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- Anton LudenhofChampion squelette
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Date d'inscription : 31/08/2011
Re: Le siège de Leicheberg
Mar 22 Nov 2011 - 18:21
Suite, messieurs ! Suite !
Les portes fermées, Meltburg ne put que les regarder d’un œil désolé, gêné, embarrassé qu’il était des derniers mots du commandant suprême, véritable sévère remontrance pour tout soldat du Stirland. Il fallait savoir que faute de moyen, le Grand Comté avait depuis longtemps renoncé à récompenser la bravoure par de coûteuses médailles que seules les orfèvreries d’Altdorf et d’Averheim étaient en mesure de confectionner. Á la place, celui qui portait l’uniforme aspirait plus que tout à être cité dans les rapports du Haut Commandement. C’était là une considération honorifique sans égale, et qui était d’autant plus prestigieuse qu’il était aisé d’y être superbement démoli. Et comme il n’y avait pas de meilleurs rapports que la conviction même du plus grand des officiers de l’armée, Swen n’avait pas le moindre doute quant à l’idée peu flatteuse qui s’y était installé désormais.
Tête baissée, il commença à descendre l’escalier. Une voix derrière lui l’interpella, et le fit sursauter.
-Ne me dîtes pas capitaine que je vous ai fait… peur ?
-On a certainement dû vous dire que vous aviez beaucoup d’humour, monsieur Denhöf, riposta l’officier en second, comprenant que son interlocuteur avait tout saisi de la scène. Vous allez voir le commandant, je suppose ?
-Disons plutôt que c’est lui qui me demande, comme toujours ! Il me doit tant et plus, et à son âge, on n’est pas prêt de changer… répondit l’homme, croisant les bras et souriant malignement.
Cölestin Denhöf était l’espion personnel d’Anton Ludenhof, la « perle rare du Stir », un escrimeur hors pair. Un informateur à ce point talentueux qu’on le disait membre du cercle intérieur de la « confrérie de la mouche », une organisation criminelle résidant à Wurtbad, qui était à la tête d’un des plus grands réseaux d’espionnage de tout l’Empire, et qui rendait d’inestimables services aux cours impériales, en échange de… plusieurs dérogations quant au reste de leurs activités. Denhöf était d’une arrogance rare. Sans être antipathique, il affichait aux yeux de tous sa supériorité, notamment à l’égard des petits bourgeois et autres nobles qui ne devaient leur avancement qu’à leurs familles. Ainsi, il n’hésitait pas à clamer haut et fort sa profession. En soit, à quoi bon s’en cacher ? Lorsqu’il était en mission, son travail consistait bien à ne pas se faire voir, et il y excellait. De là à dire qu’il était un peu sorcier, il n’y avait qu’un pas. Cet individu avait le don de complexer chaque officier, car quoi qu’ils eussent pu faire pour combler les attentes du prince, seul Cölestin pouvait se prévaloir d’un tel honneur.
Haussant les épaules, Meltburg n’y échappa pas. Ludenhof n’aurait même pas à lire les rapports des éclaireurs.
-Le prince est encore jeune, il pourrait bien changer, vous savez…
-Pourquoi changer ? N’est-il pas l’homme providentiel de notre belle province ?
-Je… euh… vous m’avez compris…
-Mais ne vous en faîtes pas, s’il vaut mieux qu’il reste notre commandant adoré, vous, vous pouvez encore changer ! continua Denhöf, tout aussi sarcastique.
-Merci de l’encouragement… fit Swen, commença à fulminer. Pardonnez-moi, j’ai à faire.
Il n’eut pas fait deux pas dans l’escalier que Cölestin lança une dernière pique.
-Ils ont passé Neuheim, hein ?
Le capitaine souffla de nouveau, avant de continuer. Ludenhof n’était pas loin, et il s’était fait assez remarqué. Ce siège commençait bien. Chaque marche de cet escalier glacial, chaque pas qui résonnait dans le donjon, se mêlant à tous ceux des fonctionnaires et des estafettes qui le bousculaient de ci, de là, il n’arrivait plus à penser. Le regard vide, son esprit fuyait. Mieux valait ne rien avoir en tête lorsque la honte et la peur étaient de mise. Á peine songea-t-il aux morts de son enfance qu’il sentait ses dents claquer, sa gorge se nouer, et la douleur venue de ses entrailles apparaissait encore et encore. C’était pourtant un bon officier. Ce n’était pas pour rien qu’il avait été choisi par le commandant suprême pour l’épauler. Qu’il n’eut cette fonction, et c’eut été lui qui aurait été honoré de brandir la bannière du comte. Quoi que pouvait penser cette ordure de Denhöf, Swen n’était pas un aristocrate. Son père avait été un magistrat, avant qu’une émeute l’estropia. Séparé de son frère, il avait dû suivre sa mère en Arabie, à Sudenburg, où ce ne fut pas la compagnie de ses tantes qui sut réconforter l’enfant qu’il était alors. Seule l’armée, ou plutôt la minable brigade d’indigènes soutenue par quelques officiers pochtrons, avait pu lui donner un semblant de famille. Néanmoins, il regardait toujours vers le Stirland, vers sa terre, vers sa patrie. Lieutenant, il abandonna mère et tantes, désert et dromadaires, plumes et vinasse, pour s’en retourner à Wurtbad où son mérite ne tarda pas à apparaître. Et maintenant, le voici qu’il…
Le capitaine Swen Meltburg, Main du Prince
-Mon capitaine !
-Ah. Steinbrück, vous m’avez… pourquoi êtes-vous là ? demanda le capitaine, se reprenant de justesse de prononcer le mot qu’il devait absolument bannir de son vocabulaire, du moins devant ses hommes.
-Eh, je vous attendais pardi ! répondit le lieutenant avec bonhommie.
Wolfgang Steinbrück était un sous-officier dont les manières déplaisaient fortement à Swen. Il se montrait cependant bon administrateur, toujours jovial, et avait d’excellents rapports avec les hommes, au point qu’il les connaissait presque tous par leur prénom. Stirlander de pure souche, il vantait constamment les mérites de Nussbach, son village natal, perdu dans la pampa campagnarde, mais qui produisait selon lui une liqueur à la noisette qu’on s’arrachait à Altdorf. Lors de l’un de ses déplacements à la capitale, Swen s’y était essayé. Sans qu’il eut en quoique ce soit l’accent de sa province, on ne manqua pas de le traiter de pequenaud du Stirland.
Depuis, il lui portait une certaine rancune. Mais comme il n’était pas rancunier, il se méfiait seulement… un peu. Du moins, il doutait.
-Sie wisshen wahs ? ‘ont mis des pièces d’artillerie dans l’slourp !
-Je vous demande pardon ?! s’exclama l’officier, écarquillant les yeux.
-Je plaisante, mon capitaine, ich lache nur !
-Ha-ha. Bon, vous m’accompagnez, on va aller voir ce monsieur Lied, poursuivit Swen, lui qui ne comprenait rien au dialecte local.
-Et pourquoi que vous v’lez aller voir c’type qu’a l’esprit qu’à tourner la malle ? répliqua Wolfang, aux côtés de son supérieur, ventre devant.
-Parce que je préfère l’entendre que le lire.
-Lire quoi ?
-Son rapport.
-L’est où l’rapport ?
-Je l’ai donné au prince. Une objection ?
-C’est que… c’est pas Lied qui l’a écrit, fit remarquer Steinbrück, yeux en l’air, sourire béta.
-Pardon ? Répétez-moi ça !
-‘tendez, mon capitaine chéri, v’l’avez vu vot’ Lied ? Il s’rait foutu d’faire le poirier pour ‘riner !
-Eh, vous allez surveiller vos propos ! Ça commence à bien faire, Steinbrück ! Je vais vous citer, attention ! Si vous continuez, je cite ! s’emporta le jeune officier, menaçant de l’index et se couvrant de ridicule.
-Mon capitaine, mon capitaine, kheine zorge ! Main du Prince ! ‘donnez moi, pardonnez, s’lement, oui, Lied, ‘peut pas écrire dans son état. C’est Ulrich qui a écrit l’rapport, ‘pensez bien…
-Mais… le rapport était signé de son nom !
-Euh… sauf vot’ respect, capitaine chéri, comment vous l’savez, c’t’ait pas confidentiel ? lança Wolfgang, tout sourire, et tapotant sur son bide.
Swen retint une grossièreté. L’espace d’un instant, la lèvre inférieure gonflée, Steinbrück avait devant lui une grenouille coiffé du dernier chapeau à la mode.
-‘sont jolies vos plumes. C’est d’quelle bestiole ?
-D’autruche. Bon, eh bien, quoiqu’il en soit, il convient d’aller s’assurer de ses propos, s’il ne les a même pas écrits…
-‘vos ordres, mon capitaine.
Les deux hommes prirent la première sortie qui s’offrit à eux. Il y avait trop de monde à l’intérieur du donjon, tant d’agitation, il aurait fallu crier pour s’entendre dans un tel branle-bas de combat. D’ici peu, toutes les portes seraient closes. C’était sans doute là la dernière fois qu’il l’empruntait avant le début de la bataille. Alors qu’ils étaient dehors, sous ce ciel inquiétant, tout juste éclairé par la petite lanterne dont la flamme vacillait avec frénésie, c’est à peine s’ils furent en mesure de distinguer les ruelles de la vieille ville. Une bourrasque vint leur rappeler le froid qui régnait ici bas, et si Wolfgang se couvrait de son ridicule bonnet de laine, Meltburg avait laissé son manteau dans ses quartiers, effrayé à l’idée de paraître trop vêtu devant le commandant. Un garde se tenait là, immobile, mais peinant à se retenir en voyant le couvre-chef du lieutenant, lieutenant qui nouait autour de son cou une écharpe mitée.
-Ah ! C’qui faudrait pas s’les peler !
-Oui, comme vous dites. Bien, nous nous rendons aux dortoirs de la sixième brigade, trois…
-Troisième bataillon, quatrième régiment, seconde compagnie de cavalerie ?
-C’est bien ce qu’il y avait d’écrit.
-Ha ! Vous l’avez lu !
-Fermez là, Steinbrück, vous la bouclez ! Dernier avertissement avant la citation ! s’énerva à nouveau Swen, sans voir que son lieutenant ne le prenait nullement au sérieux.
-Oui, euh… ‘don. ‘wird nie sein. Donc, on y va ?
-Oui, oui…
-Oui ?
-Mais oui !
-Bon d’accord. Vous êtes sûr ?
-Oh ! Mais vous avez fini oui ?!
-Oui.
-Je vais… ! Rha !
Le capitaine, furieux, pressa le pas et distança sans peine l’obèse lieutenant. Celui-ci joignit les mains, s’excusant encore et toujours. De la même manière qu’il en avait fini avec brillo face à Denhöf, Swen décida d’ignorer un moment son pénible second.
Descendant la rue principale de Leicheberg, qui zigzaguait entre les différents niveaux de la citadelle, la Main du Prince inspecta l’avancée des préparatifs. Si la cohue à l’intérieur du donjon avait été détestable, elle était ici à peine soutenable. Allant et venant, courant et suffoquant, des centaines de soldats et de citoyens s’activaient, les uns se dépêchant malgré leur évidente fatigue d’obéir à leurs officiers aphones, les autres cherchant désespérément un endroit où se mettre à l’abri. Bien sûr, la distinction entre militaires et civils était purement protocolaire. Même Swen ne pouvait s’y reconnaître vraiment dans cette pagaille. Il devait y en avoir qui étaient directement placés sous ses ordres, mais sans doute tout autant qui obéissait au premier ordre venu, sans se soucier des mirifiques listes établies consciencieusement par les bureaux du Haut Commandement de Wurtbad, totalement irréalistes sur le terrain. Sur celles-ci, on pouvait lire six fois le nom de « Müller ». « Müller », rien d’autre pour désigner le soldat censé correspondre à cette brigade. On pouvait cependant comprendre les braves fonctionnaires. Dans le doute, autant prendre un nom qu’un citoyen de l’empire sur trois portait. L’erreur était moindre. Quand il y pensait, l’administration militaire était d’un ridicule notoire. Á quoi bon connaître les différents échelons d’une brigade lorsque ceux-ci n’étaient pas même respectés ? Cela en laissait dire sur l’intelligence de ceux qui se vantaient d’un tel savoir ; cela en disait beaucoup sur Steinbrück. Et tout autant sur Meltburg. Finalement, en y réfléchissant bien, les officiers qui parvenaient aux plus belles victoires avec des faits aussi accablants étaient de véritables héros.
Ludenhof en était un, et pas le dernier.
Meltburg était simplement déterminé à en être.
-Il me semble que j’avais donné des ordres, glissa Swen alors qu’il laissait son lieutenant le rattraper.
-‘bsolument, mon capitaine. Et ils ont bien été suivis !
-Steinbrück, je vais être clair. Vous voyez ça ? demanda le capitaine en montrant les murailles un des versants de la citadelle.
-Non s’lement j’le vois, capitaine, mais en plus, je sais bien que j’y s’rais sous peu…
-Exactement. Ça, c’est que nous aurons à défendre. Et vous savez vers où s’orientent ces murailles ?
-Euuuuh… c’pas le sud ? essaya Wolfgang, au hasard.
-Manqué. C’est l’est.
-L’est ?
-Oui. Vous saisissez ?
Le sous-officier ne put répondre qu’en avalant difficilement.
-C’est vers nous que l’ennemi frappera le plus fort. Il vient de l’est, c’est là qu’il frappera le plus fort. C’est pour cela que j’exige que mes ordres soient exécutés dans leur intégralité, alors, je vous en prie, par la foi que nous portons en Sigmar, dites moi ce qu’il en est ! Il en va de la survie de tout un contingent, et vous savez combien ça fait un contingent ? lança le capitaine, s’étonnant lui-même du ton qu’il venait d’adopter. Ça fait cinq mille hommes ! Alors, pour l’amour du ciel, vous arrêtez de sourire comme un débile et vous faîtes votre travail !
Wolfgang n’en croyait pas ses yeux. En un instant, le jeune petit bourgeois s’était transformé en une autorité dont l’assurance n’avait d’égal que sa prestance. Sans s’en rendre compte, ce brutal changement affecta également les habitudes du lieutenant.
-Monsieur, vos ordres ont été ‘fectués. Souhait’vous qu’on les liste ?
On ne pouvait trop en attendre d’un homme de Nussbach.
-Oui… faisons ça… voulez-vous ?
'ton !
Les portes fermées, Meltburg ne put que les regarder d’un œil désolé, gêné, embarrassé qu’il était des derniers mots du commandant suprême, véritable sévère remontrance pour tout soldat du Stirland. Il fallait savoir que faute de moyen, le Grand Comté avait depuis longtemps renoncé à récompenser la bravoure par de coûteuses médailles que seules les orfèvreries d’Altdorf et d’Averheim étaient en mesure de confectionner. Á la place, celui qui portait l’uniforme aspirait plus que tout à être cité dans les rapports du Haut Commandement. C’était là une considération honorifique sans égale, et qui était d’autant plus prestigieuse qu’il était aisé d’y être superbement démoli. Et comme il n’y avait pas de meilleurs rapports que la conviction même du plus grand des officiers de l’armée, Swen n’avait pas le moindre doute quant à l’idée peu flatteuse qui s’y était installé désormais.
Tête baissée, il commença à descendre l’escalier. Une voix derrière lui l’interpella, et le fit sursauter.
-Ne me dîtes pas capitaine que je vous ai fait… peur ?
-On a certainement dû vous dire que vous aviez beaucoup d’humour, monsieur Denhöf, riposta l’officier en second, comprenant que son interlocuteur avait tout saisi de la scène. Vous allez voir le commandant, je suppose ?
-Disons plutôt que c’est lui qui me demande, comme toujours ! Il me doit tant et plus, et à son âge, on n’est pas prêt de changer… répondit l’homme, croisant les bras et souriant malignement.
Cölestin Denhöf était l’espion personnel d’Anton Ludenhof, la « perle rare du Stir », un escrimeur hors pair. Un informateur à ce point talentueux qu’on le disait membre du cercle intérieur de la « confrérie de la mouche », une organisation criminelle résidant à Wurtbad, qui était à la tête d’un des plus grands réseaux d’espionnage de tout l’Empire, et qui rendait d’inestimables services aux cours impériales, en échange de… plusieurs dérogations quant au reste de leurs activités. Denhöf était d’une arrogance rare. Sans être antipathique, il affichait aux yeux de tous sa supériorité, notamment à l’égard des petits bourgeois et autres nobles qui ne devaient leur avancement qu’à leurs familles. Ainsi, il n’hésitait pas à clamer haut et fort sa profession. En soit, à quoi bon s’en cacher ? Lorsqu’il était en mission, son travail consistait bien à ne pas se faire voir, et il y excellait. De là à dire qu’il était un peu sorcier, il n’y avait qu’un pas. Cet individu avait le don de complexer chaque officier, car quoi qu’ils eussent pu faire pour combler les attentes du prince, seul Cölestin pouvait se prévaloir d’un tel honneur.
Haussant les épaules, Meltburg n’y échappa pas. Ludenhof n’aurait même pas à lire les rapports des éclaireurs.
-Le prince est encore jeune, il pourrait bien changer, vous savez…
-Pourquoi changer ? N’est-il pas l’homme providentiel de notre belle province ?
-Je… euh… vous m’avez compris…
-Mais ne vous en faîtes pas, s’il vaut mieux qu’il reste notre commandant adoré, vous, vous pouvez encore changer ! continua Denhöf, tout aussi sarcastique.
-Merci de l’encouragement… fit Swen, commença à fulminer. Pardonnez-moi, j’ai à faire.
Il n’eut pas fait deux pas dans l’escalier que Cölestin lança une dernière pique.
-Ils ont passé Neuheim, hein ?
Le capitaine souffla de nouveau, avant de continuer. Ludenhof n’était pas loin, et il s’était fait assez remarqué. Ce siège commençait bien. Chaque marche de cet escalier glacial, chaque pas qui résonnait dans le donjon, se mêlant à tous ceux des fonctionnaires et des estafettes qui le bousculaient de ci, de là, il n’arrivait plus à penser. Le regard vide, son esprit fuyait. Mieux valait ne rien avoir en tête lorsque la honte et la peur étaient de mise. Á peine songea-t-il aux morts de son enfance qu’il sentait ses dents claquer, sa gorge se nouer, et la douleur venue de ses entrailles apparaissait encore et encore. C’était pourtant un bon officier. Ce n’était pas pour rien qu’il avait été choisi par le commandant suprême pour l’épauler. Qu’il n’eut cette fonction, et c’eut été lui qui aurait été honoré de brandir la bannière du comte. Quoi que pouvait penser cette ordure de Denhöf, Swen n’était pas un aristocrate. Son père avait été un magistrat, avant qu’une émeute l’estropia. Séparé de son frère, il avait dû suivre sa mère en Arabie, à Sudenburg, où ce ne fut pas la compagnie de ses tantes qui sut réconforter l’enfant qu’il était alors. Seule l’armée, ou plutôt la minable brigade d’indigènes soutenue par quelques officiers pochtrons, avait pu lui donner un semblant de famille. Néanmoins, il regardait toujours vers le Stirland, vers sa terre, vers sa patrie. Lieutenant, il abandonna mère et tantes, désert et dromadaires, plumes et vinasse, pour s’en retourner à Wurtbad où son mérite ne tarda pas à apparaître. Et maintenant, le voici qu’il…
Le capitaine Swen Meltburg, Main du Prince
-Mon capitaine !
-Ah. Steinbrück, vous m’avez… pourquoi êtes-vous là ? demanda le capitaine, se reprenant de justesse de prononcer le mot qu’il devait absolument bannir de son vocabulaire, du moins devant ses hommes.
-Eh, je vous attendais pardi ! répondit le lieutenant avec bonhommie.
Wolfgang Steinbrück était un sous-officier dont les manières déplaisaient fortement à Swen. Il se montrait cependant bon administrateur, toujours jovial, et avait d’excellents rapports avec les hommes, au point qu’il les connaissait presque tous par leur prénom. Stirlander de pure souche, il vantait constamment les mérites de Nussbach, son village natal, perdu dans la pampa campagnarde, mais qui produisait selon lui une liqueur à la noisette qu’on s’arrachait à Altdorf. Lors de l’un de ses déplacements à la capitale, Swen s’y était essayé. Sans qu’il eut en quoique ce soit l’accent de sa province, on ne manqua pas de le traiter de pequenaud du Stirland.
Depuis, il lui portait une certaine rancune. Mais comme il n’était pas rancunier, il se méfiait seulement… un peu. Du moins, il doutait.
-Sie wisshen wahs ? ‘ont mis des pièces d’artillerie dans l’slourp !
-Je vous demande pardon ?! s’exclama l’officier, écarquillant les yeux.
-Je plaisante, mon capitaine, ich lache nur !
