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Hjalmar Oksilden

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Kasztellan
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La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] Empty La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version]

Ven 29 Juin 2018 - 12:07
Texte obsolète, merci de vous rediriger vers le sujet plus récent !!






Lectrices et lecteurs divers et variés, j'ai le plaisir de vous annoncer la suite de la Saga d'Oksilden !

Le récit est toujours en cours d'écriture au moment où j'écris ces lignes et le rythme d'apparition des similis-chapitres prendra donc un temps relativement conséquent. J'espère réussir à envoyer tout ça dans les plus brefs délais, mais bon... Advienne que pourra.

Pour les quelques personnes qui découvrent la saga, il se trouve que ce tome est le quatrième de ladite Saga de mon personnage. Il est donc la continuation directe du troisième tome que vous pourrez trouver ici-même : https://whcv.forumactif.com/t6418-la-saga-d-oksilden-foi-furieuse

Encore une fois, je tiens à rappeler que si vous trouvez une faute au détour d'une ligne, j'apprécierais grandement que vous m'aidiez dans l'éternel travail de correction en me la signalant  Cool

Et enfin, j'adresse un grand merci aux lecteurs qui m'ont suivi jusqu'ici.  Clap




La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite





    Depuis un royaume lointain et hors de portée du commun des mortels, quelqu’un s’ennuyait. En effet, cette entité à l’apparence improbable – semblable à un amalgame sordide de reptiles et autres mammifères – observait le Vieux Monde depuis sa propre dimension et il le trouvait bien trop tranquille. Certes, Malal, car c’était son nom, savait pertinemment que c’était le calme avant la Tempête en approche. Mais il ne pouvait s’empêcher de vouloir, disons, animer le grand jeu de la vie en attendant. Ses rares agents étaient tous occupés à diverses tâches et il se retrouvait là, momentanément sans personne à diriger. Une situation fort frustrante de l’avis du démon qu’il lui incombait de changer.

    Son regard se tourna alors distraitement vers le centre de l’Empire, ou plus exactement, vers une de ses récentes acquisitions.

    Au moment où ce qui s’apparentait à ses yeux se posèrent sur l’intéressé, un sourire tordu déforma brièvement sa gueule ornée de crocs divers. Il le trouvait amusant celui-là. Tiens, et s’il détournait sa route pour… ? Non.

    Non, en fait, ce serait inutile. Cet énergumène aussi avait un rôle à remplir.

    D’après Malal, il s’agissait d’un investissement à long terme et d’une expérience curieuse dans le même temps. Après tout, comment ne pas être curieux ? Cet homme était littéralement le premier et unique mortel à l’avoir contacté directement dans les Royaumes du Chaos ! Involontairement, certes, mais tout de même ! D’habitude, cela allait toujours dans l’autre sens. Mais Hjalmar Objarsson ne semblait pas vouloir faire comme tout le monde.

    Jetant un œil à une table à côté de lui, Malal déplaça quelques pions au gré de ses envies et de l’avancement de ses plans. En un sens, il jouait au même jeu tordu que les autres démons, mais il avait décidé d’y prendre part avec ses propres règles. Il trouvait cela plus plaisant puisque cela lui permettait de tricher et d’arbitrer dans le même temps.

    Une fois satisfait de l’apparence bordélique du plateau, il se reconcentra sur le monde réel. Malal suivit alors malicieusement du regard sa victime involontaire durant quelques éons… Puis il s’ennuya à nouveau et partit torturer un démon mineur de Nurgle enchainé non loin. Après tout, il ne pouvait pas être l’allégorie du Chaos et être immunisé aux troubles de l’attention dans le même temps.


Dernière édition par Hjalmar Oksilden le Lun 6 Nov 2023 - 20:19, édité 2 fois

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Ven 29 Juin 2018 - 17:16
Malal a écrit:Hjalmar Objarsson
Voit-on là un élément de background inattendu ? Blink De tout ce qui a été écrit, c'est ce qui m'a sauté aux yeux et éclipsé ce qui suivait. "Objarsson". Je serais curieux de croiser la route du nommé Objars pour voir s'il ressemble beaucoup à son fils Smile

Cela dit, on sait désormais que le héros de la saga se situe au centre de l'Empire. D'après ma carte, il se situerait en plein milieu des collines de Farlic ! Cette info n'aura probablement aucun ancrage dans ce qui se passe réellement dans le récit, mais ça m'amuse d'émettre cette supposition Fou

La suite Happy
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Ven 29 Juin 2018 - 18:26
IL EST ARRIVÉ !

La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] Giphy

Bon oui ce n'est qu'une intro, mais ça annonce un peu la couleur. Hjalmar est donc considéré par Malal comme une "acquisition", mais il n'en a certainement pas conscience. Par contre je ne me souviens pas vraiment du moment où Hjalmar aurait contacté Malal. C'est un moment auquel on a assisté ?

Et je rejoins Von Essen. Son nom serait donc Objarsson, du coup il y a certainement une histoire derrière le nom 'Oksilden'. Va-t-on la découvrir ? Je l'espère.

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Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

Le lien vers mon second récit : la geste de Wilhelm Kruger tome 1
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Jeu 19 Juil 2018 - 23:04
Von essen a écrit:D'après ma carte, il se situerait en plein milieu des collines de Farlic !
Nope  Tongue

Arcanide Valtek a écrit: Par contre je ne me souviens pas vraiment du moment où Hjalmar aurait contacté Malal. C'est un moment auquel on a assisté ?
Pour le moment, Malal est resté une entité très vague dans les précédents récits. Il y a bien eu contact, mais, hors-champ on va dire.


En tout cas, voici la suite ! Je ne suis pas particulièrement fier du rendu, mais il me fallait un début au tout. Là encore, si faute il y a, je vous serais fichtrement reconnaissant de me les indiquer  Cool




    Dans le ciel, le soleil avait dépassé son zénith depuis quelques heures déjà et se déplaçait ainsi paresseusement vers l’horizon. Mais sa présence en ce jour sans nuage ne remontait qu’à peine les basses températures dont les griffes glaciales avaient saisi les terres de l’Empire. Tout semblait bleu, grisé et apathique. Il ne neigeait point encore, mais ce n’était plus qu’une question de jours, une semaine peut-être. Une chose peu étonnante quand on savait que le dernier mois de l’automne, Kaldezeit, venait de commencer.

    Ainsi, si le grand-duché du Middenland n’était pas vraiment réputé pour son beau temps, on comprenait bien vite pourquoi. Ce n’était pas la contrée la plus septentrionale de l’Empire. Non, ce titre appartenait au Nordland, mais elle en était proche et le climat continental en son centre rendait la vie de ses habitants quelque peu difficile avec ses hivers prolongés. Il n’était donc pas étonnant que lesdits locaux se soient mis à vénérer Ulric le dieu-loup de l’hiver… Et que les Middenlanders soient devenus tout aussi durs et intolérants que leur climat. Mais en même temps, pour survivre aux attaques fréquentes des hommes-bêtes de la Drakwald, il fallait parfois se montrer tout aussi impitoyable que les monstrueux rejetons du chaos.

    Une région qui vendait du rêve donc.

    Et c’était ici, à l’orée de la Drakwald, que l’on retrouvait Hjalmar Oksilden, le colosse norse de service, tandis qu’il quittait enfin les collines venteuses des environs de la cité de Delberz. Une grande ville que le nordique avait soigneusement évitée d’ailleurs. Le risque de tomber sur un répurgateur à sa poursuite était d’autant plus grand que l’endroit était peuplé, alors autant se contenter des petits relais sur la route pour plus de tranquillité. Pour le moment, cette ligne de conduite lui avait porté chance alors qu’il avançait vers l’Ouest. C’était d’ailleurs son seul objectif, se diriger vers le couchant sans trop y réflechir. IL lui avait suggéré quelques jours plus tôt et, faute de meilleure plan, le nordique s’était mis en marche.
De temps à autre, on le voyait se frapper la tête, comme pour chasser un insecte un peu trop collant. Même si dans les faits, c’était plutôt des voix lointaines. Son regard fureteur trahissait sa nervosité et il trainait les pieds de fatigue.

    Hjalmar portait toujours sur lui sa fidèle armure constituée d’un mélange un peu insolite de cotte de maille, de cuir et de figures en bronze. De-ci, de-là, on pouvait retrouver des symboles et autres colifichets étranges qui semblaient venir d’un peu partout et de nulle part à la fois. Dents, talismans, fourreaux élaborés, symboles gravés dans le cuir, tout était là pour rappeler au tout-venant que leur propriétaire n’en était pas à son premier voyage. Ainsi, si le vêtement était aussi robuste qu’utile contre les éléments, il était aussi assez peu discret. Surtout que ledit habit était dans un état peu enviable à force d’avoir récemment accumulé diverses coupures et autres déchirures.

    Sous l’épaisse barbe brunâtre du norse, on pouvait aussi apercevoir un pendentif en argent qui réfléchissait parfois un rayon de soleil. Autrefois poli par des prières journalières, le bijou avait perdu de sa superbe, faute d’entretien ou plutôt d’envie de l’entretenir.

    En hululant, un reste de brise froide passa au travers des arbres qui craquèrent de concert. Elle agita ainsi des restes de feuilles automnales et fit jurer le nordique qui se frappa les bras pour se réchauffer un peu. Finalement, lui qui pensait pouvoir se protéger du vent en profitant du couvert de la forêt dense de la Drakwald, c’était raté. C’en était presque frustrant. Cette maudite forêt lugubre débordait tellement d’arbres qu’en dehors des chemins on ne voyait pas à cinq mètres et pourtant des courants d’airs passaient au travers ? Avec un accueil pareil et les hommes-bêtes qui la hantaient, ce n’était pas étonnant que presque personne n’y vive.

    Les traits tirés, Hjalmar continua un moment à se frotter les bras en serrant les dents. Il avait déjà vécu bien pire dans son pays natal, mais là-bas au moins il pouvait se réchauffer par intermittence. Ici, cela faisait bien dix jours qu’il avançait en dormant à la belle étoile. Un feu de camp n’étant pas vraiment conseillé lorsqu’on était un fugitif se baladant dans une région dangereuse, il avait donc dû faire avec… et surtout sans vêtement chaud. Son armure était tellement trouée de partout qu’elle ne protégeait plus grand-chose. Et si les relais le long de la route lui offraient de brefs répits, il préférait ne pas s’y attarder. Rester en mouvement, voilà le seul moyen qu’il avait pour être en sécurité dans un pays qui, par bien des aspects, préférait le voir mort.

    Un autre son résonna entre les arbres, plus animal cette fois. Une bonne nouvelle pour le norse qui avait eu un mal de chien à trouver de quoi se nourrir ces derniers jours. Les collines du centre du Middenland n’étaient plus vraiment peuplées de gibier à cause des chasses à la cour données par les habitants plus nobles. Ici au moins, l’état sauvage de la forêt les laissaient pulluler. Et le norse préférait garder le peu d’argent qu’il avait miraculeusement réussi à grappiller de-ci, de-là pour le moment où sa situation deviendrait trop précaire.

    En entendant à nouveau le cri de l’animal, qu’il reconnut comme étant le brame d’un cerf et non celui plus guttural d’un homme-bête heureusement, Hjalmar s’ébroua un peu et sortit une longue dague de sa ceinture. En la regardant brièvement, le nordique aperçut encore une fois la croix impériale doublée d’une comète près de la garde, indiquant que son ancien possesseur était dans les ordres religieux de Sigmar. Il allait vraiment falloir qu’il se débarrasse de cette dague trop voyante à l’occasion. Mais il n’avait pas trouvé mieux depuis sa dernière échauffourée avec des répurgateurs dans un quartier pauvre de Talabheim.

    Une autre brame, plus près, fit sortir Hjalmar de ses pensées tandis que l’appel de son estomac revenait le tenailler. Même s’il y était habitué depuis le temps, cette sensation pouvait toujours se révéler… Disons, inconfortable.

    Suivant ce qu’il estimait être la direction du dernier cri en date, Hjalmar se lança à la poursuite de sa proie en raffermissant sa prise sur sa dague. Après avoir dépassé plusieurs enchevêtrements d’arbres, il trouva enfin ce qu’il cherchait. Le vent était face à lui et l’animal était en vue. Un jeu d’enfant. Du moins, ça l’aurait été s’il n’y avait pas eu deux loups qui étaient déjà en train de festoyer sur ladite proie. Hjalmar se fit la réflexion que cela expliquait les cris à répétition la bête.

    Bon. Ben, en plus d’un gigot de cerf il allait pouvoir rajouter deux peaux de loups à son butin. Le norse ramena sa dague devant lui et bondit de sa cachette de derrière un chêne.




    Le soir venu, Hjalmar arriva à son grand soulagement aux abords d’un petit relai dont les lumières pointaient au loin sur la longue route. C’est que le morceau de viande de cerf qu’il tenait sous son bras droit pesait son poids et qu’il avait bien besoin d’un peu de repos.

    Le nordique enleva alors la peau de loup de son épaule gauche pour la rouler sur elle-même avant d’entrer dans le petit relais fortifié. Il avait cru comprendre que les locaux n’appréciaient pas que l’on porte une peau de l’animal d’Ulric si on ne le méritait pas. Et au vu desdits habitants et de leur tempérament, il préférait éviter de les froisser. Non pas que les Middenlanders l’inquiétait, mais là, tout de suite, il préférerait dormir plutôt que de finir dans un combat de taverne.

    Malheureusement, il n’avait pu avoir qu’un seul des canidés, l’autre ayant réussi à s’enfuir. La peau qu’il en avait tiré n’était pas fameuse et qui plus est, elle empestait en plus d’être une piètre protection contre le froid. Mouais. Il était définitivement bien loin d’avoir les talents de dépeçage de ses parents tanneurs… Mais c’était toujours mieux que rien pour protéger un de ses bras du vent.

    En arrivant dans le relais fortifié, le norse s’aperçut qu’il y avait trois bâtiments coincés entre des remparts en bois solides. A la gauche de la route, le plus grand des trois était sûrement l’auberge au vu de l’enseigne en forme de chope de bière. A sa droite il y avait une sorte de vieux temple d’Ulric en ruine et une échoppe d’objets de première nécessité. C’est dans cette dernière que Hjalmar se dirigea en premier. Il put y vendre sa peau de loup et un morceau de la viande pour une poignée de pièces impériales en argent. Ce n’était pas énorme, mais cela devrait lui permettre de s’acheter une chambre. Le vendeur l’avait regardé avec un œil mauvais tout au long de leur conversation lapidaire et une fois Hjalmar sortit, il lui avait claqué la porte dans le dos avant d’éteindre sa lumière peu de temps après en lui crachant :

    « Passez votre chemin ! Ça vaudra mieux pour tout le monde. »

    Une démonstration parmi tant d’autres du légendaire sens de l’accueil des middenlanders.

    Ce sentiment se confirma quand Hjalmar entra dans l’auberge de l’autre côté de la route. A peine avait-il ouvert la porte que les rires gras et autres activités se muèrent en murmures inaudibles alors qu’on le dévisageait sous toutes ses coutures. L’endroit n’était pas bien grand et on pouvait compter une demi-douzaine de tables à peine. Ce qui faisait que l’on pouvait s’apercevoir assez vite si on avait ou non l’attention de toute l’assemblée. Et ce, malgré l’éclairage crasseux provenant d’un âtre qui crachait plus de suie que de flammes.

    Le norse, fidèle à ses habitudes, n’en prit pas compte et partit nonchalamment vers le comptoir. Son pas fatigué et lourd résonnant sur le parquet du lieu. Les têtes des clients se tournèrent en même temps, suivant sans discrétion l’avancée du nouveau venu. L’aubergiste, un homme aux tempes grisonnantes et un peu rondouillard, semblait tout aussi réticent de le servir, mais sa conscience professionnelle prit le dessus et il maugréa quelques mots.

    « Qu… Qu’est-ce que j’vous sers… ? », lui dit-il alors qu’une goutte de sueur perlait sur son front.

    Bon, il avait besoin de provisions, de quoi boire, peut-être un vêtement chaud mais ça, ça pouvait attendre et… Oh et puis merde, sa situation était suffisamment mauvaise alors autant l’assumer à fond.

    « Un cognac bretonnien », lui répondit l’accent rauque du nordique alors qu’il déposait une pièce d’argent sur le comptoir en s’asseyant.

    Quand les gens du cru comprirent qu’il n’était pas l’un des leurs en entendant son intonation, ils grondèrent des menaces. Mais quand leurs préjugés sur les norses ou les kislévites eurent fini de parler (ils n’étaient pas très bon pour deviner les origines des gens, d’après eux il y avait le Middenland et les autres), là seulement ils comprirent les paroles du nordique. Ceci provoqua un silence béant et leurs yeux s’écarquillèrent aussitôt.

    Après tout, commander un produit étranger dans la moins tolérante et la plus conservatrice des régions de l’Empire revenait bien souvent à signer son arrêt de mort.

    Hjalmar, lui, ne le savait pas. A vrai dire, à part les grandes lignes, il se moquait généralement des coutumes locales tant qu’on le laissait en paix. Il fronça donc les sourcils en voyant que l’aubergiste avait failli lâcher le verre qu’il tenait entre ses mains et le fixait à présent, la bouche à moitié ouverte.

    « Quoi ? tenta Hjalmar en soupirant. Vous n’en avez plus ? Rhoo, dommage… Bon, ben envoyez une liqueur quelconque, du moment que ça tape dans le gosier. »

    Voyant que l’aubergiste ne bougeait pas plus qu’avant, Hjalmar jeta un œil vers le reste de la taverne pour s’apercevoir que son interlocuteur précédent n’était pas le seul atteint de cet étrange cas de stupeur foudroyante.

    « Quelqu’un m’explique ?
    — Mais tu t’fous d’nous ? vociféra un bonhomme édenté au nez bien trop rouge. C’sa hein ? Qu’est-ce tu crois q’t’fais lô ? »

    L’ivrogne s’approcha du norse en le pointant méchamment du doigt et en toussant par intermittence, ce qui n’améliorait pas sa grammaire approximative. Il se posta devant le norse qui devait faire facilement une demi-tête de plus que lui et continua ses invectives incompréhensibles. Parmi cette diatribe imbibée, Hjalmar comprit vaguement que le bonhomme voulait qu’il s’en aille maintenant sinon il allait lui faire quelque chose en rapport avec des chèvres, ou bien un conifère – il n’avait que vaguement compris ce passage-là. Stoïque, le nordique l’écouta donc se plaindre pendant quelques instants, supportant son haleine alcoolisée à outrance avec le regard dans le vague et l’air vaguement blasé. Puis, quand l’idiot du coin en arriva à un discours sur la pureté du sang Teutogen qui s’était bien trop dilué depuis le temps, la patience du norse arriva à son terme et il lui attrapa la tête pour la fracasser contre le comptoir d’un seul geste.

    Le crâne du middenlander émit un *Ponk* sonore, le middenlander émit un bruit semblable à *Heurglmebleuh* mais en plus aigu et pour ce qui était de son corps s’étalant sur le parquet crasseux de la taverne, ça, on le laissera à votre imagination. C’est cadeau.

    Sur ces entrefaites, Hjalmar se retourna vers l’aubergiste qui lui adressait un regard qui aurait été lourd de sens s’il n’était pas progressivement inquiet.

    « Bon, cette liqueur, elle arrive ? » lui lança le norse comme s’il ne s’était rien passé.

    Le supposé maître des lieux sembla reprendre ses esprits et adressa un regard paniqué à Hjalmar puis par-dessus l’épaule de ce dernier. Comprenant que quelque chose n’allait pas, le nordique suivit le coup d’œil du tavernier et étudia à nouveau la salle, mais plus en détail cette fois.

    Sur les six tables, quatre étaient occupées, enfin trois, puisque deux joueurs de cartes venaient de sortir précipitamment en emportant leurs gains. Sur deux des tables, celles près de l’âtre, se trouvait toute une bande de Middenlanders du cru, tous armés, qui dévisageaient Hjalmar avec un mélange de haine et d’imbécilité pure. Comme par hasard, c’était de là que venait l’énergumène qui l’avait ennuyé juste avant. Leurs tables étaient pleines de victuailles diverses et les deux gamines blondes (ou bien brunes ? Bah, ce n’était pas comme si ça l’intéressait) assises au milieu n’avaient pas vraiment l’air d’être à leur aise. Ensuite, de l’autre côté de la pièce, la dernière table était occupée par un petit groupe discret de trois personnes. Leurs postures prostrées et l’absence de nourriture devant eux indiquaient plutôt qu’ils subissaient la situation présente.

    Des bandits ? Moui, ça expliquait l’ambiance en fin de compte, se dit Hjalmar en se grattant le menton à travers sa barbe. Justement l’un d’entre eux se leva, l’air encore plus furibard que les autres qui devaient être de toute façon trop alcoolisés pour comprendre quelque chose.

    « Toi ! postillonna-t-il. T’cherches la mardre ?
    — Je cherche à boire en paix, et toi ? », lui rétorqua Hjalmar en penchant légèrement sa tête sur le côté, les yeux vissés dans ceux du middenlander.

    Le chef des bandits, du moins c’est ce qu’il devait être puisqu’il parlait au nom des autres, se mit étonnamment à sourire avant d’éclater d’un rire tellement gras qu’on aurait pu l’utiliser pour allumer une lampe à huile. Forcément, toute sa bande se mit à rire avec lui. Les deux filles, elles, se crispèrent.

    « Hmm, tu m’plais l’étranger ! T’as l’culot d’commander un truc d’ailleurs, d’envoyer un de mes gars au sol et d’me répondre comme si t’étais dans ton droit. T’as beau venir de j’chais pas où, j’suis sûr q’t’as du sang de Teutogen ! Hein, les gars ?
    — Ouais, pas faux, ricana un autre gaillard. On n’sait pas jusqu’où nos ancêtres sont allés, hein ?
    — ‘xactement ! Allez tavernier, sers-lui c’qu’il a demandé, fait pas attendre un bon gars comme ça ! Et vous deux, aller me chercher Vilkar, qu’il reste pô par terre toute la soirée non plus. »

    Alors que la petite sauterie des bandits reprenait son cours avec forces grasseries, l’aubergiste amena un petit verre à Hjalmar en tremblant. Une fois son nouveau client servi, l’homme prit la bouteille et en but une gorgée en grimaçant avant de la reposer. Il suait encore plus qu’avant.

    « Écoutez, murmura-t-il au norse en faisant semblant de faire autre chose. Ne me regardez pas ! Buvez tranquillement.
    — … Si tu l’dis, maugréa doucement Hjalmar en prenant une gorgée de la liqueur. C’est infect. Un autre.
    — Ces types là-bas, la bande d’Helmut, ils nous saignent à blanc depuis ce matin et les patrouilleurs ne repasseront que dans une semaine… S’il vous plaît, aidez-nous ! »

    Devant l’absence de réponse du norse imposant, l’aubergiste serra nerveusement ses mains après l’avoir servi à nouveau.

    « Écoutez, j’ai bien vu que vous n’aviez pas beaucoup d’argent, donc je vous propose une semaine de vivres gratuites et une chambre pour la nuit.
    — Pour que j’aille affronter douze… Ah pardon, onze, il y en a un qui vient de tomber ivre mort… Onze gars à moi tout seul ? rétorqua Hjalmar en finissant son verre avec une grimace. Un autre, merci.
    — Je sais. C’est beaucoup demander, mais calmez-en quelques-uns et ils devraient fuir en vitesse. Vous avez l’air bâti pour tuer un bestigor à mains nues, bon sang ! Quelques imbéciles avinés, ça devrait aller vite.
    — Peut-être. Donc, je répète pour qu’on soit sûr. Vous voulez que je « calme » quelques-uns des onze gars armés, tout seul, pour des repas et une nuit ?
    — Bon… D’accord, vous pourrez vous servir dans ma cave, je m’en moque à ce point, tant que vous les sortez d’ici ! Si ça continue, je vais fermer boutique et mes deux enfants risquent bien pire ! »

    En entendant cela, Hjalmar leva un sourcil étonné avant de balayer la proposition d’un revers de main.

    « Oh non, ce ne sera pas la peine. Je voulais juste être sûr de ne pas me faire arnaquer. Je veux dire, je l’aurais fait juste pour un peu de viande séchée. Vous êtes sûr de vouloir faire ça ?
    — Évidem…
    — Ne dites pas ça à la légère, le coupa sèchement le norse.
    — Je…Oui.
    — Bien. Dans ce cas… »

    Après avoir terminé son troisième verre, le norse se tourna à demi vers les tables des fêtards. Mais après quelques secondes, il se retourna vers l’aubergiste qui malgré son air inquiet avait retrouvé une touche d’espoir en voyant l’assurance du nordique.

    « Dites, j’ai oublié de vous demander.
    — Heum, oui ?
    — Vous les voulez vivants ou morts ?
    — P…Pardon ? » – l’aubergiste allait répliquer quelque chose avant que ne retentisse le cri d’une de ses filles, un des hommes venait de la frapper au visage – « Morts. Allez-y !
    — Vous êtes sûr de v… ?
    — Allez-y bon sang ! explosa l’aubergiste qui trépignait de rage. Ou alors vous avez trop peur pour aller jusqu’au bout !»

    Le visage du norse se durcit aussitôt et il attrapa le col du tavernier avec la vitesse d’un serpent. Sa poigne de fer tira l’homme jusqu’à ce que leurs visages se touchent presque.

    « Là, vous dépassez les limites de ma sympathie. Je vais déjà me battre pour vous, à votre place, alors ne m’insultez pas… Et je vous aurais prévenu. Quand ce sera terminé, je ne veux pas entendre la moindre plainte. »

    Sur ce, Hjalmar relâcha l’aubergiste qui recula d’un pas sans pouvoir quitter les yeux gris-bleu du nordique. Il fallait dire qu’un un regard aussi froid que l’acier d’une lame, cela avait de quoi faire hésiter. Mais avant que le bonhomme ne puisse répondre, le nordique se leva de son siège et se dirigea vers la tablée.

    En parlant d’eux d’ailleurs, plusieurs des bandits s’étaient levés en entendant l’éclat du maître des lieux et se dirigeaient vers le norse, l’air méfiant. En quelque pas, Hjalmar sut qu’il était à portée et il dégaina sa dague.

    D’un geste vif, il trancha la gorge du bandit le plus près pour le laisser se vider de son sang au sol. Récupérant au passage la hachette de ce dernier, il la lança en plein dans le torse du gaillard qui gardait encore les deux filles. Son hurlement de douleur suivit par ceux de terreurs des damoiselles avant qu’il ne s’effondre déclencha le début de l’échauffourée.

