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- Hjalmar OksildenKasztellan
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Palmares : Champion du Fort de Sang, Comte de la Crypte 2018 & 2022, Organisateur des affrontements festifs d'Ubersreik
La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Jeu 18 Aoû 2016 - 22:58
Allez, pendant que c'est la guerre à la taverne, je poste le début du nouveau récit Le truc a pris beaucoup d'ampleur dans les derniers jours et j'ai de grands projets pour cette suite de texte. Ce qui fait que ça va probablement prendre un peu de temps à faire, donc on verra pour la rapidité d'exécution
Ce récit est une suite à La quête improbable (vous avez aussi une version en pdf ici avec quelques images).
En attendant, voici le début de l'introduction (oui je distille comme ça ). J'espère que cela vous plaira
Voilà ce que l’on pourrait dire, avec des termes élogieux et un élan poétique, pour décrire le temps proprement dégueulasse de la soirée qui nous intéresse. Parce que oui, le temps était particulièrement exécrable. On pouvait bien y mettre toutes les formes que l’on souhaitait, cela n’empêcherait pas la pluie froide et drue de tomber sur Talabheim et sa région.
Ce reproche, c’est Renata Kellerman -mercenaire de profession et fière de l’être- qui le fit à l’auteur de l’envolée lyrique - le dénommé Placido de La Gioia, mercenaire lui aussi. Ce dernier s’en indigna silencieusement en levant les yeux au ciel.
« Si on ne peut plus détendre l’atmosphère… - dit-il en Reikspiel avec un léger accent Tiléen.
-Non, on ne peut pas. Pas maintenant. »
L’ordre était clair et la façon donc Renata l’avait déclaré était plus qu’équivoque : Encore un pet de travers et je m’occupe de te faire taire. Placido était suffisamment expérimenté et habitué à sa compagnonne pour savoir à quoi s’en tenir. Tout en lissant sa fine moustache, il décida de rester coi.
Remarquant les résultats de sa menace, Renata acquiesça brièvement et reprit sa marche. La demi-douzaine de mercenaires qu’elle dirigeait suivirent au pas leur capitaine. L’impériale n’aimait pas avoir recours à de telles intimidations, mais leur mission était en train d’arriver à son terme et ils n’avaient vraiment pas besoin de tout faire capoter à cause d’une déclamation de vers malheureuse. D’un geste agacé, l’impériale releva pour la dixième fois la mèche brune qui cascadait sur son front. Ses cheveux étaient encore trop longs – se dit-elle en pestant – il allait falloir y remédier. Elle ajusta sa tunique en lin et son manteau long en cuir, faisant ainsi dégringoler les gouttes qui s’étaient accumulées sur ce dernier, et jeta un regard derrière elle pour passer en revue l’état des troupes.
Les mercenaires portaient un manteau en cuir brun sali par les éléments qui cachait une cotte de mailles en dessous. A leurs flancs pendaient épées, hachettes, pistolets et autres armes en tout genre. Certains, dont Placido, étaient même équipés d’épaulières ainsi que de protège-tibias en acier. En fait, le tiléen détonait quelque peu avec sa rapière et son chapeau à large bord typique des habitants du sud alors que les autres avaient une simple capuche. A sa grande surprise, Renata eu presque envie de complimenter le chapeau de Placido qui le protégeait relativement bien de la pluie … Elle qui détestait cet objet rocambolesque, cela la fit bien glousser. Même si elle devait reconnaître qu’elle aurait bien aimé avoir quelque chose pour s’abriter de la pluie vue qu’elle-même n’avait pas de capuche. La « compagnie des chiens fous », comme ils s’appelaient, était donc complètement trempée et assurée de finir avec un beau rhume le lendemain. Mais au moins, ils étaient prêts.
Renata se retourna vers son objectif : une petite bicoque au bout de la rue. On apercevait difficilement la lueur d’une torche qui perçait à travers l’épaisse couche de crasse sur l’unique vitre du bâtiment et le toit était à moitié pourri. Un véritable palace dans le quartier du Suif de Talabheim donc. Le reste de la rue faisait peine à voir. La quasi-totalité de ce quartier pauvre se trouvait dans l’ombre du Taalbastion au point que l’on ne savait jamais précisément s’il y faisait nuit ou jour. Ce qui n’avait pas arrangé sa réputation et son état par extension.
En s’approchant de ladite maison, Renata remarqua la présence d’un autre groupe armé. Une rue en retrait, et comme prévu, les « Boucliers » protégeant le prêtre de Sigmar qui surveillait la mission étaient à l’heure. Les solides gaillards qui faisaient partis de ce groupe de gardes du corps mercenaires étaient aux aguets. Ils puaient l’expérience à plein nez et semblaient plus que capables de gérer la situation. Mais cela ne rassura qu’à peine Renata et son groupe. Après tout, à l’intérieur, ils seraient seuls. Le prêtre-guerrier hocha la tête pour indiquer qu’ils pouvaient, non, qu’ils devaient y aller. Son regard impassible faisait froid dans le dos.
Renata regarda ses troupes qui, en guise de réponse, lui sourirent tous ensemble. Ils étaient prêts et elle aussi. La mercenaire soupesa son écu et dégaina son sabre. Son pistolet à son flanc gauche était chargé. La dague dans sa botte était en place. Tout était bon. Il allait falloir être rapide. Ces foutus cultistes avaient souvent plus d’un tour dans leurs sacs...
« Bien » commença-t-elle à voix basse, mais suffisamment fort pour être entendue malgré la pluie. « A mon signal, Gunther, tu enfonces la porte. »
L’homme en question se plaça dans l’embrasure. Gunther était un solide gaillard et son marteau de guerre n’aurait aucun problème à briser le verrou. L’Ostlander se mit en position, marteau en main et prêt à frapper. Son unique œil se plaça sur sa capitaine et il acquiesça. Renata lui indiqua un chiffre de la main.
Trois.
Des gouttes d’eau se brisaient par intermittence sur la lame de Renata et des lézardes humides se traçaient sur son bouclier arborant un chien de gueule sur fond de sable.
Deux.
On put entendre un bruissement dans les rangs alors que les nerfs et les muscles se tendaient, prêt à frapper.
Un.
Le marteau fendit l’air.
Ce récit est une suite à La quête improbable (vous avez aussi une version en pdf ici avec quelques images).
En attendant, voici le début de l'introduction (oui je distille comme ça ). J'espère que cela vous plaira
*** ***
Les nuages gris voilaient
De leur averse ondée
La couleur de jais
De la voute étoilée
Mais malgré ce temps austère
Noire était la nuit
Et légère était la pluie
Comme toujours dans la cité du cratère.
De leur averse ondée
La couleur de jais
De la voute étoilée
Mais malgré ce temps austère
Noire était la nuit
Et légère était la pluie
Comme toujours dans la cité du cratère.
Voilà ce que l’on pourrait dire, avec des termes élogieux et un élan poétique, pour décrire le temps proprement dégueulasse de la soirée qui nous intéresse. Parce que oui, le temps était particulièrement exécrable. On pouvait bien y mettre toutes les formes que l’on souhaitait, cela n’empêcherait pas la pluie froide et drue de tomber sur Talabheim et sa région.
Ce reproche, c’est Renata Kellerman -mercenaire de profession et fière de l’être- qui le fit à l’auteur de l’envolée lyrique - le dénommé Placido de La Gioia, mercenaire lui aussi. Ce dernier s’en indigna silencieusement en levant les yeux au ciel.
« Si on ne peut plus détendre l’atmosphère… - dit-il en Reikspiel avec un léger accent Tiléen.
-Non, on ne peut pas. Pas maintenant. »
L’ordre était clair et la façon donc Renata l’avait déclaré était plus qu’équivoque : Encore un pet de travers et je m’occupe de te faire taire. Placido était suffisamment expérimenté et habitué à sa compagnonne pour savoir à quoi s’en tenir. Tout en lissant sa fine moustache, il décida de rester coi.
Remarquant les résultats de sa menace, Renata acquiesça brièvement et reprit sa marche. La demi-douzaine de mercenaires qu’elle dirigeait suivirent au pas leur capitaine. L’impériale n’aimait pas avoir recours à de telles intimidations, mais leur mission était en train d’arriver à son terme et ils n’avaient vraiment pas besoin de tout faire capoter à cause d’une déclamation de vers malheureuse. D’un geste agacé, l’impériale releva pour la dixième fois la mèche brune qui cascadait sur son front. Ses cheveux étaient encore trop longs – se dit-elle en pestant – il allait falloir y remédier. Elle ajusta sa tunique en lin et son manteau long en cuir, faisant ainsi dégringoler les gouttes qui s’étaient accumulées sur ce dernier, et jeta un regard derrière elle pour passer en revue l’état des troupes.
Les mercenaires portaient un manteau en cuir brun sali par les éléments qui cachait une cotte de mailles en dessous. A leurs flancs pendaient épées, hachettes, pistolets et autres armes en tout genre. Certains, dont Placido, étaient même équipés d’épaulières ainsi que de protège-tibias en acier. En fait, le tiléen détonait quelque peu avec sa rapière et son chapeau à large bord typique des habitants du sud alors que les autres avaient une simple capuche. A sa grande surprise, Renata eu presque envie de complimenter le chapeau de Placido qui le protégeait relativement bien de la pluie … Elle qui détestait cet objet rocambolesque, cela la fit bien glousser. Même si elle devait reconnaître qu’elle aurait bien aimé avoir quelque chose pour s’abriter de la pluie vue qu’elle-même n’avait pas de capuche. La « compagnie des chiens fous », comme ils s’appelaient, était donc complètement trempée et assurée de finir avec un beau rhume le lendemain. Mais au moins, ils étaient prêts.
Renata se retourna vers son objectif : une petite bicoque au bout de la rue. On apercevait difficilement la lueur d’une torche qui perçait à travers l’épaisse couche de crasse sur l’unique vitre du bâtiment et le toit était à moitié pourri. Un véritable palace dans le quartier du Suif de Talabheim donc. Le reste de la rue faisait peine à voir. La quasi-totalité de ce quartier pauvre se trouvait dans l’ombre du Taalbastion au point que l’on ne savait jamais précisément s’il y faisait nuit ou jour. Ce qui n’avait pas arrangé sa réputation et son état par extension.
En s’approchant de ladite maison, Renata remarqua la présence d’un autre groupe armé. Une rue en retrait, et comme prévu, les « Boucliers » protégeant le prêtre de Sigmar qui surveillait la mission étaient à l’heure. Les solides gaillards qui faisaient partis de ce groupe de gardes du corps mercenaires étaient aux aguets. Ils puaient l’expérience à plein nez et semblaient plus que capables de gérer la situation. Mais cela ne rassura qu’à peine Renata et son groupe. Après tout, à l’intérieur, ils seraient seuls. Le prêtre-guerrier hocha la tête pour indiquer qu’ils pouvaient, non, qu’ils devaient y aller. Son regard impassible faisait froid dans le dos.
Renata regarda ses troupes qui, en guise de réponse, lui sourirent tous ensemble. Ils étaient prêts et elle aussi. La mercenaire soupesa son écu et dégaina son sabre. Son pistolet à son flanc gauche était chargé. La dague dans sa botte était en place. Tout était bon. Il allait falloir être rapide. Ces foutus cultistes avaient souvent plus d’un tour dans leurs sacs...
« Bien » commença-t-elle à voix basse, mais suffisamment fort pour être entendue malgré la pluie. « A mon signal, Gunther, tu enfonces la porte. »
L’homme en question se plaça dans l’embrasure. Gunther était un solide gaillard et son marteau de guerre n’aurait aucun problème à briser le verrou. L’Ostlander se mit en position, marteau en main et prêt à frapper. Son unique œil se plaça sur sa capitaine et il acquiesça. Renata lui indiqua un chiffre de la main.
Trois.
Des gouttes d’eau se brisaient par intermittence sur la lame de Renata et des lézardes humides se traçaient sur son bouclier arborant un chien de gueule sur fond de sable.
Deux.
On put entendre un bruissement dans les rangs alors que les nerfs et les muscles se tendaient, prêt à frapper.
Un.
Le marteau fendit l’air.
_________________
"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett
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- Les livres dans le paquetage du nordique...:
La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
Tome 3 : Foi Furieuse
Je vous conseille de le télécharger, mettre l'affichage en deux pages et, si possible, activer le mode "Afficher la page de couverture en mode Deux pages" sous Adode Reader (en gros juste pour s'assurer que les pages sont bien affichées comme dans le vrai livre et non décalées)
- GilgaladMaître floodeur
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Jeu 18 Aoû 2016 - 23:02
Un texte assez sympa je trouve. Il manque quelques virgules à certains endroits qui rendent la compréhension de la phrase plus difficile, mais rien de très gênant.
Sinon, j'ai hâte de voir la suite.
Ah oui, c'est trop court
Sinon, j'ai hâte de voir la suite.
Ah oui, c'est trop court
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Veuillez à ne pas insulter les Hauts Elfes, sans quoi il vous en cuira. Le risque est un démembrement très rapide suivit d'une décapitation.
- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 19 Aoû 2016 - 15:41
Gilgalad a écrit: Il manque quelques virgules à certains endroits qui rendent la compréhension de la phrase plus difficile, mais rien de très gênant.
Je dirais plutôt que c'est parce que je ne sais pas faire de phrases simples C'est un gros problème pour moi, mais je me soigne
Allez, du coup j'envoie la suite.
**** ****
Pendant ce temps, à l’intérieur, une dizaine de figures encapuchonnées psalmodiaient en cœur. Ils s’étaient placés autour d’un assortiment de symboles cabalistiques circonscrit dans un grand cercle. Le tout convergeaient vers un bol en bois qui contenait du sang dans lequel plusieurs crânes baignaient. Un acolyte tournait autour du cercle de cultistes en psalmodiant lui aussi, mais un autre verset qui complétait l’incantation principale. La lueur projetée par les torches placées sur les murs amplifiait les ombres vacillantes.
Après quelques minutes d’incantations, les ombres se mirent à converger vers le centre du cercle cabalistique au grand bonheur de l’acolyte. Il faillit crier de joie en voyant que l’incantation fonctionnait mais il se reprit bien vite et continua ses litanies avec encore plus de ferveur, ses yeux rivés sur le bol de sang.
Ce dernier se mit à bouillir de plus en plus fortement et une fumée nauséabonde s’en dégagea. Elle sentait le souffre et se mit à former un nuage ovale qui semblait tenir magiquement en place. Les crânes commencèrent à briller d’une teinte jaunâtre et de plus en plus de fumée se dégageait.
Les quatre cultistes postés à l’entrée se levèrent de leurs sièges, ils arboraient un air mi-béat mi-émerveillé devant la scène. C’est alors qu’un des cultistes se retourna vers la porte d’entrée, les sourcils froncés.
« Hé, vous avez pas entendu quelqu’chose ? »
Le cultiste se rapprocha de la porte et tenta d’entendre quelque chose à travers.
« Je t’ai demandé de briser la porte, pas de l’effleurer ! fit une voix féminine en colère.
-Y’a quelqu’un derrière la p-blourf … !»
Ainsi furent les derniers mots de Kurt Strudel avant de se prendre les restes d’une porte en bois en relativement mauvais état dans la mâchoire. Porte au travers de laquelle une demi-douzaine de guerriers enragés chargea en criant comme des forcenés.
En quelques secondes, Gunther l’ostlander broya ce qui restait de Kurt Strudel à grand renfort de maillet tandis que Renata et Placido embrochaient chacun un garde. Les autres mercenaires entourèrent les cultistes restants en les menaçant du bout de leur armes.
« Trop taaaaard ! – cria subitement l’acolyte qui dirigeait la cérémonie. - Vous êtes arrivés trop taaard ! »
En effet, derrière l’acolyte qui agitait ses bras dans tous les sens, Renata pu voir que les vapeurs de sang s’étaient agglomérés en en mince fente. Fente qui était en train de s’élargir dangereusement vite d’ailleurs, comme... Un portail en fait. Au travers de l’ouverture magique, des flammes se mirent à rugir puis se calmèrent en ne laissant derrière elle qu’un miroir bordeaux dont la surface était agitée par des vaguelettes.
« Et merdre » pesta Renata.