-Ha-ha. Bon, vous m’accompagnez, on va aller voir ce monsieur Lied, poursuivit Swen, lui qui ne comprenait rien au dialecte local.
-Et pourquoi que vous v’lez aller voir c’type qu’a l’esprit qu’à tourner la malle ? répliqua Wolfang, aux côtés de son supérieur, ventre devant.
-Parce que je préfère l’entendre que le lire.
-Lire quoi ?
-Son rapport.
-L’est où l’rapport ?
-Je l’ai donné au prince. Une objection ?
-C’est que… c’est pas Lied qui l’a écrit, fit remarquer Steinbrück, yeux en l’air, sourire béta.
-Pardon ? Répétez-moi ça !
-‘tendez, mon capitaine chéri, v’l’avez vu vot’ Lied ? Il s’rait foutu d’faire le poirier pour ‘riner !
-Eh, vous allez surveiller vos propos ! Ça commence à bien faire, Steinbrück ! Je vais vous citer, attention ! Si vous continuez, je cite ! s’emporta le jeune officier, menaçant de l’index et se couvrant de ridicule.
-Mon capitaine, mon capitaine, kheine zorge ! Main du Prince ! ‘donnez moi, pardonnez, s’lement, oui, Lied, ‘peut pas écrire dans son état. C’est Ulrich qui a écrit l’rapport, ‘pensez bien…
-Mais… le rapport était signé de son nom !
-Euh… sauf vot’ respect, capitaine chéri, comment vous l’savez, c’t’ait pas confidentiel ? lança Wolfgang, tout sourire, et tapotant sur son bide.
Swen retint une grossièreté. L’espace d’un instant, la lèvre inférieure gonflée, Steinbrück avait devant lui une grenouille coiffé du dernier chapeau à la mode.
-‘sont jolies vos plumes. C’est d’quelle bestiole ?
-D’autruche. Bon, eh bien, quoiqu’il en soit, il convient d’aller s’assurer de ses propos, s’il ne les a même pas écrits…
-‘vos ordres, mon capitaine.
Les deux hommes prirent la première sortie qui s’offrit à eux. Il y avait trop de monde à l’intérieur du donjon, tant d’agitation, il aurait fallu crier pour s’entendre dans un tel branle-bas de combat. D’ici peu, toutes les portes seraient closes. C’était sans doute là la dernière fois qu’il l’empruntait avant le début de la bataille. Alors qu’ils étaient dehors, sous ce ciel inquiétant, tout juste éclairé par la petite lanterne dont la flamme vacillait avec frénésie, c’est à peine s’ils furent en mesure de distinguer les ruelles de la vieille ville. Une bourrasque vint leur rappeler le froid qui régnait ici bas, et si Wolfgang se couvrait de son ridicule bonnet de laine, Meltburg avait laissé son manteau dans ses quartiers, effrayé à l’idée de paraître trop vêtu devant le commandant. Un garde se tenait là, immobile, mais peinant à se retenir en voyant le couvre-chef du lieutenant, lieutenant qui nouait autour de son cou une écharpe mitée.
-Ah ! C’qui faudrait pas s’les peler !
-Oui, comme vous dites. Bien, nous nous rendons aux dortoirs de la sixième brigade, trois…
-Troisième bataillon, quatrième régiment, seconde compagnie de cavalerie ?
-C’est bien ce qu’il y avait d’écrit.
-Ha ! Vous l’avez lu !
-Fermez là, Steinbrück, vous la bouclez ! Dernier avertissement avant la citation ! s’énerva à nouveau Swen, sans voir que son lieutenant ne le prenait nullement au sérieux.
-Oui, euh… ‘don. ‘wird nie sein. Donc, on y va ?
-Oui, oui…
-Oui ?
-Mais oui !
-Bon d’accord. Vous êtes sûr ?
-Oh ! Mais vous avez fini oui ?!
-Oui.
-Je vais… ! Rha !
Le capitaine, furieux, pressa le pas et distança sans peine l’obèse lieutenant. Celui-ci joignit les mains, s’excusant encore et toujours. De la même manière qu’il en avait fini avec brillo face à Denhöf, Swen décida d’ignorer un moment son pénible second.
Descendant la rue principale de Leicheberg, qui zigzaguait entre les différents niveaux de la citadelle, la Main du Prince inspecta l’avancée des préparatifs. Si la cohue à l’intérieur du donjon avait été détestable, elle était ici à peine soutenable. Allant et venant, courant et suffoquant, des centaines de soldats et de citoyens s’activaient, les uns se dépêchant malgré leur évidente fatigue d’obéir à leurs officiers aphones, les autres cherchant désespérément un endroit où se mettre à l’abri. Bien sûr, la distinction entre militaires et civils était purement protocolaire. Même Swen ne pouvait s’y reconnaître vraiment dans cette pagaille. Il devait y en avoir qui étaient directement placés sous ses ordres, mais sans doute tout autant qui obéissait au premier ordre venu, sans se soucier des mirifiques listes établies consciencieusement par les bureaux du Haut Commandement de Wurtbad, totalement irréalistes sur le terrain. Sur celles-ci, on pouvait lire six fois le nom de « Müller ». « Müller », rien d’autre pour désigner le soldat censé correspondre à cette brigade. On pouvait cependant comprendre les braves fonctionnaires. Dans le doute, autant prendre un nom qu’un citoyen de l’empire sur trois portait. L’erreur était moindre. Quand il y pensait, l’administration militaire était d’un ridicule notoire. Á quoi bon connaître les différents échelons d’une brigade lorsque ceux-ci n’étaient pas même respectés ? Cela en laissait dire sur l’intelligence de ceux qui se vantaient d’un tel savoir ; cela en disait beaucoup sur Steinbrück. Et tout autant sur Meltburg. Finalement, en y réfléchissant bien, les officiers qui parvenaient aux plus belles victoires avec des faits aussi accablants étaient de véritables héros.
Ludenhof en était un, et pas le dernier.
Meltburg était simplement déterminé à en être.
-Il me semble que j’avais donné des ordres, glissa Swen alors qu’il laissait son lieutenant le rattraper.
-‘bsolument, mon capitaine. Et ils ont bien été suivis !
-Steinbrück, je vais être clair. Vous voyez ça ? demanda le capitaine en montrant les murailles un des versants de la citadelle.
-Non s’lement j’le vois, capitaine, mais en plus, je sais bien que j’y s’rais sous peu…
-Exactement. Ça, c’est que nous aurons à défendre. Et vous savez vers où s’orientent ces murailles ?
-Euuuuh… c’pas le sud ? essaya Wolfgang, au hasard.
-Manqué. C’est l’est.
-L’est ?
-Oui. Vous saisissez ?
Le sous-officier ne put répondre qu’en avalant difficilement.
-C’est vers nous que l’ennemi frappera le plus fort. Il vient de l’est, c’est là qu’il frappera le plus fort. C’est pour cela que j’exige que mes ordres soient exécutés dans leur intégralité, alors, je vous en prie, par la foi que nous portons en Sigmar, dites moi ce qu’il en est ! Il en va de la survie de tout un contingent, et vous savez combien ça fait un contingent ? lança le capitaine, s’étonnant lui-même du ton qu’il venait d’adopter. Ça fait cinq mille hommes ! Alors, pour l’amour du ciel, vous arrêtez de sourire comme un débile et vous faîtes votre travail !
Wolfgang n’en croyait pas ses yeux. En un instant, le jeune petit bourgeois s’était transformé en une autorité dont l’assurance n’avait d’égal que sa prestance. Sans s’en rendre compte, ce brutal changement affecta également les habitudes du lieutenant.
-Monsieur, vos ordres ont été ‘fectués. Souhait’vous qu’on les liste ?
On ne pouvait trop en attendre d’un homme de Nussbach.
-Oui… faisons ça… voulez-vous ?
'ton !
- Blood-DwarfLoup funeste
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Date d'inscription : 26/07/2011
Re: Le siège de Leicheberg
Mar 22 Nov 2011 - 20:01
Un très bon passage, il n'y à rien à redire !
L'atmosphère d'avant-siège est très bien rendue, la nervosité du commandement tout aussi perceptible, etc. : un magnifique passage ! Continue !
L'atmosphère d'avant-siège est très bien rendue, la nervosité du commandement tout aussi perceptible, etc. : un magnifique passage ! Continue !
_________________
Ne cherchez pas à comprendre : il n'y a rien à comprendre.
- LastshadowBanshee
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 22 Nov 2011 - 20:04
Pas mal, et même très bien ! J'aime bien ton style, meêm si je brûle de voir enfin cette bataille qui promet d'être épique
- ArkenMaîtresse des fouets
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Vainqueur d'évènement :
Palmares : Championne de la Reiksguard, Comtesse de la Crypte 2019
Re: Le siège de Leicheberg
Mar 22 Nov 2011 - 21:36
Ah non! Là je ne suis pas d'accord!
Bouh, j'en ai marre des machistes...
Hum... Bref. Ton niveau d'écriture ne baisse pas, toujours autant de talent! Bravo!
Suite, messieurs ! Suite !
Bouh, j'en ai marre des machistes...
Hum... Bref. Ton niveau d'écriture ne baisse pas, toujours autant de talent! Bravo!
_________________
Ceux qui ne croient pas en la magie ne la trouveront jamais.
- Anton LudenhofChampion squelette
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 22 Nov 2011 - 23:33
J'ai corrigé une coquille qu'on m'a signalé sur un autre forum (deux fois le mot autorité dans l'avant dernière phrase).
Mais non, j'suis pas machiste ! C'était pour rester dans le ton du sujet, j'aime les filles ! (surtout ma chérie ) (s'en balance, t'es sur un forum warhammer, idiot)
Merci pour vos réponses si rapides
Mais non, j'suis pas machiste ! C'était pour rester dans le ton du sujet, j'aime les filles ! (surtout ma chérie ) (s'en balance, t'es sur un forum warhammer, idiot)
Merci pour vos réponses si rapides
_________________
Mon armée de nains du chaos, à la zauß Zirkuß !
=> http://www.warhammer-forum.com/index.php?showtopic=169009
- LastshadowBanshee
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Re: Le siège de Leicheberg
Mer 23 Nov 2011 - 15:34
On aime tous les filles ce qui me fait penser que tu n'en montres pas dans ton récit...
- Thomov Le PoussiéreuxSeigneur vampire
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Re: Le siège de Leicheberg
Mer 23 Nov 2011 - 22:39
Excellente suite, mon cher Anton! Je n'en attendais pas moins de toi!
Je suis fier de t'avoir invité à rejoindre notre paisible Sylvanie, en plus de tes activités dans les provinces plus... vivantes.
Pour le machisme je dois donner raison à Arken; les Soeurs de Sigmar te feront changer d'avis sur les prouesses martiales de ces dames!
Je suis fier de t'avoir invité à rejoindre notre paisible Sylvanie, en plus de tes activités dans les provinces plus... vivantes.
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Vulnerant Omnes, Ultima Necat.
- Anton LudenhofChampion squelette
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Re: Le siège de Leicheberg
Jeu 24 Nov 2011 - 16:37
Et on y repart !
Petite précision : non, je n'ai pas écrit ça en réponse avec vos allusions machistes
***
-Allez, merde ! Grouille-toi !
-Ah, me saoule pas ! T’vois pas que j’ai d’jà les mains prises ?!
-Tu fais ce qu’j’te dis !
-Va te faire, t’es pas officier !
-Tu veux aller l’dire au capitaine Rodörfy p’tètre ?!
-C’bien c’que j’dis, t’es pas l’capitaine !
-C’qui qu’est chargé de gérer tout ça ? Moi ou toi ? Hein, p’tite mouisaille ?
-Ouh ! C’que tu m’gaves ! Tiens, porte donc ! Connard !
Le soldat jeta alors la caisse sur les pieds de son collègue. Celui cria de douleur, insultant à tout va et se mordant les doigts pour se retenir désespérément.
-Ah ! Mais qu’il est con c’lui là !
-‘fallait pas me gonfler, ‘toi l’con… allez, au plaisir hein !
L’insatisfait ne le fut pas de son geste et s’en retourna vers le reste de la compagnie. Il n’était pas vraiment considéré comme un mauvais soldat, mais tout le monde savait qu’il ne fallait pas le pousser à bout.
Le lieutenant aussi le savait. Assis sur une marche et massant ses pieds écrasés, il ne vit pas l’imposante silhouette qui le regardait fixement en haut de l’escalier. Lorsqu’il entendit des pas se rapprochaient, des pas lents et lourds, résonnant de toutes parts sur armure et cotte de maille, il s’arrêta net. Serrant les dents, il se retourna. Lentement. Très lentement.
-J’peux savoir c’que tu fous là, toi ?!
-C’est que…
-Ta gueule ! J’t’ai posé une question ? Non ! Tu la ferme ! Tu la boucle ! Qu’est-ce que ça veut dire ?! Ah, monsieur veut faire son bonhomme ! Monsieur se met dans son coin et s’gratte la couenne !
-Mais, mon…
-Ta gueule j’ai dit ! Ta-gueule ! Tu la ferme ! Dézobéichant avec… Attends. « Dézobé… ». Merde. **** ! « Désobéichiant » ! Ouais, voilà ! « Désobéichiant » avec ça !
L’homme qui engueulait celui qui avait tenté d’engueuler était le capitaine Joseff Rodörfy. Il mesurait près deux mètres et était aussi large qu’une armoire. Il ne lui aurait manqué que la poignée pour qu’il s’ouvre. Et comme si stature ne suffisait pas, son armure le rendait encore plus immense qu’il n’était déjà. Il la portait constamment. Jamais ses soldats ne l’avaient vu l’enlever. L’élégance n’était certes pas de mise à la guerre, mais là, on atteignait le paroxysme de cette idée. Des jambières aux vambraces en passant par l’imposant plastron, tout était dans un état des plus douteux. Bien que laquée de noir, la rouille apparaissait malgré tout par endroit. Les sangles étaient rongées, les plaques cabossées, les épaulettes fissurées, on se demandait bien comment un pareil assemblage pouvait tenir. Une armure complète coûtait une fortune, au-delà de qu’il était possible d’imaginer au vu de la solde d’un soldat, et l’on pouvait comprendre que celles-ci laissaient à désirer. Mais à ce point. Non, ce Rodörfy tenait fermement à sa réputation. De cet amas de ferraille, une tête chauve et garnie d’une barbe quasi rectangulaire dépassait. Une oreille en moins d’un côté, une incroyable balafre de l’autre, voilà ce qui rendait cet homme si terrifiant. On ne savait pas bien d’où venaient ces blessures. Alors, tout le monde y allait de sa petite histoire. Certains disaient que c’était son grand frère qui l’avait puni d’avoir joué au lieu de labourer. D’autres prétendaient que c’était contre un troll qui lui avait arraché d’un coup de patte ce qui n’avait pu se préserver d’une bonne esquive. Ou encore que c’était suite à un stupide pari. Il fallait dire aussi que cet officier picolait constamment. Il ne portait jamais de heaume, car cela l’empêchait de boire. Il avait d’ailleurs l’habitude de briser la bague de ses bouteilles plutôt que d’en retirer le bouchon. Tout le monde s’accordait à dire que la tâche était ardue, surtout lorsque l’on portait constamment des gants de fer. La seule partie qui n’était pas recouverte de métal était son postérieur. Suspecté à juste titre d’avoir une hygiène déplorable, il se grattait fréquemment le derrière, et se contentait de tirer ses chausses pour… émettre. Bien évidemment, l’armure ne suffisait pas à retenir les odeurs. S’il fallait parler de ses manières, par souci d’honnêteté, il faudrait en oublier les siennes : il buvait, fumait, bouffait, rotait, pétait, baisait. Le tout agrémenté d’un caractère violent, irascible au possible, et particulièrement grossier. Cependant, ce n’était pas pour rien qu’Anton Ludenhof avait défrayé la chronique en nommant cet animal à la tête d’une de casernes principales de Wurtbad. Certes, on le disait trop crétin pour fuir. La vérité était ailleurs. Seuls quelques officiers attentifs pouvaient percevoir que derrière cette figure se cachait quelque chose. Quelque chose de bon. Père de neuf enfants, dont seulement deux fils qui servaient également dans l’armée, il dépensait l’essentiel de sa solde à leurs besoins. Essayant tant bien que mal de compenser l’absence d’une mère qui en avait eu assez de rester allongé, tantôt pour subir, tantôt pour accoucher, et qui s’en était retourné dans quelques faubourgs malfamés d’une des grandes villes de l’Empire afin de « reprendre du métier », il s’était vite rendu compte que l’amour ne faisait pas tout. Comment concilier la distance d’un métier et la présence nécessaire que tout bon parent devait avoir auprès de ses enfants, et ce en assurant un revenu tout juste suffisant pour pourvoir aux besoins de cette nouvelle bourgeoisie vers laquelle Ludenhof les avait jetés ? L’éducation était une voie. Ainsi, il décida de redoubler d’ardeur pour leur offrir une place parmi l’une des écoles « abordables » de Wurtbad. Ce faisant, il s’attira malgré tout la rancœur de sa propre famille, lui reprochant son absence quasi-permanente. Une enveloppe, si elle signifiait beaucoup, ne remplaçait pas l’amour paternel. Et pourtant, il les aimait. Mais la vie continua à se moquer de lui. Rapidement, les enfants rattrapèrent son niveau intellectuel qui, il fallait bien l’avouer, n’était guère développé. Lui, tout ce qu’il savait, c’était en ayant entendu une ou deux phrases d’un de ses collègues, au point d’ailleurs qu’il doutait du nom des principaux ministres du comte Haupt-Anderssen, se contentant alors de les nommer par le premier titre qui lui venait. L’intelligence ne favorisant pas la compassion, à la distance vint s’ajouter le mépris, et la distance devint refuge.
Ludenhof le savait. Il le savait d’autant plus que désormais, ce misérable officier qui n’avait plus que sa bravoure et son aura guerrière sur la troupe, ne pouvait plus que lui être obéissant. C’était son pion préféré. Avec lui, le commandant suprême en eut fini avec les quelques généraux qui contestaient alors son autorité. L’affront que constituait la nomination de Rodörfy au poste de capitaine de la caserne du « Graumaslabl », quartier populaire de la capitale, avait montré à tous qu’il était le maître. Parmi les officiers observateurs, Swen Meltburg voyait en Joseff bien plus qu’un pauvre homme qui se raccrochait à l’idéal militaire. Il n’oubliait pas que c’était grâce à lui qu’il avait pu faire son entrée à la Cour, lorsqu’il était rentré de son lointain exil.
Joseff Rodörfy était idiot, brutal, malodorant, mais finalement habité de cette bonté cachée par une rage affichée, et qui ne se méritait que difficilement.
Manque de chance pour le lieutenant, il ne l’avait pas mérité.
-T’vas m’faire l’plaisir de te remuer le fondement ! C’est pas vrai ça ! J’sors à peine de ces foutus sout’rains, on s’est ramassé de la caillasse, on a passé ch’ais pas combien d’temps à tout réparer, et toi ! Toi, p’tit con, t’es vautré là ?! continua-t-il d’hurler, tellement penché sur le sous-officier que celui-ci ne pouvait se relever.
-Mais… mon capitaine… je…
-Mais ****, c’est pas vrai ! J’ai dit t’remuer !
La puissante main vint attraper le col du malheureux lieutenant, avant de l’envoyer valdinguer contre un petit groupe de soldat qui ne savait pas vraiment quoi faire en pareille circonstance, pourtant habituelle. Curieusement, lorsque leur supérieur vint s’écraser devant eux, ils s’écartèrent. On ne considérait pourtant pas dans le Stirland que les pavés constituaient un repas de choix.
-Vous autres ! ‘en êtes où ?! M’avez monté toutes les caisses de boustifaille ?!
Une seconde d’hésitation, plusieurs regards, et celui des soldats qui savait le mieux s’exprimer fut expulsé du groupe, manquant de trébucher sur le lieutenant.
-Monsieur, euh… oui, il ne reste plus que quelques caisses… fit-il timidement.
-Combien ?! répliqua le capitaine, montrant par là qu’il ne faisait que chercher une raison pour « s’mettre en rogne vénère ».
-Une dizaine, monsieur !
-‘avez dix minutes ! Dans dix minutes, j’veux vous voir sur l’chemin d’ronde !
-Pour… ?
-Eh, duschnock, t’as pas l’impression qu’y’a des flèches à planter ? Et d’autres trucs à mettre ?!
-Les… flèches à planter… ?
-T’as vu des carquois, connard ?! Non, alors, vous me prenez les flèches, et vous les planter !
-Mais… mon capitaine, y’a pas d’terre sur l’chemin d’ronde, glissa un courageux soldat.
-Alors vous les poser ! Merde à la fin ! Et vous m’réveillez c’lui là ! ordonna Rodörfy en désignant le lieutenant qui était toujours ventre à terre. Et vous vous démerdez, merde à la fin ! Vous vous sortez l’doigts du dersch, et vous mettez tout ça en place ! Inspect… contrôle dans vingt minutes !
