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Essen

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Seigneur vampire
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Mer 9 Déc 2020 - 16:55
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     Lorsque Von Essen, vampire de son état, ouvrit le matin sa boite de Khorne Flakes™, il ne s’attendait certainement pas à y découvrir un bon gagnant pour un voyage tous frais payés sur l’île des Amazones. En fait, il crut même sérieusement à une mauvaise blague : trop de problèmes lui étaient précédemment échus pour que là, tout d’un coup, la chance lui sourît à nouveau. Le chroniqueur des von Carstein fut sur le point de ranger le billet dans ses brouillons quand son regard tomba sur une inscription en bas du feuillet, en caractères minuscules. Le message était le suivant :

     Vous vous attendez sans doute à lire ici des conditions qui rendent notre offre totalement désavantageuse ? Vous vous attendez à une nouvelle arnaque ? Eh bien détrompez-vous ! Avec Khorne Flakes:tm:, nous vous garantissons non seulement tous les frais de voyage et de séjour en Lustrie, mais en plus nous vous offrons les frais d’assurance en cas d’attaque de pirates, corsaires ou monstres marins ! Si vous avez encore des doutes, n’hésitez pas à contacter notre Service Après-Vente en ouvrant un portail dimensionnel, coordonnées cabalistiques 666 – 666 – 666.

     Bon, l’appel ne lui prendrait seulement qu’un peu de poudre de malepierre, ça ne tuait pas son homme de vérifier… Quelques effluves de sang et de souffre plus tard, le regard du chroniqueur sur le billet avait changé du tout au tout : il s’agissait vraiment d’une offre promotionnelle ! Il était vraiment l’heureux gagnant !!
     Von Essen en oublia presque son bol de céréales sanguines, qu’il goba presque avant de courir faire ses valises. L’île des Amazones, par Nagash ! Le vampire s’imaginait déjà entouré d’aimables hôtesses, sur une plage au clair de lune, avec de la musique, des danses, bref, le rêve de tout consommateur lambda de Khorne Flakes™. Et c’était lui, l’heureux gagnant ! Pour une fois, c’était lui, lui, et pas un autre Vlad ou un autre Mannfred !
     En partant, le chroniqueur ignora royalement tout le courrier qui l’attendait dans sa boite aux lettres : majoritairement de la publicité impériale, peut-être le dernier Vampire Daily, la taxe foncière sylvanienne, il s’en fichait ! La simple pensée de collecteurs d’impôts vampires lui donnait le tournis et, tout ça, cette nuit-là, il le laissait derrière lui, il s’évadait sous le soleil ! Enfin, sous la lune…
     Le voyage à dos de cauchemar caparaçonné jusqu’à Marienburg ne lui prit que quelques jours, tant il était pressé de parvenir à destination. L’embarquement n’avait guère lieu dans la ville elle-même mais à quelques dizaines de lieues vers le nord, dans une crique discrète qu’un groupe de cultistes en robes écarlates avait expressément aménagée pour accueillir l’heureux gagnant de l’offre promotionnelle. Quelques félicitations et poignées de mains plus tard, ses valises étaient rangées dans un étroit compartiment d’un redoutable drakkar, les amarres furent larguées et les rameurs nordiques se mirent énergiquement à leur office, le chroniqueur confortablement installé à la poupe sur des coussins moelleux.

     Quelques jours plus tard, sa soif de sang étanchée par quelques boîtes de Khorne Flakes™ fort heureusement stockées à bord, Von Essen observait paresseusement le défilement de la côte estalienne. La mer était calme et tout allait bien. Ce fut le début d’une conversation entre les rameurs, d’habitude soit silencieux, soit chantants, qui l’interpella ; le vampire ne comprenait pas un traitre mot de langage norse, cependant il aperçut rapidement que les mortels indiquaient quelque chose droit devant. La vision se révéla des plus surprenantes même pour le chroniqueur qui en avait vu d’autres ! Des dizaines et des dizaines de navires dissemblables voguaient vers l’ouest. Or, l’heureux gagnant du voyage vers l’île des amazones avait décidé que cette fois-ci, il resterait loin des mondanités des mortels (et des immortels), aussi grande fut sa satisfaction lorsque les nordiques, au lieu de chercher une proie facile parmi les nombreux navires qu’ils voyaient au loin, se remirent à leur office en gardant prudemment leurs distances avec la curieuse armada de carnaval.
     Quelques semaines de traversée du Grand Océan plus tard, Von Essen avait habilement employé son temps à bord du drakkar, maîtrisant désormais une bonne base de langue norse qu’il avait acquise au cours d’échanges réguliers avec le timonier du navire. Il connaissait d’ailleurs presque tous les noms des rameurs, dont certains il avait même appris le village d’origine. Des nombreux navires qu’ils avaient aperçu au départ, beaucoup avaient disparu, les hasards de la haute mer, se dit le chroniqueur. Il oublia d’ailleurs totalement leur existence lorsqu’un beau matin, le timonier annonça de sa voix brutale : « Land ! Land i horisonten ! »
     La tête habilement couverte d’un chapeau de paille aux larges bords, le vampire n’eut aucun mal à entr’apercevoir la ligne sombre qui se dessinait au loin : la côte lustrienne, la Terra Incognita, le Nouveau Continent. S’ils débarquaient directement là-bas, ils feraient face à la jungle infinie, imposante et dangereuse, objet de récits de nombreux explorateurs impériaux, estaliens, tiléens, territoire du peuple mystérieux des hommes-lézards, patrie également des amazones, dernier détail qui justifiait la présence du chroniqueur aussi loin de chez lui.
     Le lendemain, le timonier lui annonça qu’ils arrivaient enfin à destination : l’île des amazones, bout de terre paradisiaque au large de l’estuaire du vénérable fleuve Amaxon.

***
***
***

     - Quel est ton nom ?
     - Von Essen, chroniqueur des von Carstein ! Pas fâché d’être enfin…
     - Quelle est ta quête ?
     - Ma quête ? Ma foi, déjà, me reposer, comme je suis enfin arrivé, n’est-ce pas ? C’est bien vous qui accueillez le gagnant de l’offre de Khorne Flakes™ ?
     - Oh ! Le… Le sacrifice ?!!
     La prêtresse qui lui faisait face était une mortelle resplendissante, cependant cela n’empêcha pas Von Essen de comprendre immédiatement que l’affaire sentait le sapin, autant que cela fût possible à ces latitudes tropicales. Le seigneur vampire ne laissa aucune ouverture à la mortelle, son regard hypnotique s’immobilisant immédiatement sur le sien, renversant brutalement ses barrières mentales, imposant à l’amazone des visions de douce euphorie à la simple idée d’obéir à son nouveau maître. C’était à son tour de poser des questions à cet étrange comité d’accueil :
     - Gardienne de l’Amaxon, attendiez-vous, oui ou non, le gagnant de l’offre promotionnelle des céréales Khorne Flakes™ ?
     - Oui.
     - Quel sort véritable est censé attendre le vainqueur ?
     - Un sacrifice exceptionnel pour le dieu de la guerre, pour bénir la campagne imminente contre les hommes-visages.
     - Tous les autres navires que j’ai vus dans les environs, ce sont autant de sacrifices au dieu de la guerre ?
     - Non. Ils arrivent tous en quête des cités d’or des hommes lézards, guidés à chaque fois par la même carte.
     Le chroniqueur commençait à comprendre qu’il venait d’échapper de peu à une situation épineuse (héhé, d’abord une affaire qui sent le sapin, ensuite une situation épineuse, pensa-t-il). Avant de s’emparer du parchemin que lui tendait servilement la prêtresse hypnotisée, le seigneur vampire prêta une oreille attentive à ce qui se passait derrière lui : curieusement, ses rameurs ne semblaient esquisser aucun acte hostile à son encontre, au moins un point en sa faveur… Le parchemin, quant à lui, représentait une carte de bonne facture, indiquant la route à emprunter afin de parvenir à l’embouchure du fleuve Amaxon, puis, en remontant le fleuve, parvenir au bout d’un voyage périlleux jusqu’à un endroit marqué d’une croix épaisse, sans doute la cité d’or dont parlait la traîtresse, heu, la prêtresse, non, « traîtresse » allait aussi, bref, l’amazone.
     - Prêtresse, qui est ce Mon’San’To, censé me dévorer si je ne réponds pas correctement à tes questions ?
     - Un crocodile géant, aussi grand que l’île des amazones.
     - Un… crocodile géant ? Sous vos ordres ?
     - Oui.
     - Bon…
     Finalement, c’était une arnaque. Et, parfois, même les dieux pouvaient être de mèche. Par Nagash et les neuf mortarchs… Un si long voyage, tout ça pour être de nouveau désillusionné… La carte, cependant, semblait authentique ; du moins il n’y voyait l’allusion à aucun dieu connu, ce qui momentanément était pour le chroniqueur un bon signe. Eh bien, tant qu’à faire…
     - Messieurs ! – lança-t-il à l’équipage du drakkar – Je vois que nous sommes devenus bons amis au cours de ce voyage ! Regardez, là ! Carte ! Karten ! Trésor ! Or ! Gullmynt ! Plein de Gullmynt ! Vous me suivez ?
     - Gullmynt ?
     - Ja, ja ! Gullmynt, là-bas, plein de Gullmynt !
     - Hurray ! Gullmynt !
     - Voilà, Gullmynt ! Juste encore un instant, messieurs !
     Von Essen avait pris sa décision. C’était manifestement la ruée vers l’or dans cette partie du monde. L’Amaxon allait devenir le théâtre d’affrontement entre les potentiels concurrents, sans compter peut-être la menace des créatures à écailles dissimulées dans la jungle… Des vacances sportives, donc ! Il se retourna alors avec la prêtresse couverte de plumes sacrées et de parures :
     - Quand j’aurai fini de compter jusqu’à trois, vous aurez oublié que vous m’avez déjà rencontré et me poserez les mêmes questions que vous posez à tous les autres capitaines qui cherchent les cités d’or.
     - Oui.
     - Ah, juste encore une question : y a-t-il déjà eu des capitaines qui ont mal répondu et qui ont fini dévorés par le grand Mon’San’To ?
     - Oui, un seul. Il se nommait Malkir de Mousillon.
     - Malk… Bref ! Passons ! Un, deux, trois !

***

     - Je suis la prêtresse Ignea, gardienne de l’Amaxon. Vous qui souhaitez passer, répondez à mes trois questions correctement, sinon vous serez dévorés par le grand Mon’San’To.
     - Je suis prêt, prêtresse, posez vos questions.
     - Quel est votre nom ?
     - Von Essen, chroniqueur des von Carstein.
     - Quelle est votre quête ?
     - Trouver les mystérieuses cités d’or !
     - Jurez-vous sur la foi que vous portez envers vos dieux de ne porter ni dommage, ni outrage au peuple des amazones ?
     - Je le jure !
     - Alors allez en paix.
     - C’est reparti, messieurs ! Framover !
     - Framover ! Ja !
     Le brouillard mystique barrant la route vers l’estuaire se dissipa ; le drakkar du seigneur vampire dépassa rapidement la barque sacrée de la prêtresse, Von Essen se demandant d’ailleurs comme elle faisait pour la manœuvrer sans aucune rame ni aucune voile. Il laissa cependant rapidement ces pensées de côté, dépliant une seconde fois cette fameuse carte qui avait dû appartenir à l’infortuné de Mousillon. Ce nom, d’ailleurs, lui disait quelque chose mais, là encore, le chroniqueur décida de se focaliser sur l’essentiel : lui et ses nordiques complètement fous allaient à la chasse au trésor ! Et ça, ça valait bien un séjour sur l’île des amazones !  

Von Essen, courtisan vampire dans les règles, seigneur vampire dans le RP :
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Lun 14 Déc 2020 - 16:56
Aetholdyr Prestelance, prince Asur.

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Au beau milieu de la Lustrie, entre la jungle luxuriante et la chaleur étouffante, un Vaisseau-Aigle d'Ulthuan, à la silhouette grande mais fine et aux voiles triangulaires, tente tant bien que mal de remonter le cours paresseux du fleuve Amaxon.
Tandis que la faune fait savoir sa présence à travers le chant des oiseaux tropicaux et les cris des animaux exotiques, les insectes, surtout les moustiques, survolent et entourent le navire elfique, tentant de s'en prendre à son équipage. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l'un d'entre eux arrive à atteindre la chair d'un asur et commence à y planter sa trompe. Dans un bruit soudain et sec, une main l'écrase, mettant fin à son existence insignifiante. Aetholdyr prend alors l'insecte dans sa main, l'observant d'un air dédaigneux avant de le projeter hors du navire avec ses doigts.
Des moustiques, de misérables moucherons, voilà pour l'instant tout ce qui s'était mis sur son chemin entre lui, son équipage et Chaqua: la Cité Dorée.
Une moue se dessina sur son visage, alors qu'il promenait son regard sur le grand fleuve: c'en était presque décevant ; au vu des efforts et des sacrifices auxquels a consenti le seigneur pour monter son expédition.

En effet, la rumeur de l'existence d'une cité d'or, se répendant comme une traînée de poudre dans tout le Vieux Monde et au-delà, ne tarda pas à parvenir au oreilles de ce noble intrépide, originaire de Cothique. Aussitôt, Aetholdyr s'était empressé de quitter sa terre natale, prenant artefacts comme armes magiques appartenant à sa famille depuis des lustres, traversant l'île-continent pour gagner Lothern, écumant la capitale à la recherche de cartes, même contrefaites, menant à l'Eldorado ;
il fréquenta la Cour du Roi-Phénix, ne regardant pas à la dépense, dilapidant presque toute la fortune familliale, passant des heures à démarcher les grands princes, s'endettant même auprés de certains d'entre eux, afin d'obtenir des soutiens, des forces et un navire pour mener une expédition en Lustrie. Mais ses efforts et son argumentaire avaient fini par prévaloir. Plus qu'une question d'argent, c'était une affaire de fierté comme de prestige: même si les Asur sont en "déclin" et doivent se battre sur de nombreux fronts, ils ne pouvaient pas rester les bras croisés alors que le reste du monde se lançait dans cette grande sorte de "course au trésor". Ne pas intervenir serait perdre la face et admettre la défaite ; y participer serait au contraire un signe fort et symbolique de la grandeur d'Ulthuan, adressé aux autres peuples, amis comme ennemis.
De plus, une victoire, bien sûr inévitable, montrerait une fois encore la supériorité, déjà indéniable bien entendu, des Enfants d'Isha sur les sous-races infestant le Vieux Monde.
Ainsi, on finit par lui allouer un Vaisseau-Aigle, manoeuvré par tout un équipage de Gardes-Maritimes disciplinés et expérimentés, dirigés par un Heaume des Mers ayant trois siècles de services à son actif. Deux autres princes d'Eataine, souhaitant soutenir également l'expédition mais ne voulant aller se risquer sur le terrain, lui offrirent un détachement de Lanciers et d'Archers.

Désormais à la tête de toute cette petite expédition, Aetholdyr Prestelance se tenait à la proue de son navire, scrutant l'horizon:

"Mon commandant, se présenta le Heaume des Mers, dans le dos du noble, Il semblerait que le vent s'amenuise. Nous n'arrivons plus à avancer correctement avec nos voiles et risquons d'être entraînés en arrière par le courant. exposa-t'il de manière professionelle, grave et sobre.

-Bien, dans ce cas, entama le prince toujours dos à l'officier, d'un air altier mais déterminé,ordonnez aux soldats-citoyens de se mettre aux rames. Vitesse et Temps sont des luxes que nous ne devons pas gaspiller. Oh, et dites également aux gardes maritimes de ne pas relâcher leur vigilance, ouvrons l'oeil et le bon."

Confirmant les ordres d'un hochement de tête, le Heaume des Mers s'en alla les faire appliquer dans tout le navire.
Se tenant toujours à l'avant du vaisseau, regardant l'orée de la jungle, le prince asur ne put s'empêcher de tapoter son arme magique dorée au tranchant fait d'ithilmar, fierté familliale et héritage antique que ses ancêtres lui ont transmis. Une expression satisfaite apparaîssant sur son visage. Oui. Il triomphera. En marchant dans les pas de Teclis, il compte revenir à Lothern couvert de gloire et de richesses. La défaite est de toute façon interdite, impossible même: il n'a pas fait tout ce chemin et ces sacrifices pour échouer lamentablement. Son esprit, fier, acharné et rigide, ne voit que deux issues pour cette expédition: la victoire ou la mort. Que les ennemis se présentent donc, ils ne tarderont pas à comprendre pourquoi Aetholdyr et les siens portent le nom de Prestelance.
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Mar 15 Déc 2020 - 15:40

***

     L’embouchure du fleuve était visible à l’œil nu désormais. Les deux bandes de terre située de part et d’autre ressemblaient à des lignes tracées à la plume sur l’horizon bleutée. Mais Fiodor regardait toujours fixement dans sa longue-vue, scrutant la zone à la recherche d’autres navires. Depuis que le « Corbeau Centenaire » avait quitté Sartosa, ce n’était pas moins de cinq autres équipages qu’ils avaient croisés. Cinq ! Et tous avec le même objectif qu’eux : la cité d’or de Chaqua, au beau milieu de la jungle, sur le cours du fleuve Amaxon. Un rictus éclaira un instant son visage en y repensant. Ils n’avaient tout simplement pas été à la hauteur, ces faiblards, alors ses hommes et lui leur avaient tout simplement épargné la peine de continuer. Mais c’était bien la seule chose qu’ils avaient épargnée.

     Soudain, un mouvement. Là, un navire, elfique en apparence, se lançait à son tour dans le périple. Par le caleçon des Von Carstein, ce n’était décidément pas possible. Des pirates, des elfes, et puis quoi après ? Des nains ? La marine ? Son sourire s’élargit. C’était bien, oui, très bien. Après tout, que valait de trouver un trésor s’il n’y avait personne pour vous le disputer ? Il sentait l’impatience monter dans sa poitrine. Oh, qu’il voudrait se lancer à l’assaut de ces elfes, juste pour voir. Mais il se retint d’ordonner de foncer plus vite. Si les siècles lui avaient appris quelque-chose, c’était bien que tout vient à point à qui sait attendre le bon moment.

     Fiodor rabaissa sa longue-vue, embrassant du regard le pont de son bateau, étant lui-même sur le château arrière, devant la barre. Ses hommes s’affairaient à faire avancer le « Corbeau » sans s’interrompre. Couvrant les cris des mouettes et le bruissement des vagues, une voix caverneuse donnait des ordres à tout va.

     « Monsieur Duvernier, hâtez-vous de rabattre cette voile, ne voyez-vous pas qu’elle est mal placée ? On va filer droit vers la Norsca à ce rythme. Et vous, monsieur Bauer, ces nœuds sont aussi mal faits que si je les avais donnés à faire à mon écuyer. Et il est mort ! Tas de bouseux, on n’arrivera pas avant une semaine comme ça. Le capitaine aura votre peau, un par un, et il en fera des voiles. Vous servirez alors au moins à quelque-chose ! »

     Ces hurlements étaient poussés sans faiblir depuis le petit matin par Marcel de Parravon, le revenant maître d’équipage, ancien chevalier que Fiodor avait réanimé au large de la Lustrie voilà presque une dizaine d’année. Mais ses menaces fleuries n’avaient pas l’air d’effrayer les hommes, qui continuaient sans faiblir ni trahir la moindre terreur. Après tout, les rodomontades du bretonnien mort-vivant étaient monnaie courante sur ce navire, et les marins avaient fini par s’y habituer.

     Fiodor entendit des pas silencieux derrière lui.

     La voix du capitaine vampire, grave et profonde, s’éleva. « Tout va pour le mieux à ce que je vois, Flouz », dit-il à son second. Ce dernier ne bougea pas, et se contenta de répondre « oui, nous sommes bientôt à l’embouchure. Plus que deux ou trois heures, et nous pénètrerons le fleuve.

     - Deux ou trois heures, Flouz ? On n’est pas chez les amateurs ici. »

     La réplique avait fusé sans que Fiodor ne se retourne, mais le second continua, imperturbable.

     « Deux, si le maître d’équipage continue de hurler comme ça. Trois, s’il permet aux hommes de se lâcher un peu. Ils vont avoir besoin de toutes leurs forces là-bas, et les épuiser avant d’arriver peut être une mauvaise idée. »

     Fiodor ne répondit pas tout de suite. C’était vrai, il ne fallait pas épuiser les hommes tout de suite. Les prochaines semaines s’annonçaient difficiles, et autant les ménager. Finalement, il se retourna, faisant face à son interlocuteur. Max, allias monsieur Flouz, était bien bâti, costaud, avec une expression constamment soucieuse. Son habit noir était de la même couleur que celui de l’équipage, ou que du reste du bateau. Sur le « Corbeau Centenaire », seul le capitaine avait le droit de porter de la couleur.

     Monsieur Flouz ne croisa pas le regard de Fiodor. C’était un réflexe qu’il avait appris très vite. Ne jamais le défier du regard. Il avait déjà vu le vampire tuer un homme pour des balivernes, alors autant ne pas courir le risque. Du reste, son capitaine était déjà un homme impressionnant, d’une carrure puissante, au teint halé et au regard de glace. Ce n’était pas un homme que l’on voulait défier, même sans le vouloir. Alors autant vouloir ne pas le faire.

     « Dit au maître d’équipage de ralentir la cadence. On n’est pas si pressés. Si quelqu’un prend le trésor avant nous, nous n’aurons qu’à le lui voler. »

     Il avait dit ça en souriant à nouveau. Du reste, Flouz hocha la tête, et sans un mot il s’apprêta à descendre les marches menant sur le pont.

     « Monsieur Flouz » l’arrêta la voix grave de Fiodor.

     « Capitaine ?

     - Dites aux hommes que ce soir, nous réviserons le solfège. Je sais qu’ils n’aiment pas ça, mais si nous voulons offrir les meilleures prestations pendant la traversée, il vaut mieux s’assurer que les bases soient révisées. Et s’ils sont sages, vous aurez le droit de leur faire profiter un peu de votre cornemuse. »

     Il avait ajouté cette dernière chose en voyant le regard attristé de son second. De la magnanimité, voilà ce que c’était. Il en fallait de temps-en-temps. Alors que Flouz hochait la tête et retournait voir Marcel, Fiodor s’empara de la barre, avec le sentiment que bientôt, il allait pouvoir faire jouer tous ces requiem qu’il avait écrit.

     Une nouvelle aventure commençait pour Fiodor le Non-Mort.

Vampire

Fiodor le Non-Mort, capitaine vampire :
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La Route d'Eldorado Empty Re: La Route d'Eldorado

Jeu 17 Déc 2020 - 17:57

***

     L'équipage débarqua du navire, s'extrayant des vagues et venant fouler le sable fin. De l'autre côté de la plage s'organisait rapidement une cinquantaine d'hommes en armes. Ils formaient une ligne de boucliers, indiquant aux arrivants qu'ils n'étaient pas les bienvenus. Un individu de forte carrure se dégagea toutefois, se portant à la rencontre des inconnus débarqués sur son rivage. Il avait un bouclier et une cape d'écailles bleutées protégeait son épaule opposée. Il n'avait pas l'arme au poing, mais à sa hanche pendait une épée bâtarde au fourreau.

     - Qui parle au nom de cet équipage !? Tonna-t-il avec un fort accent nordique où transpirait son irritation.

     Les marins formant à leur tour une ligne de boucliers, un peu plus étoffée, dévisagèrent son visage dévoré par une barbe épaisse. Sans répondre.

     - Chien des mers ! Beugla-t-il en s'offusquant d'être ignoré. Qui est votre capitaine !? Mon…
     - Je dirige ce navire, lui répondit finalement un individu en se frayant une place au premier rang.

     Étudiant l'intéressé des bottes au tricorne, l'autochtone ne chercha nullement à masquer son étonnement : l'individu devait mesurer un mètre soixante tout au plus. Vouté en avant, il laissait pendre une barbe plus longue encore que celle de l'émissaire local, tressée et décorée de perles argentées ou en nacre.

     - Capitaine Molos, s'introduisit-il en levant les yeux pour pouvoir scruter son vis-à-vis. De la marine d'Achaes.
     - Jamais entendu parler, répliqua l'autre avant de cracher par terre. Z'avez déchiré nos filets de pêche en entrant dans notre lagon avec votre fichu rafiot !
     - La Lorelei, plaça fièrement le marin avec un regard non pas vers la baie, mais vers son bâtiment.
     - Vous méritez qu'on brûle ce tas de planches ! Vociféra-t-il de plus en plus fort. D'être balancés à bouffer aux bestioles de la jungle ! Et…

     Une bonne vingtaine d'arbalètes apparurent et convergèrent brusquement vers lui comme il s'approchait davantage, pointant un index accusateur en direction du capitaine bien chétif en comparaison. Stoppé net dans sa tirade par la menace, il balaya les envahisseurs du regard en fulminant.

     - Fichez le camp d'ici, grinça-t-il néanmoins sans se démonter. Allez pourrir la vie de ceux de Skeggi et…
     - Que d'animosité, déplora Molos en secouant la tête et agitant la barbe, les mains croisées dans le dos. J'ai envoyé des prisonniers visiter les profffondeurs pour moins que cela…

     Inclinant discrètement la tête, il fit signe à ses hommes qui avec discipline baissèrent leurs armes. Puis, s'étirant les épaules, il ajouta à l'attention de l'homme arborant du cuir reptilien sur son épaule.

     - Je suis toutefffois de bonne humeur suite à notre traversée, depuis les principautés. Aussi, plutôt qu'ordonner votre exécution, je me contenterais d'une seule tête et vos réserves de nourriture.
     - Que…
     - Présente ton meilleur guerrier, le Barbare, ordonna-t-il avec autorité. Qu'il afffronte le mien - il a bien besoin d'entraînement. S'il triomfffe vous nous donnerez vos provisions. Toutes vos provisions. Car nos vivres sont épuisés. Mais tu ne perdras qu'un seul homme.
     - Mais… Et si…
     - J'ai des lingots de fffer dans ma soute, déclara Molos en esquissant un sourire carnassier et présentant justement l'un d'eux, apparut comme par magie dans sa main. Ils seront à vous et nous repartirons aussitôt. Bredouilles.

     Suspicieux, le colon Norse dévisagea le capitaine voûté et à l'œil vif. Puis ses différents matelots aux accoutrements hétéroclites. A première vue ils n'avaient pas l'air bien dangereux, bien moins imposants que ses colons norses. En combats individuels, il croquerait lui-même la moitié de ces arrogants pompeux, un à la fois. En affrontement général par contre, maintenant qu'il avait vu les arbalètes… eux-mêmes avaient épuisé leurs stocks de javelines la veille… il n'était plus si sûr que ses gaillards ne puissent en venir à bout sans pertes conséquentes.

     - Boagrus ! Beugla-t-il finalement en acceptant le marché.

     Du menton, il fit signe à cet envahisseur, un véritable colosse de plus de deux mètres se détachant des norses sous l'acclamation de ses congénères.

     - Lequel de tes rats des mers va bouffer du sable ?

     À nouveau, Molos esquissa un petit sourire avant de se tourner à moitié :

     - Corus ! Appela-t-il.

     Toutefois, aucun des marins ne fit mine de bouger, se contentant d'observer le barbare approchant d'un pas lourd. Jusqu'à ce qu'un nouvel individu ne saute du pont, éclaboussant d'écume le dos de ses camarades à l'impact.

     Le dévisageant avec une grimace méprisante, le colon ne put se retenir de persifler :

     - Ce gringalet ? Peuh, cracha-t-il avant de tourner les talons en ajoutant : prépare tes lingots, pauvre fou.
     Il rebroussa chemin, glissant quelques mots au passage à son candidat vêtu d'un pagne en cuir reptilien, qui ne masqua pas son excitation. Un sourire malsain étiré d'une oreille à l'autre, il poussa un cri de défi en brandissant une lourde épée à deux mains.

     Avançant en silence jusqu'à son capitaine, Corus lui jeta un regard dénué d'intérêt, ajustant le bouclier accroché dans son dos.

     - Tu m'as promis la gloire, déclara-t-il platement. Ce primitif n'est pas…
     - Ni trident ni reta, le coupa Molos avec un regard noir en retour à cette impertinence. Maintenant va.

     Avec un soupir, Corus planta ladite arme dans le sable. Puis laissa choir le filet pendu à sa hanche.

     - Boagrus ! Encouragèrent subitement les colons norse en encourageant leur champion, approchant des marins à pas prudents. Boagrus ! Boagrus !
     - Corus ! Firent écho les envahisseurs en levant leurs armes en écho à ce soutien.

     S'étirant négligemment la nuque, ses longues dreadlocks glissant entre ses omoplates, celui-ci s'avança en tirant l'épée courte accrochée à sa hanche.

     - J'vais t'écrabouiller l'avorton ! Le menaça le barbare en levant son arme. Puis je te raserais et j'utiliserais ton duvet pour me torcher !

     Corus tiqua à la mention de l'usage réservé à ses rouflaquettes, trahissant enfin un semblant d'émotion. Grimaçant, il chargea en gravissant la légère pente, encouragé par ses congénères. Brandissant son arme massive, Boagrus poussa un rugissement en frappant en diagonale avec assez de force pour trancher la tunique légère de son adversaire comme du papier. Mais d'une roulade agile, Corus passa sous la lame en projetant de la poussière dans toutes les direction. Vif, il se releva dans la continuité de son élan alors que l'épée s'était profondément enfoncée dans le sable. D'un revers de sa propre lame, il fit sauter la tête du barbare stupéfait de ses épaules. Sans aucune autre forme de procès.

     Derrière lui, Molos poussa un soupir de consternation avant de se masser la tempe de sa main libre.

     - Tu parles d'un entraînement, marmonna-t-il dans le silence laissé par les spectateurs des deux camps, abasourdis par ce dénouement éclair. Tuez-les tous. Prenez la nourriture. Brûlez les maisons et balancez les corps à la flotte.
     - Que… balbutia l'émissaire barbare ayant entendu l'ordre. Notre accord…
     - Oral ou écrit, un accord passé avec un pirate n'a aucune valeur.

     Sur ces mots, les flibustiers lâchèrent une volée de carreaux qui siffla au-dessus de Molos et Corus avant de pleuvoir sur les colons encore sous le choc.

Corus et le capitaine Molos:

***
***
***


Dernière édition par Essen le Sam 19 Déc 2020 - 17:03, édité 1 fois
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Ven 18 Déc 2020 - 21:09


     La silhouette noirâtre du vaisseau flottait avec grâce sur des flots ensoleillés, l'eau engourdie par la pesante chaleur de cet hémisphère semblait proche de stagner dans des miroitements turquoise.
     Et par-dessus, les flancs noirs d'un reaver se dressaient, impitoyables. Le navire pourvu d'une elfique laideur balafrait l'océan en s'approchant telle la langue hideuse d'un monstre des côtes verdoyantes, beaucoup trop verdoyantes, de Lustrie.

     Et sur le pont, Phy'lis se languissait, allongé sur un divan installé pour son seul plaisir. Les voiles étaient rentrées, et le navire ne se propulsait sur ces eaux calmes que par les réguliers mais pénibles efforts d'esclaves rameurs. Bercé par le tangage, les yeux à demi clos sans pour autant que rien de son environnement ne puisse lui échapper, le "capitaine" de fortune se laissait éventer par un esclave sur sa gauche, tout en lorgnant sans en donner l'air les côtes qui s'approchaient dangereusement.

     L'ennui dangereux pénétrait le Druchii à la posture gracieuse. Une de ses mains se promenait avec lassitude sur son torse, se caressant lui-même avec un grand dépit. Eut-il cru lui-même si on le lui avait annoncé que ce qui lui manquerait en premier chez cet aristocrate qui lui payait ses fantaisies, ses habits, sa nourriture et sa protection depuis un bon siècle de cela ne serait ni l'argent, ni la sécurité, mais bien le plaisir qu'ils s'offraient mutuellement chaque soir.
     Voilà un trop long moment qu'il avait quitté Karond Kar. Ce n'était pas sa faute pourtant. Il avait certes pris plaisir à se donner en spectacle devant foule, les elfes oisifs pullulant dans les rues de la cité aux esclaves, et il avait fait de beaux discours sur les petites choses que les grands nobles de la cité ne voulaient pas que l'on sache. Forcément, ils avaient voulu sa mort, mais était-ce sa faute à lui s'il ne pouvait empêcher sa soif de popularité de le pousser à recommencer chaque fois que son fortuné mécène lui faisait promettre de cesser ces spectacles grotesques et dangereux ?

     De sa main droite, il donna un coup de tapette à mouche d'une virulence inouïe contre les accoudoirs de son siège. Il eut soudain envie de voir tous ses ennemis devant lui, et de les massacrer. Il en aurait été capable, il en était persuadé. Avant de se dédier aux arts dramatiques et de se donner sur scène, avec peu de succès, pour ensuite se donner littéralement, avec bien plus de succès, il avait pourtant été un tueur sauvage. Son corps svelte et presque adolescent, sa peau délicate et sa mine suave faisaient presque oublier son origine bestiale, sa peau cendrée, ses yeux ardents, sa naissance parmi les ombres. Baste. Après tout, cela aussi plaisait à son amant.

     Il remua distraitement sa tapette à mouche, sans objectif de frapper un moucheron en particulier, juste le désir de les éloigner de lui. Depuis le début de ce voyage il avait vu tant de ces insupportables insectes qu'il avait presque eu le temps de se faire à leur présence, ou en tout cas de comprendre qu'il ne parviendrait jamais à les exterminer même avec toute la volonté du monde. Ce périple s'annonçait désagréable au possible, mais à la clé, un trésor l'attendait. Un trésor tel qu'il ne serait peut-être plus jamais dépendant de qui que ce soit.

     - Ce qu'il peut faire chaud. dit-il avec un regard rouge infâme vers ses esclaves.
     Il se demandait s'il ne pourrait pas oublier son inconfort en s'amusant avec l'un d'eux.

     C'est alors qu'un bruit de pas pressés lui fit prestement tourner la tête. Sur le pont arrivait un elfe au visage confus. Theyclos. Impossible de ne pas reconnaître cet incapable, la lie de la marine de Karond Kar, l'un des pires corsaires que l'on puisse imaginer, si bas, si couard, si méprisable…

     - Messire Phy'lis ! Vous avez vu ! Nous sommes arrivés en Lustrie.

     - J'ai bien vu, cher… associé. Vos compétences de navigateur nous ont évité de nous perdre dans l'océan et permis d'échapper aux nombreux dangers qui le parcourent mais… ne criez pas victoire trop tôt, voulez-vous ? Pour l'instant j'essaie de me…

     - Par Khaine ! Regardez-moi ça !

     Rares sont les elfes plus maladroits que ce Theyclos. La maladresse n'était pas chose commune chez cette race, mais ce corsaire-là était tout sauf commun. Tandis qu'il se dirigeait brusquement vers le bastingage, Phy'lis eut une vue splendide sur la gauche de sa tête et aperçut entre les cheveux blancs délavés l'immonde cicatrice laissée par son oreille manquante. Sans doute cette perte était ce qui lui déséquilibrait la tête. Comment sinon un elfe aurait pu être chassé de la marine ? Celui-là était passé par on ne sait quels chemins tordus avant d'être débarqué à Karond Kar avec interdiction de remonter sur une arche noire, et Phy'lis l'avait au final ramassé dans les rues de la cité portuaire, seul, ruiné, mais avec sur lui une carte si précieuse que le sombre tragédien n'aurait pas pu laisser passer une telle occasion.

     Theyclos avait passé un moment à trainer chez les races inférieures, et il était revenu avec cette carte qui valait un trésor. Il avait fallu, pour pouvoir revendiquer l'or des fameuses cités cachées dans la jungle, que Phy'lis intègre ce monstre de démence dans son équipage. Si à l'époque il avait su quel mépris il concevrait à l'encontre de cet énergumène, il l'aurait plutôt assassiné pour avoir la carte. Mais à ce moment-là il avait besoin des relations du vieux corsaire pour recruter parmi d'autres parias, des rejetés, des oisifs sans emploi car des esclaves faisaient tout à Karond Kar. En somme, son équipage était un sous équipage. Fort heureusement, dans cette course au trésor ils n'auraient à affronter que des sous-êtres.
     Et puis, Theyclos était le seul elfe en qui il puisse avoir assez confiance, car le seul assez fou pour n'avoir aucune hésitation sur ce voyage. Même les elfes d'armes, d'anciens camarades affrelances que Phy'lis avait embauchés en empruntant pour les payer immédiatement, ne semblaient pas enthousiastes à l'idée de s'enfoncer dans les ténèbres verdâtres et hurlantes de la Lustrie.

     - C'est la jungle ! s'exclamait Theyclos, la voix tremblante d'un soupçon de rire. Cet masse infecte et purulente de vie criante ! Galopante ! Hostile ! Cet amas bourbeux, amoncellement gargantuesque unissant en un pandémonium archaïque la pression suppurante de milliards de bêtes et d'insectes qui à l'unisson dans une cacophonie horrible se tuent ! se dévorent ! et forniquent !

     Phy'lis eut un geste de lassitude, caressant la mèche de cheveux qui retombait sur son front, et se levant il se dirigea vers Theyclos en remuant sa tapette à mouches.
     Le corsaire fou tourna vers lui deux yeux rieurs.

     - La jungle dans sa splendide laideur n'est rien moins que la preuve ultime et croupissante que nulle harmonie sous quelque forme qu'elle soit n'existe en ce bas monde ! Un chaos verdâtre et maléfique qui n'a pas de désir, sinon celui de se tordre dans son agonie de pourriture suintante et de tordre le reste du monde avec lui ! La jungle ! La jungle ! Vu comme vous êtes préparé, messire, vous avez toutes les chances de perdre votre peau avant trois jours !

     Phy'lis lui donna en une volée une preste gifle avec sa tapette à mouche. Le corsaire parut louper un battement, puis se frotta mollement la joue.

     - Merci. dit-il simplement. Lui-même se rendait bien compte que sans une légère pique, ses délires pouvaient le faire glisser trop loin pour qu'il puisse se rattraper.

     - Vous finirez par me lasser, Theyclos.

     Phy'lis savait ce que cette crise signifiait. Theyclos avait peur. Theyclos était un lâche, de cette race de lâche qui croit donner l'illusion de courage en faisant comme s'il connaissait la nature du danger.

     - Quel imbécile serait inquiété après que nous ayions satisfait Khaela Mensha Khaine de tant de sacrifices, n'est-ce pas ? repartit le tragédien.

     Le corsaire hésita avant de répondre.

     - C'est bien une question rhétorique, n'est-ce pas ?

     - Theyclos, vous usez ma patience. Nous autres tragédiens ne sommes pas reconnus pour notre patience, mais pour autre chose.

     Par dédain, mais aussi de crainte de se voir rétorquer qu'en tant que tragédien il n'était point reconnu d'aucune façon que ce soit, Phy’lis fit une rapide volte-face et marcha en direction des esclaves qui se tenaient sur le pont avec la volonté d'être des statues, pour satisfaire aux désirs de leur maître.

     - Je me souviens d’une tirade à ce sujet.

     Et comme s’il se croyait sur scène, il posa un pied sur son fauteuil et se mit subitement à déclamer :

« Un matin nous partons, le cerveau plein de flamme,
Le cœur gros de rancune et de désirs amers,
Et nous allons, suivant le rythme de la lame,
Berçant notre infini sur le fini des mers :

Les uns, joyeux de fuir une patrie infâme ;
D'autres, l'horreur de leurs berceaux, et quelques-uns,
Astrologues noyés dans les yeux d'une femme,
La sorcière tyrannique aux dangereux parfums.

Pour n'être pas changés en bêtes, ils s'enivrent
D'espace et de lumière et de cieux embrasés ;
La glace qui les mord, les soleils qui les cuivrent,
Effacent lentement la marque des baisers. »

     Il s’arrêta, les yeux fermés, en transe. Une mouche vint se poser sur sa paupière.
     Aussitôt il explosa, avec une grimace terrifiante qui balafra son beau visage, il s’approcha d’un pas colérique du plus proche humain, et sans cri, sans autre signe qu’un rictus furieux, il planta ses doigts dans les yeux de l’esclave, lui saisit des pans de visage qu’il arracha, puis il souleva le corps gigotant et le fit basculer par-dessus bord. Puis se tournant vers les autres, toujours forcés au silence et à baisser les yeux, il leur cria, dans leur langue cette fois pour qu’ils y comprennent quelque chose :

     - Ores désormais lorsque je déclamerais des alexandrins ce sera de votre devoir de m’applaudir !

     Il se retourna d’un air guindé et siffla en conclusion :

     - Chacals concupiscents ! Vivement que nous rencontrions d’autres de ces animaux en route, sans quoi nous manquerons d’esclaves bientôt.

     Doucement, il écarta ses bras et s’étira avec douceur, comme un petit être insouciant et confiant.

     - Noyer des gens est une activité rafraichissante. Je recommencerai sûrement.

Phy'lis, "capitaine" elfe noir:
Skull  Skull  Skull
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Jeu 24 Déc 2020 - 14:17

     Aussi loin que Felbar s’en rappelait, elle avait toujours été en quête de trésors. Sa génitrice, une vampiresse qui tenait une caravane de voyante à Bourbeville, l’avait plus ou moins épaulé dans cette démarche : Felbar avait débuté en aventurière dans les coins les plus reculés du Vieux Monde et, bravoure ou folie aidant, n’avait toujours craint qu’une seule chose : la faiblesse qui arrive avec l’âge.
     Aussitôt devenue immortelle, Felbar avait poussé son audace encore plus loin : rassemblant un équipage improvisé de pirates morts-vivants, s’emparant d’un navire dont l’équipage prenait du bon temps dans une taverne, l’aventurière avait décidé de s’affranchir entièrement de l’aide des hommes et de sillonner les mers et les océans à l’envi. Les malheureux propriétaires du bateau l’arrosèrent d’injures alors que leur bâtiment s’éloignait du port ; ce fut alors que Felbar s’inventa le titre qui, pensa-t-elle, la rendrait célèbre : la Fourbe.