    Tous les bandits restants sortirent des armes diverses, un pistolet, des hachettes et même une épée courte, puis ils chargèrent le nordique qui les attendait debout à côté du premier cadavre. Mais ni leur nombre, ni leur armement ne leur fut du moindre secours. Ils étaient fatigués, abattus par l’alcool et à peine capable de faire trois pas sans trébucher. Comme avait dit l’aubergiste, cela allait se faire vite. La dague impériale fila donc dans l’air, trouvant là une nuque, là un tendon. Mais à chaque fois, son sifflement était l’annonciateur d’un hurlement de douleur ou bien d’un gargouillis étranglé par un flot de sang. Les bandits, en surnombre, finirent bien vite par trébucher sur les cadavres de leurs alliés alors qu’ils tentaient de s’en prendre à un ennemi beaucoup trop vif pour eux. Ceci facilita d’autant plus le travail du norse qui n’attendait que cela pour leur planter un tabouret ou un coup de botte à l’arrière d’un crâne jusqu’à entendre le craquement caractéristique d’une vertèbre qui lâchait brutalement.

    En moins d’une minute, la troupe avait ainsi été réduite de moitié. Les survivants se mirent bien vite à hésiter sur la marche à suivre après que l’un d’entre eux ait réussi à frôler le nordique à la joue pour mieux se faire empaler l’abdomen. Comprenant qu’ils allaient bien vite mourir sous les coups de l’étranger fou furieux, ils lâchèrent ainsi leurs armes et partirent en courant vers la sortie, tombant à moitié dans leur fuite effrénée. On entendit ensuite des chevaux hennir puis une série de galops alors que les bandits fuyaient les lieux. En distinguant cela, Hjalmar lâcha sa dague de répurgateur plantée dans sa dernière victime pour l’échanger contre l’épée courte et un coutelas, bien plus faciles à utiliser sans éveiller les soupçons.

    Maintenant que l’escarmouche était terminée, le nordique renifla bruyamment, s’essuya son visage barbouillé de tâches écarlates puis partit se rasseoir au comptoir en essayant d’éviter les cadavres. Certains des corps gigotaient encore faiblement alors que la vie les quittait doucement. De l’autre côté de la taverne, les trois hommes s’étaient levés pour aider Hjalmar, mais après l’avoir vu pratiquer son art ils n’avaient pu que regarder la scène, tétanisés. L’aubergiste, lui, semblait aussi joyeux de voir son calvaire terminé que terrorisé par la violence déployée par le nouveau venu. Une des deux filles éclata en sanglots peu de temps après, trop traumatisée pour faire autre chose. Sa sœur vint aussitôt la réconforter, son regard anxieux constamment braqué sur le norse.

    Ce dernier récupéra la bouteille de liqueur posée sur le comptoir, s’en servit un verre, laissa des traces de doigts rougeâtres sur ledit récipient, l’ingurgita, et, après une énième grimace de dégoût, lança calmement :

    « Bon, vous me préparez quoi pour la semaine à venir du coup ? »

    Alors que les gens de l’auberge s’affairaient autour de lui, Hjalmar commença à s’en vouloir. Pas parce qu’il venait de tuer plusieurs personnes il n’y avait même pas un instant, non, ça il avait l’habitude. En fait, il avait honte d’avoir prononcé cette phrase sur ce ton faussement tranquille, car intérieurement, il était tout sauf calme. Il bouillonnait même. Le norse se concentrait pour garder sa contenance, mais dans le même temps il serrait sa choppe à en faire grincer le bois.

    Ce combat avait été une vaste blague. Aucun défi, aucune difficulté, il n’y avait pas eu un seul instant où sa vie avait été mise en danger. Et pourtant, lorsqu’il avait tranché la gorge du premier gaillard, une petite étincelle s’était allumée dans son ventre. L’espoir qu’il allait enfin se passer quelque chose d’intéressant. Seul contre dix hommes, cela s’annonçait bien ! Qu’enfin, quelqu’un allait réellement se bouger le postérieur pour tenter de le tuer. Que pour une **** de fois, il allait pouvoir se battre réellement !! Eh bien quelle déception. C’était encore raté. A peine sa première victime avait-elle touchée le sol que la démarche maladroite de ses camarades avait été une douche froide pour le norse. Ils avaient été pathétiques jusqu’au bout. Et Hjalmar, lui, en revenait exaspéré.

    Talabheim, les skavens, le Middenland, rien de tout cela n’avait été intéressant. Il y avait bien eu quelques instants de bravoure, mais dans l’ensemble, cela l’avait presque ennuyé. A vrai dire, Hjalmar se rendait compte à présent qu’à part son combat contre le roi revenant aux bois de cerfs et peut-être même l’autre vampiresse, il n’avait plus « ressenti » quelque chose depuis son passage dans les Royaumes du Chaos. Auparavant, il vivait pour ces rares instants, ces duels vivifiants, ces situations impossibles et l’excitation qui allait avec quand il en sortait vainqueur. Maintenant, il n’y avait plus rien.

    S’était-il endurci à ce point dans les Royaumes ? Les démons l’avaient-il rendu si efficace au combat que plus rien n’était de taille pour lui ?... Hmpf. Non, ce serait de l’orgueil stupide que de penser cela. L’estafilade à sa joue qui le piquait encore était là pour lui rappeler sa mortalité justement. Il faisait toujours des erreurs, comme n’importe qui d’autre et il avait bien failli mourir plusieurs fois ces dernières semaines. En fait, il fallait juste croire qu’il avait perdu le goût de tout ça.

    A cette pensée, Hjalmar arrêta de tapoter nerveusement du doigt sur la choppe qu’il tenait encore. Poussant un long soupir, il regarda le charnier par-dessus son épaule, puis laissa son regard se perdre dans le vide. Tant pis. Pour l’instant, il fallait qu’il aille de l’avant, qu’il aille… quelque part. Même s’il ne savait toujours pas où.
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NB: la suite arrivera bientôt, le prochain "chapitre" étant très lié à celui-ci.

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Jeu 19 Juil 2018 - 23:47
Clap  Clap

J'adore. Tout simplement. Et là où tu fais très fort, c'est que le style d'écriture a encore changé, du moins en ai-je l'impression. On sent, dans les petits commentaires, la frustration de Hjalmar qui se répercute sur la narration. Du grand art.

J'avoue qu'on comprend le pauvre Norse. Il en a vécu des vertes et des pas mûres, et il ne lui arrive pas souvent de rencontrer quelqu'un qui ne soit pas là pour l'agresser verbalement ou physiquement. Mais j'avoue que j'espère qu'il va aller mieux.

NB: la suite arrivera bientôt
Quelqu'un a donc regardé ma liste de Noël ?

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La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] Empty Re: La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version]

Dim 22 Juil 2018 - 12:42
Et voici le chapitre suivant. La suite prendra peut-être un peu plus de temps, histoire que je m'assure qu'elle fasse sens avec le reste.

Arcanide Valtek a écrit:J'adore. Tout simplement. Et là où tu fais très fort, c'est que le style d'écriture a encore changé, du moins en ai-je l'impression.
Et moi qui pensait avoir écrit une introduction un peu banale  Fou Tout d'abord merci du compliment. Ensuite, oui, j'ai tenté (encore) de changer la manière d'aborder la chose. La quasi-totalité du récit (à part l'intervention de Malal en introduction) sera écrit du point de vue de Hjalmar, ou du moins dans son environnement proche. Je voulais jouer sur le contraste avec le 3e tome où l'on entend jamais les pensées de Hjalmar (sauf à la fin) et où on l'y voit finalement peu.

Jusqu'ici, l'exercice s'est montré... difficile. Déjà parce que penser comme Hjalmar est plutôt lourd à porter. Et ensuite, j'aime bien plus écrire à la manière Pratchett, avec divers points de vue qui se recoupent et des touches d'humour plus présentes. Mais je souhaite porter l'expérience jusqu'au bout, voir ce que je peux en faire. Cette saga est une grande zone de jeu et de test pour moi, alors autant m'en servir à fond.

Arcanide Valtek a écrit:J'avoue qu'on comprend le pauvre Norse. [...] j'espère qu'il va aller mieux.
Disons que ça ne va pas forcément aller en s'améliorant... Mais Hjalmar est un obstiné de nature.  Tongue

Arcanide Valtek a écrit:Quelqu'un a donc regardé ma liste de Noël ?
Le Hjalmar-Noël est toujours heureux d'apporter divers cadeaux :


***


     Le lendemain matin, Hjalmar était reparti aux aurores sur la route avec un sac de pain, du lard séché et une gourde d’eau. Ce n’était pas grand-chose, mais c’était toujours mieux que ce avec quoi il était arrivé.

     Sans grande surprise, les gens de l’auberge lui avaient assez vite fait comprendre qu’il n’était plus le bienvenu. Oh, ils ne s’étaient pas plaints ou insurgés. Enfin, si, un peu, quand Hjalmar leur avait dit que le nettoyage des cadavres ne faisait pas parti du contrat. A vrai dire, ils étaient même polis, mais cela sonnait faux. Ils avaient peur, ça crevait les yeux. Du coup, le nordique leur avait épargné la peine d’une conversation maladroite et était parti aussitôt son petit déjeuner et une bière ingurgités. Le soupir de soulagement de l’aubergiste en avait dit long.

     C’était toujours comme ça. Ils voyaient un guerrier arriver, le suppliaient pour obtenir son aide afin de se débarrasser d’un quelconque problème et une fois la chose réglée, ils ne savaient plus où se placer. De là, il y avait plusieurs cas possibles : soit ils sortaient les piques et lui ordonnaient de partir à grand renfort de « vile engeance, blablabla », soit ils n’osaient rien dire par peur d’agacer le monstre qui venait de les aider. En somme, ils ne craignaient pas vraiment ce qu’il avait fait, non, ils craignaient ce qu’il pouvait faire.

     L’ironie étant qu’ils oubliaient souvent un détail important en raisonnant comme cela. Dans ce monde, il fallait toujours penser à long terme. Et se débarrasser du seul rempart efficace contre une menace qui était sûre de revenir pour se venger était tout simplement une erreur idiote. Une erreur dont le norse comptait bien profiter.

     La bande d’Helmut, comme l’aubergiste les avaient appelés… Hjalmar avait déjà entendu le nom auparavant, sur une affiche mise à disposition des chasseurs de primes. Helmut Krauzter, chef autoproclamé de la petite bande de bandits éponyme, agissait sous le couvert de la secte extrémiste et interdite des Fils d’Ulric pour se faire une bonne conscience. Du moins c’était ce qui était marqué sur le papier que le norse tenait entre ses mains. Il l’avait récupéré il y a quatre jours dans une autre auberge. Cela lui avait pris un bon moment pour le déchiffrer vu qu’il n’avait pas l’habitude de lire, mais il pensait avoir bon.

     Assis sur le tronc vermoulu d’un arbre tombé au milieu d’une petite clairière, Hjalmar reposa l’affiche et mordit dans un morceau de lard qu’il mâchonna lentement en affichant clairement son appréciation. Un des rares avantages d’un régime inexistant était qu’il pouvait apprécier au quintuple le moindre plat un tant soit peu préparé.

     Soudain, un coup de feu retentit dans les environs. Le norse releva alors la tête et guetta le ciel en face de lui. Dans une trouée de la canopée il remarqua des nuages de fumées noires, signe du début d’un incendie.

     « Ah. Ils sont en avance », grommela-t-il.

     Le morceau de lard toujours en bouche, Hjalmar roula l’affiche et la rangea dans une lanière en cuir sur son pantalon, avec d’autres. Etre chasseur de primes n’avait jamais intéressé le nordique, les cibles étaient trop souvent des bandits idiots puisqu’on laissait les vrais problèmes aux soldats ou aux répurgateurs. Mais là, il avait besoin d’argent et ce Helmut tombait à point nommé. Le nordique récupéra alors son sac de vivres et rangea son campement de fortune pour se diriger vers le petit relais qu’il avait quitté le matin-même.

     L’endroit était en train de brûler, comme il s’y attendait. Ainsi, l’auberge était en proie aux flammes et les bandits au milieu de l’endroit s’attaquaient au magasin d’en face. L’odeur de bois en feu associée à celle des cadavres carbonisés était peu ragoutante et il y avait déjà des cendres partout, mais quand il fallait y aller…

     Hjalmar chercha donc des yeux le fameux Helmut. Il supposa que c’était le bel homme monté sur un cheval qui haranguait avec passion l’aubergiste, ses deux filles et les deux survivants de l’assaut. Ces derniers étaient ligotés. Bien, il était temps d’en terminer au plus vite, il s’était déjà trop attardé ici.

     « Eh ! Helmut, le fils de Tilléen ! » cria Hjalmar à l’assemblée en tirant son coutelas.

     L’intéressé fit mine de s’insurger après avoir entendu une telle insulte à son « sang pur teutogen », mais il ne put pas déblatérer grand-chose puisqu’une petite dague de lancer lui transperça aussitôt la glotte en ricochant sur ses dents du bas.

      « Ha, trop bas, pesta Hjalmar en laissant tomber son sac de vivres. Elle était mal équilibrée c’te dague. »

     Dire qu’il fut un temps où le nordique aurait formulé toute une demande de duel pour y mettre les formes… Mais là, il n’était pas d’humeur à perdre son temps.

     Le norse dégaina ensuite l’épée courte qui pendait à sa ceinture et s’approcha des bandits qui entouraient leur chef agonisant. Ce dernier, étant en plus tombé de son cheval, n’en avait plus pour longtemps. Quand les troupes de la bande virent le norse arriver, les survivants de l’échauffourée d’hier prirent aussitôt leurs jambes à leur cou. Hjalmar les comprenait un peu en un sens. Après tout, il les avait vu se faufiler derrière lui ce matin pour s’assurer de son départ. Quelle devait être leur surprise de voir le meurtrier d’hier revenir sans raison…

     « Bon, on s’y met ? » grommela Hjalmar en faisant passer sa lame d’une main à l’autre.

     C’en fut trop pour les autres bandits qui partirent tous en courant sans demander leur reste. Avec leur chef en moins et les histoires que les autres gars avaient dû raconter au sujet du nordique, ils préférèrent ne pas tenter leur chance et rester en vie. C’était des bandits de grands chemins, rien que des lâches qui s’en prenaient à plus faible qu’eux parce que ça impliquait moins de risques. Ainsi, en moins de deux minutes, la bande d’Helmut avait déguerpi et il ne restait plus que les survivants de l’auberge et le cadavre d’Helmut au centre de l’endroit. Le marchand de l’échoppe avait dû fuir entre temps. Quand Hjalmar s’approcha du corps de sa cible, l’aubergiste lui lança un regard suppliant.

     « Oh, merci d’être revenu nous sauver ! Nous vous sommes redeva… »

     L’homme préféra arrêter là son discours puisque Hjalmar s’était mis à trancher violemment le cou d’Helmut avec une hachette laissée là pour ensuite lever la tête par les cheveux. Après avoir sorti la dague encore plantée dans la gorge, puis l’annonce de sa lanière, le norse compara rapidement le dessin et l’original en piètre état.

     « Meh, ça ressemble assez », maugréa-t-il après quelques secondes.

     Une des deux filles recracha son repas précédent devant la scène. Le nordique, lui, tourna les talons après avoir récupéré la bride du cheval d’Helmut qui avait été laissé là dans la panique. Avant que l’aubergiste et ses amis ne se mettent à geindre plus encore pour leur liberté en promettant des choses qu’ils n’avaient plus, Hjalmar leur lança ladite dague ensanglantée à leurs pieds. Ils n’avaient qu’à se débrouiller, pensa le norse.

     Sur ce, une fois son sac de vivre récupéré et la tête sanguinolente fourrée dans un sac, le norse monta en selle. Ce qui lui tira un autre juron, il avait horreur de ça, un problème de confiance envers l’animal. Mais si ça pouvait lui économiser un peu de route, alors il se ferait violence… Puis, il sortit pour la deuxième fois, au trot, du relais où le toit en chaume de l’auberge venait de s’effondrer dans un craquement sinistre.

     A ce moment-là, Hjalmar n’avait pas envie de rester pour aider qui que ce soit. Ces pauvres gens pouvaient très bien se débrouiller tout seul. Après tout, c’était bien pour cela qu’il le voulait hors de chez eux, non ? … Non ?

     Après une moue rageuse, Hjalmar arrêta la course de son cheval quelques mètres plus loin et il jeta un regard par-dessus son épaule. Les pauvres locaux encore prisonniers de leurs liens le dévisageaient avec un air ahuri. Ils n’avaient même pas essayé de récupérer la dague. Le norse pesta lourdement et descendit de sa monture en prenant le sac de vivres au passage.
Quelques minutes à couper leurs liens plus tard, il leur lança ledit sac pour qu’ils puissent se débrouiller quelque peu durant les jours à venir. Une des filles de l’aubergiste tenta bien de s’approcher pour le remercier, mais Hjalmar la stoppa d’un geste :

     « Non », dit-il simplement.

     Puis, le nordique partit récupérer sa monture.

     Il était en colère. Certes, il l’était en partie contre ces gens incapables de survivre par eux-mêmes, mais aussi et surtout contre lui-même. En leur donnant ses vivres, il venait peut-être de se condamner après tout. En un sens, il avait toujours le contrat sur la tête d’Helmut pour se payer quelque chose, mais ce ne serait pas pour tout de suite.

     Les mains du norse se serrèrent sur la bride de sa monture, faisant craquer le cuir. En grommelant, il se reprocha que la compassion n’était pas utile pour quelqu’un qui voulait survivre. Elle le mettait en danger même. Et pourtant il s’était laissé guidé par ce sentiment dangereux, encore une fois. Tout ça pour avoir bonne conscience. Quel gâchis. Ainsi, regardant toujours la route forestière bordée de chênes décharnés devant lui, le norse arriva enfin à la conclusion qu’il n’arriverait jamais à rien en continuant comme cela. Son escapade sans but était vouée à l’échec. Auparavant, il utilisait sa renommée et ses duels pour se faire de l’argent, mais il n’était pas pourchassé par des répurgateurs avides de telles informations pour le retrouver.

     Il avait besoin de stabilité. De pouvoir retrouver un environnement familier où il pourrait enfin faire le point sur sa situation et sur ce qu’il devait faire ensuite, plutôt que d’improviser au jour le jour… Et, en réalisant que Marienburg était sur sa route, il pensait savoir où trouver ça.

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Ven 10 Aoû 2018 - 22:40
Double-post pour une suite qui a su se faire attendre...

***

    Environ neuf jours plus tard, après avoir continué vers l’Ouest avec un ventre qui criait famine et un dos en miettes, Hjalmar arriva en début de matinée dans les environs de Marienburg, la plus grande cité du Vieux Monde. On pouvait aussi la qualifier de la plus cosmopolite, la plus malhonnête et la plus bordélique, mais ces titres coulaient de source avec le premier.

    De là où il se trouvait, le norse trouvait que la cité s’élevait du Pays Perdu tel un joyau aux couleurs bigarrés au milieu d’un marais fétide et plat, s’accrochant à la gigantesque baie de la Mer des Griffes qui s’étendait d’un côté et au fleuve Reik de l’autre. Ce qui ajoutait quelque peu à son aura bien spécifique et inimitable.

    En tout cas, si vous vouliez vous faire une idée rapide de cette mégalopole d’îlots reliés par divers ponts, reportez-vous à ce dicton populaire : « A Marienburg, tout peut être acheté ou vendu. A l’exception d’une seule chose : un morceau de terrain ». Pour ce que Hjalmar en savait grâce à son dernier passage dans la capitale du Pays Perdu, c’était on ne peut plus vrai. Mais, à son avis, ils devraient vraiment mettre l’accent sur le mot « tout ».

    Comme il l’avait prévu, la neige avait fini par pointer le bout de son flocon deux jours avant. Mais, étant donné qu’il était arrivé dans une région côtière, le climat froid du Middenland avait fait place à un temps plus clément. Le norse avait ainsi bien vite quitté la poudreuse pour retrouver les brises fraîches qui ne lui avaient pas manquées dans les bois de la Drakwald. En plus, comme le Pays perdu ne comptait presque pas de forêt, lesdits vents étaient encore pires…

    Après un léger soupir fatigué, car il savait ce qui l’attendait en entendant déjà au loin les clameurs de la vie citadine, Hjalmar se mit alors en route vers Marienburg en lançant sa monture volée. Il savait qu’il prenait un risque en entrant dans une telle cité, mais les répurgateurs étaient bien moins présents en ces lieux. Après tout, ici, il se trouvait en dehors de la juridiction de l’Empire.

    Arrivant ainsi par les hautes murailles du Noordmur, Hjalmar entra par ce qui semblait être appelé l’Oostenpoort, une imposante entrée sur-gardée. Une fois le droit de passage exorbitant payé aux coiffes noires qui tenaient l’endroit avec ce qui lui restait d’argent, le norse put arriver dans un autre monde. Un monde bruyant, chatoyant, criant, vivant et pourtant étouffant avec ses hauts bâtiments penchés qui bloquaient presque le rayons du soleil. Celui d’une population aux couleurs et origines tellement variées qu’elle faisait passer les créations de Tzeentch, le dieu du chaos du changement, pour le travail d’un amateur en comparaison.

    Hjalmar se rendit rapidement compte qu’il avait bien fait de laisser partir son cheval avant d’entrer dans la ville. Le quartier marchand par lequel il arrivait était tellement bondé qu’il n’aurait jamais pu avancer avec. Ainsi, profitant de sa carrure et du fait que les gens préféraient éviter le « grand guerrier norse un peu inquiétant », Hjalmar put se faufiler sans trop de problème à travers la foule pour son plus grand bonheur. Il n’eut qu’à poser quelques questions rapides pour trouver son chemin.

    C’est qu’il n’avait jamais vraiment aimé les bains de foules, la faute à sa vie de baroudeur solitaire qui l’avait habitué à un calme presque constant. Mais les habitudes et autres réflexes revinrent progressivement et ses quelques expériences citadines firent qu’il finit par s’y sentir plus à l’aise à force. C’était une question de jeu de jambes mais aussi de prévoyance. Esquiver un pot de chambre par-là, trouver un moyen de passer à travers tel ou tel groupe dans une rue étroite ou en changeant d’avenue, éviter les marchands ambulants comme la peste… Ainsi, lorsque Hjalmar arriva aux abords du grand – un euphémisme au vu de sa taille – pont qui séparait la rive nord de la rive sud de la ville, le nordique n’entendait presque plus le brouhaha ambiant. Il se contentait de marcher avec la masse. Et il valait mieux, car sinon c’était la masse qui vous marchait dessus.

    Du haut de l’édifice de plusieurs mètres de large, où des habitants avaient même réussi à installer par miracle des maisons branlantes sur les flancs, le nordique put apercevoir le grand canal principal. Sur le Reik voguaient ainsi des caravelles, navires de guerre Impériaux ou Marienburgeois et tant d’autres dont il ne pouvait que vaguement deviner l’origine. En fin de compte, les voies maritimes de cette cité étaient tout aussi encombrées que les rues. Il était donc étonnant qu’il y ait aussi peu d’accidents…

    Après avoir profité du ciel ensoleillé au-dessus du pont, Hjalmar entra dans la deuxième partie du monde marienburgeois : sa rive sud. Après être passé par le quartier du Nipponstaad et ses effluves d’épices asiatiques, par le Paleisbuurt et ses palais des maisons marchandes qui s’élevaient tels des œuvres d’arts, arriver dans le port puant et miteux du Suiddock était un sacré retour à la réalité. Plutôt brutal même. Certains disaient, à raison, que le Suiddock était le « cœur et l’âme » de Marienburg puisque ce quartier était littéralement le plus grand port du Vieux Monde avec son kilomètre de quais. Mais quand on voyait son état, si on y trouvait le cœur économique de la ville, on s’inquiétait franchement pour son âme en revanche.

    En y arrivant donc et, après avoir dû respirer les odeurs locales – ces dernières étant tellement folkloriques qu’elles auraient pu arrêter une mouette en plein vol –, Hjalmar se remémora son dernier passage ici alors qu’il se dirigeait vers le nord-ouest du Suiddock. C’était autrement plus mouvementé à l’époque. Enfin, si mouvementé suffisait pour décrire une série de massacres en règles assaisonnés de Bretonniens et d’Impériaux haut-en-couleur. Maintenant qu’il y pensait, le norse se demanda comment Sieghilde et Holger se débrouillaient à présent. Leur dernière escapade commune au Talabecland ne leur avait pas vraiment porté chance puisque les deux impériaux avaient apparemment fini par être pourchassés par des répurgateurs eux aussi. Décidément, se dit le norse en maugréant, il avait vraiment le chic pour emmener involontairement les gens autour de lui dans ses problèmes.

    Repenser à cela amena Hjalmar à ressentir à nouveau ce sentiment de colère, d’impuissance, qui l’accompagnait depuis ces derniers mois. Les poings serrés, le norse soupira lourdement en espérant éjecter ainsi la frustration qui l’assaillait mais, comme il s’y attendait, ce fut inefficace.

    « Bon sang », jura-t-il.

    Depuis son passage infortuné dans les Royaumes du Chaos, tout était allé de travers. Sa gloire et sa renommée dont il était si fier autrefois étaient en train de se retourner contre lui. Auparavant, il appréciait cela puisqu’il pouvait se trouver des ennemis à affronter plus facilement. Mais maintenant qu’il voulait un peu de calme, le reste du monde continuait malgré lui à le harceler. Il s’était attiré ces problèmes sur lui-même et il en était le seul responsable. Et tous ceux qui le côtoyaient trop longtemps en subissaient les retombées. Sa plus grande force était ainsi devenue sa malédiction et il ne pouvait rien y faire. C’en était rageant et pathétique à la fois et… Et… Et il était arrivé à destination en fait.

    Légèrement surpris car, perdu dans ses pensées, Hjalmar n’avait même pas remarqué qu’il avait atteint la taverne du « Caribou Flottant » qu’il cherchait à atteindre depuis ces derniers jours. Etait-ce les voix ou ses propres pensées qui l’avaient distrait en fin de compte ? Plutôt que de répondre à cette question épineuse, Hjalmar préféra s’en poser une autre.

    « Flottant ? murmura Hjalmar en levant un sourcil. Il faut croire que le Caribou crevé ça vendait moins comme nom. »

    Tentant de retrouver ses repères, le nordique observa ses alentours. Il était donc arrivé dans le Noorsmaanwijk, le quartier norse au bout du Suiddock. Un endroit peu connu et pas bien grand dont la population variait constamment au gré des affaires commerciales. En résultat, l’endroit était plutôt vide et l’architecture ne changeait pas fondamentalement de celle du reste de la ville, si ce n’était quelques symboles ésotériques. Les norses n’avaient pas la meilleure des réputations, surtout dans cette ville qui avait été pillée plusieurs fois par lesdits farouches guerriers du nord. Du coup, il était facile d’imaginer que tous ceux qui y venaient ne souhaitaient pas y faire de vieux os.

    Tous, sauf un : Thormund, le propriétaire du fameux Caribou... Eh bien, « Flottant ». Une petite taverne folklorique qui constituait la seule véritable attraction du Noorsmannwijk. Thormund qui était aussi une des rares personnes que Hjalmar considérait comme un ami puisqu’ils se connaissaient depuis l’enfance…  Même s’ils ne s’étaient vu jusque-là qu’environ trois fois par an pour quelques minutes de discussion et une choppe d’hydromel. Etonnamment, cela suffisait aux deux hommes. Pour certaines personnes, il suffisait parfois de peu pour maintenir une amitié solide.