Sur quoi, le capitaine remonta l’escalier tout aussi bruyamment qu’il en était descendu, grognant à chaque marche et lançant des regards noirs à quiconque croisait son chemin.
C’était ça, la méthode Rodörfy.
Les armoiries militaires du Grand Comté du Stirland
Et comme c’était la sienne, il ne fallait pas s’attendre à la voir pratiquée par d’autres.
Le capitaine Klemens zu Hochschleswigl était un homme des plus singuliers. D’une stature avantageuse, il ne manquait jamais de faire état tant de sa beauté que de ses aptitudes aussi bien martiales que stratégiques. C’était un bel aristocrate du Stirland, au « sang pur » et poursuivi par mille créanciers. Entre deux campagnes militaires, il faisait une halte dans l’une des capitales de l’Empire afin d’y séduire une riche héritière, repoussant encore un peu l’échéance fatale où ses dettes finiraient pas le couler définitivement. C’était un homme d’une beauté rare. Si grand et mince qu’il était, il conservait des bras puissants et avait plusieurs fois prouvé qu’il savait courir presque aussi vite qu’un cheval lancé au galop. Toujours vêtu selon la mode d’Altdorf, on lui donnait des accents efféminés. Chaque jour, c’était une nouvelle boucle d’oreille qu’il se plaisait à assortir avec sa tenue. C’était une préoccupation obsessionnelle. Tout le monde savait qu’il avait voulu obtenir le grade de lieutenant de marine au sein de la Patrouille Fluviale du Stir uniquement pour pouvoir rajouter au vert et au jaune la couleur du Reikland. S’il réussit la chose avec brio, il n’en demeurait pas moins très sensible au mal de mer, y compris en eau douce. De toute façon, Klemens n’avait jamais imaginé demeurer très longtemps sur une caravelle. Il y avait des avantages, ça oui. Déjà, il était plus difficile pour ses banquiers de le poursuivre. Mais il y avait un inconvénient à ce point majeur que la carrière classique et pourtant laborieuse devenait un paradis de plaisir et de jouissance. Comme il n’y avait pratiquement aucun camp militaire dans le Grand Comté, la troupe logeait constamment parmi la populace. L’intérêt économique était évident. Déjà, il n’y avait pas à endurer les frais accompagnant l’entretien d’une pareille structure, mais mieux encore, les soldes des soldats et des officiers revenaient à l’État, et ce par le biais du fabuleux système fiscal établi des siècles auparavant dont l’assiette prenait en compte les revenus des bordels et des maisons closes. En soit, zu Hochschleswigl pouvait presque prétendre à un devoir civique.
Devoir qu’il accomplissait justement.
Dans l’une de ces bâtisses misérables dont le Stirland avait le secret, il passait du bon temps. Chevauchant cette fois-ci une brunette dont il avait oublié le nom sitôt qu’il l’eut entendu, il s’appliquait à faire travailler son bassin. Entre deux rythmes, son regard se portait soit sur sa coupe de vin, soit sur les murs et les quelques meubles du taudis. De la paille sur un plancher moisi, des rideaux en guenilles, des briques poreuses, et un froid tel que la chose était bien nécessaire. Sans faire attention aux gémissements et parfois aux plaintes de la jeune fille, qui ne devait pas être bien âgée, Klemens embrassait plusieurs activités à la fois. Insomniaque comme il était, il avait non seulement du temps à écouler, mais également un désir inassouvi d’action. Il ne pouvait pas rester sans rien faire. D’un teint livide, il concurrençait bien Rodörfy quant au tabac et à la boisson, mais le surclassait carrément en matière de sexe. Certes, cela entraînait parfois quelques accidents fâcheux. Combien de fois n’alla-t-il pas aborder une charmante damoiselle qui tenait précisément un de ses nombreux bâtards ? Assurément, aux banquiers s’ajoutaient ainsi familles et… « investisseurs ». Klemens était connu. Sa réputation s’étendait jusqu’à Praag, et un de ses amis avait même entendu parler de lui à Bordeleaux. Des clients comme lui, les « gagneuses » n’en voyaient pas tous les jours. C’était un amant exceptionnel. Ça, on pouvait le lui accorder. D’ailleurs, il mettait un point d’honneur à en finir seulement sa location épuisée. Officier qu’il était, zu Hochschleswigl n’était pas idiot. Pour fuir, mieux valait ralentir. Tout était bon pour lui, du tant que cela le faisait tenir. Il jouissait déjà de formidables aptitudes, qu’il renforçait par son intérêt exagéré pour toute chose qui aiguisait sa curiosité, et n’hésitait pas à noter l’exercice pendant celui-ci : « Frigide, à dû s’y prendre à trois fois », « Il me faut la dresser, elle me la mordu », « Humide, j’ai été bon », ou encore « Odeur de poulet rime avec prend ton pied ».
Charismatique, rusé, narcissique, clairvoyant, Klemens zu Hochschleswigl était un des officiers préférés d’Anton Ludenhof. Ses habitudes l’empêchaient d’être affiché en public alors que le gouvernement du comte se faisait le défenseur de la veuve et de l’orphelin, le tout en fixant des quotas précis aux contrôleurs des impôts, mais le commandant suprême retrouvait chez lui les mêmes qualités que chez Rodörfy, sans les défauts notoires. Respecté par ses hommes, presque adulé, il faisait du très bon travail. Touche à tout, il avait des avis pertinents sur chaque matière militaire. Dans telle situation, il savait quelle arme était la plus appropriée, quelle formation adopter, ou encore quelle calibre d’artillerie il fallait utiliser.
Et en parlant de calibre, il ne se sous-estimait pas.
-Monsieur… ! gémit la jeune fille. R’lentissez !
-Moui… ? Ah. Oui, j’ai presque fini. « Les Talabeclanders débarquent ».
Écrivant ce commentaire dans son petit carnet, il fut dérangé dans l’accomplissement de sa tâche. Quelqu’un frappait à la porte.
-Oui, qu’y a-t-il ? demanda Klemens en continuant d’aller et venir.
-Ouuuh…
-Monsieur le capitaine !
-Oui ?
-Ouiiiiii… !
-On vous fait mander !
-Aaaaaaah ! Oui, oui, oui !
-Et qui ça ?
-Oui ! Allez !
-Le lieutenant von Kröneld, mon capitaine !
-Alleeeeeeez !
-Á propos de ?
-Vas-y !
-Il a rassemblé le contingent !
-Eh ho, je parle là, tu permets ? C’est à quel sujet ?
-Le contingent est rassemblé monsieur !
-Ho, ho, ho, ho…
-Je finis le boulot, et j’arrive pour l’inspection !
-J’vous attends là mon capitaine ?
-Oh p’tain… Die Kühe !
-J’en ai encore pour une bonne vingtaine de minutes, là !
-Wahs ?!
-Ah oui, quand même ! Bon, eh bien, j’vais pas vous déranger plus que ça, capitaine !
-Non, non ! Pensez donc !
-J’transmets un ordre, monsieur ?
-Hmmm… le commandant… Ah ! Prends donc !
-Ah !
-Pardon ?
-Oui, le commandant su… prême ! Il a demandé qu’on mette en place des bûchers !
-Des bûchers ?
-Ex… act !
-Ooooooh… !
-Mais où on va trouver l’bois pour ça ?
-Parlez-en à Kröneld, il est déjà au cour… ant ! Haha ! Moins la fière là ?!
-Oh… Oh.
-Oui, j’ai envoyé un aide de camp tout à l’heure !
-Ah, bon, ben, j’vais voir ça alors !
-C’est ça mon brave ! Faîtes donc !
-Rhaaaaa… !
-Mes respects mon capitaine !
-Ah ! Question ! Ne partez pas encore ! Vous avez froid ou pas ?
-Euuuuh… c'est-à-dire qu’j’ai toujours plus ou moins froid mon capitaine…
-Bon ben, dans vingt, vingt-cinq minutes, la place sera chaude !
-Oh !
-Ah ! Très généreux d’vot part, monsieur l’capitaine !
-Allons, all… ons ! Vous faîtes un travail formidable ! Continuez comme ça mon brave !
-Merci mon capitaine ! Mes respects !
-Á toute à l’heure ! Bon, et toi, tu crois que je vais tout faire tout seul ? On change de position.
C’était également… une méthode. Celle de Klemens zu Hochschleswigl.
Anton, qui peut écrire ça en écoutant "The Bonnie Blue Flag" ou "The Battle Hymn of the Republic" :winner:
Petite précision : non, je n'ai pas écrit ça en réponse avec vos allusions machistes
***
-Allez, merde ! Grouille-toi !
-Ah, me saoule pas ! T’vois pas que j’ai d’jà les mains prises ?!
-Tu fais ce qu’j’te dis !
-Va te faire, t’es pas officier !
-Tu veux aller l’dire au capitaine Rodörfy p’tètre ?!
-C’bien c’que j’dis, t’es pas l’capitaine !
-C’qui qu’est chargé de gérer tout ça ? Moi ou toi ? Hein, p’tite mouisaille ?
-Ouh ! C’que tu m’gaves ! Tiens, porte donc ! Connard !
Le soldat jeta alors la caisse sur les pieds de son collègue. Celui cria de douleur, insultant à tout va et se mordant les doigts pour se retenir désespérément.
-Ah ! Mais qu’il est con c’lui là !
-‘fallait pas me gonfler, ‘toi l’con… allez, au plaisir hein !
L’insatisfait ne le fut pas de son geste et s’en retourna vers le reste de la compagnie. Il n’était pas vraiment considéré comme un mauvais soldat, mais tout le monde savait qu’il ne fallait pas le pousser à bout.
Le lieutenant aussi le savait. Assis sur une marche et massant ses pieds écrasés, il ne vit pas l’imposante silhouette qui le regardait fixement en haut de l’escalier. Lorsqu’il entendit des pas se rapprochaient, des pas lents et lourds, résonnant de toutes parts sur armure et cotte de maille, il s’arrêta net. Serrant les dents, il se retourna. Lentement. Très lentement.
-J’peux savoir c’que tu fous là, toi ?!
-C’est que…
-Ta gueule ! J’t’ai posé une question ? Non ! Tu la ferme ! Tu la boucle ! Qu’est-ce que ça veut dire ?! Ah, monsieur veut faire son bonhomme ! Monsieur se met dans son coin et s’gratte la couenne !
-Mais, mon…
-Ta gueule j’ai dit ! Ta-gueule ! Tu la ferme ! Dézobéichant avec… Attends. « Dézobé… ». Merde. **** ! « Désobéichiant » ! Ouais, voilà ! « Désobéichiant » avec ça !
L’homme qui engueulait celui qui avait tenté d’engueuler était le capitaine Joseff Rodörfy. Il mesurait près deux mètres et était aussi large qu’une armoire. Il ne lui aurait manqué que la poignée pour qu’il s’ouvre. Et comme si stature ne suffisait pas, son armure le rendait encore plus immense qu’il n’était déjà. Il la portait constamment. Jamais ses soldats ne l’avaient vu l’enlever. L’élégance n’était certes pas de mise à la guerre, mais là, on atteignait le paroxysme de cette idée. Des jambières aux vambraces en passant par l’imposant plastron, tout était dans un état des plus douteux. Bien que laquée de noir, la rouille apparaissait malgré tout par endroit. Les sangles étaient rongées, les plaques cabossées, les épaulettes fissurées, on se demandait bien comment un pareil assemblage pouvait tenir. Une armure complète coûtait une fortune, au-delà de qu’il était possible d’imaginer au vu de la solde d’un soldat, et l’on pouvait comprendre que celles-ci laissaient à désirer. Mais à ce point. Non, ce Rodörfy tenait fermement à sa réputation. De cet amas de ferraille, une tête chauve et garnie d’une barbe quasi rectangulaire dépassait. Une oreille en moins d’un côté, une incroyable balafre de l’autre, voilà ce qui rendait cet homme si terrifiant. On ne savait pas bien d’où venaient ces blessures. Alors, tout le monde y allait de sa petite histoire. Certains disaient que c’était son grand frère qui l’avait puni d’avoir joué au lieu de labourer. D’autres prétendaient que c’était contre un troll qui lui avait arraché d’un coup de patte ce qui n’avait pu se préserver d’une bonne esquive. Ou encore que c’était suite à un stupide pari. Il fallait dire aussi que cet officier picolait constamment. Il ne portait jamais de heaume, car cela l’empêchait de boire. Il avait d’ailleurs l’habitude de briser la bague de ses bouteilles plutôt que d’en retirer le bouchon. Tout le monde s’accordait à dire que la tâche était ardue, surtout lorsque l’on portait constamment des gants de fer. La seule partie qui n’était pas recouverte de métal était son postérieur. Suspecté à juste titre d’avoir une hygiène déplorable, il se grattait fréquemment le derrière, et se contentait de tirer ses chausses pour… émettre. Bien évidemment, l’armure ne suffisait pas à retenir les odeurs. S’il fallait parler de ses manières, par souci d’honnêteté, il faudrait en oublier les siennes : il buvait, fumait, bouffait, rotait, pétait, baisait. Le tout agrémenté d’un caractère violent, irascible au possible, et particulièrement grossier. Cependant, ce n’était pas pour rien qu’Anton Ludenhof avait défrayé la chronique en nommant cet animal à la tête d’une de casernes principales de Wurtbad. Certes, on le disait trop crétin pour fuir. La vérité était ailleurs. Seuls quelques officiers attentifs pouvaient percevoir que derrière cette figure se cachait quelque chose. Quelque chose de bon. Père de neuf enfants, dont seulement deux fils qui servaient également dans l’armée, il dépensait l’essentiel de sa solde à leurs besoins. Essayant tant bien que mal de compenser l’absence d’une mère qui en avait eu assez de rester allongé, tantôt pour subir, tantôt pour accoucher, et qui s’en était retourné dans quelques faubourgs malfamés d’une des grandes villes de l’Empire afin de « reprendre du métier », il s’était vite rendu compte que l’amour ne faisait pas tout. Comment concilier la distance d’un métier et la présence nécessaire que tout bon parent devait avoir auprès de ses enfants, et ce en assurant un revenu tout juste suffisant pour pourvoir aux besoins de cette nouvelle bourgeoisie vers laquelle Ludenhof les avait jetés ? L’éducation était une voie. Ainsi, il décida de redoubler d’ardeur pour leur offrir une place parmi l’une des écoles « abordables » de Wurtbad. Ce faisant, il s’attira malgré tout la rancœur de sa propre famille, lui reprochant son absence quasi-permanente. Une enveloppe, si elle signifiait beaucoup, ne remplaçait pas l’amour paternel. Et pourtant, il les aimait. Mais la vie continua à se moquer de lui. Rapidement, les enfants rattrapèrent son niveau intellectuel qui, il fallait bien l’avouer, n’était guère développé. Lui, tout ce qu’il savait, c’était en ayant entendu une ou deux phrases d’un de ses collègues, au point d’ailleurs qu’il doutait du nom des principaux ministres du comte Haupt-Anderssen, se contentant alors de les nommer par le premier titre qui lui venait. L’intelligence ne favorisant pas la compassion, à la distance vint s’ajouter le mépris, et la distance devint refuge.
Ludenhof le savait. Il le savait d’autant plus que désormais, ce misérable officier qui n’avait plus que sa bravoure et son aura guerrière sur la troupe, ne pouvait plus que lui être obéissant. C’était son pion préféré. Avec lui, le commandant suprême en eut fini avec les quelques généraux qui contestaient alors son autorité. L’affront que constituait la nomination de Rodörfy au poste de capitaine de la caserne du « Graumaslabl », quartier populaire de la capitale, avait montré à tous qu’il était le maître. Parmi les officiers observateurs, Swen Meltburg voyait en Joseff bien plus qu’un pauvre homme qui se raccrochait à l’idéal militaire. Il n’oubliait pas que c’était grâce à lui qu’il avait pu faire son entrée à la Cour, lorsqu’il était rentré de son lointain exil.
Joseff Rodörfy était idiot, brutal, malodorant, mais finalement habité de cette bonté cachée par une rage affichée, et qui ne se méritait que difficilement.
Manque de chance pour le lieutenant, il ne l’avait pas mérité.
-T’vas m’faire l’plaisir de te remuer le fondement ! C’est pas vrai ça ! J’sors à peine de ces foutus sout’rains, on s’est ramassé de la caillasse, on a passé ch’ais pas combien d’temps à tout réparer, et toi ! Toi, p’tit con, t’es vautré là ?! continua-t-il d’hurler, tellement penché sur le sous-officier que celui-ci ne pouvait se relever.
-Mais… mon capitaine… je…
-Mais ****, c’est pas vrai ! J’ai dit t’remuer !
La puissante main vint attraper le col du malheureux lieutenant, avant de l’envoyer valdinguer contre un petit groupe de soldat qui ne savait pas vraiment quoi faire en pareille circonstance, pourtant habituelle. Curieusement, lorsque leur supérieur vint s’écraser devant eux, ils s’écartèrent. On ne considérait pourtant pas dans le Stirland que les pavés constituaient un repas de choix.
-Vous autres ! ‘en êtes où ?! M’avez monté toutes les caisses de boustifaille ?!
Une seconde d’hésitation, plusieurs regards, et celui des soldats qui savait le mieux s’exprimer fut expulsé du groupe, manquant de trébucher sur le lieutenant.
-Monsieur, euh… oui, il ne reste plus que quelques caisses… fit-il timidement.
-Combien ?! répliqua le capitaine, montrant par là qu’il ne faisait que chercher une raison pour « s’mettre en rogne vénère ».
-Une dizaine, monsieur !
-‘avez dix minutes ! Dans dix minutes, j’veux vous voir sur l’chemin d’ronde !
-Pour… ?
-Eh, duschnock, t’as pas l’impression qu’y’a des flèches à planter ? Et d’autres trucs à mettre ?!
-Les… flèches à planter… ?
-T’as vu des carquois, connard ?! Non, alors, vous me prenez les flèches, et vous les planter !
-Mais… mon capitaine, y’a pas d’terre sur l’chemin d’ronde, glissa un courageux soldat.
-Alors vous les poser ! Merde à la fin ! Et vous m’réveillez c’lui là ! ordonna Rodörfy en désignant le lieutenant qui était toujours ventre à terre. Et vous vous démerdez, merde à la fin ! Vous vous sortez l’doigts du dersch, et vous mettez tout ça en place ! Inspect… contrôle dans vingt minutes !
Sur quoi, le capitaine remonta l’escalier tout aussi bruyamment qu’il en était descendu, grognant à chaque marche et lançant des regards noirs à quiconque croisait son chemin.
C’était ça, la méthode Rodörfy.
Les armoiries militaires du Grand Comté du Stirland
Et comme c’était la sienne, il ne fallait pas s’attendre à la voir pratiquée par d’autres.
Le capitaine Klemens zu Hochschleswigl était un homme des plus singuliers. D’une stature avantageuse, il ne manquait jamais de faire état tant de sa beauté que de ses aptitudes aussi bien martiales que stratégiques. C’était un bel aristocrate du Stirland, au « sang pur » et poursuivi par mille créanciers. Entre deux campagnes militaires, il faisait une halte dans l’une des capitales de l’Empire afin d’y séduire une riche héritière, repoussant encore un peu l’échéance fatale où ses dettes finiraient pas le couler définitivement. C’était un homme d’une beauté rare. Si grand et mince qu’il était, il conservait des bras puissants et avait plusieurs fois prouvé qu’il savait courir presque aussi vite qu’un cheval lancé au galop. Toujours vêtu selon la mode d’Altdorf, on lui donnait des accents efféminés. Chaque jour, c’était une nouvelle boucle d’oreille qu’il se plaisait à assortir avec sa tenue. C’était une préoccupation obsessionnelle. Tout le monde savait qu’il avait voulu obtenir le grade de lieutenant de marine au sein de la Patrouille Fluviale du Stir uniquement pour pouvoir rajouter au vert et au jaune la couleur du Reikland. S’il réussit la chose avec brio, il n’en demeurait pas moins très sensible au mal de mer, y compris en eau douce. De toute façon, Klemens n’avait jamais imaginé demeurer très longtemps sur une caravelle. Il y avait des avantages, ça oui. Déjà, il était plus difficile pour ses banquiers de le poursuivre. Mais il y avait un inconvénient à ce point majeur que la carrière classique et pourtant laborieuse devenait un paradis de plaisir et de jouissance. Comme il n’y avait pratiquement aucun camp militaire dans le Grand Comté, la troupe logeait constamment parmi la populace. L’intérêt économique était évident. Déjà, il n’y avait pas à endurer les frais accompagnant l’entretien d’une pareille structure, mais mieux encore, les soldes des soldats et des officiers revenaient à l’État, et ce par le biais du fabuleux système fiscal établi des siècles auparavant dont l’assiette prenait en compte les revenus des bordels et des maisons closes. En soit, zu Hochschleswigl pouvait presque prétendre à un devoir civique.
