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Lyanden

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Textes du concours de récits millésime 2013 Empty Textes du concours de récits millésime 2013

Dim 15 Sep 2013 - 12:57
En ce jour tant attendu par quelques vivants et les milliards de milliards de morts qui ont un jour peuplé ces terres, j'annonce donc l'ouverture de ce fabuleux sujet qui aura la grandiloquence et l'insigne honneur d'accueillir comme il se doit notre prose (ou nos vers, les rimes, pas les bestioles) afin d'élire une nouvelle fois notre nouveau Comte de la Crypte.

Vous aurez donc jusqu'au 15 septembre à 13 heures pour déposer votre texte ici, puis nous procéderons aux votes d'ici là. L'absence de participation au-delà de cette limite fera que vous ne pourrez pas participer bien entendu. Il ne me reste donc plus qu'à attendre un petit peu et...

Rectification, mon texte n'étant pas encore terminé (même pas commencé à dire vrai), la date butoire est repoussée au 1er Octobre Minuit (pas une de plus. Enfin en théorie, après vu que tout le monde semble dormir même la nuit, vous pourrez peut-être pousser le vice jusqu'à 10 heures du matin, mais ça serait très osé). Après cela, nous irons gaiement voter sur un topic que je constituerai à cette occasion.

En vous souhaitant à tous bon courage, bonne inspiration et tout le bonheur du monde... C'est à vous!

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Tels que vous êtes, nous le fûmes.
Tels que nous sommes, vous le serez...
Mannfred Von Carstein
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Jeu 19 Sep 2013 - 19:34
Au dehors, le vent qui avait sévit durant deux jours entiers commençait à faiblir. La saison des pluies touchait à sa fin. Les arbres s’ébrouaient calmement dans une nuit profonde et silencieuse. Tout le hameau d’Hères s’était replié dans sa petite enceinte, laissant ses champs extérieurs livrés au regard jauni des lunes jumelles. L’averse printanière n’avait duré que l’espace de quelques heures, mais la quantité d’eau peu chaude qui s’étaient alors abattue était telle, que de jeunes et folles rivières avaient finies par remplacer les ruelles tortueuses du village.
A l’intérieur de son logis, Estéban venait de se coucher après avoir remercié ses valets qui s’étaient éclipsés laconiquement dans leurs quartiers. L’humidité imprégnait les vieilles pierres de la maison familiale. L’odeur du bois mouillé et de la mousse se faisait parfois sentir dans les pièces de l’ancienne demeure.
Des parfums familiers. Cela lui rappelait qu’il était chez lui.

Il observait la lueur de sa lanterne murale faire danser des ombres mystérieuses sur les parois de sa chambre. Pendant une poignée de secondes cette dernière lui parut alors quelque peu étrangère. Comme si tous les bruits de fonds s’étaient tu. Comme si toute présence réconfortante, qui habitait généralement cette maison, s’était subitement envolée.
Quand brusquement quelqu’un frappa à la porte.
L’intensité des coups inquiéta immédiatement le jeune seigneur. Ces servants ne revenaient que rarement l’importuner tard dans la soirée, et certainement pas en tapant aussi nerveusement.
Estéban se leva rapidement, faisant gémir son vieux sommier ; s’approcha de la porte et l’entrebâilla doucement produisant ainsi un grincement rouillé des gonds en étain.
Glissant son regard dans l’interstice, il remarqua alors la présence de son majordome lampe à la main, les cheveux mouillés, le regard visiblement paniqué.
- « Messire, pardonnez-moi. Des étrangers se présentent et demandent à vous voir. Enonça le vieil homme.
- Comment cela ?! Qui peut bien se permettre en pleine nuit … »
Il n’eut pas le temps de terminer sa phrase, que son interlocuteur lui tendit subitement une enveloppe flanquée d’un cachet. Sur la lettre : un sceau qu’il ne connaissait que trop bien. Malgré le tamponnage visiblement effectué à la hâte, le jeune nobliau n’eut aucune peine à reconnaitre les armoiries familiales : l’épée et le lion.
Estéban ouvrit la porte en grand, rabattit vivement sa toge de nuit sur lui, brisa la cira et déplia alors la mystérieuse lettre.

                                                                  2518, Capitaine Garrotiàn, à bord du Black Justice
Mon fils,
Voici longtemps que je suis parti, comme tu le sais. La perte de ta très chère mère a laissé un intolérable sillon dans mon cœur et ma chair que je n’arrive pas à refermer. Je suis hanté par ce passé. Afin de trouver la paix et régler cette injustice, il m’a donc fallu partir et te laisser seul. J’espère que tu pardonneras l’absence de ce père que tu n’as jamais eu.
Il m’a été très difficile de te faire mes adieux Estéban. Tu n’étais âgé que de quelques mois lorsque je décidai de te laisser aux bons soins de ton grand-père et de nos gens. Hélas je n’avais pas le choix. Cela fait bientôt trente ans, et malheureusement, si tu lis cette lettre, c’est que j’ai échoué dans ma quête. Il me faut donc aujourd’hui rétablir un tord : te dévoiler la véritable raison de mon départ, et t’apprendre le terrible secret de notre famille.

Il me coûte encore énormément de t’en parler ; et il aurait certainement mieux valu que je te l’explique de vive voix. Malheureusement le courage et le temps m’ont manqué pour cela.
Sache qu’après ta naissance, ta mère Lucretia, est tombée gravement malade. Malgré tous les soins apportés par les meilleurs médecins que je fis venir de tout le pays, rien ne fut efficace. C’est alors, qu’au plus fort de mon chagrin, un étranger se présenta et nous proposa ses services.
Que les dieux me pardonnent ! Je ne pouvais savoir qui était cet individu et quels malheurs il fit s’abattre sur nos pauvres maisons. Si j’avais su, Estéban.
Je laissai à ce mystérieux guérisseur l’entière liberté pour tenter de sauver Lucretia.
Il resta à son chevet pendant des nuits et des jours entiers ; cloitrés dans la chambre. Le désespoir et la peur m’envahir progressivement, jusqu’à ce qu’un soir, je découvris l’horreur de ce que sa « médication » avait donnée. Ta mère s’était littéralement transformée. Pâle et froide, elle était désormais habitée d’une âme noire et avide, comme si une entité infernale la possédait.
Le soir de ma découverte, le sinistre personnage avait disparu. Emportant une véritable petite fortune après avoir fini de violer et gangréner l’âme de ma bien-aimée. Cette nuit-là, ce ne fut cependant qu’un problème secondaire car ta mère venait de tuer plusieurs villageois pour s’abreuver de leur sang (dont celui de ta sœur ainée, Lenor, paix à son âme). Je pris la décision de raisonner Lucretia, mais rien n’y fit. Seule ma garde rapprochée, et mon sens de la défense, me permirent de me sauver de ses griffes mortelles. Elle disparut alors d’un seul coup dans les ténèbres… à présent devenue ce que l’on nomme un vampire, un noctambule, un être maudit de la nuit.
Tu comprends donc aisément, dès lors, quelle fut ma mission.
Durant ces décennies de voyage, ma quête vengeresse m’amena dans bien des contrées et à l’encontre de bien des dangers. Aujourd'hui  Je te confie cette mission, le destin de notre famille. Délivre l’âme de ta mère et trouve ce maudit sorcier.
Ma flotte t’attend au large d’Egorath. Tu feras connaissance avec Rummnir, Nax et Mercur. Ils m’ont servis tout au long de mon périple et seront plus que des lieutenants : des amis fidèles et inflexibles. Ils te donneront toutes les informations que tu attends, et les conseils qui feront de toi un homme plus valeureux et fort que je ne fus.
Puisses-tu encore me pardonner ma lâcheté et ton abandon Estéban.

Ton père qui t’aime.


Tétanisé par la terrible révélation, Estéban resta dans un premier temps figé. Ignorant la présence de son majordome, il fit alors un pas vers la vitre sombre qui donnait sur la cour intérieure. Les gouttes de pluie coulant lentement le long du vitrage ne l’empêchèrent pas de découvrir les individus qui étaient venus se présenter pour lui remettre cette lettre. Quelle ne fut pas sa surprise.
A coté d’un nain trapu et tatoué, équipée d’une sorte d’amure en cuir brun, ainsi que d’un long lézard vert-doré avachi sur son épaule, se tenait une créature que le jeune homme n’avait jamais vu, hormis sur de vieux ouvrages imagés traitant de races lointaines.
Il s’agissait d’un lion d’une taille colossale. Grand comme un char, noir comme le charbon - exceptées la pointe de ses oreilles et sa crinière, brossées d’argent - le félin était un monstre de muscles.
Comme s’ils avaient deviné qu’on les observait, les membres de cette étrange équipe levèrent de concert la tête en direction de la fenêtre. Estéban croisa alors le regard bleu cobalt du lion couleur de jais.
Ce premier contact resterait gravé à jamais dans les souvenirs du jeune homme.

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Lun 23 Sep 2013 - 16:13
"Bolauss...", par Anton Ludenhof

Wurtbad.
La capitale du Stirland. Á l’ombre des orgueilleux palais de l’aristocratie, les sinistres ruelles des quartiers alentours formaient le triste reflet de la province. Même en son sein, la funeste influence de la Sylvanie rôdait.

La grabengasse.
Seuls les imprudents ou les ambitieux pouvaient s’aventurer dans cette rue. Les quelques lanternes peinaient à faire reculer l’obscurité quasi permanente, tant les maisons à colombages s’élèvaient, formant un arc espionnant les pas de l’intrus, manquant à chaque instant de s’écrouler sur lui. Le bruit d’une bouteille jetée contre un mur, les miaulements frénétiques de chats bagarreurs, l’écho de pas traînés sur les pavés poussiéreux ; un lieu soigneusement évité.

Sauf par ceux qui y vivaient.
De l’extérieur, on pouvait entendre cette silhouette avancer. La lueur d’une bougie fuyait par les interstices des volets et les trous des murs. Lentement, cette chose habitait les murs.

Le parquet agonisait à chacun de ses mouvements, et l’homme lui disait de se taire à chaque gémissement. « Chuteuh ! » disait-il. Les quelques rats qui vivaient avec lui avaient longtemps abandonné la perspective de lui faire entendre raison. Á force de grignoter ses grimoires, ils avaient fini par comprendre que leur maître était un obsédé sans talent pour tout ce qui avait trait à la magie noire, à sa forme la plus corrompue, et la plus prometteuse. Il avait tant souffert, ce paria rejeté et méprisé, il n’aspirait plus qu’à prendre sa revanche sur tous ceux qui avaient osé s’en prendre à lui. Cet œil crevé, ce nez cassé, cette lèvre trop basse, beaucoup trop basse, qui donnait à ses empreintes la compagnie de longs filets de bave ; un regard livide, inexpressif, et qui en disait pourtant tellement sur son passé et ses intentions.

Nicolaus Bolauss était un génie, à sa façon. Cela faisait des décennies qu’il résidait à la grabengasse, et jamais il n’avait été inquiété par le moindre milicien. Ses compagnons auraient pu lui couiner que c’était sûrement dû à l’absence totale de patrouille dans le quartier, mais les rongeurs voulaient se montrer compatissants.
Oui, notre ami le Bolauss était très malin, si, si, très…

Nicolaus n’était pourtant pas discret dans ses activités. Á l’instar de ses amis au poil crasseux, il s’occupait à faire disparaître les petites choses oubliées de la ville, et de les utiliser à sa manière. Dire que c’était un chiffonnier ne serait pas lui rendre justice, et comme celle-ci n’avait jamais été de son côté, il fallait bien au moins lui accorder dans la description de son foyer. Certes, Nicolaus récupérait tout, accumulait tout, s’accaparait tout. Des bocaux brisés, des parchemins à l’utilité douteuse, des cadavres de chiens errants, des bouquins éventrés et souillés ; le tout recouvert d’une odeur permanente d’urine et d’autres miasmes. Il arrivait parfois que des objets se déplaçaient, mais il suffisait de légèrement les soulever pour que les petits insectes chapardeurs aillent se terrer dans quelques recoins ; attendant que Nicolaus ait le dos tourné pour reprendre leur larcin.

« Tu sais, Edmund… »
« Ouiiiiii ? »

Edmund était le nom donné à un canard, mort depuis des années, mais dont le corps avait été maintenu en bon état par les soins hasardeux de Nicolaus. Il lui faisait souvent la conversation, et lui redonnait même une voix, en se pinçant le nez. Ce genre d’artifice le rassurait : il n’était pas seul.
Et cela donnait un théâtre que l’auditoire caudal adorait.