    Ayant maintenant retrouvé ses esprits, Hjalmar s’apprêta à rentrer dans la taverne. Étant donné que le quartier était silencieux et que les bâtiments grisâtres bloquaient le brouhaha ambiant de Marienburg, on discernait uniquement les cris et autres éclats venant de l’intérieur. D’après ce qu’il entendant, le nordique savait pertinemment qu’une bagarre générale devait être en cours. C’était presque un rituel là-bas et Thormund avait eu l’excellente idée de prendre son mobilier chez un artisan nain en conséquence, histoire de limiter les frais de la casse en achetant du solide. Et comme la plupart des chaises pesaient une bonne centaine kilos de granit, cela décourageait considérablement les clients de les utiliser pour autre chose que s’asseoir, et encore.

    Ce fut donc sur la rituelle baston de taverne que Hjalmar arriva dans l’édifice. D’un geste expert, le nordique évita le tout aussi rituel tabouret volant – un mobilier rare donc – envoyé pour accueillir les nouveaux venus. Cela Hjalmar ne l’avait jamais vraiment compris en revanche. Tout le mobilier était trop lourd pour être lancé, sauf ces quelques tabourets. Soi-disant que cela laissait aux clients de quoi s’amuser un peu.

    Après s’être taillé un chemin jusqu’au comptoir en repoussant divers duos ou trios de nains et humains qui échangeaient sur leurs différences culturelles à grand coups d’arguments percutants, Hjalmar s’effondra de fatigue sur un des sièges. La consistance de ce dernier compacta quelque peu les vertèbres du norse d’ailleurs. Il ne fallut pas longtemps avant que la forme inratable de Thormund ne se profile de l’autre côté du comptoir, une, à nouveau rituelle, corne à boire remplie à ras bords dans ses grosses mains. Avec le temps, Hjalmar avait arrêté de demander au tavernier comment il faisait pour la prévoir à chaque fois en aussi peu de temps. Un secret du métier, voilà ce qu’il lui répondait toujours. L’autre norse avait un visage rond et jovial agrémenté d’une barbe rousse touffue mais courte, le crâne dégarni et une carrure suffisamment imposante pour qu’aucun de ses clients n’ai jamais eu envie de l’affronter.

    « Cela faisait longtemps, dit Thormund dans leur langue natale et en haussant la voix pour couvrir le brouhaha de la bataille.
    — Trop longtemps, oui », répondit Hjalmar dans un norse un peu rouillé.

    Sur ces paroles laconiques, Hjalmar attrapa la corne à boire, en huma les arômes et se mit à la boire lentement. Un breuvage de cette qualité, ça se savourait. Thormund déposa ensuite une petite miche de pain sur le comptoir qui ne fit pas long feu au vu de la faim qui tenaillait son compatriote.

    « Pas trop de casses aujourd’hui ? commença Hjalmar en essuyant la mousse restée sur sa moustache.
    — Nan, ça va. Il y a deux semaines en revanche, un ogre m’a détruit une table. Je n’ai toujours aucune idée de comment il bien pu faire, c’était du granit massif quand même !... Sinon, quelles nouvelles ? lança le tavernier alors qu’il renvoyait un Bretonnien à moitié assommé dans ses camarades.
    — Beaucoup trop de choses pour être racontées à la volée.
    — Essaie toujours.
    — Je ne préfère pas. »

    Thormund attendit quelques secondes, espérant apparemment une suite qui ne venait pas. Il jeta alors un regard en biais à Hjalmar après avoir surveillé la salle par habitude. Le tavernier n’était pas idiot. Il connaissait son vieil ami mieux que quiconque et, à cause de cela, il décida de changer d’approche pour une fois.

    « Tu sais, ça fait des années que je te vois passer. A chaque fois, je te retrouvais avec une cicatrice en plus, un œil au beurre noir, des vêtements en sang ou les trois à la fois. Je n’arrivais même pas à savoir de quand datait ton dernier repas et tu avais l’air tellement fatigué que tu aurais dormi aussi sec sur le sol que ça ne m’aurait pas étonné. Je me disais donc que c’était un foutu miracle et que les dieux t’aimaient bien pour te garder en vie aussi longtemps malgré ton idiotie latente. »

    Devant cette pique, Hjalmar s’indigna légèrement, ce qui fit rire doucement les deux hommes. Mais en voyant que l’humeur de Hjalmar s’était assombrie à la mention des divinités, Thormund reprit.

    « En revanche, ce qui me rassurait à chaque fois, c’était de voir que malgré tout ça, tu avais constamment ton sourire idiot sur le visage, cette motivation bornée. A chaque fois, pendant toutes ces années... Mais pas aujourd’hui. Donc, j’aimerais que tu me répondes franchement. Pourquoi es-tu venu me voir cette fois ?
    — Pour retrouver quelque chose de familier.
    — Mon vieux trou au milieu de Marienburg dans lequel des gens se fracassent la tête à longueur de journée. C’est ça que t’appelles familier ?
    — Ouais.
    — Et ça marche ? »

    Hjalmar jeta un œil en arrière pour embrasser du regard la salle qui ressemblait plus à un champ de bataille qu’à autre chose. L’ambiance était échauffée, n’importe qui pouvait vous tomber dessus à cause d’un bête regard. S’il l’avait voulu, il aurait pu se jeter dans la mêlée et participer aux festivités. Dans sa main, la corne à boire contenait encore un peu de l’hydromel de Thormund, brassée à l’ancienne selon les techniques de son pays natal, une petite merveille gustative. Pour le reste, l’endroit puait la sueur, la bière fermentée et le vieux bois humide. L’éclairage laissait à désirer cependant. C’était le genre d’environnement dans lequel il s’était senti bien durant toutes ces dernières années. Son inspection terminée, le norse se retourna alors vers son ami qui attendait sa réponse, accoudé au comptoir.

    « Non, plus maintenant », maugréa Hjalmar.

    Frustré de se rendre compte que sa dernière solution venait de partir en fumée, Hjalmar reposa sèchement la corne à boire sur le comptoir après l’avoir terminé cul sec.

    « Toi, t’as besoin de changer d’air, proposa Thormund.
    — Pff, tu le sais bien, je suis déjà passé par je ne sais combien de pays. S’il y en avait un où j’étais censé me sentir mieux, je serais déjà en chemin.
    — Foutaises, tu sais très bien où tu dois aller. T’as juste peur d’y retourner. »

    Hjalmar eu beau s’irriter, il savait bien que Thormund avait raison. La Norsca, sa terre natale, un pays où il avait vécu ses seize premières années avant d’être banni de son propre village. Un châtiment juste, mais qui l’avait poursuivi toute sa vie finalement.

    « Je n’ai pas le droit d’y retourner et tu le sais, reprit Hjalmar. J’ai failli mon clan et j’en assume les conséquences. Donc c’est non. Je devrais pouvoir trouver autre cho…
    — Foutaises, encore une fois.
    — Thormund, je sais ce que je dis ! s’exclama Hjalmar.
    — Pas vraiment non, grommela Thormund. Regarde-toi un moment, et prends ton temps parce que tu n’as pas l’air de bien saisir. » – Le tavernier patienta quelques instants avant de reprendre – « T’es quasiment un mythe, Hjalmar ! La majorité des norses qui passent la porte de ma taverne te connaissent. Ils scandent des ‘Hjalmar la terreur des Marches’ ou ‘Hjalmar le duelliste’ à longueur de soirée.
    — Tu sais bien que ces titres je m’en tamponne le coquillard, s’exaspéra Hjalmar.
    — Peut-être, mais j’ai vu un scalde chanter un couplet en ton honneur. Il chantait faux, certes, mais quand même ! Il serait temps pour toi de voir que ça y est. C’est fini. Tu l’as payée ta dette. Ton nom et tes exploits sont connu de tous. Il est temps de rentrer maintenant.
    — Ce n’est pas suffisant.
    — Est-ce que ça le sera un jour pour toi ? lui reprocha Thormund. Qu’est-ce que tu cherches ? A mourir ou à revenir auprès des tiens ? Le Hjalmar que je connaissais il y a vingt ans, lui, il voulait revenir. Et maintenant ?
    — Je n’en sais trop rien », lâcha Hjalmar en regardant dans le vide.

    En entendant cela, Thormund en leva les bras au ciel. Il était évidemment exaspéré par le comportement de son camarade. Depuis le temps qu’il espérait que cet imbécile heureux allait enfin comprendre. Décidément, il fallait tout faire soi-même.

    « Ton frère est passé par ici tu sais », reprit Thormund.

    Le fil des pensées de Hjalmar en eu un soubresaut. Il lui fallut ainsi bien cinq secondes avant de reprendre.

    « P… Quand ça ?
    — Je dirais il y a plus de cinq mois. Harald était venu chercher des matériaux rares pour sa forge et d’autres trucs à Marienburg. Il a fait un crochet par ici.
    — Pourquoi est-ce que tu n’as pas commencé par ça ?! cria le guerrier norse en se levant à demi de sa chaise.
    — Parce qu’il me l’avait demandé, le calma Thormund. Il voulait prendre de tes nouvelles mais sans interférer avec ta « quête » … Et si tu l’apprenais, eh bien, il m’avait aussi demandé de te traiter d’imbécile fini de sa part.
    — Ouais, souffla faiblement Hjalmar. C’est bien lui ça. »

    Toute velléité quittant son corps, le norse se rassit sur son siège, l’air perdu. Harald, son frère qu’il avait perdu de vue depuis… Combien d’hivers déjà ? Une vingtaine ? Plus ? Et il s’inquiétait encore ?

    « Alors ? Tu n’en sais toujours rien ? ricana Thormund en nettoyant un verre.
    — Pardon ?
    — Je mentionne ton frère et tu t’agites aussitôt. Pour quelqu’un qui n’a pas envie de revenir au pays, je trouve ça bien étonnant. »

    Hjalmar dû bien admettre que son vieil ami venait de marquer un point. Mais avant même qu’il ne puisse émettre une opinion sur le sujet, Thormund pris les devants.

    « Écoute, tu fais ce que tu veux, mais j’ai une autre nouvelle. Harald m’a annoncé que notre village natal, Stavgard, a été rasé il y a plus d’un an maintenant. Une attaque des Graelings, celle de trop. La forte majorité des habitants ont survécu néanmoins et se sont installés ailleurs en rejoignant le village d’Iskvard à l’ouest. Nouveau conseil des anciens, nouveau Jarl, nouveau départ pour toi. »

    Cela fit beaucoup d’informations importantes à digérer pour Hjalmar. Il resta donc stoïque pendant une bonne minute de plus, le temps de réaliser qu’il pouvait rentrer chez lui en un sens. Puis, enfin, l’air toujours aussi perdu, il reprit la parole :

    « Comment… ?
    — Il faudra que tu prennes un bateau d’ici à Brestnorrois, un village bretonnien. De là-bas tu pourras rejoindre ta destination.
    — Pourq… ?
    — Aucun navire ne part d’ici à Iskvard. Harald me l’a assuré.
    — Har… ?
    — Harald avait tout prévu, oui. Il est du genre prévoyant, tu le sais mieux que moi.
    — …Merci.
    — De rien, mais fais-moi le plaisir de repasser de temps en temps.
    — Toujours. »

    Après un hochement de tête amical, Thormund attrapa la tête du Bretonnien d’avant qui s’était étalé à nouveau sur le comptoir. D’un coup de coude rapide, il assomma l’impertinent qui salissait son beau meuble et le renvoya à nouveau vers ses amis de beuverie. Puis, il salua de la main Hjalmar qui s’était levé. Ce dernier lui rendit son adieu avec un léger sourire en coin. Comme quoi, il avait eu une bonne idée en venant ici finalement.

    Une fois sorti de la taverne en effervescence en distribuant quelques échanges culturels avec ses poings, Hjalmar réalisa quelque chose. Cette discussion avait peut-être été une des plus longues qu’il ait jamais eu avec Thormund.

    Se retournant vers l’autre côté de la salle alors qu’il se tenait dans l’embrasure, le norse jeta un œil vers son compatriote qui était en train d’éduquer un nain sur l’art de bien se tenir en présence du patron du lieu. Si Hjalmar était définitivement reconnaissant envers son vieil ami, il avait aussi l’étrange intuition que sa prochaine discussion avec lui allait elle aussi être sensiblement plus longue. Mais cela, seul l’avenir le lui dirait.


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Dim 12 Aoû 2018 - 13:05
Bon, l'autre fois je n'avais pas commenté, mais là du coup je vais le faire, pour les 2 textes.

Je le redis : j'aime beaucoup. Tout dans ton texte nous fait ressentir la lassitude, l'incertitude, et la frustration de Hjalmar. On sent qu'il n'en peut plus, qu'il étouffe, mais sans savoir vraiment pourquoi. On a tous envie qu'il retrouve son sourire, sa quête, et tout ce qui va avec, mais on est aussi perdus que lui quant à savoir comment faire.

Pour les descriptions, ben c'est encore une fois super. J'aime beaucoup les petites phrases du style de "le norse jeta un œil vers son compatriote qui était en train d’éduquer un nain sur l’art de bien se tenir en présence du patron du lieu". Ça fait sourire, et Malal sait qu'on a bien besoin de quelques sourires dans ce récit hautement sombre et, d'une certaine façon, mélancolique.

Je prie pour que Hjalmar se sente mieux à la fin de cette histoire. Il l'a bien mérité.

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Mer 22 Aoû 2018 - 16:09
Et hop je suis à jour. Rolleyes
Rien de neuf dans mon commentaire sur les textes : c'est fluide et sa se lit tout seul, le ton habituel et si caractéristique de la saga est là, le point de vue simple de Hjalmar qui continue d'enseigner ce que c'est que vivre "à la norse". Au poil quoi.

On va découvrir en détail le passé et les origines du barbare de service ? Moi je signe !

Question conne : il a récupéré la prime pour Helmut ou peanuts ? Je n'en ai pas vu mention dans le dernier chapitre.

A puis l'auberge du caribou qui flotte, c'est une invention de toi ou c'est tiré d'un jdr/ancien LA ? Moi qui connais très mal cette ville je serais incapable de trancher. Ou du moins google ne semble pas connaître Mr. Green
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Jeu 23 Aoû 2018 - 22:42
Tout d'abord merci pour vos commentaires !

Arcanide Valtek a écrit: Ça fait sourire, et Malal sait qu'on a bien besoin de quelques sourires dans ce récit hautement sombre et, d'une certaine façon, mélancolique.
Eh bien, bravo, tu viens de résumer le début de ce bouquin, si ce n'est sa totalité, en une phrase Clap Le note quelque part pour une description future
Heureux de voir que j'ai réussi à faire passer l'ambiance que je souhaitais.

Arcanide Valtek a écrit:Je prie pour que Hjalmar se sente mieux à la fin de cette histoire. Il l'a bien mérité.
Les histoires scandinaves/nordiques ont un fond plutôt tragique par moment... Donc, en essayant de ne pas spoiler, il faut s'attendre à ce qu'il y ait du mieux et du moins mieux à venir Whistling
Plus sérieusement, c'est un récit où j'essaie de prendre un peu plus mon temps sur les développements des personnages et donc principalement Hjalmar. Or, son état actuel, ce n'est pas quelque chose de facile à surmonter, pas impossible certes mais il y aura des séquelles.

Vg11k a écrit:On va découvrir en détail le passé et les origines du barbare de service ? Moi je signe !
Je dirais plus que ce sera un aperçu par touches qu'une véritable biographie, mais on verra quand on y sera  Happy

Vg11k a écrit:Question conne : il a récupéré la prime pour Helmut ou peanuts ? Je n'en ai pas vu mention dans le dernier chapitre.
Hmm, effectivement j'ai un peu oublié de le mentionner avec l'ellipse. En gros oui, mais c'est un détail qui est plus suggéré qu'autre chose, car étant "à venir" après sa mention et anecdotique.

vg11k a écrit:A puis l'auberge du caribou qui flotte, c'est une invention de toi ou c'est tiré d'un jdr/ancien LA ? Moi qui connais très mal cette ville je serais incapable de trancher. Ou du moins google ne semble pas connaître
Complètement inventé du pif et renommé depuis "la Quête Improbable" (ouaip, la taverne du caribou et son tavernier étaient déjà là lors de la visite précédente du norse dans la ville). Dans les faits, le gros du fluff de Marienburg, si ce n'est tout, vient du JDR V1 "Marienburg à Vau-l'eau". Mais à part une mention sur une Carte, on ne sait quasiment rien du quartier norse de la ville. Ces derniers ayant probablement une mauvaise réputation depuis leur assaut réussi d'il y a quelques siècles (ils avaient même occupés la ville) et au vu de leur tempérament, je me suis dit que l'endroit devrait être assez vide et plus sujet à des passages rapides. Mais c'est de la spéculation complète de ma part.

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La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] Empty Re: La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version]

Dim 16 Sep 2018 - 12:59
*a lu les deux chapitres avec Avenged Sevenfold en fond sonore*

*vient de réaliser qu'il était en train de planer*

Ah ! Euh... Cette drogue est excellente, à quand le prochain arrivage, monsieur ? Blink
_____

Je crains d'être redondant avec les commentaires de mes confrères, aussi vais-je être très bref : vivement des rencontres dignes de ce nom pour ce pauvre norse ! Et comme il semble au contraire déterminé à s'installer dans une contrée digne de lui, qu'il fasse bon voyage !
Spoiler:

La suite ! Clap
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Dim 16 Sep 2018 - 14:42
Von Essen a écrit:Qui sait ? Peut-être l'avenir nous réserve-t-il une Mrs Oksilden et Hjalmar Junior avec son ourson de compagnie
Au risque de briser un rêve, j'en doute fort  Crying  Au vu du personnage et de ses précédents, il serait étonnant que cela arrive et cela terminerait probablement mal...

Von Essen a écrit:Ah ! Euh... Cette drogue est excellente, à quand le prochain arrivage, monsieur ?
Eh bien maintenant  Mr. Green (oui, je me suis dit qu'en postant, j'allais me forcer à me bouger sur la suite. A voir si la technique marche)


***

    La mer des Griffes, la belle et dangereuse mer, celle qui vivait avec et contre les norses depuis tant de générations. Aussi bien muse des scaldes que terrain de chasse des harponneurs des villages côtiers, elle faisait autant partie de la Norsca que les fjords qui la bordaient… Et ce n’était pas son tempérament fougueux qui allait contredire cela. Bien au contraire puisque cela la faisait d’autant plus ressembler au fier peuple du nord.
 
    Accoudé au bastingage du knarr, un navire marchand norse, Hjalmar sirotait à intervalles réguliers une petite gourde de liqueur que les marins avaient daigné lui prêter. Il observait les vaguelettes qui se formaient autour de l’esquif alors qu’il fendait les flots. Pendant ce temps, l’air marin offrait son parfum salé en étant porté par une brise un peu fraîche. C’était un des bien trop rare jour calme sur cette mer.

    Ces sensations, ces odeurs, tout cela était intimement familier pour Hjalmar, c’était dans son sang… Mais cela faisait aussi bien longtemps qu’il n’était pas allé sur un navire, alors un bateau norse ? Autant dire que c’était des siècles pour lui. Et il regrettait un peu de ne pas être monté à bord de l’un d’entre eux depuis tout ce temps.

    Une vague un peu plus épaisse vint passer sous le bateau, faisant grincer son bois alors que le navire s’adaptait au choc pour en diminuer l’impact. Le knarr avait été bien construit. Il avait beau être un navire marchand, un inculte l’aurait confondu avec un vaisseau de guerre. Et ce n’était pas plus mal. Au moins les pirates et autres corsaires les laissaient relativement tranquille la plupart du temps. En un sens, la réalité était plus simple. Les norses avaient trouvé une forme et une façon de faire pour créer des navires performants et adaptables avec les ressources locales, alors autant garder ça pour tout. Question de pragmatisme.

    Reportant son regard vers l’arrière du navire, Hjalmar vit que les dix norses qui servaient d’équipage au knarr étaient occupés à diverses tâches. Il avait eu la chance de tomber sur eux peu de temps après être sorti du Caribou Flottant. Quelques marchands Skaelings de passage qui avaient accepté de le déposer à Iskvard contre un petit payement, c’était le genre d’aubaine qu’il ne voulait pas rater. En même temps, l’hiver s’installait et les navires norses allaient se faire plus rares à cause du gel de la mer dans certaines régions. Certains, dans les villages les plus au sud, essayaient toujours d’accomplir le voyage pour chercher des vivres, mais les icebergs et autres formations de glace rendaient la traversée dangereuse. Si Hjalmar les avait laissé partir, il aurait donc pu se retrouver à attendre longtemps…

    Trois d’entre eux passaient une bâche en lin sur les sacs de grains et autres denrées introuvables dans le pays du nord. Les autres ramaient ou géraient les cordages. Une journée en mer tout ce qu’il y avait de plus classique en somme. Lui se reposait, il avait aidé à ramer lorsque le vent s’était arrêté de souffler peu de temps après leur départ de Brestnorrois. D’autres avaient pris la relève depuis quelques heures, mais la brise qui filait à présent indiquait que Mermedus, ou Stromfels selon les croyances, était avec eux en ce jour.
 


    Brestnorrois. Hjalmar rigola doucement dans sa barbe en pensant à cette situation cocasse d’ailleurs. Hier, quand ils étaient arrivés dans le port du village fortifié qui s’étalait sur la côte nord des Marches de Couronne, le norse avait eu une étrange impression familière. L’endroit était un mélange assez incongru d’architecture nordique et bretonienne qui se mélangeaient étonnamment de façon harmonieuse. On comprenait donc bien vite pourquoi est-ce que ce port était un point d’échange important dans la région. Au loin, un château colossal trônait sur une falaise à bord de mer, il avait appris de ses camarades de voyage qu’il s’agissait du domaine de Mélinor. Soi-disant, le seigneur local gardait un œil aussi inquisiteur que constant sur les navires norses – ou à peu près tout ce qui s’approchait de l’endroit en fait – mais le vassal en charge du petit village de Brestnorrois assurait la sécurité des échanges.

    Hjalmar s’était fait la réflexion que le Bretonnien en question devait être un homme intéressant s’il s’intéressait tant que cela à la Norsca. Quel ne fut donc pas sa surprise d’apercevoir au loin, depuis les quais qu’ils allaient quitter après avoir acheté un peu de ravitaillement, le chevalier Cédric le Normand. Le Brionnais ne l’avait pas aperçu car il semblait occupé à se préparer pour une expédition importante et il organisait le départ de ses troupes. Ainsi, le norse s’était souvenu en le voyant qu’effectivement, il connaissait bien cet endroit puisque le chevalier lui en avait parlé lors de leurs voyages en commun dans les montagnes grises, l’année dernière. Hjalmar avait voulu aller le rencontrer pour échanger quelques mots, mais les marchands skaelings l’avaient appelé, ils repartaient et n’attendraient pas. L’occasion était manquée, dommage.

    En quittant le village, Hjalmar avait entendu plusieurs cornes de brumes sonner dans le lointain et des contingents quittaient la ville et le château. Une bataille se préparait quelque part et ils avaient probablement dû être appelés. Ainsi, le nordique avait souhaité bonne chance au normand depuis le navire. Il ne pouvait plus vraiment prier pour lui, faute d’interlocuteurs divins, mais il envoya néanmoins une demande maladroite à la Dame. C’était surement inutile, toutefois la déesse protectrice de la Bretonnie l’entendrait peut-être.
 


    Retournant au présent, Hjalmar cligna des yeux quelques fois avant de se passer sa main gauche sur le visage. Le mouvement lui tira sur ses muscles endoloris par l’effort et sa peau battue par l’air marin crissa doucement sous son gant. Apparemment, il n’était pas encore remis de sa longue séance de maniement de rame. Il avait beau être relativement fort, même pour des standards norses, il n’avait pas l’entrainement des marins. Ces gaillards ramaient depuis des heures sans montrer le moindre signe de fatigue. Tout était dans le mouvement lui avait-on dit et il n’en doutait pas. En même temps, il était sûr d’avoir la grâce d’une huître avec une rame à la main vu qu’il avait tout oublié de ses rares séances en mer durant sa jeunesse. On ne pouvait pas être bon dans tous les domaines, voilà tout.

    Hjalmar en rigola presque à nouveau. Un Bjornling qui ne savait pas ramer proprement ! Pour un ancien membre d’un clan dont la plus grande part des activités s’effectuaient en mer, c’en était cocasse… Mais malgré cela, il se sentait dans un environnement familier. Après tout, même un mauvais rameur pouvait apprécier d’être en mer.

    Une bourrasque interrompit le fil des pensées du guerrier puisqu’elle filait vers le nord-ouest, leur direction donc. La nouvelle fut accueillie avec maintes acclamations de joie des marins qui se mirent à remercier les divinités de la mer pour ce cadeau en jetant quelques morceaux de viscères à l’eau. La manœuvre était risquée car elle pouvait attirer l’attention des monstres marins vers le navire, mais s’ils allaient assez vite ils pouvaient ainsi les en éloigner. Il fallait surtout éviter de renverser un peu de sang sur le flanc de la coque du navire, car ils deviendraient une proie dans l’instant.

    Peu de temps après l’offrande, le knarr tangua légèrement alors qu’une ombre titanesque passait sous eux. Une forme fit ensuite surface avant de replonger non loin, sa peau grise et rugueuse ornée d’ailerons rouges perçant l’eau pendant seulement quelques secondes. Aucun des hommes à bord ne put réellement définir la chose ou lui donner un nom, mais en même temps, très peu de gens le pouvaient… Le fait qu’ils aient survécu à cette rencontre convainquit totalement les marins que leur voyage avait reçu la bénédiction des dieux marins et l’ambiance à bord se fit plus joviale. Pour Hjalmar, c’était juste de la chance. Oh, il savait bien que des divinités de la mer existaient, mais il était aussi convaincu que ces dernières se fichaient éperdument du sort de leur esquif perdu au milieu de cette immensité d’eau... Du moins, tant qu’ils ne faisaient rien pour les énerver. C’est que la Mer pouvait être une entité très susceptible, voire lunatique dans ses mauvais jours.

    Voyant qu’il ne pouvait pas être utile pour le moment, Hjalmar laissa les marins descendre la grand-voile et alla s’adosser au bastingage, vers la proue du navire. Il récupéra une petite couverture en laine pour se tenir au chaud et laissa la houle et le froufroutement de la voile le bercer. Il ne fallut ainsi pas longtemps avant que le monde autour du norse fatigué ne se brouille avant de disparaître complètement, emporté en douceur par les courants du sommeil. Enfin, pas complètement, Hjalmar restait accoutumé à sa vie solitaire dans le Vieux Monde et il ne dormait que d’une oreille. Mais pour une fois, il se sentait relativement en sécurité et il se laissa donc aller un peu plus que d’habitude.
 