***

     - Quel est ton nom ?
     - Felbar le Fourbe.
     - Felbar « le » Fourbe ?
     Felbar tiqua : sa génitrice, la diseuse de bonne aventure à Bourbeville, avait expressément insisté auprès de son infante pour qu’elle emploie son titre comme si Felbar eut été un homme et non une femme. Pourquoi ? « Parce que c’est ton destin… lui avait énigmatiquement répondu la voyante. » Depuis, Felbar « le Fourbe » avait acquis une solide réputation parmi les pirates et les parias qui peuplaient la côte de l’isthme de Lustrie. Vraisemblablement, tous pensaient qu’il s’agissait d’un redoutable pirate vampire particulièrement malhonnête et vicieux. Felbar, elle, avait fini par hausser les épaules et acceptait de mauvaise grâce cette reconnaissance qui, au moins, restituait fidèlement voire enjolivait ses rapines les plus lucratives…
     - Felbar « le » Fourbe, oui, vous m’avez bien entendue, gardienne.
     - Mais vous êtes…
     - Une femme, oui, je sais ! Est-ce qu’on peut passer à la suite maintenant ?!
     Pour la défense d’Ignea la prêtresse, gardienne de l’Amaxon, il était difficile de se méprendre quant au sexe de son interlocutrice : un visage grâcieux et imberbe, de longs cheveux blancs et, surtout, des courbes proéminentes, sans parler de la voix, un peu râpeuse, certes, mais indéniablement féminine. L’élégance de l’uniforme de la capitaine, taillé sur mesure, semblait par ailleurs mettre en avant cette dualité des genres qui se profilait dans son nom.
     - Soit, soit… quelle est ta quête ?
     - Trouver les mystérieuses cités d’or !
     Felbar se sentait constamment de bonne humeur depuis qu’elle avait mis la main sur cette carte qu’elle avait acquise sur le corps encore chaud d’un capitaine certainement moins dégourdi qu’elle. Il y était question d’un endroit marqué par une croix sur le continent lustrien… Un rapide interrogatoire des pirates survivants avait suffi pour compléter le tableau : un trésor attendait, un trésor plus vaste et plus immense que tout ce dont la capitaine avait seulement pu rêver. Sa destination prochaine était toute tracée.
     La vampiresse était même déterminée à affronter ce « grand Mon’San’To » dans l’éventualité où cette amazone lui faisait trop perdre son temps. Elle portait de jolies parures, d’ailleurs… Enfin, Felbar n’allait pas s’attarder sur quelques bibelots quand une cité entièrement faite en or l’attendait.
     - Jures-tu, sur la foi que tu portes envers tes dieux, de ne causer ni dommage ni outrage au peuple des amazones ?
     - Je le jure.
     - Alors, va en paix.
     - Z’entendez ça, les cocos ? Levez les voiles, et que ça saute ! GrAaflblabl, n’hésite pas à fouetter cette bande de macaques s’ils trainent de la patte, me suis-je bien fait comprendre ?
     - GrAa…
     Le mort-vivant qui secondait la capitaine s’en alla s’assurer que les ordres étaient proprement exécutés. C’était sans aucun doute le plus capable de tous, à la fois physiquement (Felbar l’avait surpris lors d’un abordage à s’emparer d’un canon adverse et le jeter sur ses assaillants) et mentalement (malgré ses nombreuses phalanges manquantes, même la vampiresse ne pouvait l’égaler lorsqu’il s’agissait de nouer des nœuds). Un atout dans un équipage autrement sans cervelle !
     Le navire péniblement remis en mouvement, Felbar mit le cap droit dans l’estuaire du gigantesque fleuve. La jungle ne l’effrayait pas, les adversaires qu’elle rencontrerait sur la route encore moins. Elle trouverait les cités entièrement faites d’or et s’en remplirait les cales, et débarquerait avec cette cargaison à Bourbeville, et jetterait ces trésors à la figure des abrutis qui passaient leur temps à traquer du menu frétin… L’heure de gloire était proche, elle le sentait.

Felbar le Fourbe, capitaine vampire:

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Sam 9 Jan 2021 - 18:42



     Le Saint Empire de Sigmar... Une nation autrefois divisée, par les intérêts mesquins d'aristocrates intrigants, aux cours infestées de traîtres et de cultistes, aux guildes remplies de canailles parjures et toujours plus cupides, aux rues remplies de pouilleux fuyant la misère des campagnes, mais également de mutants, venus proférer de sinistres prophéties aux oreilles d'ouailles perdues et crédules, des campagnes où les charrues ne passaient plus, aux puits où l'eau était poison, faute aux cadavres laissés pourrir dedans, fruit des vendettas et guerres civiles incessantes auxquelles se livraient nobles et moins nobles propriétaires terriens. Du chaos dont profitaient les bandits, les hommes bêtes et les mutants pour pulluler comme des asticots sur un corps pourri.... Des Églises, aux fondateurs dévoués à l'Unité et l'Hégémonie impériale sur les autres races du vieux mondes, détournées de leurs buts, plaçant à leur tête arrivistes, cyniques et incroyants, dévoyant le clergé, souillant la foy et la détermination des plus pieux...

     C'était une terre de pestilence et de haine, livrée au chaos, à l'anomie, que feu Magnus le Pieu, sacré Empereur par la Grâce des Dieux de l'Empire, avait ressorti des fins fonds de l'enfer pour lui rendre sa grandeur, et détruire l'envahisseur chaotique, purger les forêts des bêtes et monstres les peuplant, et rétablir la loi, l'ordre et la foy, des plages du Nordland aux chaumières du fin fond de la Sylvanie, du delta du Reik aux forêts de l'Ostland.

     Et aussi rapidement que Magnus sauva l'Empire de la décadence, du chaos et de la médiocrité, ses successeurs livrèrent celui ci aux mêmes maux qui l'avaient tant affaiblis. Ces mêmes maux que le génial Karl Franz avait eu à annihiler pour accéder à cette charge suprême qu'était la dignité impériale. A imposer son règne sur des princes électeurs rebelles et rétifs à se soumettre à un souverain puissant, véritablement digne de cette noble nation qu'était l'Empire.
     L’Empereur Karl Franz est le plus grand homme d’état du Vieux Monde, maître incontesté des arts et des sciences, un innovateur en matière militaire et un valeureux guerrier, n'ayant pas à pâlir au niveau de ses accomplissements par rapport à Magnus le Grand ou même, selon ses plus grands admirateurs, Sigmar lui même... Grâce à ses efforts, l’Empire a prospéré sous son règne. L’École Impériale d'Ingénierie s’est développée, les Collèges de Magie ont gagné en puissance et l’armée a volé de victoire en victoire, soutenue par une industrie et des ateliers toujours plus productifs. Chaque jour, les ingrats minerais de fers sont transformés en acier pour ses armées. Chaque semaine, de nouveaux canons sont fondus pour ses navires. Chaque mois, de nouveaux navires à trois mats sortent des chantiers navals de Neus Esmark.
     Les efforts incessants des comtes du Nordland et de l'Ostermarck pour accroître leurs marines de guerre sont récompensés par davantage de drakkars norses envoyés par le fond, par toujours plus de navires s'acquittant de l'Öresundstullen. Un effort qui paie, la côte Nord de l'Empire, longtemps ingrate charge pour le Sud, finissant par devenir un façade maritime parvenant à disputer le poids d'Erengrad dans les échanges commerciaux de la mer des griffes. Les flots de Karls d'or et de marchandises se déversent dans les provinces du Nordland, à mesure que Marienburg perd quelque peu de son monopole. Les colonies d'Albion et du nouveau monde voient chaque jour de nouveaux colons impériaux, bons sujets de sa majesté impériale Karl Franz, défricher toujours plus de terres pour la plus grande gloire de Sigmar.

     Longtemps divisé, moqué et rabaissé pour ses luttes et querelles intestines, son impuissance à imposer son droit d'ainesse sur les autres nations voisines, que ce soit l'orgueilleuse Bretonnie, l'arrogante Ulthuan, la perverse Marienburg, les fières cités de Tilée ou l'anarchie régnant dans les frontalières, toutes finiront par s'écraser devant la puissance impériale. Das Imperium regiert die Wellen ! Fluctus terrae regnat Et Imperii !!!

     En cette ère de progrès et de puissance, l'Empire étend son influence, augmente son commerce et impose sa juste et totale emprise sur le monde. Pas une nation ignore sa gloire ! A la cour même du puissant Cathay, ses ambassadeurs sont reçus avec honneur. Les souverains indisciplinés d'Inja se concurrencent pour recevoir ses envoyés, chacun déployant davantage de trésors que ses rivaux. Le lointain Nippon ouvre ses ports et ses âmes aux mousquets et missionnaires impériaux, tandis que les jaloux gredins et pirates de Marienburg voient leurs marges et monopoles être battus en brèche.
     Même ces jaloux et hautains d'asurs ne peuvent qu’accepter malgré eux la puissance de Ses flottes et armées se répandant sur les océans et les continents. Ulthuan est désormais à portée de canons, et ces arrogants longues-oreilles se doivent de composer sur leurs mers et dans leurs colonies avec les marchands et marins de du Saint Empire de Sigmar.

     C'est un véritable Âge d'Or que le règne du Puissant Karl Franz, élu de Sigmar et souverain incontesté du Vieux monde. Karl Franz, Nec Pluribus Impar !
     Et pour toujours accroître la précision des cartes, pour amener toujours plus de conquêtes jusqu'à la cour impériale d'Altdorf, on épargnait nullement les karl d'or pour financer expéditions vers le lointain. Ainsi avait on financé la première circumnavigation effectuée par une armada humaine. Ainsi avait on colonisé les côtes orientales de la Lustrie. Ainsi de toutes aussi nombreuses expéditions s'étaient lancées dans les jungles du continent inconnu, cet enfer vert où seuls les plus courageux et intrépides s'en allaient, pour revenir couverts de richesses et de gloire... Ou pas du tout.


     Alicia de Meissen était de ceux là. Inquisitrice. Exploratrice. Aventurière. Mais surtout loyale servante de Sigmar, de l'Empire et de l'Empereur. Vétérane de l'extermination de l'hérésie norse. Chevalière de l'ordre de la flamme purificatrice. Baronne de Soya. Et contre-amirale de la flotte de la Nouvelle-Altdorf, cette colonie-capitale du Nouveau Monde.
Au départ simple officière de l'expédition aux ordres du Feldmarshall Hoffenbach, elle avait eu à prendre le commandement de cet infâme merdier dans lequel l'homme les avait fourrés. Encore peu aux faits de l'environnement particulier de la Lustrie, l'homme, tout juste débarqué, avait mené l'expédition dans les denses jungles du continent. Problème, tout nouvel arrivant se devait de rester à la Nouvelle-Altdorf, le temps de contracter les maladies que le climat chaud et humide de la région ne manquant de vous offrir en guise de bienvenue. Vos chances de survies étaient alors biens meilleures quelques mois après.
     Mais non. Il avait insisté pour partir avant de tomber malade. Une histoire de concurrents marienbourgeois à dépasser, certainement aussi stupides que lui pour ne pas prendre le temps s'adapter au climat local. Ainsi avait elle, en tant que spécialiste de la région, finit par se joindre à son expédition. C'était sa première à lui, mais elle, avait déjà fait l'expérience du coin par trois fois, dont une avec le célèbre Markus Wulfhart, aujourd'hui gouverneur des colonies, depuis la perte malheureuse d'une jambe, partie dans la gueule d'une saloperie de lézard géant.

     Les membres de l'expédition comptaient un botaniste du collège ducal de Talabhein, une dizaine de joueurs d'épées importés du continent, plus occupés à suer, jurer et sentir la transpiration qu'autre chose, un élementaliste de l'eau, du
château Teufel, plutôt utile et endurant, une quinzaine de mules et autant de porteurs, deux éclaireurs halflings et une large compagnie d'épéistes et lanciers stirlandais, prélevés à la garnison de la nouvelles Altdorf. Pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais au moins assez solides pour ne pas flancher lorsque confrontés à un gros lézard pouvant vous engloutir tout entier ou tout aussi bien vous réduire en purée en vous piétinant. Puis sorti de nulle part, un tueur nain.
     Le passage par les marais avait coûté à l'expédition son État major, par maladies et accidents malheureux. Alicia, cinquième dans la chaîne de commandement, avait donc du prendre en charge celui ci, après le décès de ses supérieurs dues à : la maladie - ô quelle surprise - , une grenouille venimeuse, un serpent dans la botte de l'autre, et le Feldmarshall ayant vu son canoë renversé par un dragon des marais, une créature reptilienne dotée d'une solide dentition, se faisant passer pour un morceau de bois flottant dans l'eau, avant de sauter sur une proie facile passant à proximité. Dans le chaos de l'incident, ce dernier avait été perdu, sans doute mangé par la créature, comme plusieurs dizaines de bons soldats... Morr ait leur âme. L'un des sous officiers s'était même fait mordre par des fourmis venimeuses à une occasion ; son agonie avait durée une bonne heure, refusant de se faire égorger proprement, préférant souffrir une heure durant du venin. Le moral en avait pris un coup.
     Et puis on avait découvert le premier charnier. Des têtes mises sur des piques, des cadavres suspendus à des lianes, en-dessous desquels quelques jaguars se nourrissaient sur ceux qu'ils étaient parvenus à décrocher. Et à l'autre bout de la clairière, ceux responsables pour ce massacre.
     Les cadavres étant humains, mais n'abordant pas de signes impériaux, ce devait être les concurrents évoqués quelques jours auparavant. Quand aux bâtards en armure en face....

     Soldats.... Déployez vous en ligne. Vous en avez mare de patauger dans de la boue de latérite, de subir la piqure des moustiques, les morsures des fourmis et tous ces autres foutus parasites si tendres à notre existence ? Réjouissez vous, car en face de nous se trouvent des êtres faits de chaire, de sang, et puants la merde lorsqu'on leur ouvre en grand la bidasse. Et vous savez quelle est la meilleure !? Leurs vivres ! Ce soir nous festoyons avec leurs réserves d'alcool ! Alors ! Qu'en dites vous mes puants plein de sueur et de rage !? Allez vous laissez ces chiens décamper avec leur alcool !? Ou bien irez vous leur donner le bonjour en leur faisant un grand câlin, pour faire afficher à leurs visages un deuxième grand sourire au niveau de la gorge ? leur demanda-t-elle sur le ton d'une mère s'adressant à ses enfants pour leur proposer au choix des choux de Sylvanie ou une tarte aux pommes.


     La réponse unanime et bruyante ne laissa aucun doute sur le choix et la motivation des troupes.


     C'est bien ce que je pensais, répondit elle tout bas, alors qu'elle sortait de son fourreau cette vieille compagne qui avait si bien tranché, éviscéré et empalé au cours des années...


Alicia de Meissen, contre-amirale de la flotte de la Nouvelle-Altdorf:
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Lun 11 Jan 2021 - 9:28

      L’équipage du Rat Volant avait le moral dans la cale du navire. Cale qui n’existait plus d’ailleurs, ce qui donnait le ton.
 
      Depuis la barre du… appelons cela un véhicule capable de flottaison, le capitaine actuel réfléchissait longuement à ses options. Crochax, huitième du nom depuis le départ des environs de Skarogne, était en effet en proie au doute. La carte qu’ils avaient récupéré sur un navire de pitoyables choses-hommes les avaient amenés sur les côtes de Lustrie. Or maintenant qu’elles étaient en vue, Crochax le huitième se disait que Crochax le second avait peut-être eu raison de vouloir faire rentrer le navire au port du clan Scorbut. Certes, Crochax le troisième avait aussitôt saisit l’occasion pour le décapiter… Et maintenant que le capitaine en poste y pensait, chaque proposition de faire demi-tour avait été suivie par un remaniement managérial rapide.
 
      Finalement, au Chaos les doutes ! Certains pourraient y voir un signe que l’expédition était vouée à l’échec, mais le capitaine Crochax ne reculait pas devant l’adversité ! Ce qui était pratique pour ne pas avoir à admettre aux amiraux de la Sous-marine que l’expédition n’avait servi à rien. Mais la gloire les attendait !
 
      En tout cas, la jungle éternelle s’étendait à perte de vue et l’embouchure du fleuve Amaxon était tout sauf calme. D’autres misérables embarcations de choses-elfes et choses-hommes se pressaient déjà pour s’y engouffrer les unes après les autres. Pire ! De ce que le capitaine voyait grâce à son maletélescope, certains se tiraient dessus pour se faire une place ! Inadmissible-impensable qu’on lui coupe l’herbe sous la patte, pensa Crochax le huitième en jetant à l’eau son troisième maletélescope de la semaine – ce dernier explosant l’instant d’après dans une cacophonie de systèmes en surchauffe. Comprenant que la carte n’était pas aussi unique que Crochax premier le clamait, le huitième hurla une série d’ordres à ses rats-marins : Que les rat-ogres mutants qui tiraient l’embarcation, les rats-thons, s’activent !

      « Nous avons un trésor à récupérer-voler ! Arrrhhg ! » tenta-t-il de crier pitoyablement à la fin. Mais définitivement, seul Ratkam le Vert, l’unique tentative de variation entre le 4e et le 5e, y arrivait proprement. Quel dommage que cette corde importante ait rompu au mauvais moment. Terrible-tragique, oui-oui.

      Or, peu de temps après la volée d’ordres, un skaven sortit du rang, dague en bois de bastingage à la main, et invectiva l’officier du moment :
 
      « Je suis Crochax le neuvième ! Oui-oui ! Et… BLAM ».
 
      Le pistolet aux proportions dantesques encore fumant, le capitaine actuel se pencha vers la foule amassée sur le pont. Son manteau miteux bien trop grand pour lui jouant étrangement en sa faveur. Ou alors était-ce le nouvellement créé grand trou dans la coque qui prenait l’eau ? Ou bien tout simplement le rat-ogre apathique qui trônait derrière le capitaine qui, dès son ascension, avait compris qu’un garde du corps était pratique. En tout cas, il foudroya du regard son équipage de mutins.

      « Quelqu’un veut devenir le dixième Crochax ? » – Un silence constitué de museaux baissées fut la seule réponse. – « Bien-bien. Alors à vos postes-terriers !! Et que les canons soient prêts-prêts à tirer-brûler ! Ou c’est vous qui servirez de munitions ! »
 
      L’équipage courut alors en tous sens pour tenir son poste. Or, comme certains desdits postes étaient occupés par plusieurs skavens en même temps et que d’autres avaient été changés en fonction des manies des capitaines au pouvoir, le résultat fut surtout un concerto incompréhensible d’hommes-rats faisant semblant de travailler pour ne pas servir de cibles d’entrainement l’instant d’après.

         Quelques heures apocalyptiques plus tard, le Rat Volant s’engouffrait miraculeusement dans le fleuve Amaxon avec un quart d’équipage en moins, mais deux bons tronçons de coque étrangère en plus. De bons résultats, d’après le capitaine. Une fois sûr que la haute mer n’était plus en vue, ledit capitaine décida de faire mouiller son navire pour réparation – ou du moins, encore plus de réparations – dans un renfoncement caché à moitié par la végétation. Un des rats-thons avait été blessé dans les échauffourées et deux mutineries avaient été heureusement empêchée par l’arrivée fort pratique de pirates estaliens. Un peu de calme ne ferait pas de mal. Surtout que quelques membres d’équipage se plaignaient de piqûres d’insectes un peu trop envahissants.

      L’ordre fut ensuite donné de jeter le rat-ogre garde du corps par-dessus bord. Surprenant au premier abord, la décision était en fait logique. C’était une question d’économie et de pragmatisme. Pourquoi avoir un rat-ogre au rabais avec des branchies s’il prenait de la place sur le pont ? Un greffage d’ancre rouillée, une chaine solide et un gain conséquent de place plus tard et le rat-ancre était né. Certes, le capitaine était aussi peu jouasse à l’idée d’envoyer par le fond son assurance-vie-santé ambulante, mais ça marchait.

      Arpentant le pont bancal de son rafiot, heum, glorieux esquif, bien entendu, Crochax huitième du nom observait ses escl… fidèles marins au travail. La moitié de ces derniers récupéraient des troncs flottants dans les environs pour procéder aux réparations pendant que le reste des troupes écopait à toute vitesse pour se garder à flot. Tout allait bien donc. Jusqu’à ce qu’un des troncs ne prenne vie, se saisisse d’un marin malchanceux avec des mâchoires ornées de beaucoup trop de dents et ne l’envoie valdinguer plusieurs mètres plus loin avant de replonger aussi sec.
 
      Pour la première fois depuis le début du voyage, le silence s’installa sur le pont du Rat Volant alors que l’équipage observait avec horreur, eh bien, le vol d’un des leurs avant qu’il ne s’écrase dans les marais environnants. Il y eu quelques piaillements paniqués qui se muèrent en un gargouillis de chair broyées, puis rien d’autre que le calme moite de l’enfer vert. De l’avis du capitaine, ce petit abri forestier d’un vert luxuriant venait de devenir sensiblement plus étouffant. Surtout qu’il lui avait semblé l’espace d’un instant que le tronc tueur avait des écailles.

      « Re… Remontez le rat-ancre ! Vite-vite ! » couina-t-il alors que de la sueur dû à autre chose que la température ambiante s’accumulait sur son front.

      Sortant de leur torpeur et n’écoutant que leur courage, quelques hommes-rats filèrent s’équiper d’armes en tout genre et des coups de feu partirent dans l’eau ou ailleurs, causant une demi-douzaine de pertes. Mais dans le brouhaha naissant, certains gardèrent assez de calme pour obéir. Après tout, le capitaine avait visiblement commencé à recharger son arme de prédilection. La chaine fut alors ramenée péniblement, mais pas bien longtemps car un soubresaut sembla la coincer net. Les hommes-rats des mers tentèrent bien de forcer, mais elle ne bougeait pas d’un poil. Crochax abattu un des vils traîtres fainéants qui sabotait ses efforts, mais cela ne fit rien pour arranger les choses.

      Du moins, c’est ce qu’il pensa sur le moment, car quelques secondes après, la chaîne se libéra d’un coup sec et remonta brusquement. Le choc fut si abrupt que les skavens en charge de la remonter se vautrèrent les uns sur les autres tant et si bien que seul le capitaine put remarquer le problème : la chaîne venait de faire surface et il n’y avait pas de rat-ancre au bout. Ses yeux rouges fixé sur les derniers anneaux tordus par une force inexplicable, le capitaine furibard se jura de se venger de ces misérables maîtres mutateurs et de leurs produits inutiles qui fuyaient tout seul alors qu’on avait besoin d’eux ! Ses plaintes s’arrêtèrent quand l’ancre rouillée s’extirpa de l’eau à haute vitesse avant de retomber sur le pont avec fracas, passant à travers comme s’il s’agissait de papier mâché. Les quelques skavens encore en train d’écoper soupirèrent en chœur de désespoir.
 
      Mais si Crochax le huitième avait retrouvé son ancre, le rat-ogre censé être au bout n’y était toujours pas. Et il avait à présent la terrible impression que les rats-thons n’avaient pas fait surface depuis un moment. Sentant que ce marais allait rapidement devenir son tombeau, le capitaine prit son chapeau estalien extravaguant ainsi que son manteau bouffant et les envoya au visage du premier marin qui passait en hurlant de panique. L’homme-rat abasourdi vit son capitaine le regarder solennellement dans les yeux avant de lui décocher un :
 
      « Bravo-gloire à vous capitaine Crochax dixième du nom. Le Rat Cornu compte sur vous-vous. »

        Un salut surréaliste plus tard et feu le huitième capitaine sauta à l’eau pour rejoindre la berge qu’il voyait non loin. Il disparut avalé par les flots l’instant d’après. Tout comme le rafiot skaven d’ailleurs qui s’éventra en plusieurs morceaux, emmenant avec lui bon nombre d’hommes-rats couinant des insultes envers les écopeurs de service qui essayaient de flotter dans leur seau improvisé.

      Les rares survivants refirent surface au fur et à mesure, crachant de l’eau vaseuse à tout va, s’accrochant à des bouts de bois pourris ou d’autres hommes-rats avec des résultats mitigés. Mais tous finirent par tourner leur regard vers la forme qui ouvrait les flots en ondulant une dizaine de mètres plus loin. Certains reconnurent le tronc. La panique reprit de plus belle. La forme devint reptilienne et il n’était pas seul. Sur son dos, se tenait une sorte de lézard humanoïde de relativement petite taille. Doté de fines nageoires sur ses flancs, sa peau écailleuse détrempée luisait au soleil, mais pas autant que la haine viscérale qui habitait son regard.
 
      « Xa’kota loq ! » piaffa-t-il énergiquement en levant sa lance, sa crête d’un vert vif vibrant avec son cri de guerre.
 
      D’autres lézards se révélèrent alors, nageant à une vitesse considérable autour de la forme massive dont les ondulations continuaient à prendre en amplitude. Il ne fallut pas longtemps à la cohorte pour atteindre ses proies qui hurlaient de terreur en pagayant pitoyablement pour s’éloigner. Trop peu, trop tard, le colosse reptilien plongea et resurgit avec force, dévoilant toute sa masse aux hommes-rats qui se firent happer dans un fracas d’eau et de vase. La dernière chose qu’ils virent fut son masque ouvragé d’os et d’or qui recouvrait sa gueule carnassière. Ceux qui étaient hors de portée se mirent à sombrer subitement, tirés par en-dessous par des forces invisibles. Les uns après les autres, ils coulèrent pour ne jamais remonter, jusqu’à ce qu’il n’en reste aucun.

        La quiétude qui suivit s’éteignit progressivement alors que la jungle se remettait à vivre normalement. Vibrante de vie, alors que les cadavres faisaient surface dans un eau souillée par un sang noirâtre. Puis, les flots s’ouvrirent une nouvelle fois, révélant les prédateurs du jour. Triomphants mais silencieux, ils contemplèrent leur œuvre avec satisfaction. Certains nettoyaient leurs épées et lances du sang qui les tâchaient encore. Tixyixyon, le chef skink de la cohorte leva une main palmée et avec quelques cris brefs et mouvements de crêtes indiqua qu’il était temps de partir. Les blasphémateurs du rat avaient été vaincu, mais il en restait d’autres. Et les sangs-chauds qui étaient déjà passés avaient pris de l’avance, trop d’avance. Quelle que soit leur destination, ils devaient être arrêtés aux noms des anciens. Et…
 
      S’arrêtant dans son discours, le chef de la cohorte se tourna vers le kroxigor masqué qui se tenait encore à moitié dans l’eau, un cadavre de skaven dans la gueule qu’il mâchonnait lentement par intermittence avec moultes craquements visqueux.

        « Qracl’Naui ! » invectiva le skink.

      Le susnommé kroxigor tourna la tête vers son camarade d’éclosion, l’observa un long moment, puis recracha la pulpe d’homme-rat et entreprit de nettoyer crument son masque cérémoniel. Les quelques décorations de bronze et d’or sur son torse clinquant à tout va alors qu’il s’agitait de la sorte.

      Dans un soupir semblable à un sifflement, Tixyixyon donna l’ordre du départ. Puis, avec quelques mouvements agiles, il alla se placer sur l’épaule de son compagnon de toujours qui grogna doucement avant de se diriger dans la direction qu’on lui montra. Certes, il fallut quelques coups de hampe à l’arrière de sa nuque épaisse et des ordres supplémentaires pour lui rappeler qu’il devait reprendre en main sa masse, qui était attachée à son poignet droit par une chaîne, mais dans l’ensemble tout allait bien. Le tupac skink se dit une nouvelle fois qu’il devrait faire comprendre à Qracl’Naui que jouer avec sa nourriture n’était qu’une perte de temps, mais le spectacle avait quelque chose de plaisant. En tout cas, ce fut après une nouvelle prière fervente envers Tzunki que l’équipée s’enfonça dans la jungle, laissant derrière eux un massacre de plus.

        Pourtant, malgré cette victoire, l’esprit du skink était en plein ébullition depuis plusieurs jours. Les slaans ne donnaient pas d’ordre, alors tout était permis. Que les sangs-chauds traversent Tlanxla ou même Chaqua et il leur en couterait. Ils voulaient de l’or ? Ah ! Tixyixyon se jurait de le verser en fusion dans leurs gorges pour leur en faire passer le goût. Le grand Dessein n’avait pas besoin d’eux en ces lieux et ils allaient le comprendre. Ils devaient payer leur affront, chèrement.
 

      La chasse commençait et elle durerait aussi longtemps que le skink le souhaiterait.

-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-

Qracl'Naui, kroxigor, et Tixyixyon, skink chef de cohorte:
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Mer 13 Jan 2021 - 12:35



Plusieurs nuits plus tôt, dans le port de Sardossa. Sur le pont pourri de la Terreur des Abysses, un bandit de grandes routes commerciales fait les cent-pas autour de la table sur laquelle Drekla dessine minutieusement une carte.


Capitaine Kuhboden: se penchant par-dessus l'épaule de Drekla
Alors? Vas-tu finir ma carte?

Drekla:
Oui, j'y travaille

Capitaine Kuhboden :
Dessine-moi mieux la cote, que je me repère bien

Drekla:
Tout sera comme il faut, je mets tous les détails.

Capitaine Kuhboden:
Allez! dépêche-toi! J’appareille au matin.

Harkon: criant depuis le pont inférieur
Tu vas trop lentement! accélère le dessin!
Va plus vite et tant pis si ça manque de soin!

Drekla: soupirant
A vos ordres capitaine. J'ai bientôt terminé.

Harkon: criant depuis le pont inférieur
Et surtout prends le temps de tout lui annoter.

La plume de Drekla fait encore plusieurs aller-retours entre l’encrier et le parchemin.

Capitaine Kuhboden: agacé :
Ça me suffit comme ça. Donne-la moi, mort-vivant.

Harkon: criant depuis le pont inférieur
Et n'oublie pas la croix! c'est le plus important

Drekla: rangeant sa plume
Voilà c'est terminé. Bonne traversée Monsieur.

Capitaine Kuhboden:
C'est ça, c'est ça. Merci. Allez! donne-moi la carte.

Il prend le parchemin des mains de Drekla qui se contente de souffler une fois que l'homme est parti.

-----------------------------------------

Quelques jours plus tard, sur les côtes du Nordland. Le Capitaine Kuhboden est dans un vieux lit, dans une petite pièce pauvrement meublée. Il porte un gros bandage de chiffon brun ensanglanté autour du crâne. Un vieil homme entre et ouvre la fenêtre. Le blessé se réveille en grognant.

Giles:
Ailen ! Viens vouèr ! Y’a l’marin qu’a l’air de bouger.

Capitaine Kuhboden:
J’étais sur mon navire… Que m’est-il arrivé ?

Giles:
T’agite pas mon petiot, c’est pô bon pour s’que t’a.

Ailen: entrant dans la pièce
Il m’a pô l’air en forme quand même ton marin là.

Capitaine Kuhboden:
Il y a eu une tempête… Un monstre…ça me revient
Suis-je tombé à l’eau ?

Giles: s’approchant du blessé pour regarder le bandage
C’est pô beau à r’garder
Y’a du sang de partout et du pus su’l’coté.

Ailen: agacée
Est-ce qu’il avait besoin de v’nir crever chez nous ?

Capitaine Kuhboden : à part et grimaçant de douleur
Je n’entends pas leur langue mais je crois deviner
Que je n’ai dans ce monde plus très longtemps à vivre.

Giles : à Ailen
Tu comprends s’qu’il a dit ?
Ailen:
Pô ben. C’est d’l’étranger.

Capitaine Kuhboden:
La douleur est immense ! Adieu braves paysans !
Quelle tristesse de mourir ailleurs que sur les flots !
Moi le grand capitaine je meurs comme un manant !
Je n’ai eu de cet or qu’offre le monde nouveau
Qu’un rêve de papier…

Dans un dernier geste rageur, il tire la carte au trésor de sa chemise et tombe du lit, la main crispée.

Giles :
Par Sigmar, il est mort.

Ailen :
Vu ce qu’il avait pris, c’était pô surprenant.

Giles: prenant la carte
Qu’est-ce que c’est ce dessin ?

Ailen:
J’sais pô, c’est ben joli.

Giles:
Ça r’semble à pô grand-chose, une fôrme avé une croué

Ailen:
Va m’chercher un clou Giles, j’vais l’mettre là su’ le mur
Ça égaillera la pièce.

Giles:
Si tu l’dis ma bichette.

Ailen:
Qu’est-ce qu’on fait pou’l’marin ? Y faut qu’on l’mette en terre.

Giles:
J’avais déjà prévu un trou pou’ la nouéraude.
Tu sais c’était la vache, celle qu’avait pô l’air ben
Finalement elle va mieux, mais y’a quand même le trou
On va l’mettre là-dedans, et pis faire v’nir le prêtre.


-----------------------------


Le surlendemain, dans une des nombreuses tavernes de Neues Emskrank. Les occupants sont plutôt taciturnes, fermés, d’humeur sombre. Un marin au centre de la pièce essaye de rapiécer un vieux tricorne malgré la pénombre relative de la pièce. Un tout jeune prêtre entre. Il prend quelques instants pour regarder les occupants de la taverne, puis jette son dévolu sur le marin au chapeau et va s’asseoir devant lui. Il ne semble pas à son aise dans cet endroit.

Père Meable :
Bonjour brave marin. Puis-je vous déranger ?

Capitaine Pabob : se coiffant de son chapeau
Sans problème mon père. Je n’ai rien sur le feu.

Père Meable :
J’ai besoin de quelqu’un qui connait bien la mer
Et vous me sembler être tout ce que je recherche.

Capitaine Pabob :
Vous ne vous trompez pas, j’ai vécu toute ma vie
Sur le pont des navires, ou au moins dans les ports.
Que puis-je faire pour vous ?

Père Meable : sortant un parchemin de sa robe
J’ai avec moi une carte.
Une carte marquée d’une croix, et pleine de détails…

Capitaine Pabob : en chuchotant
Une carte dites-vous ? Une carte aux trésors ?

Père Meable :
Je n’ai pas voyagé mais je crois reconnaitre
Une carte de la Lustrie, la terre du Nouveau Monde !

Capitaine Pabob : suspicieux
Ces cartes sont très rares… D’où vous vient-elle mon Père ?

Père Meable:
Je l’ai trouvé chez un couple de paysans
Ils n’avaient pas idée de ce qu’ils conservaient
J’ai pu sans trop de mal les convaincre qu’il valait
Mieux que je la rachète.

Capitaine Pabob :
Je comprends, je comprends,
Si elle mène à de l’or, autant qu’elle ne soit pas
Dans des mains illettrées. Que voulez-vous en faire ?

Père Meable :
Il faut que j’aille trouver le trésor de la carte.
J’ai besoin d’un navire, et d’un bon capitaine.

Capitaine Pabob : souriant de toutes ses fausses dents
J’ai tout ça sous la main

Père Meable : enthousiaste
Quand pouvons-nous partir ?

Capitaine Pabob :
Ola ! Moins vite mon Père. Traverser l’Océan
Ne se fait pas comme ça. Il faut se préparer.
Et puis en ce moment, la mer n’est pas très sûre,
On aurait vu au sud une flotte de pirates
Aux oreilles pointues, de la plus sombre engeance…

Père Meable :
Mais il faut aller vite ! Imaginez un peu
Que quelqu’un d’autre sache, et trouve l’or avant nous !

Capitaine Pabob :
Si vous baissez la voix, personne ne le saura.
Bon, écoutez mon Père, je vais y réfléchir.
Donnez moi cette carte que je puisse l’étudier
Et demain je pourrai vous dire quand amarrer.

Père Meable : soudain méfiant
Je préfère la garder… Ne le prenez pas mal…

Bobby le marin qui fait irruption : Faisant irruption dans la taverne
Alerte ! On nous attaque ! Ils arrivent par le port !
Les pirates elfes noirs ! Fuyez tous ! Ils sont là !


---------------------------------


Le lendemain, dans une cabine du « Rêve d’Atharti ». Le Capitaine Sarquindi est allongé dans une banquette d’une élégance sombre. Il tiens à deux doigts une main humaine qu’il déguste sans paraître accommodé par le tangage régulier du navire. Debout à côté de lui se tient l’un de ses membres d’équipage, visiblement mal à l’aise. La carte au trésor est posée sur une petite table dans un coin de la pièce.

Capitaine Sarquindi :
Comme toujours dans le nord, il est bien trop salé.

Premier marin Druchii :
Capitaine, vous savez ce que votre père pense
De vos goûts culinaires concernant les humains.

Capitaine Sarquindi : croquant une phalange
Et alors ? Il suffit qu’il n’en apprenne rien.
Si jamais ça arrive, je saurai d’où ça vient.

Second marin druchii : entrant dans la pièce en trainant le Père Meable
Capitaine, voici l’homme qui transportait la carte.

Père Meable : en pleure
Messire je vous supplie ! Epargnez-moi! Pitié !

Capitaine Sarquindi : Utilisant son repas pour pointer la carte
Cette carte au trésor, c’est à toi ?

Père Meable :
Pas du tout !
Je ne suis qu’un pauvre homme qui prie toute la journée !

Capitaine Sarquindi : à ses marins
Vous l’avez eu sur lui ?

Second marin druchii:
Il la cachait très mal
Au milieu de ses robes.

Père Meable : Se jetant à genoux
Par Sigmar, oui j’avoue ! La carte était à moi !

Capitaine Sarquindi :
C’est plus honnête ainsi. Dis-moi petit humain
A qui as-tu parlé de ce trésor ?

Père Meable :
Personne !
Enfin… Si… Un marin, mais il est dans vos cales
Il était enchaîné à quelques rames de moi.

Capitaine Sarquindi : reprenant son repas
Très bien. Merci beaucoup.

Père Meable :
Qu’avez-vous faire de moi ?

Capitaine Sarquindi :
Je ne sais pas encore. Mais nous allons trouver.
Que venais-tu chercher si loin de ton couvent ?

Père Meable : hésitant
Je voulais un navire… Pour aller en Lustrie…

Capitaine Sarquindi : Riant
Tu ne manques pas d’audace, pour un humain j’entends.
Et pas de chance non plus, te voilà en pleine mer.

Premier marin druchii:
Si je puis me permettre, il pourrait être utile
Pour battre la mesure de nos nouveaux rameurs.

Capitaine Sarquindi :
C’est une très bonne idée ! Voilà ton choix humain :
Rejoindre ton dieux Morr ou devenir pirate
Sur le plus beau navire que tu verras jamais.
N’est-ce pas une offre honnête ?

Second marin druchii :
Et même plus qu’honnête.

Père Meable : tremblant
Je ne veux pas mourir ! Je prends le deuxième choix !

Capitaine Sarquindi :
Excellente décision. Bienvenue à mon bord.
Mais il te manque encore tes quelques accessoires
Pour être un vrai pirate : Crochet et jambe de bois.
Mais ne t’inquiète pas, tu en auras très vite.

Second marin druchii : souriant
C’est compris Capitaine. Nous allons l’y aider.

Il attrape le prêtre par les cheveux et le traîne hors de la pièce en souriant.

Capitaine Sarquindi : au premier marin
Quand ils auront fini, fais en sorte que sa jambe
Me soit servie ce soir.

Premier marin druchii : avec une grimace
A vos ordres Capitaine.

Capitaine Sarquindi :
Nous risquons de manquer de vivre pour le voyage
Combien d’esclaves avons-nous pris au dernier raid ?

Premier marin druchii:
Vous n’imaginez pas…

Capitaine Sarquindi :
Mais si bien entendu.

Premier marin druchii :
Mais votre père vous a ordonné d’apporter
Des esclaves…

Sarquindi le coupe d’un claquement de langue.

Capitaine Sarquindi :
Il suffit ! Je connais bien mon père.
Il préfèrera l’or que nous allons trouver
En suivant cette carte jusqu’au lieu indiqué.
Allez, assez trainé, va préparer du sel
Pour stocker les réserves. Puis rejoins moi aux rames.

Le marin sort. Le capitaine Sarquindi se lève, marche vers une armoire, en tire une longue épée dont il inspecte le tranchant. Puis, il quitte la cabine en sifflotant.

Capitaine Sarquindi, du Rêve d'Atharti:
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Dim 17 Jan 2021 - 9:58

     La disparition pouvait être due à n’importe quoi mais la cour royale d’Yvresse ne croyait pas aux coïncidences. Les suppôts du Chaos n’auraient jamais pu ne serait-ce que toucher la Lame, si puissante était son aura de purification de la Ruine. Quelqu’un d’autre devait avoir trouvé les moyens de s’en emparer. Dans la salle pourtant si spacieuse et si lumineuse du palais de Tor Yvresse, l’ombre de la défaite planait sur l’assemblée de nobles et de hauts conseillers du royaume ; le rapport de la délégation d’enquête envoyée au Kislev faisait état de cette perte inacceptable pour les Yvressii : la Lame Lunaire, confiée au commandant asur en charge du détachement envoyé sur le continent, avait disparu.
     
     Des remarques désobligeantes fusèrent les unes après les autres, la plupart dirigées contre l’incompétence des humains de l’Empire que le détachement avait reçu pour mission d’épauler. La Lame Lunaire était une relique inestimable, les enchantements qu’elle portait s’avéraient souvent à peine suffisants pour contrer les attaques absurdement dévastatrices des hordes démoniaques. La Lame Lunaire était avant tout une relique appartenant à la défense du royaume, et non une arme quelconque que l’on pouvait envoyer en appui à nos « braves alliés du continent ! » Sans la Lame Lunaire, plus de vies elfiques allaient être perdues dans les prochaines attaques des démons ! Quant à annoncer la nouvelle à la Tour Blanche, à qui le vieux maître du savoir et ami d’Eltharion le Sinistre avait juré sur son honneur de préserver la relique qui lui avait été jadis confiée, la cour royale préférait ne même pas y penser.