« Comment tu sais ? »
« Je ne sais pas »
« Mais tu as dit « ouiiii » »
« Ouiiiii »
« Tu me laisses t’expliquer ? »
« Coin coin »
« J’ai une petite surprise pour toi… »

Entourant son cou du cadavre de l’anatidae, et attrapant lame et  lampe, Nicolaus reprit sa marche. Dans l’autre pièce, tout aussi hygiénique que la précédente, une trappe. Posant lourdement ses deux genoux sur le plancher, il manqua de peu d’y passer à travers. Il fallait dire aussi qu’un énorme trou avait déjà commencé à s’agrandir au milieu de la pièce. L’ouvrant délicatement, le regard plein de malice, il descendit les marches à quatre pattes. C’était plus rigolo.

Oui, ils avaient été très méchants. Depuis son enfance, on se moquait de lui. Il se souvenait encore et toujours de ce jour, où il récupérait sa pitance dans ce qui avait été une précédente consommation, des gamins lui avaient jeté une flasque d’alcool au visage pour le laver, avant d’y mettre le feu. C’était pour le purifier, qu’ils avaient dit. Bien que Nicolaus eut le réflexe de se glisser dans un puits, une partie de son visage avait fondu ; et il resta encore près d’un mois dans le trou, à se nourrir de cafards et autres animaux, qui étaient devenus ses amis depuis.

Et il fallait nourrir ses amis…

Arrivant en bas, il leva les yeux dans la direction de cris étouffés. Bâillonnée, une femme était attachée. Edmund l’avait trouvé, ivre, dénudée et droguée dans la rue. Elle était squelettique, à l’exception de son ventre, qui s’acharnait à conserver une forme ronde, très ronde.
C’était un cadeau deux en un…

Elle le regardait, terrorisée, incapable d’échapper aux tourments qu’il lui infligeait. Elle craignait pour sa vie, mais de son air blafard, des larmes de pus qui s’échappaient de ses yeux, elle pleurait pour son enfant.
Plus Nicolaus se rapprochait, et plus la femme s’acharnait à essayer de se libérer. Mais Edmund avait bien conseillé Nicolaus de faire des nœuds très serrés, et il l’avait bien écouté. Le savant inspecta sa créature. Oui… ses petits amis lui avaient obéi. Il avait posé un peu de miel sur la jambe de sa captive, ainsi que sur son épaule et son oreille droite. Les cafards avaient fait le reste. Oh, ils avaient grignoté.

« Tu vois… Edmund, j’ai tout fait… tout bien fait… »
« Elle est méchante elle aussi, très méchante… »
« On continue de jouer ? »
« Mets du miel sur son ventre… maintenant… »
« Oui, Edmund… d’accord Edmund… »

Nicolaus plongea ses doigts dans le pot de miel, caressa le ventre de la mère, et appuya. Encore un peu. La femme se débattait. Nicolaus appuya encore, pressa plus fort, et invita ses amis au festin.

Il se mit à rire. Enfin, c’était à lui de rigoler.

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Lun 23 Sep 2013 - 22:49
Sang et folie

 Faust se détendit en voyant la lourde porte en bois. Bientôt, pensa t'il. Plus que quelques petits pas, et il serait à même d'accomplir ce à quoi il avait œuvré depuis tant de temps. Ses doigts frôlèrent l'obstacle le séparant de sa vengeance. Du chêne , fût sa première pensée,  Trop vieux  fût la seconde. La porte explosa lors du puissant impact causé par la botte de Faust, qui dégaina son épée à deux mains sous la pluie de copeaux. Il étudia la salle, rectangulaire, grande et avec un plafond digne d'une cathédrale soutenu par d'énorme piliers de pierres. A cinquante pieds de lui se trouvait un trône tout de fer et de bronze, orné de visages torturés et suppliants. Et sur ce trône, lui. L'être jadis aimé comme un frère et maintenant haï de son cœur. Il lui fait face, un masque narquois sur le visage, écrasant de puissance.

« - Je demande réparation pour ma porte, susurra Kaal, tu pouvais simplement frapper !
-Je viens réclamer mon dû, murmura Faust.
-Ma vie ? Kaal partit dans un grand éclat de rire. Je suis déjà mort, fit il d'une voie enjouée. N'es tu toujours pas satisfait de ta condition ? Aussi fort et majestueux que les premiers !
-Nous sommes des monstres, nous ne surpassons l'homme que par la violence et la folie !
-Tu parles encore comme l'un d'entre eux ! La voix de Kaal se teintât de mépris, n'as tu donc point oublié ton passé ? Quelles pensées tiennent encore en échec mes enseignements ?
-Marguerite, parvint à dire Faust d'une voix rauque. »

 Un sourire se dessina sur les lèvres du seigneur vampire face à une telle annonce. Faust lança un regard haineux à celui qui lui avait tout pris, sa vie, sa famille, sa bien-aimée. Plus les années passaient, plus le poids du passé devenait lourd, les voix lui chuchotant sans cesse d'oublier, le rendant fou. Il rêvait encore de sa vie antérieure, de Marguerite, de ses cheveux, de sa bouche. La voix de Kaal le ramena à la réalité.

« -Marguerite, Marguerite... Une beauté parmi les hommes ! C'est seulement cette petite chose fragile qui te retient à ton passé ? Et bien soit, tu la reverras, fit il d'une voix narquoise.
-Tu mens ! Elle est morte, répliqua sourdement Faust. Tu l'as tuée, tuée depuis longtemps ! J'ai vu sa tombe de mes propres yeux !
-Mais je n'ai pas menti, elle est morte depuis longtemps... »

 Kaal se leva de son trône. Faust se mit en garde, ses sens aux aguets. Mais son ennemi se détourna pour se diriger vers un des murs, il effleura légèrement une pierre. Celle ci commença à bouger, puis une autre, et encore une autre, pour finalement aboutir à une porte où régnait l'obscurité la plus totale. La voix de Kaal résonna encore une fois de plus dans ses oreilles, murmurant un unique ordre, « vient ». Elle apparue, encore plus belle que le premier jour où il l'avait vue. Et pourtant, elle était changée. Sa peau était pâle, ses cheveux autrefois or étaient devenus argent. Différentes émotions firent place dans son esprit, le bonheur, la tristesse et enfin la colère.

« -Tu as osé !
-Celui qui se rattache à son passé est faible ! »

 Kaal attira alors Marguerite, et l'embrassa, celle ci répondit goulûment au baiser de son amant. L'éclat de haine dans les yeux de Faust laissa place à une infinie douleur. Il avait raison, pensa Faust, Marguerite était bien morte. Kaal murmura quelque chose dans l'oreille de la vampire, qui se retourna pour faire face à Faust, un éclat de joie malveillante dans les yeux. Kaal partit se rasseoir sur son trône, pendant que Marguerite regardait fixement son ancien homme. Ses yeux devinrent subitement noirs et une épée se matérialisa dans sa main droite. Sans prévenir elle se jeta sur Faust, lame au poing. Il para le coup destiné à lui percer le cœur et s'écarta de la bête qu'était devenu son amour. Il eu à peine le temps de souffler que la furie était déjà sur lui. Parades après parades, il céda du terrain à son adversaire. Les deux corps virevoltaient dans la salle , se séparant et s'embrassant comme deux amants trop longtemps séparés. Faust fini par la repousser, ils se jaugèrent du regard, trop expérimentés pour se sous estimés. Un était rongé par l'envie de sang, l'autre rongé par le désespoir. Du sang suintait de la dizaine de blessures causées par la vampire. Faust entendit Kaal applaudir le combat.

« Alors Faust, on a perdu combativité ? »

 La colère passa dans les yeux de Faust, qui eu l'envie de regarder son ennemi juré. Juste une envie. Mais parfois une envie peut suffire. Marguerite attaqua, le prenant au dépourvu. L'épée l'assaillait de toutes parts, lui causant quelques blessures en plus. Il crut entendre la voix de Kaal lui intimant de lutter. Une larme de sang coula sur sa joue. La lame de la vampire décrivit un arc de cercle visant à le décapiter. Le choc du métal contre le métal résonna dans toute la salle, les deux armes restèrent collées l'une à l'autre le temps que leurs porteurs reprennent leur souffle. Et Faust attaqua, de taille et d'estoc, en quelque seconde ce fut au tour de Marguerite de reculer . C'est la fin, pensa t'il. D'un mouvement sec, il trancha la main d'épée de son aimée et du même mouvement la transperça de son épée à deux mains. Il dégagea la lame de son corps et contempla avec horreur le sang qui en découlait. Il tomba à genoux, ses larmes de sang rejoignant la flaque vermeil qui commençait à se découler du corps de Marguerite. Des voix depuis longtemps oubliés lui martelaient le crâne. Il poussa un cri déchirant, celui d'un animal à l'agonie, il prit le corps de sa bien-aimée et resta prostré sur le sol.

« Et dans son désespoir, le faible pleura. »


Dernière édition par urosso le Mar 1 Oct 2013 - 19:40, édité 2 fois
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Textes du concours de récits millésime 2013 Empty Re: Textes du concours de récits millésime 2013

Mar 24 Sep 2013 - 11:31
Mort et Renaissance

L’homme court. La plaine déserte s’étend à l’infini devant lui. Les nuages jusqu’alors oppressants se délitent pour laisser apparaitre l’éclat obscur de Morrslieb. L’absence de sa sœur lui laisse les pleins pouvoirs sur cette nuit sans étoile.

Il court, le regard perdu à l’horizon. Regarder devant lui. Ne pas se retourner. Revenir en arrière amènerait trop de souffrances. Toujours avancer. Courir pour les oublier encore quelques instants. Fuir ses souvenirs. Laisser la ville derrière lui pour trouver le silence. Le silence qui lui permettrait peut-être de se supporter encore un peu. Mais il sait que la paix et le repos l’ont abandonné à tout jamais. Sa vie douloureuse et sa mort encore plus terrible lui empêchent cet espoir.

Il fuit. Mais ses pieds s’emmêlent et l’herbe froide l’accueille avec dureté. Il se relève lentement. Une chute parmi tant d’autres… Il sent soudain un filet de brume envahir son esprit. Son regard se remplit de désespoir et il reprend sa course. Trop tard. Ses souvenirs le rattrapent. L’emprisonnent. Flashs insupportables et visions d’horreur.


Du sang. Des pleurs lointains. Une poupée désarticulée sur le sol. Sa petite fille. Egorgée.

Il gémit. Il ferme les yeux avec le faible espoir d’effacer cette image. Mais les souvenirs en profitent pour envahir le reste de son être. Pourquoi essaye-t-il encore ? La scène continue inexorablement.

Un cri de douleur. La souffrance qui refait surface. La précipitation de la peur. La porte s’ouvre sur une scène macabre. Un râle d’agonie. Ses yeux écarquillés découvrent le corps immobile de sa femme. Ses habits déchirés pendent mollement au bout du lit. Une silhouette sur le rebord de la fenêtre. Le sourire pervers du violeur lui dévoile deux canines démesurées. La créature disparait dans la nuit.

Son esprit s’embrume. Il profite de ce bref répit pour courir encore quelques mètres. Encore quelques pas…

La porte grince sous sa main tremblante. Les lueurs vacillantes de sa torche lèchent les parois humides de la crypte. Les ténèbres résistent aux approches de la tombe. Il pose maladroitement son épée au sol. Ses bras défaillants peinent à pousser le couvercle… Vide. Le tombeau est vide. Il perçoit un mouvement derrière lui. Il se retourne et deux éclats rouges éblouissent l’obscurité.

Il aperçoit une forêt, juste devant lui. Il regarde le ciel. Sous les arbres, il pourra fuir la lueur malsaine de cette lune maudite. Et avec un peu de chance, se débarrasser des images qui l’assaillent. Mais la sylve est encore loin et le cauchemar reprend son cours…

Le réveil de la mort. L’éveil des sens. La découverte d’un nouveau monde. Un monde de noirceur et de souffrance. Sa noirceur. La souffrance des autres. Il est devenu le monstre qu’il pourchassait. Chacune de ses proies lui rappelle douloureusement sa femme, son corps froid et exsangue. Sa fille et son corps de chiffon…

La culpabilité envahit son cœur. Une larme brûlante glisse sur sa joue. Il court vers la forêt. Une idée insidieuse s’insinue en lui. Il n’y a qu’une seule solution pour faire taire ces échos… La destruction de son être. La mort définitive. Une brume enveloppe son esprit et un but se dessine. L’est. Le soleil. La paix éternelle.

Il veut dévier sa trajectoire. Une rafale de vent l'en empêche. Il reprend son équilibre et ralentit, interloqué. La brise revient jouer avec ses cheveux. Sa course devient marche. Les images refluent dans les profondeurs de son être alors que le vent s'enroule autour de sa tête pour lui chuchoter à l'oreille. Une autre solution... Une autre échappatoire... Désabusé, il la repousse. Impossible. Il n'y a que la mort pour espérer oublier. La mort et le néant. Le vent insiste. Un frisson lui parcourt l'échine alors que ses vêtements claquent furieusement. Il n'a plus rien à perdre. Plus rien à regretter. Les échos se sont tus. Pourquoi ne pas essayer ? Le soleil se lève chaque matin de toute façon. Si ce n'est pas aujourd'hui ce sera demain. Il reprend sa course. Vers la forêt, guidé par le vent. Le vent qui chasse ses pensées et détruit un à un ses souvenirs. Qui lui offre la possibilité de tout reconstruire. Dans le ciel, Morrslieb perd peu à peu son combat avec les nuages et finit par disparaitre.