    Or, une fois à peu près entré dans le monde des rêves, les paysages idylliques qui tentaient de se former dans son esprit disparurent bien vite au profit de visions cauchemardesques. Comme chaque nuit, ses souvenirs des Royaumes du Chaos revenaient à la charge, encore et encore. Profitant de ce moment de faiblesse où le norse abaissait involontairement ses défenses. Des plaines d’os blancs baignant dans du sang écarlate s’étendirent ainsi devant lui. Des ziggourats de bronze s’élevèrent en craquant vers le ciel, libérant des nuages de souffre toxiques. Au loin, il pouvait entendre les cris de guerre continu des sanguinaires, hurlant et appelant leur divinité infernale pour demander plus de sang à faire couler. C’était le domaine de Khorne, le dieu de la guerre et du massacre et… Et ce n’était qu’une pâle copie rêvée de la réalité.

    Les Royaumes voulaient jouer avec lui, le rendre fou probablement, mais le norse avait fini par se rendre compte que ce traitement était bien fade en comparaison à son passage là-bas. Lors de son retour dans le Vieux Monde, l’après-coup avait bien failli lui faire frire le cerveau. Mais maintenant que cela était passé, c’était comme si ses tortionnaires avaient fini par se lasser d’essayer. Oh, ils le regardaient toujours, attendant le bon moment pour frapper, mais pour le moment le nordique profitait d’une certaine accalmie… Le problème étant qu’il savait très bien pourquoi.

    Ce traitement de faveur n’était pas normal, pas le moins du monde. Les démons ne connaissaient pas la pitié ou la compassion et ils avaient tout le temps du monde. Alors faire une petite pause pour laisser une de leurs victimes récupérer ? Jamais. Mais en l’occurrence, ce n’était pas eux qui avait choisi d’agir de la sorte. Oh non, c’était l’intervention de son « protecteur » – ou du moins l’entité qui se présentait en tant que tel – qui le soustrayait à leur influence... Pour le moment.
    Ah tiens d’ailleurs, se dit Hjalmar, il était peut-être temps de lui demander ce qu’il voulait l’autre depuis tout ce temps justement. Essayant de concentrer ses pensées fugaces, le norse tenta d’engager la conversation :

    « Malal ? pensa Hjalmar.
    — …
    — Eh bien ? Où sont passés les grands projets dont tu me parlais à Talabheim ? Je t’écoute à présent.
    — La patience est une vertu, nordique, pas la curiosité », lui répondit-t-on calmement depuis les limbes.

    Le souvenir du royaume de Khorne disparut brutalement, comme aspiré dans le néant et ne laissant place qu’à un espace noir chatoyant. Devant Hjalmar apparut ensuite une ombre blanche, difforme et reptilienne à la fois. Le colosse démoniaque irradiait d’une aura menaçante qui cachait les détails de sa personne à la vue du norse. Seul deux orifices transparaissaient au travers du rideau d’ombres, semblables à des yeux froids et cruels qui s’étaient braqués sur Hjalmar tels des phares dans la nuit.

    « Il parle ! Et moi qui croyais que tu m’avais oublié depuis le temps, ricana ce dernier.
    — Je n’ai que faire de tes moqueries puériles, répliqua la voix gutturale et contrôlée. De plus, tu devrais déjà t’estimer honoré que je t’adresse la parole directement.
    — Et moi, je me moque de ce que tu veux, donc estimes-toi déjà heureux que je t’écoute. »

    Un grognement court retentit, tantôt étouffé, tantôt tonitruant. Les yeux se rapprochèrent de Hjalmar, emplissant la plus grande partie de ce qu’il devinait de son rêve. Puis, il sentit une douleur lancinante, progressivement plus douloureuse, lui vriller l’arrière du crâne. Le supplice devint vite insoutenable, mais Malal empêcha le nordique de se réveiller, de faire quoi que ce soit d’autre que de subir sa punition. Après plusieurs minutes de torture, la douleur s’en alla, laissant le norse perdu et hagard.

    « Ne joue pas avec ma patience, retentit la voix ourdie de menace de Malal. Je n’ai pas la clémence de tes anciens dieux, alors surveille tes paroles en ma présence.
    — Hrmph… Qu’est-ce que tu me veux à la fin, maudit démon ? grogna douloureusement Hjalmar. Je ne te dois rien !
    — Tu me dois tout au contraire.
    — Celle-là c’est la meilleure ! Je ne t’ai pas donné mon âme sur un coup de tête à ce que je sache. Et pourtant tu te ramènes avec tes cadeaux et autres conseils alors que je n’avais rien demandé !
    — Tu ne te souviens donc point ? Cela me désole, mais tu as raison au sujet de ton âme. Cependant, il existe d’autres types de pactes… »

    Un rire lugubre et abyssal résonna dans la tête de Hjalmar, envoyant un picotement glacial parcourir sa colonne vertébrale.

    « Quoi ?! s’insurgea le norse.
    — Comment crois-tu que tu sois sorti des Royaumes du Chaos ? Par chance ? Parce que tes dieux ingrats t’avaient aidé ? Non, ces derniers s’amusaient à te voir y rester. J’ai à peine eu à te proposer mon aide pour que tu acceptes aussitôt. Ainsi, ce fut par ma main que ce portail vers Talabheim s’était ouvert. Il m’avait suffi d’attendre le bon moment.
    — Je ne me souviens de rien de tout ça ! Je ne sais même pas vraiment qui tu es, bordel !
    — Cette amnésie est un effet secondaire inattendu certes, mais peu étonnant. Tu es un cas exceptionnel après tout… Mais comme tu as fini par te souvenir de moi, tu finiras par te rappeler de cela aussi. En temps voulu.
    — Tu mens ! Comme tous les autres de ta maudite engeance !
    — Mentir ? Pourquoi faire ? Alors qu’il est si facile de tuer ceux qui me gênent... Et si tu n’avais rien conclu, je n’aurais eu aucun moyen d’influer sur ton sort. Or c’est le cas. »

    Aussi réticent qu’il puisse être, Hjalmar dû bien admettre que Malal avait raison sur ce point. Il le tenait.

    « Que veux-tu à la fin ? cracha le guerrier, résigné.
    — Détruire notre ennemi commun. Mais pour ce qui est des détails, je t’en ferais part quand je jugerais bon de le faire.
    — Tu te fous de moi ?! Pourquoi tant d’attente ?
    — Parce que tu n’es pas encore prêt, trop instable. Mais bientôt tu sauras. Très bientôt. Et à ce moment-là, c’est moi qui reviendrais vers toi. »

    La forme de Malal sembla disparaître progressivement du subconscient de Hjalmar, mais, subitement, le démon revint.

     « Oh, et sache juste une chose fils d’Objarr. Il n’y a pas de hasard. Il n’y a que moi. »

    Puis les ombres disparurent aussi soudainement qu’elles étaient arrivées, laissant place au pont du knarr et à la mer environnante.

    Hjalmar cligna des yeux quelques instants, réalisant qu’il venait de se réveiller en sursaut. Il faisait nuit et Mannslieb éclairait faiblement le pont du bateau. Le marin de garde lançait un regard inquiet vers lui apparemment. Après l’avoir rassuré rapidement en prétextant un mauvais rêve, Hjalmar s’adossa à nouveau au bastingage.
   
    Il avait donc une dette encore plus lourde que prévue envers ce maudit démon. Fantastique. Sa situation ne s’améliorait pas, se dit-il en soupirant. En faisant cela, le norse réalisa que son souffle était devenu une buée plus dense. Quelques gouttelettes mouillaient sa barbe d’ailleurs à cause de la condensation. Il faisait bien plus froid qu’aux abords des côte bretonniennes et il était à présent certain que s’il n’avait pas eu sa couverture en laine, sa barbe aurait certainement gelé. Ainsi, la Norsca approchait et avec elle le plan de Malal à n’en pas douter.

    Cette perspective ternit quelque peu le moral du norse. Il n’était pas effrayé, mais inquiet. Inquiet de savoir ce qu’un supposé démon qu’il connaissait si peu voulait faire de lui. Surtout que Malal, lui, semblait le connaître par cœur. Il lui avait même donné le nom de son père comme si de rien était ! Et cette histoire de hasard… Frustré, Hjalmar se demanda s’il était encore maître de ses décisions. Après tout, c’était Malal qui lui avait indiqué d’aller vers l’Ouest et donc Marienburg. Et, au vu des capacités de cette horreur, si le baroudeur avait pris une autre route, le démon l’en aurait empêché aussitôt.

    Les poings serrés, Hjalmar tenta tant bien que mal de se souvenir de ce maudit pacte qu’il était censé avoir scellé. Il fallait être réaliste, il n’arriverait jamais à devancer Malal dans ses plans, mais il pouvait toujours essayer de rattraper son retard.

    Or, dans toute son inquiétude, Hjalmar réalisa qu’une partie de lui-même était curieuse. Après tout, aussi dangereux qu’il pût être, Malal lui offrait un but. Quelque chose qui manquait terriblement au baroudeur depuis qu’il avait renié ses anciens dieux. Et ça, ce n’était pas rien. Et puis, il lui avait dit qu’ils avaient un ennemi commun…
 
    En tout cas, le sommeil finit par imposer sa présence sur le nordique qui ferma les yeux à nouveau peu de temps après. La nuit lui porterait peut-être conseil.

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Dernière édition par Hjalmar Oksilden le Dim 16 Sep 2018 - 23:40, édité 2 fois

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Dim 16 Sep 2018 - 17:52
Bon ben en fanboy qui se respecte je viens de lire ce nouveau passage (avec du Wardruna en fond Rock & Roll ). Et en fanboy qui se respecte je n'ai rien à redire, encore une fois, à la qualité de l'écriture.

Par contre je ne m'attendais pas à avoir une conversation comme celle-là entre Malal et Hjalmar. Contacter un dieu du chaos dans son sommeil, il faut le faire. Mais en plus ça fait réfléchir : si rien n'est du au hasard, ça veut dire que Hjalmar est allé à Marienburg par la volonté de Malal. Donc Malal veut le voir aller en Norsca.

Mais pourquoi faire ? Telle est la question.

Oh, et il y a un "[/size]" qui se ballade vers le premier tiers de ton texte. Une petite coquille sans doutes.

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Dim 16 Sep 2018 - 22:28
J'ai lu. Et j'ai aimé. (Comme tous les autres passages d'ailleurs mais pour une raison qui m'échappe je ne commente que maintenant.)

J'ai fort hâte de découvrir la Norsca et ses Norses, car je ne m'y connais que très très peu et que je sais que tu sauras nous en donner une superbe vision, comme le laisse deviner ce petit aperçu que tu nous as donné là avec ce "Knarr" et son équipage. Cool (On en veut toujours plus !)

J'avais aussi trouvé quelques coquilles à ma lecture, voyons voir si j'arrive à les retrouver maintenant que ça fait quelques heures.  Fou

study  study ...

Non il n'y a que les deux là au début que je vois :

Hjalmar Oksilden a écrit:les fjords qui la bordait…
bordaient

Hjalmar Oksilden a écrit:qui avaient acceptés
accepté

Il y en a peut-être d'autres et j'avais aussi relevé quelques formulations un peu lourdes, mais ça je pense que je me ferai une lecture "d'une traite" une fois le livre fini pour les traquer, ça avait bien marché avec la Quête Improbable et Feu & Sang (quoique pour ce dernier on a pas encore fini avec vigi, faute de temps, parce que c'est long mine de rien ^^)

Grom'

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Uzkul ged a ibid Dawi. Bar Dawi urz grim un grom, un ekrokit "Nai. Drekgit.". Un Uzkul drekged.
La mort vint pour obtenir la vie du nain. Mais le nain était brave et obstiné, et répondit : "Non, va-t-en." Et la mort passa son chemin.
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Traduction réalisée d'après Grudgelore, de Nick Kyme et de Gave Thorpe.
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Lun 17 Sep 2018 - 23:41
BARZUL! j'adore cette introduction d'aventure! de la baston, du mobilier et barzul c'est superbement bien écrit! je m'en lasse pas! Blink Clap

(moi j'me méfie de Harald, il prépare un coup fourré je suis sûr) Devil

Et puis...ben... LA SUITE! ET JOYEUX ANNIVERSAIRE IL PARAIT ESPECE DE BON ECRIVAIN! Clap Clap Clap Clap Clap Clap Clap Clap Clap Clap Clap

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Mar 18 Sep 2018 - 17:57
Merci pour vos commentaires Sourire

J'ai corrigé les fautes indiquées Grom' et Arca. Si vous en voyez d'autres, n'hésitez pas !

Ethgri a écrit:(moi j'me méfie de Harald, il prépare un coup fourré je suis sûr)
Alors dans une première version du récit, c'était effectivement prévu... Mais en fait nan  Mr. Green Si je m'avance autant sur ce personnage, c'est parce qu'il a déjà été décrit ici :

http://lefleaunordique.easyforumpro.com/t6544-khorne-pour-tous-et-tous-pour-khorne-rp

C'était un petit Rp sur feu le forum chaotique. Il ne dura pas bien longtemps, mais ce fut intéressant ! Et pis ça m'a permis d'expérimenter déjà un peu avec Harald avant de l'introduire ici.

Allez, c'est pas tout ça, mais faut que je continue dans ma lancée, j'ai beau avoir de l'avance, c'est pas encore assez  Tongue

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Mer 19 Sep 2018 - 13:55
Malal est réputé être le dieu du chaos le plus actif vis à vis de ses servants. Parce que moins nombreux ou par volonté d'agir en revanche... que Hjalmar ai réussit à le contacter est vrai est pas déconnant. Surtout s'il avait déjà son attention.

Je suis curieux de savoir de qui il s'agit lorsqu'il évoque un ennemi commun. Est-ce quelqu'un/chose qui a déjà été révélé ou Malal joue-t-il avec lui en anticipant l'avenir ? Rolleyes

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Dim 24 Fév 2019 - 13:04
Après de loooooooongs questionnements sur la direction à prendre, j'ai enfin décidé de poster la suite de ce fichu tome 4 Fou

Il est probable que certains éléments changent entre temps, mais on verra en temps voulu.

Le message étant plutôt long (histoire de compenser mon retard), je vais le séparer en deux faute de place. Aussi, le ð qui apparait de temps en temps se prononce comme le "th" anglais dans "the".

Voici donc, la suite.


***


      Deux jours plus tard, alors que le soleil se levait tardivement en ce début de matinée, Hjalmar fut réveillé par un des marins skaelings qui lui secoua l’épaule. La nuit ayant été plutôt exécrable pour le norse, il ouvrit lentement ses yeux en grommelant. Puis, comprenant enfin à qui il avait affaire, il relâcha la poignée de son épée courte qu’il avait agrippé par réflexe. Depuis hier, tout l’équipage était quelque peu à cran. Une forme noire crachant d’immenses nuages crasseux avait été aperçue au loin entre deux icebergs et promettait de foutre en l’air ce voyage jusqu’ici tranquille. Mais, après les avoir suivis un moment, la chose avait disparu sans prévenir dans une brume passagère moins d’une heure après son apparition. Les norses avaient donc décidé de ne pas s’attarder et de continuer leur voyage un harpon à la main et les nerfs à vif cette fois-ci.

      En tout cas, le marin venait de le réveiller pour lui indiquer quelque chose loin devant. Intrigué, Hjalmar se releva pour s’apercevoir qu’un bandeau de terre tailladée par des fjords se détachait de l’horizon. Encore derrière et caché par les brumes, les formes noires des montagnes de Vanaheim s’élevaient vers le ciel telles les dents déchiquetées d’un monstre gargantuesque. La Norsca était en vue, enfin.

      L’hiver s’était installé depuis quelques jours déjà et les températures avaient tellement chuté que le gros des réserves pour le voyage étaient immangeables sans feu pour les réchauffer. Un problème plutôt conséquent sur un navire qui n’était pas couvert par autre chose qu’une toile de tente quand il pleuvait. De plus, quelques blocs de glace épars aux contours traîtres flottaient doucement dans les environs. Atteindre la côte était donc un très bon signe puisqu’ils allaient enfin pouvoir toucher terre et mettre fin à ce voyage périlleux.

      De son côté, Hjalmar se dit en grelottant que ses voyages dans les terres bretonniennes et impériales l’avait considérablement adouci. Il ne supportait qu’à grand peine les températures hivernales qu’il bravait autrefois comme si de rien n'était. Et encore, ici ce n’était que le sud de la Norsca !

      Tout en ramenant plus près de lui ses couvertures en laine, il pesta dans sa barbe alors qu’une brise impitoyable soufflait à nouveau, lui transperçant ses os transis de froid. Dès qu’il arriverait à bon port, Hjalmar se jura d’aller investir dès que possible dans des vêtements plus chauds…

      De l’autre côté du navire, les autres marins se réveillèrent les uns après les autres. Forcément la nouvelle les fit crier de joie et, bien vite, l’équipage pourtant silencieux auparavant se mit à converser abondamment à propos de toutes les choses qu’ils allaient pouvoir faire une fois le pied à terre. Par exemple, enfin prendre un bain dans autre chose que de l’eau de mer ou manger un plat mieux cuisiné qu’un pauvre poisson péché en vitesse avant de repartir. Hjalmar remarqua d’ailleurs que certaines remarques le concernaient, des taquineries lâchées négligemment vers le soi-disant norse tout couvert qui ne tenait pas un bon vieil hiver du nord. Ceci confirma les pensées précédentes de Hjalmar qui se contenta de faire la moue en se tenant dos au groupe. Il n’avait pas envie de se froisser avec les marins qui l’avaient amené jusqu’ici, donc autant rester silencieux et accepter d’entendre la réalité.

      Après avoir essuyé les gouttes d’eau qui s’étaient accumulées dans sa barbe à cause de la rosée du matin – une sensation absolument détestable s’il en était – Hjalmar se rassit dos au bastingage, mais le regard braqué vers les terres cette fois. Il n’avait plus vu les rivages escarpés des fjords depuis des années, alors il n’allait pas en manquer une miette.



      Trois heures plus tard, toujours sous l’aube quasi permanente du grand Nord, ils étaient entrés dans ce que les marchands skaelings appelaient la baie de Byskeälven. Les eaux qu’ils traversaient provenant du fleuve du même nom, l’appellation coulait de source.

      Ainsi, depuis leur navire, ils pouvaient apercevoir les deux bords de la baie qui convergeaient vers le nord, vers l’estuaire dudit fleuve. La côte gauche était constituée de grandes falaises dont les flancs grisâtres et rugueux montaient à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du niveau de la mer. Tout au bout et face à la mer, de vieilles ruines noirâtres se tenaient là, immobiles face au vent. Le flanc droit de la baie, en revanche, était plus bas et de courtes plages de galets s’y étendaient. L’intérieur des terres se transformait ensuite en collines boisées d’un vert profond, là où la neige n’avait pas déjà tout recouvert. L’odeur d’une forêt de pins enneigée arriva jusqu’à Hjalmar au travers de l’air marin alors qu’ils approchaient de la côte droite de la baie. Le doux parfum redonna le sourire au norse puisqu’il l’associait à un lointain souvenir familier, même si cela lui semblait un peu plus fort dans sa mémoire. Il préféra oublier ce détail pour se concentrer sur l’instant présent. Après tout, le temps avait tendance à brouiller les sens.

      Certaines mauvaises langues iraient dire que les paysages norses n’avait rien de bien original puisqu’on pouvait retrouver les mêmes au Nordland. Certes, la contrée septentrionale de l’Empire en était proche, mais rien n’était comparable aux panoramas qui s’offraient à vous alors que vous contempliez un fjord accompagné d’une rangée de montagnes titanesques juste derrière. Maintenant que Hjalmar y était, il se disait que la neige était différente de celle de l’Empire, que les arbres n’étaient pas les mêmes et que les plages étaient opposées par une multitude de détails. C’était probablement du chauvinisme exacerbé qui lui faisait penser cela, mais il s’en moquait. Pour Hjalmar, la Norsca était sa patrie et elle valait toutes les autres, si ce n’était plus.

      Mais, après avoir réalisé qu’il venait de donner tant de louanges à ce beau pays, Hjalmar s’en voulut quelque peu. Pourquoi n’était-il effectivement pas revenu plus tôt ? Il était un norse, un bjornling et il en était fier… Or, il restait toujours cette culpabilité qui l’avait suivie depuis son erreur de jeunesse. Cette impression qu’il ne méritait plus sa place ici.

      Certes, il était un bjornling de sang, mais l’était-il encore après toutes ces années ? Cela faisait si longtemps qu’il était parti qu’en un sens il se demandait s’il n’était pas devenu un étranger à présent.

      C’était idiot et borné comme façon de penser et ruminer de la sorte n’apporterait rien de bon. Mais ses doutes restaient. S’amplifiaient même maintenant qu’il était à portée de sa terre natale.

      Pour un norse, sa famille, son clan, c’était tout. Chaque aspect de sa vie se devait de tourner autour. Il en avait été ainsi depuis des générations et les dieux leur avaient souri en conséquence. Lorsque l’on tournait le dos à tout cela, on ne valait pas mieux qu’un paria. Dans son cas, la faute aura été bête, simple, mais pas moins grave. Réglée ou non, il devait assumer sa dette envers son clan, car elle pesait aussi et surtout sur sa famille.

      Ce fut donc un Hjalmar quelque peu maussade qui vit apparaître le petit village d’Iskvard au loin, derrière une colline à moitié enneigée. Un cercle de palissades solides, quelques toits de maisons longues à présent blancs et les deux pontons de planches qui formaient le port suffirent à serrer le cœur du nordique à un point où cela en devenait douloureux. Ce n’était pas son village natal, certes, mais c’était un village norse. Et maintenant qu’il le voyait de ses yeux, Hjalmar se demandait s’il avait eu une bonne idée en venant ici.

      Comment allait-il être accueilli après tout ce temps ? Se souvenait-on encore de lui ? Thormund avait affirmé que les norses passant par Marienburg chantaient ses louanges, mais c’étaient des explorateurs et des marchands, aguerris aux voyages, qui devaient voir en lui une figure romancée de leurs rêves les plus fous. Après tout, beaucoup d’entre eux souhaitaient avoir la chance d’aller aussi loin que Hjalmar avait été… Mais ce n’était pas forcément le cas de tous les habitants de la Norsca.

      Si on oubliait les fous furieux du Nord, les membres des clans du Sud aimaient rester dans leur village, leur pays, leur nation, là où leurs ancêtres avaient grandi. Beaucoup partaient au moins une fois à l’étranger, pour explorer les mers, mais ils revenaient inévitablement à leur point de départ. A côté d’eux, il passait donc pour un illuminé voire un faible pour avoir passé autant de temps dans les pays du Sud.

      Fantastique, pesta Hjalmar mentalement. Cela allait être un véritable fiasco à tous les niveaux. Mais pourquoi donc était-il venu ?!

      Alors qu’il ruminait ses pensées, un des marchands skaelings passa à côté de Hjalmar pour atteindre la proue. Habilement, ce dernier grimpa à l’avant courbé du navire et s’attela à enlever la décoration animale qui l’ornait. En voyant cela, Hjalmar se rappela subitement que c’était une coutume habituelle. L’ornement à tête de bête avait pour but de faire fuir les esprits ou autres monstres marins d’après les croyances et le garder lorsqu’on rentrait au port frisait l’insulte au mieux ou attirait le mauvais œil au pire. Encore une superstition tenace qui parsemait le paysage culturel norse… Et encore une que Hjalmar avait honteusement oublié jusque-là. Certes, il s’en était souvenu en voyant le marchand faire, mais cela conforta malheureusement le nordique dans sa vision des choses. Quelle autre coutume avait-il omis au fur et à mesure de ses voyages ?

      Un choc léger sur l’épaule de Hjalmar vint briser à nouveau le fil de ses pensées. A côté de lui, le marchand skaeling, celui qui avait enlevé la décoration et qui la portait d’ailleurs toujours sous le bras, avait posé sa main sur l’épaule du norse.

      « On est arrivé, le frileux », lui lança-t-il sobrement avec un sourire.

      Une petite tape amicale suivit et le marchand sortit du champ de vision de Hjalmar qui réalisa qu’effectivement, ils y étaient. Le navire était amarré, les marins déchargeaient leurs victuailles en prévision de marchandages avec les habitants… et la ville s’offrait à ses yeux inquiets.

      Hjalmar se leva presque d’une traite, comprenant enfin sa situation. Il allait devoir faire quelque chose, et vite. Devant lui s’étendait un ponton de planches grises tordues par l’humidité, grinçant sous les allées-et-venues des skaelings, et, non loin, le village, un amas flou, menaçant. Le nordique s’approcha de la plateforme à petit pas, comme attiré par elle tout en appréhendant le simple fait de poser le pied en territoire norse pour la première fois depuis plus de vingt ans.

      C’était une mauvaise idée, lui hurlait son ventre et pour le coup Hjalmar était d’accord. La possibilité de rester avec les skaelings traversa l’esprit du baroudeur. Il fallait qu’il parte d’ici. Il fallait…

      « Attends une minute », grogna doucement Hjalmar en fronçant les sourcils.
     
      Avait-il… peur de quelques planches de bois branlantes ? Sérieusement ?! Il avait survécu à l’enfer vert Lustrien, aux étendues de sables arabiennes, s’était fait un nom dans les Marches, avait vu et vaincu tellement de choses innommables… Pour bloquer devant quelques morceaux de bois ?

      Hjalmar leva alors les yeux de ses pieds et du ponton pour embrasser du regard les montagnes colossales au loin qui baignaient dans les douces lueurs orangées du soleil nordique. Et devant cette vue qu’il trouvait définitivement magnifique, il se demanda pourquoi est-ce qu’il était aussi idiot par moment.

      Il leva alors son pied pour le poser sèchement sur le ponton.

      Rien de particulier ne se passa. En même temps, à quoi s’attendait-il ? A une vague de fantômes ancestraux qui allaient lui tomber dessus à bras raccourcis pour laver un affront imaginaire ? Le norse gloussa à cette idée et posa son deuxième pied sur le ponton. Il était temps, avec le roulis il commençait presque à perdre l’équilibre.

      Un long soupir plus tard, Hjalmar s’ébroua et pivota d’un quart de tour avant de dépasser les marchands en plein travail pour se diriger vers, eh bien, le village norse.

      Déportant ainsi son regard vers Iskvard, Hjalmar vit enfin la ville pour ce qu’elle était. Ce n’était pas juste un vague village. Il y voyait sept maisons longues recouvertes de neige, une d’entre elles était plus grande – sûrement celle du goði, l’équivalent d’un bourgmestre impérial. Sur la plage, trois langskip de tailles différentes étaient accostés sur des rondins, la voile rabattue, probablement pour les tenir au sec. Il distinguait aussi quelques bâtiments accolés aux maisons qui devaient servir d’étables ou de grenier. Des chemins avaient été déblayés dans la poudreuse peu épaisse pour permettre les déplacements de la population, quelques filets de pêche recouverts de neige patientaient à côté d’ateliers de poissonniers, etc. Ce n’était pas Stavgard, certes, mais c’était un peu la même chose dans l’essence : sa patrie. Et elle possédait toujours son charme unique, une subtile froideur réconfortante qu’il retrouvait avec plaisir.