Quand elle regarda à nouveau l’acolyte, il avait dégainé une dague et fonçait vers elle avec un air fou et euphorique sur le visage. Par réflexe, la mercenaire fit un pas de côté, esquiva l’estoc et répliqua en envoyant son écu dans le visage de son adversaire. La plaque d’acier ne fit preuve d’aucune pitié à l’encontre des os du visage de l’acolyte qui se retrouva avec une bonne partie de la figure broyée. S’effondrant dans un râle atroce, l’acolyte lâcha son coutelas pour tenir son visage meurtri duquel coulait du sang en abondance.
« Maitrisez-moi cet abruti ! hurla Renata à ses hommes. »
Placido se plaça donc au-dessus de l’acolyte et pointa sa rapière vers le blessé.
« Tu as entendu la dame ? fit Placido sur un ton moqueur. Pas de mouvements brusques. »
Les autres cultistes, voyant que leur situation était devenue plus que précaire, se retournèrent tour à tour et formèrent un cercle défensif autour du portail en dégainant leurs coutelas ouvragés de cérémonie.
Mais alors que les mercenaires allaient attaquer, il y eu un mouvement soudain au niveau du portail. La surface ondulée venait d’être prise d’un soubresaut. Puis d’un autre. Et encore un. Lentement, une main rouge griffue et écailleuse perça la surface du portail. Elle fut bientôt suivie par le corps rachitique d’un sanguinaire de Khorne dont les yeux brûlants n’étaient que haine. Dans un hurlement abominable, le démon s’extirpait tant bien que mal du portail. Alors que chaque personne dans la pièce regardait d’un œil terrifié l’apparition démoniaque, l’acolyte en profita pour relever.
« Vous…n’avez aucune f’ance, bredouilla l’acolyte en crachant du sang et quelques dents. Khorne nous protève et ses serviteurs vont…
-Pitié !»
L’acolyte arrêta net son discours. Le sanguinaire venait de prononcer son premier mot et, il convient de le dire, ce n’était pas vraiment ce à quoi l’acolyte s’attendait. Le démon s’était presque dégagé du portail, seul sa jambe droite était encore à l’intérieur. Il tenta de sortir du cercle cabalistique, mais en vain, les symboles magiques l’empêchaient de partir. Le démon se mit alors à frapper sur le mur magique aussi fort qu’il le pouvait, comme pris de panique. Sans prévenir, quelque chose tira brusquement sur la jambe du sanguinaire qui s’affala sur le sol. Dans un hurlement déchirant, le démon se mit à se faire tirer vers l’intérieur du portail devant les yeux médusés des mercenaires. Les mains rouges raclèrent sur les planches de bois au sol pour tenter de trouver une prise quelconque. Mais malheureusement pour le sanguinaire, ce fut inutile et il continua de glisser lentement vers le portail en gémissant.
A peine les personnes dans la pièce essayèrent-t-elles de reprendre leurs esprits pour faire quelque chose qu’une nouvelle forme sortit du miroir. Celle-ci était rapide et avait l’apparence… d’une hache en acier. Sans plus de cérémonie, l’arme partit se loger dans le crâne du sanguinaire dans un craquement abominable. Le démon eu un dernier soubresaut et tomba raide mort. Tandis que le cadavre se désagrégeait lentement et retournait dans le monde chaotique qui l’avait engendré, la chose qui maniait la hache passa à travers le portail. Quand les traits de l’inconnu se révélèrent, les gens présents dans la pièce écarquillèrent les yeux, abasourdi par ce qu’il voyait.
L’inconnu portait une armure lourde noire sillonnée de bronze avec des épaulières parcourue de pics. Ses avant-bras étaient protégés en partie par des gantelets en acier retenus par des lanières de cuir et à ses pieds il était équipé d’une paire de grèves, noires elles aussi. Toute son armure était recouverte de taillades, griffures et autres impacts, mais elle tenait bon. Ses longs cheveux châtains clairs reposaient sur ses épaules et sa barbe fournie avait été tressée. A son cou, un pendentif brillait d’un bleu éclatant, mais ce dernier vit sa lueur s’éteindre quand le guerrier fut complètement sorti du portail. Ce dernier d’ailleurs, se referma derrière lui.
« Il aura été bien faiblard celui-là... » grommela la chose qui s’était révélé être un humain. Une sorte de guerrier norse plutôt imposant pour être exact. Le nouveau-venu embrassa du regard l’assemblée, ramena sa hache à deux mains sur son épaule gauche et gloussa légèrement.
« Bon, qui est le prochain à vouloir m’affronter ? dit-il avec un grand sourire aux lèvres.
-K…Khorne ? bredouilla un cultiste devant le norse.
-Non. Hjalmar Oksilden. Enchanté. »
La hache du nordique se dégagea de son épaule à une vitesse inouïe. Elle rentra dans le corps du cultiste par l’épaule avec facilité et s’arrêta au niveau de son ventre en coupant un bras -malencontreusement placé là - au passage. La victime de ce coup ne put même pas prononcer un râle, ses poumons ayant été perforés. De toute façon, il avait rendu l’âme quand son cœur fut tranché.
Ce fut simple, rapide, précis et pourtant Hjalmar eu l’air surprit. Sa hache étant coincée dans le corps du cultiste, il plaça sa botte sur le corps et dégagea sa lame par une poussée brusque. Le cadavre encore chaud s’étala en créant une flaque bordeaux sur le sol que les spectateurs de la scène évitèrent d’un petit bond. Toujours circonspect et les sourcils froncés, Hjalmar rapprocha sa hache de son visage pour qu’il puisse l’étudier à la lueur des torches. Le sang chaud gouttait encore de l’arme et on pouvait repérer quelques morceaux d’os ici et là.
« Tiens, c’est nouveau ça, murmura-t-il simplement. »
Sur ce, le guerrier s’étala de tout son long en avant.
- Représentation de son entrée:
« Que… Qu’est-ce qu’il vient de se passer là ? demanda Gunther d’un air hébété.
-Ben, un type vient de… passer le portail par lequel un démon était en train de sortir, répondit Placido.
-Oui merci, j’avais vu ! Ce que je veux savoir c’est pourquoi un type sort tout droit des enfers pour nous lancer un duel ?!
-Assez ! cria Renata. »
La capitaine n’avait pas lâché le norse du regard depuis son apparition - les cultistes non plus d’ailleurs. Si elle était aussi inquiète que le reste de ses hommes, elle ne le laissa pas paraître. Son grade le lui interdisait. Renata se retourna vers ses troupes et enchaina les ordres :
« Maitrisez les cultistes restants et mettez-les en rang dans un coin. Ils ne bougent plus, ça devrait être facile. Gunther, va aider Klaus, son bras n’a pas l’air d’aller fort. Placido, tu vas indiquer à l’autre prêtre qu’il peut venir. » - elle pointa brusquement son pistolet vers l’acolyte qui essayait de se glisser vers l’extérieur. – « Toi tu ne bouges pas ! Va avec les autres ! … Allez, au boulot les gars ! »
Les instructions ayant été données, les mercenaires ne se firent pas attendre. Mais ces derniers et les cultistes semblaient troublés par ce qu’il venait de se passer et il ne fallut pas longtemps avant que la situation ne dégénère.
Voir des soldats armés jusqu’aux dents leur arriver dessus ne fut pas vraiment bien prit par les cultistes qui, après une grande période d’indécision terrifiée, décidèrent subitement qu’une charge générale était une bonne idée. Criant comme des dératés, les pauvres gaillards en robe firent voler leur dague dans tous les sens en courant vers les mercenaires qui les cueillirent sans difficulté. Et en quelques secondes, tous les cultistes de la pièce venaient de se faire tuer.
Dans la mêlée, l’acolyte profita d’un seconde d’inattention de Renata pour retenter sa grande évasion. Pas de chance pour lui car en sortant de la maison, il tomba sur Placido qui se tenait dans l’encadrement de la porte, l’air menaçant. Derrière lui se tenaient une escouade de Boucliers et un prêtre-guerrier de Sigmar.
« J’avais dit… pas de gestes brusques, non ? fit Placido.
-Argl, fit l’acolyte.
-Tuez l’hérétique ! fit le prêtre. »
La rapière, elle, ne fit aucun bruit quand elle traversa le cœur de l’acolyte.
**** ****
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"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett
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- Les livres dans le paquetage du nordique...:
La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
Tome 3 : Foi Furieuse
Je vous conseille de le télécharger, mettre l'affichage en deux pages et, si possible, activer le mode "Afficher la page de couverture en mode Deux pages" sous Adode Reader (en gros juste pour s'assurer que les pages sont bien affichées comme dans le vrai livre et non décalées)
- ethgri wyrdaRoi revenant
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Jeu 25 Aoû 2016 - 17:58
oups, j'avais raté ça… désolé (pas tuer…pas tuer…)
alors… un vrac ou un pavé…
/randint(1;6)
2
bon, un vrac alors:
j'adore le style d'écriture: ça se lit tout seul, et c'est bien marrant! les descriptions des personnages sont bien dosées, et c'est fluide comme tout! j'adore!
après, bon, c'est trop court
ensuite, l'histoire me fait bien marrer. Quand même, il faut être con pour libérer un démon dans une cage… et j'attends de voir comment un type sorti du chaos va s'en tirer, alors qu'il est dans les pommes, face à un pretre-guerrier…
Et puis, j'adore les combats complètement desequilibrés avec des types qui essayent en vain d'implorer un peu de pitié surtout si il y a un démon dans le tas!
le prochain mot vous est
A tous familier
Sachez-le, ce mot est
Utile à notre auteur
Il motive ses écrits
Toujours encourage l'encre
Et pousse à continuer
LA SUITE!!!
alors… un vrac ou un pavé…
/randint(1;6)
2
bon, un vrac alors:
j'adore le style d'écriture: ça se lit tout seul, et c'est bien marrant! les descriptions des personnages sont bien dosées, et c'est fluide comme tout! j'adore!
après, bon, c'est trop court
ensuite, l'histoire me fait bien marrer. Quand même, il faut être con pour libérer un démon dans une cage… et j'attends de voir comment un type sorti du chaos va s'en tirer, alors qu'il est dans les pommes, face à un pretre-guerrier…
Et puis, j'adore les combats complètement desequilibrés avec des types qui essayent en vain d'implorer un peu de pitié surtout si il y a un démon dans le tas!
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Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Jeu 25 Aoû 2016 - 18:09
Ethgri a écrit:Quand même, il faut être con pour libérer un démon dans une cage…
Si les types étaient des amateurs (j'veux dire, invoquer un sanguinaire c'est pas fabuleux), ils n'étaient pas suicidaire. Quand on invoque un démon de Khorne, on préfère prendre ses précautions donc on se protège
Merci pour les compliments du coup, ça fait vraiment plaisir ! Et tu sais quoi, je vais même te remercier avec un gros morceau de suite
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Jeu 25 Aoû 2016 - 18:18
J'ai passé beaucoup trop de temps sur ce morceau à essayer de corriger les erreurs du scénario... Il en reste probablement (et j'espère que vous pourrez me les citer s'il y en a). En attendant, bonne lecture
L’opération avait été un succès. Enfin presque, mais Renata s’en contenterait bien. Le simple fait d’avoir accompli cette mission sans perdre un seul membre de son groupe était déjà un exploit en soi… Mais même si elle était soulagée et contente de la façon dont les choses se soient déroulées, elle ne pouvait s’empêcher de se questionner à propos du… De… Du norse qui était apparu comme par magie. Elle ne savait vraiment pas quoi en penser. Cette sensation d’impuissance mêlé à de l’incompréhension lui laissait un goût amer dans la gorge et elle détestait ça.
La capitaine mercenaire jeta un regard derrière elle, vers le chariot qui transportait le nordique. A l’occasion, il faudrait qu’elle lui parle. Au chaos les préjugés et accusations qui pesaient sur sa tête, elle voulait savoir de quoi il en retourne… Avant que sa curiosité ne la rende folle. Par réflexe, elle leva sa main pour enlever la mèche de cheveux qui cascadait sur son front, sauf qu’elle n’était plus là depuis hier. Une coupe rapide l’en avait débarrassée. Ses habitudes sont tenaces apparemment, gloussa-t-elle.
Renata se détourna du chariot et regarda la route devant elle. La canopée se scindait en deux le long du chemin terreux qu’ils empruntaient depuis hier. Les arbres devenus rougeâtres ou mordorés avec le début de l’automne donnaient un air de paysage de peinture à la scène. Renata aurait bien voulu apprécier la beauté de l’instant, mais elle n’avait pas ce luxe. Plus depuis sa discussion avec le grand prêtre Farador.
Trois jours plus tôt, juste après leur mission dans le Suif, le prêtre-guerrier qui supervisait la mission avait découvert le corps du norse en plein milieu de la salle. Il va sans dire qu’il éructa de rage et tenta de purifier sans attendre « l’hérésie » … Mais quand un bouclier magique d’éclairs bleutés s’interposa entre le norse et son marteau, le prêtre changea bien vite d’attitude. Il avait demandé le nom du norse et quand Renata le lui avait révélé approximativement elle s’était retrouvée dans le bureau du Grand-prêtre de Talabheim sans avoir eu le temps de protester quoi que ce soit.
Farador, dans toute sa fainéantise légendaire, n’avait même pas daigné regarder le norse avant de conclure qu’il était un chaotique corrompu jusqu’à la moelle et qu’il devait être envoyé à Altdorf pour être brûlé. Ce qu’il n’avait pas dit et que Renata avait apprise par la suite, c’est que le norse était activement recherché par l’ordre du Marteau d’Argent. Ils avaient apparemment des comptes à régler avec lui...
Mais, il fallait le reconnaitre, Farador n’était pas forcément le dernier des idiots. Et s’il était paresseux au possible, il était aussi devenu un maître du moindre effort pour le maximum d’efficacité. Ainsi, il demanda à Renata et ses hommes d’accompagner le nordique jusqu’à Altdorf avec une autre escorte de prisonniers qui allait partir sous peu. La compagnie des chiens fous se retrouvait donc subitement à devoir escorter trois chariots de prisonniers sans savoir exactement qui se trouvait dans deux d’entre eux… Une situation absolument fantastique donc qui lui interdisait de se relâcher. Le danger pouvait venir de partout dans ces forêts…
« Je peux vous parler, madame ? fit une voix à droite de Renata.
-Huh ? » s’étonna la mercenaire en se faisant ramener à la réalité. En y regardant de plus près, elle vit qu’il s’agissait d’Hans Grimmel, le capitaine de la garde du convoi qu’ils avaient rejoint. Le Carrobourgeois avait été dans l’armée impériale si elle se souvenait bien. Le fait qu’il ait gardé son uniforme rouge et noir typique de la ville indiquait qu’il en avait gardé un bon souvenir. Hans avait ce regard de l’homme qui en avait trop vu mais qui continuait quand même juste pour ses hommes. Renata l’avait respectée dès le début. Elle avait beau partager son grade, elle savait qu’elle était loin d’avoir l’expérience du gaillard.
« Heu… Oui ! Bien sûr, que voulez-vous ? demanda-t-elle sur un ton amical.
-Eh bien, je pensais qu’il était temps de vous mettre au courant de notre… cargaison. Je vous ai observé deux jours durant et vous m’avez l’air digne de confiance. »
Renata se mordit la lèvre inférieure, elle avait pensé trop vite finalement.
« Je vous remercie de votre sincérité mais pourquoi tant de précautions pour des prisonniers ?... A moins que…
-Vous réfléchissez vite dites donc, gloussa Hans qui agita sa main en direction du chariot de tête. Dans celui-là, il y a bien des prisonniers. Trois pour être exact. Deux meurtriers et un idiot qui a eu la bonne idée de faire croire à tout le monde qu’il était doué de vision. Ils serviront d’exemple sur la place principale d’Altdorf je crois. Et le chariot du milieu, eh bien c’est là que ça se corse.
-C’est-à-dire ? s’enquit Renata en fronçant les sourcils.
-Ce chariot, s’il ressemble aux autres, ne contient pas n’importe qui. A l’intérieur, il y a la… Une dame importante qui veut se rendre à Altdorf discrètement. Son escorte est donc camouflée pour être moins sujette aux attaques. Par voie navale, cela aurait été trop dangereux, les marins pourraient avoir été achetés. Du coup nous avons choisi la voie terrestre. Et avant que vous ne posiez la question, l’idée ne vient pas de moi, elle vient de plus haut.
