffisamment courte pour faire croire à Otto que cela n’était sûrement dû qu’à un effet de lumière.

« Je pense que je vais te faire visiter alors, le temps que les autres invités arrivent », proposa alors Kunibald.
Otto devait le reconnaître, son cousin avait dû économiser pendant de très longues années au vu de la maison à deux étages qu’il habitait. Sa demeure était composée de dix pièces de taille variables, le sol était protégé par un tapis de sol pourpre. Dans les couloirs et les escaliers étaient accrochées certaines copies des tableaux de Kunibald, ceux qui avaient une importance relative à ses yeux. Quand certains représentaient des paysages certes beaux, c’était les portraits qui étaient saisissants. La technique employée et la minutie des coups de pinceau étaient telles qu’on aurait cru que les personnes étaient là, dans le tableau. C’était d’ailleurs ce pour quoi Kunibald était renommé : être capable de saisir les moindres détails des personnes qu’il peignait, figeant ainsi les traits de ces derniers pour l’éternité au travers de ces toiles. Les deux plus grandes salles étaient l’ancienne bibliothèque ainsi que le salon, lieu préparé pour accueillir les futurs invités. Otto venait de quitter la salle de bains quand il entraperçut une ombre qui lui était étrangement familière dans le miroir. Ses traits lui rappelaient quelque chose, mais il était bien trop loin pour identifier le soi-disant individu qui lui faisait des signes. Intrigué, il se retourna, mais ne vit personne derrière lui. Lorsqu’il regarda à nouveau vers le miroir, le miroir était intact, comme si le reflet de la personne n’avait jamais été là. Quelque peu troublé, il rattrapa son cousin, mais garda ses pensées pour lui-même.

Le reste de la maison était luxueux, et, c’est donc après avoir fait le tour des pièces que Kunibald invita Otto à s’asseoir dans la bibliothèque qui lui servait désormais d’atelier de peinture et de dessins. Tandis que Kunibald s’assit dans le fauteuil qui faisait dos à la fenêtre, Otto était juste en face, séparé de son cousin par une table en acajou sur laquelle étaient posés des verres de cristal qui possédait un vin de très bonne qualité. À sa droite était située la gigantesque bibliothèque qui occupait d’ailleurs le mur entier, tandis que, dans son dos un miroir ainsi qu’une gigantesque fresque sur laquelle avait été peint Karl Franz. Kunibald expliqua que cet endroit était pour lui une source d’inspiration, un endroit calme et sain dans lequel il avait invité nombre des personnes présentes dans ses tableaux et qui lui servaient également de mécènes. Il évoqua à l’occasion qu’il s’était très largement inspiré de Leonardo di Miragliano pour ses œuvres à ses débuts avant de développer son propre style qui était, selon les dires de ces clients, presque similaire. La discussion dériva ensuite peu à peu vers le passé, le temps où les deux cousins se fréquentaient bien plus souvent que maintenant, car habitant tous deux à quelques maisons de distance, ce qui n’était bien entendu plus le cas entre le métier d’artiste de Kunibald et le simple marchand qu’était Otto.

« Et donc tu te rappelles de la fois où nous avions joué un tour à la crémière du quartier », questionna Otto, avide d’évoquer cet événement où ils avaient fait les quatre cents coups à l’époque.
- Je pense malheureusement avoir oublié cher cousin, ma mémoire me fait cruellement défaut dernièrement… Si tu pouvais me rappeler ce qu’on a fait à cette époque., convia Kunibald.
- Oh ! et bien rien de bien compliqué ! Nous nous étions faufilés dans les étables des vaches et nous faisions peur aux pauvres bêtes. Elles étaient si terrifiées qu’elles n’ont pas fait de lait pendant deux jours, évoqua Otto enjoué.
- Ah oui je vois !, répondit Kunibald.

Otto, fronça les sourcils. Comment son cousin, qu’il avait fréquenté depuis tant d’années, ne se souvenait pas de cet événement qui avait failli tourner au drame ?

- Dis-moi cousin… Tu peux me dire ce qui s’est passé après ?, s’enquit Otto, méfiant.
- Pourquoi souhaites-tu absolument à ressasser les détails du passé mon cher cousin ?, répliqua du tac au tac Kunibald.

S’en était trop pour Otto qui se leva brusquement. Il contourna la table avant d’écarter d’enlever le bas de sa chemise, dévoilant alors son ventre qui avait un léger embonpoint, mais surtout une large cicatrice.