Il entre dans la forêt. Sombre. Silencieuse. Accueillante. Un léger sourire apparait sur ses lèvres. Grandit. Devient rire. Puis rugissement. Le rugissement de joie d'un Varghulf libéré.


Dernière édition par Arken le Lun 30 Sep 2013 - 14:43, édité 2 fois

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Mar 24 Sep 2013 - 20:02
Rencontre nocturne

Un rapace quitta son repaire en croassant au passage du voyageur. Celui-ci guidait sa monture par la bride d'un pas tranquille. Le soleil se couchait à l'Ouest, peignant le ciel de la Bretonnie de teintes magnifiques allant de l'orange au mauve. Les champs de blé ondulaient sous la très légère brise salée et il ne tarderait pas à faire nuit.

L'homme embrassa les collines du regard. Les cultures s'étendaient à perte de vue sans le moindre signe de village, or il avait encore une longue route à parcourir. Il soupira et se retrancha sur l’arbre mort quelques mètres plus loin. Le cercle de pierres qui entourait les cendres laissait penser qu’il n’était pas le premier à faire escale sous les branches dénuées de feuilles.

Frottant sa barbe grisée, il guida son destrier dans cette direction. Grisée, destrier... il s'agissait là de mots qu'il appréciait entendre, même s'ils ne reflétaient pas vraiment la réalité. Ses cheveux secs comme de la paille étaient blancs comme neige et son cheval était bien trop âgé pour le porter... Réduit à marcher à côté de sa monture et à bringuebaler l'ensemble de ses affaires, quelle douce ironie... Cela n’arrangeait pas l'état de son genou ou de son mal de dos.

Il repensa avec nostalgie au temps où il parcourait les duchés tout en nourrissant les flammèches de son feu de camp. C'était alors un fier chevalier qui luttait avec fougue et bravoure. Il suivait son seigneur sans aucune hésitation, affrontant vents et marrées au nom de la Dame. De ce temps il ne lui restait plus que des vestiges : des articulations dévorées par l’arthrose, son épée et un pourpoint de cuir usé par le temps.

Il réchauffait un peu de gruau lorsqu'un visiteur inattendu se présenta. Celui-ci détailla en silence le vieux canasson qu'il laissait paître librement avant de se dresser face au voyageur. Du haut de son mètre trente, le visiteur offrait un curieux spectacle. Il était vêtu d'habits sommes toutes assez banals bien que ne convenant pas à un paysan. Il avait une ceinture attachée en bandoulière à laquelle était passée l'épée qui lui pendait dans le dos, presque aussi grande que lui et dont la pointe devait frôler les pâquerettes à chaque pas. Pour compléter le tout son visage était dissimulé par un masque de cuir uniforme pourvu de deux trous pour les yeux. Il resta un instant à observer l’ancien chevalier, le dévisageant sans gêne. Mais l’adulte ne s’en offusqua pas. Vu sa morphologie il s’agissait juste d’un gosse. Cependant il resta sur ses gardes. Tout enfant qu’il soit, ils étaient bien loin du plus proche village et il n’était peut-être pas seul. Le voyageur s’assura discrètement d’avoir son épée à portée de main. Même si les hivers lui pesaient, il restait un bon épéiste.

Le nouveau venu prit finalement la parole, saluant le vieil homme avec politesse. Bien qu'étonné par l'allure de l'enfant, l’ancien combattant l'invita à partager son frugal repas comme le voulait les coutumes, mais le gosse refusa. Il appuya sur le pommeau de son épée, prit soin d'incliner son arme à l'horizontale et s'assit là en tailleur. Il tendit les mains en direction du feu de camp, appréciant la chaleur des flammes vers lesquelles il tendait ses doigts fin. Ses yeux restaient dissimulés par son masque, même à travers les deux fentes pratiquées dans le cuir. Le voyageur songea qu’il ne devait pas être commode de respirer avec un tel attirail mais ne fit aucune remarque.

Le vieil homme prit le temps de tranquillement finir son repas. Un rapace hululait de temps en temps, perturbant le silence qui s'était imposé. Le gamin restait immobile à contempler le feu qui créait des jeux d'ombres sur le cuir, mais le vieil homme ne s'en inquiéta pas. Au cours de ses voyages il avait croisé une multitude d'énergumènes au moins aussi exotiques que lui. Il sorti une pipe de son sac, la bourra et fuma tranquillement en observant les étoiles.

- Mon garçon, ne serais-tu pas à ta place aux côtés de tes parents ?

L’autre garda le silence et il n’insista pas. Ils restèrent ainsi un long moment, appréciant le plaisir simple d’un feu de camp avec le ciel comme couverture. Finalement il ne s’agissait peut-être que d’un gosse errant, un jeune loup solitaire tout comme lui il y a bien des années.

- Parlez-moi de vous, déclara finalement l’enfant sans cesser de fixer les flammes, posant les mains sur ses genoux.

Il ne semblait nullement souffrir de crampes dues à sa position en tailleur, remarqua le voyageur. Il réfléchit quelques minutes, cherchant les mots adéquats.

- Je n’ai pas grand-chose à raconter bonhomme. J’étais jadis un chevalier du duché de Bastogne, où nous nous trouvons en ce moment même. Mon fidèle destrier que tu vois là était alors une vigoureuse monture, et il m’a mené au-devant de bien des batailles. Je n’étais pas un champion du Duc, mais j’eut mes heures de gloires et bien des récompenses. Il m'est arrivé de voir des elfes, de leur île lointaine et de la forêt maléfique.

Prenant le temps de bourrer sa pipe à nouveau, il continua :

- J'ai connu une belle jeune demoiselle en revenant de l'Artois. J'ignore ce qu'il est advenu d'elle. Quant à mon Seigneur la peste l'a emporté il y a bien longtemps. Mais je sais qu'il m'attends aux côtés de la Dame. Je le rejoindrais un jour, mais pas avant encore quelques années.

Le regard tourné vers les cieux, l'homme ne put retenir quelques larmes de nostalgie. Secouant la tête, il chassa ce sentiment puis prit une bonne bouffée de tabac. L’enfant attendit patiemment la suite.

- Les terres ne m’intéressaient pas. Me poser, fonder une famille, travailler la terre… Ce n’était pas pour nous, déclara-t-il en faisant référence au cheval qui broutait paisiblement non loin. Je préférais de loin la route, découvrir et redécouvrir de nouveaux paysages. Et voilà où j’en suis, termina-t-il avec un sourire.

- Battez-vous avec moi, répondit le gamin sur un ton de défi.

L’adulte fronça les sourcils, étonné. Il s'était attendu à de l'admiration - ou du dédain si le gamin ne l'avait pas cru - mais pas vraiment à cela.

- Me battre avec toi ? Allons mon garçon, m'as-tu bien regardé ? répliqua-t-il en écartant les bras. Je suis un homme à l’hiver de sa vie, plus un guerrier.

Il n'avait plus rien d'un combattant, même s'il aurait aisément collé une raclée au pauvre gosse. Toutefois quel bénéfice cela lui aurait-il apporté ? Briser la fierté d'un môme ayant dérobé l'épée de son père... Non, il était trop vieux pour ces âneries...

L'enfant l’étudia longuement de ses yeux dissimulés. Le voyageur tira une nouvelle bouffée sur sa pipe et parvint à produire un cercle de fumée qu’il souffla au-dessus des flammes.

- Vous avez probablement raison, déclara finalement le gamin d'une voix où se devinait la déception.

Décroisant enfin les jambes, il se releva et la lame traça un sillon dans la poussière. Il ne sembla pas s’en préoccuper outre-mesure. Sans prendre la peine de s’étirer il se tourna vers l’Est, observant les ténèbres. Il tournait le dos au voyageur lorsqu’il retira son masque.

- Peut-être demain aurais-je plus de chance, dit-il simplement en reprenant sa marche dans les ténèbres.

Au fond de lui, l’ancien chevalier était déçu de n’avoir pas vu son visage, mais il ne le héla pas. Il expira longuement en observant cette petite silhouette se fondre dans la nuit.

« Quel enfant étrange », songea-t-il.

Il le discerna toutefois se tourner à nouveau vers lui, et aurait juré apercevoir un reflet écarlate dans son regard. Sans doute étais-ce la fatigue…



Notre voyageur ne revit jamais l'énigmatique enfant, mais fut hanté par un étrange sentiment. Ce n’était qu’une impression, mais elle ne le lâcha pas avant bien des nuits. Le sentiment d’avoir croisé la mort. Et que celle-ci avait choisi de ne pas l’accompagner pour son dernier voyage.
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Sam 28 Sep 2013 - 15:53
Une vie de pillages

La hauteur était mon alliée… Comme à l’accoutumée, j’attendais patiemment le moment propice. Cela faisait maintenant des heures que j’observais les allées et venues des habitants de ce village du sommet avantageux de ce pin centenaire. L’horizon m’appartenait, j’avais toujours eu une fascination pour les vues panoramiques que j’avais du haut du mât de notre vaisseau et les arbres me procuraient la même sensation de sécurité et de vigilance. Je devais sûrement ressentir la même chose que ces grands aigles alliés à nos lointains cousins, l’observation attentive pour trouver une faille, le moment idéal pour fondre sur ma proie sans aucune chance pour elle de survie…

Je ne pouvais pas le nier, j’avais été entrainé pour ça. Ma vie avait été entièrement modelée pour que j’excelle dans le meurtre, le pillage et la dissimulation et j’avais étudié longuement pour parvenir à mon statut de rôdeur. Certains allaient même jusqu’à nous appeler « assassins », quel mot barbare et incohérent avec nos véritables talents ! Dans les contrées reculées de Nippon, certains humains tentaient aussi d’apprendre ces arts sombres, ils se faisaient appeler « Ninjas » mais aucun ne pouvait rivaliser avec notre race. Nous les elfes sommes indéniablement bien plus forts, vifs, intelligents… Notre longévité est aussi à notre avantage, bien qu’une fois, je sois tombé sur un homme bizarre, il était extrêmement pâle avec des canines saillantes. Cette enflure m’avait donné du fil à retordre, il se refusait à mourir comme le faisait normalement sa race sous l’effet de mes lames empoisonnées et je suis désormais persuadé qu’il s’agissait d’un vampire comme on dit par ici, une créature ni morte, ni vivante dotée d’une incroyable agilité et d’une soif de pouvoir sans bornes. Mais comme toujours, cet adversaire n’était pas à même de rivaliser avec mes capacités…

Et pourtant, j’ai souvent cherché cet ennemi implacable qui mettra fin à ces années d’exactions, me libérant enfin du poids de mes remords. Car si j’étais bien un « elfe noir » je ne revendiquais aucunement la cruauté gratuite de mon peuple, j’ai passé trop d’années sous le joug des femmes de mon clan à voir bien trop d’horreurs perpétrées au nom d’une déesse mauvaise et perfide… Souvent, je rêve de changer de vie, de trouver une terre d’accueil où le meurtre ne serait plus une institution et un loisir.

Mais je sais bien que tout cela est impossible, j’ai vraiment la tête de l’ennemi à abattre, comment pouvoir espérer la clémence de gens martyrisés par les exactions des miens ? Une fois mon butin récupéré, je fréquente les bars les plus louches pour oublier un moment ma position sans être dérangé par les voyageurs en halte… Je suis un misérable c’est certain…

Un bruit ! Je regardai en dessous de moi et vis un de ces stupides paysans qui était surement allé cueillir des champignons en toute illégalité. Ha ! Heureux de son larcin ? Mais pas pour longtemps, la fureur de notre peuple s’abattrait bientôt sur son maudit village !

Mon attention se tourna de nouveaux vers le petit hameau, les marchands dépliaient leurs stands et la garde rassurée d’une journée paisible discutait avec animation, probablement des histoires de comptoir, aucun d’eux n’avait l’air d’un guerrier endurci… Un Massacre facile une fois encore…
Je changeai d’orientation sur mon arbre pour regarder derrière moi. Il y avait là une petite crique cachée du village où mes compagnons d’armes attendaient mon signal sur le Knörr amarré. Raknar attendait mon signal perché sur la proue en forme de dragon des mers et je perçu un sourire sadique prendre forme sur ses lèvres quand je fis le signal attendu.