     La délégation fut la cible suivante des imprécations indignées et des premiers quolibets : leur rapport avait au moins pu comporter des indices quant au possible endroit où la Lame pouvait maintenant se trouver mais les indices présentés pointaient dans tellement de directions différentes que personne ne voulait prendre la responsabilité de prendre une décision. Mis à part les suppôts du Chaos, le rapport faisait mention d’une escarmouche avec des morts sans repos dirigés par un nosferatu puis d’embuscades tendues par des hommes-bêtes… Tout ceci avait été récupéré de l’état-major impérial, dont l’armée était lamentablement arrivée en retard lors de l’affrontement tant recherché avec les adorateurs du Chaos. Le détachement asur, encerclé, eut tenu aussi longtemps qu’il avait pu.

     Avant que les membres de la délégation ne fussent l’objet d’humiliations imméritées, les membres de la lignée royale s’insurgèrent dans le débat : le prince Eltharion étant absent de la cité pour mener le feu et l’acier sur la WAAAGH ! de Grom « la Panse » dans les Terres Arides, c’était son neveu Anaran et ses nièces Anarelle et Yelmerion qui siégeaient conjointement dans la salle du trône. Il fallut que tous les trois donnassent de la voix pour rétablir la concentration de la cour. De plus, lorsqu’il s’avéra que les courtisans donnaient des avis certes valables, mais souvent complètement opposés, les membres de la lignée royale décidèrent de se retirer pour converser séparément avec la délégation passablement secouée.

     Quelques jours plus tard, un navire de guerre quitta la baie portuaire de Tor Yvresse. À son bord avaient pris quartiers deux compagnies de la Garde Argentée et deux compagnies de la Garde des Portes, lanciers d’élite et archers respectivement. Dans la cabine des officiers, une membre de la lignée royale, un commandeur et une magicienne de la cour observaient une carte de tout le monde connu des asurs. Pour tous les trois, l’expédition qu’ils entreprenaient n’avait rien d’ordinaire dans leur quotidien : leurs ressources limitées afin de préserver le secret déshonorant de la disparition de la Lame, ils devaient retrouver la relique perdue coûte que coûte et la rapatrier au royaume, sinon… La nièce d’Eltharion préférait ne pas penser aux conséquences. Quant à leur cap, ils devaient se résigner à se fier pour cela à l’art ô combien mystérieux de la divination, que leur magicienne prétendait maîtriser suffisamment pour trianguler la position de l’artefact.
     Sur le pont, les elfes étaient confiants et croyaient en leur princesse ; le commandeur Lecmentor le Gris était un vétéran des guerres démoniaques ; quant à Azshannar la Ténébreuse, les rumeurs autour d'elle ne faisaient que jaser dès qu'elle s'absentait du pont. Les rumeurs parlaient de nécromancie et d'autre pratiques de magie interdite en Ulthuan... Malgré sa sombre réputation, la magicienne était tolérée en raison de sa puissance déconcertante contre les druchii (qui ne comprenaient pas par quelle grimace du destin une asur maîtrisait la magie noire).

     
     Grande fût la stupéfaction de tous lorsque leur périple les amena droit à l’opposé des contrées froides du Kislev, sur l’embouchure d’un fleuve vénérable que peu d’asurs avaient jusqu’à présent osé naviguer : l’Amaxon, gigantesque serpent aqueux de la Lustrie. La Ténébreuse, à l'aide de ses arcanes, était parvenue à éclaircir l'affaire pour le commandeur et la princesse : en effet, les hommes-bêtes qui dissimulaient la Lame avaient été mi-capturés, mi-décimés par des elfes noirs ; ces derniers auront voulu avoir des esclaves de Lustrie en plus et auront fini tués au fond de l'enfer vert.
     Nullement découragés par ce macabre dénouement, les asurs partirent en recherche de l’artefact à travers les épaisses jungles de Lustrie.

***

     - Je suis la prêtresse Ignea, gardienne de l’Amaxon. Vous qui souhaitez passer, répondez à mes trois questions correctement, sinon vous serez dévorés par le grand Mon’San’To.
     - Quels sont vos question Prêtresse Ignea, gardienne l'Amaxon.
     - Quel est votre nom ?
     - Yelmerion l'Argentée, nièce d'Eltharion le Sinistre et fille d'Athelrion le Vaillant
     - Quelle est votre quête ?
     - Retrouver un artéfact des miens, perdu après des multiples batailles
     - Jurez-vous sur la foi que vous portez envers vos dieux de ne porter ni dommage, ni outrage au peuple des amazones ?
     - Je le jure, aussi sur mon honneur !
     - Alors allez en paix.
     - Merci, et pussiez vous rester en paix éternellement mes sœurs.
     
     « Elfes, en marche! Nous ne sommes pas les seuls étrangers ici, le danger est partout alors restez sur vos gardes ! »

Yelmerion l'Argentée, princesse d'Yvresse:
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Lun 18 Jan 2021 - 17:17
* * *

Une petite musique pour bien commencer

     La rivière baigne dans les langues de brumes qui serpentent encore, ensommeillées, dans la lumière matinale qui commence à poindre à travers les nuages sombres. Dans la pénombre, déchirant le mur végétal de la jungle luxuriante, l’entrée béante et gigantesque d’un temple s’étend vers le ciel et déverse elle aussi son flot de brume sur les flots. Ses pierres arborent des gravures qui peu à peu s’effacent face aux éléments. Sur les escaliers usés, moussus et fissurés, deux figures se découpent, faisant face à une troisième, debout dans une pirogue et prête à s’éloigner sur les eaux calmes du fleuve Amaxon.

La Route d'Eldorado 2021_010

     « Vous savez ce que vous avez à faire ? »

     Appuyée par un doigt inquisiteur, la voix impérieuse de la prêtresse kalim tranche dans le bourdonnement de la jungle tout autour. La guerrière aigle, à la coiffe de plumes, hoche la tête, bien droite dans son embarcation.

     « Oui, grande prêtresse. Aller à Chaqua, sauver le plus d'artéfacts parmi les plus puissants laissés par les anciens, revenir.
     — Fort bien » approuve la kalim avec un hochement de tête qui fait cliqueter les bijoux pendant à son masque en forme de crâne humain. « Il est essentiel qu'ils ne tombent pas entre les mains des étrangers venus de l'Est.
     — Et les serviteurs des anciens ? demande alors la guerrière. Pas de nouvelles ?
     — Ils n'ont toujours rien fait contre l'invasion des navires étrangers, et nous ne savons pas pourquoi. »

     À côté d’eux, à petits pas mesurés, la noble s’est avancée, et s’immisce dans la discussion d’une voix douce, et pourtant empreinte de fermeté.
     « Qu'ils veuillent les laisser piller les artefacts de leurs anciens est leur choix, comme il est du nôtre de ne pas laisser un tel affront avoir lieu. Comme toujours, nous ne pouvons pas compter sur leur aide. »

     La prêtresse kalim comme la guerrière aigle hochent solennellement la tête dans un moment de silence entendu. L’histoire de leur peuple n’est qu’une longue liste de combats contre l’adversité. Finalement, c’est la guerrière qui relève la tête la première.

     « Et les étrangers, du fait ?
     — J'ai déjà envoyé quelques unes de mes dévotes, répond immédiatement la prêtresse, ainsi que quelques autres ... zélées que je n'ai pu empêcher de partir également. La plupart d'entre elles ont préféré prendre la voie de la forêt. Si vous arrivez à en rassembler, vous pourriez peut-être envisager de saboter l'avancée des k’in-k’ikob.
     — Cela sera fait, grande prêtresse. » répond la guerrière en inclinant la tête derechef.

     Encore une fois, la dame noble lève une main impérieuse.

     « N'oubliez pas que le plus important est de ramener les artéfacts des anciens. Tout ce que vous pourrez sauver nous aidera à renverser Ignea et ses suivantes : l'ouverture de l'Amaxon était la folie de trop.
     — Je comprends, Dame Xoc.
     — Et justement, continue cette dernière en détachant une petite bourse de sa ceinture, avant que vous partiez, nous comptions vous remettre ceci. »

     La grande dame tend à la guerrière le paquet, qu’elle recueille respectueusement dans la paume de sa main, avant d’en tirer délicatement ce qui semble être un œuf de pierre translucide, au cœur duquel semble briller une discrète lumière. La guerrière ne peut retenir un mouvement de recul, qui fait onduler les plumes de sa coiffe.

     « Un œuf du grand aigle… murmure-t-elle dans un souffle. Je… je ne peux pas accepter un tel honneur, ma Dame. »

     Mais l’intéressée referme doucement la main de la guerrière sur la pierre, dans un geste qui se veut rassurant, mais la poigne se révèle ferme et inflexible.

     « Considérez que c'est une preuve de l'estime et de la confiance que nous portons envers vous et vos chances de succès. Ne nous décevez pas, Ixi'ualpa. »

     La guerrière ferme alors les yeux un instant et, après avoir lâché un long souffle, c’est avec une énergie nouvelle dans le regard qu’elle les rouvre.

     « J'y mettrai toute ma volonté. » dit-elle simplement tout en accrochant délicatement la petite bourse à sa ceinture.

     La prêtresse hoche la tête, et le squelette de peinture blanche ondule sur sa peau alors qu’elle recule de quelques marches.

     « Nos prières vous accompagneront. Nous ferons un sacrifice à Amex pour qu'il vous guide jusqu'à Chaqua sans encombre. »

     Avec un dernier salut respectueux aux deux Amazones, Ixi’ualpa pousse doucement la pirogue, et la fait s’écarter de l’escalier sur les eaux encore calmes du fleuve. La prêtresse comme Dame Xoc la regardent s’asseoir dans l’embarcation et s’éloigner en ramant doucement et, peu à peu, la brume l’enveloppe et la fait disparaître à leur vue. Après un court moment passé à scruter le dernier endroit où la guerrière a disparu, la prêtresse kalim se retourne vers Dame Xoc.

     « Vous pensez qu'elle réussira ?
     — Si Rigg le veut. » répond l’intéressée avec un très léger mouvement d’épaules, en signe d’impuissance. « Je place plus d'espoirs sur elle que sur les sauvages droguées à la koka au-delà de toute raison que vous n'avez pas pu empêcher de partir. »

     La prêtresse ne réagit pas à la pique pourtant acerbe que la noble lui a envoyée, et se contente de continuer à regarder dans le lointain.

     « Il est dommage, alors que nous puissions envoyer d'autres guerrières comme elle.
     — Elle est la plus apte à mener à bien cette mission, répond la dame d’une voix ferme. Et nous avons besoin de toutes les mains disponibles ici, la situation est déjà assez tendue en l'état.
     — Oui. Espérons qu'elle nous revienne au plus vite, nous avons besoin de toute l'aide qu'il nous est possible de rassembler. »

     Xoc hoche la tête sans rien dire. Son regard se perd lui aussi dans les brumes. Après un dernier regard sur vaguelettes qui courent sur l’Amaxon, les deux femmes font finalement demi-tour sur les marches et disparaissent silencieusement dans l’entrée sombre et béante du grand bâtiment.

Ixi'ualpa, Guerrière Aigle des Amazones:





* * *
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Mar 19 Jan 2021 - 21:50
Sargath le héraut des mille lames , commandant de la garde de Lahmia

     Sargath embrassa du regard la jungle épaisse de Lustrie, assis sur son trône de marbre sculpté en forme de serpent enroulé autour d'une statue du dieu Ptra, ce serpent représentant Asaph, divinité tutélaire de Lahmia. L'immensité de cette statue n'était pas seulement pour un hommage aux dieux mais également pour préserver Sargath de la lumière brûlante du soleil ; il était tout de même enveloppé dans une tunique et un pagne de cuir sous son armure et d'un masque doré pour empêcher le moindre rayon de soleil d'arriver sur sa peau. Des statues de marbre représentant les autres dieux du panthéon Néhékharien étaient disposées sur le pont du navire de facture impériale reconditionné pour son nouveau propriétaire. Les pilleurs de tombes qui l'occupaient étant devenus depuis longtemps les esclaves de Sargath. Ce dernier se leva en apercevant l'embouchure du fleuve Amaxon, son armure en fer forgée à Ka-Sabar rutilante à la lumière du soleil et son épée vampirique brillant d'une lueur rougeâtre à ses cotés ; il regarda le régiment de gardes squelettes armurés de la même manière que lui mais armés de hallebardes, en formation sur le ponton tandis que ses zombies faisaient les basses besognes.
     Il aperçut soudain une forme humaine sur la berge et donna l'ordre à ses zombies de faire arrêter le navire, reconnaissant cette forme comme étant la gardienne de ces lieux. S'ensuivit alors le dialogue suivant :

     - Quel est ton nom ?

     - Je suis Sargath, héraut des milles lames  chef de la garde de Lahmia. Et vous ? Qui êtes vous ?

     - Je suis la gardienne du fleuve Amaxon, territoire des amazones. Quelle est ta quête ?

     - Je veux trouver une cité dorée et me servir de cette richesse pour redonner à ma civilisation sa splendeur d'antan.

     - Jures-tu, sur la foi que tu portes envers tes dieux, de ne causer ni dommage ni outrage au peuple des amazones ?

     - Je le jure, mon but n'est nullement de conquérir ou d'attaquer mais seulement d'explorer et de découvrir.

     - Alors, va en paix.


Skull  Skull  Skull

Sargath, sans casque et masque mortuaire :
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Mer 20 Jan 2021 - 14:40
Helmut Markus Heldenhame :
De Garde à Maréchal




     Emmanuelle Von Liebwitz regardait les gouttelettes de pluie s’écraser sur le toit grisâtre des habitations de ses sujets depuis longtemps déjà. Trop longtemps en tout cas. Son regard revint sur son bureau, encore encombré des affaires de Nuln, de ses plus intimes correspondances aux affaires d’état. Dans ce capharnaüm se détachait un papier jaunâtre, qu’un de ses agents avait trouvé dans un quartier particulièrement insalubre il y’a de cela quelques jours. L’encre y avait imprimé une carte qui, selon ses experts, devrait désigner une partie de ce continent inintéressant baptisé Lustrie. Un second parchemin faisait état de ruines et d’un fabuleux trésor.
     Bien évidemment, ce butin intéressait la comtesse. Mais qui, de suffisamment sacrifiable et dévoué à sa cause, bien entendu, aura l’insigne honneur d’accomplir cette basse besogne ? Sûrement pas parmi les nobles, car les richesses découvertes se retourneraient à coup sûr contre elle. Un soldat alors ? Et pourquoi pas le chef du guet de la ville ? Non, trop important. Un de ses plus talentueux lieutenants, dans ce cas ? Oui, l’idée était plus que tentante.

     Konrad Fortz, capitaine du 347ème régiment de la milice de Nuln, attendait patiemment dans l’antichambre où un serviteur avait bien voulu le guider. Mme Von Liebwitz voulait le voir sur-le-champ. Et maintenant c’était lui qui l’attendait. Il ne comprendrait décidément jamais les femmes coquettes des plus hautes sphères de la ville. La porte s’ouvrit enfin tout à fait, et l’officier s’inclina promptement en apercevant sa souveraine.

     « Madame, vous êtes éblouissante aujourd’hui. Que me vaut une audience avec une personne d’aussi haute extraction ?
     - Monsieur le capitaine, avez-vous eu vent des documents venus de Sartosa, et qui contiendraient la carte d’un trésor ?
     - Oui madame, naturellement. » Il était étonné de la franchise inabituelle de la comtesse. « Pourquoi donc m’en parlez-vous ?
     - J’ai besoin d’un homme pour cette mission. En avez-vous un à la hauteur ?
     - Il y’a bien Helmut, mais...
     - Il conviendra.
     - Bien madame. »

     Le soldat salua promptement avant de quitter la pièce, laissant la comtesse seule avec ses intrigues.



     Helmut était en train de chercher son pistolet sous la pluie maussade.
     Son arme avait en effet disparu il ne savait où, et il en avait désespérément besoin. Il entendit le claquement de sabots sur le pavé. En relevant la tête, il aperçut son chef. Au vu de sa mine, il devait avoir un sacré fardeau sur les épaules.

     « Salut chef, quoi de neuf ?
     - Salut Helmut. Je reviens de chez la comtesse. Elle veut t’embarquer dans une sacrée chasse au trésor. Rends-toi présentable et suis-moi. »

     Encore sous le choc, le nulner se remit bien vite et tâcha de se débarrasser de l’humidité ruisselante de ses habits. Il monta ensuite derrière Konrad.
     Une fois arrivé dans la salle aux murs tendus de velours pourpre, il réalisa enfin l’honneur que Madame voulait bien lui accorder. Celle-ci apparut. Les deux gardes rivalisèrent de révérences. Puis elle leur fit signe d’arrêter.

     « Monsieur le capitaine, as-tu parlé à Helmut de sa mission ?
     - Aussi clairement que je l’ai pu, madame.
     - Je te crois. » Elle fit un signe à Helmut. « Et toi, suis-moi. »

     Ils progressèrent dans les couloirs luxueux, jusqu’à arriver dans une vaste salle encombrée de coffres et de mannequins de bois, exposants des armures antiques et brandissant des armes usées par la bravoure de leurs défunts propriétaires.

     « Habillé tel que tu te présentes à moi, tu n’es pas digne de représenter la glorieuse ville de Nuln. Je mets donc à ta disposition ces armures, ainsi que des nobles atours ayant appartenus à d’autres courtisans. »

     Grognant un remerciement, Helmut arpenta la salle, fouilla dans quelques coffres, toisa de belles armures, puis jeta son dévolu sur une épée en acier brillant de la lueur azurée de Sigmar, puis sur une armure brillante ayant appartenu à un certain Frédéric le grand. Il se chargea encore de quelques amulettes de protection quelconques, puis fut guidé par la comtesse dans une autre salle. Celle-ci contenait des malles d’habits. Helmut prit un sac pour contenir les artefacts précieux, puis y engloutit un ensemble de vêtements couleurs aubergine et bordeaux.
Après être rentré chez lui, fait ses bagages et équipé, Helmut se souvint que, plus tard dans la journée, la comtesse avait parlé d’un bateau et d’un régiment l’attendant sur les quais de la ville. Il s’y dirigea donc, bombant le torse dans sa magnifique armure. Une fois arrivé, il remarqua deux hommes. L’un, cuirassé d’acier brillant, attendait près d’un régiment ordonné et tout aussi brillant de piquiers, l’autre en habits de bourgeois aboyant des ordres à des serviteurs affairés autour du bateau. Il trouva une mine plus sympathique au militaire et entreprit d’aller le voir.

     « Bonjour monsieur. Je suis envoyé par la comtesse. Est-ce que ces troupes seront placées sous mon commandement ?
     - Fous affez fu juchte, mein cher ami. » L’accent de cet homme sonnait étrangement ridicule, et Helmut se retint de ne pas rire. « Ch’est donc fous que la comteche a choichi ? Che ne remettra pach en cauche ches déchichions, bien éfidement. Ches hommes ne fous ferons pas défaut, che fous le garantit. Che peux fous en chéder une bonne trentaine d’hommes, mais plus cherait compliqué.
     - Je pense que trente hommes, d’une telle qualité me serviront bien, merci. »

     Le chef de régiment fit signe à ses hommes, et trente d’entre eux montèrent sur le pont du navire. Helmut vit, avec un soulagement non dissimulé, qu’au vu des uniformes, il avait affaire à des troupes régulières de la ville. Il approcha ensuite à contrecœur du bourgeois qui semblait s’occuper du bateau.

     «  Bonjour, je suppose que vous apprêtez ce bateau pour mon expédition, n’est-ce pas ?
     - Oui oui oui, môsieur n’a pas tort. Le bateau sera prêt, oui ! Et il ne vous décevra pas non non non ! La coque est solide, en chêne de la Drakwald ! Et les canons sont faits ici, vous vous en doutiez, hein ? D’étranges hommes en armure de plate noires ont insisté pour embarquer. Du culte de Morr, je vous dis ! Le seul bon dieu, c’est Sigmar ! Mais franchement, ces gens-là, je vous l’assure, il vaut mieux les tolérer que de les avoir sur le dos ! Et encore, là ce n’est que Morr. Mais Ulric, je vous le garantis, il ferait bien de repartir dans la toundra gelée d’où il est sorti ! Enfin bon, le bateau est prêt. Vous monterez, et vous ne serez pas déçu, oh que non ! »

     L’homme s’éclipsa, laissant Helmut abasourdi par un tel flot de parole. Des chevaliers de Morr, avait-il dit ? Bien, ça fera des soldats de plus. Helmut monta sur le pont et fit un signe au timonier.

     « Cap vers le nouveau monde, et que ça saute ! »

Helmut Markus Heldenhame, au service de la comtesse de Nuln:
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Ven 22 Jan 2021 - 23:09
Première journée sur l’Amaxon

La Route d'Eldorado Chamel10

     Certains seigneurs mortels fanfaronnent de posséder des forêts sur lesquelles ils règnent en maîtres et chassent avec leurs gens selon leur bon vouloir. Certaines forêts se retrouvent vénérées : un arbre majestueux devient une idole, une charmante clairière devient un lieu de pèlerinage et de prière solennelle. Certaines forêts sont déboisées sans plus de cérémonies : les arbres sont coupés, les souches sont arrachées de la terre, les buissons sont dégagés : bientôt les paysans reviennent pour labourer le champ nouveau.
     Que faire, cependant, lorsque vous vous retrouvez entouré de forêts ? Que faites-vous lorsque, subitement, vous vous rendez compte qu’entre la forêt et le vaste océan, il n’y a plus qu’une misérable bande de sable ?
     En l’occurrence, ce sable aurait vite pu devenir le sable d’une arène. Qui sait, peut-être le deviendra-t-il encore ? Qui sait, ces œufs que cette tortue aura soigneusement dissimulés sur la plage se retrouveront brusquement maculés de sang ? Allons donc, du sang ? Dans un coin aussi éloigné de toute civilisation ? Allons donc, des combats d’arène ?
     Remettons toutes ces bêtises à un autre moment et intéressons-nous plutôt à ces nombreux navires qui, manifestement, n’ont aucune attention de s’attarder près du sable des plages de ce monde mystérieux submergé de végétation. Leurs coques, pour la plupart, ne sont pas faites des essences que l’on pourrait trouver dans ces contrées. Quelques dizaines de paires d’yeux vigilants les voient défiler et tantôt s’étonnent, tantôt se méfient. Quant aux passagers des navires…


     Ixi’ualpa, Guerrière Aigle des Amazones (Gromdal), contre Sargath, le Héraut des Mille Lames (Thaelin)


     Cette étrange embarcation ornée de métaux précieux lui rappelait quelque peu les héritages des anciens.
     À la tête d’une troupe d’élues parmi celles dont elle avait croisé la route, Ixi’ualpa avait décidé de remonter le cours de l’Amaxon sur des pirogues de leur tribu, sous le couvert de l’obscurité, quand l’attention des k’in-k’ikob devait être terrassée par le sommeil et les épreuves du jour. Lorsqu’au petit matin, l’on signala depuis l’arrière qu’une embarcation remontait le fleuve, la guerrière aigle ordonna immédiatement un repli stratégique sur la rive la plus proche. Ixi’ualpa réfléchissait avec la rapidité dont les divinités l’avaient dotées et ses pensées ne lui plaisaient pas : si cette embarcation bravait les eaux de l’Amaxon envers et contre les traitrises du fleuve, c’est que les k’in-k’ikob qu’elle contenait étaient soit fous, soit extrêmement dangereux. Dans tous les cas, elle ne pouvait permettre à une embarcation de croiser sa route impunément. La curée allait devoir commencer plus tôt qu’elle ne l’avait supposé.

     Les pirogues s’approchèrent silencieusement de l’embarcation. Ixi’ualpa rejeta aussitôt ses pensées initiales : le style de construction du navire lui parut convaincant mais il n’avait rien à voir avec l’élégance et la précision des héritages des anciens. Elle donna l’ordre à ses guerrières d’aborder le navire dans la plus grande discrétion : si leurs ennemis ne les avaient pas repérées jusqu’ici, alors une attaque-surprise était toujours leur meilleure stratégie.
     Ce fut à ce moment-là qu’elle capta l’odeur suave de la putréfaction.
     Presque aussitôt, un claquement de langue de son avant-garde avertit le reste de la troupe que quelque chose n’allait pas.
     Lorsque Ixi’ualpa monta à bord, elle réalisa.
     Des cadavres, des squelettes, partout. Le navire devait être maudit : dans un spectacle à faire vomir, les rameurs aux chairs déchirées actionnaient leurs outils dans une cadence trop parfaite. Il fallait prendre une décision et vite ; la guerrière songea fugacement qu’elle aurait bien eu besoin de la présence de la prêtresse kalim à ce moment précis.


     « Bien, est-ce que vous êtes toutes là ? »
     Sargath, aussi immobile que la statue qui surplombait son trône, avait observé avec un amusement grandissant l’abordage qui se voulait discret au possible de ces étranges mortelles sur son navire. Il sentait d’ailleurs une telle vigueur provenir des corps de ces femmes qu’il sentait sa patience mise à rude épreuve. À la fin, il n’y tint plus et les interpella directement, se délectant de la terreur fugace qui visita leurs traits.
     « Il n’y a qu’un seul endroit au monde où je me souviens d’avoir vu des créatures aussi fortes et aussi belles que vous. Restez, je vous en prie. »

     Ixi’ualpa comprit qu’elle faisait face à l’être le plus puissant de toutes les choses qui bougeaient sur le navire. Elle comprit également qu’elle ne savait rien de cet être ; elle décida de prendre sur elle d’agrandir les connaissances de son peuple : « Je vais le combattre. Mes sœurs, surveillez mes arrières, ordonna-t-elle à ses guerrières. »

     Le commandant des Mille Lames fut d’abord enchanté de ne pas voir toutes les mortelles hurler de frayeur avant de bondir par-dessus-bord. Immédiatement après, il fut intrigué par l’une des guerrières se détacher du groupe et avancer directement vers lui, les autres se dispersant par binômes sur le pont du navire. Elles croyaient donc encore que les squelettes qui se tenaient droit comme des piquets ne pouvaient pas bouger, eux. Très bien…
     Au vu de la posture de la guerrière, de sa lance pittoresque pointée dans sa direction et de son bouclier levé haut, Sargath ne se fit point d’illusions sur les intentions de la femme à son égard. Un combat singulier, donc ? Intéressant rituel de bienvenue, sans parler de l’occasion de goûter au sang de la femme sans faire paniquer les autres. Le vampire releva le défi de l’amazone sans l’ombre d’une hésitation. Ses pupilles vampiriques se rétrécirent lorsque, brusquement, la pointe de la lance de la guerrière s’illumina de mille feux.
     Ixi’hualpa bondit, réussissant à surmonter toute la frayeur que suscitait en elle ce navire de la mort et son sinistre capitaine (Ixi’hualpa : tests réussis !) ; son coup d’estoc fut droit et très puissant, mais visiblement trop prévisible pour l’ennemi qui esquiva le coup au dernier moment, n’essuyant qu’une légère blessure (Ixi’hualpa : 3T, 1B, 1 PV !).
     Sargath sentit la pointe incandescente lui effleurer les côtes et rugit à cause de cette douleur inattendue ; furieux désormais contre cette mortelle trop douée à son goût, il l’engagea avec une multitude de coups de taille avec son sabre ; une vive lumière s’interposa brièvement, ralentissant un des coups, la guerrière parant ou esquivant quasiment tous les autres, avant de faire un bond en arrière. Le vampire examina sa lame : elle portait quelques traces de sang encore chaud. Extatique, il rapprocha le liquide fumant ses lèvres et le lécha avec délectation. Ixi’hualpa vit soudain avec horreur, à la lueur des astres nocturnes, que la blessure de l’être guérissait à vue d’œil… (Sargath : 3T, 1T annulée, 2B, 1 invu, 1PV ! Soif rouge réussie, Sargath regagne 1PV !)
     L’amazone comprit alors qu’elle devait absolument consulter les divinités pour affronter cet ennemi (Ixi’hualpa : tests réussis !) ; ce dernier, cependant, la toisa avec un sourire mauvais, avant de bondir droit sur elle et d’enchainer un tel déluge d’attaques que la guerrière ne put que se battre pour sa survie (Ixi’hualpa : 2T, 0B) ; la force de son adversaire était telle que ses mains pourtant entrainées s’étaient mises à trembler à force de parer les coups ; elle protégea ses points vitaux mais subit des lacérations sur ses bras et sur ses cuisses. (Sargath : 3T, 3B, 3 PV !!!) Elle fut encore sur ses pieds lorsque ses élues s’interposèrent immédiatement, obligeant l’être à reculer, deux d’entre elles évacuant leur chef sur les pirogues attachées au navire avec une efficacité déconcertante : Sargath pensa à peine faire appel à ses gardes squelettes que les dernières femmes quittaient le bord de la nef, les pointes de leurs armes fixées sur l’être, avec des regards où la détermination surpassait la peur.
     Par les dieux, se dit le vampire en scrutant son sabre ensanglanté avec satisfaction, qu’elles reviennent seulement, ces mortelles si courageuses ! La prochaine fois, il les garderait à son bord à coup sûr.


     Le capitaine Sarquindi (Ethgri Wyrda) contre le prince Aetholdyr Prestelance (Johannes la Flèche)

     Quelques heures plus tard, les skinks caméléons qui observaient deux autres nefs chacun de leur côté de l’Amaxon eurent brusquement exactement les mêmes secrétions d’alarme lorsqu’il devint clair que la distance entre l’embarcation sombre et l’embarcation claire décroissait de plus en plus rapidement. La sensation était singulière : même parfaitement camouflés parmi les larges feuilles, les lianes et les troncs des arbres, ces éclaireurs au sang froid se mettaient à exsuder cette même sueur qu’ils ressentaient lorsque deux prédateurs particulièrement féroces étaient sur le point de s’affronter sous leurs regards.

     Le capitaine Sarquindi était mort de rire. Il venait de raconter une magnifique blague sur les asurs à son commandant en second et les deux druchiis roulaient sur le pont en se tenant les côtes. Une première salve de flèches, suivie d’une deuxième, puis d’une troisième, avait été plus ou moins contrecarrée par les capes en écailles des corsaires, cependant la blague du capitaine avait dû être tellement hilarante que lui-même et son lieutenant avaient oublié toute précaution ; ce ne fut que lorsque l’une des flèches s’enfonça profondément dans le flanc exposé du lieutenant que son capitaine reprit ses esprits et leva son bouclier au cas où. Tout en essuyant ses yeux embués de rire, il admonesta son lieutenant pour s’être aussi bêtement laissé avoir puis se retourna vers son équipage qui commençait à riposter à grands renforts de carreaux d’arbalètes.
     De son côté, le prince Aetholdyr menait son régiment comme l’aurait fait tout bon général de sa race : avec un flegme et un tranchant irréprochables. Soucieux du moral de ses troupes, il glissait une harangue entre deux ordres lancés à ses soldats, se tenait droit comme un pilier sur son poste de commandement et laissait ses lieutenants le protéger des projectiles adverses avec leurs boucliers. Le prince n’en était pas à sa première escarmouche, loin de là : nombreux avaient été les sinistres esquifs de pillards et d’esclavagistes qu’il avait envoyé par le fond au cours de sa carrière. Cette fois-ci, comme toujours, il n’avait pas droit à l’erreur, l’honneur de son peuple ainsi que sa propre renommée en dépendaient.
     Le Rêve d’Atharti devint bientôt tellement proche du vaisseau-aigle que les elfes pouvaient désormais détailler les faciès de leurs cousins respectifs. Les druchii agrémentèrent leurs tirs de cris de guerre et d’insultes bien senties ; les asurs se préparèrent à venger leurs ancêtres décédés lors de la Déchirure. Puis, ce fut le choc.

     Les deux navires grincèrent sous l’impact mais tinrent bon ; nul n’avait été plus fin que l’autre pour effectuer un éperonnage, aussi les deux coques se heurtèrent quasiment au même endroit, les corsaires bondissant à l’assaut avec une fulgurance renforcée par une tradition de haine envers congénères restés sur Ulthuan. Quant à ses derniers, ils serrèrent leurs boucliers et reçurent la charge des corsaires avec un succès que nulle formation humaine n’aurait pu égaler.
     Le sang coula presque immédiatement. Les cris de rage et les cris de douleur se mélangèrent au tintement de l’acier ; le prince Aetholdyr n’en fit rien, droit comme un pilier sur son poste de commandement, vigilant quant à la moindre traitrise des druchii.
     Un bruit venant de ses arrières le força à se retourner.
     De derrière la dunette du vaisseau-aigle, une forme immense émergea, ses écailles miroitant au soleil, son cri ressemblant à quelque chose d’inhumain, de primal, un borborygme abject ; sur l’une des « têtes » de la créature, un druchii toisait l’état-major des asurs avec un sourire mauvais. « À TAAAAAAAABLE !!! vociféra-t-il joyeusement avant de se jeter sur celui qu’il prit pour le plus important du vaisseau.

     La kharibdyss et son « maître » s’écrasèrent sur la dunette dans un fracas épouvantable.

     La rencontre des deux commandants fut foudroyante.

     En un battement de cil, ils s’étaient croisés en l’air ; Sarquindi comprit trop tard que son adversaire était un expert inégalé dans le maniement de la lance…

     Sa propre lame mordant cruellement dans le flanc du prince (Sarquindi : 4T, 1T annulée, 3T, 2B, 2 PV !!), le capitaine elfe noir sentit une froideur se répandre dans ses membres alors que la lance étincelante de son ennemi le clouait tel un insecte au cou monstrueux de la créature marine (Aetholdyr : 4T, 1T annulée, 3B, 3 PV !!!).

     Aetholdyr extirpa sa lance de l’abdomen du druchii avant que sa propre blessure ne l’en empêchât. Presque immédiatement, dans un tonnerre de mugissements infames et de bois brisé, la kharibdiss releva sa tête avec son maître sanguinolent, elle-même cruellement blessée par la lance ancestrale, et s’immergea brutalement dans les eaux du fleuve.
     Presque immédiatement, voyant l’échec fulgurant de leur stratégie, les corsaires sonnèrent une retraite dans la plus pure tradition des charognards des mers ; l’on fouetta les esclaves pour activer les rames, profitant du désordre causé par les dommages sur l’arrière du vaisseau-aigle ; la blessure du commandant ne fit que faciliter les choses car, pour l’équipage asur, sa survie était une priorité. Quant à leur commandant, les druchii ne faisaient pas comme leurs faibles cousins : un commandant probablement mort était un commandant à remplacer. Quoique, ce ne serait pas la première fois que celui-ci passât pour un mort et revint un peu plus tard pour voir qui parmi ses hommes pensait avoir saisi sa chance.


     Les observateurs silencieux de la jungle comprirent que le plan de leurs maîtres commençait à se réaliser…

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Dernière édition par Essen le Dim 14 Fév 2021 - 11:41, édité 1 fois
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Sam 23 Jan 2021 - 17:08

     Felbar le Fourbe (Doobloom) contre Corus de la Lorelei (vg11k)

     Felbar se rappelait distraitement d’un très vieux clavecin qu’un pirate avait ramené dans une taverne de Bourbeville et qui en avait fait depuis son gagne-pain. Elle s’en rappelait comme d’un de ces souvenirs particulièrement heureux qui raffermissent l’esprit face à n’importe quelle adversité : le pirate jouait de son instrument lors de toutes les bagarres que la taverne pouvait connaître et avait une habileté incroyable à esquiver les chaises et les cruches qui pouvaient voler dans sa direction : à croire qu’il avait des yeux derrière la tête ! Ce clavecin avait fixé ce pirate sur le rivage, il avait marqué une nouvelle étape dans sa vie d’aventures, désormais vouée à l’ambiance folklorique de la taverne… Bah, bah, sa génitrice l’avait averti des effets de nostalgie que pouvait parfois procurer l’immortalité : pour l’heure, la musique qui baignait son ouïe était le bruissement des vagues et le grincement des planches de son navire.
     La vampiresse fut partagée entre appréhension et joie sincère lorsqu’elle aperçut devant elle, au loin, sur le fleuve, une forme rappelant un autre navire, un autre navire pirate, il fallait le dire. Elle remarqua que le navire abaissa ses voiles, comme souhaitant ralentir son allure et laisser Felbar le rattraper. La capitaine trouva cela louche mais n’en laissa rien paraître : elle donna seulement l’ordre à ses morts-vivants d’apprêter les canons et se tenir prêts à tirer. Quelque temps plus tard, un « Graaa ! » guttural en provenance d’en bas lui signala que les canonniers se tenaient prêts.

     À bord de la Lorelei, le capitaine Molos appréciait pour le moment cette traversée d’eau douce : nul besoin de braver les périls de jungle, les proies faciles semblaient se jeter elles-mêmes dans ses bras, toutes à la recherche de trésors dont lui et ses hommes en feraient un bien meilleur usage que les abrutis d’en-face pouvaient certainement inventer. Oh, le sang qu’ils avaient déjà fait couler était minime : la plupart des équipages finissait par se rendre, cédait leurs provisions et redescendait l’Amaxon la queue entre les jambes ; Molos n’en demandait guère plus, il était pressé d’arriver à son but.
     Jamais loin de lui se tenait Corus, son meilleur élément à bord : il avait un peu la grosse tête à cause de sa puissance carrure mais, dans l’ensemble, le capitaine s’entendait avec lui autant qu’il le fallait à bord d’un navire en territoire hostile. Un combattant hors-pair, celui-là. Pourvu que leur chance à tous continuât de durer…

     Lorsque le navire de Felbar rattrapa la Lorelei, la vampiresse se raidit en voyant l’équipage d’en-face. Loin de la frayeur à laquelle elle s’était habituée depuis son immortalité, elle lisait dans les regards de ces matelots-là une détermination teintée de mépris envers elle et envers ses morts-vivants, comme s’ils avaient une habitude, ou quelque chose de semblable, à en affronter.
Molos se mordit la lèvre et se pinça l’arcade sourcillière : le vieux capitaine voyait qu’aucune provision ne pouvait être tirée de ceux-là.

     « Holà, braves gens de triste vertu ! De quel port venez-vous ? »
     Felbar s’était efforcée d’assembler à la va-vite un salut cordial pour ces loups de mer aux visages de marbre. La rencontre sentait le poisson mais, au-delà d’un possible abordage, la vampiresse voulait au moins connaître l’identité de ces individus, glaner une bribe de nouvelle de son ancienne vie mortelle…
     « Corus ! Le vieux capitaine se tourna vers son atout, la mine renfrognée dans sa longue barbe. Ils sont tous à toi ! Ou te fffaudra-t-il quelques bras en plus ? Nous n’avons pas tout le temps.
     - Tu me décernes des corvées, maintenant, Molos ?
     - Pardonne ce vieillard ! Soit, allons-y tous ensemble ! À l’assaut ! »

     Les canonniers mort-vivants firent feu de leurs pièces alors que la mêlée générale s’était déclarée en un instant sur le pont du galion-fantôme.
     Felbar envoya promptement ses adversaires par-dessus-bord puis, au milieu de la cohue générale, elle fut prise à part par le colosse prénommé « Corus ».