-D’accord, donc les deux autres chariots sont là pour donner une crédibilité au supposé convoi de prisonniers… C’est étrange mais inattendu il faut dire. Vous n’allez pas me donner son nom je suppose ?
-Nous verrons si vous méritez d’en savoir plus quand vous gagnerez ma confiance complète, dit Hans avec un sourire en coin. Si je vous ai tenu au courant, c’est pour éviter que vous ne paniquiez quand nous allons ouvrir la porte du chariot pour nourrir la damoiselle. Hier soir, nous avions réussi à le faire discrètement, mais cela me semble difficile à garder comme secret - surtout si elle veut se dégourdir les jambes. Voilà pour les explications. Et sinon, pour le moment, je ne sais même pas comment vous vous débrouillez en combat, donc je garde mes réserves.
-Nous pourrions vous surprendre, dit malicieusement Renata. »
Hans éclata de rire en entendant la réponse de Renata.
« Nous verrons. »
Un sourire aux lèvres, Hans s’éloigna de Renata pour repartir à l’avant du convoi. Cette dernière vit son attention se reporter immédiatement sur le nordique. D’ailleurs, Hans n’avait pas demandé qui était dans…
« Eh, dites-moi, l’interpella Hans qui revenait vers elle. »
Décidément, elle pensait toujours trop vite…
« Puisque je viens de vous renseigner, allez-vous en faire de même ?
-Eh bien, cela me semblerait juste. Nous n’avons qu’un seul prisonnier. A vrai dire, je ne sais pas trop ce que les grandes instances lui veulent, mais bon on ne sait jamais grand-chose avec eux, hein ? » Ils eurent un petit gloussement partagé, habitude du soldat. « Si je me souviens bien, je crois qu’il s’appelait Har… Harmal Okildasen ? Je n’ai pas…
-Hjalmar Oksilden ? ricana Hans. Elle est bien bonne celle-là ! Le gars est presque une légende dans les Marches et le Pays Perdu et il serait dans ce petit chariot ridicule à roupiller ? Ah !... Mais je comprends, vous voulez attendre avant de me mettre au courant. Je comprends.
-Mais… »
Renata ne put point ajouter grand-chose de plus, le capitaine impérial venait de repartir en gloussant de la ‘bonne blague’ que l’on venait de lui raconter. Cela ne rassura évidemment en rien Renata. Dans quoi s’était-elle faite embarquer ? La mercenaire jeta un œil derrière elle pour voir si les gars avaient bien entendu. Leurs visages circonspects lui répondirent que oui. Puis, tous en chœur, ils lui sourirent, comme pour lui dire qu’ils la suivront quand même.
Sans vraiment savoir pourquoi, Renata eu un coup de nostalgie. Elle se rappela de ce jour ou la compagnie des chiens fous s’était formée. C’était il y a un mois, sous son impulsion et celle de Placido. Deux compagnons d’infortune qui s’étaient rencontrés il y a plus d’un an dans les corps mercenaires de Magritta. Après une bataille désastreuse, ils s’étaient décidés à déserter et partir pour l’Empire afin de former leur propre groupe. Et quel groupe… Gunther l’Ostlander était un véritable pilier de bar. Klaus avait abandonné sa femme et son gosse pour arpenter les routes et ainsi leur ramener un peu d’argent quand il trouverait le temps de rentrer. Vasili avait quitté sa Kislev natale après avoir déserté lui aussi de l’armée de la tsarine - il disait en avoir eu assez de partir se suicider sur des trolls pour rien. Quant à Antonio, il avait été dans les mêmes rangs qu’eux à Magritta, c’était par un concours de circonstance heureux qu’ils l’avaient retrouvé dans cette taverne de Talagaad. Une belle équipe de bras cassés en somme, mais elles les aimaient bien.
Renata cligna des yeux alors que ses souvenirs cessaient de lui revenir. Elle était en pleine mission d’escorte, pas le temps de se reposer, danger qui peut venir de partout, etc, etc… La mercenaire soupira en se disant que parfois elle enviait ces matrones qui restaient tranquillement chez elle sans se soucier de rien… Bah, qu’est-ce qu’elle racontait encore, se dit-elle en ricanant. Il fallait qu’elle soit honnête avec elle-même. Elle aimait beaucoup trop l’aventure et les voyages pour arrêter ça du jour au lendemain !
La mercenaire se retourna vers le chariot du norse. Une légende locale, hein ? Un lien avec des évènements occultes ? Décidément, celui-là devenait de plus en plus intéressant…
A l’intérieur de son chariot, Hjalmar dormait d’un sommeil agité. Son esprit vagabondait librement tandis que son corps essayait de reprendre des forces. Enfin, vagabondait… Tentait de survivre serait plus exact. Quand on sort d’un séjour dans les royaumes du chaos, on est rarement en bon état, aussi bien physiquement que mentalement. Ce qui fait que pour Hjalmar, l’enfer continuait encore. Il en était presque à regretter d’avoir suivi ce foutu seigneur du chaos alors qu’il se faisait aspirer par le vortex dans les montagnes grises. Mais, c’était du Hjalmar tout craché. Dans la mêlée, le norse ne se souciait pas vraiment de ce qui se passait autour de lui. A vrai dire, il ignorait littéralement tout ce qu’il n’était pas en train de combattre. Et c’était en partie ce qui avait sauvé son esprit. Alors évidemment, la protection des dieux y a été pour quelque chose. Mais à quoi cela sert-il de protéger un légume incapable de bouger ? S’il avait été déconcentré une seconde de trop c’en était fini. Heureusement pour lui, Khorne n’était pas du genre à abandonner et Hjalmar avait eu de quoi s’occuper, mais maintenant qu’il en était sorti et que les souvenirs des choses qu’il a consciemment ou inconsciemment vues lui revenaient… Il n’y avait pas de mots pour décrire l’horreur absolue que cela avait été. Quelle ironie quand même. Tout le temps qu’il eût passé là-bas, il l’avait vécu comme un rêve étrange et dérangeant. Mais maintenant qu’il rêvait pour de vrai, il vivait un enfer. S’il n’était pas en train d’agoniser mentalement, Hjalmar en rirait presque.
La douleur venait par vague, inlassablement. C’était équivalent à se faire démembrer encore et encore son esprit par une bande de bourreaux sadiques, mais avec du citron et du sel sur les plaies en bonus. Hjalmar n’en pouvait plus mais il démontrait déjà une résistance hors du commun. Voir son corps et son esprit se faire reconstituer dans le monde matériel n’a rien de très enviable. Et en vérité, même les démons doivent passer par ce processus. D’après vous, pourquoi sont-ils enragés à ce point ? Si vous arriviez quelque part pour tuer la population et que vous ressentiez la pire des douleurs imaginables en y allant, il y a peu de chance que vous accueilliez le premier venu avec un sourire radieux.
Bordel, qu’est-ce qu’il donnerait pour une bonne bière, se disait-il dans ses délires fiévreux… Même une petite… N’importe quoi qui puisse le soulager…
« IL SUFISAIT DE DEMANDER, dit la Mort. »
La Mort ? Un lit ? Mourir ? La simple association rapide de ces idées eu l’effet d’un électrochoc chez Hjalmar qui parvint par miracle à émerger de la mer de douleur pour ouvrir les yeux. Il se trouvait dans une pièce …en bois ? Non, un chariot. Il était allongé sur un lit de paille passablement minable d’ailleurs. A sa droite se tenait une figure encapuchonnée aussi maigre que grande. Sa main squelettique, au sens propre, tenait une grande faux dont la lame bleutée semblait vibrer dans le tissu de la réalité elle-même.
« Gné ? murmura-t-il. Attends, mais qu’est-ce que tu fais là ?
-JE M’ATTENDAIS A UN ACCEUIL PLUS CHALEUREUX, répondit la Mort d’une voix rappelant la mise en place d’une pierre tombale.
-Tu sais au moins ce que chaleureux veut dire ?
-NON, dit la Mort en haussant les épaules.
-Bien ce que j’pensais… gloussa le norse. »
Au prix d’efforts colossaux, Hjalmar finit par s’adosser à la paroi. Contrairement au commun des mortels, il avait l’habitude de voir la Mort. En même temps, au vu de son train de vie, il le côtoyait tellement souvent qu’il était impossible qu’il ne se rencontre jamais. A force d’échanges et de salutations, ils avaient fini par développer une sorte de relation ‘amicale’ si on peut dire ainsi. Après tout, la Mort ne comprenait pas vraiment ce que l’amitié ou les émotions signifiait, mais il essayait très fort.
« Bordel, je dois ressembler à un vieux cadavre courbaturé… Sans offense.
-Y’A PAS DE MAL.
-Mais tu n’as pas répondu à ma question. La dernière fois que je t’ai vu c’était – heuu- le minotaure c’est ça ? Non ! A Marienburg. Dis-donc ça fait un bail.
-EFFECTIVEMENT. ET POUR SATISFAIRE TA CURIOSITE, JE SUIS ACTUELLEMENT EN SERVICE, MAIS J’AI DECIDE DE PASSER TE DIRE BONJOUR.
-C’est gentil de ta part, mais tu es sûr d’avoir le temps de…
-LE TEMPS N’EST PAS UN PROBLEME, le coupa la Mort.
-Ah oui, c’est vrai. J’oublie tout le temps ce détail avec toi. » -Hjalmar fronça les sourcils- « Mais attends, comment ça tu es en service ici ?
-EH BIEN, REGARDE DEHORS. »
La Mort pointa du doigt la fente qui servait de fenêtre au chariot d’un doigt squelettique. A travers elle, on pouvait apercevoir la lumière déclinante du crépuscule. Hjalmar essaya de s’en rapprocher en utilisant les maigres forces qu’il avait récupéré. C’est alors qu’il l’entendit : le brouhaha sanglant du combat. Il n’avait probablement rien remarqué auparavant parce qu’il discutait tranquillement avec la Mort. Hjalmar se pressa pour atteindre la fente et s’agrippa aux deux barreaux fermement. Il avait à peine assez de place pour y passer un bras, mais c’était plus que suffisant pour voir.
« Effectivement, t’as du boulot aujourd’hui… » - Hjalmar se retourna pour regarder le squelette, mais il n’était déjà plus là. – « Toujours aussi incorrigible. » ricana le norse qui se reconcentra sur le spectacle.
Dehors, la bataille était en train de tourner au plus mal pour les attaquants mais cela ne veut pas dire que les défenseurs s’en tiraient mieux. Quatre soldats de la garde du convoi étaient morts sur les dix, et trois des mercenaires avaient subi le même sort, mais en face c’était une quinzaine de cadavres qui gisaient, en sang, sur le sol.
Renata se battait comme une diablesse pour protéger le chariot du nordique, envoyant son sabre et son écu sur tous ceux qui se rapprochait de trop près, mais elle s’en voulait terriblement de ne pas avoir vu les assaillants sortir des bois. Ils avaient tiré une volée qui avait eu Antonio en plein visage alors qu’il dirigeait le chariot. Klaus et Vasili avaient été blessés puis achevés peu de temps après et Gunther venait de tomber, une dague dans la tempe. De la compagnie, il ne restait plus qu’elle et Placido… Ces maudits bandits avec des capuchons noirs ne portaient aucune couleur ou de quelconque symbole sur eux, mais au vu de leur organisation ils devaient forcément appartenir à un groupe plutôt important. Bah, cela ne l’avait pas empêchée d’en envoyer trois rejoindre Morr. Et avec leurs pertes qui allaient croissant, les assaillants venaient de déclarer une retraite générale.
« Enfin, souffla Renata »
Elle jeta un regard vers le groupe de Hans qui venait eux aussi de se débarrasser des derniers assaillants. Une autre bonne nouvelle.
« Derrière vous, fit mollement une voix rauque teintée d’un accent du Nord. »
La capitaine mercenaire exécuta un pivot de toute beauté pour se retourner dans la direction de la voix. Sauf qu’il n’y avait que le chariot dans ce côté. Avec stupeur, Renata aperçut une partie du visage du norse qui la regardait à travers la fente.
« Plus à gauche en fait, reprit le nordique.
-Bordel, la ferme ! »
Renata regarda à sa gauche pour se rendre compte qu’un bandit se tenait devant elle, l’épée levée et prête à frapper alors qu’il jurait à l’encontre de Hjalmar. Surprise, Renata ne put lever son bouclier à temps et elle regarda la mort dans l’âme cette lame impitoyable arriver vers son visage sans qu’elle ne puisse rien faire contre… Sauf que la lame n’arriva pas. Le bandit eu l’air aussi surprit que Renata et regarda son épée en se demandant dans quoi avait-il bien pu la bloquer. Il se rendit compte bien vite qu’un bras ganté dépassait de la fente du chariot, agrippant habilement la lame.
« Mais qu’est-ce qu-aaAAAAH ! » cria le bandit alors qu’il se faisait emmener vers le chariot en même temps que son épée. Il cogna brutalement la paroi mais se reprit bien vite pour tenter de récupérer son bien. En vain, la poigne du nordique était la plus forte et à force la main du bandit rentra en partie dans le chariot. S’ensuivit un craquement abominable qui fut accompagné par le hurlement du bandit qui ressorti sa main brisée avec un regard mauvais vers la fente.
« Rends-moi ça espèce de squig demeuré !
-Comme tu veux, fit une voix étouffé venant du chariot. »
Une lame de quatre-vingt centimètres ressortit à toute vitesse de la fente pour se planter entre les deux yeux du bandit qui s’écroula quelques instants après. La lame, elle repartit à l’intérieur du chariot sans demander son reste. Renata, qui avait regardé la scène bouche bée, pu entendre un soupir de l’intérieur du chariot.
« Tout ça pour une épée de merde quand même… »
Hans, qui arrivait avec deux autres soldats, avait vu la scène en arrivant vers l’arrière du convoi. Il contourna précautionneusement le chariot et se plaça au niveau de Renata.
« Ça va ?
-O…Oui, je crois. Grâce à lui, pensa-t-elle subitement » - la mercenaire secoua la tête et se reprit – « Quatres de mes gars sont morts dans l’assaut, j’ai cru en voir quatre de chez vous tomber.
-Cinq, dit Hans avec un air morose. Espérons qu’ils ne soient pas morts en vain. Je suis allé voir la dame et elle va bien. Mais pour le moment on a deux problèmes.
-Lesquels ?
-Eh bien d’abord, votre prisonnier est armé à ce que j’ai vu et nous n’avons plus assez d’effectif pour garder trois chariots efficacement. Pour le deuxième, nous n’avons pas trop le choix. Nos assaillants savaient que… la dame importante était dans ce chariot.
-Une idée qui ils pouvait s’agir ? s’enquit Renata qui n’avait pas lâché des yeux le chariot du norse.
-Aucune. Mais ils avaient l’air renseigné et ils ont visé principalement le chariot central. Je n’aime pas vraiment ce que ça implique.
-D’ailleurs que voulez-vous dire par ‘pas trop le choix’ ?
-On abandonne les autres chariots pour se concentrer sur celui qui est important. »
La curiosité de Renata lui cria que le chariot important était devant ses yeux, mais elle devait admettre que Hans avait raison. Cependant, elle eut une idée.
« Nous sommes en sous-effectif, non ?
-Oui, c’est pour cela que…
-Non, ce que je veux dire c’est que nous pourrions recruter les gens dans les chariots. Celui dans le mien m’a sauvé la vie à l’instant ! Ils pourraient nous aider ! »
Hans resta interdit pendant quelques secondes puis fronça les sourcils à cette idée.
« En êtes-vous seulement sûre ? Et même s’il vient de vous sauver, ce dont je doute, qu’est-ce qui nous prouve qu’ils ne vont pas partir dans la nature à la première occasion ?
-La peur et la promesse de la liberté ?
-Pardon ?
-Nous les relâchons si nous arrivons à bon port. Et je suis à quasiment sûre que ceux qui nous ont attaqués sont en train de nous épier en ce moment même, à attendre le bon moment pour frapper. Au vu de leur objectif, si un des prisonniers fuit, il se fera rattraper et tuer ou torturer pour des informations. Ils n’ont pas vraiment de choix. »
Cette fois, Hans ne trouva pas d’argument à répondre à cela. Il regarda ses troupes et l’état du convoi. S’ils continuaient sur cette voie, ils allaient finir par un fiasco…
« Je désapprouve complètement, mais au final, c’est moi qui n’a pas le choix. » -Le Carrobourgeois commença à partir vers le chariot de tête, mais il s’arrêta après quelques pas. - « Vous pensez avoir besoin d’aide pour votre gars ?