Devoir qu’il accomplissait justement.
Dans l’une de ces bâtisses misérables dont le Stirland avait le secret, il passait du bon temps. Chevauchant cette fois-ci une brunette dont il avait oublié le nom sitôt qu’il l’eut entendu, il s’appliquait à faire travailler son bassin. Entre deux rythmes, son regard se portait soit sur sa coupe de vin, soit sur les murs et les quelques meubles du taudis. De la paille sur un plancher moisi, des rideaux en guenilles, des briques poreuses, et un froid tel que la chose était bien nécessaire. Sans faire attention aux gémissements et parfois aux plaintes de la jeune fille, qui ne devait pas être bien âgée, Klemens embrassait plusieurs activités à la fois. Insomniaque comme il était, il avait non seulement du temps à écouler, mais également un désir inassouvi d’action. Il ne pouvait pas rester sans rien faire. D’un teint livide, il concurrençait bien Rodörfy quant au tabac et à la boisson, mais le surclassait carrément en matière de sexe. Certes, cela entraînait parfois quelques accidents fâcheux. Combien de fois n’alla-t-il pas aborder une charmante damoiselle qui tenait précisément un de ses nombreux bâtards ? Assurément, aux banquiers s’ajoutaient ainsi familles et… « investisseurs ». Klemens était connu. Sa réputation s’étendait jusqu’à Praag, et un de ses amis avait même entendu parler de lui à Bordeleaux. Des clients comme lui, les « gagneuses » n’en voyaient pas tous les jours. C’était un amant exceptionnel. Ça, on pouvait le lui accorder. D’ailleurs, il mettait un point d’honneur à en finir seulement sa location épuisée. Officier qu’il était, zu Hochschleswigl n’était pas idiot. Pour fuir, mieux valait ralentir. Tout était bon pour lui, du tant que cela le faisait tenir. Il jouissait déjà de formidables aptitudes, qu’il renforçait par son intérêt exagéré pour toute chose qui aiguisait sa curiosité, et n’hésitait pas à noter l’exercice pendant celui-ci : « Frigide, à dû s’y prendre à trois fois », « Il me faut la dresser, elle me la mordu », « Humide, j’ai été bon », ou encore « Odeur de poulet rime avec prend ton pied ».
Charismatique, rusé, narcissique, clairvoyant, Klemens zu Hochschleswigl était un des officiers préférés d’Anton Ludenhof. Ses habitudes l’empêchaient d’être affiché en public alors que le gouvernement du comte se faisait le défenseur de la veuve et de l’orphelin, le tout en fixant des quotas précis aux contrôleurs des impôts, mais le commandant suprême retrouvait chez lui les mêmes qualités que chez Rodörfy, sans les défauts notoires. Respecté par ses hommes, presque adulé, il faisait du très bon travail. Touche à tout, il avait des avis pertinents sur chaque matière militaire. Dans telle situation, il savait quelle arme était la plus appropriée, quelle formation adopter, ou encore quelle calibre d’artillerie il fallait utiliser.
Et en parlant de calibre, il ne se sous-estimait pas.
-Monsieur… ! gémit la jeune fille. R’lentissez !
-Moui… ? Ah. Oui, j’ai presque fini. « Les Talabeclanders débarquent ».
Écrivant ce commentaire dans son petit carnet, il fut dérangé dans l’accomplissement de sa tâche. Quelqu’un frappait à la porte.
-Oui, qu’y a-t-il ? demanda Klemens en continuant d’aller et venir.
-Ouuuh…
-Monsieur le capitaine !
-Oui ?
-Ouiiiiii… !
-On vous fait mander !
-Aaaaaaah ! Oui, oui, oui !
-Et qui ça ?
-Oui ! Allez !
-Le lieutenant von Kröneld, mon capitaine !
-Alleeeeeeez !
-Á propos de ?
-Vas-y !
-Il a rassemblé le contingent !
-Eh ho, je parle là, tu permets ? C’est à quel sujet ?
-Le contingent est rassemblé monsieur !
-Ho, ho, ho, ho…
-Je finis le boulot, et j’arrive pour l’inspection !
-J’vous attends là mon capitaine ?
-Oh p’tain… Die Kühe !
-J’en ai encore pour une bonne vingtaine de minutes, là !
-Wahs ?!
-Ah oui, quand même ! Bon, eh bien, j’vais pas vous déranger plus que ça, capitaine !
-Non, non ! Pensez donc !
-J’transmets un ordre, monsieur ?
-Hmmm… le commandant… Ah ! Prends donc !
-Ah !
-Pardon ?
-Oui, le commandant su… prême ! Il a demandé qu’on mette en place des bûchers !
-Des bûchers ?
-Ex… act !
-Ooooooh… !
-Mais où on va trouver l’bois pour ça ?
-Parlez-en à Kröneld, il est déjà au cour… ant ! Haha ! Moins la fière là ?!
-Oh… Oh.
-Oui, j’ai envoyé un aide de camp tout à l’heure !
-Ah, bon, ben, j’vais voir ça alors !
-C’est ça mon brave ! Faîtes donc !
-Rhaaaaa… !
-Mes respects mon capitaine !
-Ah ! Question ! Ne partez pas encore ! Vous avez froid ou pas ?
-Euuuuh… c'est-à-dire qu’j’ai toujours plus ou moins froid mon capitaine…
-Bon ben, dans vingt, vingt-cinq minutes, la place sera chaude !
-Oh !
-Ah ! Très généreux d’vot part, monsieur l’capitaine !
-Allons, all… ons ! Vous faîtes un travail formidable ! Continuez comme ça mon brave !
-Merci mon capitaine ! Mes respects !
-Á toute à l’heure ! Bon, et toi, tu crois que je vais tout faire tout seul ? On change de position.
C’était également… une méthode. Celle de Klemens zu Hochschleswigl.
Anton, qui peut écrire ça en écoutant "The Bonnie Blue Flag" ou "The Battle Hymn of the Republic" :winner:
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Re: Le siège de Leicheberg
Jeu 24 Nov 2011 - 18:57
Ouh... Encore une longue suite... Faut avoir le courage... en si peu de temps en plus...
Bref, Voilà deux nouveaux personnages intéressants. J'ai bien aimé le dernier dialogue, la confusion rajoute du comique
Par contre, relis-toi, surtout dans la partie supérieure au dessin. Quelques fautes de syntaxe perturbantes, Rodorfy qui hérite de deux "f" et une phrase qui n'a pas de sens :
Voilà voilà! Je te dis bravo, car tu es le premier à nous faire patienter aussi longtemps avant une bataille tout en faisant apprécier ton texte.
Bref, Voilà deux nouveaux personnages intéressants. J'ai bien aimé le dernier dialogue, la confusion rajoute du comique
Par contre, relis-toi, surtout dans la partie supérieure au dessin. Quelques fautes de syntaxe perturbantes, Rodorfy qui hérite de deux "f" et une phrase qui n'a pas de sens :
Je suppose que tu voulais dire "lorsqu'il entendit des pas se rapprocher" ?Lorsqu’il entendit chaque pas se rapprochait
Voilà voilà! Je te dis bravo, car tu es le premier à nous faire patienter aussi longtemps avant une bataille tout en faisant apprécier ton texte.
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Re: Le siège de Leicheberg
Jeu 24 Nov 2011 - 21:02
Ah non, non, "lorsqu'il entendit / chaque pas / se rapprochait", ça me choque pas...
Oui, le double "ff", argh, je l'avais retiré déjà une fois
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Re: Le siège de Leicheberg
Ven 25 Nov 2011 - 15:41
Mmm... Je vois ce que tu voulais faire. Mais ça laisse quand même une faute de syntaxe assez perturbante.
On a l'impression qu'il manque un "qui" : "lorsqu'il entendit chaque pas qui se rapprochait"
On a l'impression qu'il manque un "qui" : "lorsqu'il entendit chaque pas qui se rapprochait"
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Re: Le siège de Leicheberg
Ven 25 Nov 2011 - 15:47
Eh ben j'ai reformulé
(joli coup d'oeil en tout cas )
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Re: Le siège de Leicheberg
Ven 25 Nov 2011 - 15:48
joli coup d'oeil en tout cas
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Re: Le siège de Leicheberg
Mer 30 Nov 2011 - 23:41
Me voilà remis à jour!
Bonne intro pour ces deux capitaines; ça donne de la personnalité à toute cette troupe qui se prépare pour la bataille.
Excellente ambiance une fois de plus
Bonne intro pour ces deux capitaines; ça donne de la personnalité à toute cette troupe qui se prépare pour la bataille.
Excellente ambiance une fois de plus
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- Anton LudenhofChampion squelette
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 14 Mai 2013 - 14:13
Bonjour à tous !
Eh oui, j’ai décidé de reprendre la suite du récit, après une pause. Une bonne pause, oui ! (plus d'un an !)
Dans les couloirs sombres et humides des souterrains de Leicheberg, quelques soldats s’avançaient. Leurs torches agrandissaient les ombres, faisant reculer pour un temps la vermine, et donnant un nouveau jour à la pourriture des sols et des murs. Au son de leurs bottes ferrées, du clinquement des armes, des armures, et des chaînes, s’ajoutait celui des gouttes, venant de quelques latrines situées plus haut, chacune d’elles venant se rajouter à la mare. Une odeur nauséabonde flottait tel un brouillard. La pierre était froide, usée, solide. Deux hommes peinaient à se tenir côte à côte dans l’étroitesse de ces corridors.
On entendait les échos de cris d’agonie.
Ces hommes portaient la livrée des soldats de Waldenhof. Leurs uniformes les distinguaient nettement des autres. De sombres pourpoints aux crevés mauves, ils portaient des atours sinistres. Des crânes, oui, en médaillons et en babioles, mais tout autant en os. Des parchemins déchirés et fixés par de la cire à cacheter. Depuis combien de temps le sceau de Sigmar avait-il écrasé cette chaleur sur des armures aussi froides que les âmes de ces hommes ?
Aloïs von Rinauer ne s’en souvenait plus. Il les avait menés dans les contrées les plus sordides du Vieux Monde. La Drakwald, les Monts du Milieu, le Siège de Middenheim, le Pays des Trolls… la Sylvanie ne représentait à leurs yeux qu’un camp d’entraînement, tout au plus.
Ce n’était pas un officier. C’était bien plus que cela. C’était un meneur. Il n’était peut-être pas bien grand, mais aussi fort qu’un Bretonnien, des bras puissants qui se plaisaient à manier la rapière avec la férocité d’une flamberge. La longue cape écarlate qu’il portait indiquait qu’il avait fait partie de ce corps d’élite exceptionnelle, la garde du Comte Electeur. Que s’était-il passé, entre la marche triomphante des halls dorés des palais de Wurtbad, jusqu’à ce visage creusé, blafard que la fine barbe entourant ses lèvres scellés peinait à y apporter une nuance. De son seul œil valide, un regard noir s’adressait à tout ceux qui se dressait devant lui.
Ils avançaient. Lui et les quelques hommes qu’il avait choisi parmi son régiment, cinq braves parmi les braves. Mais pas tellement plus braves. Des soldats de Waldenhof.
La marche s’arrêta devant une immense porte. Derrière elle, le couloir aux cachots.
Des dizaines de cellules, de part et d’autres. Ce n’était pas d’ici que provenaient les cris de souffrance, on n’y entendait là que des plaintes et des gémissements. Aloïs, sans ralentir sa marche, aperçut des figures familières.
La mère et ses petits, ceux qu’il avait envoyé la veille dans cet enfer. Il leur fit un clin d’œil.
Le geôlier, un homme sale, gras et à la voix couinante vint à lui, refermant derrière lui une grille.
-Monsieur viendrait-il inspecter moune travail ? Ghinur pour vous servouir.
-Je vous regarde et je le juge.
-Et qu’en est-il dès lours ?
-Vous excellez dans vos fonctions.
-Alors que pouis-je ?
-Conduisez nous vers cet éclaireur.
-Louiquel ?
Un des hommes vint poser avec force sa main sur l’épaule du geôlier.
-Mon capitaine ne se répète pas. Avance avant que ma lame ne te retire la protubérance que tu traînes.
-Oooh ?
-Je n’aurais pas mieux dit, Tërnberg. Vous l’avez entendu ?
-Je vouis y condouis.
Parcourant ce couloir parsemé de mains mendiantes, Aloïs perçut un autre homme, portant la même armure de geôlier que celle de leur guide. Il bloquait entre deux murs un corps, affaibli, malade, nu. Les coups de bassins qu’il donnait en ricanant ne donnèrent qu’une image à von Rinauer : Hoschleswigl.
A peine eut-il pensé à cet autre capitaine que le boudiné gardien s’arrêta devant une grille, et se dépêcha de l’ouvrir sous le regard insistant de Tërnberg.
Plusieurs hommes se trouvaient là, étendus sur le sol, mangeant de la paille moisie, léchant l’humidité des pierres. Un ou deux enfants aussi. Et installé confortablement, plaqué et attaché à un mur glacial, Markus Lied, inconscient. Les soldats de Waldenhof repoussèrent Ghinur, et s’imposèrent autour de leur supérieur, sans merci pour les corps allongés.
-Il est là depuis combien de temps ? demanda Aloïs, sans regarder celui qui les avait conduit ici.
-Oh, depouis jouste quelques heures. On l’a mouis ici pour savoir ce qu’il savait…
-Tërnberg, va dire à ce pachyderme que mes questions n’attendent qu’une réponse strictement attendue. Pas de commentaires superflus.
-‘vos ordres, capitaine.
Couinant de peur de l’autre côté de la grille, le geôlier regarda frénétiquement aussi bien l’officier que le soldat qui s’avançait vers lui. Puis, trop effrayé, il se mit à fuir, à se traîner.
-Il ne court pas bien vite.
-Alors tu devrais en avoir vite fini.
-Combien en désirez-vous ?
-Comme à ton habitude.
-Alors va pour trois.
Trois doigts. De préférence, le majeur, l’auriculaire et l’index de la main droite. Mais comme le geôlier avait ouvert les cellules de la main gauche, il y aurait une exception.
Aloïs fit signe à l’un de ses épéistes de réveiller l’éclaireur. La gifle d’une main gantée de mailles avait de quoi tirer de la torpeur n’importe quel esprit, pourtant bien décidé à demeurer dans le calme relatif de ses songes.
Lied poussa un cri de colère, puis de peur en voyant ces soldats. Ils savaient que la dernière fois qu’il avait vu un uniforme, il avait beaucoup souffert.
-Bien dormi, Lied ?
-Mais… mais ! Pourquoi suis-je ici ?!
-Tu devrais commencer à le savoir. On m’a fait comprendre que tu étais là depuis quelques temps, n’est-ce pas ?
On entendit Tërnberg. « Et de un ! », suivi de supplications et de signes manifestes de douleurs.
-J’en sais rien… j’en sais rien…
-Tu es ici car on a lu ton rapport. On ne peut plus préoccupant. Tu en conviendras ?
« Et de deux ! »
Aloïs von Rinauer, capitaine des régiments de Waldenhof et de Marburg
-J’ai rien écrit… du tout… !
-Non, ça, on l’a fait pour toi. Mais tu as quand même déclaré quelques éléments ? ‘propos de Neuheim et de ton collègue ?
-Fritz… il s’en est sorti ?
-Je n’en ai aucune idée. Si tu réponds correctement, je te permettrais sûrement d’aller le voir, s’il est là. Alors, alors… continua Aloïs en se rapprochant. Oh, le travail a déjà été commencé on dirait.
Les bras de Lied étaient entaillés de toutes parts, son buste avait des traces de brûlures et ses jambes étaient recouvertes d’hématomes. C’était de la torture barbare. Sans complexité, et d’une efficacité douteuse.
-Bien, bien, bien… fit von Rinauer en tapotant dans ses mains. Par quoi allons-nous commencer ?
-Commencer quoi ?!
-Tu ne me réponds pas, laisse moi rétorquer, non ?
-Welche Fragge ? Vous ne m’avez pas posé de question !
-Oui… Et en fait ce n’est pas nécessaire. Je suis là pour m’assurer personnellement de la véracité de tes dires. Dossier, ordonna le capitaine à l’égard d’un de ses hommes.
Les quelques feuilles en main, Aloïs se mit à le parcourir.
-Messieurs, ne restaient pas plantés là. On ne va pas s’y prendre à main nue.
-Je peux vous faire une suggestion mon capitaine ?
« Et de trois ! »
-Fais donc.
Le soldat agrippa par le col la tunique en lambeaux d’une jeune fille. Se débattant, il lui mit une claque, avant d’en découper le tissu de sa dague. Repoussant la gamine, l’épéiste de Waldenhof retira sa genouillère, puis l’enroula du vêtement.
-Permettez ?
-Fais, fais.
Faisant tournoyer un moment son terrible outil, il se mit à sourire.
-Zum, zum, zum, fit-il en accompagnant son instrument, devant les yeux effrayés de Lied.
Le soldat donna soudain un coup sec dans le ventre de l’éclaireur.
Son hurlement fit reculer tous les prisonniers présents dans la cellule, sans faire ne serait-ce que sourciller les hommes de Waldenhof.
-Ingénieux. C’est fou ce que le ventre permet de faire. Tendre, mou, et sensible. Petrach, tu seras récompensé.
-Mon capitaine…
-Et quant à nous, Lied. Commençons.
Aloïs fit suivre de son index les lignes du rapport.
-Tu réponds oui ou non, et tu dis ensuite je confirme ou je ne confirme pas. C’est compris ?
-Ensuite… mais après quoi ?
Petrach vint apporter la douloureuse réponse.
-Tu indiques un nombre de quinze mille lances ?
-… oui !
-Petrach ?
-Oui, mon capitaine.
Le signal de la confirmation s’abattit de nouveau.
-Je… je ne confirme… pas… !
-Ah ? Explique-toi.
-On a pas tout vu. Je leur ai dit, je leur ai dit ! On a vu quinze mille lances, mais… on a pas vu le reste !
-Donc, tu ne confirmes pas ?
-Non.
-Ah, tu confirmes ?
-Non, je ne confirme pas.
-Je n’aime pas avoir à répéter, mes mots comme ceux des autres. Petrach…
-‘tout de suite.
Celui-ci n’attendait pas de confirmation.
-Continuons. Tu dis qu’ils auraient passé Neuheim ?
-Oui… oui… ! Gnade… je vous en prie !
-La procédure, la procédure. Petrach, je te prie.
-Je confirme ! Je confirme ! répondit Lied en hurlant et en se débattant.
-C’est du solide, ça tient bien, constata Aloïs en inspectant les attaches. Un sacré travail Ghinur !
-Je suis sûr qu’ils vous en sera reconnaissant, mon capitaine, ajouta Tërnberg, les rejoignant et rangeant sa dague ensanglantée.
-Oui, avec un pouce et un annulaire, on peut toujours pincer un nez.
-Plutôt utile dans cet endroit… poursuivons. Tu ne fais pas mention de l’état des cadavres. Tu peux préciser ?
-… ils… ils n’étaient pas tous en décompo… en décomposition…
-Ah, je crois que notre ami Markus a voulu triché, il n’a pas respecté les règles du jeu ; dois-je me répéter ?
-Quand le capitaine te pose une question, tu réponds oui ou non, et ensuite, tu confirmes, t’entends ?! lança Petrach avant de remplir son office.
-Je t’autorise cependant à développer ta première réponse.
-Y’avait des corps… intacts. Seulement… morts…
Aloïs fixa son regard sur quelque moisissure du mur. Il savait ce que Lied peinait à dire, et c’était la raison de sa venue. Classiquement, il savait qu’un cadavre réanimé était porteur d’une peste qui s’infectait par morsure, par griffure, ou par tout contact. Les victimes finissaient toujours par devenir comme leurs agresseurs. Mais là, c’était tout à fait différent. Si des corps étaient « intacts », cela ne pouvait signifier qu’une chose : pire que les légions des morts, une sombre magie était à l’œuvre. Non, pas une nécromancie. Quelque chose de plus dangereux encore. La nécromancie ne pouvait s’emparer ainsi des âmes mortelles, elle ne pouvait adhérer que sur des corps vidés de leurs résistances mentales.
-Mon capitaine ?
-Hum ?
-Tout va bien ?
-Dans ton rapport Lied, tu ne précises pas le nombre d’engins de sièges.
-Oui.
-Confirmation ?
-Non ! Non !
-Ah ?
-Nous n’avons pas pu nous rapprocher au point d’en voir ! Arrêtez, je vous en supplie !
-Plutôt insuffisant comme réponse ?
-Surtout totalement hors procédure.
-Mais… ! Ich fickhe euch in denn arhs ! Je suis un soldat du Stirland ! Vous ne pouvez pas vous en prendre à moi ainsi !
Von Rinauer se rapprocha alors de Markus Lied, jusqu’à prendre son visage dans la main droite, et à le fixer de son dernier œil.