Il était temps pour moi d’ouvrir la voie, je délaissai mon perchoir pour rentrer discrètement dans le village. Chaque coin d’ombre me servait d’abri tandis que je cherchais des yeux les arbalétriers que j’avais vus plus tôt dans la journée. Les miliciens, même les archers avec leurs flèches à quatre faces ne seraient pas un souci pour nous mais les carreaux d’arbalètes pouvaient passer aisément nos armures de cuir à condition que le tir soit bien ajusté. Soudain, je les vis, sortant de ce qui devait être le réfectoire d’une caserne ils semblaient reprendre une ronde. En un rien de temps j’avais mon arbalète de poing en main et je leur décochais une volée de mes flèches empoisonnées. Un sans-faute. Toutes fichées dans la gorge, aucun n’avait eu le temps de crier mais c’était sans compter le villageois un peu trop alcoolisé qui passait par là… Il n’eut que le temps de hurler « Au… » avant que ma flèche ne lui traversa l’œil et du coup, le cerveau dans la lignée. Il s’en était fallu de peu… Je me dirigeai vers lui et pris la bouteille –surement de genièvre- qu’il tenait encore contre lui, une récompense bien méritée.

C’est alors que j’entendis des hurlements à l’autre bout du village. Le massacre avait commencé et je devais m’y joindre… Je couru dans la direction opposée, les miliciens me tournaient le dos en proies idéales. Je sortis mes dagues et fis un bain de sang. Des giclées écarlates et bouillonnantes réagissant sous le poison que j’utilisais m’aspergeaient peu à peu. Je détestais ça au fond, cette sensation de planter une lame dans de la chair, ce dégout face au liquide vermeil qui coulait abondamment…

« Kurtis ! KURTIS BON SANG ! LÈVE-TOI VITE ! »

J’ouvris les yeux en sursaut, les démons du passé me restant encore en tête quelques instants. J’étais sur le Knörr avec l’équipage, le navire semblait s’être arrêté et je compris ma tâche avant même que Raknar ne me l’explique.

« Tu dois nous ouvrir la voie, le signal habituel et n’attends pas autant que la dernière fois, les marchands étaient déjà partis, des vies en moins à prendre… »

Mais je ne l’entendais plus, débarqué d’un bon agile, j’arpentais déjà les abords d'un sentier qui montait au village pour trouver mon poste d’observation, cela ne prendrait donc jamais fin…

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Lun 30 Sep 2013 - 20:28
PASSE ET TRADITIONS

An 2452 du calendrier impérial à Eravan, Caledor, Ulthuan.
                                             
Un elfe marchait en rond dans une grande salle faite de marbre resté blanc malgré les millénaires passé depuis sa construction. Celui-ci était vêtu d’une longue robe rouge. Par-dessus celle-ci était enfilée une cotte de maille faite d’ithilmar pur. Enfin, il portait une armure dragon forgée comme toutes les autres dans la forge de l’Enclume de Vaul. Sur son flanc droit, un fourreau incrusté de pierres précieuses protégeait une épée qui fut forgée au temps du premier des rois phénix, Ænarion le défenseur.
C’est alors qu’un serviteur entra et lui dit respectueusement :                                            
« Votre fils Yrellian est de retour seigneur Eolaran.                                                                
_Bien. Dites-lui de venir immédiatement.                                                                                            
_Il m’a prié de vous dire que son dragon est épuisé et qu’il l’emmène se reposer avant de venir se présenter à vous.         _Cela va de soi. Ils sont le dernier vestige de notre puissance révolue. Avec nos capacités martiales bien sûr. Savez-vous s’il est venu avec la dame Yvraine ?                                                              
_Oui seigneur. Ils sont arrivés ensemble, comme convenu avec ces parents.                                                    
_Bien. Allez les attendre dans le hall. »                                                                                                            
Le serviteur sortit aussitôt, non sans saluer son maître et seigneur.

J’espère qu’ils pourront remplir la mission que j’ai reçu l’ordre de leur confier. Il en va de la survie des dragons de Caledor. Et par conséquent d’Ulthuan toute entière. Ils ont l’obligation de la réussir. Ne serait-ce que pour l’intérêt de notre royaume. Cette mission est un ordre émanant directement d’Imrik. Ils n’ont pas intérêt à le décevoir. Il y va  de l’honneur de nos familles respectives. Sans compter celui de l’ordre.

La rêverie du seigneur des lieux fut interrompue par l’arrivée des deux jeunes elfes. Ils avaient l’air d’être sortis de leur adolescence alors qu’en réalité, ils avaient déjà combattu très souvent les Naggarothi et sur les terres des Hommes. Pourtant, ils n’avaient chacun que cent ans. Après qu’ils lui eurent présenté leurs respects, il leur transmit le parchemin contenant les ordres pour la mission leur étant confié. Enfin, ils sortirent pour regagner leurs appartements respectifs.         Les deux jeunes elfes partirent au petit matin, alors que l’astre éclairant le monde venait de se lever. Ils prirent alors la direction de Lothern, capitale politique et économique de tout le royaume d’Ulthuan. Ils y arrivèrent trois jours plus tard par bateau. Après deux jours en ville à chercher un navire, ils prirent la direction du monde des Hommes.

Le voyage dura deux mois et se déroula sans incidents majeurs, hormis quelques attaques de pirates humains. Ils arrivèrent alors à la ville bretonienne nommée l’Anguille, Tor Alessi pour les Asurs. Les deux caledoriens furent remarqués dès leur descente du navire par un page du seigneur local. Ils furent invités peu après à un banquet. En traversant la ville, ils ne purent s’empêcher de penser que tout cela était beaucoup plus beau et peuplé de fiers Asurs il y a des millénaires. Les deux jeunes elfes eurent honte pour les humains habitant L’Anguille tellement leur ville était insalubre, puante et disgracieuse. Ils espéraient que l’intérieur du château était mieux que la ville qu’il défendait mais ils furent déçus. Yrellian se mit alors à méditer.
Quand je pense que c’est grâce aux Asurs et seulement grâce au sacrifice des nôtres que ces humains peuvent vivre. Ils ne nous traitent même pas avec tout le respect qui nous est dû. Il y a eu deux Rois Phénix dans ma famille. De plus, nous descendons de Caledor Dompteur de Dragons, le plus grand mage  de tous les temps. Mon sang est plus noble que celui de tous les « nobles » de ce continent. De plus, je peux battre n’importe lequel d’entre eux en combat singulier. Et peu importe l’arme utilisée. J’espère juste qu’ils ne feront pas l’affront de se vanter de leurs « exploits » guerriers. J’ai tué plus de démons et de Naggarothi que n’importe lequel d’entre eux.

Quelques heures plus tard au souper, les deux elfes étaient assis à la droite et à la gauche du maître des lieux. Heureusement pour le dernier, il servait du vin elfe très réputé. En effet, il savait qu’il ne valait pas mieux mécontenter deux hauts elfes de ce rang. C’est alors qu’un de ses serviteurs vint lui chuchoter à l’oreille qu’une armée de peaux-vertes approchait de la cité. Le seigneur se leva alors et réclama le silence de tous les convives. Il proclama alors devant l’assemblée :
« Mes seigneurs elfes, seigneurs, gentes dames, damoiseaux et damoiselles de l’éternelle Bretonnie. On vient de m’informer qu’une armée de peaux-vertes s’approche en ce moment de notre ville de L’Anguille, Tor Alessi pour les hauts elfes. Je demande donc à tous les chevaliers ici présents de se préparer aux combats. Nous partirons demain à l’aube pour les affronter dans plaine. Je demande humblement à nos alliés elfes de bien vouloir nous aider dans ces combats qui s’annoncent âpres et difficiles. Il en va de la survie de la cité. De plus, s’ils nous vainquent, ils pourront réaliser les mêmes choses funestes que Grom la Panse des Monts Brumeux.                                                                                                                                                                                            
_Nous vous accordons notre aide répondit Yrellian. Face à un péril aussi important, les elfes ne sauraient se dérober à leur devoir de protéger le monde des forces du chaos. Nous avons juré devant Asuryan de protéger ce monde. Nous serons donc des vôtres pour cette bataille. A une condition toutefois. Que vous me laissiez le commandement de l’armée.
_C’est accepté mon seigneur. Nous ne saurions nous passé de l’expérience d’un elfe qui a trois fois mon âge et dont les exploits sont allés jusqu’à l’autre bout des terres des Hommes. »                                                                                        
Puis les personnes quittèrent la grande salle pour aller se préparer chacun de son côté à la bataille qui s’annonçait pour le lendemain. Yrellian se perdit alors dans ses pensées.

L’avantage de cette alliance, même si elle ne m’enchante guère, c’est que le sang des elfes ne sera presque pas versé alors que cela permet de protéger notre terre natale. Et en plus nous protégeons le monde comme il en est notre devoir depuis la première incursion du chaos. L’inconvénient est que je ne pourrai pas leur montrer ce qu’est un Prince de Caledor au combat. Les peaux-vertes ne sont pas assez bons pour cela. Sauf peut-être leur chef qui sera meilleur que les autres. Qu’Asuryan m’accorde au moins cette faveur.

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Veuillez à ne pas insulter les Hauts Elfes, sans quoi il vous en cuira. Le risque est un démembrement très rapide suivit d'une décapitation.
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Lun 30 Sep 2013 - 21:05
PÉNITENCE

Ces quatre murs se rapprochent inexorablement chaque jour. Depuis quelques années, peut-être même des dizaines d’années. Je ne sais plus. Cette prison est à la fois ma punition et ma récompense. Je fus un homme bien et d’honneur, protecteur de ma ville et de ses habitants; et tout aussi terrible, un monstre impitoyable assoiffé de sang, un être de la nuit.

Je fus un des maîtres des Chevaliers du Loup Blanc. Je fus présent lors de l’attaque Schwarthafen par La Bête. J’ai même cru l’abattre un moment, pendant que mes hommes repoussèrent vaillamment l’armée des morts. Mais la délivrance fut courte, et ma mort inéluctable. Pourtant, quelque chose me ramena à la vie, ou devrais-je plutôt dire : la non vie. La Bête fit de moi une abomination, son « enfant » comme Elle aimait dire.
Lieutenant dans son armée, j’ai participé à de nombreux massacres : hommes, femmes, enfants, nains… Tous trépassaient sans distinction. La Bête, ce père-dans-la-mort, semblait invulnérable. Plusieurs fois tombés sous les coups de ses adversaires, il s’est relevé chaque fois pour se repaître du bétail qui tentait en vain de lui résister.
Puis vint le jour où mon père-dans-la-mort fut vaincu, en hiver 2051, lors de l’attaque d’Altdorf, en affrontant le Grand Théogoniste Wilhelm III. Ce haut fait, est une des plus grandes supercheries de l’Histoire humaine. Sigmar aurait soit disant révélé à Wilhelm le secret de l’invulnérabilité de notre maître. Cette réponse divine, n’était autre que la voix d’un de mes frères. Avide de pouvoir. Plus que quiconque.

Après Sa mort, vint le temps de la fuite. Beaucoup périrent. Les survivants se battirent pour la succession. Le plus fou d’entre tous fut « l’Elu ». Son incompétence n’avait d’égal que sa paranoïa. Je fus membre de sa garde personnelle. Il me pensait digne de confiance. Pourtant, quelque chose en moi refusait de mourir. Une part du vieux loup que j’étais. Cette partie de moi refusait de boire du sang humain, de laisser le monstre qui sommeillait en moi de laisser libre court à sa folie meurtrière. Je ne faisais partie d’aucun des 2 mondes : celui qui m’avait vu naître, et celui qui m’avait vu renaître.
Afin de m’échapper, je fis croire à ma mort, des mains même de ce fou. Ce qui me laissa la liberté d’œuvrer dans l’ombre, afin de détruire ces monstres.
Le Fou, qui se prenait pour un roi, périt à son tour, en 2121, tué par des humains et des nains.

Plus tard, j’appris que le dernier de mes frères avait pris possession du château de notre lignée. Il rassembla ses armées, convaincu de surpasser notre père-dans-la-mort. Je fus à l’origine de sa défaite. Lui et son armée se sont dirigées vers les portes d'Altdorf. Alors qu'il s voyait déjà vainqueur, le Grand Théogoniste Kurt III lança le rituel de libération, et l'armée des morts commença à tomber en poussière. Il prit la fuite avec ce qu'il restait de son ost. Lors de sa retraite à Hel Fenn, je décidai d'attaquer, lui arrachant l'anneau de notre père-dans-la-mort, ou, plus précisément, son bras. Il fut traqué et tué par des forces de l'Empire, son corps tombant dans les eaux sombres des marais.
La menace de notre lignée fut anéantie.

Je garde cet anneau depuis cette époque.
Il est mon fardeau.
Ma malédiction.
Ma pénitence.

_________________
Le silence n'est pas l'inverse du bruit, il n'en est que l'absence.

Mes différentes galeries en WIP https://www.facebook.com/pages/Warhammer-Les-galeries-de-Volsunga/393219817475502
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Lun 30 Sep 2013 - 22:36
TROLLDRENGI

Tout en se regardant dans le miroir de cuivre poli, il prononça tout bas quelques mots:

-Je suis Dasil Craggenson, Nain de la citadelle de Karak-Azul. J'ai en ce jour deux-cent vingt-sept ans.