-Non, merci… Je m’en occupe. »
Hans haussa ses épaules et repartit en maudissant sa malchance. Placido s’approcha de Renata.
« Hé cap’, tu es sûre de ton coup ? Je ne le sens pas trop le type là-dedans. Tu as vu comme moi d’où il est sorti…
-Un démon ne serait pas tombé dans les pommes en arrivant dans notre monde pour piquer un somme de deux jours Placido, répliqua Renata.
-Peut-être… Mais ils sont fourbes à ce qu’il parait, il pourrait essayer de nous tromper.
-Il aurait pu ne pas me prévenir et récupérer l’épée quand même. »
Placido soupira lourdement. Il avait bien vu à quel point la capitaine semblait obnubilé par ce norse et son apparition soudaine. Elle avait toujours été comme ça, à s’exalter devant chaque truc un tant soit peu magique. Mais lui, tous ces trucs étranges, ça lui hérissait le poil. Le Tiléen roula des yeux et fit la moue.
« Je te connais suffisamment pour savoir qu’avec ce visage tu désapprouves toi aussi.
-Et pas qu’un peu, oui. » -Placido regarda derrière lui les cadavres de ses compagnons- « J’avais beau ne les connaître que depuis un mois, ils m’étaient sympathiques…
-A moi aussi, dit Renata qui commençait doucement à réaliser la perte de ses camarades.
-Si j’attrape le moindre de ces figlio di buona donna, je les ouvre en deux en commençant par le bas…
-Une bonne idée, mais pour le moment voyons voir ce que l’on va bien pouvoir tirer de ce type. »
Ils s’approchèrent du chariot, le pas hésitant. Ne remarquant aucune réaction de la part du norse, il se décidèrent à prendre les devants.
« Heum… On a quelque chose à vous proposer et…
-Hein ? cria le nordique.
-J’ai dit, on veut vous… !
-Raaah bordel, j’entends rien ! Deux secondes ! »
Ils entendirent bouger à l’intérieur du chariot puis la lame de l’épée que le nordique avait récupérée auparavant traversa brutalement le bois au niveau de la serrure, faisant sursauter les deux mercenaires. Son loquet en miettes, la porte s’ouvrit à la volée en sortant à moitié de ses gonds sous l’impact de la botte en acier du norse.
« Voilà, ça devrait être mieux. Vous disiez ? »
Hjalmar repartit s’installer tranquillement dans le chariot en jetant son épée tordue par l’effort au dehors. La lame abimée arriva aux pieds de Placido qui ne savait pas vraiment quoi dire face à ça. Renata, elle, eu plus de cran et arriva à bredouiller quelques mots :
« Heu, nous voulions… Vous proposez de vous libérer mais cela n’avait pas l’air d’être un problème en fait…
-Si c’était tout, partez dans ce cas et laissez-moi dormir, grogna Hjalmar.
-Mais nous aurions besoin de votre aide !
-Et moi je n’ai pas besoin de la vôtre, dégagez.
-Mais… Harmal c’est ça ? Si vous restez ici, seul, vous allez vous faire tuer ! s’insurgea Renata. »
Le norse ricana dans sa barbe.
« C’est Hjalmar. Hjalmar Oksilden. Et me faire tuer ? Qu’ils essaient seulement pour voir, on va bien rire.
-Mais ils viendront sûrement à quinze ou plus !
-Intéressant.
-Et vous allez les affrontez sans armes ? -on sentait de la colère poindre dans la voix de Renata.
-Une difficulté de plus, mais pas insurmontable. Mais de toute façon, il suffit d’aller dehors et de se pencher pour en trouver des armes. » -le visage du norse réapparu dans l’encadrement, et il avait l’air contrarié – « D’ailleurs où est ma hache ?
-Juste derrière le chariot, dans une valise que nous… »
Hjalmar sortit en trombe du chariot, faisant ainsi reculer Placido et Renata qui se mirent en garde. Mais le norse les ignora complètement et il fonça vers le coffre. Il l’ouvrit sans ménagement et en sortit lentement la hache qui se trouvait à l’intérieur. Les épaules de Hjalmar s’affaissèrent alors que la sensation presque familière et chaleureuse de l’arme le calmait.
« Ecoutez, reprit Placido. On ne va pas y aller par quatre chemins. Vous nous aidez à protéger ce foutu chariot là-bas ou on vous laisse là. »
Le norse, qui était plongé dans l’examen de son arme, leva un sourcil.
« Protéger ? Cela veut dire qu’il va se faire attaquer ?
-Et bien… Oui, mais…
-Je vous suis.
-Pardon ? bafouilla Placido.
-J’ai dit : je vous suis. Je n’ai même pas pu affronter un seul de ces types pour le moment et les regarder se battre m’a donné envie d’essayer, donc je vous accompagne pour les revoir à coup sûr. Par contre, je vous préviens… » - Hjalmar se rapproche des deux mercenaires qu’il dominait par sa taille- « Vous m’avez promis un combat et je l’aurais. Donc s’il ne se passe rien d’ici trois jours c’est sur vous que je passe mes nerfs.
-Vous…Vous rigolez j’espère ? demanda Renata.
-Nan. De base, je voulais vous affronter en duel tous les deux maintenant parce que vous m’aviez l’air plus intéressant que les autres. Mais vous m’avez ramené ma hache, donc je suis indulgent et je vous laisse le choix. Et ce choix vous l’avez clairement énoncé à l’instant.
-M…Merci, je suppose ? »
Le norse eu l’air perdu pendant quelques secondes puis il se détourna en grommelant vers les cadavres qui entourait la zone. Il s’en approcha et commença à récupérer des armes blanches qui semblaient en état pour s’en équiper au fur et à mesure.
« Il a l’air un peu dérangé ce type, murmura Placido à Renata.
-Il a peut-être ses raisons ?
-Tu essayes encore de le défendre ? C’est juste un détraqué et quoi qu’il ait pu faire dans l’enfer d’où il vient n’a pas dû améliorer le tout ! Il nous a menacés ouvertement, bon sang !
-Je sais ! s’exclama Renata. Mais pour un détraqué, il a beaucoup de retenue alors pour ne pas nous avoir sauté dessus beaucoup plus tôt. Donc pour le moment, fais avec, gardes-le à l’œil et on verra. »
Sur ce, et une fois que Hjalmar eu fini, Renata se dirigea vers le chariot central où Hans tenait un discours devant les trois prisonniers. Celui de gauche et de droite étaient balafrés à un point où ils ressemblaient à des poupées mal rapiécées. L’un état grand et large d’épaule, l’autre plus fin mais sec. Et au milieu se trouvait un pauvre gaillard. Il ressemblait à un petit lapin prit entre deux loups affamés qui tentait d’être invisible en retenant son souffle alors qu’ils étaient littéralement à dix centimètres de lui. Il regardait d’un air affolé le capitaine Hans qui leur donnait des ordres.
« … et si j’en vois un seul fuir, je lui colle une balle dans le dos dans la seconde. J’ai été clair ? finit Hans.
-Ouais, répondit simplement le balafré.
-Si tu le dis, esquiva l’autre.
-Heuu… bafouilla le petit dernier.
-On va faire avec. Allez-vous équiper sur le champ de bataille. Pas d’arme à feu, mes gars veilleront à ce que vous n’en preniez pas. »
Les trois partirent alors sous bonne garde avec force grommellement et pleurnicheries. Sur ce, Hans se retourna.
« Bon, alors qu’est-ce que ça a don… » - Hans s’arrêta net en voyant Hjalmar, décoré comme un arbre de Noël à la dernière mode de chez Khorne, derrière Renata et Placido – « Par Sigmar, vous ne… Vous ne rigoliez pas ? C’est vraiment…
-Oui, c’est Hjalmar Oksilden » -fit Placido en agitant mollement ses bras, le Tiléen ne comprenait pas vraiment l’engouement autour du guerrier- « Et les vôtres ?
-Eh bien, ils sont là-bas, je leur ai demandé de… EH ! Reviens ici espèce de… ! »
Hans dégaina son pistolet car il avait remarqué que le petit gars d’avant était en train de s’enfuir vers la forêt en trompant la vigilance des gardes.
Will se mit à courir comme un dératé en entendant le vieux capitaine hurler. Bon sang, il avait réussi à se faire oublier jusque-là ! Ce type avait des yeux de griffon ou quoi ? Une balle fusa, mais elle le rata et ricocha sur un tronc non loin. Il avait été chanceux sur ce coup-là, mais cela ne se reproduirait pas. Il courut de plus belle pour enfin s’abriter dans la relative sécurité de la forêt. Au loin, il put entendre force jurons et malédictions à son encontre. Mais il n’en avait cure. Il était libre, enfin ! Ce calvaire était terminé ! Plus qu’à trouver un autre village, les embobiner avec quelques prophéties et c’était reparti pour un tour. Cette fois-ci, il resterait mobile, ce serait trop bête de se faire avoir une nouvelle fois.
Après une minute de course effrénée, Will s’arrêta enfin pour reprendre son souffle. Ils n’avaient pas l’air de le poursuivre. Bien. Les mains sur les genoux, il était en sueur. Il allait devoir se ménager un peu pour la suite… Tiens ? Une voix ? Will se cacha en vitesse derrière un tronc d’arbre et essaya d’analyser la situation. La voix semblait venir de non loin, juste derrière un fourré de buissons à une dizaine de mètres.
La curiosité l’emporta sur la fatigue et Will tenta de s’approcher pour en savoir plus. Avec de la chance, il pourrait peut-être dépouiller son premier nouveau client ? Sa tenue n’était pas appropriée, mais il fallait tenter. La voix semblait jeune, rien qui n’ait l’air menaçant. A vrai dire, la voix faisait presque ridicule. Il avait dû tomber sur un gamin d’un village avoisinant, parfait. Will sortit du fourré avec autant de prestance qu’il était possible d’avoir quand on se prenait des branches en pleine figure et entama son discours habituel.
« Bonjour, jeune voyaaAAAAH ... ! »
Les cris terrorisés de Will traversèrent la forêt pour atteindre la clairière où se trouvait ce qui restait du convoi. Les soldats et surtout les prisonniers en eurent des sueurs froides. Les deux bagnards se regardèrent et d’un commun accord décidèrent que finalement il valait mieux rester sagement là, avec des soldats équipés pour les protéger.
Cela surprit Hans et ses hommes qui avaient dû faire tout leur possible pour les garder sur place après l’évasion de Will. Mais ce changement d’attitude ne leur déplut pas pour autant, bien au contraire.
« J’espère que ça vous a servi de leçon. Allez, on bouge ! » cria Hans à l’assemblée.
Il fallut changer le trajet pour atteindre un endroit sûr au plus vite. La mission était annulée. Maintenant, il fallait organiser le retour – sous bonne garde- pour une autre tentative. Et au diable la discrétion ! Il fut décidé de rejoindre Priestlicheim. Les prêtres-guerriers de la ville devraient pouvoir offrir un abri assez sécurisé et exempt de corruption pour eux.
Le convoi, maintenant constitué de dix personnes, reprit sa marche lente à travers les bois. Plus que deux jours avant d’arriver à destination, se dit Hans. Deux jours, c’était plutôt long… Trop long.
**** ****
L’opération avait été un succès. Enfin presque, mais Renata s’en contenterait bien. Le simple fait d’avoir accompli cette mission sans perdre un seul membre de son groupe était déjà un exploit en soi… Mais même si elle était soulagée et contente de la façon dont les choses se soient déroulées, elle ne pouvait s’empêcher de se questionner à propos du… De… Du norse qui était apparu comme par magie. Elle ne savait vraiment pas quoi en penser. Cette sensation d’impuissance mêlé à de l’incompréhension lui laissait un goût amer dans la gorge et elle détestait ça.
La capitaine mercenaire jeta un regard derrière elle, vers le chariot qui transportait le nordique. A l’occasion, il faudrait qu’elle lui parle. Au chaos les préjugés et accusations qui pesaient sur sa tête, elle voulait savoir de quoi il en retourne… Avant que sa curiosité ne la rende folle. Par réflexe, elle leva sa main pour enlever la mèche de cheveux qui cascadait sur son front, sauf qu’elle n’était plus là depuis hier. Une coupe rapide l’en avait débarrassée. Ses habitudes sont tenaces apparemment, gloussa-t-elle.
Renata se détourna du chariot et regarda la route devant elle. La canopée se scindait en deux le long du chemin terreux qu’ils empruntaient depuis hier. Les arbres devenus rougeâtres ou mordorés avec le début de l’automne donnaient un air de paysage de peinture à la scène. Renata aurait bien voulu apprécier la beauté de l’instant, mais elle n’avait pas ce luxe. Plus depuis sa discussion avec le grand prêtre Farador.
Trois jours plus tôt, juste après leur mission dans le Suif, le prêtre-guerrier qui supervisait la mission avait découvert le corps du norse en plein milieu de la salle. Il va sans dire qu’il éructa de rage et tenta de purifier sans attendre « l’hérésie » … Mais quand un bouclier magique d’éclairs bleutés s’interposa entre le norse et son marteau, le prêtre changea bien vite d’attitude. Il avait demandé le nom du norse et quand Renata le lui avait révélé approximativement elle s’était retrouvée dans le bureau du Grand-prêtre de Talabheim sans avoir eu le temps de protester quoi que ce soit.
Farador, dans toute sa fainéantise légendaire, n’avait même pas daigné regarder le norse avant de conclure qu’il était un chaotique corrompu jusqu’à la moelle et qu’il devait être envoyé à Altdorf pour être brûlé. Ce qu’il n’avait pas dit et que Renata avait apprise par la suite, c’est que le norse était activement recherché par l’ordre du Marteau d’Argent. Ils avaient apparemment des comptes à régler avec lui...
Mais, il fallait le reconnaitre, Farador n’était pas forcément le dernier des idiots. Et s’il était paresseux au possible, il était aussi devenu un maître du moindre effort pour le maximum d’efficacité. Ainsi, il demanda à Renata et ses hommes d’accompagner le nordique jusqu’à Altdorf avec une autre escorte de prisonniers qui allait partir sous peu. La compagnie des chiens fous se retrouvait donc subitement à devoir escorter trois chariots de prisonniers sans savoir exactement qui se trouvait dans deux d’entre eux… Une situation absolument fantastique donc qui lui interdisait de se relâcher. Le danger pouvait venir de partout dans ces forêts…
« Je peux vous parler, madame ? fit une voix à droite de Renata.
-Huh ? » s’étonna la mercenaire en se faisant ramener à la réalité. En y regardant de plus près, elle vit qu’il s’agissait d’Hans Grimmel, le capitaine de la garde du convoi qu’ils avaient rejoint. Le Carrobourgeois avait été dans l’armée impériale si elle se souvenait bien. Le fait qu’il ait gardé son uniforme rouge et noir typique de la ville indiquait qu’il en avait gardé un bon souvenir. Hans avait ce regard de l’homme qui en avait trop vu mais qui continuait quand même juste pour ses hommes. Renata l’avait respectée dès le début. Elle avait beau partager son grade, elle savait qu’elle était loin d’avoir l’expérience du gaillard.
« Heu… Oui ! Bien sûr, que voulez-vous ? demanda-t-elle sur un ton amical.
-Eh bien, je pensais qu’il était temps de vous mettre au courant de notre… cargaison. Je vous ai observé deux jours durant et vous m’avez l’air digne de confiance. »
Renata se mordit la lèvre inférieure, elle avait pensé trop vite finalement.
« Je vous remercie de votre sincérité mais pourquoi tant de précautions pour des prisonniers ?... A moins que…
-Vous réfléchissez vite dites donc, gloussa Hans qui agita sa main en direction du chariot de tête. Dans celui-là, il y a bien des prisonniers. Trois pour être exact. Deux meurtriers et un idiot qui a eu la bonne idée de faire croire à tout le monde qu’il était doué de vision. Ils serviront d’exemple sur la place principale d’Altdorf je crois. Et le chariot du milieu, eh bien c’est là que ça se corse.