-Comment voulez-vous… des précisions sur de telles estimations… ‘war zu dünkel… !
-Tu me dis qu’on ne peut exiger de toi aucune précision ?
-Sie wissen schon…
- « Na ja ». « Es klar ». Mais dis moi alors, sag mir, si l’on ne peut avoir de précisions de la part d’un éclaireur, c’est que cet éclaireur a mal fait son travail… n’est-ce pas ?
-Terminez-en.
-Oh, ne joue pas les durs. Tu vas chouiner. Nous sommes en guerre face à une chose dont on ne sait presque rien, et toi, et ton pote, vous êtes les seuls à être revenus avec des informations. Manque de bol pour toi, tu es le seul que l’on peut interroger. Le temps presse, tu nous excuseras nos manières, glissa Aloïs dans un sourire narquois, tout en caressant le visage meurtri de Lied.
-I’ch hab’ ‘les gesagt…
-Il ne reste plus qu’à s’assurer, encore un peu, de la véracité des tes propos. Petrach ?
L’épéiste se rapprocha.
-Zum, zum, mon capitaine ?
-Zum, zum, Petrach.
Il n’eut pas le temps de finir de faire tourner son instrument de torture que la porte des cachots s’ouvrit avec force.
-C’est qu’c’est pas de la mouisaille de ferraille c’te porte !
Aloïs fit signe à Tërnberg d’aller voir.
-Steinbrück, pour l’amour du ciel, taisez vous. Vous connaissez sa cellule ?
-Huuuum, huuuum !
-Rha, ça va ! Parlez !
-Une sur la droite. Monsieur Meltburg, elle est ouverte !
-De ?!
Von Rinauer serra avec force son poing. L’officier qui s’approchait était l’archétype des gradés qu’il haïssait dans l’armée du Stirland. Bourgeois au sang impur, plus compatissants que pragmatiques, c’étaient de véritables loques.
Il donna l’ordre à Petrach de cacher son outil. Pour le moment.
-Capitaine von Rinauer ?
-Mein Fürst ! lança Aloïs, baissant la tête mécaniquement, à l’instar de ses hommes.
-Mais que faîtes vous ici ?
-Très certainement la même chose que vous, Main du Prince, mais je suis surpris de vous voir en pareil endroit.
-Vous êtes venu interroger… Markus Lied ? soupçonna Swen, jetant un regard sur les soldats.
-Nous discutions, répondit Aloïs, fixant froidement Meltburg.
-C’est lui ? demanda-t-il, désignant l’homme attaché.
-C’est moi, mein Fürst…
Tërnberg donna un coup sec dans le bassin de l’éclaireur.
-On t’a invité à parler ?
-Soldat ! Vous frappez un de vos camarades ?! s’énerva Meltburg, commençant à sentir la colère monté, en voyant la misère de cette cellule.
-Hum, mein Fürst… vous ne donneriez pas un ordre à l’un de mes hommes… ? répliqua Aloïs, défiant Swen du regard.
-Détachez-le. Et partez.
-Nous n’avons pas fini avec lui.
-C’est vrai, il vous reste à le détacher. Dois-je me répéter, capitaine ? demanda la Main du Prince, à la stupéfaction de Steinbrück.
Von Rinauer se mit à trembler de rage. Avant d’ajouter sèchement :
-Petrach !
-Mon capitaine.
Et celui qui lui avait causait tant de souffrances libéra l’éclaireur.
-Maintenant, quittez les lieux.
-Il est tout à vous, mein Fürst. Mes respects.
Aloïs ordonna à ses hommes de le suivre, et ils quittèrent la cellule.
-‘risque de ne pas l’oublier…
-Il ne me portait déjà guère dans son cœur, je vous ai connu plus observateur, Steinbrück. Aidez Lied à marcher, nous allons discuter dans un endroit meilleur.
Marchant sous la colère, von Rinauer remonta tout le corridor des cellules, suivi de près par les siens. Dans un recoin, Ghinur, pleurnichant la perte de ses doigts.
-Lève-toi.
-Poutié…
-Lève-toi, j’ai dit. Ouvre cette grille.
Le geôlier s’exécuta, péniblement et douloureusement. Il se retourna vers l’officier, et celui-ci le poussa parmi les prisonniers en guenilles et avides de vengeance. Un clou, il y avait un vieux clou enfoncé dans le mur séparant les deux cellules. Aloïs l’arracha.
-Fredrich.
-A vos ordres.
Le soldat referma la grille, sous les couinements de Ghinur.
-Dis-toi que tu peux encore te pincer le nez, fit Aloïs en lançant dans le cachot le clou.
Nul doute que les prisonniers sauraient en faire bon usage.
Eh oui, j’ai décidé de reprendre la suite du récit, après une pause. Une bonne pause, oui ! (plus d'un an !)
Le Stirmarshall, Anton Ludenhof, se tient à Leicheberg, forteresse solide, mais délabrée, de la province orientale. La Sylvanie s’apprête à déverser sur les murailles de la citadelle, et il doit composer avec une armée dépitée et mal équipée, au milieu de civils effrayés et désemparés.
Pour se faire, le Commandant Suprême ne peut compter que sur son état-major, et tout particulièrement sur son second, Swen Meltburg, jeune Main du Prince, valeureux, mais encore loin d’être en mesure de l’égaler. Peut-il également composer avec Joseff Rodorfy, le patibulaire capitaine ou encore Klemens zu Hoschleswigl, officier aussi efféminée que lubrique ?
C’est un défi que le Stirland relève.
Dans les couloirs sombres et humides des souterrains de Leicheberg, quelques soldats s’avançaient. Leurs torches agrandissaient les ombres, faisant reculer pour un temps la vermine, et donnant un nouveau jour à la pourriture des sols et des murs. Au son de leurs bottes ferrées, du clinquement des armes, des armures, et des chaînes, s’ajoutait celui des gouttes, venant de quelques latrines situées plus haut, chacune d’elles venant se rajouter à la mare. Une odeur nauséabonde flottait tel un brouillard. La pierre était froide, usée, solide. Deux hommes peinaient à se tenir côte à côte dans l’étroitesse de ces corridors.
On entendait les échos de cris d’agonie.
Ces hommes portaient la livrée des soldats de Waldenhof. Leurs uniformes les distinguaient nettement des autres. De sombres pourpoints aux crevés mauves, ils portaient des atours sinistres. Des crânes, oui, en médaillons et en babioles, mais tout autant en os. Des parchemins déchirés et fixés par de la cire à cacheter. Depuis combien de temps le sceau de Sigmar avait-il écrasé cette chaleur sur des armures aussi froides que les âmes de ces hommes ?
Aloïs von Rinauer ne s’en souvenait plus. Il les avait menés dans les contrées les plus sordides du Vieux Monde. La Drakwald, les Monts du Milieu, le Siège de Middenheim, le Pays des Trolls… la Sylvanie ne représentait à leurs yeux qu’un camp d’entraînement, tout au plus.
Ce n’était pas un officier. C’était bien plus que cela. C’était un meneur. Il n’était peut-être pas bien grand, mais aussi fort qu’un Bretonnien, des bras puissants qui se plaisaient à manier la rapière avec la férocité d’une flamberge. La longue cape écarlate qu’il portait indiquait qu’il avait fait partie de ce corps d’élite exceptionnelle, la garde du Comte Electeur. Que s’était-il passé, entre la marche triomphante des halls dorés des palais de Wurtbad, jusqu’à ce visage creusé, blafard que la fine barbe entourant ses lèvres scellés peinait à y apporter une nuance. De son seul œil valide, un regard noir s’adressait à tout ceux qui se dressait devant lui.
Ils avançaient. Lui et les quelques hommes qu’il avait choisi parmi son régiment, cinq braves parmi les braves. Mais pas tellement plus braves. Des soldats de Waldenhof.
La marche s’arrêta devant une immense porte. Derrière elle, le couloir aux cachots.
Des dizaines de cellules, de part et d’autres. Ce n’était pas d’ici que provenaient les cris de souffrance, on n’y entendait là que des plaintes et des gémissements. Aloïs, sans ralentir sa marche, aperçut des figures familières.
La mère et ses petits, ceux qu’il avait envoyé la veille dans cet enfer. Il leur fit un clin d’œil.
Le geôlier, un homme sale, gras et à la voix couinante vint à lui, refermant derrière lui une grille.
-Monsieur viendrait-il inspecter moune travail ? Ghinur pour vous servouir.
-Je vous regarde et je le juge.
-Et qu’en est-il dès lours ?
-Vous excellez dans vos fonctions.
-Alors que pouis-je ?
-Conduisez nous vers cet éclaireur.
-Louiquel ?
Un des hommes vint poser avec force sa main sur l’épaule du geôlier.
-Mon capitaine ne se répète pas. Avance avant que ma lame ne te retire la protubérance que tu traînes.
-Oooh ?
-Je n’aurais pas mieux dit, Tërnberg. Vous l’avez entendu ?
-Je vouis y condouis.
Parcourant ce couloir parsemé de mains mendiantes, Aloïs perçut un autre homme, portant la même armure de geôlier que celle de leur guide. Il bloquait entre deux murs un corps, affaibli, malade, nu. Les coups de bassins qu’il donnait en ricanant ne donnèrent qu’une image à von Rinauer : Hoschleswigl.
A peine eut-il pensé à cet autre capitaine que le boudiné gardien s’arrêta devant une grille, et se dépêcha de l’ouvrir sous le regard insistant de Tërnberg.
Plusieurs hommes se trouvaient là, étendus sur le sol, mangeant de la paille moisie, léchant l’humidité des pierres. Un ou deux enfants aussi. Et installé confortablement, plaqué et attaché à un mur glacial, Markus Lied, inconscient. Les soldats de Waldenhof repoussèrent Ghinur, et s’imposèrent autour de leur supérieur, sans merci pour les corps allongés.
-Il est là depuis combien de temps ? demanda Aloïs, sans regarder celui qui les avait conduit ici.
-Oh, depouis jouste quelques heures. On l’a mouis ici pour savoir ce qu’il savait…
-Tërnberg, va dire à ce pachyderme que mes questions n’attendent qu’une réponse strictement attendue. Pas de commentaires superflus.
-‘vos ordres, capitaine.
Couinant de peur de l’autre côté de la grille, le geôlier regarda frénétiquement aussi bien l’officier que le soldat qui s’avançait vers lui. Puis, trop effrayé, il se mit à fuir, à se traîner.
-Il ne court pas bien vite.
-Alors tu devrais en avoir vite fini.
-Combien en désirez-vous ?
-Comme à ton habitude.
-Alors va pour trois.
Trois doigts. De préférence, le majeur, l’auriculaire et l’index de la main droite. Mais comme le geôlier avait ouvert les cellules de la main gauche, il y aurait une exception.
Aloïs fit signe à l’un de ses épéistes de réveiller l’éclaireur. La gifle d’une main gantée de mailles avait de quoi tirer de la torpeur n’importe quel esprit, pourtant bien décidé à demeurer dans le calme relatif de ses songes.
Lied poussa un cri de colère, puis de peur en voyant ces soldats. Ils savaient que la dernière fois qu’il avait vu un uniforme, il avait beaucoup souffert.
-Bien dormi, Lied ?
-Mais… mais ! Pourquoi suis-je ici ?!
-Tu devrais commencer à le savoir. On m’a fait comprendre que tu étais là depuis quelques temps, n’est-ce pas ?
On entendit Tërnberg. « Et de un ! », suivi de supplications et de signes manifestes de douleurs.
-J’en sais rien… j’en sais rien…
-Tu es ici car on a lu ton rapport. On ne peut plus préoccupant. Tu en conviendras ?
« Et de deux ! »
Aloïs von Rinauer, capitaine des régiments de Waldenhof et de Marburg
-J’ai rien écrit… du tout… !
-Non, ça, on l’a fait pour toi. Mais tu as quand même déclaré quelques éléments ? ‘propos de Neuheim et de ton collègue ?
-Fritz… il s’en est sorti ?
-Je n’en ai aucune idée. Si tu réponds correctement, je te permettrais sûrement d’aller le voir, s’il est là. Alors, alors… continua Aloïs en se rapprochant. Oh, le travail a déjà été commencé on dirait.
Les bras de Lied étaient entaillés de toutes parts, son buste avait des traces de brûlures et ses jambes étaient recouvertes d’hématomes. C’était de la torture barbare. Sans complexité, et d’une efficacité douteuse.
-Bien, bien, bien… fit von Rinauer en tapotant dans ses mains. Par quoi allons-nous commencer ?
-Commencer quoi ?!
-Tu ne me réponds pas, laisse moi rétorquer, non ?
-Welche Fragge ? Vous ne m’avez pas posé de question !
-Oui… Et en fait ce n’est pas nécessaire. Je suis là pour m’assurer personnellement de la véracité de tes dires. Dossier, ordonna le capitaine à l’égard d’un de ses hommes.
Les quelques feuilles en main, Aloïs se mit à le parcourir.
-Messieurs, ne restaient pas plantés là. On ne va pas s’y prendre à main nue.
-Je peux vous faire une suggestion mon capitaine ?
« Et de trois ! »
-Fais donc.
Le soldat agrippa par le col la tunique en lambeaux d’une jeune fille. Se débattant, il lui mit une claque, avant d’en découper le tissu de sa dague. Repoussant la gamine, l’épéiste de Waldenhof retira sa genouillère, puis l’enroula du vêtement.
-Permettez ?
-Fais, fais.
Faisant tournoyer un moment son terrible outil, il se mit à sourire.
-Zum, zum, zum, fit-il en accompagnant son instrument, devant les yeux effrayés de Lied.
Le soldat donna soudain un coup sec dans le ventre de l’éclaireur.
Son hurlement fit reculer tous les prisonniers présents dans la cellule, sans faire ne serait-ce que sourciller les hommes de Waldenhof.
-Ingénieux. C’est fou ce que le ventre permet de faire. Tendre, mou, et sensible. Petrach, tu seras récompensé.
-Mon capitaine…
-Et quant à nous, Lied. Commençons.
Aloïs fit suivre de son index les lignes du rapport.
-Tu réponds oui ou non, et tu dis ensuite je confirme ou je ne confirme pas. C’est compris ?
-Ensuite… mais après quoi ?
Petrach vint apporter la douloureuse réponse.
-Tu indiques un nombre de quinze mille lances ?
-… oui !
-Petrach ?
-Oui, mon capitaine.
Le signal de la confirmation s’abattit de nouveau.
-Je… je ne confirme… pas… !
-Ah ? Explique-toi.
-On a pas tout vu. Je leur ai dit, je leur ai dit ! On a vu quinze mille lances, mais… on a pas vu le reste !
-Donc, tu ne confirmes pas ?
-Non.
-Ah, tu confirmes ?
-Non, je ne confirme pas.
-Je n’aime pas avoir à répéter, mes mots comme ceux des autres. Petrach…
-‘tout de suite.
Celui-ci n’attendait pas de confirmation.
-Continuons. Tu dis qu’ils auraient passé Neuheim ?
-Oui… oui… ! Gnade… je vous en prie !
-La procédure, la procédure. Petrach, je te prie.
-Je confirme ! Je confirme ! répondit Lied en hurlant et en se débattant.
-C’est du solide, ça tient bien, constata Aloïs en inspectant les attaches. Un sacré travail Ghinur !
-Je suis sûr qu’ils vous en sera reconnaissant, mon capitaine, ajouta Tërnberg, les rejoignant et rangeant sa dague ensanglantée.
-Oui, avec un pouce et un annulaire, on peut toujours pincer un nez.
-Plutôt utile dans cet endroit… poursuivons. Tu ne fais pas mention de l’état des cadavres. Tu peux préciser ?
-… ils… ils n’étaient pas tous en décompo… en décomposition…
-Ah, je crois que notre ami Markus a voulu triché, il n’a pas respecté les règles du jeu ; dois-je me répéter ?
-Quand le capitaine te pose une question, tu réponds oui ou non, et ensuite, tu confirmes, t’entends ?! lança Petrach avant de remplir son office.
-Je t’autorise cependant à développer ta première réponse.
-Y’avait des corps… intacts. Seulement… morts…
Aloïs fixa son regard sur quelque moisissure du mur. Il savait ce que Lied peinait à dire, et c’était la raison de sa venue. Classiquement, il savait qu’un cadavre réanimé était porteur d’une peste qui s’infectait par morsure, par griffure, ou par tout contact. Les victimes finissaient toujours par devenir comme leurs agresseurs. Mais là, c’était tout à fait différent. Si des corps étaient « intacts », cela ne pouvait signifier qu’une chose : pire que les légions des morts, une sombre magie était à l’œuvre. Non, pas une nécromancie. Quelque chose de plus dangereux encore. La nécromancie ne pouvait s’emparer ainsi des âmes mortelles, elle ne pouvait adhérer que sur des corps vidés de leurs résistances mentales.
-Mon capitaine ?
-Hum ?
-Tout va bien ?
-Dans ton rapport Lied, tu ne précises pas le nombre d’engins de sièges.
-Oui.
-Confirmation ?
-Non ! Non !
-Ah ?
-Nous n’avons pas pu nous rapprocher au point d’en voir ! Arrêtez, je vous en supplie !
-Plutôt insuffisant comme réponse ?
-Surtout totalement hors procédure.
-Mais… ! Ich fickhe euch in denn arhs ! Je suis un soldat du Stirland ! Vous ne pouvez pas vous en prendre à moi ainsi !
Von Rinauer se rapprocha alors de Markus Lied, jusqu’à prendre son visage dans la main droite, et à le fixer de son dernier œil.
-Comment voulez-vous… des précisions sur de telles estimations… ‘war zu dünkel… !
-Tu me dis qu’on ne peut exiger de toi aucune précision ?
-Sie wissen schon…
- « Na ja ». « Es klar ». Mais dis moi alors, sag mir, si l’on ne peut avoir de précisions de la part d’un éclaireur, c’est que cet éclaireur a mal fait son travail… n’est-ce pas ?
-Terminez-en.
-Oh, ne joue pas les durs. Tu vas chouiner. Nous sommes en guerre face à une chose dont on ne sait presque rien, et toi, et ton pote, vous êtes les seuls à être revenus avec des informations. Manque de bol pour toi, tu es le seul que l’on peut interroger. Le temps presse, tu nous excuseras nos manières, glissa Aloïs dans un sourire narquois, tout en caressant le visage meurtri de Lied.
-I’ch hab’ ‘les gesagt…
-Il ne reste plus qu’à s’assurer, encore un peu, de la véracité des tes propos. Petrach ?
L’épéiste se rapprocha.
-Zum, zum, mon capitaine ?
-Zum, zum, Petrach.
Il n’eut pas le temps de finir de faire tourner son instrument de torture que la porte des cachots s’ouvrit avec force.
-C’est qu’c’est pas de la mouisaille de ferraille c’te porte !
Aloïs fit signe à Tërnberg d’aller voir.
-Steinbrück, pour l’amour du ciel, taisez vous. Vous connaissez sa cellule ?
-Huuuum, huuuum !
-Rha, ça va ! Parlez !
-Une sur la droite. Monsieur Meltburg, elle est ouverte !
-De ?!
Von Rinauer serra avec force son poing. L’officier qui s’approchait était l’archétype des gradés qu’il haïssait dans l’armée du Stirland. Bourgeois au sang impur, plus compatissants que pragmatiques, c’étaient de véritables loques.
Il donna l’ordre à Petrach de cacher son outil. Pour le moment.
-Capitaine von Rinauer ?
-Mein Fürst ! lança Aloïs, baissant la tête mécaniquement, à l’instar de ses hommes.
-Mais que faîtes vous ici ?
-Très certainement la même chose que vous, Main du Prince, mais je suis surpris de vous voir en pareil endroit.
-Vous êtes venu interroger… Markus Lied ? soupçonna Swen, jetant un regard sur les soldats.
-Nous discutions, répondit Aloïs, fixant froidement Meltburg.
-C’est lui ? demanda-t-il, désignant l’homme attaché.
-C’est moi, mein Fürst…
Tërnberg donna un coup sec dans le bassin de l’éclaireur.
-On t’a invité à parler ?
-Soldat ! Vous frappez un de vos camarades ?! s’énerva Meltburg, commençant à sentir la colère monté, en voyant la misère de cette cellule.
-Hum, mein Fürst… vous ne donneriez pas un ordre à l’un de mes hommes… ? répliqua Aloïs, défiant Swen du regard.
-Détachez-le. Et partez.
-Nous n’avons pas fini avec lui.
-C’est vrai, il vous reste à le détacher. Dois-je me répéter, capitaine ? demanda la Main du Prince, à la stupéfaction de Steinbrück.
Von Rinauer se mit à trembler de rage. Avant d’ajouter sèchement :
-Petrach !
-Mon capitaine.
Et celui qui lui avait causait tant de souffrances libéra l’éclaireur.