« Mon cousin n’a pas pu avoir oublié comment je me suis fait cette cicatrice ! Une vache qui se dirigea vers nous, plus en colère qu’effrayée et qui me transperça de sa corne avant que le mari de la crémière arrive et ne m’emmène en courant à l’hôpital de la ville, si apeuré pour ma vie qu’il en oublia de nous crier dessus pour notre bêtise ! », évoqua en pleurant à moitié Otto. « Alors je te le demande à toi créature ! Qu’as-tu fait de mon cousin ? Où est-il ? », cria presque Otto avec désespoir.

L’être qui se faisait passer pour Kunibald saisit alors Otto avec une vitesse insoupçonnée avant de le plaquer contre le miroir. « Je ne suis pas ton cousin, bravo ! Je ne sais même pas qui je suis, mais qu’importe ! Je suis un Autre cousin et tu le rejoindras bien assez tôt ! ». À ces mots, Otto se sentit tombé en arrière. Il lui fallut quelque temps pour réaliser qu’il avait traversé le miroir. Oui ! Il n’était pas tombé par terre comme il s’y attendait ! Il était dans l’exacte réplique de la maison. Lorsqu’il regarda vers là où était son faux cousin, une autre personne était apparue. C’était lui. Lui, mais pas lui, car Otto, lui donc, était bien là, de l’autre côté des miroirs, tandis que cet être avec son apparence échangeait avec le double de son cousin. Otto tapa de toutes ses forces contre le miroir, tentant de sortir pour rependre sa place, qui ne se brisa aucunement. Il lui semblait qu’il entendait ce qui se disait de l’autre côté comme s’il était loin, dans un brouillard. C’est alors qu’il vit son véritable cousin, du même côté que lui que la frayeur le saisit. Il n’eut pas le temps de le serrer dans ses bras, car ils entendirent tous deux quelqu’un qui toqua à la porte réelle de la maison. Le faux Otto et le faux Kunibald se dirigèrent vers l’entrée et l’Autre Otto ouvrit la porte, laissant les deux Authentiques voir leurs grands-parents souriant, au travers du miroir présent dans l’entrée. Les deux réagirent de même, criant, faisant signe à leurs grands-parents de partir à tout prix d’ici avant qu’il ne soit trop tard. Leurs aïeuls et les futurs invités ne virent jamais rien…

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Mer 2 Oct 2019 - 19:27
Paranoïa

La salle des fêtes était divisée en deux. D’un côté de la table, la troupe d’Edmund Dant. Un colosse nommé Marl, Nils et sa fidèle arquebuse, Ylva et ses dagues, les bretteurs Gerv et Hauke, et Dastin le déserteur. Le jeune répurgateur disposait de quelques seconds couteaux supplémentaires, mais ceux-ci montaient la garde dehors. Face à cette bande de tueurs inflexibles, les représentants du village de Lächeln semblaient minuscules. Le bourgmestre, vieil homme tassé par les années, frottait nerveusement sa moustache broussailleuse. A ses côtés des hommes mal réveillés tentaient encore de saisir l’ampleur des révélations qui venaient de leur être faites.
C’était compréhensible. Le démon que traquait Dant était d’une nature qui dépassait l’entendement. Une créature créée de toutes pièces par un mage renégat dans le village voisin. Il infectait l’esprit de son hôte à son insu, et petit à petit il le pervertissait. Le plus doux des hommes développait des penchants de psychopathe.

« - Et vous dites que c’te bestiaux se reproduit, mais tout seul et dans la tête des gens ? J’arrive pas ben à comprendre, sauf vot’ respect. »

Le répurgateur allait répondre avec lassitude, mais Dastin et sa voix rocailleuse lui épargnèrent cette peine.

« -Voyez ça comme une maladie. Une saleté de peste démoniaque. Un malade en contamine un autre, puis un autre, et si on fait rien c’est tout le village qui y passe.
- Mais comment qu’ça se transmet ? demanda un autre paysan
- On ne sait pas exactement, repris Dant. On n’est sûr que de deux choses. Il faut un contact, pas forcément très long. Et un lien affectif. Les hommes sont forts quand ils sont unis, et cette abomination s’attaque précisément à ce qui fait notre force. Peu de démons sont aussi dangereux.
- Oui, je comprends, répondit le bourgmestre, mais ce que vous demandez… On pourrait revoir vot’ lettre capitaine ? »

Dant soupira, et lui tendit le -faux- ordre de mission donnant au capitaine Dant de l’armée impériale les pleins pouvoirs pour traquer et tuer la créature. Le vieil homme allait faire semblant de la lire attentivement, bien qu’il ne connaisse rien aux documents militaires. Ça lui permettrait de laisser le « capitaine » faire ce qu’il voulait sans qu’on puisse lui en tenir rigueur. Précaution compréhensible. A Anderstadt, le bourg où le démon était né, ça s’était fini en bain de sang. Mais le monstre, l’Andere, avait eu tout son temps pour contaminer les habitants. Pas ici. L’unique survivant d’Anderstadt avait trouvé refuge à Lächeln avec seulement deux jours d’avance sur le répurgateur. Trop court.