-C’est-à-dire ? s’enquit Renata en fronçant les sourcils.
-Ce chariot, s’il ressemble aux autres, ne contient pas n’importe qui. A l’intérieur, il y a la… Une dame importante qui veut se rendre à Altdorf discrètement. Son escorte est donc camouflée pour être moins sujette aux attaques. Par voie navale, cela aurait été trop dangereux, les marins pourraient avoir été achetés. Du coup nous avons choisi la voie terrestre. Et avant que vous ne posiez la question, l’idée ne vient pas de moi, elle vient de plus haut.
-D’accord, donc les deux autres chariots sont là pour donner une crédibilité au supposé convoi de prisonniers… C’est étrange mais inattendu il faut dire. Vous n’allez pas me donner son nom je suppose ?
-Nous verrons si vous méritez d’en savoir plus quand vous gagnerez ma confiance complète, dit Hans avec un sourire en coin. Si je vous ai tenu au courant, c’est pour éviter que vous ne paniquiez quand nous allons ouvrir la porte du chariot pour nourrir la damoiselle. Hier soir, nous avions réussi à le faire discrètement, mais cela me semble difficile à garder comme secret - surtout si elle veut se dégourdir les jambes. Voilà pour les explications. Et sinon, pour le moment, je ne sais même pas comment vous vous débrouillez en combat, donc je garde mes réserves.
-Nous pourrions vous surprendre, dit malicieusement Renata. »
Hans éclata de rire en entendant la réponse de Renata.
« Nous verrons. »
Un sourire aux lèvres, Hans s’éloigna de Renata pour repartir à l’avant du convoi. Cette dernière vit son attention se reporter immédiatement sur le nordique. D’ailleurs, Hans n’avait pas demandé qui était dans…
« Eh, dites-moi, l’interpella Hans qui revenait vers elle. »
Décidément, elle pensait toujours trop vite…
« Puisque je viens de vous renseigner, allez-vous en faire de même ?
-Eh bien, cela me semblerait juste. Nous n’avons qu’un seul prisonnier. A vrai dire, je ne sais pas trop ce que les grandes instances lui veulent, mais bon on ne sait jamais grand-chose avec eux, hein ? » Ils eurent un petit gloussement partagé, habitude du soldat. « Si je me souviens bien, je crois qu’il s’appelait Har… Harmal Okildasen ? Je n’ai pas…
-Hjalmar Oksilden ? ricana Hans. Elle est bien bonne celle-là ! Le gars est presque une légende dans les Marches et le Pays Perdu et il serait dans ce petit chariot ridicule à roupiller ? Ah !... Mais je comprends, vous voulez attendre avant de me mettre au courant. Je comprends.
-Mais… »
Renata ne put point ajouter grand-chose de plus, le capitaine impérial venait de repartir en gloussant de la ‘bonne blague’ que l’on venait de lui raconter. Cela ne rassura évidemment en rien Renata. Dans quoi s’était-elle faite embarquer ? La mercenaire jeta un œil derrière elle pour voir si les gars avaient bien entendu. Leurs visages circonspects lui répondirent que oui. Puis, tous en chœur, ils lui sourirent, comme pour lui dire qu’ils la suivront quand même.
Sans vraiment savoir pourquoi, Renata eu un coup de nostalgie. Elle se rappela de ce jour ou la compagnie des chiens fous s’était formée. C’était il y a un mois, sous son impulsion et celle de Placido. Deux compagnons d’infortune qui s’étaient rencontrés il y a plus d’un an dans les corps mercenaires de Magritta. Après une bataille désastreuse, ils s’étaient décidés à déserter et partir pour l’Empire afin de former leur propre groupe. Et quel groupe… Gunther l’Ostlander était un véritable pilier de bar. Klaus avait abandonné sa femme et son gosse pour arpenter les routes et ainsi leur ramener un peu d’argent quand il trouverait le temps de rentrer. Vasili avait quitté sa Kislev natale après avoir déserté lui aussi de l’armée de la tsarine - il disait en avoir eu assez de partir se suicider sur des trolls pour rien. Quant à Antonio, il avait été dans les mêmes rangs qu’eux à Magritta, c’était par un concours de circonstance heureux qu’ils l’avaient retrouvé dans cette taverne de Talagaad. Une belle équipe de bras cassés en somme, mais elles les aimaient bien.
Renata cligna des yeux alors que ses souvenirs cessaient de lui revenir. Elle était en pleine mission d’escorte, pas le temps de se reposer, danger qui peut venir de partout, etc, etc… La mercenaire soupira en se disant que parfois elle enviait ces matrones qui restaient tranquillement chez elle sans se soucier de rien… Bah, qu’est-ce qu’elle racontait encore, se dit-elle en ricanant. Il fallait qu’elle soit honnête avec elle-même. Elle aimait beaucoup trop l’aventure et les voyages pour arrêter ça du jour au lendemain !
La mercenaire se retourna vers le chariot du norse. Une légende locale, hein ? Un lien avec des évènements occultes ? Décidément, celui-là devenait de plus en plus intéressant…
A l’intérieur de son chariot, Hjalmar dormait d’un sommeil agité. Son esprit vagabondait librement tandis que son corps essayait de reprendre des forces. Enfin, vagabondait… Tentait de survivre serait plus exact. Quand on sort d’un séjour dans les royaumes du chaos, on est rarement en bon état, aussi bien physiquement que mentalement. Ce qui fait que pour Hjalmar, l’enfer continuait encore. Il en était presque à regretter d’avoir suivi ce foutu seigneur du chaos alors qu’il se faisait aspirer par le vortex dans les montagnes grises. Mais, c’était du Hjalmar tout craché. Dans la mêlée, le norse ne se souciait pas vraiment de ce qui se passait autour de lui. A vrai dire, il ignorait littéralement tout ce qu’il n’était pas en train de combattre. Et c’était en partie ce qui avait sauvé son esprit. Alors évidemment, la protection des dieux y a été pour quelque chose. Mais à quoi cela sert-il de protéger un légume incapable de bouger ? S’il avait été déconcentré une seconde de trop c’en était fini. Heureusement pour lui, Khorne n’était pas du genre à abandonner et Hjalmar avait eu de quoi s’occuper, mais maintenant qu’il en était sorti et que les souvenirs des choses qu’il a consciemment ou inconsciemment vues lui revenaient… Il n’y avait pas de mots pour décrire l’horreur absolue que cela avait été. Quelle ironie quand même. Tout le temps qu’il eût passé là-bas, il l’avait vécu comme un rêve étrange et dérangeant. Mais maintenant qu’il rêvait pour de vrai, il vivait un enfer. S’il n’était pas en train d’agoniser mentalement, Hjalmar en rirait presque.
La douleur venait par vague, inlassablement. C’était équivalent à se faire démembrer encore et encore son esprit par une bande de bourreaux sadiques, mais avec du citron et du sel sur les plaies en bonus. Hjalmar n’en pouvait plus mais il démontrait déjà une résistance hors du commun. Voir son corps et son esprit se faire reconstituer dans le monde matériel n’a rien de très enviable. Et en vérité, même les démons doivent passer par ce processus. D’après vous, pourquoi sont-ils enragés à ce point ? Si vous arriviez quelque part pour tuer la population et que vous ressentiez la pire des douleurs imaginables en y allant, il y a peu de chance que vous accueilliez le premier venu avec un sourire radieux.
Bordel, qu’est-ce qu’il donnerait pour une bonne bière, se disait-il dans ses délires fiévreux… Même une petite… N’importe quoi qui puisse le soulager…
« IL SUFISAIT DE DEMANDER, dit la Mort. »
La Mort ? Un lit ? Mourir ? La simple association rapide de ces idées eu l’effet d’un électrochoc chez Hjalmar qui parvint par miracle à émerger de la mer de douleur pour ouvrir les yeux. Il se trouvait dans une pièce …en bois ? Non, un chariot. Il était allongé sur un lit de paille passablement minable d’ailleurs. A sa droite se tenait une figure encapuchonnée aussi maigre que grande. Sa main squelettique, au sens propre, tenait une grande faux dont la lame bleutée semblait vibrer dans le tissu de la réalité elle-même.
« Gné ? murmura-t-il. Attends, mais qu’est-ce que tu fais là ?
-JE M’ATTENDAIS A UN ACCEUIL PLUS CHALEUREUX, répondit la Mort d’une voix rappelant la mise en place d’une pierre tombale.
-Tu sais au moins ce que chaleureux veut dire ?
-NON, dit la Mort en haussant les épaules.
-Bien ce que j’pensais… gloussa le norse. »
Au prix d’efforts colossaux, Hjalmar finit par s’adosser à la paroi. Contrairement au commun des mortels, il avait l’habitude de voir la Mort. En même temps, au vu de son train de vie, il le côtoyait tellement souvent qu’il était impossible qu’il ne se rencontre jamais. A force d’échanges et de salutations, ils avaient fini par développer une sorte de relation ‘amicale’ si on peut dire ainsi. Après tout, la Mort ne comprenait pas vraiment ce que l’amitié ou les émotions signifiait, mais il essayait très fort.
« Bordel, je dois ressembler à un vieux cadavre courbaturé… Sans offense.
-Y’A PAS DE MAL.
-Mais tu n’as pas répondu à ma question. La dernière fois que je t’ai vu c’était – heuu- le minotaure c’est ça ? Non ! A Marienburg. Dis-donc ça fait un bail.
-EFFECTIVEMENT. ET POUR SATISFAIRE TA CURIOSITE, JE SUIS ACTUELLEMENT EN SERVICE, MAIS J’AI DECIDE DE PASSER TE DIRE BONJOUR.
-C’est gentil de ta part, mais tu es sûr d’avoir le temps de…
-LE TEMPS N’EST PAS UN PROBLEME, le coupa la Mort.
-Ah oui, c’est vrai. J’oublie tout le temps ce détail avec toi. » -Hjalmar fronça les sourcils- « Mais attends, comment ça tu es en service ici ?
-EH BIEN, REGARDE DEHORS. »
La Mort pointa du doigt la fente qui servait de fenêtre au chariot d’un doigt squelettique. A travers elle, on pouvait apercevoir la lumière déclinante du crépuscule. Hjalmar essaya de s’en rapprocher en utilisant les maigres forces qu’il avait récupéré. C’est alors qu’il l’entendit : le brouhaha sanglant du combat. Il n’avait probablement rien remarqué auparavant parce qu’il discutait tranquillement avec la Mort. Hjalmar se pressa pour atteindre la fente et s’agrippa aux deux barreaux fermement. Il avait à peine assez de place pour y passer un bras, mais c’était plus que suffisant pour voir.
« Effectivement, t’as du boulot aujourd’hui… » - Hjalmar se retourna pour regarder le squelette, mais il n’était déjà plus là. – « Toujours aussi incorrigible. » ricana le norse qui se reconcentra sur le spectacle.
Dehors, la bataille était en train de tourner au plus mal pour les attaquants mais cela ne veut pas dire que les défenseurs s’en tiraient mieux. Quatre soldats de la garde du convoi étaient morts sur les dix, et trois des mercenaires avaient subi le même sort, mais en face c’était une quinzaine de cadavres qui gisaient, en sang, sur le sol.
Renata se battait comme une diablesse pour protéger le chariot du nordique, envoyant son sabre et son écu sur tous ceux qui se rapprochait de trop près, mais elle s’en voulait terriblement de ne pas avoir vu les assaillants sortir des bois. Ils avaient tiré une volée qui avait eu Antonio en plein visage alors qu’il dirigeait le chariot. Klaus et Vasili avaient été blessés puis achevés peu de temps après et Gunther venait de tomber, une dague dans la tempe. De la compagnie, il ne restait plus qu’elle et Placido… Ces maudits bandits avec des capuchons noirs ne portaient aucune couleur ou de quelconque symbole sur eux, mais au vu de leur organisation ils devaient forcément appartenir à un groupe plutôt important. Bah, cela ne l’avait pas empêchée d’en envoyer trois rejoindre Morr. Et avec leurs pertes qui allaient croissant, les assaillants venaient de déclarer une retraite générale.
« Enfin, souffla Renata »
Elle jeta un regard vers le groupe de Hans qui venait eux aussi de se débarrasser des derniers assaillants. Une autre bonne nouvelle.
« Derrière vous, fit mollement une voix rauque teintée d’un accent du Nord. »
La capitaine mercenaire exécuta un pivot de toute beauté pour se retourner dans la direction de la voix. Sauf qu’il n’y avait que le chariot dans ce côté. Avec stupeur, Renata aperçut une partie du visage du norse qui la regardait à travers la fente.
« Plus à gauche en fait, reprit le nordique.
-Bordel, la ferme ! »
Renata regarda à sa gauche pour se rendre compte qu’un bandit se tenait devant elle, l’épée levée et prête à frapper alors qu’il jurait à l’encontre de Hjalmar. Surprise, Renata ne put lever son bouclier à temps et elle regarda la mort dans l’âme cette lame impitoyable arriver vers son visage sans qu’elle ne puisse rien faire contre… Sauf que la lame n’arriva pas. Le bandit eu l’air aussi surprit que Renata et regarda son épée en se demandant dans quoi avait-il bien pu la bloquer. Il se rendit compte bien vite qu’un bras ganté dépassait de la fente du chariot, agrippant habilement la lame.
« Mais qu’est-ce qu-aaAAAAH ! » cria le bandit alors qu’il se faisait emmener vers le chariot en même temps que son épée. Il cogna brutalement la paroi mais se reprit bien vite pour tenter de récupérer son bien. En vain, la poigne du nordique était la plus forte et à force la main du bandit rentra en partie dans le chariot. S’ensuivit un craquement abominable qui fut accompagné par le hurlement du bandit qui ressorti sa main brisée avec un regard mauvais vers la fente.
« Rends-moi ça espèce de squig demeuré !
-Comme tu veux, fit une voix étouffé venant du chariot. »
Une lame de quatre-vingt centimètres ressortit à toute vitesse de la fente pour se planter entre les deux yeux du bandit qui s’écroula quelques instants après. La lame, elle repartit à l’intérieur du chariot sans demander son reste. Renata, qui avait regardé la scène bouche bée, pu entendre un soupir de l’intérieur du chariot.
« Tout ça pour une épée de merde quand même… »
Hans, qui arrivait avec deux autres soldats, avait vu la scène en arrivant vers l’arrière du convoi. Il contourna précautionneusement le chariot et se plaça au niveau de Renata.
« Ça va ?
-O…Oui, je crois. Grâce à lui, pensa-t-elle subitement » - la mercenaire secoua la tête et se reprit – « Quatres de mes gars sont morts dans l’assaut, j’ai cru en voir quatre de chez vous tomber.
-Cinq, dit Hans avec un air morose. Espérons qu’ils ne soient pas morts en vain. Je suis allé voir la dame et elle va bien. Mais pour le moment on a deux problèmes.
-Lesquels ?
-Eh bien d’abord, votre prisonnier est armé à ce que j’ai vu et nous n’avons plus assez d’effectif pour garder trois chariots efficacement. Pour le deuxième, nous n’avons pas trop le choix. Nos assaillants savaient que… la dame importante était dans ce chariot.
-Une idée qui ils pouvait s’agir ? s’enquit Renata qui n’avait pas lâché des yeux le chariot du norse.
-Aucune. Mais ils avaient l’air renseigné et ils ont visé principalement le chariot central. Je n’aime pas vraiment ce que ça implique.
-D’ailleurs que voulez-vous dire par ‘pas trop le choix’ ?
-On abandonne les autres chariots pour se concentrer sur celui qui est important. »
La curiosité de Renata lui cria que le chariot important était devant ses yeux, mais elle devait admettre que Hans avait raison. Cependant, elle eut une idée.
« Nous sommes en sous-effectif, non ?
-Oui, c’est pour cela que…
-Non, ce que je veux dire c’est que nous pourrions recruter les gens dans les chariots. Celui dans le mien m’a sauvé la vie à l’instant ! Ils pourraient nous aider ! »
Hans resta interdit pendant quelques secondes puis fronça les sourcils à cette idée.
« En êtes-vous seulement sûre ? Et même s’il vient de vous sauver, ce dont je doute, qu’est-ce qui nous prouve qu’ils ne vont pas partir dans la nature à la première occasion ?