-Maintenant, quittez les lieux.
-Il est tout à vous, mein Fürst. Mes respects.
Aloïs ordonna à ses hommes de le suivre, et ils quittèrent la cellule.
-‘risque de ne pas l’oublier…
-Il ne me portait déjà guère dans son cœur, je vous ai connu plus observateur, Steinbrück. Aidez Lied à marcher, nous allons discuter dans un endroit meilleur.
Marchant sous la colère, von Rinauer remonta tout le corridor des cellules, suivi de près par les siens. Dans un recoin, Ghinur, pleurnichant la perte de ses doigts.
-Lève-toi.
-Poutié…
-Lève-toi, j’ai dit. Ouvre cette grille.
Le geôlier s’exécuta, péniblement et douloureusement. Il se retourna vers l’officier, et celui-ci le poussa parmi les prisonniers en guenilles et avides de vengeance. Un clou, il y avait un vieux clou enfoncé dans le mur séparant les deux cellules. Aloïs l’arracha.
-Fredrich.
-A vos ordres.
Le soldat referma la grille, sous les couinements de Ghinur.
-Dis-toi que tu peux encore te pincer le nez, fit Aloïs en lançant dans le cachot le clou.
Nul doute que les prisonniers sauraient en faire bon usage.
- GilgaladMaître floodeur
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 14 Mai 2013 - 17:01
Désolé je n'avais pas vu ton récit dans la section. Du coup je lirais tout ce soir pour rattraper mon énorme retard. J'ai lu quelques phrases et ça m'a l'air bien. Tu viens de gagner un nouveau lecteur.
Je posterai mes commentaires demain. Promis juré
Gilgalad
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 14 Mai 2013 - 17:40
Yop! Content de voir que tu reprends du service vieux pirate!
Bon, parlons du texte. La qualité est indéniable, comme toujours, et tu installes une ambiance qui n'appartient qu'à toi (encore renforcée par tes dessins). Les personnages sont originaux et plutôt crédibles, ce qui est un plus appréciable.
Cependant, je trouve que par moment on se perd un peu dans l'histoire, tout spécialement dans les dialogues un peu soutenus.
Je crois que le texte gagnerais énormément si tu prenais un peu plus le temps de décrire la scène entre les répliques. Là, les tirets s'enchaînent à une vitesse vertigineuse et on finit par ne plus très bien savoir qui dit quoi...
Ha! Et il faut vraiment que tu te relises. Je sais que ce ne sont que des fautes d'inatention, mais le texte est truffé de petites erreurs qui nuisent fort au plaisir de te lire.
Bon, parlons du texte. La qualité est indéniable, comme toujours, et tu installes une ambiance qui n'appartient qu'à toi (encore renforcée par tes dessins). Les personnages sont originaux et plutôt crédibles, ce qui est un plus appréciable.
Cependant, je trouve que par moment on se perd un peu dans l'histoire, tout spécialement dans les dialogues un peu soutenus.
Je crois que le texte gagnerais énormément si tu prenais un peu plus le temps de décrire la scène entre les répliques. Là, les tirets s'enchaînent à une vitesse vertigineuse et on finit par ne plus très bien savoir qui dit quoi...
Ha! Et il faut vraiment que tu te relises. Je sais que ce ne sont que des fautes d'inatention, mais le texte est truffé de petites erreurs qui nuisent fort au plaisir de te lire.
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 14 Mai 2013 - 18:02
C’est vrai, il vous reste à la détacher.
Voilà juste les deux fautes qui m'ont choquée, presque l'une à la suite de l'autre.Et celui qui lui avait caustant de souffrances libéra l’éclaireur.ait
C'est assez dur de reprendre le récit après si longtemps, je te remercie donc pour ton petit résumé de début
Je suis d'accord avec Thomov sur la confusion des dialogues : on a souvent du mal a comprendre qui parle quand à la fin.
Mais sinon, ton histoire est toujours aussi captivante, avec des personnages haut en couleur !
Hum... La suite ?
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Ceux qui ne croient pas en la magie ne la trouveront jamais.
- Anton LudenhofChampion squelette
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 14 Mai 2013 - 18:10
Ça fait au cœur de vous retrouver !
Oui, quelques fautes... j'espère minimes, et peu nombreuses, et néanmoins, toujours objet d'une relecture qui m'est dévolue (oula, claaasse )
=> Les illustrations ne sont pas de moi, elles m'ont été confiées pour le tout premier récit (La Menace du Stirland, écrit en 2007-2008). Je serai incapable de dire qui a dessiné quoi, mais si certains d'entre vous le connaissent, il y a la patte de "Le Rat" (tiens, bien dit) et surtout de Nicolas Dorey (avec qui je travaille régulièrement pour mes autres textes).
=> Pour les dialogues, alors, là, c'est... on aime ou on aime pas. A l'époque de la MdS, y'avait toujours une description après chaque réplique, puis, avec les Délires Gnossiens : See you later Empereur (dispo sur le net), ce n'est que que que que du dialogue, sans la moindre indication de qui parle : les lecteurs ont surkiffé (j'arrivais à faire des dialogues avec 4-5 personnes comme ça ). Là, j'essaye de faire un mix, si ce n'est pas indiqué, la tonalité, la manière de s'exprimer indique qui parle.
http://img41.xooimage.com/files/2/2/e/lds---see-you-later-empereur-1f34748.pdf
Merci d'être là !
Oui, quelques fautes... j'espère minimes, et peu nombreuses, et néanmoins, toujours objet d'une relecture qui m'est dévolue (oula, claaasse )
=> Les illustrations ne sont pas de moi, elles m'ont été confiées pour le tout premier récit (La Menace du Stirland, écrit en 2007-2008). Je serai incapable de dire qui a dessiné quoi, mais si certains d'entre vous le connaissent, il y a la patte de "Le Rat" (tiens, bien dit) et surtout de Nicolas Dorey (avec qui je travaille régulièrement pour mes autres textes).
=> Pour les dialogues, alors, là, c'est... on aime ou on aime pas. A l'époque de la MdS, y'avait toujours une description après chaque réplique, puis, avec les Délires Gnossiens : See you later Empereur (dispo sur le net), ce n'est que que que que du dialogue, sans la moindre indication de qui parle : les lecteurs ont surkiffé (j'arrivais à faire des dialogues avec 4-5 personnes comme ça ). Là, j'essaye de faire un mix, si ce n'est pas indiqué, la tonalité, la manière de s'exprimer indique qui parle.
http://img41.xooimage.com/files/2/2/e/lds---see-you-later-empereur-1f34748.pdf
Merci d'être là !
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Mon armée de nains du chaos, à la zauß Zirkuß !
=> http://www.warhammer-forum.com/index.php?showtopic=169009
- GilgaladMaître floodeur
- Age : 29
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Vainqueur d'évènement :
Palmares : Champion d'Ubersreik
Re: Le siège de Leicheberg
Jeu 16 Mai 2013 - 8:09
J'ai tout lu hier soir d'une traite entre 21h et 22h30.
Je peux te dire que j'ai adoré
Tu écris très bien et on se prend très bien récit. Comme dit dans des commentaires plus anciens, on a vraiment l'impression d'y être.
Pour les dialogues, moi ça ne me gène pas. En effet, j'ai l'habitude d'en faire des pas très courts (tu peux le voire si tu lis mon récit). De plus j'ai toujours réussi à savoir qui parle. Pour les mots en allemand, je les comprends sans problème puisque j'ai fais en cours.
J'adore les images car elles permettent non seulement de visualiser les personnages mais aussi de faire une pause dans le récit.
Sinon j'attends avec impatience la suite.
Gilgalad
Je peux te dire que j'ai adoré
Tu écris très bien et on se prend très bien récit. Comme dit dans des commentaires plus anciens, on a vraiment l'impression d'y être.
Pour les dialogues, moi ça ne me gène pas. En effet, j'ai l'habitude d'en faire des pas très courts (tu peux le voire si tu lis mon récit). De plus j'ai toujours réussi à savoir qui parle. Pour les mots en allemand, je les comprends sans problème puisque j'ai fais en cours.
J'adore les images car elles permettent non seulement de visualiser les personnages mais aussi de faire une pause dans le récit.
Sinon j'attends avec impatience la suite.
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- Anton LudenhofChampion squelette
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Re: Le siège de Leicheberg
Ven 17 Mai 2013 - 10:14
Leicheberg n’était pas réputée pour ses places, ses squares, ses faubourgs. Pourtant, la citadelle en avait, elle en avait stratégiquement plus d’un. Véritables points de rassemblements, c’était là les rares endroits où l’ordre pouvait espérer reprendre le dessus sur les ruelles éparses et mal fréquentées.
Autrefois, des marchés et des foires s’y rendaient. Mais cela remontait à des âges si anciens que l’on pouvait sérieusement douté de la véracité du mythe. Pavés brisés, arbres abandonnés, chaussée délaissée, ces places n’étaient plus désormais que des endroits, architecturalement détestables, militairement appréciables. Enfin, selon les critères du Stirland.
Soldats et civils savaient bien qu’ils n’avaient que peu de temps. Tout le monde s’activait. Sauf les paysans et citadins du moment, forcés à libérer leurs bâtisses pour la troupe. Obligés de se rassembler sur ces places, aux yeux de tous, leurs bagages faits à la hâte, c’étaient des familles entières qui attendaient. Pas tout à fait entières, non. Les hommes étaient partis, pas très loin, mais suffisamment pour laisser leurs familles dans le désarroi et le dénuement.
Femmes, enfants, vieillards, des charges pour l’armée. Nombre d’officiers auraient préféré tout simplement s’en débarrasser. Anton Ludenhof n’était pas de ceux-là. Il était évident qu’ils constituaient un moyen de pression idéal pour maintenir l’ordre parmi les enrôlés de force. Mais il n’avait pas le temps de s’en occuper. Alors il délégua cette tâche à son second, le porteur de l’honorifique titre de Fürst. Toutefois, même Swen Meltburg ne pouvait s’acquitter d’une pareille obligation. Non qu’il n’en était pas préoccupé, loin de là, mais son honneur et sa morale avaient appris à faire des concessions, selon le sacro-saint principe des priorités. La défense de la citadelle était celle-ci. C’était terrible pour lui de l’admettre, mais les civils devaient passer après.
Cependant, à la manière de son mentor, s’il se reconnaissait incapable d’obtenir quelque chose qui lui tenait à cœur, il lui suffisait d’en confier la responsabilité à une personne en mesure d’y parvenir. Ou tout du moins, une personne de confiance. Les deux étaient plutôt rares dans l’armée du Grand Comté.
Ehrwig Kraemer semblait être une des rares exceptions. Jeune capitaine sortie de la très critiquée académie militaire de Wurtbad, il s’était retrouvé dès le début des opérations à la tête de deux régiments. Mille hommes. C’était beaucoup. C’était même trop pour ses épaules.
Le Stirmarshall avait ses raisons. La famille Kraemer, de riches aristocrates originaires du Stirland, mais installés à Nuln, prenait une part certaine dans le financement des armées. Il ne demandait en échange qu’une place de choix pour leur fils. Mais Ludenhof n’était pas seulement intéressé par l’argent. Bon, il aurait été un mensonge de dire que c’eut n’été pas la raison principale. C’était que ce jeune capitaine semblait prometteur. Certes, parfaitement inexpérimenté, mais il avait eu d’excellents résultats, et le Stirmarshall accordait beaucoup de crédit à l’enseignement académique de Wurtbad. Preuve en était qu’il en avait été lui-même élève, tout comme il l’avait été pour un temps à Averheim et à Altdorf. Non, cette académie les valait. En tout cas, elle n’était pas si mauvaise. Pas autant qu’on le disait dans les salons mondains.
Il y avait quelque chose en cet Ehrwig qui lui rappelait Meltburg, plus jeune. C’était un très bon exercice pour ce dernier que d’avoir à encadrer un officier. Très formateur, Anton savait de quoi il parlait.
Et c’était ainsi à ce pauvre adolescent de seize ans que l’on avait confié la difficile tâche d’organiser le réaménagement des civils. Des jours et des jours qu’il y était dessus, ses yeux faisant sans cesse le va et viens entre les colonnes de chiffres. Le nombre de places disponibles était nettement inférieur aux demandes.
Le pire, c’était que pendant ce temps, il délaissait ses troupes.
-Monsieur Szern, combien y en a-t-il ?
Trop. Inutile d’avoir le compte de son second pour savoir qu’il y avait beaucoup de trop de civils rassemblés devant lui.
-Cinquante-six, monsieur. Mais je crois que ce petit ferait un bon joueur de fifre.
-De fifre ? Vous croyez qu’on a le temps pour le former au solfège ?
-Alors comme estafette.
-Va pour une estafette. Ça en fera toujours cinquante-cinq, lâcha Ehrwig, désemparé.
Kraemer était un bel adolescent. Grand, mince, blond, fin duvet sur le menton, un prince charmant. Mais qui était aussi vierge qu’un chérubin. Trop pur. Et la souillure avait du mal à prendre.
Gerard Szern était un bon second. Bien plus âgé que son supérieur, c’était un ancien sergent-instructeur, respecté, apprécié, mais qui avait un sérieux problème avec l’alcool. Une histoire avec ses filles, à ce que l’on racontait. Quoiqu’il en était réellement, cela lui coûta ses prérogatives, et fut relégué à l’assistance. Cela aurait pu être pire, Kraemer n’étant pas vraiment le genre à lui imposer quoique ce soit.
Ehrwig Kraemer.
Szern fit signe à l’un des hommes d’aller chercher l’enfant. Dommage qu’il ne fut pas un peu moins brusque, les adieux avec sa mère furent déchirants. Ehrwig détourna le regard. Cette statue de Freya. La guerrière-reine des Asoborns admettrait-elle que l’art de la guerre soit devenu aussi cruel ? Ou est-ce que cela en fut toujours ainsi ?
-Mon capitaine, les foyers sont pleins. Le moindre incendie causera des ravages, et vous savez…
-Je sais que cela arrivera. Vous me l’avez suffisamment dit, ça va… répondit Kraemer, les yeux en larmes.
-Et il reste encore six quartiers à évacuer.
-Six ! Mais nous n’avons pas tant d’hommes à faire loger, où ont-ils dormi à leur arrivée ?
-Ordre du Stirmarshall, les familles doivent être éloignées des zones de combat.
-C’est un homme bon. Mais connaît-il notre désarroi ?
-Pour cela qu’il vous a confié cette tâche, monsieur, glissa Gerard en souriant, essayant de remonter le moral du capitaine.
Il avait bu. Cela se sentait.
-Où allons-nous les conduire ?
-Il reste une vingtaine de places dans le kinderheim, monsieur.
-Autant de taudis.
-Monsieur… je ne voudrais pas vous presser, mais vous devez agir. Les civils attendent depuis des heures, et vous savez que cela peut dégénérer, conseilla Szern, guettant la réaction des familles.
Ehrwig ne répondit pas. Cette mère. Cette mère qui pleurait et implorait le ciel qu’on lui rende son enfant. Bien sûr que c’était la meilleure chose à faire. Des cas de maladies avaient été détectés. Mieux valait combattre que croupir. Mais que c’était difficile.
-Ça ne peut plus continuer ainsi.
-Vous proposez quoi ?
Kraemer ne put que faire la moue. Tournant le dos à la place, son regard se leva vers le donjon. Puis, sur les maisons abandonnées des aristocrates ayant fui.
-Je prends sur moi. Conduisez les là haut, rendez l’enfant à sa mère, ordonna Ehrwig, le sourire aux lèvres.
-Mais… monsieur, vous êtes sûr… ? demanda Szern, en chuchotant.
-Nous avons des ordres. Eloignez les civils, les mettre en sécurité ; ces bâtisses, grandes et, je l’espère, en relatif bon état, sont notre seule alternative. Faîtes ce que je vous commande, je vous prie, monsieur Szern, conclut Ehrwig en faisant signe au soldat de ramener le garçon.
-Comme vous le souhaitez, monsieur.
Il n’était pas certain qu’Ehrwig aurait le soutien de sa hiérarchie. Meltburg le comprendrait sûrement, mais il suffisait que Ludenhof soit mécontent pour que tout l’état-major devienne comme enragé. Mieux valait prendre les devants.
-Streunter, approchez je vous prie.
Streunter était l’ordonnance des régiments placés sous le commandement de Kraemer. Un binoclard qui adorait le goût du papier. Ehrwig le soupçonnait d’en manger.
-Monsieur ?
-Voulez-vous prendre une note ?
-A l’intention de… ? demanda Streunter, ajustant ses lunettes.
-Au Stirmarshall.
Une fois que ce fut fait, Ehrwig se mit à l’écart. S’asseyant sur quelques ruines, il caressa le médaillon qu’il ne quittait jamais. L’ouvrant, Kraemer sourit à l’image de sa tendre Sofia, sa cousine, dont il était le chanceux fiancé. Ils s’aimaient sincèrement, mais Ehrwig savait qu’il avait un rang à tenir, et même s’il avait vite déchanté, il savait qu’il accomplissait son devoir.
Une goutte. Puis, deux.
-Je crois qu’il commence à pleuvoir, monsieur le capitaine, fit Szern en regardant le ciel.
Ehrwig resta figé. Sur la paume de sa main, une tache noire. Une autre. Et une autre.
Les cieux se mirent à cracher sur Leicheberg. Une eau noire s’abattit sur la citadelle, pressant plus encore les hommes et les femmes à se dépêcher.
-Mettez les civils à l’abri ! ordonna Ehrwig. Szern !
-Oui, mon capitaine ?
-Envoyez toutes les familles restantes dans les maisons nobles, sélectionnez parmi eux des responsables, qu’ils assurent l’ordre !
-Je vais y envoyer Graber et Hermann, et vous, où allez-vous ? demanda Szern, voyant son supérieur quitter la place.
-J’ai des soldats à préparer !
-Mais mon capitaine, vous avez reçu un ordre précis : vous devez vous assurer des civils, protesta le sergent, le visage ruisselant de cette eau maudite.
-Nous sommes en guerre, Szern, je ne peux pas faillir à mon devoir !
-Mais vous n’avait pas failli, vous avez laissé la préparation de vos troupes au lieutenant Scharzheim, il fera du bon travail !
-Je suis leur capitaine, vous comprenez, Szern ?! répliqua Ehrwig, bouillonnant d’une fureur qui lui était inhabituel.
-Et un bon capitaine obéit aux ordres de ses propres supérieurs, monsieur. Vous pouvez déléguer, mais vous demeurerez responsable. Nous devons nous occuper des civils, répondit Gerard, s’interposant entre Kraemer et sa route.
L’officier s’arrêta. Conscient que Szern disait juste, il se calma.
-Bien. Envoyez ces deux là dans les quartiers, je vais accompagner ces civils jusque là-haut, vous m’y retrouvez ?
-Bien sûr. August, Teo, Leopold, vous suivez le capitaine, indiqua Szern à deux hallebardiers qui lui étaient proches. Vous avez fait le bon choix, capitaine.
-J’espère…
Kraemer se hâta de rejoindre les colonnes des civils.
-Qui dirige ici ?
-C’est… vous, mon capitaine, répondit un lancier, aidant des enfants à monter.
-Ah… bon, euh…
Ehrwig vit alors une vieille dame, peinant à monter la pente menant aux quartiers plus aisés. La chaussée était glissante, et le prochain escalier ne se trouvait pas à moins d’un quart d’heure de marche.
-Madame ! Je vais vous aider !
-Waaahs ? fit la femme, regardant d’un air méchant l’officier.
-Donnez-moi votre main, je vous prie.
-Wahs saggen Sie ?
-Votre main ! Donnez-moi votre main !
-Na, na, na !
La vieille s’éloigna, rouméguant dans son dialecte du Stirland oriental.
-Mais qu’est-ce qu’elle fiche ?! Madame ! Venez par ici !
-Gneiiiiin !
-Mais… ! Madame, je vous en prie, vous devez rejoindre les autres !
Alors qu’Ehrwig s’apprêtait à prendre de force sa main, elle se retourna et lui flanqua un coup de sa canne. Du sang se mit à couler de son nez. Cinq épéistes vinrent à eux, la main sur la garde.
-Mon capitaine ?
-Amenez cette…
-Allez les gars, foutons cette paillasse chez Ghinur ! lança le soldat, agrippant la vieille par son tricot.
-Non ! Non ! Laissez là !
-Je vous demande pardon ?
-Gniiiii !
Ehrwig poussa un soupir.
-Est-ce que l’un de vous est de la région ?
-Y’a Franz qui est de Swartzhafen.
-C’est vous Franz ?
-Gni gni gni… gni !
-Euh, oui, mon capitaine… répondit le soldat, avec un fort accent.
-Conduisez cette dame avec les autres, je crois que vous serez en mesure de communiquer. Vous autres, continuez à les aider !
-Mais… ?
-Hi hi.
-Allez, allez !
-Mais, mon capitaine !