     Equipé d’une épée et d’une rondache, le grand pirate échangea avec la vampiresse des passes d’armes à une vitesse ahurissante, à tel point que le capitaine Molos, resté en retrait, dut plisser les yeux…
     Brutalement, le duel se figea : l’épée de Corus avait cisaillé l’uniforme vétuste de Felbar et entamé ses chairs, cependant cette dernière tenait désormais sa propre rapière pointée sur la gorge du pirate. (Corus : tests réussis ! 3T, 3B, 1 invu, 2 PV !! Felbar : 3T, 3B, 3 PV !!!)
     Ce fut alors qu’une, puis deux, puis trois, puis plusieurs autres lames furent pointées en direction de la vampiresse. Ses morts-vivants ne valaient guère son poids en termes de puissance de combat. Felbar faillit s’en mordre la langue mais pressa immédiatement son avantage, enfonçant la pointe de sa rapière d’un millimètre dans la gorge de Corus.
     « Pourparlers ? glissa-t-elle sur un ton grinçant.
     - Ecartez-vous, tonna l’ordre ferme de Molos. »
     Les canons s’étaient tus sur l’ordre de la capitaine du vaisseau-fantôme. Cette dernière sentait qu’elle devait jouer serré : tout indiquait que ces marins, qui qu’ils fussent, accordaient beaucoup de valeur à la vie de son otage.
     « Et si nous faisions comme si cette eau douce était assez grande pour tout le monde ? articula Felbar. Vous rentrez sur votre bâtiment, je reste sur le mien… Si je ne reste pas sur le mien, alors lui, par contre, devra y rester ! trancha-t-elle.
     - Mes hommes, à bord de la Lorelei, tout de suite, fit platement Molos tout en se tenant debout sur le bastingage de son navire. Corus, il fffaudra qu’on s’explique après coup. »
     Les marins se retirèrent les uns après les autres ; Felbar renonça à la folie de les poursuivre d’une bonne insulte : elle ne devait son salut qu’à un heureux hasard et remerciait sa bonne étoile. Lorsque tous ses assaillants eurent évacué le pont, elle négocia qu’ils s’éloignent de son navire. Par chance, le fleuve formait au loin un embranchement, aussi elle négocia également que ses adversaires empruntent le fleuve alors qu’elle emprunterait ce qui devait être un affluent.
     Après mille et une précautions, la vampiresse fit reculer son puissant otage jusqu’au bord de son vaisseau ; pendant tout le long, le marin demeura muet comme une tombe, aussi impassible face à la mort qu’un rocher. Felbar admira intérieurement son sang-froid.
     Puis, elle le laissa plonger avec la vie sauve dans les eaux du fleuve, son propre équipage se relevant lamentablement de la dérouillée qu’ils venaient de se prendre…


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Ven 29 Jan 2021 - 16:28

     Fiodor le Non-Mort (Arcanide Valtek) vs Qracl’naui (Hjalmar Oksilden)


     Depuis plusieurs jours, une féroce bataille se jouait sur le vénérable Amaxon, une bataille jamais entendue auparavant en ces lieux reculés, d’une teneur qu’aucune créature locale n’aurait jamais pu imaginer.
     Tout avait commencé lorsqu’à bord du Corbeau centenaire, Fiodor dit « Le Non-Mort », capitaine du vaisseau, avait décelé dans les bruits de la jungle quelque chose qui ne ressemblait aucunement aux bruits d’oiseaux, singes ou autres animaux qu’il aurait pu attribuer à une gueule vivante. Les bruits provenaient de loin : personne d’autre à bord du Corbeau centenaire n’avait une oreille aussi développée que son capitaine, personne d’autre que lui ne décelait ces bruits anodins. Fiodor décelait les vibrations de percussions, percussions dont la nature et les battements variaient d’une période de la journée à une autre, sans doute la marque audible des peuplades indigènes de cette terre inconnue.
     Tout aurait pu aller pour le mieux, seulement, lorsque le vampire reprit avec son équipage les répétitions de solfège qu’il appréciait tant, il réalisa que le voisinage des percussions lui vrillait les tympans et l’empêchait de profiter pleinement des prestations de ses hommes. Pire encore, il perdait le rythme, bousculé mentalement par les pulsations barbares des musiciens sauvages cachés quelque part au fond de la jungle, essayait de reprendre, perdait le rythme à nouveau, ses hommes ne l’avaient encore jamais vu être aussi distrait lors des répétitions. Fiodor, quant à lui, passa de l’étonnement à l’incrédulité et termina son raisonnement sur le fait qu’on lui marchait impunément sur les pieds. Le comble de l’ironie était atteint lorsqu’il dut s’avouer à lui-même que ces battements l’horripilaient non pas à cause de leur volume ou de leur désordre, non : ces battements étaient au contraire harmonieux, voire hypnotisants pour qui savait écouter. Impossible, en revanche, de faire sereinement cohabiter au sein d’un même esprit ces pulsations exotiques et les rythmes traditionnels de l’Empire ou de la Bretonnie.
     Depuis, furieux contre cet accueil envahissant, Fiodor ne sortait presque plus de sa cabine : de jour comme de nuit, alors que les mystérieux rivages de l’Amaxon défilaient tout autour, des entrailles du Corbeau Centenaire surgissaient, comme un défi, comme un bras de fer, les accords et les polyphonies de l’orgue du capitaine.
     Ce fut comme si le Vieux Monde était joué en plein milieu du Nouveau Continent. Sonates de compositeurs connus de Marienburg et d’Altdorf, compositions originales mais non moins altières du vampire, les mélodies s’élevaient à travers les planches noircies du navire, glissaient sur les eaux troubles du fleuve, jusqu’à atteindre la végétation frémissante de la jungle, pénétrant dans les sous-bois plongés dans l’ombre.
     L’équipage du navire ne savait trop quoi penser de cet isolement impromptu mais n’en faisait pas grand cas : lorsqu’il y eut un accrochage avec un galion concurrent de Sartosa, leur capitaine fut à son poste, aussi redoutable et impitoyable que toujours. Le reste du temps, monsieur Flouz ainsi que le contremaître bretonnien du navire s’assuraient des manœuvres quotidiennes.

     La forêt se taisait, souvent. L’Amaxon, lui, véhiculait sa masse aqueuse avec, semblait-il, la même indifférence que toujours. Cependant, le jour où les choses faillirent basculer pour de bon ne tarda guère à arriver.

     Le Corbeau centenaire manqua de basculer, littéralement ; sous le soleil rayonnant et le ciel limpide de midi, les poutres et les planches du navire poussèrent une complainte semblable à l’affolement de l’oiseau noir dont il portait le nom. L’équipage se retrouva subitement assailli d’une masse grouillante de créature trapues recouvertes d’écailles, au faciès monstrueux et aux armes acérées ; dominant créatures comme humains, Qracl’Naui s’engagea dans la mêlée tel un ouragan.

     Le grand reptilien aperçut immédiatement l’être en rouge surgir sur le pont et ses instincts l’avertirent que c’était celui qu’il devait combattre. Alors qu’une résistance commençait à se former parmi les humains pris au dépourvu, le kroxigor franchit sans broncher la courte distance qui le séparait de l’être en rouge.

     Fiodor ne perdit pas une seule seconde à comprendre ce qui se passait et dégaina son sabre ; un coup d’estoc et c’en serait fini… La pointe refusa d’aller plus loin que la cage thoracique de l’immense créature (Fiodor : 4T, 1T annulée, 3T, 1B, 1 PV !). Qui riposta. (Qracl’Naui : 3T, 3B, 1 invu, 2 PV !!)
     Le capitaine faillit se faire catapulter par-dessus-bord, cueilli dans le flanc par un coup de massue monstrueux ; ce fut le bois du bastingage qui craqua mais empêcha le vampire de piquer la tête la première dans le fleuve ; presque aussitôt, un de ses marins hurlant à l’agonie se retrouva sur lui, saignant d’une plaie abominable. Fiodor ne perdit pas de temps à réfléchir et planta ses crocs dans le mourant. (Vampirique réussi : +1 PV !!!)
     Il esquiva au dernier moment la ruade de la créature, misant tout sur la défense (Fiodor : 2T), réalisant subitement que la chose venait de l’attraper par le mollet (Qracl’Naui : 1T, 1B, 1 PV !).
     Fiodor bascula droit vers ce membre épais et planta profondément son sabre dedans (Fiodor : 1T, 1B, 1 PV !), arrachant un hurlement de douleur à son ennemi, qui tenta de manier sa masse avec son autre bras : moins aguerri que le Non-Mort aurait dégusté (Qracl’Naui : 2T, 1B, 1 invu !).
     Le vampire ne parvint cependant pas à extirper sa lame de la chair épaisse du monstre (Fiodor : 1T) et réalisa une seconde trop tard que c’était cette fois-ci avec sa gueule hérissée de crocs que la créature l’attaquait : son cou et son crâne furent subitement happés par le monstre ; le vampire se sentit violemment arraché du sol, sentit ses os craquer et son corps tout entier se faire secouer dans tous les sens telle une poupée de chiffon ! (Qracl’Naui : 1T, 1B, 1 PV !)  
     Il fut projeté aussi soudainement et se fracassa contre les planches de l’escalier qui menait au gaillard d’avant (Fiodor : 3T). Sa vision lui indiquait… que ses hommes continuaient de se battre (Qracl’Naui : 2T, 2B, 2 invus !!).
     Qracl’Naui se tourna immédiatement vers un autre combattant coriace : un être engoncé dans une peau brillante. Beaucoup de skinks morts autour de lui. Ce dernier l’engagea aussitôt, proférant des choses dans sa langue dont le kroxigor se fichait éperdument. Puis, il distingua dans le bruit incessant de la mêlée un signal qui ne lui était que trop familier : les invectives furieuses de Tixyxyon. Profitant de la lenteur de la chose qu’il affrontait, Qracl’Naui évalua ses alentours et ressentit de la fureur et de l’incrédulité en apercevant l’être en rouge se battre comme si de rien n’était et renverser totalement la situation en la faveur des siens : les skinks fuyaient désormais. D’ailleurs, l’être en rouge reçut quelque chose de scintillant ; le kroxigor distingua un « Merci monsieur Flouz ! » indéchiffrable et vit l’objet scintillant lancé vers lui pour atterrir à ses pieds.
     La mèche se consuma aussitôt (Fiodor : 4T, 1B, 1 PV !!!).

     Lorsque Qracl’Naui retrouva conscience, il était quelque part à nouveau sous les frondaisons épaisses. Les skinks avaient veillé sur son sommeil.


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Sam 30 Jan 2021 - 17:11



     Von Essen (Essen) vs Helmut Markus Heldenhame (Vytrium)

     « Dites, vous ne trouvez qu’il fait un peu frisquet pour ce qu’on avait jusqu’à présent ?
     - Chi fait, mein cher ami, mais ch’est plutôt une bonne nouvelle, ja ?
     - Vous savez, dans notre métier on apprend parfois à se méfier des bonnes nouvelles… »
     Celui qui s’exprima avec autant de sagesse était nul autre que Helmut Markus Heldenhame, envoyé officiel de la comtesse Emmanuelle von Liebwitz dans les contrées sauvages et inhospitalières de la Lustrie. Officier-lieutenant du 347ème régiment de la milice de Nuln, l’homme avait reçu l’insigne honneur de sa classe dirigeante d’être nommé responsable-en-chef d’une périlleuse mission pour la gloire du Wissenland et de la dynastie von Liebwitz. Si ses camarades de régiment pouvaient le voir, à présent, sur le pont d’un navire, flanqué d’un sous-lieutenant de la milice et d’un doyen des chevaliers du Corbeau…
     « Commandant Heldenhame, regardez.
     - Qu’est-ce que…
     - De la sorcellerie, mein Herr. Le Gardien des Trépassés nous ait en sa sainte garde. »
     Le ciel se couvrait. A bord du navire affectueusement baptisé « Emmanuelle », un des marins éternua. Le vent qui s’était levé n’avait rien des courants chauds et humides qui gonflaient habituellement les voiles. Les eaux vertes de l’Amaxon empruntèrent subitement une teinte métallique aux nuages qui les surplombaient désormais.
     « De la sorcellerie, Herr Ritter ? Soldats !! Tous à vos postes !
     - De la chorchellerie, fous croyez ?
     - Mes os vous le garantissent, offizier. »
     Helmut vit alors son sous-lieutenant les saluer et s’en aller d’un bon pas afin de passer les hommes en revue. Il le savait courageux, simplement il était comme beaucoup de siens : particulièrement allergique à ce qui ne pouvait être proprement abattu d’un tir d’arquebuse. Inspecter la bonne conduite des troupes et s’affairer à instaurer la discipline en devenait alors le meilleur moyen de se préserver de frayeurs inutiles tout en se préparant à l’inévitable. En revanche, lorsqu’il commença, contre toute attente, à neiger à gros flocons, Heldenhame lui-même préféra demander :
     « Herr Ritter, s’il y a quoi que ce soit que vous puissiez me dire à propos de ce curieux phénomène, dites-le maintenant, je préfère.
     - Mes hommes sont parés à toute éventualité, commandant Heldenhame. Les vôtres aussi, je crois. Le reste est du ressort des dieux, et je prie que Mórr soit clément envers nous aujourd’hui. »
     Helmut scruta le vieux chevalier puis s’en détourna, comprenant qu’il n’en tirerait rien de plus : il venait d’ailleurs d’avoir été plus bavard au cours de ces quelques minutes qu’au cours de tout le reste de leur traversée, c’est dire ! Le commandant regretta une fois de plus d’avoir laissé son pistolet à Nuln : celui qui lui avait été confié à bord avait, disons, moins été éprouvé que le sien. Entretemps, le phénomène de « sorcellerie » prenait de l’ampleur : presque tous, à l’exception notable de quelques chevaliers de Morr, grelottaient désormais à bord de l’Emmanuelle, qui n’avançait presque plus : on aurait dit que les eaux du fleuve avaient été muées en plomb. La neige qui tombait se mua peu à peu en une masse tourmentée par le vent, réduisant la visibilité en tous sens et s’introduisant dans les moindres replis des vêtements. Puis, alors que les yeux des marins ne savaient plus où regarder et que les cris du sous-officier bravaient à présent la bourrasque, Helmut aperçut à tribord quelque chose qui se mouvait sur le fleuve, un navire, bien moins gros que le leur…

     Subitement, le vent se tut. À tribord, un navire à la proue élancée, une voile unique ; à son bord, des individus solidement bâtis, barbus et armés jusqu’aux dents : haches et boucliers ronds, reconnaissables entre tous.

     « LEEEEEEEEEEEEEEERRROOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOYYYYY !!! »

     Une bonne douzaine de crochets d’abordages se rivèrent au bastingage de l’Emmanuelle ; à son bord, cependant, une ligne d’hallebardiers se forma, l’autre derrière et la troisième - derrière encore. Quelques coups de feu retentirent ; il était malheureusement un peu tard pour charger les canons. Les guerriers nordiques franchirent la distance entre les deux navires avec une agilité qui faisait foi de leur soif d’en découdre. Helmut estima qu’ils ne pouvaient être aussi nombreux que son régiment mais il avait suffisamment entendu parler des prouesses martiales de ces guerriers pour croire à une victoire facile. Le doyen le somma de rester en retrait, ce à quoi Helmut consentit de mauvaise grâce : il avait bien plus l’habitude d’être dans le feu de l’action que dans la supervision.

     Pendant quelques secondes, il se crut effectivement dans ce rôle si déplaisant de l’officier haut-gradé que les troupiers n’hésitaient pas à qualifier de couard. Lorsque quelque chose atterrit sur le gaillard d’avant à quelques pas de lui, il comprit le combat venait le chercher tout seul. Heldenhame dégaina son pistolet et tira.
     Le mécanisme cliqua : l’arme n’était pas chargée. Son maître lui accordait décidément moins d’attention qu’au précieux objet laissé à des milliers de nœuds marins, là-bas, à Nuln. La chose qui venait d’atterrir se redressa : Helmut distingua un individu recouvert tout entier d’un épais manteau de fourrure, coiffé d’un chapeau de fourrure également. A la différence de tous les autres assaillants, celui-là était imberbe et nettement moins massif.
     « Guten tag, noble wissenlander ! »
     Le reikspiel de cet inconnu résonna telle une insulte à l’oreille d’Helmut. Nullement disposé à échanger des politesses avec l’ennemi, il dégaina son épée. L’individu rejeta son manteau en arrière : des habits de brocart rouge et noir, dans un style impérial quelque peu désuet ; à sa ceinture, une épée et une dague.
     Helmut chargea l’individu avec toutes les intentions de lui fendre le crâne ; ce dernier répliqua presque la manœuvre, armant un coup d’estoc ; les deux combattants se croisèrent dans un bruit de crissement métallique : le cœur de l’impérial fut protégé par son armure, la tête de l’individu… intangible ? Helmut avait pourtant eu la conviction visuelle d’être passé au travers ! (Von Essen : 3T, 1B, 1 svg ; Helmut : tests réussis ! 3T, 1B, 1 invu !)
L’individu chargea à son tour ; au dernier moment, Helmut crut que ses yeux lui jouaient des tours : il y en avait deux à présent ?! (Helmut : tests ratés !) Il se défendit comme un beau diable, sentant une fois de plus l’héritage de Frédéric le Grand lui sauver la peau ; au terme de l’échange, il aperçut du noir sur le tranchant de son épée. (Von Essen : 4T, 1B, 1 svg ; Helmut : 3T, 1B, 1 PV !)
     Von Essen jura intérieurement : la peste soit des soldats de métier ! Alors que ses maraudeurs faisaient leur affaire en contrebas contre des recrues protégées par du cuir bouilli, lui se retrouvait face à la fine fleur de l’Empire ! Par Nagash, la peste soit des armures !! (Von Essen : 4T, 3B, 3 svg ! Helmut : tests réussis ! 2T, 1B, 1 PV !)
     Helmut vit son adversaire se figer telle une statue, puis se retourner dans un mouvement tellement fluide que l’impérial n’y comprit rien : une des amulettes qu’il eut empruntée à la comtesse vibra contre sa poitrine ; la dague qui fut à un cheveu de se ficher dans sa gorge rebondit sur celle-ci dans un bruit sec. (Von Essen : 4T, 3B, 2 svg, 1 blessure ignorée !) Von Essen sentit son moral vaciller ; il opposa la meilleure défense qu’il pût à la charge de l’impérial galvanisé (« Pour Sigmaaar !!! »), reculant à chaque botte adverse, atteignant rapidement le bastingage, esquivant pour récupérer son manteau de fourrure, se faisant cueillir d’un solide coup de taille qui l’envoya à terre. (Helmut : tests réussis ! 3T, 1B, 1 PV !!!)
     Le coup de grâce de Helmut fut évité par un Von Essen qui, en quelques secondes, fit poussière les planches du gaillard d’avant sur lesquelles il se trouvait, tombant lourdement à l’étage en dessous. Le vampire s’empressa alors de trouver la sortie et fut presque pétrifié par l’odeur cuivrée du sang qui régnait sur le pont : les derniers maraudeurs de son drakkar se battaient comme s’ils venaient de débuter… Le chroniqueur prononça les mots incantatoires : le vent se remit à souffler comme sur les mers gelées de la Norsca. C’était le signal de la retraite. Une autre incantation releva les corps encore tièdes de maraudeurs et de soldats tombés précédemment : les hallebardiers durent faire face à cette nouvelle menace et ne purent que constater le départ précipité des chaotiques survivants. Helmut, qui avait bondi dans le trou à la poursuite de son ennemi, fut à son tour forcé de trancher dans des corps gorgés de magie noire, et crut entendre dans le blizzard qui s’amplifiait des malédictions prononcées à son égard…




     Phy’lis (Prestenent) vs Alicia de Meissen (Alicia)

     L’imagination est une corne d’abondance dont les contenus sont souvent déterminés par la hardiesse de l’individu qui en est doté. Ainsi un poltron imaginera souvent des dangers fictifs, alors qu’au héros s’ouvriront des solutions imaginables à tout danger bien réel. Phy’lis, cependant, n’était ni un héros, ni un poltron. Reconnu capitaine à bord du reaver, Phy’lis était avant tout un survivant.
     Il reconnut immédiatement la jungle pour ce qu’elle était réellement : un paradis perdu. Tout ici respirait à la fois la vie et la mort, l’odeur des fleurs et celle de la putrescence, tout était chaos et harmonie à la fois. Les rares moments où les insectes cessaient de l’inquiéter, Phy’lis souriant à la vision qui s’offrait à lui : un monde vierge de toute corruption, ou plutôt un monde vierge de toute hypocrisie, de toute pitoyable imploration de pitié. S’ils n’avaient pas eu ce bénéfice d’emprunter cette vaste voie fluviale, Phy’lis en était certain, son équipage et lui-même seraient probablement déjà tous morts…

     Quelque part non loin, là où tout était chaos et harmonie à la fois, là où les insectes eux-mêmes ne se privaient pas de vous dévorer à condition d’être en nombre suffisant, une colonne d’humains progressait vigoureusement le long du fleuve, ignorant tout des pensées secrète du capitaine du navire qu’ils voyaient au loin mais solidement déterminés à s’emparer dudit navire à la moindre occasion. À leur tête se trouvait une inquisitrice à la discipline de fer et au caractère bien trempé, Alicia de Meissen. Nulle créature aux alentours n’avait suffisamment de conscience pour réaliser toutes les prouesses que l’expédition impériale réalisait au quotidien dans cette jungle, ses membres guidés par… beaucoup de choses. Rêves de gloire, de richesses, devoir, honneur, dévouement à la cause, foi aveugle en une hypothétique protection divine, résignation, espoir, frayeur… Une chose était certaine : celle qui guidait ces soldats en tranchant la végétation à grands coups de dague (utile aussi pour trancher les serpents qu’elle croisait) inspirait suffisamment de crainte et de respect en même temps pour prévenir toute velléités de mutinerie. Des morts, des désertions… Enfin, pour ces dernières, dans cet enfer, c’était tout comme la mort… Alicia, quant à elle, était déterminée à mener cette expédition aussi loin qu’elle le pourrait : il fallait rapporter quelque chose, n’importe quoi, qui donnât un sens à toutes ces privations et qui glorifie l’Empire pour des décennies à venir.
     Au crépuscule, le navire noir entama une approche prudente de la côte. Par hasard, c’était celle où l’expédition de feu le Feldmarshall Hoffenbach les attendait, soldats comme supérieurs tapis dans la végétation du mieux qu’ils le pouvaient. Leur odeur, en revanche, ils ne s’en inquiétaient pas : l’odeur de la jungle les poursuivrait toute leur vie…

     Phy’lis atterrit lestement sur le terrain sablonneux qui précédait le mur végétal lustrien ; il inspira à pleins poumons ces humeurs d’humidité et d’humus. Theyclos le corsaire, également navigateur de l’équipage druchii, le vit se figer pendant un quart de seconde de trop, à ce qui lui sembla, mais il se garda bien d’en faire la remarque.
     « Theyclos ? Fais signe aux hommes de se tenir aux aguets, discrètement.
     - Aux aguets ? Discrètement ? Plus que d’habitude ? – le corsaire ne pouvait s’empêcher de faire étalage de son esprit face à celui qui ne s’en privait pas à longueur de journée.
     - Fais-le. Maintenant. »
     Le corsaire obtempéra avec un frisson. Phy’lis, quant à lui, huma l’air une deuxième fois afin de confirmer ses soupçons. Toutes ces effluves… Il ne devait qu’à son passé parmi les ombres cette capacité de déceler ainsi les nuances d’une odeur qui trahirait quelque chose de… civilisé… dans les parages.

     À peine quelques cent coudées plus loin, tapie contre le tronc d’un arbre, Alicia plissa le regard : la nuit tombait, il fallait soit agir vite, soit attendre que les agneaux allument leurs feux et s’installent à leur aise. Ses hommes attendaient son signal. L’inquisitrice opta pour l’attente : ils avaient dû se démener à poursuivre ce navire au pas de course, tout le monde devait avoir les jambes en feu.
     Puis, un anaconda jugea opportun de prendre par derrière le botaniste du collège ducal de Talabheim, seul civil de l’expédition, qui poussa un cri de terreur.
     Merde.
     « POUR L’EMPIRE !!! »
     Le serpent fut exécuté d’un tir de pistolet bien ajusté, presque invisible à tous les soldats qui n’avaient compris qu’une chose : ils attaquaient maintenant. « Avant que l’ennemi ne comprenne à quel point nous sommes tous épuisés, glissa furtivement dans l’esprit de l’inquisitrice. »

     Les elfes noirs de Phy’lis, cependant, étaient loin d’être au sommet de leur forme physique et mentale : le climat, les insectes et la malnutrition d’une expédition modestement préparée étaient là pour s’en assurer…
     « Khaïne nous sourit, druchii ! S’ils n’ont plus rien à manger, alors nous mangerons leurs cœurs !!! »
     La harangue de leur commandant les raffermit et les guerriers de l’équipage formèrent une ligne de fortune ; en face, ils apercevaient la masse informe d’impériaux s’extirper de la jungle telle une meute de chiens sauvages. Il ne fallut que quelques secondes pour que la mêlée s’engageât.

     L’humaine la plus importante du lot était inratable, c’était celle qui criait le plus d’invectives à l’adresse de ses troupes et déviait toutes les attaques de ses guerriers avec le plus d’aisance, non, de précision, pensa Phy’lis. S’il pouvait l’éliminer rapidement…
     Il se faufila parmi les rangs désorganisés des druchii, droit vers sa cible, dague effilée au clair.
     L’inquisitrice bien trop aguerrie n’aperçut que trop facilement cet… adolescent ?!
     Cette hésitation faillit lui coûter la vie, elle vit la dague dans sa main, comprit qu’elle n’aurait guère le temps d’esquiver ; sa dague à elle, cependant, était tout aussi proche…
     L’acier s’enfonça, indifférent quant à la main qui le maniait et aux chairs qu’il malmenait. Ce fut cependant Phy’lis qui sentit la lumière quitter sa vision, alors qu’Alicia resta debout, cruellement blessée au flanc. (Phylis : 4T, 2B, 2 PV !! Alicia : 3T, 3B, 3 PV !!!)

     Phy’lis se réveilla alors qu’il faisait nuit noire, il se sentait délirant et fut prêt à croire qu’Ereth Kial lui avait ouvert les portes de son royaume. Le visage mauvais de Theyclos en plein milieu lui fit réaliser que l’enfer devait certainement être plus doux que cela.
     Ils avaient perdu le reaver.
     La troisième chose que l’elfe noir constata, par ailleurs, c’était la présence d’une personne qu’il ne s’attendait absolument pas à rencontrer de nouveau.
     Ignea, la Gardienne de l’Amaxon, se tenait agenouillée à quelques pas de lui, flanquée de deux guerrières amazones arborant des pelages de jaguars. Elle ne souriait pas.



Yelmerion d’Yvresse passe automatiquement la première journée !

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Essen

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Ven 5 Fév 2021 - 19:26
Intermèdes I









     La vision s’éteignit. La boule de cristal redevint peu à peu opaque et se reposa à terre. Il faisait nuit : aussitôt la boule s’était tue, les bruits de la jungle environnante dominaient de nouveau. Cela n’empêcha pas le groupe qui s’était réuni autour de la boule de cristal d’échanger quelques cris admiratifs et autres commentaires gaillards. Le chroniqueur, lui s’était aussitôt éloigné vers la rive du fleuve : il était pressé de pratiquer à nouveau son pouvoir… originel.
     Le chroniqueur autoproclamé des von Carstein n’était guère une masse de muscles, on l’aurait dit même chétif. Cela sautait particulièrement aux yeux maintenant qu’il se trouvait dans cette compagnie d’explorateurs norses aux carrures qui lui rappelaient quelque peu les ogres. Ses cheveux droits et fins encadraient un visage imberbe, parfait opposé des crinières hirsutes de ses compagnons. Ses mains étaient celles d’un moine copiste, loin des pattes de tigre des guerriers qui l’accompagnaient. Ses vêtements, enfin, correspondaient au costume d’un aristocrate sylvanien que pour l’heure, cependant, il dissimulait sous un épais manteau en fourrure d’ours.
     Accroupi à quelques pouces seulement des eaux de l’Amaxon, Von Essen rapprocha les paumes de ses mains de la surface et se concentra. En quelques secondes, nimbée d’un halo vaporeux, une fine couche de glace se forma à la surface des flots. De l’épaisseur d’un ongle, aussi large qu’une assiette, elle se mit aussitôt à fondre dès que le vampire éloigna ses mains. Il venait d’entendre l’approche de ses camarades de voyage.
     « Alors, qu’est-ce que vous en dites ? – entama-t-il la conversation.
     - C’était vot’ mère, face au buveur de sang, ou… ? »
     Le regard éberlué dont le gratifia le chroniqueur suffit à assurer le nordique qu’il se fourvoyait complètement. C’était pourtant une conclusion qui s’invitait facilement : le pouvoir sur la glace n’était pas si courant que cela et pouvait très bien s’avérer héréditaire. Des choses bien plus folles se voyaient, après tout.
     - Non, non et non, Haakonson, la tsarina Katarin et votre humble serviteur n’ont en commun que… euh… une ascendance similaire, j’aurais du mal à vous le dire autrement.
     - Vot’ sœur alors ?
     - Mais non !
     - Vot’ cousine ?
     - Par Nagash et les neuf boyars, non ! Haakonson, je ne suis pas de sang royal, bon sang !
     - Ah bon ?
     - Mais enfin, oui, enfin c’est évident, ça saute aux yeux, non ?
     - Ben… Disons que les gars et moi, on aurait plutôt tendance à dire le contraire.
     - Eh bien, déjà, au Kislev, le pouvoir de la glace n’est confié qu’aux femmes, traditionnellement, hein, est-ce que ça, au moins, ça vous paraît clair ?
     - Attendez, ça fait de vous une femme alors ! »
     Un coup de poing redoutable en plein ventre manqua de plier le nordique en deux, cependant ce dernier se permit un accès d’hilarité alors même qu’il avait le souffle coupé. Le vampire qui lui faisait face leva les yeux au ciel, comprenait que pour cette dernière remarque, le nordique n’était pas sérieux. Dans son esprit, cependant, défilaient de lointains souvenirs qu’il pensait à jamais effacés de sa mémoire : des soirées interminables, alors que l’hiver battait son plein dans cette province impériale reculée qu’était l’Ostermark… Des soirées d’entrainement.
     « Pas mal… se redressa finalement Haakonson. Pour un kislevite.
     - Peuh, mon origine n’y est pour rien, Haakonson. Ma consommation immodérée de Khorne Flakes, elle, y est pour quelque chose.
     - Mais, finalement, vous préférez qu’on vous appelle comment, « Von Essen » ou « Nessenov » ?
     - Vous venez d’avoir une vision d’une bataille entre kislevites et créatures chaotiques et les premières questions qui vous viennent en tête, à vous et à vos gars, c’est mon hypothétique lien de parenté avec la sorcière de glace la plus puissante du Vieux Monde et la bonne prononciation de mon nom ?
     - Attends, vampire, attends : n’est-ce pas pour cela que tu nous as montré cette vision, aux gars et à moi-même, pour que nous ayons une meilleure idée de qui tu es ?
     - Malin, Haakonson, très perspicace. Cependant, il n’y a pas que ça : je tenais aussi à vous impressionner… »
     Le chroniqueur eut de nouveau pour réponse un éclat de rire tonitruant de la part de Haakonson. Les autres nordiques, qui suivaient de près leur conversation sans comprendre un seul mot de ce qui se disait (Haakonson connaissait le reikspiel), observèrent leur compatriote avec une curiosité mêlée d’envie. Ce dernier, cependant, leur lança aussitôt quelques mots en norse et, alors, l’hilarité fut générale. Von Essen quant à lui, ne s’en offusqua point : il comprenait à quel point son intention avait été incommensurablement osée et ridicule.
     « Par Korn et par Tor ! Nessenov !
     - Ça va, ça va, n’en rajoute pas Haakonson, tu veux ?
     - Ah ! Ah ! Mais comment ?! Tant de violence, tant de frayeur, tant de monstruosité ! Mon âme nordique s’en va de mon corps et va rejoindre mes ancêtres ! Ce monde est bien trop brutal pour nos pauvres petits cœurs norses !
     - Ça va, Haakonson, il m’arrive de faire erreur, là, ça suffit, hé ho ! »
     Le fou-rire collectif s’apaisa peu à peu, quelques guerriers décidant de revenir vers le drakkar hissé sur la plage afin d’y piquer un somme avant le lever du jour. Restèrent le chroniqueur, Haakonson et deux autres guerriers un peu curieux.
     « Si c’est la valeur de ton peuple que tu voulais non montrer, nous la connaissons, vampire écervelé, nous la connaissons peut-être même mieux que toi, pour le moment.
     - Va, va, Haakonson, nous avons tous nos moments d’égarement.
     - Tu vas y revenir ?
     - Au Pays de l’Hiver ? Oui.
     - C’est bien. N’oublie pas de nous écrire quand tu y seras.
     - Très drôle, Haakonson, tu es vraiment en forme, ce soir !
     - Les discussions culturelles, ça me met toujours d’attaque, Nessenov.
     - Par Sig… truc, ce voyage ne fait que commencer, nous allons avoir le temps de discuter.
     - C’est vrai.
     - Va dormir, Haakonson. J’ai moi-même besoin de solitude pour mon repos.
     - Quelle froideur. Digne d'un vrai kislevite…

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Ven 5 Fév 2021 - 19:58



     Le regard du skink ne tressaillait pas d’un millimètre. En son for intérieur, Fiodor était admiratif de ces créatures si chétives et qui pourtant affichaient un courage à toute épreuve. Un léger sourire déforma son visage d’habitude aussi sévère qu’un dévot de Véréna, dévoilant ses canines légèrement proéminentes. Du courage, il en fallait pour ne pas se confondre en hurlements dans leur situation. Ces pauvres écailleux étaient en effet pieds et poings liés, attachés la tête en bas au mat principal du « Corbeau Centenaire » comme autant de taches bleutées sur fond noir.

     Le bateau de Fiodor continuait de fendre les flots du fleuve Amaxon, dont l’eau profonde permettait encore de naviguer avec un navire de mer. Et pour une fois, le pont était totalement silencieux. Les seuls bruits étaient le claquement de la voile, et les pas des marins qui allaient et venaient. Mais ils le faisaient sans ouvrir la bouche, trop conscients du danger.

     Marcel de Parravon s’en moquait bien, lui.

     « Alors capitaine, que voulez-vous qu’on fasse de ces bestioles ? On pourrait les garder comme autant de fruits trop mûrs, qu’en pensez-vous ? Ça amuserait l’équipage. »

     La voix d’outre-tombe du revenant laissait légèrement transparaître son amusement devant la situation. Les bras croisés, un sourire perpétuel figé sur son crâne, il considérait l’un des prisonniers avec intensité.

     Fiodor ne lui répondit pas, s’adressant à la place à l’un des autres skinks parmi la douzaine qui n’avait pu s’enfuir après l’attaque de la nuit précédente.

     « Voyez, pitoyables lézards, je me doute que vous ne comprenez pas un traître mot de ce que je raconte. Mais je m’en moque. Vous avez commis le plus grand des sacrilèges. »

     Tout en parlant, il se saisit de la tête du skink, qui émit un ‘gloc’ surpris.

     « Que vous attaquiez mon bâtiment, passe encore. Que votre énorme crocodile bipède me ballote dans tous les sens, ça je vous l’aurais pardonné. »

     Fiodor plongea alors son regard de braise dans celui, toujours fixe, du skink encore tenu dans sa poigne de fer.

     « Mais vous n’auriez jamais, jamais dû interférer avec mes concertos. J’ai passé des décennies à les écrire, vous entendez ? Des décennies ! »

     L’espace d’une seconde, ce hurlement révéla une partie de sa nature vampirique, sa bouche s’étant transformée en gueule béante garnie de crocs avant de reprendre sa forme d’avant. Le cœur du skink battait à tout rompre, malgré sa nature de créature à sang froid, faisant un bruit qui, aux oreilles du vampire, valait pour l’heure tout l’or du monde. Il haïssait ces créatures, mais il ne pouvait se résoudre à les tuer simplement. Ce serait trop clément. Alors, reculant de quelques pas, le visage éclairé par les rayons du soleil tropical, il s’exclama :

     « Maître d’équipage, faites préparer une arène avec des caisses sur le pont. Et faites rassembler les armes de ces sacs-à-mains ambulants. Et au trot ! »

     Le revenant ne se le fit pas dire deux fois.

     « Vous avez entendu, bande de limasses à deux pistoles ? Je veux une arène sur ce pont dans les deux minutes, et que ça saute ! Les trainards seront pendus avec les lézards. Ça rime, mais n’allez pas croire que je plaisante ! »

     Alors que l’équipage se mettait en branle sous les vociférations de Marcel de Parravon, monsieur Flouz s’approcha de Fiodor, qui dévisageait encore le skink désormais légèrement plus pâle.

     « Qu’avez-vous en tête, capitaine ?

     - Je pense qu’il est temps que les indigènes locaux soient mis au courant de la façon dont on se comporte en société. Et je doute que leur envoyer les cadavres décapités de leurs congénères soit un message suffisant. Alors je me suis dit que je pouvais…m’amuser un peu à leurs dépens. Ils me le doivent bien. »

     Après cette réponse énigmatique, Fiodor ajouta les mots suivants :

     « Flouz, va chercher l’extrait de bonnets de fou. »

     Le second acquiesça et partit, laissant le vampire qui s’était muré dans le silence tandis que ses hommes mettaient en place des caisses remplies d’objets divers et variés pour former une petite enceinte carrée haute de deux mètres sur le pont. Alors, sous les ordres de Fiodor, deux des skinks furent détachés et forcés à boire quelques gorgées d’une bouteille au contenu verdâtre et puant. Puis, ils furent balancés à l’intérieur de l’enceinte, et un filet fut rapidement tendu au-dessus, les empêchant de s’échapper.

     Les skinks se relevèrent piteusement, massant leurs poignets et leurs crânes en poussant quelques gémissements pathétiques. Ils étaient épuisés, et terrifiés, avec un sale goût sur la langue. Alors qu’ils se redressaient péniblement, une chute d’objet à côté d’eux les surprit.

     Fiodor venait de lancer leurs armes dans l’enceinte. Une dizaine de massues, de lances et de javelots se trouvait là, devant eux.

     « Bien » commença le vampire, debout sur l’une des caisses, un sourire sardonique désormais vissé sur son visage. « Vous allez vous battre à mort désormais. Le dernier aura le droit de survivre, et vos corps seront largués par-dessus bord. Ainsi, » s’écria-t-il en s’adressant à la forêt de la rive la plus proche, « ainsi vos congénères sauront qu’on n’attaque pas un pirate impunément ! »

     Les deux skinks se regardèrent sans comprendre. Et sans la moindre intention visible de se battre. Un silence passa.

     « Oui, je me doutais que vous ne voudriez pas obtempérer » reprit Fiodor d’une voix faussement douce. « Mais, voyez-vous, ça ne fait rien. Après avoir bu de l’extrait de champignon bonnet de fou, d’ici quelques secondes vous n’aurez plus qu’une seule envie : massacrer, tuer, écharper, éviscérer tous ceux qui passent à votre portée. Un peu comme moi à présent, mais je me contrôle. Alors voyons combien de temps vous tenez. »

     L’expérience fut de courte durée. En un instant, les deux skinks furent pris de violents tremblements, leurs yeux auparavant si fixes roulant désormais avec violence dans leurs orbites. Poussant un concert de cris, ils se jetèrent l’un sur l’autre en un pugilat acclamé par les marins regroupés autour qui poussaient des encouragements tonitruants. Fiodor regardait en silence, tout sourire ayant déserté sa face.

     En une heure, tout fut fini. Les corps des skinks flottaient sur l’eau, dérivant avec le courant, leurs cadavres percés de multiples blessures, et leurs yeux injectés de sang. C’est totalement épuisé et drogué que le dernier fut ‘relâché’ – ou plutôt expédié sur la rive par vol plané. Alors, raffermissant sa prise sur sa massue et levant son regard désormais fou, il s’engouffra dans la jungle avec l’intention de tuer. Et de tuer encore.




Skull  Skull  Skull




     Sargath jubilait après son écrasante victoire face aux amazones. Il était même un peu déçu qu’elles n’eussent pas opposé plus de résistance car leur sang était exquis ; il envisageait de rester encore un peu en Lustrie afin d’enfermer ces nectars tropicaux dans des bouteilles avant de rebâtir Lahmia avec le trésor.
     Les réjouissances passées, il fit trois grands rituels en hommage à Asaph, déesse de la beauté et de la magie. Le premier rituel fut une simple prière pour la remercier de cette victoire mais dès que ce rituel fût achevé, il se rendit dans sa cabine, dont les tables et armoires étaient encombrées de tous les documents utiles qu’il avait pu trouver, et prit des outils de sculpture ainsi que l’ancien capitaine du navire, qu’il a gardé en vie car il avait besoin de s’approvisionner en sang frais pour ses rituels et entretenir sa puissance. Celui-ci gémit et tenta de se retenir par la porte mais la force du vampire était trop grande : il fut inexorablement trainé sans merci jusqu’à la cale où l’attendaient des statues d’imposants guerriers aux cimeterres d’émeraude, à la peau de marbre noir et dont la tête était celle d’un cobra et le pagne - un enchevêtrement de serpents, tous deux délicatement taillés dans de l’or.
     Il traça des hiéroglyphes en ancien néhekaréen, trouvés dans des ouvrages de la main des grands hiérophantes de Lahmia qui s’en servaient pour animer pareilles constructions afin d’aider leurs prêtres-rois dans les guerres, sur leur peau noir mat avec un ciseau. Puis, il entailla la paume de son captif et remplit ces runes de pouvoir avec. Il lécha ensuite méticuleusement son épée puis la rengaina. Grâce à ce rituel, les âmes de ses plus fidèles guerriers iront s’incarner dans ces statues pour devenir des ushabtis quand leur corps deviendra inutilisable.
     Il lui restait encore une dernière incantation à faire, la plus difficile en termes de magie et donc celle où il allait avoir le plus besoin de la bénédiction d’Asaph. Il usa encore une fois le sang de sa victime pour tracer un pentacle sur le sol en forme d’ouroboros et, d’un coup de pied, força l’ancien capitaine à s’agenouiller dans le cercle. Il psalmodia ensuite l’incantation rituelle et, tandis que sa déesse lui révélait les vents de magie usés par les occupants de la jungle, lui permettant ainsi de détecter tous les mages pouvant contrecarrer sa volonté, l’offrande humaine se dissolvait en une brume bleutée qui fut dispersée tel un serpent azur rampant dans l’air lourd chargé des odeurs riches de la jungle.
     Les rituels étaient achevés, Sargath était prêt à affronter de nouveaux ennemis et à gouter leur sang.


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Sam 6 Fév 2021 - 12:26



     Tout en hachant menu les derniers non-morts avec les chevaliers exaltés de Morr, Helmut regardait le navire des disciples de khorne s’évanouir dans le blizzard. Le garde nulner était assez satisfait de sa victoire, bien qu’il aurait aimé pouvoir vaincre définitivement le capitaine du navire adverse. Il leur restait maintenant à braver le blizzard. Celui-ci restreignant considérablement la visibilité, Helmut préféra donner l’ordre de mouiller sur les berges du fleuve. Des couvertures de fourrure furent distribuées et, pour pallier le manque de place du navire, un petit campement prit rapidement forme à l’ombre du brigantin impérial. On distinguait à peine les lettres dorées tracées sur ses flancs, tant la neige adhérait aux parois de la coque. On aurait dit que l’Emmanuelle revêtait une robe de mariée, pour mieux s’accorder à la froideur de l’hiver surnaturel.
     Grelottant de froid, Helmut se mit à maudire le vampire responsable de ce climat si inhospitalier. Il entreprit ensuite une expédition dans la jungle avec un petit groupe de piquiers et plusieurs chevaliers du corbeau, dans l’espoir de trouver de la nourriture afin de soulager les vivres conservés à bord. Ils n’eurent pas à attendre bien longtemps, car de la vase surgit précipitamment un grand crocodile. L’imposant reptile se jeta sur un garde, mais les compagnons de celui-ci embrochèrent la bête. Plusieurs autres créatures sortirent des fourrés et de l’eau trouble, mais aucune ne perça le mur de pointes hérissé de quelques bannières du peloton nulner. Un homme ayant néanmoins été blessé, ils durent rentrer au camp avec la carcasse de leurs ennemis.
     Une fois le blessé remit au médecin de l’expédition, les festivités commencèrent par une odeur alléchante de viande grillée. En effet, tandis que de plus petites créatures étaient réduites en lamelles et conservées dans du sel, le crocodile, empalé sur une branche et léché par les flammes, était le centre d’une importante foule de soldats gelés et peu à peu déshabitués à de la viande aussi fraîchement préparée. Chacun tenait entre ses mains gantées de fer une assiette en métal de médiocre qualité ou en bois, et chacun élargit son sourire en apercevant un chevalier passer dans les rangs pour remplir leurs chopes de bière chaude, pour fêter la victoire et dégeler le cœur des troupes.
     Alors que le rire tonitruant du sous-lieutenant Heinrich Dürken retentissait entre les parois de toile des tentes, Helmut se rendit compte que le chef des chevaliers n’était pas présent à la fête. Quittant à contrecœur la chaleur de la tente de commandement, il se rendit directement sur le navire, où il descendit dans la cale. Une fois arrivé, il vit une poignée de marins se disputer sur l’issue d’une partie de carte, tandis que le timonier somnolait dans un coin sombre des couchettes.