-La peur et la promesse de la liberté ?
-Pardon ?
-Nous les relâchons si nous arrivons à bon port. Et je suis à quasiment sûre que ceux qui nous ont attaqués sont en train de nous épier en ce moment même, à attendre le bon moment pour frapper. Au vu de leur objectif, si un des prisonniers fuit, il se fera rattraper et tuer ou torturer pour des informations. Ils n’ont pas vraiment de choix. »
Cette fois, Hans ne trouva pas d’argument à répondre à cela. Il regarda ses troupes et l’état du convoi. S’ils continuaient sur cette voie, ils allaient finir par un fiasco…
« Je désapprouve complètement, mais au final, c’est moi qui n’a pas le choix. » -Le Carrobourgeois commença à partir vers le chariot de tête, mais il s’arrêta après quelques pas. - « Vous pensez avoir besoin d’aide pour votre gars ?
-Non, merci… Je m’en occupe. »
Hans haussa ses épaules et repartit en maudissant sa malchance. Placido s’approcha de Renata.
« Hé cap’, tu es sûre de ton coup ? Je ne le sens pas trop le type là-dedans. Tu as vu comme moi d’où il est sorti…
-Un démon ne serait pas tombé dans les pommes en arrivant dans notre monde pour piquer un somme de deux jours Placido, répliqua Renata.
-Peut-être… Mais ils sont fourbes à ce qu’il parait, il pourrait essayer de nous tromper.
-Il aurait pu ne pas me prévenir et récupérer l’épée quand même. »
Placido soupira lourdement. Il avait bien vu à quel point la capitaine semblait obnubilé par ce norse et son apparition soudaine. Elle avait toujours été comme ça, à s’exalter devant chaque truc un tant soit peu magique. Mais lui, tous ces trucs étranges, ça lui hérissait le poil. Le Tiléen roula des yeux et fit la moue.
« Je te connais suffisamment pour savoir qu’avec ce visage tu désapprouves toi aussi.
-Et pas qu’un peu, oui. » -Placido regarda derrière lui les cadavres de ses compagnons- « J’avais beau ne les connaître que depuis un mois, ils m’étaient sympathiques…
-A moi aussi, dit Renata qui commençait doucement à réaliser la perte de ses camarades.
-Si j’attrape le moindre de ces figlio di buona donna, je les ouvre en deux en commençant par le bas…
-Une bonne idée, mais pour le moment voyons voir ce que l’on va bien pouvoir tirer de ce type. »
Ils s’approchèrent du chariot, le pas hésitant. Ne remarquant aucune réaction de la part du norse, il se décidèrent à prendre les devants.
« Heum… On a quelque chose à vous proposer et…
-Hein ? cria le nordique.
-J’ai dit, on veut vous… !
-Raaah bordel, j’entends rien ! Deux secondes ! »
Ils entendirent bouger à l’intérieur du chariot puis la lame de l’épée que le nordique avait récupérée auparavant traversa brutalement le bois au niveau de la serrure, faisant sursauter les deux mercenaires. Son loquet en miettes, la porte s’ouvrit à la volée en sortant à moitié de ses gonds sous l’impact de la botte en acier du norse.
« Voilà, ça devrait être mieux. Vous disiez ? »
Hjalmar repartit s’installer tranquillement dans le chariot en jetant son épée tordue par l’effort au dehors. La lame abimée arriva aux pieds de Placido qui ne savait pas vraiment quoi dire face à ça. Renata, elle, eu plus de cran et arriva à bredouiller quelques mots :
« Heu, nous voulions… Vous proposez de vous libérer mais cela n’avait pas l’air d’être un problème en fait…
-Si c’était tout, partez dans ce cas et laissez-moi dormir, grogna Hjalmar.
-Mais nous aurions besoin de votre aide !
-Et moi je n’ai pas besoin de la vôtre, dégagez.
-Mais… Harmal c’est ça ? Si vous restez ici, seul, vous allez vous faire tuer ! s’insurgea Renata. »
Le norse ricana dans sa barbe.
« C’est Hjalmar. Hjalmar Oksilden. Et me faire tuer ? Qu’ils essaient seulement pour voir, on va bien rire.
-Mais ils viendront sûrement à quinze ou plus !
-Intéressant.
-Et vous allez les affrontez sans armes ? -on sentait de la colère poindre dans la voix de Renata.
-Une difficulté de plus, mais pas insurmontable. Mais de toute façon, il suffit d’aller dehors et de se pencher pour en trouver des armes. » -le visage du norse réapparu dans l’encadrement, et il avait l’air contrarié – « D’ailleurs où est ma hache ?
-Juste derrière le chariot, dans une valise que nous… »
Hjalmar sortit en trombe du chariot, faisant ainsi reculer Placido et Renata qui se mirent en garde. Mais le norse les ignora complètement et il fonça vers le coffre. Il l’ouvrit sans ménagement et en sortit lentement la hache qui se trouvait à l’intérieur. Les épaules de Hjalmar s’affaissèrent alors que la sensation presque familière et chaleureuse de l’arme le calmait.
« Ecoutez, reprit Placido. On ne va pas y aller par quatre chemins. Vous nous aidez à protéger ce foutu chariot là-bas ou on vous laisse là. »
Le norse, qui était plongé dans l’examen de son arme, leva un sourcil.
« Protéger ? Cela veut dire qu’il va se faire attaquer ?
-Et bien… Oui, mais…
-Je vous suis.
-Pardon ? bafouilla Placido.
-J’ai dit : je vous suis. Je n’ai même pas pu affronter un seul de ces types pour le moment et les regarder se battre m’a donné envie d’essayer, donc je vous accompagne pour les revoir à coup sûr. Par contre, je vous préviens… » - Hjalmar se rapproche des deux mercenaires qu’il dominait par sa taille- « Vous m’avez promis un combat et je l’aurais. Donc s’il ne se passe rien d’ici trois jours c’est sur vous que je passe mes nerfs.
-Vous…Vous rigolez j’espère ? demanda Renata.
-Nan. De base, je voulais vous affronter en duel tous les deux maintenant parce que vous m’aviez l’air plus intéressant que les autres. Mais vous m’avez ramené ma hache, donc je suis indulgent et je vous laisse le choix. Et ce choix vous l’avez clairement énoncé à l’instant.
-M…Merci, je suppose ? »
Le norse eu l’air perdu pendant quelques secondes puis il se détourna en grommelant vers les cadavres qui entourait la zone. Il s’en approcha et commença à récupérer des armes blanches qui semblaient en état pour s’en équiper au fur et à mesure.
« Il a l’air un peu dérangé ce type, murmura Placido à Renata.
-Il a peut-être ses raisons ?
-Tu essayes encore de le défendre ? C’est juste un détraqué et quoi qu’il ait pu faire dans l’enfer d’où il vient n’a pas dû améliorer le tout ! Il nous a menacés ouvertement, bon sang !
-Je sais ! s’exclama Renata. Mais pour un détraqué, il a beaucoup de retenue alors pour ne pas nous avoir sauté dessus beaucoup plus tôt. Donc pour le moment, fais avec, gardes-le à l’œil et on verra. »
Sur ce, et une fois que Hjalmar eu fini, Renata se dirigea vers le chariot central où Hans tenait un discours devant les trois prisonniers. Celui de gauche et de droite étaient balafrés à un point où ils ressemblaient à des poupées mal rapiécées. L’un état grand et large d’épaule, l’autre plus fin mais sec. Et au milieu se trouvait un pauvre gaillard. Il ressemblait à un petit lapin prit entre deux loups affamés qui tentait d’être invisible en retenant son souffle alors qu’ils étaient littéralement à dix centimètres de lui. Il regardait d’un air affolé le capitaine Hans qui leur donnait des ordres.
« … et si j’en vois un seul fuir, je lui colle une balle dans le dos dans la seconde. J’ai été clair ? finit Hans.
-Ouais, répondit simplement le balafré.
-Si tu le dis, esquiva l’autre.
-Heuu… bafouilla le petit dernier.
-On va faire avec. Allez-vous équiper sur le champ de bataille. Pas d’arme à feu, mes gars veilleront à ce que vous n’en preniez pas. »
Les trois partirent alors sous bonne garde avec force grommellement et pleurnicheries. Sur ce, Hans se retourna.
« Bon, alors qu’est-ce que ça a don… » - Hans s’arrêta net en voyant Hjalmar, décoré comme un arbre de Noël à la dernière mode de chez Khorne, derrière Renata et Placido – « Par Sigmar, vous ne… Vous ne rigoliez pas ? C’est vraiment…
-Oui, c’est Hjalmar Oksilden » -fit Placido en agitant mollement ses bras, le Tiléen ne comprenait pas vraiment l’engouement autour du guerrier- « Et les vôtres ?
-Eh bien, ils sont là-bas, je leur ai demandé de… EH ! Reviens ici espèce de… ! »
Hans dégaina son pistolet car il avait remarqué que le petit gars d’avant était en train de s’enfuir vers la forêt en trompant la vigilance des gardes.
Will se mit à courir comme un dératé en entendant le vieux capitaine hurler. Bon sang, il avait réussi à se faire oublier jusque-là ! Ce type avait des yeux de griffon ou quoi ? Une balle fusa, mais elle le rata et ricocha sur un tronc non loin. Il avait été chanceux sur ce coup-là, mais cela ne se reproduirait pas. Il courut de plus belle pour enfin s’abriter dans la relative sécurité de la forêt. Au loin, il put entendre force jurons et malédictions à son encontre. Mais il n’en avait cure. Il était libre, enfin ! Ce calvaire était terminé ! Plus qu’à trouver un autre village, les embobiner avec quelques prophéties et c’était reparti pour un tour. Cette fois-ci, il resterait mobile, ce serait trop bête de se faire avoir une nouvelle fois.
Après une minute de course effrénée, Will s’arrêta enfin pour reprendre son souffle. Ils n’avaient pas l’air de le poursuivre. Bien. Les mains sur les genoux, il était en sueur. Il allait devoir se ménager un peu pour la suite… Tiens ? Une voix ? Will se cacha en vitesse derrière un tronc d’arbre et essaya d’analyser la situation. La voix semblait venir de non loin, juste derrière un fourré de buissons à une dizaine de mètres.
La curiosité l’emporta sur la fatigue et Will tenta de s’approcher pour en savoir plus. Avec de la chance, il pourrait peut-être dépouiller son premier nouveau client ? Sa tenue n’était pas appropriée, mais il fallait tenter. La voix semblait jeune, rien qui n’ait l’air menaçant. A vrai dire, la voix faisait presque ridicule. Il avait dû tomber sur un gamin d’un village avoisinant, parfait. Will sortit du fourré avec autant de prestance qu’il était possible d’avoir quand on se prenait des branches en pleine figure et entama son discours habituel.
« Bonjour, jeune voyaaAAAAH ... ! »
Les cris terrorisés de Will traversèrent la forêt pour atteindre la clairière où se trouvait ce qui restait du convoi. Les soldats et surtout les prisonniers en eurent des sueurs froides. Les deux bagnards se regardèrent et d’un commun accord décidèrent que finalement il valait mieux rester sagement là, avec des soldats équipés pour les protéger.
Cela surprit Hans et ses hommes qui avaient dû faire tout leur possible pour les garder sur place après l’évasion de Will. Mais ce changement d’attitude ne leur déplut pas pour autant, bien au contraire.
« J’espère que ça vous a servi de leçon. Allez, on bouge ! » cria Hans à l’assemblée.
Il fallut changer le trajet pour atteindre un endroit sûr au plus vite. La mission était annulée. Maintenant, il fallait organiser le retour – sous bonne garde- pour une autre tentative. Et au diable la discrétion ! Il fut décidé de rejoindre Priestlicheim. Les prêtres-guerriers de la ville devraient pouvoir offrir un abri assez sécurisé et exempt de corruption pour eux.
Le convoi, maintenant constitué de dix personnes, reprit sa marche lente à travers les bois. Plus que deux jours avant d’arriver à destination, se dit Hans. Deux jours, c’était plutôt long… Trop long.
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La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Jeu 25 Aoû 2016 - 21:02
Les deux suites sont très bonnes. Au niveau de l'écriture, c'est toujours très bon et tu restes fidèle à toi-même. Sur les personnages, cela donne toujours envie d'en savoir plus.
Ah, j'ai aussi adoré l'entrée pour le moins spéciale d'Hjalmar (la tienne quoi ). Elle est énorme
Sinon, j'ai la flemme de détailler et de chercher mais j'avais relevé deux ou trois petites fautes sur les deux textes, mais rien de bien gênant.
Du coup, la suite ?
Ah, j'ai aussi adoré l'entrée pour le moins spéciale d'Hjalmar (la tienne quoi ). Elle est énorme
Sinon, j'ai la flemme de détailler et de chercher mais j'avais relevé deux ou trois petites fautes sur les deux textes, mais rien de bien gênant.
Du coup, la suite ?
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 26 Aoû 2016 - 10:56
Gilgalad a écrit:Les deux suites sont très bonnes. Au niveau de l'écriture, c'est toujours très bon et tu restes fidèle à toi-même. Sur les personnages, cela donne toujours envie d'en savoir plus.
Tout d'abord merci beaucoup Je me suis établi comme règle de ne jamais faire de personnages monolithique et j'adore rajouter des détails plus ou moins débiles, des tics,des faiblesses... (bon du coup ça prend du temps, mais le résultat est là )
Pour les fautes, si tu les retrouve, je suis preneur. Je me relis énormément (trop je pense) mais je ne peux pas tout voir.
La suite est en cours de production. Je dois rajouter quelques personnages sympathiques
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 26 Aoû 2016 - 13:50
J'avoue préférer des histoires moins déjantées (jamais lu Terry Pratchett ), mais ton style, tu le maitrises bien
- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 26 Aoû 2016 - 14:17
Je peux comprendre Mais que veux-tu j'adore rajouter des trucs débiles dans mes récits et j'utilise l'humour pour compenser mon incapacité à développer des histoires et des personnages très sérieux.Von Essen a écrit:J'avoue préférer des histoires moins déjantées
Là par contre c'est impardonnable Si j'aime beaucoup le style direct de David Gemmel (je m'en inspire énormément pour le rythme d'ailleurs et le développement des personnages), je considère Terry Pratchett (et son traducteur par extension) comme un véritable maître des mots qui arrive à rendre des situations complètement stupides parfaitement logique et c'est de ça que vient le comique hilarant. Et il le fait tout en ayant un propos et des personnages attachants.Von Essen a écrit:jamais lu Terry Pratchett
Le personnage de la Mort par exemple, je l'ai directement reprit de sa saga du Disque-monde. L'auteur étant malheureusement décédé, je trouvais atrocement dommage de laisser ce personnage inutilisé, donc j'ai décidé de le faire vivre un peu à travers mes récits.
C'est mon personnage de roman préféré alors je voulais essayer de lui faire justice (avec plus ou moins de succès)
Merci beaucoup Venant d'un écrivain chevronné, c'est un beau compliment. Je me considère bien loin du maître en la matière susnommé, mais je fais de mon mieux.Von Essen a écrit:mais ton style, tu le maitrises bien
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 26 Aoû 2016 - 15:01
Il me semble que dame Arken dispose de la saga complète du Disque-monde, elle pourra probablement me la prêter
- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 26 Aoû 2016 - 15:25
Von Essen a écrit:Il me semble que dame Arken dispose de la saga complète du Disque-monde, elle pourra probablement me la prêter
Eh bien cours lui demander ! Tu ne regretteras pas de t'y essayer.
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mar 30 Aoû 2016 - 10:58
Et voici la suite comme promis
Trop long, mais pas pour tout le monde. Pour les assaillants c’était même l’inverse, cela leur laissait tout le temps qu’il fallait pour lancer une autre attaque au moment opportun. Mais pour le moment, lesdits assaillants s’étaient regroupés pour panser leur plaie et faire le bilan dans une clairière non loin du lieu de l’assaut. Le résultat n’était pas fameux : une quinzaine de morts et presque la moitié de blessés. On pouvait appeler ça un échec cuisant, mais dans le métier on préférait dire que l’assaut s’était fait « avec une efficacité et une précision digne d’un gobelin unijambiste chargé à la bière bretonienne ».