-Quoi ?!
-Je la reconnais, c’est Bertha !
-Et ?
-C’est la cantinière du 3e de lanciers, sous les ordres d’Hoschleswigl…
-Pardon ?!
-C’est pas une civile, elle bosse avec nous !
-Mais vous étiez prêt à l’enfermer il y a un instant !
-Je connais des vieilles et des pas mûres, mon capitaine…
-Dépêchez vous alors de la raccompagner chez Hoschleswigl !
-‘vos ordres !
Kraemer poussa un second soupir. Ce ne serait pas le dernier.
Serrant son médaillon, il s’empressa de rejoindre les civils.
Autrefois, des marchés et des foires s’y rendaient. Mais cela remontait à des âges si anciens que l’on pouvait sérieusement douté de la véracité du mythe. Pavés brisés, arbres abandonnés, chaussée délaissée, ces places n’étaient plus désormais que des endroits, architecturalement détestables, militairement appréciables. Enfin, selon les critères du Stirland.
Soldats et civils savaient bien qu’ils n’avaient que peu de temps. Tout le monde s’activait. Sauf les paysans et citadins du moment, forcés à libérer leurs bâtisses pour la troupe. Obligés de se rassembler sur ces places, aux yeux de tous, leurs bagages faits à la hâte, c’étaient des familles entières qui attendaient. Pas tout à fait entières, non. Les hommes étaient partis, pas très loin, mais suffisamment pour laisser leurs familles dans le désarroi et le dénuement.
Femmes, enfants, vieillards, des charges pour l’armée. Nombre d’officiers auraient préféré tout simplement s’en débarrasser. Anton Ludenhof n’était pas de ceux-là. Il était évident qu’ils constituaient un moyen de pression idéal pour maintenir l’ordre parmi les enrôlés de force. Mais il n’avait pas le temps de s’en occuper. Alors il délégua cette tâche à son second, le porteur de l’honorifique titre de Fürst. Toutefois, même Swen Meltburg ne pouvait s’acquitter d’une pareille obligation. Non qu’il n’en était pas préoccupé, loin de là, mais son honneur et sa morale avaient appris à faire des concessions, selon le sacro-saint principe des priorités. La défense de la citadelle était celle-ci. C’était terrible pour lui de l’admettre, mais les civils devaient passer après.
Cependant, à la manière de son mentor, s’il se reconnaissait incapable d’obtenir quelque chose qui lui tenait à cœur, il lui suffisait d’en confier la responsabilité à une personne en mesure d’y parvenir. Ou tout du moins, une personne de confiance. Les deux étaient plutôt rares dans l’armée du Grand Comté.
Ehrwig Kraemer semblait être une des rares exceptions. Jeune capitaine sortie de la très critiquée académie militaire de Wurtbad, il s’était retrouvé dès le début des opérations à la tête de deux régiments. Mille hommes. C’était beaucoup. C’était même trop pour ses épaules.
Le Stirmarshall avait ses raisons. La famille Kraemer, de riches aristocrates originaires du Stirland, mais installés à Nuln, prenait une part certaine dans le financement des armées. Il ne demandait en échange qu’une place de choix pour leur fils. Mais Ludenhof n’était pas seulement intéressé par l’argent. Bon, il aurait été un mensonge de dire que c’eut n’été pas la raison principale. C’était que ce jeune capitaine semblait prometteur. Certes, parfaitement inexpérimenté, mais il avait eu d’excellents résultats, et le Stirmarshall accordait beaucoup de crédit à l’enseignement académique de Wurtbad. Preuve en était qu’il en avait été lui-même élève, tout comme il l’avait été pour un temps à Averheim et à Altdorf. Non, cette académie les valait. En tout cas, elle n’était pas si mauvaise. Pas autant qu’on le disait dans les salons mondains.
Il y avait quelque chose en cet Ehrwig qui lui rappelait Meltburg, plus jeune. C’était un très bon exercice pour ce dernier que d’avoir à encadrer un officier. Très formateur, Anton savait de quoi il parlait.
Et c’était ainsi à ce pauvre adolescent de seize ans que l’on avait confié la difficile tâche d’organiser le réaménagement des civils. Des jours et des jours qu’il y était dessus, ses yeux faisant sans cesse le va et viens entre les colonnes de chiffres. Le nombre de places disponibles était nettement inférieur aux demandes.
Le pire, c’était que pendant ce temps, il délaissait ses troupes.
-Monsieur Szern, combien y en a-t-il ?
Trop. Inutile d’avoir le compte de son second pour savoir qu’il y avait beaucoup de trop de civils rassemblés devant lui.
-Cinquante-six, monsieur. Mais je crois que ce petit ferait un bon joueur de fifre.
-De fifre ? Vous croyez qu’on a le temps pour le former au solfège ?
-Alors comme estafette.
-Va pour une estafette. Ça en fera toujours cinquante-cinq, lâcha Ehrwig, désemparé.
Kraemer était un bel adolescent. Grand, mince, blond, fin duvet sur le menton, un prince charmant. Mais qui était aussi vierge qu’un chérubin. Trop pur. Et la souillure avait du mal à prendre.
Gerard Szern était un bon second. Bien plus âgé que son supérieur, c’était un ancien sergent-instructeur, respecté, apprécié, mais qui avait un sérieux problème avec l’alcool. Une histoire avec ses filles, à ce que l’on racontait. Quoiqu’il en était réellement, cela lui coûta ses prérogatives, et fut relégué à l’assistance. Cela aurait pu être pire, Kraemer n’étant pas vraiment le genre à lui imposer quoique ce soit.
Ehrwig Kraemer.
Szern fit signe à l’un des hommes d’aller chercher l’enfant. Dommage qu’il ne fut pas un peu moins brusque, les adieux avec sa mère furent déchirants. Ehrwig détourna le regard. Cette statue de Freya. La guerrière-reine des Asoborns admettrait-elle que l’art de la guerre soit devenu aussi cruel ? Ou est-ce que cela en fut toujours ainsi ?
-Mon capitaine, les foyers sont pleins. Le moindre incendie causera des ravages, et vous savez…
-Je sais que cela arrivera. Vous me l’avez suffisamment dit, ça va… répondit Kraemer, les yeux en larmes.
-Et il reste encore six quartiers à évacuer.
-Six ! Mais nous n’avons pas tant d’hommes à faire loger, où ont-ils dormi à leur arrivée ?
-Ordre du Stirmarshall, les familles doivent être éloignées des zones de combat.
-C’est un homme bon. Mais connaît-il notre désarroi ?
-Pour cela qu’il vous a confié cette tâche, monsieur, glissa Gerard en souriant, essayant de remonter le moral du capitaine.
Il avait bu. Cela se sentait.
-Où allons-nous les conduire ?
-Il reste une vingtaine de places dans le kinderheim, monsieur.
-Autant de taudis.
-Monsieur… je ne voudrais pas vous presser, mais vous devez agir. Les civils attendent depuis des heures, et vous savez que cela peut dégénérer, conseilla Szern, guettant la réaction des familles.
Ehrwig ne répondit pas. Cette mère. Cette mère qui pleurait et implorait le ciel qu’on lui rende son enfant. Bien sûr que c’était la meilleure chose à faire. Des cas de maladies avaient été détectés. Mieux valait combattre que croupir. Mais que c’était difficile.
-Ça ne peut plus continuer ainsi.
-Vous proposez quoi ?
Kraemer ne put que faire la moue. Tournant le dos à la place, son regard se leva vers le donjon. Puis, sur les maisons abandonnées des aristocrates ayant fui.
-Je prends sur moi. Conduisez les là haut, rendez l’enfant à sa mère, ordonna Ehrwig, le sourire aux lèvres.
-Mais… monsieur, vous êtes sûr… ? demanda Szern, en chuchotant.
-Nous avons des ordres. Eloignez les civils, les mettre en sécurité ; ces bâtisses, grandes et, je l’espère, en relatif bon état, sont notre seule alternative. Faîtes ce que je vous commande, je vous prie, monsieur Szern, conclut Ehrwig en faisant signe au soldat de ramener le garçon.
-Comme vous le souhaitez, monsieur.
Il n’était pas certain qu’Ehrwig aurait le soutien de sa hiérarchie. Meltburg le comprendrait sûrement, mais il suffisait que Ludenhof soit mécontent pour que tout l’état-major devienne comme enragé. Mieux valait prendre les devants.
-Streunter, approchez je vous prie.
Streunter était l’ordonnance des régiments placés sous le commandement de Kraemer. Un binoclard qui adorait le goût du papier. Ehrwig le soupçonnait d’en manger.
-Monsieur ?
-Voulez-vous prendre une note ?
-A l’intention de… ? demanda Streunter, ajustant ses lunettes.
-Au Stirmarshall.
Une fois que ce fut fait, Ehrwig se mit à l’écart. S’asseyant sur quelques ruines, il caressa le médaillon qu’il ne quittait jamais. L’ouvrant, Kraemer sourit à l’image de sa tendre Sofia, sa cousine, dont il était le chanceux fiancé. Ils s’aimaient sincèrement, mais Ehrwig savait qu’il avait un rang à tenir, et même s’il avait vite déchanté, il savait qu’il accomplissait son devoir.
Une goutte. Puis, deux.
-Je crois qu’il commence à pleuvoir, monsieur le capitaine, fit Szern en regardant le ciel.
Ehrwig resta figé. Sur la paume de sa main, une tache noire. Une autre. Et une autre.
Les cieux se mirent à cracher sur Leicheberg. Une eau noire s’abattit sur la citadelle, pressant plus encore les hommes et les femmes à se dépêcher.
-Mettez les civils à l’abri ! ordonna Ehrwig. Szern !
-Oui, mon capitaine ?
-Envoyez toutes les familles restantes dans les maisons nobles, sélectionnez parmi eux des responsables, qu’ils assurent l’ordre !
-Je vais y envoyer Graber et Hermann, et vous, où allez-vous ? demanda Szern, voyant son supérieur quitter la place.
-J’ai des soldats à préparer !
-Mais mon capitaine, vous avez reçu un ordre précis : vous devez vous assurer des civils, protesta le sergent, le visage ruisselant de cette eau maudite.
-Nous sommes en guerre, Szern, je ne peux pas faillir à mon devoir !
-Mais vous n’avait pas failli, vous avez laissé la préparation de vos troupes au lieutenant Scharzheim, il fera du bon travail !
-Je suis leur capitaine, vous comprenez, Szern ?! répliqua Ehrwig, bouillonnant d’une fureur qui lui était inhabituel.
-Et un bon capitaine obéit aux ordres de ses propres supérieurs, monsieur. Vous pouvez déléguer, mais vous demeurerez responsable. Nous devons nous occuper des civils, répondit Gerard, s’interposant entre Kraemer et sa route.
L’officier s’arrêta. Conscient que Szern disait juste, il se calma.
-Bien. Envoyez ces deux là dans les quartiers, je vais accompagner ces civils jusque là-haut, vous m’y retrouvez ?
-Bien sûr. August, Teo, Leopold, vous suivez le capitaine, indiqua Szern à deux hallebardiers qui lui étaient proches. Vous avez fait le bon choix, capitaine.
-J’espère…
Kraemer se hâta de rejoindre les colonnes des civils.
-Qui dirige ici ?
-C’est… vous, mon capitaine, répondit un lancier, aidant des enfants à monter.
-Ah… bon, euh…
Ehrwig vit alors une vieille dame, peinant à monter la pente menant aux quartiers plus aisés. La chaussée était glissante, et le prochain escalier ne se trouvait pas à moins d’un quart d’heure de marche.
-Madame ! Je vais vous aider !
-Waaahs ? fit la femme, regardant d’un air méchant l’officier.
-Donnez-moi votre main, je vous prie.
-Wahs saggen Sie ?
-Votre main ! Donnez-moi votre main !
-Na, na, na !
La vieille s’éloigna, rouméguant dans son dialecte du Stirland oriental.
-Mais qu’est-ce qu’elle fiche ?! Madame ! Venez par ici !
-Gneiiiiin !
-Mais… ! Madame, je vous en prie, vous devez rejoindre les autres !
Alors qu’Ehrwig s’apprêtait à prendre de force sa main, elle se retourna et lui flanqua un coup de sa canne. Du sang se mit à couler de son nez. Cinq épéistes vinrent à eux, la main sur la garde.
-Mon capitaine ?
-Amenez cette…
-Allez les gars, foutons cette paillasse chez Ghinur ! lança le soldat, agrippant la vieille par son tricot.
-Non ! Non ! Laissez là !
-Je vous demande pardon ?
-Gniiiii !
Ehrwig poussa un soupir.
-Est-ce que l’un de vous est de la région ?
-Y’a Franz qui est de Swartzhafen.
-C’est vous Franz ?
-Gni gni gni… gni !
-Euh, oui, mon capitaine… répondit le soldat, avec un fort accent.
-Conduisez cette dame avec les autres, je crois que vous serez en mesure de communiquer. Vous autres, continuez à les aider !
-Mais… ?
-Hi hi.
-Allez, allez !
-Mais, mon capitaine !
-Quoi ?!
-Je la reconnais, c’est Bertha !
-Et ?
-C’est la cantinière du 3e de lanciers, sous les ordres d’Hoschleswigl…
-Pardon ?!
-C’est pas une civile, elle bosse avec nous !
-Mais vous étiez prêt à l’enfermer il y a un instant !
-Je connais des vieilles et des pas mûres, mon capitaine…
-Dépêchez vous alors de la raccompagner chez Hoschleswigl !
-‘vos ordres !
Kraemer poussa un second soupir. Ce ne serait pas le dernier.
Serrant son médaillon, il s’empressa de rejoindre les civils.
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Re: Le siège de Leicheberg
Ven 17 Mai 2013 - 11:39
C'est toujours aussi bien écrit. Et j'adore autant. Surtout quand le temps d'attente est cours.
Sinon je te fais les mêmes remarques qu'avant. On se croit vraiment dans l'histoire avec les personnages.
Sinon tu postes quand la suite ?
Gilgalad
Sinon je te fais les mêmes remarques qu'avant. On se croit vraiment dans l'histoire avec les personnages.
Sinon tu postes quand la suite ?
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Re: Le siège de Leicheberg
Ven 17 Mai 2013 - 13:39
J'adooore les grands-mères récalcitrantes
L'organisation du siège avance de plus en plus... A quand la bataille ?
Pitite faute (tu le fais exprès d'en laisser toujours une pour moi ? ) :
La suite !!
L'organisation du siège avance de plus en plus... A quand la bataille ?
Pitite faute (tu le fais exprès d'en laisser toujours une pour moi ? ) :
Soit c'est "éloigner", soit c'est "mettez-les"... Mais l'infinitif et la conjugaison ne vont pas ensembleEloignez les civils, les mettre en sécurité
La suite !!
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- desmogoneSquelette
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Re: Le siège de Leicheberg
Ven 17 Mai 2013 - 14:49
Suite au déterrage du topic, j'ai trouvé un nouveau récit à suivre ...
Ca a un peu nuit à ma productivité de ce jour mais j'ai bien aimé l'histoire ...
En espérant que la suite ne viennen pas dans plus d'un an ...
Desmogone, nouveau lecteur ...
Ca a un peu nuit à ma productivité de ce jour mais j'ai bien aimé l'histoire ...
En espérant que la suite ne viennen pas dans plus d'un an ...
Desmogone, nouveau lecteur ...
- Anton LudenhofChampion squelette
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Re: Le siège de Leicheberg
Lun 11 Aoû 2014 - 21:32
Eh oui ! Je reviens !
Je sais ce que vous allez me dire, j’ai fait une promesse similaire l’an passé… et j’ai fait une nouvelle pause d’un an dans ce récit. Je devrais peut-être l’abandonner. Mais j’ai une histoire personnelle avec lui, et j’aimerais encore pouvoir m’y plonger. Même si je ne peux garantir de pouvoir aller jusqu’au bout, j’espère bien le faire avancer !
Petit résumé ?
-Plagas, sicut Sigmar, non intueor, deum tamen meum te confiteor, fac me tibi semper magis credere,in te spem habere… te diligere. Sigmar vult !
La cathédrale de Leicheberg était un puissant édifice. Á l’instar de la cité, elle n’avait rien de splendide, et n’importe quel architecte s’inquiéterait de son état. Mais elle tenait. Elle tenait bon.
Elle avait été bâtie près de cinq siècles auparavant, à l’heure de la tragédie qui avait frappée Mordheim. Le Stirland était alors en flammes, et devait faire face à la menace venue de Syvlanie, une fois encore. Le pouvoir politique du Grand Comté était incapable alors de lutter, et les plaines, autrefois si fertiles de la province, furent transformées en champ de bataille.
Désemparés, ce fut dans la foi que les hommes se retrouvèrent. La cathédrale, aussi appelée le « Dôm », était dédiée à la reine-guerrière Freya. Déesse des Asoborns, la prestigieuse tribu dont les Stirlanders sont les descendants directs, son souvenir fut alors un astre dans les ténèbres sanglantes que le pays devait affronter.
Grossière, presque démunie de vitraux, l’édifice n’avait pas été construit avec les connaissances actuelles. L’acoustique y était déplorable. La pierre n’était pas seulement glaciale, elle était humide, et des champignons avaient réussi à prendre possession de la place, ci et là. Elle n’était en rien un lieu de pèlerinage. Aucune relique reconnue par l’Eglise n’y était entreposée. Et ce quand bien même les prêtres locaux s’acharnaient à faire admettre la valeur de la couronne de Martin Haupt-Anderssen, celui qui parvint à vaincre définitivement Manfred von Carstein, à la bataille de Hel Fenn. D’ailleurs, sa canonisation n’était toujours pas envisagée par les hautes instances ecclésiastiques.
C’était ainsi que l’Eglise du Stirland prit ses distances avec le dogme officiel. Etroitement associée aux fidèles de Morr, elle n’entendait plus respecter à la lettre les instructions en provenance d’Altdorf.
Que connaissaient ces diacres aux malheurs de la province ? Que savaient-ils de l’au-delà ?
-Tibi commíssum pietáte supérna, illúmina, custódi, rege et gubérna. Sigmar vult !
Sûrement moins que le père Vilnius. Prêtre au service des siens depuis plus de trente ans, c’était l’idéal même de la force, aussi bien physique que spirituelle. Les années avaient beau peser sur son visage, dont la longue barbe grise peinait à dissimuler les afflictions cutanées, c’était un homme à la bravoure exceptionnelle. A force de ne lire que ses livres de prières, il finit par les apprendre par cœur, et à force de ne plus les lire, il finit par oublier comment lire.
Vilnius Schmirlërr n’était pas un érudit. On ne lui demandait d’ailleurs pas de l’être.
-… ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostrae…
Devant lui, des centaines de pauvres malheureux, venus se réfugier pour implorer le pardon et la protection de Sigmar. Ils étaient si nombreux qu’il était désormais impossible de faire un pas dans la cathédrale. Le père Vilnius avait dû accepter de lire les saintes-écritures, le dos au mur, laissant l’autel ancestral à de jeunes enfants, terrifiés de ce à quoi ils assistaient, et qu’ils ne comprenaient pas. Des soldats se faisaient entendre, de temps à autre, essayant de convaincre les citadins de rejoindre leurs demeures, et de laisser le champ libre pour installer un semblant d’hospice pour les blessées qui ne manqueraient pas d’affluer. Sans succès jusqu’à présent.
Refermant l’immense volume qu’il tenait enchaîné à lui, le père Vilnius se rinça la gorge avec le vin de sa gourde. Les supplications se turent alors, et tous le regardèrent.
Des mères pleuraient pour leurs familles.
Des hommes, les yeux en rage, s’était galvanisés pour aller combattre.
Des vieillards aveugles tendaient la main vers le prêtre.
Tous. Tous voulaient l’entendre.
-Enfants de Sig…
Il termina sa première phrase en une forte toux. Le vin qu’il prenait n’était plus de son âge.
-Enfants de Sigmar ! Vous êtes venus vous repentir en sa demeure ! Mais n’espérez pas qu’il vous pardonne ! Car le malheur qui s’abat sur nous est le fait de l’homme ! Vous tous ici, vous tous qui priaient, la peur au ventre, méditez vos pêchés !
Á ses paroles, les sanglots se firent entendre de plus belle. Des claquements de fouets résonnèrent dans la cathédrale, preuve que les fanatiques avaient grossi leurs rangs.
-Il n’y a qu’une seule voie pour votre rédemption ! Les impurs viennent à nous ! Ils ne viendront pas pour mettre à sac Leicheberg, ni pour la brûler ! Ils viennent pour la souiller ! Voici venue l’heure pour vous de racheter vos fautes et de prouver votre valeur ! Es ist eure leztë Chänce !
Des hommes se levèrent, frappant leur poitrine et entonnèrent le saint credo du Stirland : « Ins Sigmar gläuben wirh ».