     Lorsque le chef de l’expédition passa devant les cabines des officiers, il entendit un fredonnement feutré émaner de l’une d’elle. S’arrêtant au milieu du couloir, Helmut tenta de se repérer. Il faisait face à une porte fermée, à laquelle était attachée une idole de Morr en argent. Vu la facture de l’objet, il s’agissait de la cabine du doyen, dont Helmut ne s’était pas encore enquis du nom. La voix provenait assurément de cette pièce. Entrebâillant la porte avec toute la discrétion et la délicatesse dont un vétéran du guet de Nuln pouvait faire preuve, il trouva le vieil homme penché sur une feuille de papier jaunie griffonnée de diverses notes et posée sur son bureau d’ébène.
     Le chevalier suivait l’écriture du doigt, tout en murmurant des sons ressemblant à ceux d’une austère symphonie. Lorsque les gonds grincèrent, il s’interrompit.

     « Que me vaut votre visite, Herr Heldenhame ?
     - Eh bien, il se trouve que nous organisons une petite festivité pour fêter notre victoire sur les norses et le nécromancien. Ne vous voyant pas, je suis allé m’enquérir de votre santé.
     - Ne vous inquiétez pas plus car je suis encore bien vivant.
     - Qu’est-ce donc que ce parchemin, si je ne suis pas trop indiscret ?
     - Il s’agit de ma composition, une messe des morts pour honorer Morr. Je travaille dessus depuis que je m’essaie à la musique, c’est-à-dire quand je vivais encore à Luccini, la capitale de notre culte. Vous ne connaissiez pas mon nom, le voici : Antonio Salieverri.
     - Je n’ai aucun doute sur la piété ou la qualité de votre œuvre, et je vais sur-le-champ vous laissez l’achever tranquillement. Passez une bonne journée, Herr Salieverri. »

     En quittant la cale, Helmut se rendit compte que le soleil commençait déjà à quitter le ciel, et également que le blizzard vampirique se dissipait progressivement. Il fit signe à quelques soldats assoupis de monter la garde pendant la nuit, puis prit la direction de sa tente, où il allait pouvoir profiter d’un repos bien mérité, après cette journée de combat et de fête.


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Dim 7 Fév 2021 - 23:25
(Suite et fin de l'intermède de Sargath)

     Cela faisait déjà plusieurs jours de voyages que le général vampire s’ennuyait, faute de conversation. Il décida donc d’ouvrir les sarcophages qu’il avait rapportés de la nécropole de Lahmia en pensant que ça pourrait lui faire un peu de renfort. Dans un premier temps il ne trouva que des cadavres sans intérêt qui rejoignaient son équipage sans perdre de temps mais il s’arrêta sur un sarcophage plus récent que les autres. Il avait semblé réagir à son rituel de détection et était fermé par des sceaux bénis. En jurant contre Sigmar et ses prêtres, il but un peu dans sa fiole de sang pour régénérer sa main brulée et demanda à un zombie de l’ouvrir. Celui-ci prit feu et tomba en poussière au moment où le couvercle se fracassait sur le sol. Un vampire s’y trouvait, mais celui-ci n’était pas un Néhekaréen, c’était un de ces vampires exilés du nord, de Sylvanie. Il ouvrit les yeux et se précipita sur Sargath. S’ensuivit un affrontement aussi intense que bref, étant donné la vitesse surhumaine des deux combattants. Sargath eut le dessus car il avait été entrainé par Abhorash lui-même du temps où il n’était pas parti dans les jungles de Rasetra. Il ligota l’autre vampire avec des chaines d’acier et procéda à un interrogatoire :
     « Qui est tu et comment t’es-tu retrouvé dans la glorieuse cité de Lahmia ? - lui demanda-il dans un reikspiel un peu rouillé avec un très fort accent Néhékaréen. »

     L’intéressé lui répondit : « J’étais en train de faire des fouilles archéologiques dans le champ de ruines que vous appelez une cité »

     Sargath lui donna un coup de poing qui le fit se plier en deux et perdre sa respiration malgré sa nature vampirique.
     « Enfin, je veux dire, votre magnifique ville, reprit-il avec la respiration sifflante, quand soudain des pilleurs de tombes sont venus et un de ces maudits prêtres de Sigmar m’a enfermé dans ce sarcophage.
     - Ce sont maintenant mes esclaves. J’ai une autre question à te poser, d’où viens tu ?
     - Je viens de Sylvanie, mon nom est Heinrich Von Carstein et je serais ravi d’aider un de mes congénères aussi puissant. Vous êtes le premier Lahmian aussi puissant qu’un dragon de sang que je rencontre. Qui vous a entrainé ?
     - J’ai été entrainé par Abhorash lui-même, il était général en chef des armées de Lahmia à mon époque. Me jurez-vous allégeance ? - énonça fièrement Sargath avec un rictus de fierté qui dévoilait ses canines immaculées.
     - Evidemment, n’importe qui de sensé le ferait face à quelqu’un d’aussi puissant que vous. »
     Sargath défit ses liens et lui redonna sa rapière finement ornementée.
     « Cependant, quelqu’un à mon service ne se battra certainement pas avec un équipement aussi léger, je te veux aussi inébranlable que l’ost de bronze de Ka-Sabar. Commence par aller chercher une armure et une épée digne de ce nom dans mon armurerie. Ton rôle sera de soutenir les squelettes et de maintenir mon équipage animé tandis que je m’occuperai des meneurs. »
     Quelques instants plus tard, Heinrich réapparut avec une lourde armure de fer finement gravée en écailles de dragon à laquelle il incorpora son élégante cape en velours rouge sang doublée de fourrure de varghulf. Les deux seigneurs vampires s’entrainèrent jusqu’à la tombée de la nuit puis Heinrich alla aménager un endroit dans les couchettes dont il eut l’intégralité de la place en raison du fait que les morts vivants n’avaient pas besoin de dormir. Si personne ne les attaquait, ils iraient chercher des créatures, si possible des humains pour ravitailler leurs réserves de sang déclinantes.



* * *



     Relevant son tricorne dégoulinant d'eau, le capitaine jeta un regard curieux aux branches surplombant les deux rives. Le feuillage dissimulait en grande partie le ciel non étoilé, d'épais nuages invisibles dans la nuit épaisse s'étant invité depuis l'échauffourée. La pluie, s'écrasant à présent sur son visage et dégoulinant dans sa barbe, ne dérangeait nullement le capitaine Molos. Pas plus que les membres encore éveillés de son équipage, remisant des cordage ou réparant les dégâts causés au bastingage. La Loreleï n'en était pas à son premier abordage avec des morts-vivants. Sur des eaux aussi reculées en revanche, si. Et son équipage avait contrôlé cette rencontre avec sang-froid, sans se laisser impressionner par leurs ennemis revenants. À vrai dire, ironiquement, la seule déception venait de Corus lui-même, le combattant bouillonnant. D'ailleurs, parlant de lui, il ne le voyait nulle part.

     C'est assis à cheval par-dessus la rambarde, à l'arrière du navire et les pieds dans le vide surplombant l'eau sombre, qu'il mit la main sur son champion. Sans un bruit, il approcha, devinant déjà ce qu'il était en train de faire. Loin d'être perdu dans ses pensées, le duelliste avait le poing à hauteur des lèvres, murmurant dans sa langue natale. Quelques secondes, Molos demeura silencieux, non pas pour espionner son subalterne, mais pour lui laisser la possibilité de remarquer sa présence de lui-même. Ce qu'il ne mit pas longtemps à faire, s'interrompant pour jeter un regard froid par-dessus son épaule.

     - Tu continues à parler à ta pierre ? interrogea-t-il le combattant en venant s'accouder au bois de la rembarde. Que peux-tu bien lui dire ?
     - Ça te regarde pas, rétorqua sèchement Corus en ouvrant la main, révélant la petite pierre poreuse qu'il tenait.

     Puis, après une hésitation, il la glissa dans une poche cousue à l'intérieur de sa tunique avant de tourner le regard vers l'eau sombre. Après un moment à écouter le chant de l'eau tombant du ciel pour s'écraser à la surface du cours d'eau, Molos reprit :

     - Tu n'as pas triomfffé ce jour. Ce n'est pas dans tes habitudes. Cette sangsue était un adversaire de valeur ?

     Son ton n'était pas moqueur. Ni synonyme de reproche. C'était une vraie question à laquelle Corus mit un instant à répondre, la pluie froide dégoulinant sur son visage et gouttant de ses rouflaquettes.

     - Plutôt. Je pensais pas que ce fut possible.
     - Est-ce à cause du changement ?
     - Non, rétorqua-t-il sans se chercher d'excuses. Et même si ç'avait été le cas, ça n'aurait rien changé. J'ai péché de confiance avant d'échouer l'épée au poing. Je peux m'en prendre qu'à moi-même, aussi redoutable fut cet adversaire.

     Sans répondre oralement, Molos se contenta de hocher de la tête. Aussi désagréable puisse-t-il être, il savait se remettre en question lorsque cela s'avérait nécessaire. Tout n'était peut-être pas perdu et, peut-être à nouveau, il rentrerait à leur cité en ayant appris quelque chose. Sur ces pensées positives, il porta à ses lèvres un de ces morceaux de racine doux-amers acheté à Magritta - de la réglisse ? - et tiré de son ample manteau, qu'il entreprit de mâchonner en silence. Sans avoir décollé les coudes du bastingage ou décroisé les doigts. Ce qui n'interpella nullement son voisin se contentant de regarder la surface de l'eau trouble du fleuve.


***

Essen

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Lun 8 Fév 2021 - 22:51

     Sur le pont du rêve d’Atharti, plusieurs marins elfes noirs scrutaient avec attention la surface de l’eau. Les autres s'attelaient aux réparations du navire, dans un silence de plomb. Dans l’attente du capitaine Sarquindi, l’équipage préférait jouer l’obéissance. Depuis le combat, il n’y avait eu qu’à peine quelques mots lâchés à haute voix. Mais dans les ombres des ponts inférieurs, quelques potentiels mutins osaient avancer des “si” dans les oreilles les plus influençables. Soudain, un des elfes à la poupe s’exclama:

     « Il y a quelqu’un sur un tronc ! Je crois que c’est lui !

     - A sa rencontre ! Vite !» répondit un autre druchii du tac-au-tac.

     Aussitôt, une chaloupe fut mise à l’eau et une poignée de marins ramèrent avec hâte à la rencontre de leur capitaine. Assis en tailleur dans son embarcation de fortune, enroulé dans sa cape trempée, Sarquindi semblait à peine prêter attention à son navire. Sur le pont de celui-ci, les druchii s’échangeaient des regards entendus, rassurés ou haineux. Une poignée d’elfes parmi les conspirateurs les plus bavards quittèrent le pont ensemble juste avant que leur capitaine n’y pose les pieds. Celui-ci, toujours drapé dans sa cape, balaya du regard les membres d’équipage qui s’étaient rassemblés autour de lui.

     « Content de vous revoir mon capitaine, commença un vieux marin.

     - Silence ! le coupa Sarquindi. Ne restez pas comme ça à ne rien faire. Je m’absente plusieurs heures et dans le délai vous n’avez pas remis ce tas de bois pourri en état ? Terminez les réparations ! nous repartons dès que possible.

     - Bien Capitaine, répondit l’équipage à l’unisson.

     - Toi là ! Lança le chef druchii à un de ses marins, je meurs de faim ! Va me chercher une ration de viande.

     - Tout de suite Capitaine.

     - Et au passage, tu iras me chercher le médecin de bord. Cette balafre ne va pas se nettoyer toute seule, ajouta-t-il en posant un doigt sur une légère blessure encore humide sur son front.

     L’équipage de corsaires se dispersa immédiatement. Le capitaine se hâta vers l’escalier qui menait à sa cabine. Tout à leurs missions, et fuyant les regards meurtriers de Sarquindi, aucun marin ne remarqua que celui-ci boitait.

******************
     En marchant jusqu’à la cabine de son capitaine, Kielmir se remémora les dernières fois où son capitaine l’avait appelé. Bien que le médecin de bord ait été l’un de ses plus anciens membres d’équipage, et un des elfes les plus âgés du navire, peu d’évènements lui venaient en tête. Il avait fait appel à ses talents après une bagarre lors d’une mutinerie deux ans plus tôt, et l’année précédente aussi, même si la blessure avait été moins grave. Sarquindi avait aussi eu besoin des services du médecin de bord lorsqu’il avait été touché par une arme à feu qu’utilisent les humains, lors d’une de ses premières expéditions.

     Un dernier souvenir revint en mémoire du médecin. Il avait été appelé en secret par le capitaine, en pleine nuit, pour soigner une horrible blessure qu’il avait sur la joue. Avant d’ouvrir la porte de la cabine, Kielmir frissonna en se rappelant ce que le corsaire avait dit cette nuit-là, le visage en sang et une mâchoire dans la main : « Voilà ce qui arrive quand on joue avec sa nourriture ». Il respira un grand coup et entra dans la pièce.

     « Je suis content de vous savoir à nouveau à bord, Capitaine. J’ai ce qu’il faut pour votre front.

     - Fermez la porte derrière vous, le coupa Sarquindi. »

     Le vieil elfe s’exécuta, puis se retourna vers le chef corsaire. Celui-ci était assis sur sa banquette, courbé, les mains sur le ventre. Sur son visage couvert de sueur se lisait une douleur vive.

     « Avant que vous ne fassiez quoi que ce soit, Kielmir, sachez que j’ai envoyé un message à Naggaroth ordonnant que vous soyez exécuté à votre retour. Si je ne suis pas en état de donner le contrordre après votre travail, même l’esclave le plus pouilleux de nos cales ne vous enviera pas.

     - Je ferai de mon mieux pour soigner votre front, répondit le médecin, impassible.

     - Ce n’est pas le front. »

     Sarquindi se força à se relever et écarta sa cape. L’envers de celle-ci était maculée d’une large tâche rouge sombre. Puis, le corsaire enleva sa main de son ventre, dévoilant une blessure autrement plus sérieuse que sa balafre au front : la surface de son abdomen ne ressemblait qu’à un mélange humide de lambeaux de peau et de tissus. Des dents de poissons étaient plantées dans les chaires suintantes de pus et de sang. Au milieu de tout cet organique chaos, un trou profond vomissait du sang à chaque respiration.

     « Je savais que vous aviez reçu un coup de lance, je n’imaginais pas que c’était si sérieux, murmura le médecin en s’accroupissant pour regarder le massacre de plus près.

     - Ces eaux sont pleines de saloperies, elles se sont ruées sur la blessure. J’ai eu de la chance d’avoir pu grimper sur ce tronc.

     - Je vais nettoyer la surface pour éviter l’infection. La peau est complètement fichue sur une zone assez étendue, mais ce n’est pas trop abîmé profondément. Je suis plus inquiet pour la déchirure centrale. Est-ce que la lance a traversé jusqu’au dos ?

     - Si elle ne m’a pas encore tué, elle ne le fera plus. Faites ce qu’il faut pour que je puisse me battre dès demain.

     - Je pourrai peut-être recoudre un peu là-dedans, hésita Kielmir en pointant le fond de la blessure. Vous pourrez éventuellement bouger avec un bandage très serré, et avec des potions pour calmer la douleur. J’irai vous en chercher tout à l’heure. Mais je ne peux pas sans vous mentir vous garantir que vous serez au mieux de votre forme.

     - Je préfère que vous fassiez votre travail. Il y a déjà assez de menteurs à bord. »

     Le médecin rapprocha un tabouret de la banquette, et fit allonger son capitaine qui grognait. Il ouvrit la petite boite qui contenait ses outils de travail, en sorti quelques boulettes d’herbes qu’il tendit à Sarquindi. Ce dernier s’empressa de les mâcher énergiquement et ses traits se décrispèrent alors que la douleur se calmait un peu. Kielmir prit un petit couteau à la lame courbée, une poignée de linges et commença à nettoyer la plaie.

     « Qu’est-il arrivé au kharybdiss ? demanda le médecin sans quitter son œuvre des yeux.

     - Aucune idée. Il a coulé à pic avec une nuée de poissons après lui. Je ne donnerais pas cher de sa peau. »

     Plusieurs minutes s’écoulèrent, ponctuées par les bruits des outils de Kielmir et par les grognements de douleur de Sarquindi. Les linges...

     « Que comptez-vous faire ensuite ?

     - Le rêve d’Atharti va se lancer à la poursuite de ces ulthuaniens.

     - Vos blessures sont encore graves.

     - Peu importe ! Elles ne m’empêcheront pas d’arracher une à une les côtes de ce lancier. »

     Après encore une heure d’ouvrage, le vieil elfe releva le capitaine et commença à l’enserrer dans des bandages. Les premières couches se couvrirent presque immédiatement de marques écarlates, mais le médecin les couvrait immédiatement d’une nouvelle épaisseur de tissus. L'opération dura longtemps dans la soirée.



* * *



     Morrslieb éclairait les environs de sa lumière blafarde et malsaine. L’épiderme des trois amazones prenait alors une teinte olivâtre qui n’était pas sans rappeler les morts qui commençaient à redevenir poussière. Phy’lis ne se permit de s’attarder sur ce détail uniquement parce que si ces trois créatures lui voulaient du mal, il avait la certitude qu’elles l’auraient déjà causé. L’elfe noir tenta tant bien que mal d’ignorer la douleur cuisante qu’il sentait dans son flanc recouvert de bandages : cette guenon humaine ne l’avait pas raté, ou plutôt, ne l’avait raté que de très peu. Si Khaïne recevait suffisamment de sacrifices, peut-être leur permettrait-il de se croiser une seconde fois, qui serait la dernière…
     « Êtes-vous réveillé ? M’entendez-vous ? »
     Phy’lis n’accorda pas de réponse immédiate à la prêtresse qui s’adressait à lui : il était trop occupé à examiner les alentours, à comprendre sa situation et estimer les ressources exactes dont son équipage disposait désormais. Au vu des quelques feux de camp allumés sur la rive de l’Amaxon, il devenait aisé de comprendre qu’ils n’avaient pas été entièrement décimés par les impériaux, probablement vaincus et mis en déroute mais nullement exterminés. Quelques menues denrées subsistaient ça et là près des silhouettes accroupies près des feux, ce qu’ils avaient débarqué quelques heures auparavant pour passer la nuit. Du vin, du pain, de la viande, des fruits, de quoi subsister à peine quelques jours sans avoir à chasser. Encore une fois, aucune trace du reaver dans son champ de vision. L’elfe noir sentit la bile lui monter au ventre : dépouillés de leur précieux moyen de transport, par des chiens d’impériaux, à quel point pouvaient-ils encore sombrer dans la déchéance ?
     « Si vous ne m’écoutez pas, nous vous laisserons ici, au milieu de nulle part. »
     Phy’lis foudroya l’amazone du regard : estimait-elle qu’ils étaient faibles au point de se faire prendre de haut ?
     « Si je suis là, c’est parce que votre défaite est également une défaite pour mon peuple, elfe. Vous avez tout intérêt à m’écouter.
     - J’écoute. »
     Si son équipage pouvait encore se défendre, lui nécessiterait encore un moment pour se remettre de sa blessure.
     « Ces humains qui vous ont pris votre navire, mon peuple les veut morts.
     - Moi aussi, gardienne…

     - Alors le marché est simple : je vous procure des embarcations pour naviguer sur le fleuve sacré. Vous rattrapez ces humains et débarrassez le fleuve de leur présence pour de bon, rachetant votre honneur.  

     - Notre honneur ! Phy’lis se ravisa avant d’éclater de rire : sa blessure pouvait en pâtir. Notre honneur, par Khaïne, notre honneur. Prêtresse amazone, votre offre m’intéresse, pourvu que vous ne parliez que de choses que vous connaissez.
 
     - Nous vous guiderons vers nos esquifs. Ils appartiennent au fleuve, au fleuve sacré. Avisez-vous seulement de vous montrer parjures, le fleuve sacré vous reprendra ces embarcations aussitôt. »
     Phy’lis s’efforçait de maintenir une prestance sur la couche sommaire sur laquelle il était à moitié allongé. Il comprenait qu’une raison particulière semblait maintenir l’animosité entre cette prêtresse et les impériaux et sa curiosité le démangeait. Cependant, sa blessure le démangeait encore davantage et le visage pathétique de Theyclos était la cerise sur le gâteau. Il ne s’intéresserait pas tout de suite aux affaires privées des amazones. Le choix était clair : ils seraient de nouveau à flots au lever du jour.
***
     Phy’lis se leva avec une rigidité dans le flanc qui donnait à sa démarche une allure d’obscurité qui ne lui était pas naturelle. Il marchait en rond, la colère s’étalant péniblement sur son corps. Ses yeux jetaient des éclairs en flagellant la tourbe de la jungle.
     « Theyclos ! »
     Le corsaire répondit à son appel rapidement, trop craintif pour oser impatienter son maitre, surtout quand il appelait son nom aussi sèchement.
     « Messire, vous désirez savoir ce qui s’est passé c’est bien cela ?
     - Éclairez moi… associé…
     - J’ai … j’ai fait un bilan de tout ce qui a été perdu. Nos guerriers n’ont pas trop souffert, car la pestilente vermine de misérables singes infestés de puces… s’est ruée vers le navire pour nous le voler. Heureusement, ce qui était déjà débarqué a pu être sauvé. De… de quoi boire et manger… Malheureusement, pour votre collection de plumes… et bien, une partie est tombée dans le fleuve pendant les combats...
     - Et mes fumigènes ?
     - Nous les avons encore, heureusement… vous pourrez penser à les utiliser pour votre prochain spectacle… héhé »
     Il s’interrompit pour regarder Phy’lis de face, chose qu’il regretta immédiatement. Le tragédien avait une mine différente, immobile. L’expression de son visage n’était pas différente de celle qu’il affectait habituellement, mais son impassibilité de surface lui donnait un tout autre sens. Des mouches volaient autour de lui, devant son visage, à quelques centimètres de ses yeux, mais il ne bougea pas. Les mains dans le dos, les paupières ouvertes, le regard sanglant.
     « Et les esclaves ?
     - Et bien… vous aviez demandé à ce que les rameurs passent la nuit à leur poste pour qu’on puisse repartir en vitesse en cas de danger… et… il semblerait que les humains les aient pris avec eux… recrutés…
     - Qu’ouïs-je ? Vous avez l’impudence de pointer cela comme une de mes décisions ? Comment se fait-il que vous, responsable de l’équipage, soyez encore vivant alors que les humains ont pris le navire ? Qui, dites moi, aurait dû se trouver à son bord pour le défendre jusqu’à la fin ? Qui, dites moi, aurait dû accrocher son âme à son reaver pour être prêt à ce que jamais le navire ne trahisse et à ce que jamais un marin ne trahisse le navire ? Songez seulement au malheureux, ô malheureux vaisseau blasphémé, souillé de son inhérente fierté, décousu dans sa race et son visage, dépravé par les mains épaisses et crasseuses de primates dégoutants ! Qui, sans nul marin, chantera le malheur de ce navire condamné à passer et repasser entre les mandibules dégoulinantes de ces êtres ? À voir son cordage fin écorché entre des paumes calleuses, et sa barre tordue par les coups de butoir d’une guenon ! Qui lui viendra en aide lorsque ses précieux composants, cédant sous la contraction de l’âge et des maniements mesquins, se briseront, et qu’on introduira dans son sein magnifique des éléments rafistolés de mains humaines, collants, effrités, et rudes ? Qui chantera son cri de détresse chaque fois que contre son gré il apportera richesse et victoire aux plus indignes tortionnaires qu’il ait eu ? Ceux qui le délient de son pouvoir et des chaines qui le nourrissent ! Ceux qui bafouent la foi qu’il incarne et ceux qui…
     - Sauf votre respect messire, ce reaver était d’occasion.
     - Je ne vous permet pas.
     - Certes, mais continuez si vous le voulez.
     - Non je ne le veux pas. Je suis las. Las. Je vais devoir passer cet accord avec ces indigènes et me reposer sur leurs navires à eux. »
     Phylis laissa échapper un soupir d’une délicate élégance mais exprimant une lassitude infinie.
     « Au fait, avant que j’oublie. »
     Il fit signe à deux de ses corsaires et leur désigna Theyclos.
     « Tenez-le-moi s’il vous plait. »
     Les deux corsaires se jetèrent sur Theyclos et le saisirent par les bras. Le lieutenant tenta bien de se débattre, mais il fut trop lent à la détente et on l’immobilisa. Phy’lis fit signe qu’on l’amène devant lui, tandis qu’il demandait gracieusement à un autre corsaire de lui prêter sa dague.
     « La mienne est empoisonnée, et ce n’est pas ce que je cherche. »
     Une fois à son aise, et Theyclos immobilisé, Phy’lis se dirigea vers lui à pas lents, lui attrapa délicatement le visage, et commença son office. Quelques coups rapides pour retirer les deux petites masses pulpeuses qui ornent tout visage, puis il s’écarta d’un pas avec les lèvres de Theyclos dans les mains. Il répéta deux fois un geste simple, plongeant ses dents dans la chose, l’aspirant goulument, la mâchonnant doucement, et l’avalant avec un grand glup. Une fois pour la première, puis sans hésitation pour la deuxième. Les deux petits morceaux de viande furent dégustés. Puis enfin il rendit sa dague au corsaire à qui elle appartenait, et tout en le remerciant lui demanda :
     « Comment t’appelles tu ?
     - Vehiyash.
     - Fort bien. Tu prends à compter d’aujourd’hui la place de Theyclos comme quartier-maitre. Je compte sur toi Vehiyash.
     Nous ferions mieux de ne pas perdre plus de temps en ces lieux. Il nous faut le plus rapidement possible trouver de nouveaux esclaves. Passe en revue nos troupes, et prépare l’appareillage des navires ! »
     Il dirigea à nouveau son regard vers les amazones. Il devinait bien qu’elles contrôlaient tout dans les environs, et qu’il valait donc mieux rester en bon termes avec elles. Pour l’heure, elles fourniraient des vivres et des bateaux. Il vint toutefois se poster devant la cheffesse de ces tribales créatures. Alors qu’elle étrécissait son regard dans l’attente d’une provocation, Phy’lis, qui lorgnait l’amazone avec avidité, lui offrit un sourire carnassier.
     « Je vois que vous arborez une coiffe splendide. Aussi, j’ajouterais bien une clause à notre contrat. Avez vous des plumes en surplus ? »
     L’amazone n’aurait pas pu être plus surprise. Mais en haussant les épaules, elle acquiesça.
     L’enthousiasme de Phy’lis quand les amazones lui montrèrent les plumes d’oiseaux qu’elles avaient collectées rappelait celui d’un enfant. Il sautillait entre ces immenses panaches de paons aux roucoulantes teintes vertes et bleutées, ces plumes longues de trois coudées où se mêlaient des motifs étonnants. Aussi ces plumes d’oiseaux exotiques teintes en toutes les couleurs, mais chacune ayant des proportions et des formes jusque là inconnues. Phy’lis parvint à tout à fait oublier sa blessure au flanc, et il se jeta avec entrain sur les plumes qui lui plaisaient et se constitua en vitesse une grande tenue qui redonnait vie à son esprit d’acteur.
     Des panaches impressionnants devaient alors recouvrir sa cape, jaillir de ses épaules brasurées et multicolores, tandis qu’un chapeau de feutre, ironiquement d’une mode humaine, était piqué des plumes les plus magnifiques du lot. Il n’avait même pas l’air d’un gros oiseau bouffi, mais d’un carnaval ambulant, volumineux mais assez léger pour voler, gracieux et froufroutant, si emplumé qu’on aurait crû que d’un battement d’ailes il puisse prendre son essor. Bien entendu, le tout conjugué à la grâce elfique et cruelle de ce tragédien, qui désormais se sentait plus puissant, comme si les plumes étaient une preuve de pouvoir. Il était devenu si enthousiaste après ce don gracieux des amazones que, dans une panoplie de révérences et de saluts extatiques, il leur répéta avec une profondeur de parole et une virulence d’affirmation digne de grands opéras qu’il tiendrait sa part du contrat.
     « Et le fleuve rutilera sous la clairsemante présence azurée de ma canopée chercheuse de sang, moi qui roulera sur ses flots en une quête à l’apogée inéluctable et tranchante dans un roulis immortel que de par mes divins soliloques j’enchante en feignant l’amour de la jungle. Rien ne fissurera ma détermination, et dans mon honneur noir autant que je suis beau, je verserai comme à la coupe d’ébène le sang que ce graal réclame. Je nourrirais mon plumage dans les corps massacrés de nos ennemis communs et respectifs, et je conquerrai tout ce qui ne l’a pas encore été pour la plus grande gloire de Khaine et la mienne qui en un reflet harmonieux éclaboussera de sang et de lumière tapageuse la verdoyante forêt qui borde le fleuve sacré qui nous guide, moi, mes alliés, et mon incomparable prestance chatoyante, vers la victoire la plus totale et la plus virulente. Le théâtre de Lustrie sera mon écrin, et ma magnificence en pillages se décuplera, tandis qu’une intrigante rame me propulsera au devant d’une destinée à l’image des grandeurs de mon être. L’Amaxon s’illuminera pour être la scène de ma victoire, celle où j’égorgerais les cabots ayant voulu mordre mon talon qui foulait avec ardeur l’adversité traitresse. Je ferais rougir ses eaux pour lui offrir satisfaction, et à Khaine j’offrirais en hommage un cortège d’horreurs sanglantes et trépignantes clouées sur des dards. J’empalerais ceux qui m’ont fait du tort, et j’offrirais leurs âmes et leur sang à Khaine ! Que mes promesses soient dignes de celles des princes et héros à la théâtralité glorieuse, et que ma victoire soit aussi assurée que celle du destin écrasant et magnifique qui officie pour le malheur des faibles l’intrigue sanglante des plus belles tragédies. »
     Un petit salut, peut-être pour rappeler qu’il jouait la comédie, et d’un bond il sauta dans une des embarcations des amazones que ses corsaires faisaient manœuvrer avec une habilité toute relative. Ces embarcations basses et étroites se faisaient beaucoup trop discrètes dans la lugubre jungle environnante, faisant un piètre piédestal au comédien qui trépignait sans cesse, mais offrant une discrétion versatile pour pouvoir tendre une embuscade cruelle sur le chemin, s’il le fallait.
     Bien sûr, ils s’éloignèrent rapidement du camp des amazones, les corsaires quelque peu à l’étroit se fatiguant à ramer en maugréant entre leurs dents au sujet des esclaves qu’il aurait fallu mieux garder. Phy’lis salua encore trois fois de suite en direction des amazones, pour leur dire toute sa gratitude. Un elfe noir n’était pas dépourvu d’honneur, et préférait toujours respecter ses promesses. C’était le cas de Phy’lis, mais seulement lorsqu’il ne jouait pas la comédie en tant qu’acteur bien entendu. Or, il était si bon acteur qu’il pouvait jouer la comédie en toute circonstance. Il avait bien compris que tant qu’il voyagerait sur ces navires, il serait dépendant du bon vouloir des amazones. Qu’à cela ne tienne, il trouverait un autre navire. Il le volerait s’il le fallait. Et des esclaves. Il lui fallait des esclaves.
     Ne serait-ce que parce que sa colère n’était pas encore passée. C’était ainsi que s’exprimait la colère de Phylis, pas de cris ou d’éclatements, juste un changement de comportement subtil et discret, avec des gestes d’une violence exceptionnelle même pour un elfe noir. Manger les lèvres de Theyclos lui avait permis de retrouver un peu le moral en renouant avec certaines de ses vieilles coutumes. Mais il ne pouvait pas tuer ou mutiler plus de ses congénères, car il avait après tout besoin de cette bande de bras cassés. Quant à manger de la viande humaine, pouah ! quelle idée répugnante.
     Il lui fallait plutôt noyer des gens. Ou les écorcher vifs. Avec des plumes peut-être. Cela serait une bien amusante chose à expérimenter. Planter des plumes dans la peau d’un esclave jusqu’à le faire ressembler à un oiseau, puis le plumer en enlevant la peau avec. Ah, qu’il pouvait aimer les plumes. C’était une de ses passions, une obsession. Il en avait presque de l’admiration pour les humains qui n’avaient de cesse d’accrocher des plumes à leurs chapeaux ou à leurs casques. Il avait tenté d’introduire la même mode à Karond Kar, mais on l’avait traité comme un original dépravé. Quel dommage.


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La Route d'Eldorado Empty Re: La Route d'Eldorado

Ven 12 Fév 2021 - 21:53
Vae victis.

Spoiler:

     Ce saligaud de druchii lui avait hachée la côte, alors que ses vermines de mignons s'en étaient donnés à cœur joie sur ses gars, le botaniste n'ayant même pas le temps de dire "ouf" que sa gorge était percée d'un carreau d'arbalète.
     Génial.
     Passant sous la garde du longues oreilles, qui était parvenu à la prendre de vitesse lorsqu'il était venu le temps de croiser le fer, la wissenlandaise lui enfonça l'épaule dans le bas ventre, alors même que l'acier maudit du druchii lui mordait les côtes, déformant le métal de son armure pour lui expulser l'air de ses poumons.
     Projeté à terre par la violence du coup, entraînant l'inquisitrice avec lui dans sa chute en lui tirant sa tignasse de cheveux, le longues oreilles eut l'adresse de s'emparer de la main d'épée de l'impériale, tandis que celle ci effectuait la même manœuvre pour empêcher son adversaire de tirer sa dague pour l'égorger.
     Mutuellement immobilisés, les deux adversaires ne pouvaient rien faire d'autre que croiser leurs regards haineux alors qu'on s'égorgeait autour d'eux, tandis que de leurs bras respectifs, ils essayaient de forcer le membre de l'autre à lâcher prise, faire preuve de faiblesse... En vain. L'un et l'autre étaient tous deux affaiblis par les coups subis au cours de leur "duel" pour pouvoir s'imposer à l'autre.
     Néanmoins, Alicia de Meissen était humaine. Elle avait une vie courte, comparée à celle de son adversaire, centenaire, qui avait eu le temps et le loisir de parfaire sa technique sur des décennies, de maîtriser chaque aspect de son geste, du meurtre. Il était plus cultivé, avait une plus grande connaissance des arts de la lame. Et c'est ce qui le perdit, car ce qu'Alicia manquait en connaissances, elle le compensait en expérience, sa vie courte étant remplie de combats. Car ce n'est pas toujours le meilleur combattant qui remportait un combat. Ainsi un maître duelliste pouvait-il être défait par un brigand de bas étage.
     Ainsi le druchii ne vit-il pas venir le coup de boule que la rousse folle furieuse lui offrit, son front venant percuter à toute vitesse le nez de son adversaire. A plusieurs reprises, jusqu'à ce que le longue vie perde conscience.

     Laissé pour mort, empalé par une lance, le druchii ne fit pas preuve d'attentions particulières de la part des humains, ceux-ci étant trop occupés à nettoyer le champ de bataille là où les deux compagnies s'étaient affrontées. Là où gisaient des corps, seuls des flaques de sang restaient, trahissant la violence de la confrontation entre les deux groupes, alors que des tombes hâtivement érigées abritaient les défunts impériaux, tandis que les druchiis décédés avaient été simplement jetés à la rivière, dénudés, pour aller nourrir les bestiaux que l'eau abritait.
     Lui avait eu la chance de pouvoir se faire passer pour mort, et de s'éloigner lentement en rampant de la scène, discret et silencieux, malgré sa blessure, pour regagner l'autre campement de sa race, plus en aval, avant d'être mis à nu par quelques impériaux trop diligents.

     Le jour qui s’ensuivit fut employé à faire tout ce à quoi l’expédition du défunt Feldmarshall Hoffenbach avait été entrainée à faire : civiliser et appliquer la justice de l’Empire.
     Le reaver druchii, abordé et capturé par les humains, avait été tiré vers la plage pour que ces derniers puissent y veiller avec une plus grande attention, et en vider la cale de ses victuailles, tandis que les esclaves avaient été libérés des bancs de nage et une partie rejoignant même l'expédition impériale.
     Sûr. Ils étaient des esclaves, mais ils étaient assez solides pour servir de rameurs et marins compétents aux longues vies. Un ajout appréciable à la compagnie, au moins pour servir de porteurs.
     Par ailleurs, par ailleurs, les druchiis captifs, ceux ayant échoués à s'enfuir assez vite, ou trop stupides pour constater que le combat était perdu, avaient été capturés et, aux côtés d'autres humains, creusaient de longues tranchées, que d'autres courtes vies emplissaient de pics, puis bordaient de barrières en bois, voire de palissades, le tout formant un gros carré défensif, percé d'une porte vers la rive, où le fossé était surplombé d'une sorte de pont-levis improvisé, amas de rondins rabotés à la dague pour donner de vulgaires planches, reliées entre elles par du cuir et de la corde.

     Lorsque le soleil atteignit son zénith, le campement fut officiellement déclaré territoire impérial conquis. Justice et civilisation y prospéreraient aussi longtemps que tiendraient les palissades.
     Ici deux feux où l'on commençait à faire cuir quelques repas, tandis que là des tentes étaient en train d'être dressées.
     Dans l'après-midi, attachées à un grand poteau enfoncé dans le sol, les quelques druchiis captifs eurent tout loisir pour bénéficier de l'hospitalité impériale, en la présence d'une femme rousse, celle de la veille qui avait amoché le nez de leur défunt - croyaient ils - capitaine, celle-ci affichant un sinistre sourire aux drows mâles, tandis qu'elle jouait avec une dague à la main, à se gratter le dessous des ongles
     Pendant l'heure suivante, elle eut le loisir de pouvoir s'entretenir en public avec eux, de leur accorder ses caresses, ses attentions, ponctuées du hurlement de douleur des elfes noirs dont on faisait rôtir les pieds à chaque fois qu'ils livraient une réponse insatisfaisante à l'inquisitrice, qui ne perdait pas une occasion de leur lacérer le dos ou le torse de sa dague, jusqu'à ce qu'un océan de sang vienne peindre leur corps.
     Son verdict fut le même pour tous les prisonniers : pour les crimes commis par leur peuple envers les sujets de l’Empire, ils paieraient la peine suprême. Après cette sentence, l’inquisitrice laissa le détail des exécutions aux sergents de la troupe.
     À moitié conscients, les prisonniers furent alors, dans la nuit noire, traînés à travers les pistes de la jungle pour être suspendus à une branche d'arbre, au-dessus du fleuve, dans l'attente que quelque monstre fluvial ne vienne les becqueter par l'odeur alléchée de son sang coulant dans l'eau, ou bien que des nuées d'insectes ne viennent se délecter de leur chair si vénérable par leur âge. Race crainte et honnie par presque l'ensemble de la création, lorsque des druchiis tombaient entre les mains, ou griffes, de créature à l'ordinaire leurs proies, ces dernières s'en donnaient à cœur joie pour faire souffrir leurs tourmenteurs…

     L'inquisitrice leur souhaita une longue nuit. Après tout, c'était une fin digne de ces sombres créatures, que de vivre leurs dernières heures, rongés par la honte, le désespoir ainsi que la faune sauvage de cet enfer où ils avaient eu le malheur de s’aventurer. Une mort rapide était trop douce ; une lente agonie dans la souffrance était un sort bien plus adéquat.
     Si les survivants du groupe combattu la veille venaient à chercher leurs morts dans les jours à venir, ils auraient la surprise de ne trouver que les traces que voudraient bien leur laisser les carnivores de l’Amaxon. Oh, Alicia de Meissen aurait apprécié être là pour observer leur visage, leurs réactions, lorsqu'ils devineraient petit à petit les sévices auxquels on avait livré leurs semblables, ces sévices pourtant d'ordinaire accordés à d'autres, qu'ils n'avaient jamais considérés recevoir eux même. Une part d'elle-même, elle l'admettait, prenait son pied à l'imaginer...
     Mais trêve de rêveries ! Elle avait encore à organiser l'intégration des esclaves au sein de sa compagnie, songer au sort des esclaves peu désireux de la rejoindre, doter le reaver de quelques insignes reconnaissables pour le Guet du Port de la Nouvelle Altdorf et ensuite descendre ce fleuve méconnu pour trouver le fameux butin lustrien, si butin il y avait à l'issue de ce projet... Bref, du travail !



* * *


Dans le galion, un clavecin
Résonnait d’un air malsain.
L’instrument demandait grâce
Car il vivait dans la crasse.

Si seulement Felbar avait
Nécromandé un luthier
L’instrument f’rait moins pitié
Et le son s’rait moins mauvais.

Mais la lune était trop belle,
Il fallait des décibels,
Tendres notes d’un passé
Qui prêtaient à rêvasser.