Deux-cent vingt-sept ans d'une vie honorable, à porter un nom honorable et à défendre une citadelle honorable. Deux-cent vingt-sept ans...
Il ne pouvait se rappeler de tout, bien entendu, mais de certaines choses tout de même. Il se souvenait de la première fois où son père l'avait emmené pour travailler dans les galeries de tunnels sous la forteresse. Son Clan avait en charge la plupart des mines de ce secteur et en tirait une juste fierté. Dasil était quant à lui si fier ce jour-là qu'il avait cru que son cœur allait exploser!
Il se souvenait de son premier salaire, naturellement. Il en avait bu une bonne part et avait soigneusement enfermé le reste, comme tout autre jeune Nain aurait fait à sa place. Il savait se montrer économe, ce qui était indispensable pour garder bonne réputation et ne pas faire honte aux siens.
Faire honte aux siens...


Il emplit une petite bassine d'eau claire et entreprit de se débarbouiller soigneusement le visage.

Deux-cent vingt-sept années. Il se souvenait du jour où son père était tombé pour son Roi, lorsque les Gobelins avaient tenté de prendre Karak-Azul. Les fourbes créatures avaient creusé d'interminables tunnels mal étayés pour contourner les fortifications et avaient fini par déboucher sur une galerie du Clan. Le combat avait été âpre pour les retenir jusqu'à l'arrivée des renforts; pour chaque Grobi qui tombait, dix prenaient leur place. Beaucoup avaient rejoins les Ancêtres ce jour-là. Dasil avait peine à croire qu'il vivait toujours quand les puissants Brise-Fer avaient mis l'ennemi en déroute. Il était couvert de sang, en bonne partie le sien, et sa pioche avait fauché plus de sept des créatures. Un fait d'arme respectable pour qui n'est pas un guerrier et une rancune de plus dans le Dammaz Kron du Clan, la première qui le touchait tout particulièrement.
Son deuil avait duré près de dix ans, puis il avait laissé l'esprit de son père rejoindre Grungni pour qu'il puisse veiller sur ses descendants.

Il tendit la main pour se saisir d'une serviette et épongea son visage ainsi que sa longue barbe brune dégoulinante.
En relevant la tête, il croisa son propre regard dans la plaque de cuivre et resta quelques instants à se fixer lui-même.

Il était peu sorti de la citadelle, ce qui se passait à l'extérieur ne l'intéressait pas. Tout ce qu'il chérissait se trouvait autour de lui: un bonne paye, un travail honnête, ses semblables qui le respectaient et aussi l'autel de ses Ancêtres. Pourquoi donc irait-il courir le vaste monde? La place d'un Nain était auprès de ses frères, à se serrer les coudes et à bien faire son travail. Grungni Lui-même avait ouvert les montagnes pour que Ses fils y bâtissent leur foyer.
Et puis y il eut cet émissaire de Karak Aux Huit Pics qui vint à la citadelle pour monter une expédition de secours aux Nains qui tentaient de reprendre la place aux Grobis et qui étaient assaillis de toutes parts. Dasil se prit alors à rêver qu'il pourrait enfin rayer une rancune bien particulière de son Dammaz Kron s'il parvenait à tuer suffisamment de Peaux-Vertes. Une occasion bien tentante...
Il était resté trois jours à réfléchir avant de prendre sa décision et de préparer son paquetage.
Quand l'expédition s'était mise en marche, il était du nombre.


-Je suis Dasil Craggenson, se répéta-il, Nain de la citadelle de Karak-Azul. J'ai en ce jour deux-cent vingt-sept ans.

Il prit une lame sur la tablette de pierre et en éprouva le tranchant sur son pouce. Satisfait, il entreprit de se couper précautionneusement les cheveux.

L'expédition faisait marche sur Karak Aux Huit Pics depuis plusieurs jours quand les éclaireurs signalèrent des traces de nombreux Peaux-Vertes tout proches. Il n'était pas question de passer sans leur donner l'assaut; tout le monde le savait et personne ne proposa de passer son chemin. Dasil fut intégré dans une unité de mineurs chargée d'emprunter les anciennes galeries qui courraient partout sous les montagnes et de prendre l'ennemi à revers. Il s'enfonça dans les ténèbres à la suite de ses camarades et ils progressèrent rapidement pendant près d'une heure avant d'atteindre le point d'où ils feraient leur sortie. Les pioches se mirent à frapper la roche et bientôt ils furent prêts à se lancer à l'attaque. Ce n'est qu'une fois complètement sorti du tunnel que Dasil l'aperçut finalement. Il avait déjà croisé un humain à la citadelle et avait même vu le cadavre d'un Troll une fois; mais rien n'aurait pu le préparer à la vision d'un géant.

Ses mèches tombaient sur le sol dallé les unes après les autres, jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus qu'une longue ligne de cheveux partant du centre de son front et courant sur son crâne jusque dans sa nuque. Il se passa lentement les mains sur la tête pour en découvrir l'effet, et il fit la grimace.

Jamais il n'avait même imaginé qu'un tel être puisse exister... Bien sûr il avait écouté avec les autres les sagas qui racontaient comment les Nains avaient toujours combattu ces créatures, mais en voir une soi-même, même à bonne distance, était une toute autre expérience. Le monstre se dirigeait en titubant vers les lignes naines, balayant ses frères de sa massue disproportionnée.
Les mineurs se ruèrent sur les lignes arrières des Grobis, les prenant totalement au dépourvu. Le Nain qui menait l'unité portait une puissante foreuse à vapeur, qui faisait un travail remarquable aussi bien sous terre que sur un champ de bataille. Dans un bruit de tonnerre, la machine frappait tous les Peaux-Vertes à portée, perçant leurs armures et broyant leurs os. Dasil faisait tomber sa lourde pioche sur ses ennemis encore et encore, avec les gestes sûrs et précis de qui à passé plusieurs siècles à frapper la roche de son outil.
Puis, il vit que le géant tournait son attention sur eux. Sa grosse tête contrefaite pivota et il fixa un regard vide sur les mineurs. Puis, poussant un cri de guerre primitif, il entreprit de les rejoindre . Dasil était fou de terreur; c'était cette machine qui l'attirait ici, cette stupide machine et son bruit infernal. Il fallait qu'ils la fassent taire, et tout de suite! Il voulu parler à son supérieur, mais ils ne pu que bafouiller un incompréhensible chapelet de mots désordonnés, noyés dans le chaos général. Chaque instant qui passait faisait se rapprocher la mort, Dasil agrippa les vêtements de son frère et entreprit de le secouer aussi fort qu'il le pouvait. L'autre le repoussa d'une bourrade et continua son œuvre.

Dasil plongea un tissu dans un bol où il s'imbiba de la vive teinture orange et s'en servit pour se frictionner la crête et la barbe. Sa précieuse barbe, toujours entretenue avec soin, mais sans excès. Elle avait une belle longueur à présent et il pouvait en être fier... Avant.

C'est alors que tout bascula; sans savoir ce qu'il faisait, malade de peur, il se saisit de son arme et l'abattit violement sur son compagnon. Le Nain s'effondra et la machine se tut enfin.
Bien sûr, il était trop tard. Le géant était sur eux l'instant suivant et il massacra tout le monde. Deux mineurs seulement en réchappèrent; Dasil et un de ses cousins qui ne lui adressa pas un seul mot ni le moindre regard jusqu'à ce qu'il reprenne seul le chemin du retour.

Le Nain trempa ses doigts dans le pot de graisse de sanglier et hérissa sa crête, bien droite et orange sur sa tête rasée.
Il jeta un dernier regard au miroir de cuivre et son cœur se serra quand il se reconnut à peine.

-Je suis un Nain de deux-cent vingt-sept ans, murmura-t-il d'une voix brisée, et je ne suis plus personne.


Dernière édition par Thomov Le Poussiéreux le Mar 1 Oct 2013 - 20:35, édité 3 fois

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Textes du concours de récits millésime 2013 Empty Re: Textes du concours de récits millésime 2013

Mar 1 Oct 2013 - 0:43
« Hé le barde, rends toi utile et viens donc pousser la chansonnette ! »

Le barde. Depuis qu’il avait intégré la bande de mercenaires de Largow, ce sobriquet était devenu le nouveau nom de Hans, qui doutait même que les guerriers sachent comment il s’appelait vraiment. Et quand bien même, ça n’aurait pas changé grand-chose à sa situation, les soldats ayant pris l’habitude de le solliciter par le grade auquel il était réduit. Car telle était la règle dans la troupe des Lames Grises : être utile pour gagner sa pitance. Si la gratuité était un principe déjà peu commun en ces temps sombres, le simple fait de penser pouvoir l’appliquer à un groupe de mercenaires était révélateur de stupidité. Ou de désespoir. Et c’est le désespoir qui avait poussé Hans, un mois auparavant, à demander la protection des hommes de Largow. Le chef de la compagnie avait éclaté de rire en voyant cet avorton à peine plus épais que le fourreau de son épée quémander son aide, mais il s’était ensuite montré plus intéressé lorsque le jeune homme lui avait indiqué en bégayant qu’il savait jouer et chanter.
Depuis, il trainait sur les routes avec la cohorte, restant en retrait en cas de rixe, rejoignant le groupe à l’heure du souper pour les divertir de son talent.

« Qu’est-ce que tu fais le barde ? Dépêche-toi un peu ! »

Il mangeait toujours à l’écart des autres, avalant les maigres rations qu’on lui servait tandis que les Lames montaient le camp, puis il les rejoignait avec sa lyre afin d’accompagner leur repas. Bien que les mercenaires aient un caractère plutôt bourru et ne rataient pas une occasion de plaisanter en se moquant de sa frêle constitution, ils l’écoutaient toujours en silence et le félicitaient à chaque fois qu’ils devaient reprendre la route.
Les cris des soldats l’invectivèrent une troisième fois et il dut se résoudre à poser sa soupe pour attraper son instrument et les rejoindre près du feu. Faisant glisser ses doigts le long des cordes fines, il s’enquit :

-Fiers combattants des Lames Grises, une ballade en particulier vous siérait-elle en cette douce soirée ?

Il y eu quelques grommellements dans l’assemblée qui se concertait pour savoir ce qu’ils voulaient entendre. Largow coupa cependant court aux discussions en élevant sa voix au-dessus des autres :

-Dis-nous le barde, tu nous as jamais fait le récit de ta vie. Chante-nous donc d’où tu viens !

La demande du commandant souleva l’enthousiasme de tout le public qui hâtait Hans de leur dévoiler ses origines. Mais le visage du garçon s’était fermé. Ses souvenirs qu’il pensait fuir aux côtés des mercenaires le rattrapaient soudain. Il revoyait son village du Reikland, sa chaumière, les habitants. Son ami de toujours, Thomas, qu’il considérait comme un frère. Et qu’il avait trahi si lâchement. Il se rappelait cette funeste soirée malgré la quantité d’alcool qu’il avait avalé pour célébrer les abondantes récoltes de l’année. Il ne se souvenait que trop bien du visage d’Hélène, la si belle femme de Thomas, et son petit ventre rebondi qui couvait son fils à venir. Il entendait encore ses cris et ses pleurs, alors qu’il la tirait, la trainait vers sa maison. Il sentait à nouveau la douleur alors qu’ils chutaient tout deux devant l’entrée alors qu’elle essayait vainement de fuir, tandis qu’il lui arrachait maladroitement ses vêtements en gloussant. Il ne pourrait jamais oublier le bruit sourd que la tête de la jeune fille avait fait lorsqu’elle avait frappé la marche, ni la touche rouge qui se formait lentement sous ses cheveux, auréole sanglante et poisseuse qui s’élargissait au fur et à mesure que ses tentatives pour le repousser devenaient de moins en moins fortes. Et tandis qu’il la pénétrait, c’était la vie d’Hélène qui la quittait. Mais l’image qui ne quitterait plus jamais le barde, qui le hantait chaque nuit dans son sommeil, qui le chasserait où qu’il irait, c’était celle des yeux de Thomas lorsqu’il était venu voir si son ami allait bien et qui les avait trouvé là, avachis et à moitié nus devant la porte de la chaumière alors que Hans continuait à se perdre dans les charmes flasques d’une femme qui n’était plus. Lorsqu’il s’était rendu compte de la présence de son ami, et dans le même temps de la tâche de sang, il n’avait pensé à rien d’autre que fuir, se retournant une dernière fois pour voir Thomas tomber à genoux près du corps de sa bien-aimé.

Largow avait compris que son vœu était à l’origine du malaise du jeune barde. Se relevant tout en passant sa main gantée dans sa barbe blanche, il improvisa :

-Bah, un ptit gars comme toi doit pas avoir grand-chose à dire sur lui. Chante-nous la ballade de Sigmar plutôt.