« - Bien, on dirait qu’on a pas trop le choix m’sire. Faut tuer l’étranger qu’est venu chez nous, sinon on sera tous malades c’est ça ? Alors vous le trouverez chez Johann et Ingrid, la maison un peu à l’écart du village. L’était trop mal en point pour marcher beaucoup votre malade.
- Johann et Ingrid devront aussi être éliminés. »

Concert de protestations. Marl se leva, masse menaçante. Dastin répondit.

« - Fermez-là ! C’est la peste on vous dit ! Ils sont déjà morts, la question c’est si vous voulez finir comme eux. »

Silence. Marl sortit. Il avait du travail. Les autres l’accompagnèrent.

Edmund et Ylva restèrent, prirent le temps de sortir les paysans sonnés de leur torpeur. Ils devaient s’assurer que ces derniers rentreraient bien s’enfermer chez eux en attendant que le nettoyage soit fini. Le répurgateur s’attela à vérifier que l’étranger infecté n’avait pas eu de contact avec d’autres personnes. Quelques villageois avaient bien rendu visite au couple qui l’accueillait, mais après interrogatoire il s’avéra que c’étaient des individus qui se défiaient des inconnus. Contact court. Méfiance. Rien ne permettant la contagion. En traversant la place du village, Edmund vit passer une volée d’enfants et sourit. Leur innocence lui réchauffait le cœur. Peut-être allait-il pouvoir les sauver aujourd’hui. Plus loin Ylva rassurait un vieillard inquiet. Nils faisait de même avec les jeunes tendrons, usant de son charme naturel pour détourner leur esprit du meurtre qui avait lieu en ce moment même chez Johann. Les gamins piaillant se lançaient une balle. Elle atterrit aux pieds de Dant qui la ramassa et la rendit à son propriétaire. Il allait lui tapoter la tête, attendrit. L’enfant arborait un grand sourire. Celui du répurgateur s’effaça. Les enfants. Aimés de tous, confiants, cherchant le contact. Des vecteurs.

« - Dis-moi petit, commença-t-il la voix tremblante, vous êtes allés jouer chez Ingrid ces derniers jours ?
- Bien sûr m’sire, il y avait un étranger fatigué, on avait un peu peur mais il était très gentil »

La main du répurgateur se déplaça lentement vers la garde de son épée. L’enfant y jeta un regard. Puis tourna ses yeux vers ceux de Dant. Il y vit la mort. Son sourire s’élargit, devint un croissant brillant s’étendant littéralement d’une oreille à l’autre. Ses dents étaient devenues des crocs aiguisés. La lame jaillit. La tête roula. Le répurgateur cria.

« - Andere ! »

Ses hommes étaient vifs et déterminés. Il ne leur fallu qu’un instant pour comprendre, un autre pour saisir les implications, et un dernier pour accepter les conséquences.
Le massacre commença.

******

A la tombée de la nuit, la troupe de Dant monta le camp, sans entrain. Ils n’avaient pas eu le choix. La contagion était trop répandue. Impossible de trier, de trouver avec certitude les infectés. Pas le droit à l’erreur. Il suffisait d’un seul…
Dant n’avait pas prononcé un mot. Dastin avait vomi, Nils était pâle comme un linge, et Ylva avait entrainé Hauke à l’écart pour prendre dans une étreinte sans amour un réconfort provisoire. C’était leur mission, leur fardeau. Devenir des monstres pour en tuer de plus dangereux. Protéger l’humanité d’elle-même.
Personne n’osa s’approcher du répurgateur. Ses pensées étaient sombres. Il voyait l’enfant devant lui, ce visage angélique se métamorphoser en créature de cauchemar.

« On sera à Altdorf dans deux jours capitaine, dit Marl. »

Dant lui jeta un regard vide. Le géant tentait de lui changer les idées, et il lui en était reconnaissant. La capitale. Un lieu débordant de vie. Sale, puante et rongée de vices, mais de la vie quand même. L’alcool et les catins lui seraient d’une grande aide. Le répurgateur frémit. Quand l’Andere avait fui Anderstadt, il était parti en ligne droite vers la capitale. Lächeln était sur la route, mais son but était Altdorf, Dant en était sûr. Une ville où il n’aurait été qu’un inconnu de plus, un visage parmi d’autres. Un poison lent au cœur de l’Empire. Cette pensée l’effrayait. Le répurgateur sentit son cœur battre plus vite. Elle l’effrayait encore. Mais l’Andere était mort. Pourtant son instinct hurlait à ses oreilles. Un détail lui avait échappé.