Taren Hartenbach, chef autoproclamé du groupe, fulminait donc ce résultat mitigé en faisant les cents pas autour d’un des feux de camp. Il n’avait définitivement pas prévu une résistance pareille. Son groupe était maintenant réduit à une dizaine d’individus et une nouvelle attaque n’aurait certainement pas autant de succès -si l’on peut dire ainsi- que la première. Pourquoi son employeur voulait-il tellement capturer cette dame-là ?... Enfin l’employeur de son employeur parce que la personne qui était venu les recruter faisait définitivement trop pitié pour être à la tête de cette opération.
Taren jeta d’ailleurs un coup d’œil en direction de l’intéressé. On aurait dit un gamin qui était arrivé dans l’âge adulte sans savoir comment il avait fait. Avec sa barbiche blonde en pointe, ses cheveux courts en bataille, sa robe pourpre fourrée de parchemins dans tous les sens et son air de loutre apeuré, il était parfaitement risible. Il se proclamait mage, Taren l’aurait dit apprenti et encore il avait des doutes. Mais il payait bien, très bien même. Suffisamment pour qu’il ne pose pas de questions. Sauf que là, plus le temps passait, et plus il avait envie d’en poser des questions justement… La première étant, pourquoi était-il revenu dans le camp comme une fleur avec un air agité juste après ce hurlement atroce dans la forêt ? C’était louche et les gars avaient tous l’air d’accord à ce sujet, mais vu le gaillard il devait juste être à moitié timbré.
Finalement, après une courte réflexion, Taren était en train de se dire que le contrat avait besoin d’un ajustement… Ouais. Que finalement son employeur ne devait pas être si dangereux. Ça devait juste être du bluff son histoire de magie. Un tour pour effrayer les gars et ne pas se faire détrousser. Avait-il seulement lancé un sort depuis le début de la mission ? Décidé à imposer sa vision des choses, Taren traversa le camp en faisant signe aux gars encore capable de se battre qu’il fallait le suivre.
« Eh ! Patron !» - il faut mettre en exergue le fait que le mot patron, ici, était loin de sonner très élogieux. - « Va falloir qu’on parle ! »
Le mage, qui semblait ailleurs, se redressa comme un piquet et ses joues s’empourprèrent.
« Hein ? Mais… Que… Oui ? P…Pourquoi ?
-On pense que votre affaire est une mauvaise idée et qu’il vaudrait mieux qu’on arrête là. Si on continue, ça va juste être une boucherie inutile. Et ce n’est pas bon pour les affaires. »
Cette affirmation fut suivie par toute une foule de hochements de tête et de ‘ouais, comme qu’il dit’ très motivés.
« M… Mais si vous partez, vous ne serez pas payés ! fit farouchement le mage qui tenta de se reprendre.
-Ben justement, le paiement, maintenant que vous en parlez… » - le visage de Taren commença à se déformer pour arborer un rictus malsain – « La prime de risque est plutôt élevée par chez nous. Donc tu seras gentil de nous payer ça, hein ? Ce serait dommage que l’on parte en mauvais terme. »
En disant cela, Taren dégaina lentement sa dague à sa ceinture. Plus la lame apparaissait, plus le mage perdait ses couleurs.
« Non attendez, vous faites une erreur, une grave erreur ! s’exclama le mage
-Mais bien sûr, ils disent tout ça. Allez, on va être gentil, on va te laisser une partie de la somme promise… C’est que j’ai une conscience professionnelle tu sais. » -toute trace de sympathie disparut du visage de Taren alors qu’il s’approchait du mage - « L’argent, maintenant. Et tu pourrais survivre.
-Non att... »
Le mage s’arrêta subitement de supplier pour sa vie et son visage afficha une succession d’émotions : la peur puis la surprise qui fut suivie par le sourire typique du « gamin-content-de-lui ». D’ailleurs, c’était drôle mais les gars ne disaient plus rien derrière…
« Vous ais-je présenté mon associé ?
-Hein ? s’étonna Taren devant la question soudaine. »
En voyant que le mage regardait derrière lui, Taren jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. A la vue de la scène, son cerveau lui reprocha férocement qu’il n’aurait pas, mais alors vraiment pas, dû regarder derrière lui. Parce que cette scène allait le hanter jusqu’à la fin de ses jours.
Derrière le groupe se tenait un être gigantesque faisant facilement une tête de plus que tout le monde. Portant une armure lourde noire comme la nuit, son visage était un crâne dont les orbites rougeoyantes crachaient des flammes rouges. Le mort-vivant arborait une paire impressionnante de bois de cerfs greffés sur sa tête, comme des décorations de heaumes mais en plus terrifiant. Il portait une cape en fourrure épaisse sur ses épaules qui cascadaient jusqu’au niveau de ses genoux, lui donnant un air impérieux.
« Bordel, mais c’est quoi ça ? se demanda Taren qui commençait à considérer la fuite comme une option valable.
- Bien, messieurs, reprit le mage. Je vous conseille fortement de réfléchir à vos prochaines actions.
-Heu…Pourquoi ? demanda un bandit hébété.
-C’est évident voyons : votre vie en dépend. Maintenant, saviez-vous qu’« obéir aux ordres » est synonyme de « Je m’évite de souffrir atrocement » ?
-Q…Quoi ? balbutia un autre. »
Le roi revenant regarda le bandit avec un air passablement fatigué -un tour de force puisqu’un crâne n’est pas capable de montrer d’émotions en temps normal – et il soupira longuement avant de s’exprimer d’une voix d’outre-tombe.
« Bon, pour les crétins du fond qui sont lents à démarrer, je vais la faire plus simple ! »
Devant les yeux médusés des bandits, la cape du revenant se mit à bouger toute seule. Elle se déploya lentement, changeant de texture pour devenir l’inverse littéral de la lumière - il est intéressant de noter que l’obscurité n’est que l’absence de lumière, ici la cape en était l’antithèse. Ce qui signifie que lorsqu’elle se mit à former des ailes dignes des pires démons, la lumière autour se mit à se raréfier. Jusqu’à s’éteindre. Et en cet instant, la seule chose que les bandits effarés pouvaient voir dans ce noir le plus total, leur seule source de lumière, la seule chose sur laquelle ils pouvaient se concentrer étaient les flammes infernales créés par les orbites du revenant. Aussi fascinés que paralysés de peur, les bandits entendirent une voix sombre s’adresser à eux, une voix qui venait leur instiller une peur primale et insidieuse. Le genre de peur contre laquelle on ne peut rien faire d’autre que regarder et écouter.
« Si vous partez avant d’avoir fini cette mission, je vous retrouverais. Je vous massacrerais. Je vous exterminerais. Tous. Jusqu’au dernier. Jusqu’à ce qu’il ne reste de vous plus que des tas sanguinolents à peine capable de demander pitié.
-Argl, firent en chœur les bandits.
-Mais si le moindre d’entre vous porte la main sur le mage… Alors votre souffrance sera telle qu’elle ne pourra être décrite avec des mots. Elle sera telle qu’en comparaison les royaumes du chaos seront accueillants et doux !
-Argl !
-J’ai été clair ?
-Argl, Argl… ! »
En quelques secondes la cape se rétracta et la lumière douce des feux de camps revint à sa juste place.
« Bien ! » - le revenant eut l’air content de lui, à la grande surprise des bandits qui ne voyaient qu’une créature de cauchemar à sa place. – « Maintenant, vous allez être gentils. La fermer. Et vous remettre au boulot. On revient dans un instant.
-Ouais et que ça vous serve de leçon bande de nazes, on est tro... ! *gack* mmhùHùj%j%H »
Le mage hystérique ne put continuer son invective car un gantelet noir venait de se plaquer sur sa bouche quand le revenant le récupéra au passage. S’ensuivit une vague de ce qu’on pouvait deviner être des « Aïe », « Arrête !» et autres insultes diverses.
Juste avant de s’enfoncer dans l’obscurité des bois, le revenant se retourna brusquement à demi vers les bandits qui jappèrent en réaction :
« Et n’oubliez pas… Je vous regarde. »
Et il recula lentement à reculons tout en ne lâchant pas du regard les bandits. Le corps du revenant fini par disparaître mais les orbites, elles, étaient toujours là. Puis elles s’éteignirent brusquement, provoquant un tremblement de plus parmi les bandits.
Taren, dont les genoux tremblaient encore, se retourna vers un de ses compagnons qui était resté bouche bée depuis le début.
« Eh, Stefan ?
-Heuuu… Ouais ? bredouilla-t-il.
-C’est bien toi qu’avait ramené le contrat ? Une idée de génie, une bonne affaire qu’tu disais.
-…Ouais.
-Ben t’es gentil mais la prochaine fois, tes bonnes affaires, tu te les mets où je pense.
-Ouais… »
Quelques arbres plus loin, hors de portée de voix, un roi revenant trainait un nécromancien malingre tel un fétu de paille dissident. Une fois sûr d’avoir atteint l’endroit qu’il souhaitait après un rapide regard aux alentours, le revenant jeta son « maître » sur le sol. Ce dernier atterrit sur son fessier maintenant endolori avec la grâce d’une bûche.
« Aïïïeeeuuuh, mais Oldrick-eeeuh ! geigna le mage noir. Ça ne va pas ?! Devant les hommes en plus ! Je vais avoir l’air ridicule…
-Ridicule ? Ridicule ?! » - s’étrangla presque Oldrick qui se rapprocha brusquement du nécromancien et l’agrippa au col, le faisait décoller du sol. – « T’allais avoir l’air mort Anthezar ! Et tu as l’audace d’encore penser à ton image ?! »
Le revenant lâcha son emprise sur Anthezar qui s’écroula sur le sol pour la deuxième fois.
« Aïïeuu ! Mais je…Je maitrisais la…
-OSE ME DIRE CA EN FACE ! le coupa brutalement Oldrick dont la cape se mit à frémir.
-Je… D’accord, je ne maitrisais rien et tu m’as sauvé la vie, merci ! Tu es content ? »
Oldrick grommela quelques mots qui, si Anthezar ne se trompait pas, voulait dire qu’il acceptait les excuses du nécromancien. Ce dernier finit par se relever au prix d’un douloureux effort et entreprit d’épousseter sa tenue.
« Bien… si on revenait sur le déroulement des évènements plutôt ?
-Si tu veux…
-Les hommes que nous avons engagé ont échoué misérablement dans leur tâche et maintenant nous devons recommencer une attaque avec moins d’effectif au plus vite avant qu’ils n’atteignent la ville la plus proche... » -Anthezar sortit une carte moyennement bien dessinée de la région. – « Il pourrait viser… Priestlicheim au vu de leur direction et d’après les éclaireurs. Il y a une garnison de prêtres de Sigmar là-bas, un problème. »
Oldrick regarde la petit être s’agiter devant lui, gribouiller des flèches et des dessins sur la carte et dans son journal. Sa colère était passée et même s’il grinçait toujours des dents, son inquiétude s’évanouissait quand il regardait son maître imaginer des plans de batailles. Il n’était pas charismatique, ni fort, ni courageux mais quand il s’agissait d’art de la guerre, il était étonnamment efficace.
La mémoire d’Oldrick se mit à vagabonder parmi les maigres souvenirs qui lui restaient et il se rappela leur attaque sur un petit village il y a quelques mois. Un semi-fiasco à n’en pas douter, mais pas à cause d’Anthezar. C’était un peu de sa faute à vrai dire cette fois-ci. Oldrick avait décidé de travailler un peu son jeu de scène, chose qui lui manquait cruellement d’après son maître, et il en avait forcément trop fait au mauvais moment et au mauvais endroit. Il avait tellement terrorisé les villageois que ces derniers avaient couru dans les bois dans tous les sens - bois dans lesquels des chevaliers errants bretonniens se trouvaient malheureusement. Les villageois rameutèrent donc tous les chevaliers qui se firent une joie de les pourchasser, lui et Anthezar, sur plusieurs lieues. Il faut dire que la chevalerie bretonienne avait une dent contre lui depuis sa victoire à un certain tournoi qui s’était terminé quelques jours auparavant… Mais s’ils purent en réchapper, c’est parce qu’Anthezar avait eu l’idée de génie d’aller frapper rapidement plusieurs villages des environs pour brouiller les pistes et leur permettre de s’enfuir. Définitivement, ce gamin ne cesserait jamais de l’étonner malgré sa maîtrise maladroite de la magie.
« Voilà ! J’ai trouvé l’endroit où nous allons les intercepter ! s’exclama subitement Anthezar en agitant un parchemin parcouru d’indications.
-Eh ? Heu oui très bien… Mais cette fois, nous allons au combat avec eux. Je ne veux pas d’un autre échec.
-Mais le comte avait été très clair ! s’inquiéta Anthezar. Pas de mort-vivant impliqués, que des humains bien vivants pour ne pas éveiller les soupçons et faire passer ça pour un enlèvement classique !
-Il a aussi dit, pas de survivants. Pas de survivants, pas de témoins. Donc pas de problèmes. Il ne voulait juste pas de cadavres de zombis autour de l’embuscade. Ici il n’y aura que moi et je n’ai pas l’intention de re-mourir de sitôt, dit Oldrick en gloussant.
-Si tu le dis, soupira Anthezar. J’espère juste que le comte honorera sa promesse et me laissera étudier les arts nécromants à ses côtés.
-Je l’espère aussi, le rassura Oldrick. »
Le vieux comte n’avait pas daigné révélé son nom aux « pauvres serviteurs » qu’ils étaient, mais d’après Anthezar il s’agissait d’un Von Carstein. Ce qui avait apparemment une importance puisque l’apprenti nécromancien avait utilisé la presque totalité de ses suppliques pour demander une audience avec le comte et ainsi pouvoir lui proposer son aide. La scène avait été pathétique, mais Oldrick s’était retenu de répliquer aux piques du vampire dédaigneux.
Pour ce qu’Oldrick avait compris, le comte avait eu vent des évènements du tournoi du Fort du Sang et de la victoire du roi revenant, ce qui fait qu’il avait envie de voir le champion en action. Entrainez Anthezar en paiement ? Cela avait l’air d’être une gêne mineure pour le vieux vampire… Une gêne que sa curiosité lui disait d’oublier.
Oldrick finit par se reprendre. Il avait tendance à se remémorer des souvenirs récents plutôt souvent ces derniers temps. C’était assez étrange et intéressant comme sensation, mais elle se faisait envahissante dernièrement. Comme si les restes de son esprit torturé essayait de combler l’oubli presque total de sa vie passée avec des souvenirs récents.
« Tu viens Oldrick ? demanda Anthezar.
-Oui, dit faiblement le revenant. Mais avant, tu peux me dire ce qu’on va faire du cadavre du type de tout à l’heure ?
-Hein ? » -Anthezar avisa le corps mort de peur affalé dans une position crispée sur le sol non loin – « Ah ... Lui… Il m’avait fichu la frousse le bougre !
-Dit plutôt terrorisé oui…murmura Oldrick.
-Tu dis ?
-Non rien… Bah, dans ce cas laissons-le là. Les bêtes s’en occuperont bien. Allons-y. »
Sur ce, le duo improbable repartit dans les fourrés pour se diriger vers le campement. C’est qu’ils avaient du boulot devant eux.
Voilà, j'espère que vous avez apprécié l'apparition surprise de nos invités du jour
Sur ce, à vous de me dire si ça vous a plu ou non De mon côté j'ai du Vg11k à rattraper...
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Trop long, mais pas pour tout le monde. Pour les assaillants c’était même l’inverse, cela leur laissait tout le temps qu’il fallait pour lancer une autre attaque au moment opportun. Mais pour le moment, lesdits assaillants s’étaient regroupés pour panser leur plaie et faire le bilan dans une clairière non loin du lieu de l’assaut. Le résultat n’était pas fameux : une quinzaine de morts et presque la moitié de blessés. On pouvait appeler ça un échec cuisant, mais dans le métier on préférait dire que l’assaut s’était fait « avec une efficacité et une précision digne d’un gobelin unijambiste chargé à la bière bretonienne ».
Taren Hartenbach, chef autoproclamé du groupe, fulminait donc ce résultat mitigé en faisant les cents pas autour d’un des feux de camp. Il n’avait définitivement pas prévu une résistance pareille. Son groupe était maintenant réduit à une dizaine d’individus et une nouvelle attaque n’aurait certainement pas autant de succès -si l’on peut dire ainsi- que la première. Pourquoi son employeur voulait-il tellement capturer cette dame-là ?... Enfin l’employeur de son employeur parce que la personne qui était venu les recruter faisait définitivement trop pitié pour être à la tête de cette opération.