***
***
***

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Ven 12 Fév 2021 - 22:53

Deuxième journée sur l’Amaxon


La Route d'Eldorado Forest10



     Les nuages de pluie au-dessus de la canopée verdoyante persistèrent même après le lever du jour ; pour n’importe qui n’ayant jamais connu les cieux lustriens au cours de l’année, il devenait rapidement aisé de croire à une inondation. Quelque volonté surhumaine devait être derrière ce déversement inouï ! N’importe quelle créature terrestre finissait par se croire amphibie, tant la pluie était torrentielle et incessante ; elle étouffait quasiment tous les bruits, le clapotis sur les feuillages se faisait bourdonnement discret, comparable au bruit de cascades ou de rapides sur un cours d’eau ; les odeurs également se retrouvaient comme plaquées à terre, endormies et réduites à un simple souvenir dès qu’une créature vivante en déposait un seul instant. Dans ce monde où la végétation rappelait presque les algues des fonds marins, tout élément extérieur à la jungle se retrouvait immédiatement mis à rude épreuve : visibilité réduite, fraicheur et humidité omniprésentes, terrain glissant, tout ceci faisait des êtres non-habitués des proies faciles pour les prédateurs locaux…
     Heureux étaient, en vérité, ceux qui à cette heure-là se trouvaient non pas dans ce labyrinthe aqueux mais au centre-même d’une étendue d’eau, à découvert et, surtout, loin de toutes les choses qui affectaient les attaques par surprise. À bord des navires, tous les équipages avaient déjà affronté de nombreux périls ; plus poltrons qu’eux auraient depuis longtemps viré de bord et mis le cap sur leur terra natale. Ceux-là, en revanche, étaient convaincus de s’approcher de leur but, quel qu’il fût, caché là, quelque part, au détour d’un des nombreux replis du vénérable Amaxon.







     Phy’lis (Prestenent) vs Corus (vg11k)


     Phy’lis se sentait à la fois satisfait et déçu par ses corsaires. À peine s’était-il habitué aux toutes nouvelles plumes de son costume que la pluie torrentielle qui s’était mise à tomber au milieu de la nuit l’avait obligé à tout revoir selon toutes les coutures pour ne pas en perdre la moitié et pour ne pas se retrouver gêné par d’autres. Or, ses corsaires l’avaient assisté dans l’affaire. Or, ses tripes lui disaient que ses propres corsaires dissimulaient dans les tréfonds de leurs noires âmes une hilarité formellement inacceptable envers leur chef. Ses yeux, pourtant, n’étaient guère parvenus à déceler le moindre sourire en coin, pas même une grimace, un soupir, l’ombre d’une main plaquée sur des lèvres imprudentes, rien. Les membres de son équipage l’avaient assisté avec des visages de statues, et pas un seul ne faiblit du début à la fin de l’opération vestimentaire. L’exemple de Theyclos avait-il donc été à ce point démonstratif ? C’était la seule explication qui s’imposait au comédien, révélatrice de son autorité solidement imposée à ses druchii. En ce sens, il ne pouvait que se féliciter. Au demeurant, il aurait apprécié un nouveau prétexte de torture, tout simplement pour évacuer sa fureur viscérale contre le déchainement des éléments.
     La nuit avait nettement cédé place au jour lorsque les pirogues s’extirpèrent prudemment du large canal que leur avait indiqué d’emprunter les amazones d’Ignea. Son entrée avait été adroitement dissimulée derrière une haie de mangroves aussi, et surtout dans la nuit, les elfes noirs seraient passés à côté à coup sûr. En l’occurrence, selon les dires de leurs alliées de circonstances, ils venaient d’économiser quelques heures qu’ils auraient perdu s’ils avaient suivi l’immense cours d’eau principal. Toujours ça de pris, leur avait-on dit, pour se rapprocher des détestables humains qui voguaient présentement sur leur reaver.
     Ils se remirent à ramer à une bonne dizaine de coudées de la rive quand la pirogue qui formait l’arrière-garde signala l’apparition derrière eux de la silhouette massive d’un navire ; Phy’lis siffla à tout l’équipage de ramer vers le couvert de la jungle, d’où ils pourraient mieux jauger les faiblesses de leur proie potentielle.

     À bord de la Lorelei, l’heure était à la vigilance. La mésaventure de la veille était encore dans tous les esprits et même si le capitaine avait ouvertement complimenté leur performance contre les morts-vivants, il avait néanmoins exhorté ses marins à ne surtout pas faire preuve d’arrogance ou d’inattention. L’équipage avait compris que ce qui visait l’un d’eux valait également pour tous. Les dangers du territoire qu’ils sillonnaient étaient multiples et tous avaient la ferme intention de rentrer chez eux une fois le butin à leur bord. Pour Corus, rien n’avait changé, ou presque : désormais, il n’hésiterait plus à user de ses armes favorites.

     « Alerte ! Ennemi en vue, droit devant !! »

     La voix du guetteur cisailla le bourdonnement soporifique de la pluie et attira les regards de tous vers qui venait d’être repéré : des pirogues, au moins une demi-douzaine, s’étaient détachées de la rive droite du fleuve et leur couperaient immanquablement la route.
     Molos soupesa ses options : il pouvait encore virer de bord et accueillir ces assaillant d’une volée de canons avaient qu’ils ne se retrouvassent sur eux. Puis, il se frappa le front avec la paume : va donc espérer charger un canon de poudre sèche par un temps pareil ! Même s’ils réussissaient, les tirs pouvaient encore rater ces misérables canots primitifs. Il ordonna donc de s’apprêter au combat et dégaina lui-même son sabre. Il dut par ailleurs se baisser assez vite : leurs assaillants tiraient des projectiles… Projectiles qu’il identifia immédiatement comme des carreaux d’arbalètes druchii.
     Des druchii ! Sur des pirogues !
     Dans quelle diablerie d’eau douce s’étaient-ils donc encore embarqués ?!

     Phy’lis, quant à lui, haranguait ses corsaires afin qu’ils ramassent plus vite. Aves ses plumes désormais arrangées pour que l’eau céleste s’en écoule sans obstacle, il ressemblait à un rapace multicolore prêt à fondre sur sa tendre proie. L’elfe noir invoquait la pluie pour être témoin de leur imminente victoire, promettait à qui pouvait l’entendre des esclaves et à Khaine – des sacrifices.

     Il ne fallut guère longtemps à Corus pour apercevoir cet étrange énergumène et, au vu de l’animosité de celui-ci, il l’identifia comme une sorte de sorcier ou de prêtre qu’il gagnerait sans doute à cibler en premier. Qu’ils approchent, ces elfes noirs. La Lorelei saurait être le dernier navire que ces vautours des mers attaqueraient.

     « Et que le spectacle commence ! »

     D’épais nuages de fumée fusèrent des pirogues qui venaient d’encercler la Lorelei. Violets, verts, rouges, jaunes, bleus, ces panaches montèrent brusquement jusqu’au pont du navire et aveuglèrent ses occupants. Molos jura : ils allaient perdre l’avantage du terrain.
     À la faveur de la confusion qu’ils avaient provoquée, les corsaires se hissèrent à bord avec la souplesse qui caractérisait ces pirates redoutés sur toutes les mers du monde. Phy’lis fut parmi les premiers et frappa le premier humain qui se trouva à sa portée ; d’un geste vif, cependant, celui-ci interposa son coude, déviant le coup qui avait visé sa gorge.
     Bien que surpris comme tout le reste de l’équipage par la tactique ennemie (Corus : tests ratés ! 0T !), le champion de la Lorelei se préserva du pire (Phy’lis : 3T, 2B, 1 svg, 1 PV !).
     « Ha ! Accueille les ténèbres de la mort comme il sied à ta basse espèce, singe malodorant ! »

     Pour le plus grand péril de Corus, une épaisse fumée noire fusa depuis son assaillant, l’aveuglant derechef (Corus : tests ratés ! 0T !) ; sentant la lame adverse roder autour de lui, le marin empoigna fermement son trident et lui fit faire de tels moulinets dans tous les sens que son ennemi peina à trouver une ouverture pour un coup en traître. (Phy’lis : 3T, 0B)

     Phy’lis constata alors que son adversaire était peut-être un singe mais il était aussi un singe à craindre : ses moulinets le protégèrent et dissipèrent dans la foulée les miasmes du fumigène qu’il avait employé contre lui (Corus : tests réussis !). Désormais, son adversaire l’avait droit devant les yeux et son trident fit promptement reculer le comédien ; Phy’lis n’était cependant pas qu’un simple amuseur de foules : tenant en parfait équilibre sur le bastingage de la Loreleï, il esquiva lestement les estocades du marin, avant de sauter et, dans un salto parfait, blesser légèrement son adversaire à l’épaule (Phy’lis : 1T, 1B, 1PV !). Ce dernier le cueillit cependant à l’atterrissage, faisant tournoyer son trident à l’horizontale et laissant trois vilaines entailles dans l’avant-bras emplumé de son ennemi. (Corus : 4T, 3B, 1 svg, 1 invu, 1 PV !)
     Phy’lis fut sur le point de contrattaquer lorsqu’autre chose envahit brusquement son champ de vision… Un… filet ?! Son ennemi venait de le mettre à terre avec un filet ?!! Avant-même qu’il ne puisse entreprendre de couper les rivets, la pointe du trident fut sur sa gorge et une déclamation tonitruante de son adversaire fut sans doute là pour signaler au monde entier le piteux état dans lequel il se trouvait… (Corus : 4T, 4B, 1 svg, 3 PV !!! Phy’lis : 2T, 0B)
     Il n’y eut point de pourparlers car la débâcle druchii fut immédiate. Phy’lis était simplement trop fin connaisseur de la vilénie de son peuple pour ne pas reconnaître qu’à leur place, il aurait à coup sûr fait de même. Quels pleutres. Pouvait-il seulement véritablement s’appuyer sur eux désormais ? Le mot d’ordre était d’en avoir le cœur net mais, avant tout, une échappatoire théâtrale s’imposait. S’ils espéraient qu’il se trouvait à court de fumigènes…

     Corus aperçut la fumée blanche apparaître une seconde trop tard : son trident qu’il enfonça sèchement buta sur le plancher du pont, sans doute dévié in extremis, après quoi deux autres fumigènes, un bleu et un mauve, parachevèrent le blocage visuel de l’endroit où gisait le sorcier terrassé. Le champion fit de son mieux pour tâter ses chairs avec son trident mais un « plouf » quasi-inaudible dans le tumulte ambiant lui indiqua que sa prise venait de lui échapper pour de bon. Tout autour de la Lorelei, les pirogues ramaient vigoureusement dans le sens du courant, direction qui ne les arrangeait point, d’ailleurs toute poursuite contre ces parasites devait être superflue. Ils avaient déjoué ce nouveau piège de l’Amaxon et c’était tant mieux.

     Phy’lis, quant à lui, fit se dresser les cheveux sur la tête des elfes noirs qui maniaient la dernière pirogue à avoir pris la direction du grand large lorsqu’il manqua de la renverser en se hissant à bord.
     « Vehiyash, mon nouveau lieutenant, susurra-t-il à celui qui l’aida à hisser ses jambes, n’essaierais-tu pas… Enfin peu importe. Cette pluie est délicieuse, je vais en profiter encore un peu avant que… avant que Khaïne ne soit satisfait, coûte que coûte… »  






     Yelmerion d’Yvresse (Lynairyth) vs Von Essen (Essen)


     La pluie tropicale ne troublait guère les asurs, qui adressaient simplement des prières plus ferventes encore à Asuryan et à Mathlann, afin qu’ils bénissent leur traversée et que la chance leur sourie dans leur quête. La Lame Lunaire était de plus en plus proche, telles avaient été les conclusions de leur magicienne, aussi l’équipage du navire était confiant dans leur réussite prochaine. Le navire de guerre rentrerait à Tor Yvresse peut-être pas couronné de gloire, étant donné le secret de leur mission mais, au moins chaque membre de l’expédition garderait à jamais la satisfaction du devoir accompli, sentiment ô combien incontournable pour tout bon asur qui se respectait.

     Yelmerion réprima soudainement un frisson : un courant d’air d’un froid cinglant venait de souffler sur la proue du navire. Interloquée, la princesse scruta les cieux ainsi que les environs et ne trouva rien qui pouvait être la source de cet événement anormal. Elle haussa les épaules et se retourna, décidée à retourner dans sa cabine et laisser le soin de la navigation à son équipage ; la vision d’Azshannar qui accourait précipitamment sur le pont l’en dissuada.
     La Ténébreuse lui parut bien plus inquiète qu’à l’accoutumée puisqu’elle ne regarda même pas dans la direction de sa princesse pour la saluer, non, la magicienne vint immédiatement se placer à la proue et s’agrippa nerveusement au rebord, comme pour ne pas se laisser arracher du navire par ce qui devait attirer son attention droit devant.

     Yelmerion ne s’octroya pas la sottise de distraire l’experte en arcanes avec des questions ; elle fit simplement signe à son lieutenant, Lecmentor le Gris, de mettre des soldats en état d’alerte. Les explications viendraient en temps et en heure, elle n’en doutait pas.

     Des capes furent distribuées à bord du vaisseau de guerre ; les courants d’air froid se muèrent en vent persistant, transformant l’averse tropicale en quelque chose d’infernal. Des braséros durent être allumés en hâte, toute l’humidité accumulée se cristallisant un peu partout sur le navire : planches, voiles, cordages, tissus et même épidermes et cheveux ! L’ordre fut cependant donné d’apporter les carquois depuis les cales : Yelmerion avait remarqué que les lèvres de la Ténébreuse se mouvaient pour articuler des propos inintelligibles ; elle devina alors que l’intempérie n’avait décidément rien de naturel, qu’une magie malfaisante était à l’œuvre et que leur magicienne faisait tout son possible pour la contrer. La visibilité, de plus, n’avait cessé d’empirer à cause du vent.

     L’alerte fut donnée lorsque le vaisseau tangua légèrement sur le côté : quelque chose rompait l’équilibre de la flottaison, et ce quelque chose surgissait désormais par-dessus le bastingage, et les asurs eurent du mal à identifier ces choses : dégoulinantes, trapues, velues et lentes, ces choses ne pouvaient que rappeler des rebuts d’êtres ayant existé, animés désormais de mouvements qui n’avaient plus rien de vivant. L’ordre fut donné de les repousser sur le champ. Leur émergence, cependant, par poignées de douze, depuis les eaux devenues encrées de l’Amaxon, ne discontinua pas.
     Un autre cri, qui faillit par ailleurs se perdre dans les échos de la pagaille causée par le vent, la pluie et les créatures, attira l’attention de l’état-major elfique sur l’autre côté de leur navire : ils rattrapaient une forme rendue sinistre par la pénombre, un autre navire de taille modeste mais qui, au vu de la situation dans laquelle ils se trouvaient, était de mauvais augure.

     Les crochets d’abordage mutilèrent sèchement le bois du bastingage ulthuanien. Alors qu’en face résonnait l’ordre de tirer presque à l’aveugle dans le navire, les maraudeurs levèrent leurs boucliers et s’apprêtèrent à entamer ce nouveau combat pour la gloire de Khorne. Von Essen ne s’embarrassa pas du manteau de fourrure cette fois-ci : le précédent combat lui avait appris à redoubler de précautions et ne plus se préoccuper des apparences. Dès que les navires furent bord-à-bord, il bondit sur la proue, déterminé à empaler cette magicienne qui perturbait les liens nécromantiques de ses pantins skavens.

     Yelmerion le vit venir. (Tests réussis !)

     Le seigneur vampire la vit s’interposer.

     Il la traversa en se muant en brume (Yelmerion : 2T, 2B, 2 invus !) et se condensa en un clin d’œil dans son dos, lui plantant cruellement sa dague dans le flanc (Von Essen : 4T, 4B, 1 invu, 3 PV !!!).

     Il agrippa immédiatement le cou de la magicienne, fut sur le point de lui briser les cervicales et à crier « Victoire ! » à ses compagnons. Un bref coup d’œil sur le pont l’en retint : ses maraudeurs allaient devenir un souvenir lointain dans guère longtemps, quasiment encerclés qu’ils étaient. Les pupilles du chroniqueur se rétrécirent : contrevenir, il devait contrevenir maintenant.

     Sans plus de cérémonies, il balança sa proie à moitié asphyxiée dans la masse de lanciers, qui s’en écartèrent vivement avant de comprendre de qui il s’agissait. Dans la seconde qui suivit, un hurlement inhumain leur parvint de la proue du vaisseau. Tous les regards se tournèrent et virent leur princesse soulevée de terre et visiblement mal en point ; celui qui osait la brandir ainsi, tel un trophée, affichait un rictus bestial, et le vent qui mugissait autour de lui véhiculait des apparitions aussi nombreuses qu’assurément damnées. Au bout de quelques instants intenables, la deuxième et auguste victime de l’être fut également projetée sur eux, alors même que d’autres créatures trapues et velues se hissaient péniblement sur le bord de la proue.
     Un ordre claqua, au timbre à la jonction exacte entre horreur et bravoure inégalée : « Sauvez la princesse ! Sauvez la princesse et retirez-vous ! »
     L’équipage disposait toujours de chaloupes en nombre suffisant pour évacuer le navire en cas de tempête. Or, ce ne furent point les pertes, mais le froid, le froid qui glaçait les esprits et engourdissait les membres, les apparitions sans fin, la perte momentanée de leur état-major et la vision déroutante de l’être sur la proue qui décidèrent le noble Lecmentor à ordonner la retraite. Ils devaient s’extraire de ce guet-apens et rejoindre la rive, quoi qu’il en coûte.

     Contre toutes les attentes des maraudeurs, ce qui aurait dû se transformer en massacre de poltrons et de fuyards fut en réalité un combat d’usure qu’ils auraient inévitablement perdu si les maléfices du vampire ainsi que sa propre présence ne constituaient pas leur principale force de frappe. Les eaux grouillaient encore de morts-vivants mais le chroniqueur perçut très nettement que la magicienne adverse se faisait, disons, ressentir en se concentrant de nouveau sur la dissipation de sa nécromancie, ce à quoi elle parvenait avec une facilité quasi-suspecte.
     Il ne laissa guère à ses nordiques l’occasion de lancer une quelconque poursuite : ils pouvaient piller le navire elfique à leur convenance, après quoi ils repartiraient sur leur drakkar.
***
     Azshannar la Ténébreuse, dont le cou était encore endolori, maudit leur malchance et maudit l’être vampirique qui les avait attaqués. Elle aurait volontiers exhorté tous les asurs à reprendre le combat. Or, le pouls de la princesse battait encore : l’heure était à la retraite et la vengeance, elle, devrait attendre plus tard.  







     Ixi’ualpa, Guerrière Aigle des Amazones (Gromdal) vs Helmut Markus Heldenhame (Vytrium)


     À bord de l’Emmanuelle, il s’en fallait de peu pour que les marins ne poussassent pas un petit chant gaillard, « pour faire contre mauvais temps bon couplet », comme avait transmis à demi-mot le sous-lieutenant à Helmut après avoir rappelé assez sèchement aux hommes qu’ils ne se trouvaient guère en pleine mer. Le commandant approuva la décision à contrecœur : il n’aimait pas doucher ainsi l’enthousiasme de l’équipage mais préférait encore qu’ils fussent grincheux mais vigilants plutôt que gaillards et désinvoltes, surtout par un temps pareil.

     À quelques lieues en amont, cependant, sous le couvert de l’épaisse végétation de la jungle, une discussion animée tenait lieu entre deux groupes de femmes, plus exactement deux groupes amazones, très exactement entre deux d’entre elles, leurs cheffes, la Guerrière Aigle Ixi’ualpa et la Guerrière Kalim Rakt’cheel. La première avait invité la deuxième à s’asseoir et à poser leurs armes devant elles : Ixi’ualpa sentait qu’elle allait parler dans le vent, que ses pensées n’atteindraient la Kalim guère plus que la pluie… Elle devait au moins essayer.
     « … ce que je ne comprends pas, révérée de Kalim, c’est pourquoi votre prêtresse ne vous accompagne pas. Je –
     - De ce que j’ai entendu, révérée de l’Aigle, vous avez affronté un mâle et vous avez perdu, c’est tout. »
     Ixi’ualpa leva la main, bloquant le frémissement d’indignation qui traversait son groupe de guerrières derrière elles. La dernière chose qu’elle voulait, c’était une dispute sanglante avec ces droguées religieuses.
     « Vous avez le droit de remettre en doute la force de mon bras, révérée de Kalim. Pourquoi, en revanche, doutez-vous de mon œil, de mon esprit et de mon cœur ?
     - Si vous nous rejoigniez, révérée de l’Aigle, peut-être que vous sauriez pourquoi.
     - Révérée de Kalim, articula lentement la Guerrière Aigle pour mieux digérer sa frustration, Rigg voit dans les cœurs mieux que quiconque. Soit, votre aide est la bienvenue !
     - Trêves de palabres, révérée de l’Aigle. Je vois que Rigg nous envoie déjà ses prochains sacrifices…

     Le branle-bas-de-combat fut déclaré sur le navire impérial dès qu’ils aperçurent les premières pirogues en approche. Beaucoup de pirogues. Beaucoup de pirogues occupées par des femmes quasiment dévêtues qui poussaient des cris tantôt rauques, tantôt aigus, tantôt pareils à des aboiements, tantôt rappelant les hurlements d’un malade ou d’un grand blessé dans un hospice ; la vision fut un tel choc que certains soldats eurent une sorte de crise superstitieuse et se mirent à genoux, récitant les prières qu’ils connaissaient en mélangeant les mots et les syllabes. Helmut Markus von Heldenhame et le sous-lieutenant Heinrich Durken ordonnèrent aux sergents de mettre une bonne correction à ceux-là. Lorsque le commandant jeta un œil en direction du doyen des chevaliers du Corbeau, il frémit involontairement : le Herr Salieverri exprimait une telle grimace de dégoût souverain que Helmut dégaina instinctivement son épée, s’attendant à quelque chose s’apparentant à des démons surgir sur le pont de l’Emmanuelle.


     Ixi’ualpa avait abandonné tout dessein de raisonner avec la « solution » que lui envoyait la prêtresse Kalim pour s’occuper des adversaires trop coriaces. Cette embarcation-là, pour le comble, elle en avait vu passer bien d’autres de semblables et connaissait ses faiblesses, comment l’envoyer au fond du fleuve sans la moindre effusion de sang amazone… Elle connaissait également les tactiques guerrières des hommes qui venaient sur ce genre de navires : ils pouvaient être vaincus par la force, cependant les pertes pouvaient également être catastrophiques. Les récits qui se transmettaient de bouche à oreille entre guerrières faisaient état de tribus entières qui avaient été décimées par ces hommes redoutables. Ixi’ualpa était devenue Guerrière Aigle pour les sacrifices qu’elle avait ramené à Rigg ; elle avait reçu le commandement d’autres guerrières car elle évitait de sacrifier inutilement les siens.
     Son groupe avait dès lors entrepris de nager silencieusement vers le vaisseau, alors-même que les hululements démentiels des guerrières-Kalim faisaient écho aux ordres cinglants des hommes qui se défendaient à bord.
     Ses guerrières l’aidèrent à escalader le gouvernail de l’Emmanuelle et à liquider subrepticement le marin qui se tenait là. La voie était libre. Avec trois autres guerrières, Ixi’ualpa parcourut le compartiment à l’intérieur qui la séparait d’une salle tout autre, qu’elle s’efforçait de reconnaître à l’odeur : la poudrière du navire. Une trainée de cette substance volatile vers la salle qui le contenait et Rigg elle-même, l’amazone se surprit presque à blasphémer, ne pourrait faire mieux pour détruire l’embarcation et les hommes qu’elle contenait.
     Un marin surgit dans un escalier venant d’en-haut, se figea, médusé par la vision de ces femmes dans la pénombre ; une lance jetée sur lui s’enfonça profondément dans sa cuisse et le fit glapir de douleur avant de claudiquer vers l’étage au-dessus. Il ne donnait pas l’alerte, il criait « À l’aide ! » or, pour les amazones, il devait se taire…

     Helmut, à qui ces formidables assaillantes rappelaient de plus en des fanatiques de Sigmar, telles que l’on en voyait parfois partir vers le nord, se demandait cependant s’ils n’allaient pas cette fois-ci s’en sortir à bon compte : ces furies faisaient beaucoup de bruit mais peu de morts, les formations en rangées des hommes les maintenant le plus souvent à bonne portée, avant de les blesser ou de les empaler sur une pique à la moindre occasion.
     Des cris à moitié étouffés provenant de l’arrière lui firent jurer que la prochaine fois, il construirait plutôt un autel à Ranald avant de se permettre d’être ainsi optimiste !
     Il fut immédiatement accompagné par Antonio Salieverri et deux autres chevaliers du Corbeau, tous trois aux épées encore tièdes de sang ; quelques marches plus tard, ils virent le cadavre d’un marin étendu au pied de l’escalier dans une mare de sang. L’instant d’après, Helmut dut se défendre.

     Une ombre tenta de l’empaler comme du bétail ; sa propre lame dévia la pointe qui, dans un sifflement infame, traversa péniblement l’acier de son armure et fut alors brutalement retirée de celle-ci. Helmut constata que s’il n’avait pas été trempé comme une soupe à cause du déluge au dehors, le simple contact de cette pointe étincelante aurait suffi à enflammer sa tunique (Ixi’ualpa : 4T, 2B, 2 invus !). L’impérial se fendit lui-même d’une estocade en direction de l’assaillant mais constata que celle-ci excellait non seulement à percer les armures mais aussi à esquiver les coups adverses (Helmut : 4T, 1T annulée, 3T, 1B, 1 invu !). La seconde d’après, une douleur cinglante lui traversa l’abdomen : la pointe s’était de nouveau ri de son armure qu’il avait crue impénétrable, à tort… (Ixi’ualpa : 4T, 3B, 1B annulée, 2B, 2PV !!)
     L’amulette qui pendait à son cou vibra alors et il se sentit infusé de la force de la foi et de toute la revanchardise impériale : s’emparant crânement de la hampe de la lance ennemie, il se laisse tirer vers celle qui la brandissait et enfonça sa propre épée dans le torse de son adversaire (Helmut : 4T, 2B, PV !!).
     Comprenant ce qui se passait, Ixi’ualpa réagit au quart de tour : avec la force que lui valaient des années de service à la protection de sa tribu, elle enfonça sa lance plus en avant, faisant du même coup reculer cet homme opiniâtre ; la douleur tordit les traits de celui-ci et l’amazone le vit lâcher son épée, qui tomba à leurs pieds. (Ixi’ualpa : 4T, 1B, 1PV !!!)
     « Ô révérée, la trainée noire est prête, là, derrière toi !! »

     Les guerrières avaient terminé les préparatifs et Ixi’ualpa embrasa sa lance à nouveau.

     Salieverri et ses frères eurent une seconde de confusion : la masse du commandant retombait sur eux, le doyen dut le réceptionner alors même que, dans un bruit de ferraille, la guerrière retirait sa lance du ventre de Heldenhame ; la pointe redevint incandescente et décrivit un arc de cercle qui la fit choir à l’arrière de l’amazone, droit vers une substance noire qui s’enflamma instantanément au contact.
     Deux guerrières soutinrent leur cheffe avec une douceur et une fermeté qui laissait transparaître leur bon entrainement ; la dernière couvrit leur retraite vers l’arrière du navire.
     Heldenhame ouvrit les yeux, qui furent agressés par la vive lueur de la flamme qui consumait lentement mais sûrement la trainée de poudre.

     « PAS COMME ÇA, PAR SIGMAR !!! »

     Réunissant ses dernières forces, son amulette vibrant entre sa poitrine et sa cuirasse tel un oiseau essayant de s’échapper, Helmut bondit en direction de la flamme, s’étalant de tout son long, ses mains gantées s’abattant sur la trainée avec la fureur d'une bête acculée ; trois coudes plus loin, la Sainte Barbe avait attendu son heure...
     Les grains enflammés éparpillés ou étouffés sous le cuir de ses gantelets, le commandant finit par perdre connaissance.



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Sam 13 Fév 2021 - 17:06

Alicia de Meissen (Alicia) vs Qracl‘Naui (Hjalmar Oksilden)

     L’inquisitrice étala sur la table de la cabine le grossier rouleau de parchemin qui justifiait à lui seul leur présence aussi loin des colonies. Au beau milieu, tout près des fines lignes parallèles représentant l’Amaxon, une croix marquant l’emplacement d’une cité. À ses yeux, en vérité, la nature de sa mission n’était point nouvelle : extraire des richesses de ces terres inexplorées avait été sa principale préoccupation dès son arrivée à la Nouvelle Altdorf. Tout ce qui pouvait être récupéré, métaux précieux, gemmes ou objets mystiques, tout ceci était ensuite rapatrié sous bonne escorte jusqu’aux terres impériales. En retour, des navires continuaient d’arriver dans les colonies, remplies de troupes constituées majoritairement de milices volontaires, dont la moitié des effectifs succombait assez vite à toutes les privations et les dangers mortels dont la jungle regorgeait. Alicia, elle, faisait en quelque sorte partie des hautes sphères de commandement qui gravitaient autour d’une seule figure disposant de la confiance de l’empereur lui-même : Markus Wulfhart, le Jagdsmarshall de sa Majesté Impériale Karl Franz.
     Alicia chassa de son regard une légère somnolence qui ne la quittait plus depuis que la pluie avait débuté ; le clapotis des eaux célestes avait un don particulièrement énervant pour embrumer l’esprit, à croire que même ce bruit naturel, inoffensif dans les terres civilisées, devenait un énième allié de tout ce qui essayait de vous dévorer sur ce continent sournois, sauvage et meurtrier. Une heure plus tôt, elle s’était octroyée un répit en s’allongeant dans une couche formée de coussins trouvés à bord du reaver, s’était effondrée dans un sommeil sans songes et s’était réveillée comme une pendule, mécaniquement, sommairement requinquée et éprouvant une forte envie de se dégourdir les membres. Quant à la « carte au trésor », à laquelle elle ne croyait qu’à moitié (après tout, des trésors dans cette jungle, il pouvait y en avoir même plusieurs), l’inquisitrice l’avait dépliée après avoir constaté son état relativement humide. Décidément, rien n’était épargné dans cette forêt, rien…
     Elle passa l’heure qui suivit à s’exercer avec sa dague et son épée. A l’extérieur, sur le pont du reaver, des sentinelles surveillaient les environs.


     Ces hommes, bien qu’ils fussent tous aguerris par les mois voire les années passées à survivre dans l’enfer vert, auraient été bien en peine de distinguer sur la surface du fleuve frissonnant sous la pluie des vaguelettes qui n’avaient rien à voir avec des poissons carnivores ou autres joyeusetés du genre. Le bataillon de skinks approchait le reaver avec la discrétion d’une mante religieuse. Ces êtres encore mal connus des civilisations du Vieux Monde éprouvaient pour les représentants des races étrangères la même émotion de rejet que les humains éprouvaient pour des insectes particulièrement envahissants : il fallait s’en débarrasser au plus vite avant qu’ils n’établissent leurs nids infâmes dans leurs forêts.
     Tixyixyon nageait à une coudée devant la gueule redoutable de Qracl’Naui le kroxigor. Les échanges qui avaient eu lieu la veille entre le chef skink et son colossal atout avaient surtout été de nature analytique : les détails de l’affrontement précédent avaient été passés en revue et confrontés aux témoignages d’autres skinks du bataillon. Tout conduisait à affirmer que Qracl’Naui n’avait pas commis d’erreur : n’importe quel sang-chaud de leur connaissance aurait succombé à la violence du traitement auquel la gueule du Kroxigor l’avait soumis. L’anxiété évidente qui en résulta (faisaient-ils face à une évolution terrifiante des parasites qu’ils affrontaient régulièrement ?) fut traitée par quelques heures de prière et de communion. Au terme de celles-ci, les systèmes nerveux des skinks et du kroxigor s’étaient apaisés : parasites mutants ou pas, les humains étaient toujours pathogènes pour les forêts et devaient être traités en conséquence, avec plus de férocité ou plus d’intelligence, cela restait à déterminer.          


     Le bataillon se scinda en deux et encercla le reaver telle une pince ; les sentinelles n’eurent que le temps de hurler l’alerte avant d’être abattus ou attirés par-dessus bord ; Alicia de Meissen et Qracl’Naui surgirent en même temps sur le pont : le combat s’engagea.

     Alicia avait déjà fait face à ces créatures et savait qu’elle n’aurait aucune chance de l’emporter à l’escrime. Elle savait également que par ce déluge, elle n’aurait droit qu’à un seul tir.
     Enserrant la crosse du pistolet dans ses deux mains, l’inquisitrice fit feu.
     Une furieuse douleur cisailla la tempe du kroxigor ; des lumières blanches dansèrent devant ses yeux (Alicia : 3T, 1T annulée, 2T, 2B, 2 PV !! Entrainement martial : 0T). À ce moment-là, Qracl’Naui perdit toute notion de retenue : comme possédé par la douleur qui lui embrasait la tête, il s’enfonça parmi les diffuses silhouettes des humains tel un tank à vapeur hors de contrôle. Au milieu des cris et des craquements d’os, l’inquisitrice eut le malheur de se trouver sur la trajectoire de la redoutable masse de la créature, qui la cueillit au flanc et l’envoya tout simplement voler par-dessus-bord (Qracl’Naui : 3T, 3B, 3 PV !!!).
     La panique naissante devint totale et répandue à tout ce qui bougeait à bord du reaver. Le kroxigor était devenu inarrêtable, les arcs de cercle que décrivait sa masse broyaient skinks et humains sans distinction et toutes les boiseries aux alentours volaient en misérables copeaux.

     Alicia dut beugler à travers la pluie pour se faire entendre de son régiment qui s’éparpillait désormais sur le pourtour du navire, et où des duels épars entre soldats et skinks surgissaient et cessaient tout aussi vite, avec des succès partagés. Son flanc lui faisait subir le martyr, elle devait avoir au moins une côte cassée, cependant l’inquisitrice n’avait de cesse de hurler à qui pouvait l’entendre de se rallier à elle et de nager vers la rive la plus proche : leur union était leur seule chance de survie.
     Tixyixyon était tout aussi dépassé par la situation que les parasites qu’ils étaient censés éliminer ; bien que souhaitant ardemment poursuivre les humains dans le fleuve, il refusait de laisser le kroxigor dans un état qu’il ne lui connaissait pas. Un souvenir flou s’imposait : ils avaient dû abattre un skink qui, lui aussi, ne répondait plus aux signaux et était comme animé de rage destructrice. Le même sort allait-il devoir s’imposer à Qracl’Naui ? Le chef skink repoussa l’idée comme la pire des extrémités auxquelles son bataillon pourrait être confronté.
     Qracl’Naui finit par se jeter (ou basculer, il n’aurait su le dire lui-même) dans le fleuve. Dans les flots, il continua à se débattre comme s’il se noyait, tant sa douleur était insurmontable. Puis, peut-être fût-ce la volonté de Tzunki, l’esprit des rivières, ou le murmure d’un slann dont la conscience atteignit celle, souffrante, du kroxigor, mais ce dernier sentit lentement le voile de sang quitter son regard. Il se sentit faible et vulnérable lorsque sa conscience lui revint, aussi se dirigea-t-il instinctivement vers la rive du fleuve… Le bataillon skink le suivit à distance raisonnable.
     Les impériaux les virent se dissoudre dans la végétation de la rive opposée de l’Amaxon. Décident de jouer leur va-tout, ils se décidèrent à retrouver péniblement le reaver à la dérive : le pont était dévasté et toute la voilure était à réparer. Leur supérieure n’eut cependant aucun état d’âme vis-à-vis de l’état encore sous le choc de ses troupes : "l’Impérial" devrait être remis en l’état avant la fin du jour…

***
 


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Dim 14 Fév 2021 - 13:02

     Felbar le Fourbe (Doobloom) vs Fiodor le Non-Mort (Arcanide Valtek)

     La première salve des canons fit s’envoler un nombre incalculable d’oiseaux dans la canopée environnante. Fiodor regretta seulement qu’il n’y eut pas un seul corbeau parmi ces créatures, dont le chant rauque aurait été de bon augure pour ce qui allait suivre…

     « Graaa !
     - Mais oui, évidemment, GrAafrblabl ! Chargez les canons ! On va montrer à ces marins d’eau douce de quel bois je me chauffe ! »
     Deux fortes secousses successives firent trébucher les morts-vivants à bord du vaisseau de Felbar. Elle n’avait cependant pas identifié le craquement caractéristique d’une planche craquelée ou trouée par la canonnade : il fallait croire que les boulets avaient ricoché contre l’épaisse coque de sa proue.

     L’équipage à bord du Corbeau Centenaire n’avait jamais encore fait l’expérience d’un bombardement en plein milieu d’un grand fleuve : ils n’auraient d’ailleurs jamais songé à un quelconque bombardement si leur capitaine ne les avait pas mis sur le pied de guerre avec sa verve habituelle. Monsieur Flouz était par ailleurs persuadé de l’avoir entendu marmonner quelque chose comme « instrument abominable, abominable, abominable… »
     Leur navire se situait en amont de leur cible et la première salve s’était faite presque au jugé, tellement le rideau de pluie était persistant et seuls ceux dotés de la meilleure vue devinaient la silhouette grisâtre de leur cible. Le courant les menait désormais droit vers eux, Fiodor ne lâchant point sa longue vue depuis le début des hostilités. La vision de deux petits nuages depuis la proue du navire d’en-face lui indiquèrent que leur cible allait riposter. Quelques secondes plus tard, à quelques pas sur sa droite, un bout du bastingage vola en éclats dans un vacarme accablant.
     « Remuez-vous, bande de bouseux ! Le prochain qui le rate maintenant, c’est l’eau et le pain sec jusqu’à ce qu’on arrive aux cités d’or ! »
     Marcel de Parravon déambulait sur le pont du navire avec la férocité d’un esclavagiste : le revenant se sentait encore furieux depuis que le Corbeau Centenaire avait manqué d’être débordé par des reptiliens et tenait cette fois-ci à détruire leurs ennemis avant qu’ils ne leur tombent dessus.

     L’équipage de Felbar poussa quelques borborygmes scandalisés lorsqu’il s’avéra que leurs tirs avaient pour la plupart survolé leur cible, nettement moins massive que leur propre vaisseau. La vampiresse, elle, ordonnait à présent de tenir le cap droit sur l’ennemi : s’ils ne se montraient pas vigilants dans quelques minutes, ils seraient tout simplement éperonnés par la proue de son navire… Elle leva les yeux au ciel en voyant que ceux d’en-face ne baillaient manifestement pas aux corneilles et viraient de bord pour voguer désormais à leur rencontre.

     Fiodor considérait l’option de bondir sur pont adverse dans les instants qui allaient suivre mais, en tendant l’oreille, renonça à jouer le rôle d’avant-garde : il n’entendait aucun cœur battre sur ce vaisseau. Le capitaine était bien placé pour connaître l’existence de navires-fantômes, aussi convint-il qu’ils allaient aborder ce vaisseau en bande : ses hommes n’étaient pas des foies jaunes mais nul ne pouvait prévoir les horreurs que pouvait abriter un bâtiment maudit…

     « A l’abordage !!
     - GRAAAAAAA !!! »

     L’équipage du Corbeau Centenaire fut pris de court par la contre-offensive ; des êtres en haillons se jetèrent par dizaines depuis le vaisseau adverse, s’attaquant immédiatement aux chairs tendres des moins chanceux. Fiodor le Non-Mort et Marcel de Parravon hurlèrent de concert face à cette ignominie et enfoncèrent les rangs adverses avec la maestria qui leur était propre.
     « GRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!! »
     - ET MA GRANDE-TANTE, À CE QU’ON M’A RACONTÉ, ÉTAIT DEMOISELLE DU GRAAL ! VIENS DONC SI TU L’OSES ! »


     Au milieu de la mêlée, Felbar finit par croiser le fer avec le Non-Mort ; tous deux se jaugèrent et se reconnurent en quelques secondes, comprenant que de l’issue de leur duel pouvait dépendre l’issue de la bataille. Force était de constater qu’ils n’échangèrent nulle réplique, leurs lieutenant respectifs couvrant largement tous les bruits alentours avec leurs rugissements.
     Chose autrement étonnante, ils se découvrirent comme étant des adversaires se valant l’un l’autre : même leurs styles d’escrimes étaient quasiment similaires, mélanges de coups redoutables et de feintes que l’on apprenait plutôt dans la rue que dans les académies militaires ; leurs lames furent d’ailleurs les premières victimes de l’affrontement, finissant par s'ébrécher à force de se croiser dans le ballet mortel de leurs maîtres. Quelques bottes audacieuses plus tard, tous deux affichaient moult coupures et semblaient tout deux comme possédés par une transe. (Fiodor : tests réussis ! 4T, 3B, 1 invu, 2 PV !! Felbar : 4T, 4B, 2 invus, 2 PV !!)  
     « Est-ce qu’on t’a déjà dit qu’on pouvait voir à travers ta cage thoracique ?!!
     - GRAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA !!!
     - J’en étais sûr ! »

     Felbar aperçut enfin l’ouverture tant attendue : là ! Sa rapière décrivit un arc de cercle parfait, cisaillant le cou de son ennemi et provoquant une fontaine de sang (Felbar : 4T, 4B, 3 invus, 1 PV !). Le capitaine adverse demeura figé un instant, les bras ballants… avant de se jeter sur la vampiresse médusée qui ne put que reculer pas après pas sous la férocité de l’assaut. Elle réalisa trop tard que sa retraite la conduisait au bord du navire, à un endroit où le bastingage avait sauté… Sa chute disgracieuse fut accompagnée d’un dernier « GRAAA ! » avant que l’eau n’étouffât tous les bruits de la surface. Ses morts-vivants furent expulsés presque aussitôt de la même manière. Peste !! Elle avait perdu. (Fiodor : 1T, 1B, 1 PV !!!)