Ylva rassurait un vieillard. Nils des demoiselles.

Était-ce suffisant ? La contagion pouvait-elle se faire aussi facilement ? Impossible de vérifier.
Altdorf était à deux jours de voyage.

« - Dastin. Marl. Gerv. »

Trois visages de tueurs s’approchèrent. Des hommes qui ne s’ouvraient jamais. A personne.

« - L’Andere est ici. Contagion précoce, sûrement pas très étendue. Ylva et Nils, sûrement Hauke maintenant. Les secondes lames j’en sais fichtre rien, Dastin tu étais avec eux, je te laisse juge.
- Capitaine… vous êtes sûr ?
- Vous devriez dormir un peu, vous aurez les idées plus claires.
- Silence, tous ! répliqua le répurgateur. On attend, ça se répand.
- Et si vous vous trompez capitaine ? On aura tué nos compagnons d’arme pour rien !
- Gerv, écoute. Je sais que tu tiens à Hauke. Mais tu es prêt à prendre ce risque ? »

Le spadassin fit silence, et Dant, honteux des mots qu’il allait employer, enfonça le clou.

« - Face aux gosses tu n’as pas hésité. »

Silence. Visages fermés, regards sombres.

« - Dans ce cas c’est moi qui le ferai capitaine. »

Ce n’était pas une question, mais Dant acquiesça. Les quatre conspirateurs se séparèrent. Le répurgateur s’approcha de Nils, qui lustrait son arquebuse l’air abattu. Evidemment. Le massacre du village l’avait marqué. Il ne savait pas encore que le même mal se cachait dans les tréfonds de son esprit. Dant lui savait. « Mais en es-tu sûr ? » murmura sa conscience. « Non, songea-t-il. En vérité je n’en sais foutre rien. Mais le risque est trop grand. Désolé. »

Désolé.

C’est ce qu’il murmura à l’oreille de Nils avant de lui transpercer le cœur. Tout autour le vacarme éclata. Cris de stupeur, râles d’agonie. Dastin venait d’éliminer deux des seconds couteaux. Il eut la faiblesse de chercher à expliquer aux autres. Il fut percé de cinq lames, et les meurtriers se tournèrent vers Dant. « Andere ! Le capitaine est atteint ! ». Dant sortit un pistolet et abattit froidement son premier agresseur. Marl se rua dans la mêlée, masse de muscles fauchant les corps de sa claymore comme un paysan son blé. Il était terrifiant, immense, robuste. Hélas un tel mastodonte était aussi une cible facile, et plusieurs estafilades redoutables finirent par le saigner à blanc. Lorsque le dernier combattant s’écroula, Marl s’affaissa. Le répurgateur, se tenant le flanc, vint à son chevet. Il était trop tard. Le murmure du titan fut son dernier. «… le bon choix ».

Dant se releva, et boita, absent, vers les fourrés. Il suivit les herbes couchées, et atteignit un petit bosquet. Deux corps gisaient. Gerv, penché sur celui de son compagnon d’arme, pleurait. Il ne releva pas la tête à l’approche du répurgateur.

« - Allez-y capitaine. Je l’ai serré dans mes bras avant qu’il meure, et j’ai chialé comme une pucelle. Ça suffit peut-être pas, mais on peut pas hésiter, vrai ? Pas après tout ça. Allez-y… »

Dant n’hésita pas.

******

Edmund Dant marchait, hagard, dans les bois.

Il tanguait comme un ivrogne, balayait l’air devant lui d’un geste, comme pour chasser un fantôme. Il s’arrêtait parfois un instant, fixant un visage que lui seul pouvait voir. Puis il reprenait sa route, titubant sans but. A le voir ainsi, on eût dit que l’homme était définitivement brisé. Mais quiconque aurait observé son visage aurait compris, avant de reculer avec un frisson de terreur. Toute trace d’humanité avait quitté ses yeux. Le jeune Dant était mort. Son regard était celui d’un tueur, le monstre qui protège l’humanité des autres. Un répurgateur.

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La mort est dans la vie la vie aidant la mort
La vie est dans la mort la mort aidant la vie.


historique: https://whcv.forumactif.com/recits-fanfics-et-fanart-f10/le-vampire-de-gespenst-t2742.htm
photos: https://whcv.forumactif.com/galeries-des-membres-f23/galerie-de-keraad-t2854.htm
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