      Le craquement de la neige sous la botte de Hjalmar le fit réaliser qu’il avait touché terre sans s’en rendre compte. Tel un enfant découvrant quelque chose pour la première fois, il marcha plusieurs fois sur place, juste pour l’entendre à nouveau. C’était de la neige, oui, mais elle était… disons, nostalgique. Sur cet interlude qui lui tira un sourire triste, Hjalmar s’avança à nouveau. A vrai dire, il ne savait pas vraiment où il allait. Il voulait juste profiter de l’instant. Même la brise qui le faisait greloter jusqu’alors semblait s’être tue un instant.

      Sans prévenir, un homme apparu dans le champ de vision de Hjalmar. D’après sa barbe prolifique, son visage carré et son manteau en laine brodée, on en déduisait qu’il était un simple habitant norse qui s’avançait vers les quais d’un pas nonchalant. Pendant quelques secondes, le baroudeur cessa de bouger, son inquiétude revenant à la charge. Qu’allait-il lui dire ?... Mais rien n’arriva. A vrai dire, le passant se contenta de lui faire un signe de tête avant de continuer vers les marchands skaelings qu’il héla peu de temps après.

      Continuant machinalement sur sa voie, Hjalmar aperçut deux ou trois gardes en cotte de mailles et manteau, bouclier rond au poing, s’avancer eux aussi vers les quais. Une question de précaution sûrement, mais lesdits gardes avançaient calmement avec l’air blasé des gardiens de la paix en service depuis trop longtemps aujourd’hui. Soudainement, deux enfants, sept printemps tout au plus, passèrent entre les gardes en rigolant à gorge déployée tout en agitant des épées en bois. Leur jeu les emmena en dehors du champ de vision du norse, mais on les entendait encore.

      Cela tira un gloussement un Hjalmar. On était en plein hiver et les norses étaient assez fous pour passer une partie de leurs vies en extérieur par ces températures. A ce propos, le froid revint lui tenailler les extrémités, ce qui fit qu’il resserra la cape en laine autour de ses épaules. Les habitudes de chasse reprirent ensuite le dessus et Hjalmar étudia son environnement. La neige recouvrait un peu tout, même si on apercevait quelques brins d’herbe par endroit. Sur les principaux chemins, on voyait presque ressortir la terre sous le manteau blanc autrefois cotonneux qui s’était maintenant tassé au gré des vagabondages. Et, enfin, l’indice que cherchait Hjalmar : quelques traces de pas relativement neuves, car encore nettes malgré la légère brise marine qui soufflait à nouveau, indiquaient que des habitants étaient passés là récemment.

      Se décidant à suivre ce qui lui semblait être la piste la plus récente, Hjalmar arriva sur la place du marché d’après les étalages vides. Place où, à sa très grande surprise, se tenait uniquement un nain. Un tueur qui est plus était d’après la grande crête d’un orange vif qu’il arborait sur son crâne rasé et son torse nu strié de tatouages.

      Devant ce fait plus qu’incongru, Hjalmar s’arrêta net sur place. Il savait tout aussi bien que ses compatriotes que les nains du Nord existaient. Son frère les côtoyait déjà souvent lors de sa jeunesse, alors c’était dire s’il en avait vu. Mais un tueur nain, seul, assis en tailleur dans la neige et l’air concentré au milieu d’une place principale d’un village côtier, c’était du jamais vu pour le norse. Malgré la distance, Hjalmar se rendait bien compte que le nain était là depuis longtemps. Sa peau était teintée de couleurs qui ne laissait que peu de doutes sur la question et, si Hjalmar ne s’y trompait pas, le nain grelottait.

      Soudainement, devant un Hjalmar médusé, le nain lâcha un grognement rageur – ou de douleur, il ne savait pas – et se leva d’un bond avant de courir autant que faire se peut vers une maison non loin. Avec le silence qui régnait, Hjalmar n’eut aucun mal à entendre que le tueur claquait des dents. Tout en se frappant les bras de ses membres engourdis pour y ramener un peu de vie, ce dernier matraqua la porte d’entrée. Quelques secondes plus tard, cette dernière s’ouvrit et le tueur s’engouffra sans attendre à l’intérieur.

      Curieux, Hjalmar essaya de s’approcher pour mieux comprendre le phénomène, surtout qu’une conversation assez animée semblait avoir débuté. Quelques pas suffirent au norse pour que les vagues borborygmes deviennent des phrases qu’il comprenait dans les grandes lignes.

      « …finir par y passer, espèce de mule ! fit une première voix masculine étrangement familière.
      — Ah ! s’exclama l’accent roulant du nain. Comme si j’avais l’intention de laisser le froid me tuer !
      — Ça je le sais bien, mais si tu pouvais éviter tes techniques d’entrainement suicidaires j’apprécierais !
      — Suicidaire ? Wazzok, t’es conscient que ma condition ne me permet pas beaucoup d’autres options ?
      — Eh bien justement, si tu veux l’accomplir tant que ça ton vœu de mort, il serait mieux que tu ne finisses pas en glaçon sur la place ! »

      S’ensuivit une flopée de grognements assourdis et divers bruits impossibles à définir. Durant le temps de la conversation, Hjalmar s’était lentement approché de l’entrée qui se trouvait à quelques mètres à présent et il avait appris deux choses.

      Premièrement, au vu de l’accent du nain, ce dernier n’était pas un nain norse mais plutôt un ancien habitant des royaumes nains des Montagnes du Bord du Monde. Ensuite, la deuxième personne, qui était tournée à demi, était un norse – tout allait bien jusque-là – là encore d’après son accent et la tunique en lin gris-marron qu’il portait, clairement typique dans sa forme qui descendait jusqu’à mi-cuisse. Là où Hjalmar avait tiqué, c’était qu’il reconnaissait le ton bourru d’ours mal-léché de l’intéressé.

      Ainsi, lorsque Harald, le frère de Hjalmar – leur parents n’avaient pas cherché très longtemps pour leurs noms – se retourna pour fermer la porte et qu’il aperçut la personne qui le regardait avec des yeux ronds non loin de là, il eut une réaction plutôt normale au vu des circonstances.

      « Toi !? » gronda-t-il.

      Hjalmar aurait bien voulu le saluer ou lui dire quelque chose, mais les relations sociales n’étant pas son fort il se contenta de hocher doucement la tête. Au moins ça permettrait de limiter la casse. Une fois que Harald eu fini de douter de sa réalité avec moults clignements d’yeux, il passa sa main dans sa barbe blonde très fournie par pur réflexe nerveux puis s’ébroua vivement. Il semblait relativement perdu et cela Hjalmar le comprenait bien. Cependant cela ne dura pas longtemps.

      Sans prévenir, Harald passa alors l’embrasure de la porte et amena le tronc qui lui servait de corps vers son frère d’un pas décidé. Peut-être un peu trop décidé d’ailleurs au goût de Hjalmar s’il devait donner son avis. Et cela ne manqua pas, puisqu’une fois à portée son frère lui envoya un crochet du droit avec un poing qui semblait fait pour battre le fer à main nues. Hjalmar pris le coup volontairement, tituba bien deux-trois fois, puis se remit droit en se tenant la joue gauche qui avait pris une autre teinte de rouge. Alors que le fourmillement s’estompait et que les étoiles disparaissaient progressivement, il lança un sourire douloureux à son frère.

      « Décidément, la forge t’a bien réussi… Tu assommerais un troll avec un coup pareil !
      — Toujours aussi… toi en fait, finit par soupirer Harald avec un demi-sourire. Allez viens-là, imbécile. »

      Aussitôt dit, aussitôt fait et les deux frères se prirent dans les bras de l’autre, même si Harald semblait faire de l’excès de zèle malgré sa plus petite taille. Il fallait dire que le forgeron norse était en bien meilleure forme que son frère.

      « Je crois que tu m’as cassé une dent, grimaça Hjalmar après quelques secondes d’accolade fraternelle.
      — Ne le prends pas mal, mais c’était un peu le but. »

      Se séparant enfin avec quelques ricanements joyeux, les deux frères prirent quelques instants pour se regarder l’un l’autre. Harald n’avait pas vraiment changé, nota Hjalmar. Entre sa barbe hirsute blonde, ses cheveux long attachés en queue de cheval et sa carrure d’ours, il avait toujours cette apparence de nain d’un mètre quatre-vingts. Le baroudeur nota cependant que des poils blancs parsemaient la crinière de son frère et que son visage buriné par la forge laissait apparaître quelques rides. Il devait bien avoir dans les quarante-sept ans à présent, dix de plus que lui s’il se souvenait bien. A cet âge canonique, les affres du temps prenaient leur dû.

      « Bon, s’exclama Harald. On rentre ? C’est qu’il fait un peu frisquet ces derniers temps.
      — Eh bien, … »

      Mais Hjalmar n’eut pas le temps d’ajouter grand-chose que son frère le traînait déjà à l’intérieur. S’il affichait un léger sourire, intérieurement, il n’en revenait pas. Vingt ans qu’ils ne s’étaient plus vus et leur réconciliation s’était effectuée en un claquement de doigt, comme s’il venait de revenir d’un voyage de quelques mois en mer. Ça ne pouvait pas être si simple… Si ?

      Eh bien, il fallait pourtant croire que oui, parce que là, il était en en train d’entrer quasi-naturellement dans une maison longue avec son frère. Comme quoi il avait plutôt sous-estimé les liens familiaux et leur importance.

      Se laissant ainsi porter par le moment sans vraiment réussir à réaliser ce qui se passait, Hjalmar passa l’embrasure de la porte pour rejoindre le tueur grelotant dans la petite entrée. Ce dernier d’ailleurs, même s’il tentait de reprendre une certaine prestance, n’en menait pas large. Assis sur un banc à côté de divers vêtements d’extérieur, il soufflait frénétiquement sur ses doigts engourdis et bleutés par le froid en essayant de les faire bouger avec difficulté. En voyant arriver le nouveau venu, il fronça ses sourcils broussailleux encore gelés et s’exclama dans un norse approximatif :

      « C’est qui lui ?
      — Hjalmar, voici Varki, un nain et ami que j’ai rencontré il y a de cela quelques mois dans l’Est du pays. Et Varki, je te présente mon frère ! » s’exclama un Harald plus fier que jamais.

      Les yeux pourtant profondément enfoncés du nain s’élargirent soudainement pour former une expression de surprise pure. Hjalmar, lui, le salua silencieusement, ne sachant pas vraiment quoi dire.

      « Alors c’est lui le fameux frère ? On n’peut pas trop dire que vous avez un air de famille, vos barbes ne sont même pas de la même teinte ! »

      En guise de réponse, Hjalmar émit un grognement indigné.

      « Ah ! s’exclama le tueur. Nan, pardon, je n’ai rien dit. Vous êtes bien du même sang.
      — Hilarant Varki, répondit Harald sur son habituel ton sarcastique. Quand tu auras repris une couleur normale, rejoins-nous dans la halle. »

      Laissant le nain hilare grelotter derrière eux, Harald et Hjalmar passèrent la porte qui menait vers la pièce principale de la maison longue. Juste avant, Hjalmar nota que le bâtiment était à moitié enterré, ou plutôt qu’on avait creusé une fosse avant de mettre un toit par-dessus. C’était une pratique courante quand il y avait peu de bois à disposition, même si elle indiquait aussi une certaine précarité.

      L’embrasure de la porte enfin passée, Hjalmar pu observer la pièce de vie de la maison. Il n’y avait personne mais, là encore, une bouffée de mélancolie le prit alors qu’il reconnaissait l’architecture de son enfance. A moins que ce ne soit les volutes de fumée ? Peu importait.

      Un grand feu longiligne se tenait au centre de la pièce, l’éclairant d’une lumière tamisée et la réchauffant dans le même temps. Au-dessus, les poutres du plafond s’entrecroisaient dans un motif harmonieux, semblable à la cage thoracique d’un monstre marin, et projetant des ombres au gré des flammes de l’âtre sur la toiture. Plusieurs bancs recouverts de fourrures de moutons qui servaient aussi de lit se tenaient de part et d’autre, parfois près du feu, parfois collés aux murs terreux avec les coffres. Quelques meubles étaient gravés de motifs serpentins nordiques qui s’entrecroisaient harmonieusement. Tout une flopée d’ustensiles de cuisines pendait au-dessus d’une marmite à côté de l’âtre et, dans le fond, on reconnaissait quelques outils pour travailler le cuir. Apparemment, leurs parents étaient toujours tanneurs malgré la perte de leur atelier à Stavgard. Bon à savoir, même s’il ne voyait nulle part le fruit de leur labeur... Ou leur atelier en fait.

      De l’autre côté de la pièce, on apercevait deux portes. Une devait mener vers la pièce réservée aux femmes – la stofa – où elles tissaient les divers vêtements pour la maisonnée et l’autre devait être la réserve.

      Son inspection enfin terminée, Hjalmar se permit de lâcher un soupir, encore une fois, nostalgique. En un sens, il se sentait comme chez lui. Harald, qui avait patiemment attendu que son frère termine son inspection, lui prit alors l’épaule.

      « Je vais chercher les autres, attends là.  
      — Les autres ? C’est comme ça que tu appelles père et mère maintenant ? » s’étonna Hjalmar.

      Harald s’arrêta subitement en chemin. Tout excité qu’il était, il avait apparemment oublié un ou deux détails importants.

      « Ah, oui, tu n’es pas au courant… marmonna-t-il dans sa barbe touffue avant de se retourner.  Mère est morte, il y a quatre étés environ. Son âge avancé a eu raison d’elle. Et père… n’est pas revenu du raid sur Stavgard. »

      La nouvelle fut dure, mais elle n’étonna Hjalmar qu’à moitié. Bien entendu, il aurait souhaité que cela en soit autrement. On parlait de sa famille tout de même, de ses parents ! Même si cela faisait plus de vingt ans qu’il ne les avait pas vu et qu’il supportait peu son père, c’était un pan de ses souvenirs, de ce qui le définissait qui venait de disparaître… Mais il ne pouvait rien faire d’autre que l’accepter.

      La mort faisait partie du paysage de la Norsca au même titre que la neige après tout.

      « La cérémonie de mère ? demanda alors Hjalmar à voix basse.
      — Fidèle à elle-même, elle est restée belle même durant sa crémation. »

      Harald se contenta ensuite de signer en silence pour honorer Olric, le père des dieux – du moins d’après les croyances locales. Puis, sentant qu’il devait ajouter quelque chose pour casser le mutisme progressif de son petit frère, Harald continua sur sa lancée :

      « Eh, je suis désolé que tu l’apprennes comme ça, mais autant que ça soit dit, repris Harald. De toute façon, elle est mieux là où elle est, aux côtés des dieux. Pour le reste… Heum… Ecoute, tu verras par toi-même.
      — Il y a autre chose ? »

      Laissant là un Hjalmar progressivement inquiet, son frère trottina vers la pièce des femmes et tambourina dessus. Quelques phrases en norse plus tard, ladite porte s’ouvrit à la volée. De là où il était, Hjalmar pu apercevoir un des métiers à tisser dans le fond, mais aussi qu’il y avait plusieurs personnes dans la pièce.

      Se tenant dans l’encadrure, une dame d’un âge plutôt avancé et aux cheveux noués dans une natte complexe interrogeait Harald du regard. Ce dernier se tourna alors vers Hjalmar :

      « Je te présente Ruthgerd Sigismundottir. C’est elle qui a accepté de nous héberger après, eh bien, la destruction de Stavgard. Sa famille ayant péri pour la plupart au fur et à mesure des raids Graelings, il y avait de la place et du travail à reprendre. » – Harald se tourna alors vers l’aînée – « Ruthgerd, je te vous présente mon frère, Hja…
      — Hjalmar, lâcha-t-elle d’une voix aussi parcheminée que son visage. Le fameux. »

      Après un soupir bref, Ruthgerd braqua plus nettement son regard sur le nouvel arrivant.

      « J’ai déjà accepté plusieurs membres de votre village et le reste de votre famille, alors un de plus… Tant qu’il peut aider, cela me va. »

      Et la vieille dame retourna à l’intérieur de la pièce sans demander son reste tout en rouspétant contre les jeunes dames qui épiaient depuis le fond de la pièce. Apparemment, cela embêta bien Harald qui souhaitait lui demander autre chose, mais Hjalmar pris les devants en questionnant son frère :

      « Reste de la famille ? Mais de quoi parle-t-elle ? Tu viens de me dire que nos parents étaient morts… »

      Mais à peine avait-il posé la question qu’un grand claquement provenant de la porte d’entrée se fit entendre. Quelqu’un salua le tueur nain et s’engouffra en trombe dans la halle quelques secondes plus tard. C’était une femme norse, une quinzaine de printemps tout au plus. Jeune, cheveux châtains nouée en une natte et au vu de sa figure athlétique, voire un peu brusque, le tissage n’était pas son passe-temps favori, loin de là. Elle semblait d’ailleurs revenir de la chasse avec son arc et les diverses griffures et salissures que les forêts dispensaient gratuitement sur sa tenue de marche. En voyant les deux hommes de l’autre côté du bâtiment, la jeune dame s’arrêta brusquement, l’air circonspecte.

      « Encore ? reprit Harald sur un ton réprobateur. Par les dieux, pourquoi est-ce que tu t’obstines encore à courir dehors alors que nous avons besoin de vêtem… »

      Un soupir et un roulement d’yeux coupa Harald dans sa tirade et il plaça ses deux paluches sur ses hanches avant de se tourner vers son frère.

      « Hjalmar, je te présente Svaný. Svaný, voici Hjalmar. »

      Le nom de la jeune femme tourna quelques instants dans la tête de Hjalmar. Leur mère avait toujours apprécié ce prénom s’il se souvenait bien… Le baroudeur cligna alors des yeux plusieurs fois tout en comprenant ce que tout cela impliquait : il avait une sœur. Ladite personne sembla faire de même et il y eut un flottement de quelques secondes durant lequel les yeux pourtant fins de l’intéressée s’élargirent à cause de la surprise. Puis, la jeune fille s’approcha de son frère tout en posant son arc sur un meuble, l’air presque béat alors qu’elle découvrait pour la première fois ce proche inconnu.

      Hjalmar, encore une fois, ne savait pas trop quoi dire. Autant le norse avait la verve facile durant un duel, autant il était complètement démuni pour quoi que ce soit d’autre. Alors parler à sa sœur dont il ne connaissait pas l’existence jusqu’ici ?

      Svaný effectua alors un pas de plus vers Hjalmar, se mettant à moins d’un mètre de ce dernier. Hjalmar put alors voir qu’elle avait un beau visage, malgré une petite cicatrice sur la joue gauche. Amusant, pensa Hjalmar, de ce qu’il en voyait ce genre de blessure faisait plus coup de dents d’animal que dérapage d’aiguille à tricoter. Mais, le nordique n’eut pas le temps de s’y attarder puisque Svaný le toisa un instant avant de lui envoyer son poing fermé dans le flanc. Certes, Svaný faisait bien deux têtes de moins que son grand frère, mais elle avait mise suffisamment de force dans ce coup pour qu’il porte. Et un crochet en plein dans le foie était assez douloureux pour mettre à terre même le plus vaillant des bagarreurs.
     
      Oui, se dit Hjalmar en mettant un genou à terre pendant que des larmes lui montaient aux yeux. C’était bel et bien une Objarsson la petite. Avec un salut pareil, il n’y avait aucun doute sur la question.

      « Svaný ! » s’indigna Harald en allant aider Hjalmar à se relever. Cependant, son frère lui fit signe de ne pas intervenir.
      « Non, c’est bon. J’ai l’impression que je l’ai mérité celui-là.
      — Et pas qu’un peu », grogna Svaný avant de faire demi-tour.

      Cependant, une onomatopée de Harald et un signe sec vers la stofa la fit changer de direction non sans lui tirer un ronchonnement agacé. Et, une fois l’embrasure passée, la porte de la stofa se referma sèchement derrière la jeune dame en furie. On put alors entendre divers reproches de la vieille Ruthgerd à son encontre.

La voix de la norse était plus grave qu’il n’y paraissait, presque cassée. Si elle avait hérité du physique de leur mère, c’était le tempérament tempétueux de la famille du paternel qui coulait dans ses veines, pensa Hjalmar en gloussant. Harald, lui, passa sa main gauche sur son visage en roulant des yeux.

      « Elle finira par se calmer… J’espère.
      — Ne t’inquiètes pas, après tout tu m’en as collé une toi aussi, ricana Hjalmar en se tenant le flanc.
      — Certes, mais je suis ton ainé moi. Il faut bien que je t’éduque de temps à autre. »

      Les deux frères rigolèrent doucement à cela avant que Hjalmar ne reprenne la parole.

      « Elle aussi a pris l’habitude de saluer comme notre grand-père ?
      — Par Olric non, s’exclama Harald. Il n’y a bien que toi pour suivre l’exemple de ce vieux fou. D’habitude, elle est… Heum. Un peu plus avenante que ça. Mais il faut croire que j’ai sous-estimé sa réaction.
      — A ce propos, enchaîna Hjalmar. On a d’autres membres de la famille qui sont apparus durant mon absence ? Et si oui, tu peux m’indiquer où est-ce qu’ils vont me frapper, histoire que je me prépare ?
      — Te prévenir ? Même pas en rêve… Mais malheureusement non, nous sommes les trois derniers enfants d’Objarr et Steinunn. Il y avait bien eu Bjarn, le dernier de la fratrie, mais un loup l’a emporté il y a de cela trois ans alors qu’il était parti pour sa première chasse. Tu l’aurais apprécié, il était aussi sanguin que toi, mais moins chanceux. »  

      Cette autre triste nouvelle établit un silence pesant pendant un peu moins d’une minute avant qu’il ne soit brisé par Hjalmar.

      « Et la bête en question ?
      — Oh, on l’a rattrapé et éviscéré avant de la clouer sur le portail avec les autres. L’avait deux têtes cette saloperie. »

      Alors que Hjalmar se préparait à répliquer qu’il aurait bien souhaité participer à ladite chasse que la crête orangée de Varki déboula dans la halle. Le nain avait repris des couleurs depuis et une hache grossière mais solide était à son flanc. Il semblait agité. Tellement, qu’il ne pensa même pas à traduire ce qu’il disait en norse et déblatéra donc quelque chose en Khazalid. Si Hjalmar n’y compris quasiment rien, même s’il trouvait que ladite langue avait un air de Reikspiel et de norse mélangé, seul son frère sembla saisir le propos. En effet, il se raidit subtilement.

      « Je peux avoir une version compréhensible ? demanda alors Hjalmar.
      — Hmm ? Oh, pardon… L’habitude. Des guerriers du village arrivent. En nombre. Et d’après Varki, ils viendraient pour toi.
      — Ah ?
      — Un des villageois a dû surprendre notre rencontre sur la place du marché. » – L’air pensif, Harald se serra ses poings en faisant la moue. – « Je m’attendais un peu à ce résultat malheureusement.
      — Le goði veut me voir je suppose ? enchaîna Hjalmar.
      — Plus que probable.
      — Dis-moi que Thorgard a repris le poste depuis Stavgard…
      — Malheureusement non, notre ancien goði a péri lors d’un raid. C’est d’ailleurs pour ça que les Graelings ont profité de l’occasion, sans dirigeant et avec plus de la moitié des guerriers de partis, on était des proies faciles. »

      Hjalmar jura doucement dans sa barbe. Avec le goði bon-vivant de Stavgard, la discussion aurait peut-être pu se faire calmement. Là, il lui faudrait faire avec un inconnu.

      « Eh bien, ne le faisons pas attendre alors », rétorqua Hjalmar en se redressant.

      A peine avaient-ils terminé leur discussion que la porte s’ouvrit à nouveau, mais cette fois, c’était sur un guerrier du nord en tenue complète – casque à protection nasale sur le crâne, bouclier dans la main gauche et la main droite prête à dégainer une hachette qui pendait à sa ceinture.

      « Hjalmar ‘Oksilden’ ? » aboya-t-il.

      L’intéressé lança un salut désinvolte au nouvel arrivant.

      « Le goði veut… !
      — Ouais, ouais, je sais, lui renvoya Hjalmar en levant les yeux au ciel. Menez la marche. »

      Le guerrier eu un grognement peu amical en guise de réponse, mais il recula et fit demi-tour pour sortir de la maison longue. Les deux frères le suivirent de près. Au passage, Harald murmura quelque chose en Khazalid à Varki qui acquiesça avant de se diriger vers la stofa dont la porte s’entrouvrait déjà. Mais Hjalmar ne put savoir ce qui se passa puisqu’il venait de passer l’entrée et était ainsi dehors.

      Il faisait nuit. Un cercle d’une demi-douzaine de gardes tenant des torches et autres lampes à huile clairement importées du commerce se tenaient là, l’air grave et prêt à agir en cas de besoin. Ils portaient tous un chignon rapidement noué sur le côté droit de leur tête, comme un signe distinctif. L’obscurité surprit Hjalmar un instant avant qu’il ne se rappelle qu’il était en Norsca en plein hiver. Ici, les jours étaient sensiblement plus courts en cette période de l’année et cela n’allait pas s’améliorer avec le temps.

      « Avance », grogna le garde qui avait déjà pris de l’avance.

      Jetant un regard vers Harald, ce dernier acquiesça à son tour pour lui signifier son soutien et ils se mirent en marche. Les gardes porteurs de torches les suivirent en formation serrée autour d’eux.

      Sans grande surprise pour Hjalmar, même ici, il n’était pas exactement le bienvenu.


Dernière édition par Hjalmar Oksilden le Dim 24 Fév 2019 - 16:16, édité 1 fois

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Dim 24 Fév 2019 - 13:12
Et voici la deuxième partie du post !

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       La grande halle du goði était définitivement bien plus grande que celle des autres maisons longues du village d’Iskvard. On aurait pu y mettre toute la population du village et toujours avoir de la place. De plus, l’endroit était richement décoré. Les meubles arboraient des gravures sur bois d’animaux stylisés et entrelacés dans des motifs complexes. Par endroits, ils étaient même recouverts de tissus de soie ou de satin colorés. Les objets en or ou argent abondaient, de même que du verre savamment travaillé ainsi que quelques bijoux en ambre. Tout cela démontrait un commerce florissant avec les pays du Sud et plus particulièrement Marienburg ou la Bretonnie. Ou alors, tout cela venait de raids. Mais au vu de l’attitude des personnes présentes, la première option semblait la bonne.

       Devant Hjalmar, qui se tenait les bras croisés dos au long feu de la halle, le trône du goði le surplombait. Ce dernier était un norse tout ce qu’il y avait de plus remarquable, une barbe blonde fournie et saupoudrée de blanc, large d’épaule et un front qui semblait assez solide pour broyer le crâne d’un troll d’un coup de tête. Il portait le même chignon sur le côté droit que ses gardes d’ailleurs. C’était donc un symbole pour faire connaître le lien entre lui et sa garde rapprochée, se dit Hjalmar.