Cette nuit-là, Hans ne dormit pas.

Ils n’avaient repris la route que depuis une petite heure quand ils subirent l’attaque. Alors qu’ils passaient près de l’orée de la forêt, l’autre groupe avait surgi de sous les frondaisons proches et les avaient chargé en hurlant. Les batailles entre troupes de mercenaires n’étaient hélas pas rares comme Largow avait expliqué au barde juste après avoir essuyé une attaque dans la journée qui avait suivi le recrutement du jeune homme. « Une manière comme une autre d’écarter la concurrence. Ce sera pas ta dernière bataille fiston ». Seulement, s’ils avaient à chaque fois réussi à s’en sortir en ne perdant que très peu d’hommes, la chance semblait avoir changé de camp. Leurs adversaires étaient supérieurs en nombre de près du double, plus lourdement armés et protégés. L’impact confirma les craintes de Hans lorsqu’une dizaine de Lames s’écroulèrent sans pouvoir se défendre. Il devait se mettre à l’abri, et prier pour que les dieux soient avec eux. Courant vers la forêt, il contourna le champ de bataille qui se couvrait un peu plus de sang et d’entrailles à chaque instant, et disparut sous le couvert des arbres.
S’enfonçant de quelques mètres dans la forêt, il se laissa tomber contre un tronc, reprenant son souffle, les yeux fermés, essayant de rassembler ses esprits et de faire le point sur la situation. Les guerriers leur avaient sauté dessus sans crier gare, prêts à se battre, comme s’ils les attendaient. Une embuscade ? Etait-ce possible ? Il sentit soudain une présence à côté de lui et ouvrit les yeux.
Il ne reconnut pas tout de suite l’homme qui se trouvait devant lui, l’épée tirée au clair sur laquelle se reflétait un timide rayon filtrant à travers les branches. Thomas avait beaucoup changé en un mois : sombre, triste, vide. Il n’avait plus rien de l’ami qu’il avait connu autrefois. Mais lorsqu’il plongea son regard dans celui du barde, ce dernier eut la certitude qu’il s’agissait bien de son frère de sang. Sa voix glaciale et mécanique n’articula que quelques mots :

-Tu n’es pas le seul à avoir pris la route Hans.

La dernière chose que vit le barde tandis que la lame s’enfonçait lentement dans son corps fut la lueur de haine dans le regard de son ancien compagnon qui exultait alors qu’il accomplissait enfin sa vengeance. Puis le néant.


Dernière édition par Lyanden le Mar 1 Oct 2013 - 9:02, édité 1 fois

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Textes du concours de récits millésime 2013 Empty Re: Textes du concours de récits millésime 2013

Mar 1 Oct 2013 - 2:51
Voici, bien qu'en retard, mon texte. "Enfin", diraient certains. Je m'excuse pour le retard, ainsi que, par avance, de sa longueur, dont j'assumerai les conséquences.



Réunion de famille



Hans passa d’un pas lent les portes du cimetière, presque à contrecœur. Personne ne l’avait reconnu dans les rues, il pourrait encore faire demi-tour et repartir, rien ne l’en empêchait. Même en passant devant son ancienne maison, personne n’avait tourné la tête sur son passage, et s’il avait cru voir quelqu’un l’épier à travers une fenêtre, il s’avéra que c’était simplement son reflet. Mais en son for intérieur il savait qu’il ne pourrait pas s’en aller tout de suite, qu’il devait y aller, au moins une fois. D’un pas plus résolu, mais encore lent, Hans s’avança dans les allées silencieuses couvertes de mousse et de fleurs séchées du cimetière de Bughenof, petite bourgade en banlieue de Nuln.

Les lueurs du crépuscule semblaient jouer avec les pierres tombales, projetant des ombres larges et sombres sur son passage, et Hans se dit qu’il allait certainement repartir à la nuit tombée. Atteignant le mausolée, il s’arrêta devant l’entrée et prit une profonde inspiration. Il avait attendu et redouté ce moment depuis de nombreuses années, et maintenant il devait trouver le courage de descendre. Il eut été certainement plus prudent de repartir tout de suite, et même de ne jamais venir, mais Hans savait qu’il devait descendre, même si le côté rationnel de sa personnalité lui criait le contraire, que cela ne lui servirait à rien. Alors, prenant une autre inspiration, il s’avança dans le petit bâtiment.

L’intérieur du Mausolée était étonnement bien tenue, aucune toile d’araignée ne s’y trouvant et des torches éclairaient efficacement les nombreux cercueils posés dans les alcôves. Hans se rapprocha de celles du fond, son rythme cardiaque augmentant peu à peu, et s’arrêta devant ce qui semblait être les tombes les plus récentes. Posant les yeux sur la plaque se trouvant juste en dessous, il lu le premier nom.

Brünhilda Falkoner

Malgré toute la préparation qu’il avait eu le temps de faire sur lui-même, Hans sentit ses entrailles se liquéfier. Il avait toujours entretenu l’espoir, faible, qu’ils aient pu s’échapper, qu’ils aient pu trouver refuge ailleurs, mais même s’il ne s’en était jamais convaincu, voir la vérité en face était comme un coup de poignard. Hans s’effondra devant l’alcôve et éclata en sanglots, ses lamentations se répercutant en écho dans le petit mausolée. Le poids du remord l’écrasait, mais il se releva faiblement pour continuer à lire cette plaque, pour en finir avec cette épreuve, cette ultime épreuve.
Les autres noms sur la plaque avaient été gravés juste en dessous du premier, et à la lecture de chacun d’eux Hans sentait son cœur s’enfoncer un peu plus dans sa poitrine.

Serguei Falkoner
Anna Falkoner

Ainsi, tous ses espoirs avaient été vains, sa famille avait donc bien été tuée ce jour là, quand il avait décidé de fuir. Hans ne put retenir un cri de désespoir, causé par la honte et le dégout de lui-même, mais la partie lucide de son cerveau lui cria que quelque chose n’allait pas.
Il manquait un nom.
Relisant la plaque, il vit qu’en effet, le nom de Sigmund, son deuxième fils, n’y figurait pas. Avait-il été emmené et tué à un autre endroit ? Ou bien alors…
Hans fut tiré de ses réflexions par un bruit sourd, qui résonna dans tout le mausolée, brisant ce silence qui avait emprunt le cimetière jusque là. Il fut incapable d’en déterminer l’origine jusqu’au moment où le bruit retentit de nouveau. Baissant les yeux, Hans sentit un frisson glacé le parcourir, et le bruit retentit une troisième fois, ne laissant aucun doute possible.
Il provenait du cercueil de Brünhilda.

Hans recula, soudain horrifié par la scène qui se déroulait devant ses yeux, le cercueil de sa femme étant maintenant secoué de tremblements. Mais alors qu’il se retournait pour sortir le plus vite possible, il s’aperçut qu’il n’était plus seul. Un homme se tenait devant l’entrée, le regardant fixement de ses yeux bleus sombres en arborant une expression de rage difficilement contenue. L’homme portait un long manteau noir qui lui descendait jusqu’aux chevilles, et portait à la ceinture une dague simple dans un fourreau sans fioriture.
« Ainsi, tu es revenu » fit l’homme, sa voix claire résonnant dans la nuit, « Je n’aurais jamais pensé que tu en aurais le courage, toi qui a si souvent fui. Mais qu’importe, je vais enfin pouvoir venger ma famille, qui est morte par ta faute ! »

Hans regarda l’individu sans comprendre, tentant de se souvenir où il avait déjà vu cet homme, à la fois si familier et complètement étranger. Celui-ci sembla s’en apercevoir, et prit un ton consterné. « Ainsi tu ne me reconnais pas, même après tant d’années je ne l’aurai pas cru. Laisses moi alors te donner un indice. » L’homme tendit son bras vers l’avant, et remonta la manche de son manteau pour révéler une longue cicatrice sur son avant-bras, manifestement due à une brûlure. Une brûlure étrangement semblable à celle qu’il avait soignée sur le bras de…
« Sigmund ! » Hans avait poussé ce cri sans même réaliser ce que cela impliquait, puis rapidement il se ressaisit et regarda son vis-à-vis sous un jour nouveau, cherchant des détails familiers. Cette touffe de cheveux bruns, ces yeux bleus, ce nez aquilin… Ces détails semblaient désormais transparaître sur l’homme vêtu de noir. Celui-ci regarda son père en plissant les yeux. « Ainsi, tu me reconnais maintenant. Mais comprends-tu donc ce que tu as fait ? Ce jour où tu as fuit, nous laissant seuls et à la merci de ces gens que tu appelais tes amis, j’ai vu de mes propres yeux Serguei se faire égorger, et les sévices qu’ils ont infligé à Anna et maman avant de les tuer se passent même de descriptions, tant cela m’a fait vomir. Je n’ai survécu que parce que je m’étais auparavant caché sous le parquet. Et chacun des hommes disait que c’était ta faute, que si tu n’avais pas fuit sans payer tes dettes tout cela ne serait pas arrivé ! »

Sigmund avait désormais les yeux emplis de larmes, et Hans ne savait pas où se mettre. Il voulait fuir, disparaître de cet endroit, effacer toute sa vie de sa mémoire, mais une étrange sensation lui interdisait de bouger. Son fils était secoué de sanglots, mais il darda soudain sur lui un regard froid.
« Tu vas payer tes crimes passés ici et maintenant, et pour que la justice soit totale tu seras puni par ceux là mêmes dont tu as causé la mort ! »
Sigmund tendit les mains, et Hans sentit soudain une énorme pression s’élever dans l’air, lui donnant envie de se recroqueviller dans un coin et de ne plus en bouger. Les battements provenant du cercueil de Brünhilda  se firent plus forts, et dans un affreux craquement le couvercle céda, retombant lourdement sur le sol. Puis la créature en sortie.
Elle n’avait plus rien d’humain, la chair en décomposition depuis plus de vingt ans se détachait par morceaux entiers sur son visage et ses bras. Elle était vêtue des lambeaux d’une robe verte, désormais souillée par les années et les moisissures, et sa tête portait encore quelques restes de sa longue chevelure blonde. Lorsqu’elle tourna la tête pour le fixer, Hans sentit son sang se glacer dans ses veines alors qu’il plongeait son regard dans les orbites vides du cadavre de sa femme, n’y voyant que le reflet de la mort.

Le zombie s’avança, lentement, titubant à chaque pas, vers lui. Hans était figé sur place, aucun de ses muscles ne voulant répondre. Brünhilda se rapprochait peu à peu, émettant des grognements gargouillés, les bras ballants le long du corps comme deux appendices privés de muscles. Puis, alors qu’elle n’était plus qu’à quelques centimètres, Hans poussa un cri d’horreur et s’enfuit à toutes jambes, dépassant Sigmund qui ne fit pas le moindre geste pour l’en empêcher, et sortit du mausolée. Au-dehors, la nuit était tombée, et une épaisse gangue de brume recouvrait le cimetière. Ne sachant plus dans quelle direction se trouvait la sortie, Hans prit un chemin au hasard, et se retrouva bientôt dans un dédale de pierres tombales toutes différentes mais sans aucun point de repère. L’éclat verdâtre de Morrslieb se reflétait partout, de sorte qu’il devenait impossible de voir plus loin qu’à trois mètres devant soi. Quelque fois le hululement d’une chouette se faisait entendre, mais à part cela aucun son ne venait troubler la quiétude de l’endroit. Courant à travers les sépultures, Hans ne pensait plus qu’à une chose : partir le plus loin possible, le plus rapidement possible. Les évènements qui venaient de se produire semblaient comme surnaturels à ses yeux, mais il n’avait pas le temps de s’y arrêter, tant l’horreur qu’ils lui avaient inspiré était intense. Tournant à gauche à la tombe suivante, Hans regarda ce qui se trouvait après et se figea sur place.
Devant lui, sombre, tranquille, se dressait le mausolée. Il était retourné à son point de départ.

« Tu ne comptes tout de même pas écourter nos retrouvailles familiales si vite ? » Fit la voix de Sigmund d’un ton moqueur, semblant provenir de derrière lui, « Je suis sûr que Serguei et Anna en serraient extrêmement déçus. » Hans se retourna, mais ne vit que la brume dans toutes les directions. Puis, un léger bruit attira son attention vers un point précis, un bruit semblable à un frottement, d’abord faible mais de plus en plus audible. Puis deux silhouettes émergèrent peu à peu de la gangue de brume, le bruit semblant venir de leur pas, lorsque les semelles de leurs chaussures raclaient contre le dallage de pierres. Ces deux silhouettes étaient étrangement petites, mais leur démarche était désormais familière à Hans, qui comprit instantanément de qui il s’agissait, et déglutit en se préparant au pire.
Il reconnut d’abord Serguei, qui arrivait le premier tel un pantin grossièrement animé, à ce qui avait jadis été sa petite figure ronde, et au fait que sa tête était étrangement penchée sur le côté, se rappelant des paroles de Sigmund. Puis derrière venait Anna, plus grande, reconnaissable seulement à sa robe à fleurs, désormais en lambeaux, et aux quelques cheveux qui restaient de la natte dont elle était si fière. À la vue de ses enfants, Hans tomba à genoux, comme pour les accueillir, mais il ne put que continuer à regarder, les yeux écarquillés, les reliquats de chairs et de peau qui restaient encore sur leur cadavre, ou leurs orbites toutes aussi vides que leur corps l’était de leur âme.