     Fiodor ordonna à son équipage victorieux (après avoir non sans mal éjecté le colossal revenant adverse) de manœuvrer autour du vaisseau ennemi et de remettre le cap vers l’amont du fleuve. Parbleu, quelques pouces de plus et il aurait été décapité… Le Non-Mort n’éprouvait aucune envie d’inspecter les entrailles du vaisseau qui avait failli causer son trépas définitif. La pluie et la jungle pouvaient s’occuper de ce bâtiment mal famé, lui n’y trouvait plus son compte. Enfin, se dit-il en rentrant dans sa cabine, au moins il avait survécu.




 
         
     Le capitaine Sarquindi (Ethgri Wyrda) vs Sargath, le Héraut des Mille Lames (Thaelin)


     Lorsque Heinrich von Carstein lui signala un navire en vue droit devant, le Héraut des Mille Lames infusa ses rameurs de puissance maléfique destinée à leur faire accélérer la cadence.
     Sargath n’aimait pas la jungle environnante : c’était comme si la végétation était complice de toutes les créatures qu’elle dissimulait à son regard. Le fleuve, en revanche, était depuis le début son fidèle allié, menant sa galère de guerre droit vers les richesses oubliées de tous et dévoilant toutes les proies potentielles. Quant à cette pluie… Le seigneur vampire fut partagé entre nostalgie de temps à jamais révolus, lorsqu’il bénissait la pluie qui arrosait les fermes de Lahmia, et réjouissance plus prosaïque car il n’avait plus à s’inquiéter des rayons courroucés du soleil.

     La galère se rapprochait de plus en rapidement, ce qui s’expliquait facilement puisqu’il devint manifeste que le vaisseau adverse avait viré de bord et comme relevé le défi des morts-vivants. Sargath finit par distinguer des voiles sombres et une coque effilée, d’un art naval qu’il avait eu le temps d’oublier depuis son long sommeil embaumé.
     Il fut en revanche forcé à réagir lorsqu’une salve de projectiles vint se ficher dans tout ce qui se trouvait sur le pont, ne causant guère de dommages graves mais mettant en évidence l’esprit combattif de sa proie. Le seigneur vampire fit se mouvoir sa garde squelettique afin qu’elle occupât le bord qui allait faire face au vaisseau ennemi. Heinrich fut également contraint à y être : il n’eut guère protesté mais Sargath aperçut l’insatisfaction dans le regard de son acolyte. Bah, un serviteur ne pouvait pas toujours être fidèle…

     Le Rêve d’Atharti avait viré de bord car son équipage trouvait la manœuvre on ne peut plus juste : tout ce qui n’était pas vaisseau-aigle de leurs détestables cousins devait forcément être une proie facile, cela allait de soi. Les corsaires avaient lâché leur première salve d’arbalètes et… avaient été légèrement perturbés par l’absence de cris de douleur que la pluie n’aurait pas dû suffire à étouffer. L’ordre de leur commandant claqua et la deuxième salve succéda à la première : le capitaine Sarquindi commençait à se douter que quelque chose n’allait pas mais n’allait certainement pas en faire un exposé à ses druchii. Après tout, c’est aussi en étant convaincus de leur supériorité que les elfes avaient souvent remporté des batailles qu’ils auraient autrement perdues. La galère se rapprochait et Sarquindi pouvait nettement distinguer son apparence : une construction dérangeante au vu de ce qui devait être un curieux mélange entre une galère du Vieux Monde et un équipage… du très vieux monde. L’immense statue sur la poupe acheva d’étonner l’elfe noir, qui lui trouva presque quelque chose de comique…
     « À l’assaut, druchii ! À l’assaut, par Khaïne !! »

     Sargath identifia immédiatement celui qui avait donné l’ordre au reste des marins. Il fut témoin également de l’abordage fulgurant de ces êtres sveltes et agiles qui n’hésitèrent pas à sauter crânement sur les casques et les boucliers levés de ses gardes pour atterrir derrière leur ligne et broyer leur formation par-derrière. Furieux, le Héraut des Milles Lames se leva de son siège et dégaina son sabre : ils allaient regretter leur audace, ces êtres au sang si bouillonnant…
     Devant ses yeux, le commandant de l’offensive ennemie venait de prendre à part le vampire sylvanien et le faisait reculer sous un déluge d’estocades que ce dernier peinait à esquiver. En se disant que ce von Carstein aurait bien besoin de quelques semaines d’entrainement sous sa tutelle, Sargath l’invectiva sèchement en lui ordonnant de reculer.

     Sarquindi avait lui aussi remarqué d’abord l’individu pâlot parmi les squelettes, puis l’individu pâlot qu’il avait de prime abord pris pour une effigie au pied de la statue. Il s’était réjoui de ce manque d’assurance de celui qu’il avait pris pour le maître des morts, aussi la vision de ce nouvel adversaire bien plus imposant lui fit revoir ses plans à la baisse. Le capitaine du Rêve d’Atharti inspira un grand coup et se maîtrisa : c’était déjà fort malhabile de la part de cet énergumène de ne pas le frapper en traître, alors il ne se démonterait pas face à cette chance d’en découdre un contre un.  

     Sargath fut sur le point d’entamer l’offensive lorsque son ennemi ne devint plus qu’une ombre diffuse ; pluie, pluie, bruit de la mêlée non-loin, environs grisés par l’intempérie, tout parut momentanément flou au seigneur vampire, qui aperçut soudainement la lame elfique enfoncée jusqu’à la garde dans sa poitrine, l’ombre qu’était son ennemi à quelques pouces à peine de son visage. Ses membres refusèrent de l’obéir alors qu’une douleur insoutenable lui indiquait que le cœur venait d’être perforé de part en part. Il n’entendit plus rien, à part ce qui devait être le sourd clapotis de la pluie, et sa vision bascula en arrière pour ne voir plus que le ciel chargé de nuages. (Sarquindi : 3T, 3B, 3 PV !!!)

     Après un temps qui lui parut durer une éternité, le seigneur vampire sentit soudainement les flux de son corps reprendre péniblement leur cours alors que ce qui les bloquait venait d’être retiré de son organe vital. Il voulut immédiatement broyer tout ce qui se trouvait autour de lui ; sa vision lui indiqua seulement Heinrich von Carstein, qui lui jetait des propos insignifiants, la lame elfique qu’il venait d’arracher encore dans ses mains. Derrière le sylvanien, la silhouette lugubre de sa galère renversée sur le flanc : ils étaient au bord de la jungle, sur un banc de plage terreuse. Quelques éclats métalliques lui indiquèrent une pile de dépouilles entassées au pied de l’épave : privés de la volonté de leur maître, ses gardes n’avaient guère fait long feu.
     Sa fierté avait pris un coup dont il se souviendrait. Son prestige auprès du serviteur à qui il devait désormais beaucoup était entièrement à refaire.
     Le Héraut des Mille Lames se jura qu’il poursuivrait sans relâche tout représentant de cette race abjecte de guerriers sombres et habiles. Nul ne bafouait l’honneur de Lahmia impunément.


     Sarquindi profita de son heure de gloire aussi longtemps que sa blessure le lui permit : lorsque la douleur devint trop insoutenable, il prétexta une excuse diffuse et s’éclipsa dans son sanctuaire.    






     Le prince Aetholdyr Prestelance passe automatiquement la deuxième journée !  


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La Route d'Eldorado Empty Re: La Route d'Eldorado

Jeu 18 Fév 2021 - 11:49
Intermèdes II

La Route d'Eldorado Jungle10



***

     Admirable et superbe témoignage de la croisée évolutive de l’oiseau et des créatures reptiliennes de la Lustrie, le narcoptérix arborait un plumage aux couleurs chatoyantes et le bec acéré de son lointain, et plus massif, cousin : le terradon.

     Perché sur son arbre qui, lui-même, poussait défiant aux abords d’une falaise, notre spécimen dominait la forêt lustrienne dont la canopée verte, toute bruissante de vie dans le soleil couchant, s’étendait à perte de vue. Son bec était d’ailleurs tout strié de cicatrices : notre oiseau était un vétéran, un survivant de nombreuses chasses tant comme prédateur que comme proie. L’air fier, il profitait tout comme nous du spectacle de la forêt, et rien au monde, pensait-il ne pourrait l’en déloger, surtout pas le sang-froid qui jaillit soudainement de sous l’arbre pour se jeter dans le vide.

     Cela dit, la gerbe de flammes qui fendit l’air dans un mugissement crépitant à la suite du lézard le fit rapidement changer d’avis. Dans un bruissement de plumes à peine audible, notre oiseau prit la fuite à toute vitesse : la jungle ne pardonnait pas les paresseux.

     « Grmblr. Encore raté ! »

     Pestant et bousculant sans ménagement les branchages encore fumants qui le séparaient du précipice, un nain émergea à la lumière éclatante du couchant, le forçant à lever une main devant ses yeux. De son autre main, tout aussi gantelée de cuir et de fer que la première, il brandissait ce qui ressemblait à un tromblon, à la gueule déversant une noire et épaisse fumée.

     « Kruti d’skofzani… » murmura-t-il dans sa barbe poivre et sel d’une voix caverneuse. Un regard désapprobateur jeté au précipice suffit pour le faire ranger son arme dans son dos, aux sangles prévues à cet effet sur le côté de l’imposant paquetage qu’il portait, relié à l’étrange arme de tir par un fin tube métallique.

     Pas moyen de voir où le sang-froid avait dévalé la pente, ni de le rejoindre sans passer trois jours à trouver un chemin pour la remonter.

     Ce n’était pas aujourd’hui qu’il pourrait se refaire son stock de tranches de viande de sang-froid, salées, fumées et séchées. Un régal pour lui, que les umgal du navire ne lui disputaient pas : il fallait bien être un nain pour avoir la patience de mâcher éternellement ces lambeaux de chair… La viande de sang-froid était déjà ferme avant d’être cuite, mais la laisser sécher demandait à qui osait tenter de l’avaler de se battre longuement pour la forcer à lâcher, enfin, ses doux fumets, si parfumés et si salés. Bref, une nourriture à l’image de ceux qui aimaient la consommer : pugnace et opiniâtre.

     Avec un dernier regard, cette fois empreint de regret à l’idée que le met tant apprécié lui ait encore échappé, le nain se résolut à faire demi-tour, et il disparut à nouveau dans les branchages, remontant la trace noire et fumante qu’il avait dessinée dans la forêt pendant toute sa chasse.

     Lentement, la nuit se mit à tomber sur l’Est du continent lustrien.


* * *


     « Ah, Señor Thrond ! La chasse a été bonne ? »

     À peine le nain était-il rentré dans le campement en effervescence qu’un homme de large carrure, tout sourire sous sa fine moustache, venait l’accoster. Thrond lui rendit son salut, mais pas son sourire.

     Il continua sa traversée du camp, entre les discussions des marins en train d’installer les tentes, le bruit des coups de marteaux qui plantaient les piquets, et la douce odeur des feux de bois qui avaient été allumés un peu partout sur la berge et qui éclairaient la scène, autour desquels quelques soldats commençaient à faire cuire un peu de viande en bavardant jovialement. Quelques saluts furent adressés au nain, qui les rendait d’un geste de la main. L’homme le suivait diligemment, sans se départir de son sourire, attendant patiemment une réponse, qui ne tarda pas à venir :

     « Tu es bien drôle, João » commença le nain, sans la moindre trace d’amusement sur le visage. « Est-ce que tu me vois rapporter quoique ce soit ?
     — Haha ma foi, c’est qu’on ne sait jamais ce qui peut se cacher dans vot’ grand sac à dos, señor enano ! »

     Impassible, Thrond sortit nonchalamment un large cigare d’une petite boîte à sa ceinture et se le mit aux lèvres. Un coup sec de son lance-flammes fit jaillir la petite flammèche pile suffisante pour allumer le tabac, ce sur quoi l’arme fut prestement rangée, comme si elle n’avait jamais quitté le sac-à-dos du nain. La démonstration ne fit pas broncher son interlocuteur, qui s’était habitué aux tours de passe-passe que Thrond réalisait régulièrement avec son lance-flamme depuis qu’il les avait rejoints sur leur navire.

     Après avoir longuement tiré sur son cigare, le nain se permit enfin de répondre :

     « Non, cette fois j’n’ai pas de surprises dans mon sac, juste une bouteille vide, qui n’demande qu’à avoir une relève. »

     Et, comme pour joindre le geste à la parole, farfouillant à l’aveuglette dans les larges poches de son sac qui n’avait pas quitté son dos, il fit jaillir une bouteille en verre au contenu disparu, qu’il laissa choir sur le sable à côté de lui. Un léger filet de fumée fuita du haut du paquetage, auquel le marin adressa un drôle de regard, n’ayant jamais eu l’occasion de savoir précisément ce qui se cachait dans le mécanisme étrange de l’arme naine.

     Ils étaient arrivés au bord du campement, là où la berge se faisait lécher par les vaguelettes de l’Amaxon. La plage était bien encombrée, entre les barques des marins et toutes les caisses de matériel qui avait été déposées çà et là. C’était l’une d’entre elles qui intéressait notre nain, dont la main gantelée fit rapidement sauter le couvercle pour en révéler le contenu : chatoyantes sous les torches qui éclairaient le campement, d’innombrables bouteilles de rhum y avaient été entreposées, et la première qui tomba sous la main du nain disparut rapidement dans son paquetage visiblement sans fond.

     João regarda sans mot dire le manège du nain, avant de croiser les bras d’un air las.

     « Le capitán t’a bien cherché tout à l’heure. Tu n’aurais peut-être pas dû partir tout seul dans la jungle sans le prévenir… »

     Thrond s’empara d’une seconde bouteille de rhum, dont le bouchon sauta presque immédiatement pour tenir compagnie à la bouteille vide au sol. Après en avoir tiré une longue gorgée qui lui arracha un rauque soupir de satisfaction, il tendit la bouteille à son compère, qui s’en saisit sans toutefois la porter à ses lèvres.

     « Mendoza me paye pour cramer les kruti qui s’approcheraient de son navire. » grommela-t-il. « Une fois au sol, il n’a rien à me dire.
     — Je ne sais pas s’il sera d’accord avec toi, soupira le marin. Tu sais comme il est, il aime bien se sentir aux commandes de son équipage.
     — Équipage dont je n’fais pas partie. Mais il est libre d’en discuter avec moi, j’me f’rai un plaisir de lui faire entendre c’que j’pense de mon contrat. »

     Après avoir haussé les épaules, le nain scruta les différents attroupements du campement. Réunis autour des feux de camp, marins comme soldats estaliens goûtaient au plaisir des brasiers chaleureux sur la terre ferme, un luxe après plusieurs jours sur l’Amaxon, dont le dernier sous une pluie torrentielle. Cela dit, Thrond n’y trouva pas ce qu’il y cherchait, ou plutôt celui qu’il cherchait.

     « En parlant du loup, je n’vois pas où est ce vieux grincheux d’Mendoza. »

     João pointa du doigt le galion estalien dont la forme sombre et imposante se découpait sur l’Amaxon derrière lui, parsemée de l’éclat des quelques lanternes suspendues çà et là sur son pont et qui permettaient de mieux le repérer dans la nuit.

     « À bord du Gloria, en train de contrôler les réparations.
     — C’est bien son genre eh, ‘peut pas les laisser bosser tranquille. L’en a pour longtemps ?
     — Ouaip, los imperiales ne nous ont pas ratés ce matin, il nous en reste pour au moins une bonne partie de la nuit à ce qu’on m’a dit. »

     Le visage de Thrond se fendit soudain d’un sourire… qui ne le rendait pas tellement plus rassurant tout compte fait.

     « Héhé, il faudra les remercier de nous avoir autorisé un peu de repos alors… Et en parlant de ça, qu’est-ce que tu dis d’un p’tit jeu de cartes ? »

     João leva ses deux mains devant lui en riant.

     « Myrmydia grande, non ! J’ai appris de toutes les fois dernières : pas question de me faire arracher une pièce en plus de mon salaire, tu es un adversaire beaucoup trop redoutable !
     — Ne m’dis pas que je vais devoir me trouver une autre victime ? répondit Thrond d’un air faussement blessé.
     — Ha ! Je crois que tu t’es déjà fait trop grande réputation pour que quiconque ose te défier… enfin, quiconque de sobre en tout cas.
     — Par Grimnir !
     — Sinon, je peux te proposer un peu de poisson séché au feu de bois, on a péché un peu avec les compañeros, rien de tel que de pousser la chansonnette avec ça et une p’tite bouteille pour égayer la soirée, j’suis sûr que…
     — Attends. »

     L’amusement avait quitté la voix du nain. La main gauche impérieusement levée, sa main droite se dirigeait lentement vers son arme dans son dos, tandis que ses yeux plissés scrutaient avec intensité un point dans la forêt, là où João ne pouvait que distinguer des ténèbres.

     « Tu… as vu quelque chose ? »

     Comme le nain ne répondait pas, le marin commença lui aussi à glisser sa main vers les pistolets à sa ceinture. Soudain, Thrond sembla se relâcher, et sa main retomba sur la caisse de rhum.

     « Hmmm, j’ai cru avoir vu... Eh, où sont les sentinel... »

     L’explosion dans leur dos éclaira soudainement la nuit comme si le jour s’y était fugacement invité, et coupa court à leurs réflexions comme à leur ouïe. Désormais surplombée d’un nuage de fumée noire qui se découpait dans le ciel étoilé, la carcasse éventrée de ce qui avait jadis été le fier galion La Gloria de Myrmydia déversait un torrent de flammes et de débris fumants qui pleuvaient tout autour d’elle.

     L’équipage sur la rive n’eut pas le temps de se remettre de cette vision : quelques secondes plus tard, des formes hurlantes et squelettiques jaillissaient de l’orée de la jungle tout autour du camp. Les plus infortunés furent égorgés sans même avoir pu réagir, puis la bataille éclata réellement. Les sabres furent dégainés, les hallebardes dressées, balles et fléchettes commencèrent à fuser en tous sens.

     « Ce sont… des femmes ? » murmura João, comme figé.

     Éloignés des bords du campement, Thrond comme João pouvaient contempler l’assaut prenant place. En effet, coiffées de plumes, les visages masqués de crânes humains pour certaines, à peine vêtues de pagnes et de larges colliers dorés, c’était toute une troupe de guerrières qui s’attaquait aux estaliens. Toutes sans exceptions arboraient, peints à même leurs corps, des traits blancs semblables à des os, leur donnant de prime abord une apparence surnaturelle que renforçaient les hululements qu’elles poussaient.

     « Des amazones… cracha Thrond en empoignant son lance-flamme d’un main et son fidèle marteau de l’autre. J’en ai entendu parler. Elles sont redout… »

     Le gargouillement que poussa à côté de lui João le coupa net. De la bave jaillissant à grand flot de sa bouche, le marin regardait avec incrédulité la fléchette qu’il venait de retirer de là où elle s’était fichée sur son torse. Il s’effondra dans la barque à côté de lui, son corps parcouru de spasmes.

     Avant même que le nain ne puisse réagir, deux amazones jaillirent d’entre les tentes et le chargèrent avec force hurlements.

     Grossière erreur.

     Une gerbe de flammes éclaira la scène et transforma les cris de guerre en ceux d’agonie, déchirants, qu’accompagna l’odeur âcre de leurs chairs carbonisées.

     Thrond abrégea les souffrances de la première guerrière, qui se tordait de douleur sur le sol, d’un coup de marteau. Il n’eut pas le temps régler pareillement le sort de seconde, car une troisième amazone, s’avança. Des plumes ornaient le crâne qui lui servait masque, et elle portait de nombreux colifichets en or. Le nain pouvait entendre de là où il était sa respiration rauque, ce qui, couplé avec les yeux injectés de sang qui le fixaient avec une intensité haineuse, n’était pas pour le rassurer. Il eut la nette impression de l’entendre feuler avant qu’elle ne s’élance vers lui. (Test de peur raté !)

     Avec un juron, le nain arma tant bien que mal son tir, et fut satisfait de voir son ennemie copieusement arrosée de l’huile incandescente (4T, 2B, -2PV !), avant de se rendre compte qu’elle ne ralentissait pas pour autant. Le bras et la jambe gauche pourtant fumants, elle lui sauta dessus, prenant de court le nain qui fit tant bien que mal un pas de côté. L’amazone atterrit sur le sable derrière lui, l’une de ses deux dagues ensanglantée. (4T, une annulée, 2B, 1svg, -1 PV !)

     Thrond ne lui donna pas l’occasion de l’attaquer une seconde fois : alors qu’elle se redressait avec une agilité pourtant experte, son marteau la cueillit en pleine tête. Le crâne du masque vola en éclats, et l’amazone fut envoyée au sol où elle s’étala de tout son long, immobile et le visage ensanglanté. (Test réussi, 1T, 1B, -1 PV !)

     Prenant à peine le temps de respirer, Thrond se retourna pour faire face au campement, maintenant proie aux flammes. Mais aucune ennemie ne jaillit d’entre les tentes. Visiblement, les poches de résistance des estaliens attiraient suffisamment leur attention.

     Profitant de cette accalmie, le nain se retourna vers la barque en travers de laquelle son ami s’était effondré quelques instants plus tôt. Mais c’était trop tard : le marin gisait immobile, la vie ayant quitté ses yeux exorbités. Alors qu’il serrait les dents, quelque chose attira son attention à la surface de l’eau, courant la distance qui séparait la ruine fumante du galion et la berge.

     « Évidemment, il fallait s’en douter… » murmura-t-il pour lui-même alors qu’il empoignait le pistolet accroché à la ceinture de son camarade.

     À peine visibles sur l’eau éclairée par les flammes, trois têtes nageaient vers la berge. À en juger des plumes dressées sur deux d’entre elles, ce n’étaient pas celles de l’équipage, et elles arriveraient bientôt jusqu’à lui.

     Le tir de pistolet brisa la surface à quelques pouces de la première nageuse, qui plongea immédiatement sous l’eau pour se soustraire à sa vue. Les deux autres ne réagirent pas aussi promptement, et arrachant le deuxième pistolet de la ceinture d’João, Thrond ne rata pas son deuxième tir. Il regretta de ne pas pouvoir entendre le bruit mou avec laquelle la balle avait traversé la tête emplumée, mais voir apparaitre le reste du corps de l’amazone, flottant désormais sans vie, suffit à lui apporter un certain sentiment de vengeance.

     « Krut’umgak » jura-t-il en jetant les armes fumantes dans la barque avec un rictus dédaigneux. Une paire de pistolets nains aurait tous deux touchés, eux. Cela ne l’empêcha pas de se retourner vers l’endroit où les deux autres nageuses avaient disparu pour leur hurler : « Celle-là, elle était pour João ! »

     Sa satisfaction fut toutefois de courte durée. Derrière lui, s’il entendait toujours les étranges hululements des amazones, le peu qui parvenait à ses oreilles de l’équipage du Gloria se résumait à des cris d’agonie. Après un dernier regard tourné vers le bateau en flammes, le nain se résolut à l’évidence qu’il avait perdu à la fois le signataire et l’objet de son contrat. Et que s’il voulait partir, il n’aurait même pas le luxe de prendre le temps d’enlever le cadavre de son compagnon d’arme de sa barque.

     D’un autre côté, il pourrait lui offrir un véritable enterrement plus tard. Les autres n’auraient sûrement pas cette chance.

     Alors même qu’il s’apprêtait à la pousser à l’eau, deux formes sombres jaillirent du fleuve de part et d’autre de l’embarcation, leurs corps trempés luisant à la lumière des flammes. Réagissant au quart de tour, Thrond dissuada la première d’approcher en brisant la caisse de rhum d’un coup de marteau. Le temps que l’amazone recule, un tir de son arme dressait un mur de feu entre eux avec l’alcool enflammé.

     Restait la deuxième amazone, qui s’était écartée de la berge. Contrairement aux autres, elle était bien plus… habillée, et ne portait pas les mêmes peintures sur le corps. Surtout, aucune folie ne se lisait dans ses yeux, uniquement de l’intelligence froide et de la détermination. Elle empoigna sa lance à deux mains et la pointa vers Thrond ; aussitôt, un feu bleu l’embrasa. Visiblement, fuir n’allait pas être si aisé.

     « En jouant avec le feu… On finit par se brûler ! » s’exclama le nain avant de déverser un torrent de flammes à l’encontre de son ennemie.

     Il n’eut même pas le temps d’être déçu : la guerrière avait fait un agile saut de côté qui lui avait permis d’esquiver une bonne partie des flammes tandis qu’un… éclat de lumière semblait avoir balayé le reste qui aurait dû l’atteindre. (Thrond : 7T, une annulée, 2B, 1svg, 1 Invu) Dans le même élan, un seul pas lui avait suffi à permettre de lui faire goûter de la pointe de sa lance, qui passa sous son épaulette avec une précision insolente. Et pendant tout ce temps, elle restait hors de portée de son propre marteau.  (Ixi’hualpa : 3T, une annulée, 1B, -1PV ! Thrond : 1T, 1B, 1 Invu)

     D’une agilité impressionnante, presque serpentine tant ses mouvements étaient précis et fluides, la guerrière tournoya tout autour de lui en une nouvelle suite de passes légères et précises qui lacérèrent de multiples coupures toutes les parties les moins protégées de ses bras. (Ixi’hualpa : 4T, 1B, -1PV !) Si la dernière finit par lui arracher un rictus de douleur, le nain vit une ouverture. Son marteau fila droit vers la jambe vulnérable de l’amazone, qui s’était fendue en avant, et la fit chuter au sol. (Thrond : 1T, 1B, -1 PV !)

     La guerrière grinça des dents face à la douleur, et lança quelques passes pour déconcerter son adversaire, pendant qu’elle se relevait aussi prestement que possible. Mais elles furent trop faibles pour dissuader le nain, qui lui frappa la main gauche et manqua de lui arracher sa lance des mains en plus d’un cri de douleur. (Ixi’hualpa : 4T, 0B ; Thrond : 1T, 1B, -1PV !)

     Le nain allait lever son marteau pour tenter de porter le coup de grâce, quand il croisa le regard de la guerrière, et ce qu’il y vit lui fit l’effet d’une douche froide. Il était temps d’en finir, disait-elle silencieusement.

     Le nain recula immédiatement. Bien lui en prit, car la pointe de la lance, passa du fait à quelques millimètres de ses yeux. Mais elle n’allait pas s’arrêter là. Une deuxième passe fut déviée par le manche du marteau, levé à la hâte. Une troisième força le nain à reculer encore plus, le faisant s’acculer à la barque derrière lui. Parfait. Une ultime fois, l’arme bénie par les anciens s’élança en avant. (Ixi’hualpa : 3T, 1B, -1PV !)

     … et la lance s’enfonça dans un nuage de fumée nauséabonde qui emplit immédiatement l’espace, arrachant force larmes et toux à l’amazone. Elle n’avait remarqué que trop tard la main gauche du nain qui s’apprêtait à activer une tirette sur le côté de son étrange arme de tir.

     Le temps que la fumée se dissipe et que Ixi’hualpa reprenne ses esprits, la barque était déjà lancée sur les flots. Une balle se ficha dans le sable à côté d’elle. Bientôt suivie d’une autre, dissuadant quiconque de s’approcher de la berge.

     Thrond, laissant la barque s’éloigner au gré du courant, essuya tant bien que mal le sang qui coulait abondamment de son front sur ses yeux, preuve qu’il n’avait échappé à la mort que grâce au réflexe salvateur de ventiler les conduits de son arme. Il rechargea ensuite à nouveau les pistolets de João. Impossible de viser correctement à cette distance bien sûr, mais au moins, cela empêcherait les amazones de le poursuivre jusqu’à ce qu’il soit à bonne distance, ce sur quoi il se mettrait à ramer.

     Pour la suite… il improviserait.


* * *


     Le campement des estaliens était méconnaissable. Les tentes avaient été mises à bas, les caisses éclatées, leurs planches brisées, le tout réunis en grands tas sur lesquels les cadavres des estaliens avaient été jetés avant que les amazones n’y mettent le feu. Sur un plus petit monticule, on avait soigneusement entreposé les corps des guerrières défuntes.

     Les pertes avaient été réduites : l’attaque rapide et chirurgicale n’avait laissé que peu de marge de manœuvre aux marins surpris et peu préparés à la méthode des guerrières rodées à l’exercice.

     À défaut de maïs, la dévote kalim chargée du rituel avait soigneusement déposé dans la bouche de chacune d’entre elles l’un de leurs bijoux en jade. Avec cela, Amex pourrait les guider dans l’au-delà jusqu’à Rigg et Kalith, la Mère de toutes les Amazones.

     Une fois le bûcher allumé, et les prières pour accompagner les défuntes prononcées, les guerrières avaient pu se concentrer sur leur activité principale pour cette nuit-là : fêter leur victoire.

     Le bois restant avait été gardé pour pouvoir alimenter les brasiers pour le restant de la nuit, autour desquelles les dévotes kalims se réunissaient pour chanter, danser, et surtout, manger. Après tout, il en allait de l’honneur des guerriers vaincus : les estaliens capturés s’étant distingués pendant le combat avaient été soigneusement mis de côté pour être sacrifiés. En l’absence de prêtresses pour conduire les rituels adéquats, les guerrières s’étaient limitées au plus simple : une fois sobrement tués, elles se partagèrent les chairs des plus braves et se repurent de leur sang pour que leurs prouesses martiales puissent vivre et se continuer en elles.

     C’était là la plus grande marque d’honneur et de reconnaissance qu’elles pouvaient offrir à leurs ennemis : étrangers venus de loin ou non, un guerrier ayant fait preuve de bravoure méritait de recevoir le meilleur des traitements.

     Les autres prisonniers n’eurent pas la même chance. Une fois les rituels conduits, les dévotes kalims laissèrent libre court à la consommation de la koka, qui alluma en elles un feu semblable aux brasiers autour desquels elles dansaient, leurs squelettes peints à même leurs corps ondulant comme des marionnettes démantibulées à la lumière des flammes.

     Puis elles eurent envie de jouer.

     Elles détachèrent leurs ceintures, arborant des effigies des dieux, qu’elles suspendirent à quelques arbres alentours. Entourées de danseuses, plusieurs dévotes y amenèrent ensuite les prisonniers dénudés, et les y ligotèrent fermement.

     Aux chants et aux hululements stridents des guerrières droguées se mêlèrent les cris des suppliciés. Pratiquant des incisions avec de fins couteaux, les amazones les saignèrent doucement, pour asperger les icônes divines suspendues au-dessus d’eux, avant de marquer leurs poitrines ensanglantées de la même peinture blanche qui ornaient leurs propres corps.

     Elles se reculèrent pour laisser un autre groupe de kalims, qui s’étaient équipées d’arcs glanés dans le campement. Chantant et riant, elles tournèrent alors autour des estaliens, insensibles à leurs suppliques. Eussent-elles seulement pu comprendre leur langue que leurs esprits auraient été trop brouillés par la koka pour les dévier de leur tâche. Ainsi, les flèches filèrent vers les survivants de l’équipage. Certaines disparurent entre les troncs et se perdirent dans la forêt, d’autres se fichèrent dans l’abdomen des infortunés marins avec un bruit mou, arrachant d’une part des cris déchirants de douleurs, et de l’autre des cris de joie et d’amusement.

     De vraies archères échappant à l’emprise de la koka et chargées d’honorer ce rituel sacré envers le lever du Soleil et la gloie de Rigg auraient pu faire durer longtemps les souffrances des sacrifiés, garnissant peu à peu leurs torses, leurs ventres, de flèches. Mais ce n’était pas le but des dévotes, elles étaient suffisamment contentes de toucher leurs victimes. Et ce n’était pas comme si elles n’avaient pas une petite réserve de suppliciés suffisante pour leur durer une partie de la nuit.




     Ixi’hualpa se tenait assise au bord d’un petit feu, éloignée de toute cette agitation. Elle avait préféré se retirer du côté des blessées, où régnait un calme tout à fait relatif. Mais les gémissements murmurés des guerrières alitées, qui divaguaient sous l’emprise d’un dérivé de koka atténuant leurs souffrances, lui étaient bien plus supportables que les exactions délirantes des dévotes kalims.

     La guerrière aigle resserra les bandages qui maintenaient le cataplasme en place sur sa main gauche, meurtrie, et serra les dents, plus à la vue des silhouettes dansantes des dévotes que sous l’effet de la douleur. Les sacrifices rituels des prêtresses serpents et des prêtresses kalims étaient une chose, certes, mais la parodie gratuite des dévotes en était une toute autre, qui ne servait qu’à assouvir leur morbide soif de sang provoquée par leur consommation abusive et déraisonnée de la koka.

     Elle secoua la tête pour écarter ces pensées. Il ne servait à rien d’essayer de comprendre les mœurs des dévotes kalims. Peut-être que les kalims elles-mêmes ne les comprenaient pas vraiment. Ixi’hualpa préférait se perdre dans les flammes du petit feu devant elle.



     Elle ne sut trop comment il finit entre ses mains, mais elle se retrouva à contempler l’œuf du grand aigle, offert par Dame Xoc. Il y avait quelque chose de fascinant dans cette si petite chose pourtant si puissante, quelque chose qui attirait le regard, caché parmi les tourbillons laiteux de la pierre lisse, qui donnaient encore plus l’impression de se mouvoir que d’habitude, ainsi éclairés par la lumière des flammes. Irrésistiblement, tout au long du voyage, le coin de son œil avait été attiré par ces recoins où il semblait y avoir quelque secret à percer, quelque essence du divin…



     « Alors c’est là qu’elle se cachait ! »

     Les paroles tirèrent Ixi’hualpa de sa contemplation. Devant elle, le feu avait été réduit à un tas de braises. Combien de temps s’était-elle perdue dans l’œuf du grand aigle ? Elle n’avait même pas le temps d’y réfléchir, car devant elle se tenait Rakt’cheel, guide autoproclamée des dévotes et, essentiellement, sa plus grande opposante depuis le début du voyage. Par-dessus ses brûlures, la kalim avait de nouveau peint son blanc squelette, et c’était derrière un crâne peint sur son visage, son masque ayant volé en éclats pendant la bataille, que ses yeux injectés de sang la toisaient d’un regard torve, n’annonçant rien de bon. Derrière elle s’agglutinaient de nombreuses autres guerrières, certains au regard éclairci et curieux, d’autres aux regards fiévreux et aux sourires tordus.

     L’instinct d’Ixi’hualpa ne lui hurlait qu’une seule chose, de s’emparer de sa lance posée sur le sable à côté d’elle, aussi se fit-elle violence pour se maîtriser. Mieux valait ne pas provoquer de réactions… hâtives de la part de la kalim en face d’elle.

     « Rakt’cheel. » la salua-t-elle respectueusement. « Que me veut cette visite ? »

     L’intéressée se fendit d’un sourire qui n’avait rien d’agréable, se balançant lentement d’un côté et de l’autre sur ses jambes alors qu’elle pointait Ixi’hualpa.

     « On ne vous a guère vu durant les festivités, ô révérée de l’aigle… »

     La moquerie dans la voix de la kalim était à peine voilée.

     « Je préfère le calme et le repos. » répondit calmement Ixi’hualpa, ce sur quoi Rakt’cheel se retourna pour lui montrer ses compagnes d’armes.

     « Et pourquoi pas se joindre à nous, profiter de la fête ? C’est une grande victoire aujourd’hui contre les étrangers, la gloire de Rigg doit être célébrée !
     — Je célèbrerai notre victoire lorsque les derniers étrangers auront quitté nos côtes. » La guerrière aigle doutait fort que ses explications atteignent les esprits embrumés des kalims, mais ce n’était pas une raison de ne pas essayer. « En attendant, je préfère m’assurer d’être prête à les affronter demain et durant tous les jours que cela me demandera.
     — Vous parlez bravement, mais on ne vous a pas vue parmi nous lorsque la bataille a éclaté. »

     Les yeux d’Ixi’hualpa se rétrécirent face aux propos moqueurs de la kalim, qui continuait de sourire méchamment.

     « J’étais sur le navire des k’in-k’ikob. Ne faites pas comme si vous ne le saviez pas, Luxia était avec moi et a survécu pour le prouver. Je ne laisse pas la grâce de Rigg ni la providence se charger de faire exploser les bateaux. »

     Ce fut au tour du regard de Rakt’cheel de se durcir.

     « Tous les combats ne se gagnent pas en fonçant rageusement et aveuglément vers l’ennemi, quoique vous puissiez en penser, continua la guerrière aigle. J’ai appris à combattre les envahisseurs venu de l’Est depuis mon plus jeune âge, comme j’ai appris à repousser ceux venus du dessous et ceux venus des cités des sangs-froids. Vous ne pouvez pas renier les tactiques de nos ancêtres. »

     Le ton de Rakt’cheel monta d’un cran dans l’agressivité :
     « Alors c’est ainsi, vous vous jouez de nous, vous nous utilisez pour parvenir lâchement à vos fins et nous voler la victoire, alors que nous ne faisons que suivre la voie des Kalims…
     — Je ne fais nullement cela. Je ne vous ai pas forcées à vous lancer à l’assaut du camp, et j’aurais bien pu me passer de ce dernier. Mais ce n’est pas comme si j’aurais pu vous empêcher de les attaquer, pas vrai ? »

     Rakt’cheel ne répondit pas. Les acquiescements de tête des guerrières derrière elles suffirent à répondre à la question d’Ixi’hualpa, qui se leva pour faire face à sa rivale, s’appuyant sur sa lance pour se relever.

     « Je n’aime pas ce que tu insinues, ô révérée kalim. Je pense que tu cherches des excuses pour me prouver tort, là où tout me donne raison. Je pense aussi que la koka brouille ton jugement, et que tu devrais retourner aux danses rituelles, qui te clarifieront l’esprit. Va plutôt chercher la vérité avec les dieux. »

     La kalim serra des dents et des poings, et il n’échappa pas à la guerrière aigle que ces derniers descendaient lentement vers les dagues accrochées à sa ceinture.

     « Les dieux m’ont déjà parlé ! Depuis le début, ils me murmurent que les voies de l’Aigle n’ont rien à apporter de bon aux kalims pour cette mission, petite aiglesse. Ce n’est pas notre voie ! Les dieux réclament du sang, pas de la poudre… Tu as peut-être réussi à charmer la grande prêtresse et Dame Xoc, mais pas moi ! »

     Ixi’hualpa lut dans le regard de la kalim qu’il n’y avait malheureusement plus moyen de la raisonner. Il allait falloir en faire un exemple, et rapidement, avant qu’elle n’entraîne ses suivantes tout aussi droguées qu’elle dans un bain de sang.

     Rakt’cheel prit les devants : dégainant ses dagues, son pied envoya voler les braises encore incandescentes du feu de camp droit vers Ixi’hualpa.

     Ou plutôt, là où cette dernière se trouvait quelques instants plus tôt. Car la guerrière venait de faire un pas de côté, aussi agile que le vent, et la vision brouillée de la kalim ne l’en avertit que trop tard. Un coup de hampe de lance dans l’estomac et un autre sur sa cuisse brûlée l’envoyèrent reculer de plusieurs pas, pliée sur elle-même. (Ixi’hualpa : tests réussis, 2T, 2B, -2PV !!)

     « Renonce, révérée kalim. Repose-toi, et nous reprendrons cette discussion demain, à tête reposée. »

     Seul un feulement répondit aux froides paroles de la guerrière aigle. Alors qu’elle s’apprêtait à frapper à nouveau, la kalim se faufila agilement sous sa lance et fit filer ses couteaux le long de son flanc, arrachant à Ixi’hualpa un rictus de douleur. (Rakt’cheel : 4T, une annulée, 2B, 1 Invu, -1 PV !)

     Rakt’cheel n’eut pas le temps de se féliciter d’avoir versé le sang de son adversaire. L’ombre de la lance s’abattit sur elle et une vive douleur dans son épaule la força à lâcher une de ses armes, avant que ses jambes ne soient fauchées sous elle.

     Avant qu’elle n’ait pu se relever, la pointe brûlante de la lance d’Ixi’hualpa vint s’appuyer sous son menton. La guerrière aigle ne lui jeta qu’un regard froid et impassible. (Ixi'hualpa : Test réussis, 4T, 2B, -2PV !!)

     « Tu ne t’en souviens peut-être pas car tu n’étais pas consciente, mais je t’ai déjà sauvé la vie tout à l’heure pendant la bataille, en empêchant un cracheur de feu de t’achever. À présent, tu m’en dois une deuxième. »

     Avant que Rakt’cheel ne puisse articuler une réponse, la lance tournoya sur elle-même. La hampe frappa violemment sa tempe, et jeta immédiatement un voile noir sur sa conscience. La dévote s’effondra sur le sol, immobile.

     Ixi’hualpa se redressa et se tourna vers les guerrières qui la contemplaient en silence. Les plus… conscientes d’entre elles la regardaient avec une sorte de déférence, tandis que les autres souriaient simplement face au combat qui venait d’avoir lieu.

     « Préparez-vous au repos. Éteignez les feux. Demain sera une longue journée et nous ne voulons pas être dérangées avant l’aube. »

     Aucune objection ne fut proférée, et la foule se dispersa précipitamment. Deux dévotes s’emparèrent de la kalim au sol et la trainèrent avec eux. Laissée seule avec les blessées, Ixi’hualpa s’allongea en silence à côté des restes crépitants du feu de camp, les yeux tournés vers le ciel. Elle repensa aux combats qu’elle avait mené à la fois avec et contre sa petite troupe disparate depuis le début de sa mission. Oui, demain serait une longue journée.