       L’homme portait plusieurs bijoux dont le prix exorbitant devait battre des records, mais il ne fallait pas forcément s’y fier. Le fourreau d’ivoire qui reposait contre le flanc de son trône devait contenir une lame remarquable et, au vu des cicatrices profondes sur les bras du gaillard, il devait savoir s’en servir. De plus, Harald lui avait murmuré quelques détails avant que le conseil ne commence. Pour ce qu’il en avait saisi, Gundmundr, de son doux nom, était plus un stratège qu’un guerrier. Et cela comptait aussi pour la politique. Son apparence brutale pouvait donc être une simple couverture intimidante.  

       Autour du goði, en demi-cercle, se tenait six autres personnes qui étaient arrivés au compte-goutte après l’annonce du thing. Quatre étaient des hommes, probablement des notables, propriétaires importants ou doyens du village. Hjalmar n’en reconnaissait qu’un seul, le vieux Halfdan qui devait représenter les réfugiés de Stavgard. Malheureusement pas la personne qu’il portait le plus dans son cœur puisqu’il avait été le principal instigateur de son exil, vingt ans plus tôt. La femme qui se tenait à la droite du goði devait être sa concubine, sa tenue brodée d’argent ne laissant pas de doutes sur son statut social. La dernière, qui se tenait quelque peu en retrait, était habillée bien plus sobrement que les autres, son air presque délaissé détonnant avec la semi-aristocratie présente autour. Elle rappelait presque une certaine prêtresse de Rhya à Hjalmar, mais avec une courte capuche blanche et bleue qui cachait la majorité de ses traits pourtant déjà peints de divers symboles. Ainsi, avec les branches, petits bois de cerfs et colifichets ésotériques qui ornaient son collier, cela indiquait qu’il devait s’agir de l’oracle locale.

       Derrière le norse, la garde rapprochée du goði se tenait aux aguets tout en essayant de former un cordon pour empêcher de passer la populace du village qui s’était amassée là. On pouvait entendre divers murmures inquiets ou rageurs dans le fond de la grande halle alors que les rumeurs et les récits entendus à la dernière fête auprès d’un scalde itinérant allaient bon train.

       Harald avait été obligé de se retirer avec la foule, à son grand mécontentement d’ailleurs. Cependant, ce dernier jetait quelques regards distraits par-dessus la foule en direction de la crête orangée de Varki qui se tenait à l’extérieur en gardant un œil sur Svaný, adossé dans l’embrasure de la maison longue. Comme toujours, le grand frère prenait des précautions au cas où les choses s’envenimeraient.

       Il avait fallu une bonne demi-heure pour rassembler les personnes nécessaires au bon déroulement de l’évènement. Seuls quelques guerriers étaient absents, car il fallait toujours rester vigilant dans le grand Nord et laisser les murailles sans surveillance reviendrait à un suicide collectif. Les marchands skaelings, eux, étaient repartis depuis un moment, leurs affaires étant terminées.

       Enfin, un geste de la main du goði arrêta les chuchotements, jusque-là omniprésents avec les craquements du feu, et il se leva lentement de son siège.

       « Je suis le goði d’Iskvard, Gundmundr Hrafnsson », s’adressa-t-il à Hjalmar.

       Sa voix tonnait comme celle d’Asaldr en personne, le dieu-ancêtre local du courage au combat. C’était effectivement un motivé celui-là, se dit le baroudeur en grinçant des dents. Et au vu de regard noir qu’il lui lançait, ça s’annonçait mal. Et quel regard…

       Les conseils, les sermons, tout cela était toujours passé au-dessus de la tête de Hjalmar. Durant sa jeunesse, il avait constamment cherché à les écourter pour passer à quelque chose de plus intéressant et, en un sens, c’était cette façon de penser réactionnaire qui l’avait amené ici. Mais après tout ce temps, le norse s’était un peu assagi. Ainsi, lorsqu’il était entré dans la halle, il avait réellement souhaité régler cela à l’amiable. Il connaissait très bien sa situation et il ne demandait qu’à montrer patte blanche, faire amende honorable... Mais avec ce simple regard haineux, Hjalmar sut qu’il pouvait oublier dans l’instant tout espoir de terminer ça dans le calme.

       « Nous sommes réunis ici pour un thing exceptionnel, enchaina Gundmundr pour la foule cette fois-ci. Mais je pense que vous comprenez pourquoi. »

       Gundmundr laissa quelques secondes de flottement pour que son accusation implicite s’imprègne dans l’atmosphère déjà tendue.

       « Devant vous, membre du conseil des anciens, se tient Hjalmar Objarsson. Certains, les anciens habitants de Stavgard, le connaissent déjà sous le nom d’Oksilden et nous sommes ici pour discuter de son cas. Le lögmathur étant absent, car parti régler un litige à Sverborg à la demande de la reine, je m’octroie son rôle de diseur de lois.
       — En as-tu seulement le droit ? s’étonna un des notables. Cela me semble un peu extrême comme mesu…
       — C’est un niðingr ! rugit Gundmundr. Alors réglons son affaire au plus vite. »

       Un murmure de désapprobation parcourut l’assemblée et les guerriers s’agitèrent quelque peu, mais le regard furibond du goði étouffa dans l’œuf toute véhémence.

       « Reprenons… La coutume demande qu’un combat soit organisé pour vérifier son identité, mais sa réputation le précède et sa famille peut témoigner. Hjalmar ‘Oksilden’, ici présent, a été reconnu coupable il y a vingt ans à Stavgard d’un crime envers son village et son clan. Halfdan ?
       — C’est le cas, bougonna l’ancêtre. Son attitude inconsidérée avait été estimée dangereuse pour le village et ses absences répétées l’avaient éloigné de ses devoirs. En résultat, il attirait les bêtes sur nous sans se soucier des conséquences ! Pire, il avait été absent à plusieurs moment critiques, dont des raids Graelings, où ses bras auraient été utiles pour limiter les pertes. Mais au lieu de ça, cet effronté préférait gambader dans la forêt pour aller chasser tout ce qui passait à portée et … !
       — Cela suffit Halfdan », tonna à nouveau le goði.

       Le vieil homme s’offusqua d’avoir été coupé de la sorte par plus jeune que lui, mais il s’agissait de son goði et il s’en retourna donc à son mutisme, grattant machinalement le pommeau de son bâton de marche. Hjalmar, de son côté, n’était pas trop étonné de l’éclat de l’ancêtre. Ce dernier avait toujours été le premier à lui reprocher son attitude à l’époque, comme quoi cela n’avait pas changé.

       Gundmundr se prépara ostensiblement à délivrer un pamphlet en s’avançant de quelques pas vers Hjalmar et la foule tout en le désignant du doigt d’un air impérieux.

       « La sentence portée alors par l’ancien conseil de Stavgard pour avoir failli à ses devoirs en tant que guerrier du clan était l’exil. Sentence qui est toujours en cours aujourd’hui. Tu es donc un niðingr et tu ne dois recevoir aucune aide, aucune nourriture de la part d’un Bjornling. De plus, n’importe quel membre du clan peut t’abattre sans être accusé de meurtre. Mais malgré cela, tu te tiens là, devant nous, comme si de rien était. Pourquoi ?
       — Je voulais passer voir la famille, répondit Hjalmar en serrant des dents.
       — Tu… ? s’étonna brièvement Gundmundr. Ta sentence est… !
       — Révocable, le coupa alors Halfdan. Il avait été dit que s’il accomplissait un acte digne des sagas de ses ancêtres, alors il pourrait revenir de son exil… »

       Si Gundmundr était surpris d’avoir été arrêté dans son élan, Hjalmar le fut plus encore. Il n’aurait jamais cru que le vieil homme prendrait sa défense dans un moment pareil, même s’il était plutôt clair qu’il lui en avait coûté de prononcer ces mots. Puis, avant que Gundmundr ne puisse rétorquer quoi que ce soit, une voix s’éleva depuis la foule, celle d’Harald.

       « Mon idiot de frère avait promis que son nom serait connu de par le monde. Je ne sais pas pour vous, mais je crois que même toi, Gundmundr, a entendu parler de la ‘Terreur des Marches’ au détour de la prose d’un scalde itinérant. Selon moi, il a tenu parole. »

       D’autres voix s’élevèrent alors, la majorité provenant du village natal de Hjalmar, pour soutenir ces propos à grand renforts d’exemples d’actes racontés par les scaldes et marchands itinérants. Le tout devint bien vite un brouhaha incompréhensible quand diverses personnes plus modérées voulurent réduire l’importance de certains exploits. Ainsi, le début d’une rixe pointa le bout de son nez, mais l’intervention du goði calma aussitôt la population :

       « Assez ! vociféra-t-il avant de se calmer. Tu as raison Harald. Sa renommée est grande et il a ainsi tenu parole. Cependant… Y-a-t-il quelqu’un ici présent qui peut attester desdits actes ? L’un d’entre vous l’a vu à l’œuvre ? »

       Un silence gêné fut sa seule réponse. Gundmundr retrouva alors sa contenance en voyant qu’il reprenait le contrôle de la situation, au grand dam de Hjalmar.

       « Avant qu’on ne dise que je traite les scaldes de menteurs, laissez-moi m’expliquer. Je ne réfute pas les haut-faits de Hjalmar. Ils ont peut-être effectivement eu lieu, la plupart du moins. Mais il serait temps de prouver ce qu’il avance, qu’il est vraiment le guerrier digne des sagas. »

       Puis, le goði se tourna vers l’accusé et le toisa du regard.

       « Alors ? Qu’as-tu à présenter de concret au conseil pour appuyer tes hauts-faits ?»

       Hjalmar décroisa les bras, les poings serrés alors qu’il devait se contenir. Puis il se dit qu’en fait, non, il allait plutôt se lâcher. Harald lui avait dit de prendre des gants, mais au Chaos la précaution. Cela faisait plusieurs mois qu’on lui marchait dessus et maintenant ce guignol osait lui demander de prouver vingt années de combats, duels et autres chasses en quelques instants devant une assemblée ? Alors que tout le monde était déjà au courant ?!

       Autant frapper fort pour lui rabattre son caquet.

       « Tu veux une preuve ? » – Hjalmar arracha alors une petite pièce ronde arborant une fleur de lys qui était attachée à son épaulette droite. – « Ça, c’est une couronne de Brionne. Je l’ai récupérée sur un chevalier que j’ai battu en duel. Un sacré vantard, ça ne l’a pas empêché de finir la gorge ouverte sur la route. »

       Puis, le norse jeta la pièce au sol avec un dédain évident. Il en arracha une autre, ronde aussi mais argentée et avec un trou carré en son centre, et la tint devant le goði.

       « Celle-là, c’est un guerrier du Nippon qui l’avait sur lui. Noriharu qu’il s’appelait. Il me l’a donné en guise de souvenir, pour me rappeler qu’on avait un duel à poursuivre. Pour information, il l’a perdu celui-là aussi. »

       La nouvelle pièce alla rejoindre l’autre au sol avec le même mouvement. Cette fois, Hjalmar détacha un fourreau vide mais orné de dorures et autres joailleries vertes et rouges.

       « Celui-là vient du sud de l’Arabie. Un chef d’une bande de bandits. La dague qui allait avec je l’ai perdue en revanche. Durant un duel avec un mort-vivant aux bois de cerfs. »

       Le fourreau tinta contre le bois du plancher de la grande halle quand Hjalmar le jeta à son tour. Et le manège se poursuivit un bon moment.

       Colliers de dents provenant chacun d’une créature différente et plus mortelle les unes que les autres, bracelets fait avec des morceaux d’arrêtes de monstres marins, colifichets de diverses régions dont les noms échappèrent à plusieurs, ceinture, fibules, l’épée impériale… Tous s’accumulèrent – avec une description en prime – pour former un petit tas d’objets aussi improbable qu’exotique au pied du norse en colère jusqu’à ce qu’il n’ait plus que son gambison déchiré sur le dos. Même son plastron de cuir ornée d’hermine de Lyonesse, ce truc improbable qu’il avait gardé pendant tant de temps, avait rejoint le reste des trophées avec ses bijoux de barbe en perle ou métal divers.

       « Voilà, cracha-t-il enfin en pointant le tas d’objets d’un doigt accusateur. La voilà ma preuve ! Je la trimballe sur moi depuis vingt années ma foutue preuve ! Vous pouvez me cracher dessus, me frapper, me mépriser et critiquer mes hauts-faits. Ça je m’en moque. Votre opinion, elle ne me gardera pas en vie quand je dormirais seul la nuit. Ce sont mes choix, mes erreurs, ma façon de vivre, et je les assume pleinement. … Mais vous n’avez pas le droit de me traiter de menteur. Vous n’avez pas le droit de passer sous silence mon héritage, ce que j’ai sacrifié au nom des dieux et de la Norsca durant ces vingt putains d’années, au nom d’un prétexte aussi idiot ! »

       Faisant un pas vers Gundmundr, le sourire de ce dernier vacilla l’espace d’un instant.

       « Et si tu veux une preuve valide que tout le monde puisse voir, alors dégaine ta lame. Là, maintenant. Je vais te montrer ce que c’est que de m’affronter ! Je vais te faire comprendre pourquoi on me craint sur une bonne partie du continent ! »

       Réagissant au quart de tour, le goði ouvrit ses paumes vers Hjalmar dans un signe d’apaisement.

       « Oh, ne nous emballons pas ! Bien au contraire, réjouissons-nous de tes exploits ! »

       Or, alors que la foule de norses s’apprêtait déjà à exulter pour féliciter leur champion que le goði les interrompit aussitôt.

       « Cependant, un défi est un défi… Un simple duel n’ayant que peu d’intérêt au vu de tes exploits, je vais accepter ta demande mais pour la tourner en une épreuve autrement plus glorieuse. »

       Eh merde, pensa Hjalmar. Il s’était fait tourner en bourrique. Ce maudit Gundmundr l’avait provoqué encore et encore pour l’amener à commettre une erreur et, une fois le piège refermé, il avait déformé le sujet vers quelque chose qui l’arrangeait. Fichu beau parleur.  

       « Tout ce que tu nous as présenté vient de lieux autre que la Norsca si je ne m’abuse. Bien ! Dans ce cas, pour définitivement payer ton Wergild, ramène-nous une preuve d’une victoire contre un monstre de notre beau pays et tous tes crimes passés seront pardonnés. Bien entendu, cette fois-ci tu seras accompagné de quelques chasseurs qui viendront attester de ton acte… En vertu de mes droits de goði, ton statut de niðingr est révoqué. Néanmoins, tu ne pourras réintégrer Iskvard qu’une fois la tâche accomplie. Et une fois la chasse commencée, tu n’auras toujours aucunement droit à aucune aide extérieure de la part d’un Bjornling, ils se contenteront d’observer. Après tout, il serait dommage de biaiser le résultat et partager ta gloire. Elle te revient de droit… »

       Hjalmar tiqua quand on lui annonça que son statut avait enfin été révoqué. Ce pourquoi il s’était battu depuis toutes ces années avait enfin abouti. Il en aurait presque versé une larme si cette victoire n’avait pas eu un goût amer, celui d’un cadeau piégé. Après tout, il n’était pas encore accepté en tant que membre du clan et au vu des conditions imposées par Gundmundr, la seule différence était qu’on ne pouvait légalement plus l’exécuter à vue sans raison. Une bien maigre amélioration.

       Le goði, justement, se tourna ensuite vers les membres du conseil des anciens et les interrogea du regard.

       « Ce devrait être une formalité pour un héros tel que lui et ce serait un haut-fait digne des sagas à n’en pas douter. Quoi de mieux pour continuer la saga de Hjalmar ‘Oksilden’ ? De plus, cela nous débarrasserait d’une menace directe. Alors, qu’en dites-vous ? »

       Un à un, les différents membres du conseil acquiescèrent et validèrent le jugement. Hmpf, grogna Hjalmar intérieurement, comme s’ils allaient proposer autre chose. Le goði leur avait à peine laissé le temps de dire quelque chose, alors pourquoi changer...

       Derrière, l’excitation de la foule devint palpable en peu de temps. Une chasse impliquant le ‘grand Hjalmar’ ? Comment rester insensible ? Cependant, Hjalmar, lui, n’était pas aussi enthousiaste. Ce type jouait avec la populace et leur désir de gloire pour le détourner afin de faire passer ses règles idiotes. Plus la demande était alambiquée et irréalisable, plus les norses allait s’y intéresser et pardonner les écarts dans le même temps. Il le savait mieux que quiconque, c’était un de ses principes de vie durant ces dernières années.

       « Oh ! s’exclama le goði. J’allais oublier. »

       Il pointa alors l’oracle de la main avec un grand sourire.

       « Ce sera aux dieux de décider de ta cible ! Qui d’autre que Karneth, père des haches, ou même Olric, dieu de l’hiver, serait mieux placé pour t’indiquer la proie parfaite ? La sagesse divine pour te guider vers une chasse sublime dont on parlera encore durant des générations ! N’êtes-vous pas d’accord ? »
       
       La foule cria comme un seul homme son approbation et le soupir de dédain de Hjalmar se perdit dans le brouhaha. Sagesse divine ? Cela le faisait bien rire. Dans le meilleur cas, il irait tuer un monstre marin comme une baleine de la Mer des Griffes, au moins ce serait réglé rapidement. Mais avec la chance qu’il avait, si ces enfants gâtés qu’on appelaient divinités choisissaient vraiment pour lui, ils seraient bien capables de le renvoyer dans les Royaumes du Chaos par pure ironie.

       L’oracle s’avança alors d’un pas hésitant, la demande était abrupte et elle n’avait pas l’air prête à communier avec qui que ce soit. Le fait qu’elle tire nerveusement sur sa robe de lin ornée de plumes d’oiseaux n’améliorait pas son apparent malaise. On était loin de l’habituel émissaire énigmatique des dieux au courant de toute chose. Or, elle s’avança tout de même après quelques secondes d’hésitation. Quand elle passa à côté de Gundmundr, qui avait le dos tourné à la foule, ce dernier inclina légèrement la tête l’espace d’un instant. N’étant pas né de la dernière pluie, Hjalmar devina bien vite le petit jeu du goði, ce salaud venait de lui murmurer quoi dire. Elle était belle son intervention divine. Avait-il donc tout le monde dans sa poche ?

       Les phalanges à présent blanches tellement Hjalmar les maintenaient serrées, le norse attendait la sentence qu’il savait maintenant injuste au possible. Lorsque l’oracle s’approcha de lui, Hjalmar réalisa son jeune âge. Elle devait être à peine plus âgée que Svaný.  

       « Eh », murmura-t-il entre ses dents pour attirer son attention mais pas celle du goði et de son entourage.

       L’oracle releva alors légèrement sa tête, indiquant qu’elle l’avait entendu.

       « Le plus tôt tu termines, le plus vite je pourrais aller tuer cette bestiole et revenir pour lui expliquer ce que je pense de ses méthodes.
       — Si seulement cela était aussi facile, soupira-t-elle.
       — Ça l’est. »

       Après avoir soutenu le regard fixe du baroudeur, l’oracle sembla reprendre confiance en elle, même si ce n’était que pour un instant, et avança ses mains recouvertes de colifichets. Elle les posa des deux côtés de la tête du norse avant d’entamer un psaume dans une langue que Hjalmar ne compris qu’à moitié. La foule se tut aussitôt et observa le tout avec un silence religieux, même si certains reprenaient par moment des phrases comme des mantras.

       La divination des oracles et autres vitkis chaotiques différaient quelque peu d’un village à l’autre, mais dans tous les cas une constante apparaissait : il fallait prononcer les incantations. Le noir parler et ses variantes norses était une langue orale qui ne trouvait la source de sa puissance que sa prononciation. Si l’oracle s’était contenté de murmurer quelques mots ou de les écrire dans des runes païennes, le résultat n’aurait été qu’au mieux partiel, au pire inexistant.

       D’ailleurs, après quelques minutes de rituel et à la grande surprise de Hjalmar, l’oracle semblait prendre son rôle très à cœur en fin de compte. Trop même. Son incantation ne semblait pas vouloir s’arrêter. Pourtant, il lui suffisait juste de déblatérer quelques inepties et transmettre les ordres de Gundmundr. Pourquoi tant de complications, se demandait le norse ? Pour sauver les apparences ?

       Hjalmar tenta alors d’ouvrir un œil discrètement. La coutume voulait qu’il les garde fermés durant le procédé, mais il n’était plus à ça près en termes de sacrilège divin. Il ne lui fallut pas bien longtemps avant de voir que quelque chose n’allait pas.

       D’une, Gundmundr s’impatientait sur son trône. De l’autre, l’oracle était en sueur, elle souffrait. Toujours perdue dans son incantation, elle donnait l’impression de ne pas réussir à en revenir. De légères pressions de ses doigts sur les tempes de Hjalmar lui confirmèrent qu’elle ne contrôlait qu’à peine ses mouvements. Mais au moment où Hjalmar allait tenter quelque chose pour la faire sortir de sa transe, la jeune femme arrêta brusquement ses chants, prit une grande inspiration qui tendait vers le gémissement et tomba sur le dos. Elle se redressa bien vite heureusement, mais Hjalmar pouvait lire dans son regard qu’elle était encore ailleurs, tentant de retrouver le sens du réel.

       Il lui fallut bien deux bonnes minutes de clignement d’yeux et de marmonnement incompréhensible avant qu’elle ne prononce enfin ses premiers mots clairs d’une voix cassée :

       « … Tu trouveras ce que tu cherches au-delà de la forêt de Tanngniost… Parmi ceux qui ont reniés les trois. Parmi le feu et les rancunes. »

       Le visage de Gundmundr perdit visiblement des couleurs en entendant cela, son plan ayant visiblement pris une tournure imprévue. Néanmoins, il resta silencieux comme une tombe. Si on pouvait les influencer (et c’était un jeu dangereux), remettre ouvertement en doute la parole d’un oracle revenait à questionner le divin du point de vue des norses. Une entreprise plutôt risquée quand les superstitions locales bien ancrées disaient que dans ces contrées baignées par le Chaos, lesdits dieux pouvaient très bien vous foudroyer sur place ou vous envoyer un quelconque suivant peu diplomate pour vous régler votre compte – s’ils y trouvaient un quelconque intérêt. En somme, si un dieu ne vous tuait pas, c’était la populace qui allait s’en charger pour s’éviter lesdites foudres divines.

       Hjalmar s’approcha alors de l’oracle pour l’aider à se relever. La pauvre fille tremblotait comme une feuille et il dut prendre son temps pour ne pas la brusquer. Puis, lorsqu’il l’amena à sa hauteur, il l’entendit murmurer distinctement deux mots en boucle : « Blanc » et « Noir ». Sans véritablement chercher à comprendre de quoi il en retournait, même s’il avait son idée sur la question, Hjalmar amena l’oracle vers un banc pour qu’elle puisse se reposer et qu’on prenne soin d’elle.

       La clameur de la foule intervint à nouveau pour débattre du message divin, mais elle fut coupée à nouveau par un geste de la main du goði. Cette fois, il ne se montrait pas aussi grandiloquent qu’avant et il foudroyait même du regard l’oracle par intermittence.

       « Les dieux ont parlé. Nous souhaitons donc… bonne chance à Hjalmar et puisse sa quête s’accomplir dans l’honneur et la gloire. L’expédition partira dès que possible. Le thing est levé ! »

       Alors que la foule était reconduite à l’extérieur par la garde du goði, Hjalmar, lui, s’avança vers le petit tas d’objets. Il y jeta un coup d’œil rapide, émit un léger soupir mélancolique, puis récupéra un seul objet : son pendentif en argent. Il avait beau ne plus les vénérer, il ne voulait pas oublier ses dieux et ce qu’ils lui avaient fait. Puis, tout en attachant à nouveau le pendentif autour de son cou, Hjalmar passa discrètement la main sur le seul objet qu’il n’avait pas montré à la foule. Un petit morceau de corne alambiquée contenu dans un chiffon. Avec celui-là, contrairement aux autres, il n’en avait pas encore terminé.

       Le reste, il le laissa derrière lui. Que les gens du coin se servent, il n’en avait plus besoin à présent. Et il sortit sans même un regard pour Gundmundr.

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Dim 24 Fév 2019 - 15:45
Mazette ! Quel retour. Ayant lu pas mal d'articles sur le Wikia interfora, je connaissais les personnages d'Harald et Varki, mais ça fait bien plaisir de les voir en vrai.

Nous sommes cette fois-ci plongés dans le monde norse, dans ses coutumes et ses superstitions. Et ce qui est génial, c'est que tu nous les présente avec une redoutable efficacité en peu de mots. Les divers mots qui pourraient paraître incompréhensibles sont vite identifiés par le contexte qui les entoure  (comme "thing", qui doit être un genre de procès).

Et on est plongé tout aussi efficacement dans l'action. Hjalmar est directement confronté à des personnages qui semble-t-il auront une présence importante dans ce récit : Harald, Varky, Svaný, Gundmundr, et j'en oublie sans doutes deux ou trois.

En parlant de Gudmundr, je pense qu'il s'agit là d'un parfait enfoiré. Mais son objectif est plus diffus. Il semble vouloir du mal à Hjalmar, mais pourquoi ? Après tout, ce n'est à priori pas un fou sadique. Il doit forcément avoir une bonne raison. Je me demande.

En tous cas, je demande aussi d'avoir la suite. Oui je sais, c'est convenu. Mais quand c'est si bon, on perd le sens des proportions  Mr. Green .

Petites coquilles:

PS : j'ai établi une tradition : lire tes récits avec du Wardruna. Ça met tellement bien dans l'ambiance !


Dernière édition par Arcanide valtek le Lun 25 Fév 2019 - 14:06, édité 1 fois

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Livre d'armée V8 : 8V/2N/3D

Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

Le lien vers mon second récit : la geste de Wilhelm Kruger tome 1
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Lun 25 Fév 2019 - 11:42
Arcanide Valtek a écrit:lire tes récits avec du Wardruna
Adrian von Ziegler, Eluveitie et Korpiklaani. En plus de Wardruna, bien entendu Sun glasses

Par Nagash, quel retour. Et quel plaisir de le lire. Pour ma part, j'ai vraiment eu l'impression d'y être : d'abord sur la mer inquiétante, près des grands fjords, puis à l'entrée du village, puis dans la maison longue, pour enfin se perdre dans la foule du thing. Et être mystifié avec les autres par la transe sacrée de la vitki.
Arcanide Valtek a écrit: Il doit forcément avoir une bonne raison. Je me demande.
A mon avis, tout homme au pouvoir a cette crainte élémentaire de perdre ce pouvoir. Et quoi de pire que le retour d'une légende pour décroître le poids politique du goði ? Je serais au contraire de nature à complimenter Gundmundr pour ses manœuvres qui tiennent du BA-BA du prince au pouvoir, qui est d'étouffer toute concurrence dans l’œuf.
Quel dommage qu'une véritable intervention divine a chamboulé ses plans Devil

Je ne m'attendais pas à revoir Varki, ce fut une très agréable surprise ! Quant à Svaný, je crois qu'en elle nous avons trouvé une âme-sœur pour Penthésilée de Gransette Mr. Green Même si des miles et des miles marines les séparent, la fougue et l'envie d'indépendance unit ces demoiselles par-delà les océans.