-Cette bataille sondera vos cœurs ! Et le salut de vos âmes en dépendra ! Maintenant, allez, et agissez selon la conduite que Sigmar exige de vous !
Beaucoup se relevèrent, d’autres furent contraints de s’en aller par la force des moines. Le monastère de Theolduff s’était vidé, et venait prêter main forte à la cité. La plupart n’étaient jamais sortis de leur congrégation, ayant été abandonnés par leurs mères sur le parvis des églises. Mais le père Vilnius pouvait lire dans leur regard cette joie qu’il avait lorsqu’il était plus jeune.
Celle de la fierté retrouvée. Ce sentiment qui les rassurer d’avoir choisi la bonne voie, que toutes ces années de sacrifices n’avaient pas été vaines, et que désormais, ils guidaient les leurs vers le sentier de la repentance.
-Mein Vater ! Vater Vinius !
-Tu vas m’aider à mettre mon armure.
-Mais mon père…
-Tutut. Pas de mais.
-Un inquisiteur vous attend… !
Vilnius s’arrêta un instant. Inspectant le moine, afin d’y déceler la trace du mensonge ou de la farce, il dut se résoudre à n’y voir que de l’appréhension. Même les serviteurs de l’Eglise craignaient les répurgateurs.
-Wo ist er ?
-Il s’entretient avec le Stirmarshall !
Le prêtre grommela. Puis hocha la tête.
-Bon. On y va.
-Je… ?
-Tu vas m’aider avant à mettre mon armure. Et à nettoyer mon marteau. Schneller, Edmund, schneller !
***
La suite, dans normalement pas dans un an
Je sais ce que vous allez me dire, j’ai fait une promesse similaire l’an passé… et j’ai fait une nouvelle pause d’un an dans ce récit. Je devrais peut-être l’abandonner. Mais j’ai une histoire personnelle avec lui, et j’aimerais encore pouvoir m’y plonger. Même si je ne peux garantir de pouvoir aller jusqu’au bout, j’espère bien le faire avancer !
Petit résumé ?
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-Plagas, sicut Sigmar, non intueor, deum tamen meum te confiteor, fac me tibi semper magis credere,in te spem habere… te diligere. Sigmar vult !
La cathédrale de Leicheberg était un puissant édifice. Á l’instar de la cité, elle n’avait rien de splendide, et n’importe quel architecte s’inquiéterait de son état. Mais elle tenait. Elle tenait bon.
Elle avait été bâtie près de cinq siècles auparavant, à l’heure de la tragédie qui avait frappée Mordheim. Le Stirland était alors en flammes, et devait faire face à la menace venue de Syvlanie, une fois encore. Le pouvoir politique du Grand Comté était incapable alors de lutter, et les plaines, autrefois si fertiles de la province, furent transformées en champ de bataille.
Désemparés, ce fut dans la foi que les hommes se retrouvèrent. La cathédrale, aussi appelée le « Dôm », était dédiée à la reine-guerrière Freya. Déesse des Asoborns, la prestigieuse tribu dont les Stirlanders sont les descendants directs, son souvenir fut alors un astre dans les ténèbres sanglantes que le pays devait affronter.
Grossière, presque démunie de vitraux, l’édifice n’avait pas été construit avec les connaissances actuelles. L’acoustique y était déplorable. La pierre n’était pas seulement glaciale, elle était humide, et des champignons avaient réussi à prendre possession de la place, ci et là. Elle n’était en rien un lieu de pèlerinage. Aucune relique reconnue par l’Eglise n’y était entreposée. Et ce quand bien même les prêtres locaux s’acharnaient à faire admettre la valeur de la couronne de Martin Haupt-Anderssen, celui qui parvint à vaincre définitivement Manfred von Carstein, à la bataille de Hel Fenn. D’ailleurs, sa canonisation n’était toujours pas envisagée par les hautes instances ecclésiastiques.
C’était ainsi que l’Eglise du Stirland prit ses distances avec le dogme officiel. Etroitement associée aux fidèles de Morr, elle n’entendait plus respecter à la lettre les instructions en provenance d’Altdorf.
Que connaissaient ces diacres aux malheurs de la province ? Que savaient-ils de l’au-delà ?
-Tibi commíssum pietáte supérna, illúmina, custódi, rege et gubérna. Sigmar vult !
Sûrement moins que le père Vilnius. Prêtre au service des siens depuis plus de trente ans, c’était l’idéal même de la force, aussi bien physique que spirituelle. Les années avaient beau peser sur son visage, dont la longue barbe grise peinait à dissimuler les afflictions cutanées, c’était un homme à la bravoure exceptionnelle. A force de ne lire que ses livres de prières, il finit par les apprendre par cœur, et à force de ne plus les lire, il finit par oublier comment lire.
Vilnius Schmirlërr n’était pas un érudit. On ne lui demandait d’ailleurs pas de l’être.
-… ora pro nobis peccatoribus, nunc et in hora mortis nostrae…
Devant lui, des centaines de pauvres malheureux, venus se réfugier pour implorer le pardon et la protection de Sigmar. Ils étaient si nombreux qu’il était désormais impossible de faire un pas dans la cathédrale. Le père Vilnius avait dû accepter de lire les saintes-écritures, le dos au mur, laissant l’autel ancestral à de jeunes enfants, terrifiés de ce à quoi ils assistaient, et qu’ils ne comprenaient pas. Des soldats se faisaient entendre, de temps à autre, essayant de convaincre les citadins de rejoindre leurs demeures, et de laisser le champ libre pour installer un semblant d’hospice pour les blessées qui ne manqueraient pas d’affluer. Sans succès jusqu’à présent.
Refermant l’immense volume qu’il tenait enchaîné à lui, le père Vilnius se rinça la gorge avec le vin de sa gourde. Les supplications se turent alors, et tous le regardèrent.
Des mères pleuraient pour leurs familles.
Des hommes, les yeux en rage, s’était galvanisés pour aller combattre.
Des vieillards aveugles tendaient la main vers le prêtre.
Tous. Tous voulaient l’entendre.
-Enfants de Sig…
Il termina sa première phrase en une forte toux. Le vin qu’il prenait n’était plus de son âge.
-Enfants de Sigmar ! Vous êtes venus vous repentir en sa demeure ! Mais n’espérez pas qu’il vous pardonne ! Car le malheur qui s’abat sur nous est le fait de l’homme ! Vous tous ici, vous tous qui priaient, la peur au ventre, méditez vos pêchés !
Á ses paroles, les sanglots se firent entendre de plus belle. Des claquements de fouets résonnèrent dans la cathédrale, preuve que les fanatiques avaient grossi leurs rangs.
-Il n’y a qu’une seule voie pour votre rédemption ! Les impurs viennent à nous ! Ils ne viendront pas pour mettre à sac Leicheberg, ni pour la brûler ! Ils viennent pour la souiller ! Voici venue l’heure pour vous de racheter vos fautes et de prouver votre valeur ! Es ist eure leztë Chänce !
Des hommes se levèrent, frappant leur poitrine et entonnèrent le saint credo du Stirland : « Ins Sigmar gläuben wirh ».
-Cette bataille sondera vos cœurs ! Et le salut de vos âmes en dépendra ! Maintenant, allez, et agissez selon la conduite que Sigmar exige de vous !
Beaucoup se relevèrent, d’autres furent contraints de s’en aller par la force des moines. Le monastère de Theolduff s’était vidé, et venait prêter main forte à la cité. La plupart n’étaient jamais sortis de leur congrégation, ayant été abandonnés par leurs mères sur le parvis des églises. Mais le père Vilnius pouvait lire dans leur regard cette joie qu’il avait lorsqu’il était plus jeune.
Celle de la fierté retrouvée. Ce sentiment qui les rassurer d’avoir choisi la bonne voie, que toutes ces années de sacrifices n’avaient pas été vaines, et que désormais, ils guidaient les leurs vers le sentier de la repentance.
-Mein Vater ! Vater Vinius !
-Tu vas m’aider à mettre mon armure.
-Mais mon père…
-Tutut. Pas de mais.
-Un inquisiteur vous attend… !
Vilnius s’arrêta un instant. Inspectant le moine, afin d’y déceler la trace du mensonge ou de la farce, il dut se résoudre à n’y voir que de l’appréhension. Même les serviteurs de l’Eglise craignaient les répurgateurs.
-Wo ist er ?
-Il s’entretient avec le Stirmarshall !
Le prêtre grommela. Puis hocha la tête.
-Bon. On y va.
-Je… ?
-Tu vas m’aider avant à mettre mon armure. Et à nettoyer mon marteau. Schneller, Edmund, schneller !
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La suite, dans normalement pas dans un an
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- EssenSeigneur vampire
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 12 Aoû 2014 - 11:46
Zum Teufel. Je suis bluffé. Voila un récit qui n'aurait jamais du passer inaperçu pendant tout ce temps.
Hum, hum, que dire ? Je reconnais surtout l'auteur impérial pure-souche, patriote et fervent défenseur des mortels. Je dis ça parce que mon propre récit se borne à ignorer tout ce monde cruel, et à s'intéresser uniquement à des vampires dont l'égoïsme et le mépris envers la mortalité sont affirmés. Je m'autodésigne auteur vampire pure-souche
La vivacité et l'intensité de tes personnages sont... écrasantes. Lors de la description successive des capitaines Rodörfy et zu Hochschleswigl , j'ai franchement cru lire du Balzac à la sauce warhammerienne. La tension avant le siège (arrivera-t-il donc un jour ?) est superbement maintenue, non, de manière de génie, nous livrant à chaque fois un aspect prégnant de la vie dans Leicheberg, lieu que tu as décrit avec... génie. Moui, j'en ai encore le souffle coupé. La finition des détails me laisse sans voix. Cela vaut bien la peine de laisser passer des mois avant de publier chaque suite. Pour un tel récit, n'importe quel temps d'attente ne sera pas long.
Avec tout mon respect, j'attends la suite.
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Hum, hum, que dire ? Je reconnais surtout l'auteur impérial pure-souche, patriote et fervent défenseur des mortels. Je dis ça parce que mon propre récit se borne à ignorer tout ce monde cruel, et à s'intéresser uniquement à des vampires dont l'égoïsme et le mépris envers la mortalité sont affirmés. Je m'autodésigne auteur vampire pure-souche
La vivacité et l'intensité de tes personnages sont... écrasantes. Lors de la description successive des capitaines Rodörfy et zu Hochschleswigl , j'ai franchement cru lire du Balzac à la sauce warhammerienne. La tension avant le siège (arrivera-t-il donc un jour ?) est superbement maintenue, non, de manière de génie, nous livrant à chaque fois un aspect prégnant de la vie dans Leicheberg, lieu que tu as décrit avec... génie. Moui, j'en ai encore le souffle coupé. La finition des détails me laisse sans voix. Cela vaut bien la peine de laisser passer des mois avant de publier chaque suite. Pour un tel récit, n'importe quel temps d'attente ne sera pas long.
Avec tout mon respect, j'attends la suite.
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 12 Aoû 2014 - 13:04
Ce n'est pas trop tôt ! J'avais même complètement oublié que tu avais un récit ici
Bon alors, c'est toujours aussi bien et on ne s'ennuie toujours pas. J'attends de voir la suite pour voir l'histoire de ces moines et de ce inquisiteur. Et leur influence dans ce siège.
Donc, vivement la suite et pas dans un an si possible pour que tu tiennes au moins une fois ta promesse à ce niveau
Bon alors, c'est toujours aussi bien et on ne s'ennuie toujours pas. J'attends de voir la suite pour voir l'histoire de ces moines et de ce inquisiteur. Et leur influence dans ce siège.
Donc, vivement la suite et pas dans un an si possible pour que tu tiennes au moins une fois ta promesse à ce niveau
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 12 Aoû 2014 - 18:56
Alors, en tant que premier commentaire "d'ancien", je dois dire que la qualité est encore au rendez-vous
Ensuite, j'ai juste remarqué une faute, qui a failli me crever un oeil
Vous tous ici, vous tous qui priaient, la peur au ventre, méditez vos pêchés !
Et, en tant qu'ancienne lectrice, un petit résumé ne serait pas de refus, avec les noms des persos si possible (oui je sais, il n'y a que deux pages, mais j'ai à peine le temps de lire les nouvelles suites en ce moment ). Merci !
Et je suis d'avis d'avoir la suite avant 2015 !
Ensuite, j'ai juste remarqué une faute, qui a failli me crever un oeil
Vous tous ici, vous tous qui priaient, la peur au ventre, méditez vos pêchés !
Et, en tant qu'ancienne lectrice, un petit résumé ne serait pas de refus, avec les noms des persos si possible (oui je sais, il n'y a que deux pages, mais j'ai à peine le temps de lire les nouvelles suites en ce moment ). Merci !
Et je suis d'avis d'avoir la suite avant 2015 !
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- EssenSeigneur vampire
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 12 Aoû 2014 - 20:52
Chère Arken, il est à la fois facile et assez dommageable de résumer un récit tellement riche en descriptions inégalées en longueur comme en saveur. Mais je vais m'y essayer :
Voila, j'espère que l'auteur ne verra pas de défaut à ce petit résumé
- POUR CEUX QUI ONT LA FLEMME DE TOUT RELIRE, MAIS FRANCHEMENT, CE SERAIT POUR LE MOINS DOMMAGE, CAR CE TEXTE EST UNE PERLE:
- Nous sommes en Stirland, région qui détient le contrôle officiel du comté maudit de Sylvanie. Or, ce n'est qu'une apparence, car une terreur sans nom règne dans cette région, et répand sa magie impie bien au-delà de ses frontières. Afin d'en savoir plus sur le mal qui se prépare sans doute à se déverser sur les terres impériales, des éclaireurs sont envoyés en Sylvanie. Un seul semble en revenir vivant après une lutte inhumaine contre des morts-vivants. Par ailleurs, ceux-là sont dans un état qui laisse à penser qu'il y a une puissante magie à l'oeuvre, telle qu'elle transformerait des humains en zombies sans avoir à les tuer au préalable...
Leicheberg est LA forteresse du Stirland, car elle abrite les actuels et futurs héros impériaux comme la pire engeance que le monde peut voir de nos jours. Que ce soit dans le donjon, dans les exécrables niveaux inférieurs, ou dans les souterrains où croupissent des centaines de condamnés, des préparatifs sont mis en route, des intrigues se tissent et les morts se multiplient alors que la marée de réfugiés semble interminable. Face à la menace de la non-vie, c'est un commandant arriviste mais doué, son second ambitieux mais inexpérimenté, et nombre de capitaines ni saints, ni pêcheurs qui se retrouvent à organiser les défenses de la forteresse.
Le récit actuel s'achève sur la messe d'un vénérable prêtre sigmarite, alors qu'il apprend l'arrivée d'un mystérieux inquisiteur de l'Eglise...
Voila, j'espère que l'auteur ne verra pas de défaut à ce petit résumé
- Anton LudenhofChampion squelette
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Re: Le siège de Leicheberg
Mar 12 Aoû 2014 - 20:54
Woh ! Un tel accueil, après si longtemps !
Les gars... (et Arken )... merci !
D'ailleurs, je m'exécute, et voici un petit rappel des (nombreux) personnages
Anton Ludenhof : "Son Excellence, le Stirmarshall, Commandant Suprême des Forces du Stirland" est un aristocrate qui est parvenu à prendre une place de premier choix auprès du Comte-Electeur, Albérich Haupt-Anderssen. Général ambitieux et politicien arriviste, il a aussi bien des vues sur le trône de la province que sur l'Empire lui-même. Néanmoins, ses intérêts se conjuguent avec ceux de sa patrie, et incarne sûrement l'espoir du Stirland face à la menace venue de Sylvanie.
Swen Meltburg : D'origine modeste, Swen est empreint des idéaux de sa province. Brave, téméraire, conformiste, mais malgré tout timide et inexpérimenté, il a néanmoins été choisi par le Stirmarshall pour être sa "Main du Prince", autrement dit, le Fürst. Peinant à discerner la personnalité de son mentor, hésitant entre crainte et admiration, Swen est tout entier acquis à la sauvegarde du Grand Comté. Malgré tout, il est constamment tiraillé entre ses valeurs et le pragmastisme du moment.
Aloïs von Rinauer : Capitaine émérite au passé troublé, cet homme est un vétéran. Ancien membre de la garde écarlate du Comte-Electeur, il est désormais à la tête de la troupe de Waldenhof. Agressif et implacable, il ne vit plus que pour la guerre. Celle-la même qui lui a pris son œil droit, et qui demeure néanmoins sa seule raison de vivre.
Joseff Rodörfy : Colosse malodorant, bourru et bête comme ses pieds, il s'est pourtant retrouvé en charge d'une des plus prestigieuses casernes de Wurtbad. En vérité, il ne doit son avancée qu'aux manœuvres démagogiques du Stirmarshall, désireux de déranger le vieil Etat-Major de la capitale. Ami de Swen Meltburg, ce dernier connait la valeur de cet homme, père de plusieurs enfants, victime de son amour, incompatible avec la carrière militaire.
Klemens zu Hochschleswigl : Officier raffiné, élégant et courtois, il n'en demeure pas moins un débauché. Obsédé sexuel et toujours prêt à explorer les plaisirs artistiques, Klemens est un homme dont la langue est aussi lacérée qu'un poignard. Á la tête d'un régiment, il a su se faire respecter de ses soldats en les impressionnant par son amour immodéré des femmes et de la boisson. Mais il est aussi un expert en la chose militaire, qu'il considère comme un art à part entière. C'est sûrement un des meilleurs officiers de l'armée du Stirland.
Ehrwig Kraemer : Tout juste sorti de l'académie militaire de Wurtbad, il doit à son père d'avoir été nommé capitaine si jeune. Incapable de diriger ses soldats, il doit constamment se reposer sur son second, qui se comporte comme un véritable instructeur à son égard. Le siège de la cité sera son baptême du feu.
Edit : Merciiii Von Essen ! Très très bon résumé ! (j'suis vraiment flatté )
Les gars... (et Arken )... merci !
D'ailleurs, je m'exécute, et voici un petit rappel des (nombreux) personnages
Le siège de Leicheberg, et ses principaux personnages
Anton Ludenhof : "Son Excellence, le Stirmarshall, Commandant Suprême des Forces du Stirland" est un aristocrate qui est parvenu à prendre une place de premier choix auprès du Comte-Electeur, Albérich Haupt-Anderssen. Général ambitieux et politicien arriviste, il a aussi bien des vues sur le trône de la province que sur l'Empire lui-même. Néanmoins, ses intérêts se conjuguent avec ceux de sa patrie, et incarne sûrement l'espoir du Stirland face à la menace venue de Sylvanie.
Swen Meltburg : D'origine modeste, Swen est empreint des idéaux de sa province. Brave, téméraire, conformiste, mais malgré tout timide et inexpérimenté, il a néanmoins été choisi par le Stirmarshall pour être sa "Main du Prince", autrement dit, le Fürst. Peinant à discerner la personnalité de son mentor, hésitant entre crainte et admiration, Swen est tout entier acquis à la sauvegarde du Grand Comté. Malgré tout, il est constamment tiraillé entre ses valeurs et le pragmastisme du moment.
Aloïs von Rinauer : Capitaine émérite au passé troublé, cet homme est un vétéran. Ancien membre de la garde écarlate du Comte-Electeur, il est désormais à la tête de la troupe de Waldenhof. Agressif et implacable, il ne vit plus que pour la guerre. Celle-la même qui lui a pris son œil droit, et qui demeure néanmoins sa seule raison de vivre.
Joseff Rodörfy : Colosse malodorant, bourru et bête comme ses pieds, il s'est pourtant retrouvé en charge d'une des plus prestigieuses casernes de Wurtbad. En vérité, il ne doit son avancée qu'aux manœuvres démagogiques du Stirmarshall, désireux de déranger le vieil Etat-Major de la capitale. Ami de Swen Meltburg, ce dernier connait la valeur de cet homme, père de plusieurs enfants, victime de son amour, incompatible avec la carrière militaire.
Klemens zu Hochschleswigl : Officier raffiné, élégant et courtois, il n'en demeure pas moins un débauché. Obsédé sexuel et toujours prêt à explorer les plaisirs artistiques, Klemens est un homme dont la langue est aussi lacérée qu'un poignard. Á la tête d'un régiment, il a su se faire respecter de ses soldats en les impressionnant par son amour immodéré des femmes et de la boisson. Mais il est aussi un expert en la chose militaire, qu'il considère comme un art à part entière. C'est sûrement un des meilleurs officiers de l'armée du Stirland.
Ehrwig Kraemer : Tout juste sorti de l'académie militaire de Wurtbad, il doit à son père d'avoir été nommé capitaine si jeune. Incapable de diriger ses soldats, il doit constamment se reposer sur son second, qui se comporte comme un véritable instructeur à son égard. Le siège de la cité sera son baptême du feu.
Edit : Merciiii Von Essen ! Très très bon résumé ! (j'suis vraiment flatté )
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