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Jeu 18 Fév 2021 - 19:18

     Lorsque Helmut reprit connaissance, la bataille était finie. Suite à la retraite des amazones, l’équipage avait pu panser les blessés et compter les morts. La poudre éparpillée par l’assaut des guerrières sauvages avait été remis en sécurité, et la garde de la sainte-barbe avait été considérablement renforcée. Pendant la convalescence du commandant de l’expédition, Antonio Salieverri avait pris les commandes du navire. Helmut vint donc dans la cabine du capitaine, pour rassurer le doyen des chevaliers de Morr quant à son état.
     Il trouva celui-ci en compagnie de Heinrich Durken et de quelques chevaliers de Morr, assis autour d’une carte des environs. Des notes serrées en patte-de-mouche indiquaient la route à suivre pour atteindre le présumé trésor qui les avait amenés ici. Lorsque la présence de Helmut fut perçue par le reste de l’état-major, ceux qui composaient celui-ci se levèrent.

     « Herr Heldenhame, c’est un plaisir de vous voir en forme.
     - Et moi de même, Herr Salieverri. Où en sommes-nous ?
     - Nous approchons des ruines d’une antique cité, connue chez les indigènes sous le nom de « Tlanxla ». Ses nombreux canaux nous permettront de la traverser de part en part.
     - Y a-t-il un quelconque danger ?
     - Les indigènes la défendront sûrement, et nous devrions probablement nous attendre à combattre un autre équipage. »

     Lorsque le nulner sortit de la pièce, il vit la ville dont le vénérable chevalier lui avait parlé. Malgré son état de délabrement, un sentiment de magnificence semblait émaner des parois de pierre dorée des grandes pyramides de la ville. Comme prévu, des canaux formaient une toile géométrique autour desdites pyramides.
     Alors que l’Emmanuelle avançait doucement entre deux grands temples, une série de piaillements aigus se firent entendre. En se penchant par-dessus le bastingage, l’équipage pouvait apercevoir une masse de petits êtres encapuchonnés, nauséabonds et courbés, agitant au-dessus de leurs têtes encensoirs pestiférés et frondes. Helmut avait entendu des histoires à propos de cadavres de telles créatures racontées par des mercenaires marienbourgeois ayant travaillé dans les égouts de la ville. Lorsqu’il en avait parlé à ses supérieurs, ceux-ci lui dirent qu’il ne s’agissait tout simplement que d’une variété d’homme-bête comme les autres. Et maintenant il allait devoir les combattre. Alors qu’il ordonna à l’équipage de se préparer pour le combat, des pierres fusèrent déjà au-dessus de sa tête, mais n’étaient pas lancées avec assez de force pour venir à bout de la plate solide dont étaient constituées les armures des nulners.

     Quelques coups de canons bien placés dispersèrent les frondeurs, mais les abominations armées d’encensoirs restèrent. Poussées par un fanatisme insensé, elles bondirent sur le navire en faisant tourbillonner leurs armes au-dessus de leur tête, tout en vociférant des insultes baveuses et en projetant de la salive toxique sur les soldats. Leur fanatisme fut cependant vite contré par celui, plus mesuré et efficace, des chevaliers de Morr. Ils fauchèrent les créatures avec leurs grandes épées, puis jetèrent les cadavres de celles-ci par-dessus bord. Conscient que la maladie, dans ces contrées étrangères, pouvait être bien plus nocive que les ennemis eux-mêmes, Helmut donna l’ordre de nettoyer le pont.
     Lorsque leur navire gagna le centre de la ville, ils durent contourner un édifice plus grand que les autres, surmonté des effigies de dieux reptiliens et menaçants. Soudain, une colonne ornée de motifs géométrique tomba devant eux, forçant l’équipage à immobiliser le navire. Un immense mastodonte saurien, suivi de quelques créatures plus menues et agiles, bondit sur le pont du navire et poussa un terrifiant rugissements.
     Les troupes impériales réagirent au quart de tour, encerclant la bête et ses alliés, tout en tâchant de percer le cuir épais de ces étranges reptiles anthropomorphes avec leurs armes d’hast. Ce fut finalement Helmut qui, d’un moulinet violent, vint à bout du colosse en lui tranchant la tête. Celle-ci tomba dans l’eau avec un petit bruit. Les autres hommes-lézards se jetèrent alors dans la mêlée, rendus frénétiques par la perte de leur atout principal. Ils étaient agiles, mais leurs lances et sarbacanes n’étaient que de peu d’utilité face aux armures de bonne facture des piquiers.
     Il fallut néanmoins du temps à l’expédition pour dégager le passage. Lorsqu’ils reprirent la route, l’infanterie était heureuse, presque au point d’oublier leur cuisante défaite face aux guerrières du fleuve. Mais Helmut, lui, n’oubliait pas. Sa blessure le tenait constamment éveillé de cette vérité : Ils avaient failli. Heureusement qu’il a pu, avec ses dernières forces, avant de sombrer dans le néant, se jeter sur la poudre, sinon ils ne seraient pas là.
     Cette nuit-là, il fit des prières à Morr, en compagnies des chevaliers dudit dieu, pour que la mort trouve les ennemis de la comtesse, et que la foi des soldats les préserve des blessures cruelles et douloureuses. Il finit enfin par se coucher, courbaturé par les combats fréquents et le poids des responsabilités.




* * *




     Sargath, après sa défaite, s’entraina sans relâche avec Heinrich pendant une majeure partie de la journée, sans s’arrêter car les morts vivants n’ont pas besoin de repos, pour parfaire sa technique et rendre sa garde encore plus parfaite ; il ne tolèrerait plus qu’un autre mortel l’immobilisât de la sorte. Quant à son navire échoué, il assembla en utilisant le vent de Shyish et les ossements, et les armes de ses lanciers squelettes en une seule masse formant de gigantesques pattes arachnéennes accrochées à la coque et lui donna en guise de figure de proue un géant d’os, armé d’un arc dont les flèches furent fabriquées en même temps par son équipage de zombies à partir du mât, qui se fondait dans la coque à partir du buste.  Il prit les âmes retournées au royaume d’Usirian de ses troupes et les incarna dans sa construction d’os et ses ushabtis, le surplus ayant pour mission de rassembler tous les défunts fidèles à Lahmia pour les mettre à disposition de leur maitre. Il était prêt à prendre sa revanche, et il n’envisageait pas l’échec. Pour cet affront, les mortels devraient périr puis rejoindre ses rangs.

     À la nuit tombée, son navire amélioré arriva vers les ruines d’une cité. Sargath, les contemplant depuis son trône, leur trouva un air de ressemblance avec celles des hommes-lézards qui peuplaient les jungles de Rasetra. Il décida de s’y arrêter pour chercher des catacombes et, s’il y avait des mortels, exercer sa vengeance éternelle. Il fut légèrement déçu en constatant que la cité semblait en ruines mais découvrit aussi que ces hommes lézards lustriens devaient être une civilisation bien plus brillante que leurs cousins des terres australes. Il parcourut la cité en essayant de s’approprier la magie de ces reptiles humanoïdes, comme Nagash l’avait fait avec ses précepteurs elfes noirs ; il pensa qu’il s’agissait des semblables de ceux qui avaient osé bafouer la suprématie néhékharéenne sur ses terres.
     Soudain des bruits se firent entendre, semblables aux bruissements d’une robe. Il dégaina son épée et fonça en direction de la provenance de ce bruit, percutant un moine de la peste et l’empalant. Il s’aperçut que son sang était vicié lorsqu’il coula sur sa lame et en finit donc rapidement avec lui en dégageant son épée tout en le coupant en deux. Il fit prisonniers quelques autres de ces créatures afin d’avoir un approvisionnement de sang frais et pris un échantillon de leur sang : il était aussi de mauvaise qualité que la vermine dont il provenait mais devrait pouvoir faire l’affaire. Sargath espérait néanmoins affronter des adversaires plus nobles.
     Il trouva dans l’encensoir de l’homme rat vicié une étrange poussière verte luisante et la mit dans une bourse : il lui avait semblé sentir une bouffée de pouvoir lorsque son premier adversaire avait tenté de le frapper avec et qu’un peu de cette poussière s’était dispersé dans l’air.

     Une fois de retour dans sa base mobile, il tortura un des skavens afin de lui arracher les secrets de cette pierre et se rendit compte de l‘infinité de possibilités qu’il pourrait avoir avec. Mais il ne devait pas se laisser distraire de son but, coloniser la cité d’Eldorado et utiliser son trésor pour rebâtir la gloire de Lahmia et, par la même occasion, rebâtir Néhékhara.


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Sam 20 Fév 2021 - 13:39
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***

     - Allez, avance ! beugla le marin en assenant un coup de pied au malheureux le précédant.

     Titubant, celui-ci manqua perdre son équilibre et tomber dans l'eau peu profonde. Cependant, ses camarades le maintinrent sur pieds, supportant son poids par leurs liens communs. En effet, les pirates avaient lié les poings des estaliens et chacun d'eux était relié à son prédécesseur par deux cordes. Une ligne de vie à la gorge et une aux poignets. La colonne d'une quinzaine d'individus progressait difficilement dans la mangrove, entourée par l'équipage semblant évoluer avec une facilité déconcertante. Ceux-ci même s'amusaient de leur peine, les incitant à avancer alors qu'ils trébuchaient sur des racines dissimulées dans l'eau trouble ou subissaient les assauts d'insectes sans pouvoir se défendre. Avec leurs lances et tridents, ils prenaient un malin plaisir à leur piquer les jambes, guidant leur troupeau jusqu'à la Loreleï.

     - Qu'elle ironie de traverser l'Océan entier pour retrouver le même ramassis de vauriens qu'à notre départ, s'amusa l'un des marins en faisant signe à son voisin.

     Ce dernier, lorgnant la file de prisonniers d'un œil désintéressé, lui adressa un léger signe de la tête. Ces étrangers n'avaient offert que peu de résistance. Ou en tout cas, rien de comparable à leur échauffourée avec des morts-vivants ou l'assaut repoussé d'elfes du Nord. Corus s'ennuyait. Contrairement à ses confrères, il ne bousculait pas leurs captifs, se contentant d'escorter la colonne en silence. Il surprit le regard d'un homme au nez ensanglanté, posé sur le glaive à sa hanche, la pointe trempant dans l'eau boueuse. Maugréant, celui-ci cracha sans chercher à l'atteindre. Il haïssait cet étranger armé jusqu'aux dents, c'était normal en sa situation. Toutefois, il n'était pas stupide et provoquer le combattant n'aurait pas été très avisé...

     Lorsqu'enfin ils débouchèrent sur la bordure de la mangrove, les arbres devenant épars et l'eau plus profonde, le navire apparut. Une planche descendait du pont et disparaissait dans l'eau sombre, permettant aux individus de se hisser à bord, ayant déjà de l'eau jusqu'aux aisselles. Avec fermeté, l'équipage de la Loreleï les faisait monter, jusqu'à ce qu'un cri de panique ne retentisse à l'arrière :

     - Un alligator ! beugla l'un des hommes entravés. Là ! Un alligator !

     En quelques secondes, la situation manqua partir en chaos indescriptible. Les prisonniers ne se réjouissaient pas de leur sort incertain, mais assurément il était préférable à être dévoré attaché par un énorme reptile. Les humains détrempés se pressèrent en avant, soudainement impatients d'embarquer. Stoïques, les marins de la Loreleï se tournèrent dans la direction indiquée, scrutant les remous de l'eau. Ceux les plus proches plongèrent les pointes de leurs lances ou tridents sous la surface, près à harponner la moindre menace. À aucun moment cependant ils ne semblèrent effrayés par la présence de la créature. Au contraire même, celle-ci sembla donner des ailes à leurs prisonniers qui grimpèrent à bord en un temps record.

     Une fois tous embarqués, Molos les passa en revue, examinant les estaliens reprenant leur souffle en répandant de l'eau sur son pont.

     - Avez-vous rencontré de la résistance ? interrogea-t-il Corus lorsqu'il arriva à son niveau.
     - Pas vraiment, maugréa-t-il. Après la chute de leur capitaine, ces pleutres ont rendu les armes. Ils valent pas un coquillage.

     Passant distraitement les doigts sur son médaillon en forme de conque miniature, Corus leur jeta un regard empreint de déception. Dans leurs yeux, il lisait la crainte, l'appréhension, la résolution. Aucun n'était un combattant. Tous n'étaient bons qu'à lustrer le bois de leur navire. Sauf, peut-être…

     S'approchant, il s'agenouilla devant l'estalien au nez brisé. Lui seul à priori avait encore une étincelle de haine au coin de l'œil. D'un peu plus loin, Molos fit signe aux autres marins de garder le silence, attentif à ce qui allait suivre.

     - Veux-tu te battre pour ta liberté ? interrogea le champion sans tourner autour du pot.

     L'individu, quelque peu surpris, renâcla. Il jeta un rapide coup d'œil à ses camarades, plusieurs y voyant un quelconque espoir.

     - Sais-tu seulement te battre ? insista Corus.
     - Si j'avais une arme comme la tienne je te montrerais de quel bois je me chauffe, persifla le prisonnier en faisant référence au glaive qu'il avait lorgné durant leur marche.

     À ces mots un sourire s'étira sur le visage de Corus. Sans répondre, il tira une dague de sa ceinture et trancha les cordes reliant l'homme aux autres détenus. Puis le saisit par l'épaule pour le relever avec autorité. Lorsqu'il trancha les liens entravant l'homme, la totalité de l'équipage comme des prisonniers étaient tournés vers eux, faisant silence. Toujours souriant, Corus se saisit du trident à son dos, qu'il jeta à un marin de son équipage, s'en délestant. Puis, tirant son épée au clair, il inversa sa garde et la prit par la lame, tendant le pommeau à l'homme.

     - Montre-moi de quel bois tu te chauffes, réclama-t-il en souriant.

     Perplexe, l'homme regarda l'arme qui lui était offerte - un glaive dont la pointe était pourvue d'une sorte de crochet - puis son adversaire. Hormis la dague à sa hanche, il ne lui restait que le bouclier dans son dos et le filet barbelé à sa ceinture. Ce marin belliqueux aux poignets et mollets exposés comptait-il vraiment l'affronter désarmé ? Secouant la tête, il chassa ses pensées et s'empara de l'arme avant d'effectuer un bond en retrait, se mettant hors de portée de tout coup fourré. Néanmoins Corus resta immobile quelques instants, main levée, avant de finalement s'emparer de son bouclier rond.

     Se mettant de profil, il protégea son épaule et son torse derrière l'écu siglé d'un visage grimaçant, lorgnant par-dessus le rebord métallique.

     Le marin chargea, brandissant l'épée et effectua un brusque arc de cercle, tranchant sous l'épée en direction des jambes mal protégées de Corus. Néanmoins celui-ci esquiva, levant le pied et effectuant un rapide pas-chassé. Il anticipa le revers violent du marin et opposé le bouclier sur lequel l'arme rebondit avec un gong vibrant. Mais avant qu'il ne lève le bras pour porter un troisième coup, son visage et son cou furent happés par une multitude d'épines acérées. Tirant sur son reta, enroulé autour de la tête du malheureux, Corus l'entraîna jusqu'au bastingage. Agitant les bras avec confusion, hurlant et la chair labourée par les barbelés, il ne put porter le moindre coup. Et en quelques instants, il se retrouva balancé par-dessus bord, les pointes métalliques lui écharpant le crâne en se délogeant de sa peau. Son cri fut interrompu par l'énorme éclaboussure qui suivit.

     Aussitôt, la totalité de l'équipage comme des prisonnier se précipita contre le bastingage. L'homme refit surface, agitant maladroitement les bras pour se maintenir, le visage en sang. Il toussa et cracha un peu d'eau avant d'essayer de lever la tête vers eux, perplexe. Pourquoi le défier en duel pour aussitôt le jeter à l'eau, fut-ce du côté opposé à celui de la planche d'embarquement ?

     Des cris dans sa langue natale retentirent brusquement du pont, les autres prisonniers lui criant de faire attention, de ne pas rester là.

     Confus, il regarda autour de lui. Et remarqua les remous de l'eau trouble, tout autour de lui. Lorsque quelque chose vint le mordre à la cheville, il poussa un premier cri, commençant à se débattre en hurlant. Puis soudain, il fut entraîné sous la surface par quelques doigts invisibles.

     - Bravo, félicita Molos avec ironie en lorgnant les remous rougeâtres remontant à la surface, ton épée repose au ffffond maintenant.
     - Bah. J'irais la récupérer avant qu'on reparte.

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Dim 21 Fév 2021 - 13:58
Skull  Skull  Skull

     Les notes de musique s’égrainaient avec douceur et volupté au rythme de ses doigts fins, qui suivaient avec précision la partition complexe posée sur le pupitre du clavecin. La mélodie tranquille et suave résonnait dans tout le bateau du fait d’un savant système de conduites traversant le mur et le pont, permettant à tout l’équipage du « Corbeau Centenaire » d’apprécier la virtuosité de son capitaine.

     Fiodor le non-mort était en effet assis dans sa cabine au clavier de son instrument favori du moment. Ce dernier occupait une bonne partie de l’espace, du fait de son gabarit augmenté par l’imposante queue, dont l’abattant était à présent levé et fixé par la béquille. Au mur, derrière lui, se trouvaient d’autres instruments, essentiellement à cordes frottées et à vent, de cuivre et de bois. Grimaçant légèrement, Fiodor regrettait d’ailleurs que personne ne puisse l’accompagner au violon dans ce concerto, car la sonorité en aurait été bien plus agréable. Mais à l’heure actuelle, aucun marin ne pouvait se permettre de quitter son poste, majoritairement à cause des pertes causées par l’attaque de la nuit précédente. En y repensant, Fiodor faillit rater une note, et se mit à jouer de plus en plus vite alors que la colère le prenait. Une vampire. Une authentique vampire l’avait défié, lui, et avait réussi à s’enfuir après avoir failli l’anéantir. Il se félicita intérieurement de l’avoir vaincue, mais regrettait à présent de ne pas avoir envoyé son navire par le fond. Non, vraiment, la seule bonne nouvelle de la matinée avait été l’arrêt soudain de la pluie. Dépité, Il avait pour l’heure laissé Flouz aux commandes pour aller se délasser sur son clavecin.

     « Bateau en vue ! »

Fiodor s’arrêta net de jouer. Cette voix était celle de Leonid Fructov, un marin avec qui il partageait des origines kislévites, et qui était inhabituellement volubile pour quelqu’un de cette contrée. S’il l’avait entendu aussi clairement, c’était du fait de son système de diffusion du son. Si tout le monde pouvait l’entendre, la réciproque était aussi vraie. Le vampire poussa un soupir. Vraiment, on n’était jamais tranquille dans cette forêt de malheur. Il se leva brutalement, repoussant le siège qui grinça sur le sol, referma le clavecin et s’empara de son épée du même geste. Si une nouvelle menace se présentait, il fallait l’accueillir comme il se doit.

     C’est en arrivant sur le pont que Fiodor eut sa première vision de la vaste cité en ruine de Tlanxla, vers laquelle le navire se dirigeait paresseusement au gré du vent et contre le courant. S’ils n’avaient pas encore atteint sa lisière, il était clair qu’en son temps cet endroit avait été le siège majestueux d’un pouvoir phénoménal. Des pyramides de pierres grises, toutes plus hautes les unes que les autres, surplombaient des esplanades, des canaux, et des murailles de plusieurs mètres d’épaisseur, et ce sur des kilomètres carrés. Des bâtiments plus petits, de formes rectangulaires ou circulaires, occupaient la majorité de l’espace, et même eux, malgré leur taille modeste, dégageaient une aura de splendeur passée, comme si les concepteurs de cette cité avaient jugé indispensable que le moindre recoin soit impressionnant. Au sommet des pyramides, dont la hauteur des degrés illustrait à elle seule le gigantisme de l’endroit, se dressaient des temples, solennels bâtiments dont on ne devinait que l’entrée sombre, cachant leurs intérieurs aux moins curieux. La végétation avait depuis longtemps enlevé toute impression de vie active dans la cité, les arbres, buissons et herbes hautes emplissant les zones allouées autrefois aux passants, recouvrant les dalles, encerclant les piliers et s’introduisant par les fenêtres. Pourtant, Fiodor distinguait des mouvements épars. Créatures autochtones, autres équipages, ou pire encore, quels qu’ils soient, il y avait des gens dans cette ville.

     Mais telle n’était pas la raison de sa venue sur le pont.

     « Au rapport matelot ! » Tonna-t-il en direction du marin le plus proche. Autour de lui, mis à part des hommes qui récuraient le pont à grand renforts de brosses, il n’y avait que peu d’activité, ce qui lui fit finalement regretter de ne pas avoir sélectionné un accompagnateur musical. Le marin interpelé, un certain Caius - affectueusement surnommé ‘Jaimçamésanplus’ par ses camarades du fait de son caractère indécis - petit homme noueux à la musculature d’athlète, se retourna et se mit au garde à vous. Les sens aiguisés de Fiodor scrutaient les alentours, sans y déceler le moindre navire, à sa grande surprise.

     « Mon capitaine, nous avons repéré une embarcation non-loin.

     - Et où donc ? Je ne vois strictement rien. »

     Le marin eut l’air un peu gêné, et fit un geste en direction de la proue, où s’étaient regroupés le quartier maître Marcel de Parravon et quelques autres marins.

     « C’est que…C’est que ce n’est pas un navire. C’est une barque. »

     Fiodor ouvrit les yeux de surprise, penchant légèrement la tête sur le côté. Une barque ? On l’avait dérangé pour…Ah, oui, au final personne ne l’avait dérangé. Ravalant sa remarque, il rompit l’entretien et se dirigea à grands pas vers l’attroupement.

     « Qu’est-ce qu’il se passe ici ?

     - Il semblerait que quelques individus aient laissé leur barque ici capitaine. » Répondit le revenant sans se retourner. « Peut-être de vils espions, des gibiers de potence bons à engraisser la terre et nourrir les honnêtes gens. Les hommes voudraient savoir si on ne pourrait pas leur donner la chasse, histoire de s’amuser un peu. »

     Fiodor ne répondit pas tout de suite, se contentant de regarder l’endroit désigné par son serviteur. En effet, à quelques mètres, sur les bords du fleuve, à moitié cachée par la végétation florissante, se trouvait une barque toute simple, légèrement ballotée par le courant. Personne n’était visible à bord, mais elle était solidement amarrée à un arbuste. Fiodor considéra ses options. Il pouvait bien ne s’agir de rien du tout, car qui que soient les occupants de ce frêle esquif, ils ne pouvaient pas être nombreux. Mais si cette vision n’aurait rien eu de surprenant le long du Reik ou du Talabec, il n’en était rien ici, à des milliers de kilomètre de toute civilisation respectable. Cette barque n’avait rien à faire là, et ses occupants non-plus. C’était peut-être en effet le moment de procéder à de la bonne vieille piraterie.

     « Arrêtez-moi ce bateau ! » Tonna finalement Fiodor. « On va aller voir ce qu’il se trame. Dix hommes avec moi, ainsi que le quartier-maître ! Descendez deux chaloupes ! »

     Aussitôt, les hommes s’activèrent autour de lui. Marcel de Parravon, fidèle à son habitude, les poursuivit de ses cris qui résonnaient dans son heaume. « Plus vite que ça, tas d’ordures ! Vous avez entendu le capitaine ? Arrêtez le bateau et préparez les barques ! Et au galop ! Je vous jure que si j’en vois un seul traîner, je prendrais sa peau pour me laver le crâne, et ses tripes pour colmater des fissures ! Ceux qui viendront ne seront pas les plus paresseux, je peux vous le garantir ! »

     Motivés par la perspective d’être de ceux qui allaient débarquer, les matelots s’activèrent avec une énergie renouvelée. Mais Fiodor n’écoutait plus. D’un pas rapide, il avait rejoint la barre, toujours solidement tenue par Flouz. Ce dernier semblait ignorant de l’agitation qui avait soudain pris les hommes, son habituel expression renfrognée sur le visage. Il chassa une mouche de son épaule à l’approche de son capitaine.

     « Flouz, je veux que tu gardes un œil sur les alentours en mon absence. À la moindre urgence, tu sais quoi faire.

     - Bien sûr capitaine » répondit le second en hochant la tête. Il plongea la main dans l’une de ses nombreuses poches et en sortit un sifflet taillé dans l’os d’une dizaine de centimètres.

     « Je souffle là-dedans. »

     - Tout à fait. »

     L’objet ne payait pas de mine, mais ils fonctionnaient bien. Fiodor les fabriquait lui-même avec les corps de ses ennemis. Ces sifflets émettaient un son particulier, quasiment inaudible à l’oreille humaine, mais que le vampire pouvait entendre à des lieux à la ronde. Il s’était entraîné pour ça.

*

     « Messieurs » commença Fiodor, debout sur une chaloupe alors que les marins pagayaient jusqu’à la rive, « cela fait longtemps que nous n’avons pas chassé à terre. Voyons si votre instinct a rouillé. »

     Les marins eurent un rictus d’impatience, ravis d’avoir un peu d’activité. Sur l’autre chaloupe, Marcel de Parravon restait immobile, heaume toujours rabattu sur son crâne. Aucun bruit suspect n’était pour l’instant audible, mais la jungle autour d’eux bruissait du mouvement des feuilles et de cris d’animaux. Y repérer un ‘bruit suspect’ était hautement difficile, même pour Fiodor.

     Les chaloupes touchèrent rapidement terre, et furent aussitôt amarrées de la même façon que celle qui les avait attirés ici. Premier à débarquer, Fiodor huma l’air, laissant entrer dans ses narines le fumet de la jungle toute entière, les senteurs de centaines de plantes, le musc d’autant d’animaux, de la vie et de la pourriture. Il y avait ici tant de choses que ses sens en étaient presque saturés. Mais c’était aussi ce qui le faisait se sentir plus vivant que jamais. L’ironie de ce sentiment ne lui échappa pas, mais avec le temps cela ne le faisait même plus rire.

     Les marins débarquèrent à leur tour, suivis par un Marcel de Parravon qui était inhabituellement silencieux. Le maître d’équipage était bien conscient que dans la chasse, le silence était la première règle, et tentait de limiter au maximum ses émissions sonores au cliquetis de son armure et au grincement de ses os frottant les uns sur les autres.

     « Bien » chuchota Fiodor en se tournant vers ses marins. « À présent, la chasse est ouv… »

     Il s’interrompit brusquement. Surpris, ses hommes virent le visage de leur capitaine se crisper dans une expression d’étonnement contrarié. Il avait entendu quelque-chose, quelque-chose qui n’avait rien à faire là, et qu’il était pour l’instant le seul à entendre. Quelqu’un…chantait ? Et ce timbre lui était étrangement familier…

     Sans même finir sa phrase, il pivota vers la jungle et s’y engouffra silencieusement, suivi par ses hommes qui haussèrent les épaules, ayant compris qu’il s’agissait d’un de ces fameux moments où ‘on se tait et on suit’. Le sous-bois s’avéra être beaucoup moins dense qu’ils n’auraient cru, mais la raison en était simple et très évidente : un large chemin avait été taillé…avec du feu. La végétation portait des stigmates d’un incendie assez récent et étrangement très localisé, qui était visiblement passé en ligne droite. Les matelots du « Corbeau Centenaire » s’échangèrent des regards surpris, fronçant les narines du fait de l’odeur de brûlé, mais Fiodor, lui, ne marqua aucun temps d’arrêt devant ce spectacle de dévastation.

     Au bout de deux minutes, la chanson atteignit l’oreille des marins. Petit à petit, ils entendirent cet air chanté par une voix masculine à l’accent prononcé, et dans une langue qui leur était inconnue. Elle avait l’air joyeuse, enjouée, et n’avait pas du tout l’air poussée par quelqu’un qui s’attendait à voir des pirates surgir. Et ils allaient visiblement droit sur sa source. Marcel de Parravon empoigna son épée tout en avançant, son armure rouillée faisant plus de bruit que tout le reste des hommes réunis, à son grand dam. Il se demandait s’ils ne se dirigeaient pas tous dans un traquenard élaboré. Le capitaine, lui, prenait déjà de l’avance.

     Fiodor marchait rapidement, de plus en plus certain de reconnaître cette voix, et distançait distraitement ses hommes. Un sourire quasi chaleureux lui déforma le visage alors que quelques souvenirs lui revenaient en mémoire. Il n’y avait qu’une seule personne qui pouvait chanter ainsi au milieu d’une forêt brûlée. Il fit un pas de côté pour esquiver une branche basse, et poursuivit son chemin, ayant presque oublié les pirates et le revenant qui marchaient derrière lui. Une autre odeur s’était ajoutée à celle des plantes brûlées : celle de la viande cuite. Tout cela semblait correspondre, mais il devait en avoir le cœur net.

     Finalement, repoussant un arbuste qui avait miraculeusement survécu au brasier, il déboucha sur une petite clairière entourée d’arbres et parsemée de quelques rochers. Là, devant un feu de camp grossièrement improvisé sur lequel cuisait ce qui ressemblait à un sang-froid, se trouvait un nain.

     Ce nain n’était pas n’importe quel nain. D’un physique replet, même pour ceux de sa race, et arborant une impressionnante barbe poivre-et-sel, il portait une armure par-dessus laquelle il semblait avoir fixé un baudrier de cuir muni de multiples sangles. Ainsi, fioles, poches et autres bourses pendaient un peu partout sur lui, lui donnant presque l’air d’une étagère ambulante. Ce nain, qui était l’indiscutable chanteur que Fiodor recherchait, faisait lentement tourner au-dessus du foyer la grande broche en bois, sur laquelle était empalé le lézard, qui cuisait à petit feu en dégageant une fragrance appétissante. À côté de lui, posés contre un rocher, se trouvaient un gros marteau de guerre et un étrange sac à dos auquel était rattaché, par de multiples câbles et conduites, une sorte de tromblon. Fiodor avisa rapidement cet équipement, mais le nain le prit de court sans même lever les yeux vers lui.

     « J’te préviens umgi, si tu tentes quoi que ce soit, tu finiras comme ce skofzani juste-ici. J’suis déjà suffisamment content d’avoir enfin réussi à en choper un, c’est pas pour me l’faire piquer par un vulgaire pillard. »

     Fiodor ne bougea pas d’un pouce, mais répondit du tac au tac d’un ton délibérément provocateur.

     « Allons, Thrond. On pourrait partager, qu’en dis-tu ? Je fournis le rhum. »

     Le chuintement causé par le frottement de la broche sur ses supports s’interrompit alors que Thrond, qui leva enfin les yeux, la lâcha subitement. Son visage exprimait une joie mêlée à du soulagement.

     « Fiodor ? Fiodor le non-mort ? Toi ici ? Et tu proposes du rhum ? Mais par Grimnir, je dois rêver ! »

     Le nain s’élança vers Fiodor, et tous deux échangèrent une poignée de main suivie d’une tape dans le dos.

     « Mais qu’est-ce que tu fous ici Fiodor ? Aux dernières nouvelles, tu avais suffisamment d’argent pour racheter Bilbali depuis qu’on a cramé la moitié de la jungle l’autre fois.

     - Je pourrais te retourner la question. Mais si tu veux savoir, j’ai entendu parler d’un trésor. Tu me connais : même si j’ai de l’argent, rien ne vaut une chasse au trésor. Mais toi, par contre, tu sembles ne pas avoir gardé grand-chose du butin de notre expédition à Izzatal. »

     Le nain eut un grognement de mépris.

     « Peuh, c’est tout le contraire. J’ai enterré ma part dans un coin tranquille. Mais à Küstburg il y avait des umgi qui cherchaient du monde pour les escorter par ici, et moi, quand on me propose des kruti à cramer, du rhum et du wulthrung, je ne dis jamais non. »

     Tout en parlant de ‘kruti à cramer’, Thrond désigna ce qui pouvait passer pour un sac à dos, mais qui étant en réalité un lance-flamme expérimental, marque de fabrique de cet ingénieur nain qui était le plus fêlé que Fiodor ait rencontré. Au cours de leur expédition commune dans les ruines d’Izzatal afin de piller les richesses de l’endroit, Fiodor avait vu Thrond carboniser des dizaines de personnes avec, et tout autant d’écailleux. Une arme redoutable. À sa vue, il se félicita une nouvelle fois de ne jamais avoir révélé sa nature vampirique au nain. Mais il doutait que cela puisse encore durer.

     C’est ce moment que choisirent les matelots pour débarquer, sabre au clair, la mine patibulaire et le corps couvert de sueur. L’odeur du sang-froid rôti arracha un regard d’envie à plusieurs d’entre eux. À leur vue, Thrond poussa un juron et se rua sur son lance-flamme, qu’il dégaina et pointa dans leur direction d’un air féroce.

     « Je vous préviens, umgi, si l’un de vous fait un pas d’plus, j’vous garantis que vous fertiliserez cette jungle. Maintenant dégagez de mon camp ! »

     Fiodor fronça les sourcils, reprenant son expression de capitaine insaisissable.

     « Repos messieurs. Ce nain est de mes amis, et je vous assure qu’il est tout à fait capable de mettre sa menace à exécution. Maître de Parravon, faites rentrer les matelots au bateau, et faites-leur ouvrir une caisse de rhum en compensation !

     - Tout de suite capitaine ! » Tonna la voix rocailleuse et aux échos métalliques de Marcel de Parravon, qui surgit à son tour dans la clairière. « Allez, venez tas de rats. Le capitaine paye sa tournée, il faut en profiter. Et que personne ne râle ! »

     À la vue du bretonnien dans son armure rouillée et dont les membres manquaient clairement de matière adipeuse, Thrond fronça les sourcils.

     « Dis-moi, Fiodor » commença-t-il d’un ton bien plus mesuré tout en repositionnant légèrement ses jambes pour confirmer son appui au sol. « Je me posais la question depuis que je t’ai vu massacrer des hommes par dizaines. Tu n’es pas humain, je me trompe ? »

     Une chape de plomb tomba sur la clairière. Fiodor pivota pour faire face au nain, posant subrepticement la main sur le pommeau de son sabre. Il ne pouvait craindre pire adversaire dans les parages que Thrond Ventre-de-Fer. Il allait falloir jouer serré.

     Thrond cracha au sol. « T’es un zangunaz n’est-ce pas ? Un vampire ? Réponds-moi ! »

     Silencieusement, Fiodor acquiesça, le visage impénétrable. La tension montait.

     « J’me disais bien que c’était pas naturel ta force. Et ta magie non-plus. Mais à l’époque j’étais trop content de te voir défourailler comme ça. Pas le temps de réfléchir. On était dans la même aventure, et c’était marrant. Mais…mais là, c’est pas pareil. »

     Marcel de Parravon intervint sans ménagement.

     « Dites capitaine, je n’aime pas le ton qu’il prend avec vous. Vous voulez qu’on l’empale avec son sang-froid ? On pourrait…

     - Silence ! »

     La voix de Fiodor avait claqué comme un fouet, faisant taire pour la première fois depuis longtemps son exubérant maître d’équipage, à la stupéfaction des marins présents sur place. Le vampire leva la main, et le revenant recula.

     « Tu veux me tuer Thrond ? Je comprendrais, mais je n’ai pas l’intention de mourir ici. »

     Thrond secoua la tête, la mine grave.

     « Ce n’était pas non-plus le cas de João, et pourtant il va rester ici pour toujours. »

     Tout en parlant, il désigna une pierre rectangulaire posée à la verticale sur un petit tas de terre que Fiodor n’avait pas remarqué jusqu’à cet instant précis. Manifestement, Thrond avait enterré quelqu’un ici. Fiodor serra les dents.

     « Eh bien, s’il le faut… »

     Thrond ne lui laissa pas le temps d’en dire plus. Actionnant le mécanisme de son lance-flamme, il projeta en direction du vampire une gerbe de flammes qui firent reculer les hommes de trois mètres tant la chaleur était intense. Fiodor plongea vers le sol, tentant d’esquiver, mais il avait mal calculé son coup, et la jambe du nain le cueillit au visage (Thrond : attaque de souffle : 9T 3B 3PV !).

     Il se releva, étourdi, et dégaina son sabre avant de se jeter sur son nouvel adversaire. Celui-ci se répandit en une bardée de jurons en empoignant son marteau, parvenant à grand-peine à parer les attaques de Fiodor, mais sans l’empêcher de lui porter un violent coup de poing sur le nez (Fiodor : 3T, 1 T annulée, 1B, 1PV !), ni parvenir à porter la moindre attaque (Thrond : 2T 1B 1 invu).

     « Tu vas voir, uzkular ! Je vais te montrer de quel bois je me chauffe ! »

     Thrond, en effet, décida de changer de tactique. Si son adversaire le surclassait en termes d’habileté martiale, il y avait un domaine dans lequel lui-même était nettement supérieur : la masse pure. Aussi, Fiodor fut surpris de voir le nain prendre appui sur un des rochers avant de se jeter sur lui, tête la première. Le vampire fut bien en peine de parer cette attaque ou de lui opposer la moindre contre-mesure efficace (Fiodor : 1T 0B), et fut d’autant plus surpris quand Thrond lui envoya un violent coup de tête sur le sternum (Thrond : 3T 2B 1 invu 1PV !). Ils roulèrent tous deux sur le sol terreux, avant que Fiodor ne se retrouve sur le dos, avec au-dessus de lui un nain à la barbe couverte de poussière, le marteau à la main et la fureur dans l’œil. Sa propre épée gisait juste à côté.

     Ils se dévisagèrent un instant en silence, vampire pirate et ingénieur nain, liés par une histoire commune et par la haine de leurs deux races. Mais finalement, Thrond partit d’un grand éclat de rire, tandis que Marcel de Parravon venait à peine de dégainer son épée.

     « Aaaaah, ça ira pour cette fois, zangunaz. J’ai épongé ma dette. »

     Fiodor le regarda sans comprendre, alors que Thrond s’écartait et lui tendait la main pour se relever, main qu’il accepta sous les yeux ébahis des pirates qui ne comprenaient plus rien.

     Le vampire était dans un état similaire tout en ramassant son épée. « Dis-moi, Thrond, il va falloir te décider. Me tuer, me laisser vivre, c’est pas très clair là. »

     Le nain ne répondit pas tout de suite, sortant un carnet d’une de ses nombreuses poches qu’il feuilleta avec énergie. Ayant visiblement trouvé la bonne page, il raya une ligne à l’aide d’un fusain, avant de le ranger. Du même geste, il sortit un cigare qu’il alluma sur le feu de camp.

     « Je n’ai pas oublié que l’autre fois tu m’as sauvé la vie, quand José et moi avons été embusqués par ces umgi kruti fanatiques. Si tu n’avais pas été là, on aurait fini en gibal. Je t’en devais une. Plus maintenant. »

     Fiodor plissa les lèvres, contrarié d’avoir été vaincu, mais satisfait de voir Thrond se comporter à nouveau de manière civilisée. Marcel de Parravon décida à nouveau d’intervenir, voyant les hommes désœuvrés et le prenant comme un affront personnel.

     « Euh, dites capitaine, on fait quoi du coup ? Le rhum, c’est toujours d’actualité ? »

     Fiodor tourna son regard vers lui.

     « Je n’ai pas dit le contraire, non ? Alors au galop ! » Il hésita un instant, puis reprit : « ah, et pendant que j’y pense, Thrond, veux-tu nous accompagner sur le Corbeau Centenaire, mon fier navire ? Je ne sais pas où sont tes employeurs, mais tu m’as l’air sans contrat. »

     Thrond cracha en rangeant son lance-flamme tout en tirant une bouffée de son cigare.

     « Mon employeur était le capitaine Mendoza, un estalien dont le bateau s’appelait La gloria de Myrmidia. Mais l’homme est noyé et le bateau en cendres. Et pas par moi » ajouta-t-il en voyant le regard de Fiodor se poser sur le lance-flamme. « Non, on a rencontré des…contrevenantes.

     - Euh, on ne dit pas des ‘comtesses revenantes’ ? »

     Tout le monde se retourna vers Leonid, dont la remarque fit l’effet d’un éclair, et un nouveau silence s’abattit sur la petite clairière. Il fut brisé par l’impact du poing ganté de fer de Marcel de Parravon sur la tête du malheureux pirate, qui tituba en gémissant de douleur. Sans plus de cérémonie, le quartier-maître décréta le retour au bateau, et que le premier qui l’ouvrirait allait « garder la clairière jusqu’à nouvel ordre ». Cela suffit aux pirates, qui le suivirent en portant à moitié Leonid, qui semblait ne plus pouvoir tenir debout après ça.

     « Des contrevenantes ? » Demanda Fiodor une fois que Thrond et lui se furent retrouvés seuls. « Tu veux dire que des femmes vous ont attaqués ?

     - Ah ça, tu peux le dire. Un bon paquet, et énervées en plus. Complètement nues, ou presque, et en poussant des hurlements de damnées. J’ai eu du mal à leur échapper, et João n’a pas réussi. Et j’ai même dû sacrifier une caisse de rhum pour m’enfuir. Une sale nuit. »

     Fiodor réfléchit. Il avait bien vu des amazones en arrivant à l’embouchure du fleuve, mais elles avaient surtout semblé se poser en arbitres. Enfin, il s’en moquait bien. Mais un point le chiffonnait.

     « Et tu dis que ce sont elles qui ont brûlé le bateau ? »

     Thrond tira une nouvelle bouffée de son cigare tout en fixant son lance-flamme sur son dos.

     « Ouais. Va savoir comment, mais quand elles ont attaqué, il a sauté. Comme si une bombe avait explosé à bord. Toute la poudre du navire a dû y passer. » Il empoigna son marteau, et ajouta : « et au fait, j’accepte l’invitation. Tout plutôt que de rester planté là comme un débile. Mais pas question de laisser ici ce sang-froid. J’ai passé trop de temps à le chasser, je le garde. »

     Fiodor se permit un sourire en coin. La suite du voyage promettait d’être amusante avec Thrond à bord. Il empoigna la broche et la souleva d’une seule main, puis la cala sur son épaule, tandis que le nain éteignait le feu de camps en le recouvrant de terre. Ils prirent ensuite le chemin du retour tout en devisant tranquillement. Fiodor se demandait distraitement si Thrond accepterait de jouer d’un instrument. Un cor par exemple. Et il se demandait aussi s’il n’allait pas falloir faire surveiller la poudrière du navire jour et nuit…

***
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