La suite, par Olric ! La suite ! Clap Clap Clap
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Lun 25 Fév 2019 - 18:41
Merci pour vos retours, ça fait chaud au coeur ! Surtout que cette suite m'aura pris beaucoup trop de temps et que je doutais encore de sa cohérence...

Aussi, vos choix musicaux sont fort sympathique ma foi Sourire Je vous conseillerais aussi Forndom pour l'ambiance. Sinon, pour me motiver à écrire, j'ai récemment commencé à écouter cette chose ci-présente (ça me fait beaucoup rire et le refrain enjaille bien).

Arcanide valtek a écrit:comme "thing", qui doit être un genre de procès
Un thing se rapproche plus d'une sorte de réunion de village(s) pour décider des affaires importantes avec les membres de la communauté. En un sens, un procès compte dans le lot.

Essen a écrit:
Arcanide valtek a écrit:En parlant de Gudmundr, je pense qu'il s'agit là d'un parfait enfoiré. Mais son objectif est plus diffus. Il semble vouloir du mal à Hjalmar, mais pourquoi ? Après tout, ce n'est à priori pas un fou sadique. Il doit forcément avoir une bonne raison. Je me demande.
A mon avis, tout homme au pouvoir a cette crainte élémentaire de perdre ce pouvoir. Et quoi de pire que le retour d'une légende pour décroître le poids politique du goði ? Je serais au contraire de nature à complimenter Gundmundr pour ses manœuvres qui tiennent du BA-BA du prince au pouvoir, qui est d'étouffer toute concurrence dans l’œuf.
Si bien résumé que je n'ai pas grand chose à ajouter Sourire

Essen a écrit:Je ne m'attendais pas à revoir Varki, ce fut une très agréable surprise ! Quant à Svaný, je crois qu'en elle nous avons trouvé une âme-sœur pour Penthésilée de Gransette
Pour Varki, je t'avais demandé si je pouvais l'utiliser l'année dernière Fou Et cela me semblait idiot de ne pas l'ajouter au récit après avoir bien établi son amitié avec Harald dans le jdr du Fléau Nordique. Il va d'ailleurs me permettre de commencer à écrire plus sérieusement sur les nains (chose que je n'ai pas encore vraiment fait jusqu'ici) tout en apportant un point de vue intéressant sur le sort de Hjalmar.
Et pour Svaný, maintenant que tu le dis... Il y a un peu de ça Rolleyes Même si elle a un tempérament un peu plus grognon que la dame bretonienne en revanche, elle reste de la famille de Hjalmar Mr. Green

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La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] Empty Re: La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version]

Ven 22 Mar 2019 - 22:39
Et double-post pour continuer avec une courte suite !

***


     Cinq jours, voilà ce dont Hjalmar disposait avant le départ de l’expédition pour la forêt de Tanngniost, au nord-est. C’était le temps nécessaire pour rassembler quelques volontaires qui accompagneraient le baroudeur dans sa chasse. La partie la plus ardue de cette sélection étant de trouver des guerriers suffisamment compétents pour survivre dans le grand Nord et qui ne seraient pas ultimement nécessaires à la survie du village s’ils venaient à mourir en chemin. Les norses restaient pragmatiques, surtout quand il s’agissait de la survie du clan.

     La forêt étant connue dans la région, y aller ne serait pas bien compliqué. Le problème allait être l’après. Personne n’avait pu faire sens du charabia qu’avait proféré l’oracle si ce n’était le dernier mot : rancune. Forcément, Harald avait proposé de trouver des renseignements auprès de nains norses. Qui savait, peut-être qu’une ancienne saga pouvait apporter un indice, avait-il dit alors. Mais ces derniers s’étaient aussi faits plus discrets ces derniers temps d’après les dires du forgeron. En somme, la situation aurait pu être meilleure.

     Mais avant cela et à la surprise de Hjalmar, la petite population d’Iskvard avait organisé un banquet le soir-même du thing pour fêter le retour du baroudeur parmi les siens. L’évènement s’était arrangé en quelques minutes, de bouche à oreille apparemment et avait pris assez d’ampleur pour convaincre tout le monde. Après tout, même les plus réticents à cette idée, souvent des habitants locaux qui ne connaissaient pas vraiment Hjalmar, ne pouvaient refuser une petite beuverie occasionnelle.

     Ainsi, devant la pression des habitants, Gundmundr avait alors accepté de laisser sa grande salle être investie pour le banquet, même s’il n’y participerait pas. Il avait prétexté un devoir urgent à Sverborg, la « capitale » du clan Bjornling, qui requérait sa présence. Une bien belle excuse pour éviter Hjalmar le temps qu’il parte, mais l’intéressé n’en avait cure. Moins il voyait cette andouille, le mieux ce serait, se disait-il.

     Les festivités démarrèrent ainsi bien vite et la grande salle fut remplie de norses et de barriques de bières ou d’hydromel alors que tout le village participait aux festivités. L’odeur de l’orge et de la sueur remplacèrent bien vite celle du bois et du renfermé et des cris de joie brisèrent le silence hivernal. On amena des bancs et des chaises. Le long feu fut ravivé. On y installa des broches et marmites en stéatite tout du long pour le repas à venir. Des enfants coururent en riant un peu partout, profitant du relâchement de la surveillance de leurs parents. Les choppes furent remplies et les tambours résonnèrent autant dans le bâtiment que dans les ventres. On prononça les habituels sermons ou remerciements. D’autres déclamèrent les hauts-faits embellis du dernier mois tout en mettant l’accent sur ceux de Hjalmar… En somme, la fête allait bon train et animait brusquement le petit village côtier, le faisant ainsi sortir de l’ambiance morne qui caractérisait pourtant la vie dans le grand Nord.

     Quant à Hjalmar, il se tenait accoudé à une table. Ses doigts lissaient le bord d’une choppe à moitié vide tandis qu’il balayait la salle d’un regard neutre. Et surtout, il s’ennuyait.

     Cela pourrait paraître surprenant au premier abord et, à vrai dire, lui-même n’arrivait pas y croire. Comment pouvait-il s’emmerder en ces lieux ? Et dans ce contexte ?! On lui rendait hommage pourtant ! Son propre peuple louait ses exploits, l’acclamait, lui offrait des bières. On pavanait avec les reliques qu’il avait ramené du Vieux Monde et du nouveau. Certains lui demandaient même des anecdotes croustillantes sur la manière dont il avait arraché telle ou telle dent à son ancien propriétaire ! Tout cela était ce pourquoi il s’était battu, ce pourquoi il continuait à se battre même après avoir abandonné ses dieux. Et pourtant il en était las, ici et maintenant.

     Malgré le fait qu’il avait enfin rejoint son propre peuple après tout ce temps, il ne s’y sentait pas à sa place. Par exemple, personne ici ne complimentait son retour mais on acclamait sa visite. C’était toujours un compliment, mais il était distant, comme s’il restait une barrière invisible qui le séparait des habitants. Il avait l’impression d’être un étranger de passage, un invité, une sorte de figure ésotérique et floue qu’on observait de loin avec envie ou dédain.

     Et pourtant, il voulait prendre part à la fête ! Sauter de son banc pour danser sur la table avec un joli bout de femme qui passerait par-là, boire jusqu’à plus soif, argumenter dans un duel d’exploits à l’oral avec un guerrier impétueux avant de terminer le tout par une bonne vieille rixe et la rigolade qui s’ensuivrait.
     
     Bordel, combien de temps avait-il pu s’écouler depuis la dernière fois où il avait vraiment réussi à s’amuser ?  Beaucoup trop était une réponse valide.

     Mais, au fond de lui, Hjalmar savait qu’il lui manquait quelque chose pour rentrer dans la danse. Un vide qu’il ressentait dans son ventre, dans ses tripes, qui le tenaillait atrocement en le retenant de se laisser porter par l’allégresse générale, qui le faisait ronger son frein en silence au milieu du brouhaha. Un sentiment d’inaccompli. Voilà ce que c’était. Ni plus ni moins. Tant que cette foutue quête ne serait pas terminée, il n’arriverait pas à se laisser aller. Il n’arriverait pas à se sentir, eh bien, Bjornling. Pour l’instant, il n’était pas Hjalmar fils d’Objarr. Non, il n’était que Hjalmar ‘Oksilden’, Hjalmar ‘Le Perdu’. Un foutu titre tout droit sorti d’un vieux dialecte de son clan que presque tout le monde avait oublié, mais qu’on avait ressorti spécialement pour lui. Pendant toutes ces années d’exil, il l’avait porté ce titre, l’avait gueulé sur les toits comme pour s’en moquer. Comme s’il était convaincu qu’à son retour, cette tâche ingrate sur son nom allait disparaître dans l’instant, tel un grain de sable avalé par les vagues. Or, là, assis à cette table et se soûlant pour oublier, Hjalmar ne s’était jamais senti aussi perdu de toute sa vie.

     Tout allait trop vite. Les Royaumes, le convoi, les hommes-rats, Malal, son retour en Norsca, tous ces évènements s’étaient enchaînés si rapidement qu’il avait à peine eu le temps de souffler et d’y repenser. C’était tout juste s’il réalisait qu’il était vraiment dans son pays natal ! Et voilà qu’à peine arrivé, on lui sortait déjà qu’il devait repartir pour une fichue quête ? Conneries… Il ne contrôlait plus rien de sa propre vie. Le norse moribond n’arrivait pas à se défaire de cette idée. Cela le frustrait à un point qu’il ne pensait pas imaginable et cette dette envers l’autre démon n’arrangeait pas sa situation. Tout cela sonnait dans son crâne tels des souvenirs lointains, des arrière-pensées désagréables qu’il n’arriverait pas à faire disparaître tant que le problème n’aurait pas été réglé.

     Alors qu’il terminait sa quatrième choppe d’affilée, le norse réalisa que l’alcool ne l’aidait pas. Pire, quand il redescendait de son ébriété, c’était pour tomber dans l’embuscade tendue par ses remords et cette foutue sensation de ne pas appartenir à son propre clan. Et la chute était d’autant plus dure à chaque fois qu’il cuvait. En fait, il n’y avait rien de pire que d’oublier momentanément ses problèmes parce que ces derniers étaient rancuniers et ils frappaient fort pour se rappeler à votre bon souvenir.

     Maintenant qu’il y pensait, depuis son retour dans le monde « réel » et plus particulièrement après Talabheim, il avait passé son temps libre à boire. Ça aura été une solution bien minable pour fuir son anxiété et les voix dans sa tête finalement. Mais comme pour tous les obstacles qu’il rencontrait et qu’il ne pouvait pas régler avec une arme à la main, le norse avait fait avec ce qu’il avait à disposition… Dans un gloussement, Hjalmar se fit alors la remarque que s’il recherchait l’adversité dans ses combats, pour le reste il semblait préférer la solution de facilité.

     Hjalmar termina alors son verre et se leva après avoir essuyé d’un lent revers du poing la mousse tiède qui s’était accrochée à sa barbe. Puis, il sortit de la grande salle. Personne ne l’en empêcha, les habitants du nord étaient trop occupés à fêter l’évènement pour y penser.

     Une fois dehors, un vent frais s’engouffra autour du norse quand il passa la porte, le réveillant quelque peu de sa léthargie. Son pas restait un peu hésitant, mais la claque du froid lui fit beaucoup de bien.

     Derrière lui, la fête continuait, apportant de la lumière et du bruit. Le norse referma alors la porte pour entrer dans la nuit et le silence. Deux vieux amis fidèles qu’il avait appris à connaître avec les années. Et il claudiqua jusqu’à la plage de galet à côté des pontons, faisant craquer la neige sous ses bottes dont les semelles usées n’étaient même plus étanches. Puis, il s’écroula presque en tailleur sur la plage. Les bras vaguement posés sur ses cuisses, les pieds trempés, ses vêtements déchirés depuis tout ce temps et le regard perdu dans les vaguelettes. Hjalmar monta ensuite ses yeux vers le ciel, vers les étoiles et enfin l’aurore boréale qui se détachait par moment de derrière les monts déchiquetés de Vanaheim. Le jeu de lumière était splendide, faisant miroiter un véritable arc-en-ciel de rouge et de vert. Les vents de magie devaient souffler fort ce soir pour qu’un tel évènement se produise, se dit Hjalmar. Les faiblards du Sud appelleraient cela une hérésie, juste parce qu’il ne le comprenait pas. Les locaux, eux, désignaient le phénomène comme une manifestation des dieux. Et c’est pour cette raison là que l’Oksilden, lui, se contenta de faire un geste obscène en direction de la manifestation.

     « Je te savais tordu, mais de là à insulter une aurore boréale… C’est un nouveau sommet de stupidité que tu atteins, là. »

     Hjalmar se tourna à moitié, son sang alcoolisé n’ayant fait qu’un tour devant l’insulte. Néanmoins, il se calma dès qu’il comprit et vit qu’il s’agissait de Harald. Le forgeron se tenait non loin, les bras croisés et la tête légèrement incliné, sa posture favorite quand il taquinait son petit frère. Sans prononcer un son, ce dernier retourna alors à son mutisme et braqua à nouveau son regard vers la côte.

     Quelques secondes plus tard, la carrure de Harald se posa à côté de Hjalmar et pris la même position que ce dernier. Un coup de poing taquin dans l’épaule plus tard, Harald enchaîna :

     « Toi, t’es tourmenté.
     — Ça se voit tant que ça ? répliqua Hjalmar.
     — D’une, j’suis ton vieux frère. J’ai beau ne pas t’avoir vu depuis vingt ans, tu restes mon frangin. Je te connais encore assez. De deux, t’as quitté la fête en ton honneur. Et enfin, quelqu’un qui va bien là… » – Harald tapota alors du doigt sur le crâne de son frère – « … ne se met pas spontanément à cracher sur les aurores boréales sans raison. »

     Hjalmar n’avait pas d’arguments à avancer face à ça. Il se contenta donc de glousser tristement.

     « Je suis percé à jour alors.
     — Hjalmar, arrête ça.
     — Quoi donc ?
     — D’esquiver la question quand elle ne te plaît pas. Tu faisais déjà ça gamin, et souvent en plus.
     — Père détestait ça, ricana Hjalmar.
     — Ouais, gloussa Harald à son tour avant de reprendre son sérieux. Mais là, j’aimerais que tu ailles droit au but. Crache le morceau. »

     Hjalmar savait bien que son frère ne lâcherait jamais l’affaire. Un simple regard en biais lui confirma que Harald le fixait sans fléchir. Il attendait des réponses. Mais Hjalmar aussi.

     « Comme à Noregr ? » proposa alors le baroudeur.

     Harald acquiesça à la proposition avec un sourire en coin. Noregr était un avant-poste au nord de feu Stavgard. Un jour, les deux frères, alors bien plus jeunes, avaient dû y tenir la garde. S’ennuyant ferme, ils avaient commencé à se poser des questions à tours de rôles en suivant une règle simple : une question pour une question.

     « Je commence alors, lança Harald en décroisant les bras. Pourquoi es-tu sorti de la halle ?
     — Je voulais prendre l’air.
     — Hjalmar… »

     Son nom ayant été clairement prononcé sur le ton du « il-va-falloir-faire-mieux-que-ça », le guerrier du nord changea son approche et relâcha ses épaules. Autant jouer cartes sur tables pour cette fois.

     « Je… ne me sentais pas à ma place.
     — Les conditions de Gundmundr j’imagine, hein. C’est vrai qu’il y a mieux pour se sentir bien accueilli. »

     Son frère n’avait pas tort, mais il ne voyait que la surface du problème. Hjalmar se contenta donc d’un geste d’approbation en guise de réponse avant de se tourner à demi vers son frère.

     « A mon tour. Puisqu’on parle de lui, comment cet idiot au cœur de margygr a fait pour rester au pouvoir ? »

     La margygr étant un nom norse parfois usité pour désigner une sirène perfide manipulant ses ennemis, l’accusation était plutôt évidente. Harald ferma les yeux et soupira brièvement avant de continuer :

     « Tu vas être surpris, mais c’est un bon goði. Iskvard n’est qu’un petit village et il joue des pieds et des mains pour le faire exister aux yeux des autres goðis et jarls de la cour de Sverborg. C’est un manipulateur mais, sans lui, on n'obtiendrait aucun renfort en cas d’attaques des Graelings. Si tu veux mon avis, il est allé trop loin avec toi durant le thing, mais remets-ça en perspective. De son point de vue, t’es un exilé à la réputation de fou furieux du duel qui apparaît sans prévenir dans son village. Comme la place de goði peut être contesté dans un défi, il a bêtement pris peur pour sa position et a voulu t’envoyer le plus loin possible par instinct de survie. »

     Encore une fois, l’expérience et le recul de son aîné lui donnaient raison. Néanmoins, Hjalmar grinçait toujours des dents. Se faire remettre en question puis être baladé en public d’une telle manière, c’était honteux. Il allait falloir bien plus qu’une bonne réputation pour que Hjalmar pardonne Gundmundr.

     « Je continue, affirma Harald. Pourquoi es-tu revenu ?
     — Normalement, je te dirais que l’idée vient de Thormund, commença Hjalmar
     — Content de voir que ma demande auprès de cet outre à vin a fonctionnée…  
     — Mais, honnêtement, ces derniers temps, je n’ai pas l’impression de pouvoir choisir le chemin que j’emprunte.
     — Les dieux te guident à ce point ? plaisanta Harald en se préparant à jeter un galet à la mer.
     — Pas les, Un en particulier. Et pas le plus commode. »

     La réponse de son frère arrêta Harald dans son mouvement pourtant assuré et il fronça des sourcils un moment. Ne souhaitant pas s’étendre sur le sujet, Hjalmar pris les devants.

     « Pour faire court, j’ai… fuis un combat que je ne pouvais pas gagner. Et l’autre m’a aidé à me sortir de cette situation, ce qui me laisse avec une dette à payer.
     — C’est, comment dire, définitivement peu commun venant de toi, s’étonna Harald en finissant son lancer qui ricocha deux fois sur la surface de l’eau salée.
     — J’avais craqué. Faut croire que ces démons avaient atteint ma limite et j’ai battu en retraite. On a connu plus glorieux comme haut-fait.
     — Et alors ? »

     La question de Harald sembla stupide à Hjalmar, mais avant qu’il ne puisse répondre, son frère était reparti à l’assaut. A la forge comme dans la vie sociale, Harald battait le fer tant qu’il était chaud, se rappela Hjalmar.

     « T’as décidé de ne pas te battre sur le terrain de l’ennemi. La belle affaire. En quoi c’est un problème ça ? Tu l’avais dit toi-même, le combat était impossible à gagner. Tu t’es donc retiré. Tu n’as pas fui en pleurant pour ta vie et en lâchant tes armes, si ? » – Un simple coup d’œil confirma que non – « Voilà. T’as fait ça pour rester en vie, combattre un jour de plus et leur rendre la monnaie de leur pièce en leur enfonçant la bourse qui va avec dans le gosier. J’vois pas le problème. »

     Le problème, se dit alors Hjalmar, était qu’il aurait dû mourir là-bas. Il avait manqué son occasion de sortir en beauté et il l’avait payé chèrement. Tellement d’ailleurs que les portes des grandes halles de ses ancêtres devaient lui être fermés maintenant. Ce qui fait que ces derniers mois, il ne valait pas mieux qu’un spectre errant sans but. Un être qui ne devrait pas être là et qui n’avait nulle part où aller… Enfin, presque. Malal – qui d’autre – lui avait donné un objectif pas plus tard qu’aujourd’hui. Mais celui-là, il s’en serait bien passé.

     Fallait qu’il se change les idées, se dit-il.

     « Eh, lâcha Hjalmar après quelques secondes. Ça en faisait un paquet de questions, là.
     — Hm ? Ah, oui, jäkla… Eh bien vas-y, envoie.
     — D’accord… L’oracle, elle est jeune, trop jeune, pourquoi ?
     — Elle a montré un talent pour la divination dès son plus jeune âge. Mais son maître est mort il y a un an, ou disparu, on ne sait jamais avec les intermédiaires des dieux. Après ça, Gundmundr, qui se trouve être son père, l’a presque prise sous son aile pour ainsi dire et lui a fait reprendre le rôle de l’oracle. Je n’en sais pas plus.
     — Pour ainsi dire, mon œil… grommela Hjalmar.
     — Hmm ?
     — Non, rien !... J’aurais juste une dernière question. »

     Cette fois, Hjalmar se tourna complètement et se plaça en face de son frère, le regardant droit dans les yeux.

     « En cinq jours, tu penses pouvoir retaper mon équipement et me forger une arme ?
     — Là, répondit le forgeron en souriant à pleines dents sous la broussaille dorée qui lui servait de barbe. Là, tu me poses une question qui me plaît, p’ti frère. »

     Tandis que les deux frères se plongeaient dans les préparatifs, ils ne remarquèrent pas la forme qui les fixait depuis l’angle d’un bâtiment non loin. Ou plutôt, qui fixait Hjalmar. Mais, là encore, l’intéressé ne le vit pas.

     Quelques minutes de débat sur la faisabilité de la chose plus tard, Harald se releva tranquillement en époussetant son pantalon.

     « Bien, ‘me semble que ça règle la question ! Varki devra sûrement m’aider un peu à la forge, mais ça devrait pouvoir se faire. En fait, j’ai même quelques idées qui devraient te plaire, mais je garde ça pour plus tard.
     — Merci.
     — Ne me remercie pas encore, attends d’abord d’avoir le produit fini entre les mains. Mère ne t’a donc rien appris des bases du commerce ? »

     En se rappelant desdites leçons interminables, un rire franc s’échappa de la gorge des deux frères qui se quittèrent là. Harald repartant vers la fête, même s’il n’était pas un grand buveur, et Hjalmar qui se tenait au bord de la mer, l’air pensif. Après quelques minutes supplémentaires, le norse se dit finalement qu’il devrait laisser une chance de plus à cette festivité. Qui savait, peut-être arriverait-il enfin à s’amuser un peu maintenant ?

     Mais alors qu’il se levait, il aperçut la crête orangée de Varki dodeliner vers une des portes du village côtier. Le tueur lança un salut silencieux au garde en poste qui le lui rendit à moitié avant de lui ouvrir le portail. Le nain ne se fit pas prier et s’engouffra dans la nuit en dégainant sa hache rustique. En fin de compte, Varki restait un tueur nain.

     Hjalmar le regarda donc partir bille-en-tête vers la forêt au nord du village. Il ne doutait pas que s’il tendait l’oreille encore quelques instants de plus, il allait commencer à entendre une série de cris bestiaux et divers râles d’agonies. Les tueurs avaient une sacrée réputation, même chez les nordiques. Et de sa propre expérience, Hjalmar savait qu’elle se vérifiait toujours. Tout en se dirigeant vers la grande halle d’un pas chaloupé, le norse sourit brièvement. En un sens, il était presque jaloux du nain.

     Mais Hjalmar n’eut pas le temps de continuer sa réflexion, puisqu’en arrivant en vue des portes de la halle, une forme svelte se plaça subitement devant lui. De ce qu’il apercevait à la lueur d’un feu non loin, c’était une femme aux cheveux châtains tressés et portant une simple tunique réhaussée d’une cape courte en laine. Son regard furibond, en revanche, brillait presque dans la pénombre. Ce fut quand elle pointa un doigt accusateur en direction de Hjalmar que ce dernier reconnut enfin sa sœur.

     « Tu es la honte de notre famille », énonça-t-elle abruptement.

     Au vu de la buée qui se formait autour de ses lèvres, elle était soit éreintée, soit vraiment remontée. Mais, étant quelque peu éméché, le baroudeur ne réalisa pas le sens du message et se contenta d’être à nouveau surpris par la voix de la damoiselle norse. Il avait du mal à se faire au fait qu’elle soit si grave et féminine à la fois. C’était comme si on avait pris le grondement d’une louve pour y ajouter une touche de velours, ça arrondissait les bords tout en restant menaçant.

     « Content de t’voir aussi petite sœur », répondit ensuite Hjalmar sans plus y penser.

     Après quelques clignements d’yeux, un soupir assez proche du grognement fut émis par Svaný avant qu’elle ne reprenne.

     « Ne m’appelle pas…Tu devrais prendre ton sort un peu plus au sérieux, car, au cas où tu aurais oublié nos coutumes, il s’agit de celui de ta famille ! Je t’ai observé depuis ton arrivée. On t’accuse de tous les maux, on te questionne, on te force à aller accomplir un haut-fait et pourtant, tu agis comme si tout allait pour le mieux. Es-tu à ce point inconscient des enjeux qui te concernent ? Qui nous concernent ? »

     Hjalmar fut tenté de répondre qu’il savait très bien dans quoi il était embarqué et que c’était pour cela qu’il avait bu sans réfléchir. Mais en fin de compte, il ne savait pas comment le formuler devant cette femme plus petite que lui qui, avant tout, était de son sang. Surtout parce qu’en cet instant, il avait bien plus envie d’apprendre à la connaître en lui posant des questions sur ses activités journalières que de lui expliquer pourquoi sa vie était partie à vau-l’eau.

     De son côté en revanche, Svaný semblait s’excéder à grande vitesse devant le mutisme de son frère récemment arrivé. Puis subitement, comme résignée, elle baissa enfin sa main, la passa sur son visage, leva les yeux au ciel et rebraqua son regard désabusé sur Hjalmar.

     « Par Frida, Je ne sais même plus quoi te dire, Oksilden, si ce n’est te souhaiter une mort rapide sous le regard des dieux. »

     Et sur cette invective froide, Svaný tourna les talons et repartit vers la maison longue où elle habitait avec Harald, Ruthgerd et tant d’autres. L’espace vital n’était pas une priorité en Norsca.

     « Que les dieux s’occupent de leurs propres affaires, s’exclama alors Hjalmar. Mais pour la mort rapide, c’est prévu. » – Aussitôt, Svaný s’arrêta d’avancer et resta là, dos à son frère. – « Et si tu n’as réellement plus rien à me dire, eh bien… D’accord. Mais je reste content de t’avoir connu peti… Svaný. »

     Malgré son état éméché, le baroudeur avait remarqué qu’en l’appelant sa sœur, Svaný s’était sensiblement énervée. Alors autant ne pas la titiller encore plus sur ce point. Et ce détail fut apparemment remarqué, car la jeune norse jeta un bref regard, que Hjalmar imagina intrigué, par-dessus son épaule avant de reprendre sa marche déterminée.