« Contemple ton œuvre, père ! » La voix de Sigmund venait de la droite à présent, de nouveau en direction du mausolée. De celui-ci en sortit le zombie de Brünhilda, avançant de la même démarche titubante, la bouche à moitié ouverte laissant entrevoir une colonie d’asticots. Derrière elle, Sigmund émergea du petit bâtiment à grandes enjambées, et considéra son père, qui ne s’était pas relevé et semblait perdre le contrôle de ses nerfs.
« Pourquoi fais-tu ça, Sigmund ? » Demanda-t-il, le corps secoué de tremblements qui rendaient ses paroles saccadées. « Pourquoi ne m’as-tu pas simplement tué dans mon sommeil, ou bien d’un coup de poignard ? »
Son fils réfléchit quelques secondes, puis prit une inspiration et commença à parler. « À la base, je me suis plongé dans la nécromancie dans l’espoir de les ressusciter complètement. L’Eglise en a interdit la pratique, mais elle condamne aussi le meurtre et cela n’a pas empêché maman, Anna et Serguei de mourir, alors je m’en moquais bien. J’ai finit par rentrer au service d’un maître en la matière, qui m’a prit en pitié, et m’a formé. Il me dit que j’ai du talent, mais je n’en ai manifestement pas assez pour ramener les morts à la vie…
Lorsque j’ai apprit que tu étais en ville, grâce à un des ‘contacts’ de mon maître, je n’en croyais pas mes oreilles. Mais tu étais bien là,  je t’ai suivi jusqu’ici, et ai décidé de te montrer ce que tu avais fait, ce qui est arrivé par ta faute !
-Sigmund je…
-Tais-toi ! » Le jeune nécromancien avait de nouveau les yeux imbibés de larmes. « À cause de toi, notre vie a été brisée, la leur comme la mienne, et ce soir tu vas en payer les conséquences ! »

Hans se rendit compte que de derrière lui s’élevaient de nouveaux bruits de frottements, bien plus nombreux, et devina que de nouveaux cadavres se dirigeaient vers eux, en grand nombre. Il leva les yeux, et rencontra successivement les regards vides des anciens membres de sa famille, et ceux, humides mais froids, de Sigmund. L’horreur de sa situation, de ses actes passés et de ce qu’il avait fait, le submergea une fois encore, mais cette fois de façon bien plus intense, et il s’effondra aux pieds de son fils.
« Tue-moi…
-Pardon ? répondit Sigmund, visiblement décontenancé par ce revirement de situation, s’étant attendu à ce que son père tente de fuir une nouvelle fois.
-Tue-moi ! » La voix de Hans était éraillée mais forte, et l’espace d’un instant Sigmund perdit toute son assurance. Devait-il exaucer son père, sachant qu’il s’agissait de ce qui l’avait obsédé ces vingt-cinq dernières années, ou bien le laisser vivre, dans le but de garantir que  le restant de sa vie sera hanté par le remord et le chagrin ? Les zombies s’étaient arrêtés, encerclant Hans autour du mausolée, manifestement stoppés par le soudain manque de volonté de Sigmund. La scène sembla se figer, les zombies arrêtés comme des pantins en suspension, Hans prostré sur le dallage de pierre, et son fils, debout devant lui, la mine surprise. Puis, d’un seul coup, tout éclata.

Une forme sombre bondit du toit du mausolée, atterrit près de l’homme à terre, et dans un éclat d’acier une lame surgit et transperça Hans de haut-en-bas, lui arrachant un hoquet de surprise alors que du sang s’écoulait déjà de sa bouche. Alors, sans un cri, il s’écroula, une flaque rouge se formant autour de lui. Le nouveau-venu retira son épée et se redressa, révélant un visage noble et pâle, encadré par deux mèches de cheveux noirs. Il rangea son arme, puis toisa Sigmund d’un air sévère.
« Ne t’avais-je pas dit de ne pas perdre le contrôle de tes émotions ? Il semble que tout cela ne se soit pas passé comme tu l’espérais… »
Sigmund s’agenouilla prestement, le visage rouge de honte et d’embarras.
« Oui maître van Orsicvun, je ferai à l’avenir attention à ne plus vous décevoir. »
L’homme au visage pâle esquissa un sourire, révélant une dentition parfaite.
« Oublions ça pour le moment. Notre besogne ici est à présent terminée, mettons-nous en route. Bien que le soleil ne se lève que dans quelques heures, nous ne devons pas perdre de temps. »
Sigmund se releva, et, après un bref regard mélancolique en direction des cadavres de sa famille, suivit son maître dans la brume. Le lendemain, lorsque le cadavre récent d’un homme fut découvert dans le cimetière, entouré d’une vingtaine d’autres plus anciens mais fraichement déterrés, les habitants de Bughenof conclurent à une dispute entre pilleurs de tombes et ré-enterrèrent de nouveau leurs morts, tout en jetant le corps du pilleur de tombes dans une fosse commune.


Dernière édition par Arcanide valtek le Mer 30 Avr 2014 - 15:44, édité 2 fois

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Livre d'armée V8 : 8V/2N/3D

Le lien vers mon premier récit : l'Histoire de Van Orsicvun

Le lien vers mon second récit : la geste de Wilhelm Kruger tome 1
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Mar 1 Oct 2013 - 16:27
Expiation


“- Je suis las de m’enfuir. Je suis vieux et fatigué. Cela fait des mois que je suis en cavale et j'en ai assez. Lointaine est l'époque où je partais en campagne des mois durant, dirigeant mon armée avec fougue. Je rentrais, puis repartais aussitôt sur un autre front. Mais ça... Allons, sors de ta cachette, veux-tu. Je sais que tu es là, je ne suis pas sénile au point de parler tout seul.
- Je vois que vous êtes toujours aussi alerte pour votre âge mais ça ne vous sauvera pas.
- Ne me dit pas que tu comptais attendre que je m'endorme dans ce campement de fortune pour  me mettre aux fers.
- C'était pourtant mon idée.
- Tu me sers depuis assez longtemps pour savoir que si tu as réussi à me retrouver, c'est que je l'ai bien voulu.
- Détrompez-vous, je vous suis depuis le début.
- Je vois. Ta rancune envers moi doit être sans limites. Je te comprends.
- Je me doutais que vous prendriez la fuite immédiatement après que j’eusse révélé les secrets que cache votre famille.
- Ce qu'a fait mon père est inacceptable. J’en suis conscient et je suis rongé par la culpabilité depuis ma plus tendre enfance.
- Cela n'excuse rien. Quelqu'un doit payer, et ce sera vous. Vous paierez les atrocités commises par votre père.
- Si tu veux bien m'écouter avant, j'ai quelque chose à dire. Toute ma vie j'ai refusé de penser à ce qu'il a fait, mais dernièrement j'ai réfléchi. Qu'aurait-il pu faire d'autre ? Laisser mourir ses sujets ? Le prix de ce pacte était certes lourd à payer, mais que sont quelques dizaines de vie perdues contre plusieurs milliers sauvées ? Finalement, mon père à opté pour le moindre mal et je le comprends maintenant, bien que je ne l'excuse pas.
- Quelques dizaines de vies ? Vous êtes loin du compte ! Les conséquences de ce pacte perdurent encore aujourd'hui et le prix à payer est de plus en plus élevé. Vous rendez-vous compte qu'à chaque génération, ce sont maintenant la moitié de nos enfants qui sont pris ? Qu'en sera-t-il après cela ? Votre père a choisi pour nous une mort lente, inéluctable et pleine de souffrances plutôt qu'une mort rapide face à cette horde d’Orcs.
- Je n'en avais jamais entendu parlé... Je ne savais pas que la malédiction persistait. Je comprends d'autant plus votre haine envers ma famille.
- Tous le monde croyait que la malchance s'était abattue sur le royaume, que les nouveau-nés étaient emportés par une quelconque maladie, mais depuis que j’ai exposé cette ignominie au grand jour le peuple vous veut mort.
- Je ne peux que me rendre devant tant de douleur. J'accepte la sentence qui m'est destinée. Rentrons. Au moins pourrais-je voir une dernière fois ma femme et mon fils.
- Je crains que cela soit impossible.
- Et pourquoi ?
- Cela m'attriste beaucoup car madame avait bon cœur, et j'appréciais beaucoup votre fils. Mais la colère de la foule était incontrôlable et ils n'y ont pas survécu...
- Quoi ? Mais ils n'avaient rien à voir avec ça ! Comment avez-vous osé !
- Votre fils devait mourir pour briser la malédiction. Malheureusement votre femme était un dommage collatéral, je regrette.
- Vous regrettez ! Mais comment avez-vous pu ? Avec tout ce que j'ai fait pour vous ! Ce que mon père a fait pour vous avant moi ! Pensez-vous que vous, le peuple, était le seul à payer le prix fort de cette malédiction ? J'ai tenté toute ma vie de racheter cette faute. Mais ce n'est jamais assez pour vous autres ! Et maintenant vous tuez ma famille innocente de sang froid ! Vous voyez, je voulais me rendre et réparer les fautes de mon père en me sacrifiant, mais je pense que je vais plutôt finir le travail que ces démons ont commencé !”

Le vieil homme dégaina son épée et l'enfonça dans la poitrine de l'autre, trop surpris pour réagir.

Il rentra dans son domaine en pleine nuit et, méthodiquement, alors que personne ne s'y attendait, il pénétra dans chaque maison, chaque ferme, chaque mansarde, chaque cabane, chaque taudis, chaque auberge et tua tout ceux qu'il trouva, emplit de haine et de dégoût envers tous ces gens qui l’avaient servi si loyalement par le passé.
Le jour se leva et il tomba finalement sur un groupe de personnes alerté par les nombreux cris qu’il laissait sur son passage. Il se débattit violemment mais le nombre eut raison de lui.
Il mourut sous les coups de bâtons, faux, piques, fourches, bêches, et autres armes improvisées. Son cadavre était étendu sur le sol, défiguré, méconnaissable, si bien que les habitants ne surent jamais qui fut ce mystérieux et ignoble boucher qui massacra tant de leurs semblables cette nuit là.


Dernière édition par Lanoar le Mar 1 Oct 2013 - 20:59, édité 2 fois
Keraad de Gespenst