     Le nordique la regarda partir sans piper mot. Qu’aurait-il pu faire d’autre de toute manière ? Surtout dans son état actuel. Il resta alors là, pendant plus d’une minute, à l’observer, parce qu’il n’était maintenant même plus sûr de réussir à la revoir avant son départ. Ce ne fut que quand elle disparut de son champ de vision que le norse laissa échapper un long soupir plaintif. Définitivement, il était toujours aussi mauvais pour entretenir des relations sociales.

     Reprenant son chemin à son tour, Hjalmar s’approcha de la halle, un air légèrement maussade sur le visage. Or, en ouvrant les portes, il s’aperçut qu’une petite rixe avait commencée. Habituel en Norsca. Quelques exclamations montèrent quand on l’aperçut à la porte et on l’invita même à montrer si, oui ou non, il était bel et bien équipé d’organes reproducteurs en se joignant aux festivités. L’humour norse ne volait jamais très haut.

     Au vu de leurs regards aussi hagards qu’alcoolisés, il aurait pu être n’importe qui d’autre que la remarque aurait fusé quand même, ce n’était d’ailleurs pas plus mal. Un petit tonneau de liqueur était en jeu, et cela suffit à convaincre le norse de s’essayer à la chose. Ainsi, quelques craquements de mains plus tard, Hjalmar sautait dans la mêlée.

     Il pouvait au moins essayer de s’amuser à sa propre fête, non ? Ou au moins tenter d’oublier momentanément.
La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] 1530265707-separation


Dernière édition par Hjalmar Oksilden le Sam 23 Mar 2019 - 16:52, édité 2 fois

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La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] Empty Re: La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version]

Sam 23 Mar 2019 - 2:32
Toujours aussi agréable à lire Cool. On en apprends plus sur les relations entre Hjalmar et sa famille (et lui aussi d'ailleurs lol ). La relation qu'il a avec Harald est très plaisante. On sent une réelle complicité, et un amour fraternel puissant. Pour Hjalmar qui en a bavé pendant longtemps, ça doit faire du bien.

Concernant Svaný, c'est plus compliqué. Je sais pourtant que Hjalmar n'est pas bavard, mais là, à rester dans le mutisme alors qu'il vient d'être accusé, à tort, d'être la honte de sa famille, j'étais surpris de le voir réagir comme ça. Mais sans doutes est-il moins volubile que moi Innocent . Hjalmar a l'air d'essayer de gagner le respect de sa sœur sans lui rentrer dedans, et ça force le respect pour un mec qui, pour les autres, n'hésite pas à y aller à grand coup d'insultes.

J'ai une petite question, qui est très proche d'une que j'ai déjà posé cependant : à quel moment Hjalmar a été sauvé par Malal ? Est-ce le fameux moment que l'on n'a pas encore vu qui date du récit précédent ?


Ah et j'ai repéré quelques coquilles :

Spoiler:

Spoiler:

Et on veut la suite. Diantre, palsambleu, ventresaindiou.

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Livre d'armée V8 : 8V/2N/3D

Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

Le lien vers mon second récit : la geste de Wilhelm Kruger tome 1
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Sam 23 Mar 2019 - 16:51
Arcanide Valtek a écrit:Concernant Svaný, c'est plus compliqué. Je sais pourtant que Hjalmar n'est pas bavard, mais là, à rester dans le mutisme alors qu'il vient d'être accusé, à tort, d'être la honte de sa famille, j'étais surpris de le voir réagir comme ça. Mais sans doutes est-il moins volubile que moi Innocent . Hjalmar a l'air d'essayer de gagner le respect de sa sœur sans lui rentrer dedans, et ça force le respect pour un mec qui, pour les autres, n'hésite pas à y aller à grand coup d'insultes.
Eh bien, c'est un bon résumé Mr. Green A l'écriture de la scène avec Svaný, les interactions sont venues toutes seules, sans trop y réfléchir. Et c'est probablement comme ça que Hjalmar a considéré la chose lui aussi.

Arcanide Valtek a écrit:J'ai une petite question, qui est très proche d'une que j'ai déjà posé cependant : à quel moment Hjalmar a été sauvé par Malal ? Est-ce le fameux moment que l'on n'a pas encore vu qui date du récit précédent ?
Si tu te souviens du passage sur le knarr avec l'intervention dudit Malal, il a mentionné que le retour de Hjalmar dans le Vieux Monde (et plus précisément à Talabheim) était de son fait. La scène et le passage dans le chaos ayant été mis en ellipse, rien de plus n'a été dit sur le sujet.

Depuis les coulisses, j'essaie de lentement mais surement faire avancer le plan de Malal sans en dévoiler trop d'un coup et forcément ça prend du temps et ça titille la curiosité. Après tout, le Dieu du Chaos est un cachotier... Sauf que bon, là ça va faire le troisième tome qu'il est là et qu'il n'a pas encore fait grand chose directement. On se croirait avec Thanos dans le fond. Donc, vous pouvez me croire, je suis impatient aussi de passer la deuxième avec ce méchant-là Devil

Allez, rajoutons un petit artwork sympa pour faire patienter :
Spoiler:

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Lun 8 Avr 2019 - 0:42
Après avoir essuyé les gouttes d’eau qui s’étaient accumulées dans sa barbe à cause de la rosée du matin – une sensation absolument détestable s’il en était –

vécu? Sourire

son frère lui envoya un crochet du droit avec un poing qui semblait fait pour battre le fer à main nues
salutation norsque Clap
un pays de culture et de traditions Sourire

Décidément, rattraper ce retard dans vos textes est une superbe idée! J'adore ce que je lis! Tu es au moins aussi à l'aise pour décrire ces villages nordiques que les cavernes skavens!

Le suite!

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Lun 8 Avr 2019 - 0:53
Bah tu peux remercier notre elfe des bois parce que j'avais lu tes précédentes parties, sans les commenter Sourire

De manière générale, j'ai tout autant aimé que celles d'avant. C'est bien raconté, bien décrit, etc... J'ai une affection pour le dernier chapitre où Hjalmar a une vie un peu plus "normale" (oui, je mets bien des guillemets) au sens où il retourne dans un endroit où il y a un train-train quotidien Smile

Bref, vivement la suite, peu importe quand elle arrive Smile

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Mer 26 Juin 2019 - 20:37
Je dirai même plus : par la sainte culotte de Grungni, la suite !

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Dim 7 Juil 2019 - 13:22
Cette prose ! Clap
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La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] Empty Re: La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version]

Mer 10 Juil 2019 - 22:10
Tout d'abord, merci pour vos retours Sourire


Ethgri a écrit:
Après avoir essuyé les gouttes d’eau qui s’étaient accumulées dans sa barbe à cause de la rosée du matin – une sensation absolument détestable s’il en était –
vécu? La Saga d'Oksilden : Neige Anthracite [Ancienne version] 1biggrin
Si tu savais à quel point cela est frustrant.

Comme toujours, le récit rame dans la panade la plus dense que je connaisse et quelques réécritures sont encore en cours... Mais bon, un jour ce scénario fera peut-être du sens  Fou



En tout cas, voici donc la suite !

***



      Les quelques jours qui précédèrent le départ passèrent en coup de vent. En grande partie parce que la fatigue accumulée depuis tout ce temps avait rattrapé le baroudeur qui s’était donc retrouvé à dormir plusieurs jours d’affilée.

      Durant ses rares moments de lucidité, Hjalmar avait vaguement aidé Harald à la forge en lui coupant du petit bois, la plupart partant directement dans les réserves pour le reste de l’hiver. Une activité peu palpitante, mais ce n’était pas comme s’il pouvait faire autre chose dans ce petit village avant qu’on l’autorise à en sortir. Où qu’il aille, il se sentait épié par les autres villageois – être un paria doublé d’une légende encore vivante n’étant pas de tout repos. Ainsi, il était souvent resté dans la demeure familiale, tentant de retrouver des forces entre deux cauchemars avant le jour fatidique. La liqueur gagnée lors de la fête aidait un peu, enfin il croyait.

      Lorsqu’il en trouvait le temps, il avait aussi discuté avec Harald de ce qui avait bien pu se passer durant son séjour prolongé à l’étranger. Ce fut souvent des banalités, la vie de tous les jours dans un village norse, comment leur mère avait vécu son départ, l’arrivée de Svaný dans la famille, etc… Cependant, Hjalmar s’y retrouvait et ce même si l’exercice était inhabituel pour lui depuis fort longtemps. Certes, il n’allait pas rattraper ces vingt dernières années, mais la moindre miette de vie normale méritait d’être considérée. Et il se contenta largement de ça.

      Par exemple, Hjalmar avait appris que depuis son départ la politique du clan avait sensiblement évolué. Il y avait moins de vingt ans, le Haut-Roi Erik Hache-Rouge était mort en raid contre les elfes des mers, peu de temps après son propre départ. Sans surprise, la Norsca s’était alors plongée dans un merdier sans nom en absence de « dirigeant » unissant tous les clans. Rien que les Bjornling avaient changé trois fois de rois au cours des huit dernières années. Le dernier en date était mort sans héritier et sa femme, Ingibjorg, assurait la régence en attendant qu’un prétendant au trône soit élu, par la force ou non. C’était d’ailleurs aussi pour cela que les raids Graelings s’étaient renforcés. Ils profitaient de la situation de faiblesse du clan. Même si, ces derniers temps, ils se montraient étrangement absents d’après Harald. Seules quelques rumeurs éparses persistaient à propos d’un seigneur chaotique au nord-est qui rassemblerait des troupes en masse. Et cela aussi était peu rassurant aux yeux du forgeron.

      Pour en revenir à la forge, quand il passait pour s’occuper, Hjalmar y avait aperçu le tueur par moment. Outils en mains, Varki aidait le forgeron dans diverses tâches avant de repartir aussitôt vers la forêt environnante dès qu’il avait un moment de libre. Hjalmar supposa que le nain était peut-être un ancien artisan. En tout cas, il n’arriva jamais à trouver un instant pour poser la question au tueur.

      Svaný, de son côté, avait soigneusement évité son frère. Cloitrée dans la stofa à longueur de journée ou disparaissant purement et simplement, elle ne lui avait accordé qu’une série de regards lointains. Mais ils n’étaient pas méprisants, simplement curieux. Ainsi, sans qu’il ne comprenne pourquoi, Hjalmar avait vu sa sœur mettre de côté l’animosité qu’elle lui avait accordée pour adopter une passivité assez déconcertante. Et quand il demanda à Harald une explication, le forgeron lui répondit dans un haussement d’épaules qu’il ne la comprenait pas plus. D’après ce dernier, elle avait toujours été aussi fièrement solitaire que peu loquace.

      Quant au reste de la population, ils restèrent fidèles à leurs racines norses en continuant à vivre leur routine sans paraître plus agité que cela par le retour d’un héros local. Oh, on voyait bien naître momentanément dans leur regard une petite étincelle – de quoi il n’en savait rien – quand ils croisaient le regard de l’Oksilden. Mais elle restait cachée derrière l’apparente froideur des hommes et des femmes du Nord. Être expressif ne vous maintenait pas en vie dans ces contrées septentrionales et ils n’allaient pas commencer maintenant.

      Enfin, le jour fatidique arriva. Enfin, jour, plutôt crépuscule à vrai dire. Déjà que la période d’ensoleillement s’était raccourcie à vue d’œil vu que le soleil ne montait jamais bien haut dans le Nord. Ainsi, ce fut sous la même sempiternelle lueur orangée qu’Iskvard s’éveilla.

      Hjalmar l’entendait bien depuis l’intérieur de la maison longue où sa famille l’avait hébergé. On bougeait plus que d’habitude à l’extérieur. Harald était déjà parti à sa forge et Svaný, les ancêtres savaient où. Or ce n’était pas cela qui allait le forcer à se dépêcher. Qu’il parte maintenant ou plus tard, le gros du voyage se ferait à la lueur des deux lunes de toute manière.

     Surtout que là, tout de suite, il voulait un peu de temps pour lui. Il en avait grandement besoin même.

      Le norse se tenait alors dans une petite pièce adjacente à la halle principale, devant la grande cuve qui servait de bain durant la période hivernale. Il venait d’en prendre un justement – malgré ses réticences, Harald a dû se montrer catégorique. Pour autant qu’il s’en souvenait, sa dernière ablution complète devait dater de son séjour dans un village du Talabecland. Ainsi, un peu de toilette ne lui avait pas fait de mal – même si enlever sa vieille tunique en lin s’était révélé proche de la torture tellement elle s’était presque greffée à sa peau depuis le temps.

      Mais, à peine sorti, ses mains trempées s’étaient agrippées au bord pour ne plus en décrocher. Et, pendant plusieurs minutes, Hjalmar s’était tenu là, penché sur la surface de l’eau à peine troublée, y observant son corps découvert et encore dégoulinant d’eau d’un air pensif, comme bloqué. Tout cela parce qu’il avait vu son reflet.

      Durant toutes ces années, il n’avait jamais vraiment eu l’occasion de se regarder. De voir directement l’effet du temps, des combats et des voyages sur son corps. Après tout, quand on n’enlevait quasiment jamais son armure et qu’on n’avait pas les moyens de se payer un miroir ou un bain, eh bien, on faisait sans. On ignorait les rares indices que l’on ne voyait qu’à moitié, au loin, dans le plat d’une lame ou au bord d’un lac. Ce qui fait que quand Hjalmar avait enfin aperçu ledit reflet dans l’eau après en être sorti, il avait eu comme qui dirait un choc. Comme lorsqu’il fallait que l’on voie son propre sang couler pour réaliser que l’on était blessé depuis tout ce temps.

      Difficilement, la main gauche du baroudeur arriva enfin à desserrer sa prise pour parcourir les crevasses qui parsemaient le champ de bataille qu’étaient ses côtes. Il était maigre. Certains diraient noueux ou svelte, mais pour lui qui s’était vu avant, il était cadavérique. La faute à un régime alimentaire aléatoire et surtout absent dira-t-on. D’accord, il restait plutôt imposant, même selon les standards norses, et il avait recommencé à manger normalement ces derniers jours, mais là… Les cicatrices, elles, ne le gênaient pas en revanche. Celles-ci, il s’y attendait. En fait, il pensait que ce serait bien pire, mais bon.

      Là où il coinçait vraiment en revanche, c’était son visage. Par ses ancêtres, sa trogne et la barbe hirsute qui l’encadrait ! Ses traits étaient tirés, sa chevelure sauvage, son regard hagard et ses joues creusés comme des flancs de montagnes érodés. Finalement, sa comparaison avec un spectre n’était pas si faussée que ça. En cherchant bien, il retrouvait encore dans ce cimetière le Hjalmar d’autrefois, le jovial, le bien-portant malgré son train de vie absurde. Mais là, c’était comme si le poids de toutes ses conneries d’antan lui était retombé sur le dos et les paupières d’un seul coup.

      Le norse releva brusquement la tête et ferma les yeux. Par réflexe, il passa ses mains sur son visage, mais le fait de toucher ce qu’il venait de découvrir le dégouta presque.
Ce fut alors que Hjalmar s’imposa un mot d’ordre : plus jamais ça.

      Alors, après une petite minute passée à respirer calmement, Hjalmar partit chercher sans tarder un pantalon et une tunique de lin que son frère lui avait prêté et des ciseaux de force. Se replaçant au-dessus de l’eau une fois habillé, Hjalmar poussa un soupir en contemplant à nouveau le carnage, mais il fit avec. Parce que cette fois-ci, il allait régler ce problème comme tous les autres : en le combattant. Hjalmar pris donc les ciseaux et commença à couper. Poils de barbes et cheveux tombèrent à l’unisson dans l’eau, disloquant doucement la vision disgracieuse. La bataille fut courte et brutale, mais à la fin, le norse obtint sa victoire : Sa barbe avait été réduite de moitié et ses cheveux avaient repris forme humaine. En somme, il avait presque retrouvé son aspect d’avant son exil, avec quelques kilos de moins et des cicatrices en plus. Cela pouvait avoir l’air anodin, après tout son corps restait le même débris cabossé, mais, pour le nordique, ce changement d’apparence était important car symbolique.

      Il voulait prendre un nouveau départ, reprendre sa vie en main. Il ne voulait plus ressembler à la chose passive qu’il était en entrant dans cette pièce. Il voulait redevenir… Être Hjalmar Oksilden. Hjalmar Objarsson, ce serait pour plus tard. Il fallait faire les choses dans l’ordre.

      Certes, la méthode était idiote et hâtive. Cela Hjalmar le savait bien. Une nouvelle coupe n’allait pas résoudre ses problèmes de pactes démoniaques du jour au lendemain. Mais si elle pouvait être la première décision d’une longue série de choix personnels qui pouvaient l’amener à façonner son propre destin… Alors il allait descendre ce chemin avec une ardeur abominable. Puis, Hjalmar Oksilden se regarda à nouveau dans l’eau. Il n’y vit plus son reflet, uniquement de la détermination. Maintenant, il était prêt. Ou du moins il pensait l’être, ce qui était déjà plus que suffisant.

      Après un long soupir, le norse se prépara donc à partir de la salle pour rejoindre son frère à la forge. Il avait hâte de voir ce qu’il avait bien pu lui prép…

      *bloup*

      Le son moite surprit le nordique qui en chercha aussitôt l’origine. A part des bruits presque inaudibles à l’extérieur, il avait été seul avec le silence jusqu’ici. Ainsi, remarquer l’objet qui venait d’apparaître au centre du bassin rempli d’eau ne lui pris pas longtemps.

      C’était une petite fiole de verre. Rien de bien ouvragé à première vue, un bête tube à peine plus grand qu’un pouce et avec un bouchon refermable en métal au bout. Un tube sortit d’absolument nulle part qui flottait posément en plein centre du bain.

      Convaincu de ne pas avoir emmené de tel objet avec lui pour sa toilette – en plus de ne l’avoir jamais vu – la curiosité du nordique pris alors le pas sur le reste et il approcha sa main de la fiole. Quand il fut à quelque centimètres seulement, sa prudence s’imposa et il hésita un instant. Cet objet était définitivement étrange, sa présence était impossible et donc quelque chose clochait vraiment. Puis, en se rappelant qu’il n’en était pas à sa première rencontre du genre improbable, Hjalmar roula des yeux dans ses orbites et attrapa la fiole sans ménagement.

     Amenant sa main maintenant trempée avec le petit contenant devant ses yeux pour peut-être en tirer un quelconque secret, Hjalmar remarqua un liquide transparent à l’intérieur. Le fluide inconnu était semblable à de l’eau, mais quand on regardait à travers, les couleurs disparaissaient, ne laissant derrière que des teintes grisées. Ou plutôt de noir et de blanc.

      Comme toujours, Malal était le champion de la subtilité, bougonna-t-il pour lui-même. Alors, dans un grognement tout ce qu’il y avait de plus excédé, Hjalmar jeta la fiole contre le mur le plus proche dans un geste rageur. Sauf qu’en lieu et place du fracas cristallin de verre brisé auquel il s’attendait, ce fut un nouveau *bloup* quelque peu distordu qui lui revint. Pire, sous ses yeux sidérés, la fiole s’était enfoncée dans le mur comme s’il était intangible. Le nordique cligna même des yeux plusieurs fois en croyant voir des vaguelettes se former sur la terre et le bois.

     Hjalmar s’approcha aussitôt de la paroi pour la tâtonner du bout des doigts, mais il s’agissait toujours d’un bon vieux mur en glaise séchée. Alors qu’il allait prononcer un juron maudissant les démons, le même son de goutte revint brusquement à la charge, avortant son invective. Un simple regard confirma sa crainte, la fiole était de retour au centre du bain pour le narguer. A présent irrité, Hjalmar empoigna à nouveau l’objet dissident, ouvrit le bouchon, maudit Malal une bonne vingtaine de fois et s’enfila une gorgée de ce qu’il considéra par la suite comme étant un concentré de plomb liquide mais en plus fade. A sa grande surprise, le niveau du liquide dans la fiole n’avait pas baissé…

      Certes, il aurait aussi pu laisser l’objet là et l’ignorer. Cela aurait même été le choix logique et prudent. Mais le norse était un peu sur les nerfs avec toutes les élucubrations cryptiques qu’on lui avait servi jusque-là et il avait envie d’en finir avec tout ça, alors merde. Pour une fois qu’il avait quelque chose de tangible, autant y aller.

      Quand les douleurs commencèrent, il regretta quelque peu son geste cependant. Ce fut comme si quelque chose déchirait son estomac de l’intérieur avant de remonter sa colonne vertébrale pour flanquer un grand coup de gong dans l’arrière de son crâne. Malgré ses années passées à endurer tout un tas de traitement peu enviables, celui-là le fit brièvement mettre un genou à terre, les dents serrés.

      Quand il arriva enfin à se relever, ou tituber plutôt, des ombres passèrent devant ses yeux. Son environnement devint flou, ou lointain, il ne savait plus trop. Il tenta de se mettre quelques baffes pour se réveiller, mais rien n’y fit. Ce ne fut qu’en posant son regard sur l’eau du bain, ce foutu bain qui s’était changé en abime de noirceur d’ailleurs, qu’il y vit la forme vaguement logique de Malal qui le regardait aussi.

      « Pourquoi ne suis-je pas surpris ? maugréa Hjalmar en tentant de trouver un endroit où le sol tanguait moins.
      — Et moi qui pensait avoir à te convaincre de le boire.
      — Tes arguments, tu peux te les garder. Ils m’emmerdent en général. »

      La cheville du norse fut tentée d’atteindre un angle impromptu pour la beauté du geste et envoya Hjalmar s’effondrer en arrière. Il y eu un grognement, puis un soupir et, résigné, il reprit d’un ton blasé :

      « Tu sais quoi, j’penses que j’vais rester là. Au moins je n’verrais plus ta tête. Mais vas-y, parle. Explique-moi ton grand plan foireux qui consistait à m’empoisonner avant que je ne parte faire exactement ce que tu voulais. J’vais… rester regarder les étoiles en forme de sapins en attendant.
      — Il y a des éons où je me demande si c’était une bonne idée tout cela, soupira-t-on depuis un plan différent.
      — De quoi ? Va falloir parler plus fort, j’suis un peu loin là. »

      Il y eu un bruit de vague et la forme difforme de Malal se dégagea de la surface de l’eau pour toiser le norse allongé en contrebas. Puis, l’ombre démoniaque se pencha pour saisir la fiole que Hjalmar avait laissé tomber plus tôt et se tourna vers le norse.

      « Cet objet nous servira de moyen de communication. Tu souhaites t’adresser à ma personne pour un conseil quelconque ? Une simple gorgée et tu seras exaucé. »

      Alors que Hjalmar s’apprêtait à répliquer, Malal lui fit comprendre d’un regard qu’il n’avait pas terminé.

      « Lors des conversations précédentes, j’ai répondu à tes caprices uniquement parce que je m’ennuyais. A présent, certains évènements se mettent en place et mon attention est très demandée. Donc les règles changent. Ou plutôt, je les réinstaure.
      — Mouais, si tu l’dit. Et je suppose qu’il y a un revers à chaque utilisation ?
      — Évidemment.
      — Bah bien sûr, grommela le norse. Et me dire ce que c’est… ?
      — N’a aucun intérêt. Pour moi, du moins.
      — Palpitant tout ça. Suivre une quelconque logique ça t’intéresse ?
      — Je suis le dieu du Chaos.
      — Hmm, ouais, pas faux. Bon, si tu n’as rien d’autre à ajouter, tu peux arrêter de me donner la nausée ? »

      Malal accomplit alors l’exploit d’avoir l’air surpris.

      « Tu n’as point de question sur ta mission ?
      — Parce que maintenant tu es prêt à répondre ? » s’étonna à son tour Hjalmar.

      Malal ne bougea pas, mais en cherchant un peu on pouvait deviner un acquiescement.

      « J’suis censé affronter un truc ? reprit alors Hjalmar.
      — Eh bien…
      — Notre ennemi commun ?
      — Oui aux deux questions.
      — Que je suppose être le Chaos en général et plus particulièrement les démons ?
      — Cela pose-t-il un problème ?
      — Aucun, puisque cela suppose que tu es dans le lot. »

      Un silence passa.

      « Voilà le genre de paroles que j’aime entendre. J’attends donc de te voir au travail avec impatience, Objarsson. » – puis, dans un mouvement de tête que l’on qualifiera de complexe, Malal s’approcha lentement de Hjalmar – « Sache néanmoins que s’il est possible que des démons soient sur ta route, ce n’est pas l’un d’entre eux que tu cherches.
      — Ah. Et m’indiquer directement de qui il s’agit serait trop demander ?
      — Même si j’estime grandement l’efficacité, tant que tu me résisteras, ta quête sera tout sauf simple Objarsson, mais jamais impossible. Et puis, tu sais déjà comment obtenir des réponses supplémentaires. » – Malal tapota la fiole avec ce qui devait être une griffe – « En attendant, tu en sais assez pour trouver ta cible en temps voulu. »

      Le silence fut la seule réponse que Hjalmar lui accorda. Le démon, lui, eu un léger sourire en coin qui dévoila une rangée de dents et crocs hétéroclites avant de se redresser quelque peu avec moults craquements de vertèbres disproportionnées.

      « Tu veux jouer la carte de la distance, fais comme tu le souhaites. Mais, un jour, tu réaliseras que tu n’as pas d’autre choix que de m’accepter, que je suis le seul à te donner un but. N’oublie pas que cette tâche, ce petit séjour au-delà de Tanngniost, est un paiement de dette autant qu’un test. Et je le veux concluant.
      — A jamais, j’espère », rétorqua sèchement le norse.

      Si Malal était surpris par la réponse abrupte du norse, il n’en montra rien. A la place, il éclata d’un rire abyssal avant de se résorber sur lui-même, laissant la fiole flotter dans les airs un instant à l’endroit où il venait de disparaître. Cette fois-ci, quand elle tomba au sol, elle eut un comportement normal et rebondit sèchement quelques fois avant de s’immobiliser.

     Hjalmar lui jeta un regard lourd de sens, attendit que le tournis et les douleurs disparaissent, la récupéra et sortit de la pièce. En somme, malgré le traitement peu enviable, il y avait du positif.

      Maintenant, il avait un objectif qui lui parlait un peu plus et, mieux encore, un moyen d’emmerder Malal personnellement. Ce dernier qui s’était d’ailleurs révélé, aux yeux de Hjalmar, de plus en plus à côté de la plaque… Dire qu’il avait lancé l’idée du « Chaos en ennemi commun » comme une blague. Un démon qui haït les autres démons ? Et qui pourtant lui demandait d’aller traquer et probablement tuer un être de ce monde ? Le choix était étrange pour ainsi dire, mais au vu du personnage il ne fallait pas s’attendre à grand-chose d’autre. Restait la grande question : qui ? L’avait-il déjà rencontré ? Était-ce même un membre de sa famille ? Un inconnu qui n’avait rien demandé ?

      Les possibilités étaient bien plus larges que ce que Malal voulait bien laisser croire au premier abord… Mais Hjalmar comprenait bien que tant qu’il ne serait pas allé là où le démon le voulait, il n’obtiendrait rien de plus. Alors autant se mettre en marche.


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