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Mar 1 Oct 2013 - 18:42

Elsa

Elle ouvrit le placard, tirant la poignée légèrement de travers pour compenser le défaut du mécanisme, et en sortit une pile de bols en bois. Elle les plaça un par un, faisant lentement le tour de la table, s'appuyant parfois sur une chaise pour décharger ses jambes. Elle était vieille, si vieille... son corps décharné ne lui permettait plus ni de gambader ni de porter des charges plus importantes que ses vieux os. Le couvert mis, elle décida de sortir s'installer sous l'auvent. Une fois assise, elle irait mieux. Elle entreprit ce périple de son pas habituel, traînant comme celui d'un spectre. Elle était à peine moins pâle d'ailleurs, et pas beaucoup plus vivante. La force, l'ardeur et l'enthousiasme de la jeunesse l'avaient depuis longtemps désertée, remplacés par un paisible sentiment de satisfaction. "Après tout, pensait-elle en s'asseyant enfin sur sa chaise, j'ai accompli mon devoir. J'ai appris les manières auprès de ma mère, j'ai aidé mes frères, puis mon mari, à travailler la terre, j'ai tenu ma maison en bon ordre et j'ai élevé trois enfants. Shallya soit louée, la vieille Elsa peut mourir en paix." Quelques vieux souvenirs essayèrent bien de se frayer un chemin dans ses pensées, mais ils étaient trop incomplets pour la déranger. L'oubli était un don de la vieillesse dont elle se délectait chaque jour. Pourtant, en tournant la tête, elle vit un enfant, cet enfant dont elle rêvait si souvent. Ce petit bébé dont elle n'avait pas voulu, le fils de Jacques, il était là et il la regardait d'un air accusateur.
Puis un corbeau cria et elle sortit de sa rêverie. Elle vit une forme qui avançait d'un pas lent en direction de la maison. Hanz sans doute, d'ici elle pouvait à peine le reconnaître. Ce bambin-là était bien plus charmant, et surtout plus réel. Elle sourit, de ce sourire bienveillant que seules possèdent les grand-mères, et lui fit un petit geste de la main, avant qu'il ne disparaisse de son champ de vision, considérablement rétréci. Ici, on n'avait pas peur de laisser ses enfants gambader en liberté. Un antique sortilège protégeait les habitants de la région de tout mal, un don que leur avaient fait leurs ancêtres. Nul ne savait ce qu'ils avaient bien pu offrir pour obtenir un tel présent des dieux. Enfin, qu'importe tant que les leurs étaient aussi bien protégés. Elsa soupira d'aise, se renfonça dans le dossier de sa chaise, puis grimaça de douleur. Maudite sciatique. Ses pensées reprirent leur cours d'elles-mêmes. Trois enfants, une tripotée de petits-enfants, une ferme agrandie sans cesse et des récoltes suffisantes. Que demander de plus? Le bonheur, c'était se contenter du peu qu'on avait, et elle avait bien plus que nombre de ses connaissances. Un faible souffle de vent fit voler ses mèches blanches. Elle pensa à ses frères, tous ses cadets, tous décédés. Famille et souvenirs, que reste-t-il d'autre quand votre corps déserte? On ne pouvait choisir sa famille, mais on pouvait choisir quels souvenirs conserver, dans une certaine mesure. Sauf quand le passé décidait de refaire surface de lui-même. Et c'est précisément ce qui arriva. L'air était devenu plus frais, les animaux moins bruyants, et elle sut qu'il était là.
Alors elle se mit à parler, à évoquer de vieux souvenirs comme lorsqu'on rencontre un vieil ami, et il ne l'interrompit pas, ne manifesta même pas sa présence. Elle parla de cet enfant dont elle avait réussi à cacher l'existence jusqu'à l'accouchement. De Jacques, ce maudit. Et lui. Lui qui lui avait offert une solution, terrible mais définitive. Une vie pour une mort, son enfant contre le père. Elle avait depuis gardé, caché sous une planche, le petit bout de papier signé de son sang, où il était marqué quelque chose comme "J'offre mon enfant contre la mort de Jacques.". Jacques n'était pas de la région, il n'était pas protégé. Il était mort. La protection de l'enfant s'était envolée quand sa mère avait signé le pacte. Il avait disparu.
Elle avait alors vécu sa vie aussi vite que possible. Il faut dire qu'à l'époque elle s'attendait à mourir très jeune. Le prix du sang. Elle avait commis un crime horrible, la protection avait sûrement disparu. Lorsque lui s'en rendrait compte, il viendrait la prendre, comme il avait pris son fils. Elle avait compris que l'âme de Jacques ne valait rien, que c'était un mortel parmi d'autres. Mais l'âme d'un habitant de la région, de par la protection dont il bénéficiait, était sans doute aussi précieuse que l'or. Mais l'immortel n'avait pas vu le temps passer. Il arrivait trop tard. La jeune femme était devenue vieille, elle avait donné naissance à quantité d'enfants, protégés contre le mal, contre lui. Elle avait connu le bonheur, et si elle devait mourir maintenant, peu importait. Il avait perdu.
Elsa se tut, et se retourna. Il était bien là, toujours aussi beau, toujours aussi jeune. Et il parla, de la même voix séduisante que des années auparavant.
"Elsa très chère, je suis heureux de voir que si ton corps semble quelque peu fatigué, ton esprit, lui, a gagné en sagesse. Quelle pitié que tu aies signé ce pacte alors que tu étais jeune et naïve, tu aurais sûrement fait un choix différent aujourd'hui.
Mais malgré tout tu as oublié un détail. Tu n'as pas tué Jacques, du moins pas directement. La protection est toujours là pour toi. Tu en as douté pendant des années, mais je te le confirme: ton âme est sauve. A moins, bien sûr, que tu ne viennes te donner à moi de ton plein gré. Sur ce, je vais te laisser. Ta petite famille doit t'attendre à table. Inutile de m'inviter, je doute d'apprécier ta cuisine à sa juste valeur."

Il rit, puis s'éloigna sans rien ajouter. Le silence était toujours là, et Elsa fut prise d'un profond sentiment de malaise, sans savoir d'où il pouvait bien provenir. Elle se leva et se prépara à rejoindre les autres dans la salle à manger. J'offre mon enfant contre la mort de Jacques. Cette phrase lui tournait dans la tête. Et dire qu'elle n'était même plus sûre de la formulation exacte. Elle n'y avait pas prêté attention, jeune. Elle reprit son chemin, avançant lentement et se demandant pourquoi elle ne s'était pas encore fait une canne. En ouvrant la porte de la salle à manger, elle s'étonna soudain du silence qui régnait dans la maison. Un instant, saisie de terreur, elle se dit que le vampire les avait tous tués, et que seul serait assis cet enfant maudit qu'elle avait vendu au vampire. Mais c'était impossible, ses enfants étaient nés ici, ils étaient protégés.

Ils étaient tous là, assis à leur place autour de la grande table. Enfants et petits-enfants, la chair de sa chair, et ils la regardaient. En un instant elle fut soulagée, elle rit, elle pleura. Puis elle le vit, assis à la place d'honneur. Le bébé la fixait de ses orbites vides. Le temps avait fait autant de ravages sur son corps que sur celui de sa mère. Les autres, eux, étaient presque intacts. Presque, car ils étaient morts eux aussi, de blessures récentes qu'Elsa ne put s'empêcher de remarquer. Eux aussi la fixaient, et leurs visages, faute d'âme, n'exprimaient pas la moindre réprobation. C'eut été inutile. Leur présence et leur silence accusateur suffisaient amplement. Elsa pleurait. On appelait ça une erreur de jeunesse, pas vrai? Confondre deux mots, ne pas voir la différence, quoi de plus normal chez une jeune paysanne, illettrée et affolée? "Mais ce n'est pas pareil, pensait-elle, oh non par Sigmar, ce n'est pas pareil."

J'offre mon enfant contre la mort de Jacques.

Et lui avait tout prévu bien sûr. Les âmes de cette région avaient tant de valeur... Et en tuant un imbécile, il en gagnait non pas une, mais celles de toute une famille. Et elle, si stupide! Oh, elle n'avait plus besoin du papier à présent, elle savait ce qui y était marqué.

J'offre ma descendance contre la mort de Jacques.


Et Elsa pleura, sous le regard indifférent des zombis. Elle pleura car elle venait de tout perdre. Elle comprit alors à quel point il était bon, et à quel point il était mauvais. Il lui offrait une échappatoire, et il s'assurait de remporter la mise. Elle décida de se donner à lui, et de rejoindre les siens.

_________________
La mort est dans la vie la vie aidant la mort
La vie est dans la mort la mort aidant la vie.


historique: https://whcv.forumactif.com/recits-fanfics-et-fanart-f10/le-vampire-de-gespenst-t2742.htm
photos: https://whcv.forumactif.com/galeries-des-membres-f23/galerie-de-keraad-t2854.htm
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Mer 2 Oct 2013 - 5:22
Ori Throndinson dormait mal ces dernières nuits.
Pour autant qu’il s’en souvienne, il avait toujours fait ce même rêve, à intervalles plus ou moins réguliers. Mais cette fois, il était proprement habité par lui, possédé par ses horribles visions avec une précision terrifiante. Depuis quelques nuits en effet, les visions s’étaient accumulées, pour arriver à la reconstitution d’une sorte de scénario inéluctable, de plus en plus inquiétant et à la conclusion toujours plus épouvantable.
Cela commençait toujours de la même manière : il marchait dans une lande sinistre, seul, sa hache runique à la main, à la recherche d’un tertre contenant les ossements d’un étrange roi préhistorique, issu de Dieu sait quelle saga que les nains se transmettent de génération en génération depuis des millénaire. Il finissait immanquablement par se retrouver devant les obélisques monumentaux, entre lesquels coulait une obscurité sans nom, porte d’entrée vers un univers chtonien qu’en dépit de tous ses instincts, le nain appréhendait de tout son être.
Quelles étaient les raisons de sa présence en cet endroit, il n’en savait rien… Ou si. Il ne le savait que trop bien. Cherchait-il à se masquer la vérité à lui-même? Cette raison pour laquelle tous les hommes de sa famille, depuis des générations, s’intéressaient à tous les tumulus, cairns, dolmens ou cryptes du Vieux Monde et d’en dehors ? Était-ce peut-être en rapport avec ce mal étrange qui avait frappé, quelques décennies plus tôt, son père, le regretté Throndin Brechisson ? Il est vrai que, dans les dernières années de sa vie, ce dernier semblait agité d’une angoisse sourde et obsédante, au point qu’il ne dormait presque plus la nuit. Et, bien que n’ayant jamais pris un plaisir particulier à la lecture, il en arrivait à passer des journées entières à chercher, dans les rouleaux runiques de la bibliothèque de la forteresse, des informations relatives à sa généalogie et à l’histoire ancienne de sa famille. Ori n’avait jamais vu le corps de son père suite à son décès. Sa mère ne le lui avait pas permis.
Ori se résolvait cependant systématiquement à pénétrer dans la tombe, priant Grimnir et Grugni en un marmonnement anxieux. Il se retrouvait à arpenter ce même long couloir, couvert de poussière, de toiles d’araignées et de moisissures. Le caractère lugubre de l’endroit lui rappelait ces puits de mines abandonnés depuis des siècles, dans lesquels il patrouillait à la tête de ses guerriers, alors qu’il n’était encore qu’un jeune noble sans expérience.
Il arrivait enfin, après une marche d’une durée indéfinissable, devant une stèle, gravée d’un crâne portant une sorte de couronne primitive. Sans presque avoir à pousser dessus, la dalle s’ouvrait, le laissant pénétrer dans la chambre funéraire où pensait-il, il trouverait la réponse à sa question. Sur le sol, jonché d’offrandes diverses, son attention fut attirée par un objet blanc. Il le ramassa et l’examina. Il s’agissait d’une sorte de casque archaïque, recouvert de dents de sangliers, reliées entre elles par un cordage en or ou en électrum… Machinalement, le guerrier le redéposa. Il se dirigea ensuite vers une sorte de sarcophage en pierre, où l’on avait incrusté des décorations en or et des pierres précieuses.
Comme le nain s’immobilisait devant l’imposante sépulture, il entendait toujours le même bruit, une sorte de rire. Il ne s’agissait pas d’un rire malsain, ni maléfique, ni même dément.
Il s’agissait au contraire d’un rire franc et cordial, avec, comme une espèce de bruit de fond, la mélopée d’une harpe antique.
Ha ça se moquait-on de lui ? Avait-il fait tout ce chemin pour prendre part à une sorte de kermesse, dont il aurait été le bouffon ?
Il arrachait le couvercle en bois de chêne de cercueil, pour ne finalement découvrir d’un vieux squelette, baignant dans la poussière et revêtu d’une armure rouillée et portant une arme émoussée.
Instantanément la musique se tût.
Alors qu’il restait, méditatif, à tenter de comprendre ce qu’il arrivait, il entendait un bruissement derrière lui. Se retournant, il comprit d’où venait le bruit.
À ce moment la terreur se mit à l’envahir, comme jamais elle ne le fit. Ni durant sa vie consciente, ni durant ses précédentes rêveries, il ne fut à ce point saisi d’un sentiment d’horreur aussi pur, d’une panique aussi indomptable. Jamais par le passé, ses visions ne furent aussi nettes et aussi abominables. Car devant lui, sous le même casque en défenses de sangliers qu’il avait saisi quelques instants plus tôt, se tenait à présent une créature parmi les plus innommables qu’un être vivant eut jamais la possibilité de voir. Il s’agissait d’un monstre d’une demi-tête plus petit que lui. Arborant un crâne difforme, il semblait prognathe, si bien que sa dentition sauta à la vue du nain. Il portait des incisives de cheval, mais semblait aussi pourvu de canines de carnassier, telles celles d’un lion ou d’une hyène.
Mais ce qui terrorisa Ori, c’était la barbe que la bête portait au menton. Car cette barbe, longue et parsemée de tresses, bien que pouilleuse et suintante de flux indescriptibles, laissait entrevoir des ornements fabriqués par des nains. Ces décorations, il les reconnaissait parfaitement, puisqu’il s’agissait de bijoux frappés du glyphe de sa propre famille. Le monstre avançait maintenant inexorablement sur Ori. Ce dernier, tétanisé, ne chercha même pas à se défendre.
« Enfin te voilà, Ori Throndinson, ultime membre du clan des Barbes d’Argent. Viens donc embrasser le fondateur de ta lignée ».

La dernière chose que les membres de sa suite entendirent de la bouche d’Ori fut un hurlement bestial, presque inhumain tant il était déformé par la terreur. Se précipitant dans sa chambre, ils découvrirent, épouvantés, le corps inanimé et atrocement mutilé d’une bête informe qui, c’est au moins ce qu’ils comprirent à ses vêtements et à ses bijoux, avait été leur maître.
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