Taren jeta d’ailleurs un coup d’œil en direction de l’intéressé. On aurait dit un gamin qui était arrivé dans l’âge adulte sans savoir comment il avait fait. Avec sa barbiche blonde en pointe, ses cheveux courts en bataille, sa robe pourpre fourrée de parchemins dans tous les sens et son air de loutre apeuré, il était parfaitement risible. Il se proclamait mage, Taren l’aurait dit apprenti et encore il avait des doutes. Mais il payait bien, très bien même. Suffisamment pour qu’il ne pose pas de questions. Sauf que là, plus le temps passait, et plus il avait envie d’en poser des questions justement… La première étant, pourquoi était-il revenu dans le camp comme une fleur avec un air agité juste après ce hurlement atroce dans la forêt ? C’était louche et les gars avaient tous l’air d’accord à ce sujet, mais vu le gaillard il devait juste être à moitié timbré.
Finalement, après une courte réflexion, Taren était en train de se dire que le contrat avait besoin d’un ajustement… Ouais. Que finalement son employeur ne devait pas être si dangereux. Ça devait juste être du bluff son histoire de magie. Un tour pour effrayer les gars et ne pas se faire détrousser. Avait-il seulement lancé un sort depuis le début de la mission ? Décidé à imposer sa vision des choses, Taren traversa le camp en faisant signe aux gars encore capable de se battre qu’il fallait le suivre.
« Eh ! Patron !» - il faut mettre en exergue le fait que le mot patron, ici, était loin de sonner très élogieux. - « Va falloir qu’on parle ! »
Le mage, qui semblait ailleurs, se redressa comme un piquet et ses joues s’empourprèrent.
« Hein ? Mais… Que… Oui ? P…Pourquoi ?
-On pense que votre affaire est une mauvaise idée et qu’il vaudrait mieux qu’on arrête là. Si on continue, ça va juste être une boucherie inutile. Et ce n’est pas bon pour les affaires. »
Cette affirmation fut suivie par toute une foule de hochements de tête et de ‘ouais, comme qu’il dit’ très motivés.
« M… Mais si vous partez, vous ne serez pas payés ! fit farouchement le mage qui tenta de se reprendre.
-Ben justement, le paiement, maintenant que vous en parlez… » - le visage de Taren commença à se déformer pour arborer un rictus malsain – « La prime de risque est plutôt élevée par chez nous. Donc tu seras gentil de nous payer ça, hein ? Ce serait dommage que l’on parte en mauvais terme. »
En disant cela, Taren dégaina lentement sa dague à sa ceinture. Plus la lame apparaissait, plus le mage perdait ses couleurs.
« Non attendez, vous faites une erreur, une grave erreur ! s’exclama le mage
-Mais bien sûr, ils disent tout ça. Allez, on va être gentil, on va te laisser une partie de la somme promise… C’est que j’ai une conscience professionnelle tu sais. » -toute trace de sympathie disparut du visage de Taren alors qu’il s’approchait du mage - « L’argent, maintenant. Et tu pourrais survivre.
-Non att... »
Le mage s’arrêta subitement de supplier pour sa vie et son visage afficha une succession d’émotions : la peur puis la surprise qui fut suivie par le sourire typique du « gamin-content-de-lui ». D’ailleurs, c’était drôle mais les gars ne disaient plus rien derrière…
« Vous ais-je présenté mon associé ?
-Hein ? s’étonna Taren devant la question soudaine. »
En voyant que le mage regardait derrière lui, Taren jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. A la vue de la scène, son cerveau lui reprocha férocement qu’il n’aurait pas, mais alors vraiment pas, dû regarder derrière lui. Parce que cette scène allait le hanter jusqu’à la fin de ses jours.
Derrière le groupe se tenait un être gigantesque faisant facilement une tête de plus que tout le monde. Portant une armure lourde noire comme la nuit, son visage était un crâne dont les orbites rougeoyantes crachaient des flammes rouges. Le mort-vivant arborait une paire impressionnante de bois de cerfs greffés sur sa tête, comme des décorations de heaumes mais en plus terrifiant. Il portait une cape en fourrure épaisse sur ses épaules qui cascadaient jusqu’au niveau de ses genoux, lui donnant un air impérieux.
« Bordel, mais c’est quoi ça ? se demanda Taren qui commençait à considérer la fuite comme une option valable.
- Bien, messieurs, reprit le mage. Je vous conseille fortement de réfléchir à vos prochaines actions.
-Heu…Pourquoi ? demanda un bandit hébété.
-C’est évident voyons : votre vie en dépend. Maintenant, saviez-vous qu’« obéir aux ordres » est synonyme de « Je m’évite de souffrir atrocement » ?
-Q…Quoi ? balbutia un autre. »
Le roi revenant regarda le bandit avec un air passablement fatigué -un tour de force puisqu’un crâne n’est pas capable de montrer d’émotions en temps normal – et il soupira longuement avant de s’exprimer d’une voix d’outre-tombe.
« Bon, pour les crétins du fond qui sont lents à démarrer, je vais la faire plus simple ! »
Devant les yeux médusés des bandits, la cape du revenant se mit à bouger toute seule. Elle se déploya lentement, changeant de texture pour devenir l’inverse littéral de la lumière - il est intéressant de noter que l’obscurité n’est que l’absence de lumière, ici la cape en était l’antithèse. Ce qui signifie que lorsqu’elle se mit à former des ailes dignes des pires démons, la lumière autour se mit à se raréfier. Jusqu’à s’éteindre. Et en cet instant, la seule chose que les bandits effarés pouvaient voir dans ce noir le plus total, leur seule source de lumière, la seule chose sur laquelle ils pouvaient se concentrer étaient les flammes infernales créés par les orbites du revenant. Aussi fascinés que paralysés de peur, les bandits entendirent une voix sombre s’adresser à eux, une voix qui venait leur instiller une peur primale et insidieuse. Le genre de peur contre laquelle on ne peut rien faire d’autre que regarder et écouter.
« Si vous partez avant d’avoir fini cette mission, je vous retrouverais. Je vous massacrerais. Je vous exterminerais. Tous. Jusqu’au dernier. Jusqu’à ce qu’il ne reste de vous plus que des tas sanguinolents à peine capable de demander pitié.
-Argl, firent en chœur les bandits.
-Mais si le moindre d’entre vous porte la main sur le mage… Alors votre souffrance sera telle qu’elle ne pourra être décrite avec des mots. Elle sera telle qu’en comparaison les royaumes du chaos seront accueillants et doux !
-Argl !
-J’ai été clair ?
-Argl, Argl… ! »
En quelques secondes la cape se rétracta et la lumière douce des feux de camps revint à sa juste place.
« Bien ! » - le revenant eut l’air content de lui, à la grande surprise des bandits qui ne voyaient qu’une créature de cauchemar à sa place. – « Maintenant, vous allez être gentils. La fermer. Et vous remettre au boulot. On revient dans un instant.
-Ouais et que ça vous serve de leçon bande de nazes, on est tro... ! *gack* mmhùHùj%j%H »
Le mage hystérique ne put continuer son invective car un gantelet noir venait de se plaquer sur sa bouche quand le revenant le récupéra au passage. S’ensuivit une vague de ce qu’on pouvait deviner être des « Aïe », « Arrête !» et autres insultes diverses.
Juste avant de s’enfoncer dans l’obscurité des bois, le revenant se retourna brusquement à demi vers les bandits qui jappèrent en réaction :
« Et n’oubliez pas… Je vous regarde. »
Et il recula lentement à reculons tout en ne lâchant pas du regard les bandits. Le corps du revenant fini par disparaître mais les orbites, elles, étaient toujours là. Puis elles s’éteignirent brusquement, provoquant un tremblement de plus parmi les bandits.
Taren, dont les genoux tremblaient encore, se retourna vers un de ses compagnons qui était resté bouche bée depuis le début.
« Eh, Stefan ?
-Heuuu… Ouais ? bredouilla-t-il.
-C’est bien toi qu’avait ramené le contrat ? Une idée de génie, une bonne affaire qu’tu disais.
-…Ouais.
-Ben t’es gentil mais la prochaine fois, tes bonnes affaires, tu te les mets où je pense.
-Ouais… »
Quelques arbres plus loin, hors de portée de voix, un roi revenant trainait un nécromancien malingre tel un fétu de paille dissident. Une fois sûr d’avoir atteint l’endroit qu’il souhaitait après un rapide regard aux alentours, le revenant jeta son « maître » sur le sol. Ce dernier atterrit sur son fessier maintenant endolori avec la grâce d’une bûche.
« Aïïïeeeuuuh, mais Oldrick-eeeuh ! geigna le mage noir. Ça ne va pas ?! Devant les hommes en plus ! Je vais avoir l’air ridicule…
-Ridicule ? Ridicule ?! » - s’étrangla presque Oldrick qui se rapprocha brusquement du nécromancien et l’agrippa au col, le faisait décoller du sol. – « T’allais avoir l’air mort Anthezar ! Et tu as l’audace d’encore penser à ton image ?! »
Le revenant lâcha son emprise sur Anthezar qui s’écroula sur le sol pour la deuxième fois.
« Aïïeuu ! Mais je…Je maitrisais la…
-OSE ME DIRE CA EN FACE ! le coupa brutalement Oldrick dont la cape se mit à frémir.
-Je… D’accord, je ne maitrisais rien et tu m’as sauvé la vie, merci ! Tu es content ? »
Oldrick grommela quelques mots qui, si Anthezar ne se trompait pas, voulait dire qu’il acceptait les excuses du nécromancien. Ce dernier finit par se relever au prix d’un douloureux effort et entreprit d’épousseter sa tenue.
« Bien… si on revenait sur le déroulement des évènements plutôt ?
-Si tu veux…
-Les hommes que nous avons engagé ont échoué misérablement dans leur tâche et maintenant nous devons recommencer une attaque avec moins d’effectif au plus vite avant qu’ils n’atteignent la ville la plus proche... » -Anthezar sortit une carte moyennement bien dessinée de la région. – « Il pourrait viser… Priestlicheim au vu de leur direction et d’après les éclaireurs. Il y a une garnison de prêtres de Sigmar là-bas, un problème. »
Oldrick regarde la petit être s’agiter devant lui, gribouiller des flèches et des dessins sur la carte et dans son journal. Sa colère était passée et même s’il grinçait toujours des dents, son inquiétude s’évanouissait quand il regardait son maître imaginer des plans de batailles. Il n’était pas charismatique, ni fort, ni courageux mais quand il s’agissait d’art de la guerre, il était étonnamment efficace.
La mémoire d’Oldrick se mit à vagabonder parmi les maigres souvenirs qui lui restaient et il se rappela leur attaque sur un petit village il y a quelques mois. Un semi-fiasco à n’en pas douter, mais pas à cause d’Anthezar. C’était un peu de sa faute à vrai dire cette fois-ci. Oldrick avait décidé de travailler un peu son jeu de scène, chose qui lui manquait cruellement d’après son maître, et il en avait forcément trop fait au mauvais moment et au mauvais endroit. Il avait tellement terrorisé les villageois que ces derniers avaient couru dans les bois dans tous les sens - bois dans lesquels des chevaliers errants bretonniens se trouvaient malheureusement. Les villageois rameutèrent donc tous les chevaliers qui se firent une joie de les pourchasser, lui et Anthezar, sur plusieurs lieues. Il faut dire que la chevalerie bretonienne avait une dent contre lui depuis sa victoire à un certain tournoi qui s’était terminé quelques jours auparavant… Mais s’ils purent en réchapper, c’est parce qu’Anthezar avait eu l’idée de génie d’aller frapper rapidement plusieurs villages des environs pour brouiller les pistes et leur permettre de s’enfuir. Définitivement, ce gamin ne cesserait jamais de l’étonner malgré sa maîtrise maladroite de la magie.
« Voilà ! J’ai trouvé l’endroit où nous allons les intercepter ! s’exclama subitement Anthezar en agitant un parchemin parcouru d’indications.
-Eh ? Heu oui très bien… Mais cette fois, nous allons au combat avec eux. Je ne veux pas d’un autre échec.
-Mais le comte avait été très clair ! s’inquiéta Anthezar. Pas de mort-vivant impliqués, que des humains bien vivants pour ne pas éveiller les soupçons et faire passer ça pour un enlèvement classique !
-Il a aussi dit, pas de survivants. Pas de survivants, pas de témoins. Donc pas de problèmes. Il ne voulait juste pas de cadavres de zombis autour de l’embuscade. Ici il n’y aura que moi et je n’ai pas l’intention de re-mourir de sitôt, dit Oldrick en gloussant.
-Si tu le dis, soupira Anthezar. J’espère juste que le comte honorera sa promesse et me laissera étudier les arts nécromants à ses côtés.
-Je l’espère aussi, le rassura Oldrick. »
Le vieux comte n’avait pas daigné révélé son nom aux « pauvres serviteurs » qu’ils étaient, mais d’après Anthezar il s’agissait d’un Von Carstein. Ce qui avait apparemment une importance puisque l’apprenti nécromancien avait utilisé la presque totalité de ses suppliques pour demander une audience avec le comte et ainsi pouvoir lui proposer son aide. La scène avait été pathétique, mais Oldrick s’était retenu de répliquer aux piques du vampire dédaigneux.
Pour ce qu’Oldrick avait compris, le comte avait eu vent des évènements du tournoi du Fort du Sang et de la victoire du roi revenant, ce qui fait qu’il avait envie de voir le champion en action. Entrainez Anthezar en paiement ? Cela avait l’air d’être une gêne mineure pour le vieux vampire… Une gêne que sa curiosité lui disait d’oublier.
Oldrick finit par se reprendre. Il avait tendance à se remémorer des souvenirs récents plutôt souvent ces derniers temps. C’était assez étrange et intéressant comme sensation, mais elle se faisait envahissante dernièrement. Comme si les restes de son esprit torturé essayait de combler l’oubli presque total de sa vie passée avec des souvenirs récents.
« Tu viens Oldrick ? demanda Anthezar.
-Oui, dit faiblement le revenant. Mais avant, tu peux me dire ce qu’on va faire du cadavre du type de tout à l’heure ?
-Hein ? » -Anthezar avisa le corps mort de peur affalé dans une position crispée sur le sol non loin – « Ah ... Lui… Il m’avait fichu la frousse le bougre !
-Dit plutôt terrorisé oui…murmura Oldrick.
-Tu dis ?
-Non rien… Bah, dans ce cas laissons-le là. Les bêtes s’en occuperont bien. Allons-y. »
Sur ce, le duo improbable repartit dans les fourrés pour se diriger vers le campement. C’est qu’ils avaient du boulot devant eux.
**** ****
Voilà, j'espère que vous avez apprécié l'apparition surprise de nos invités du jour
Sur ce, à vous de me dire si ça vous a plu ou non De mon côté j'ai du Vg11k à rattraper...
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"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett
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- Les livres dans le paquetage du nordique...:
La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
Tome 3 : Foi Furieuse
Je vous conseille de le télécharger, mettre l'affichage en deux pages et, si possible, activer le mode "Afficher la page de couverture en mode Deux pages" sous Adode Reader (en gros juste pour s'assurer que les pages sont bien affichées comme dans le vrai livre et non décalées)
- GilgaladMaître floodeur
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mar 30 Aoû 2016 - 11:55
Je ne commente "que" maintenant, même si j'ai lu le texte tout-à-l'heure. Pour quelle raison ? Je ne savais pas quoi écrire. J'avais mon idée sur le texte mais je ne savais pas comment la mettre en forme.
*"Gilgalad, arrêtes de parler de ta vie, on s'en tape.
-D'accord Aryana."*
J'ai beaucoup aimé cette partie. Pour plusieurs raisons. La première est que l'on sait enfin qui est derrière l'embuscade. De plus, on en apprend un peu plus sur le nécromancien-pas-très-doué-pour-la-magie-mais-plus-doué-pour-la-guerre. De plus, on en apprend potentiellement un peu plus sur le commanditaire de cet enlèvement. A voir si cela sera vérifié plus tard.
Sinon, le texte en tant que tel est très bon. Et je ne trouve rien à redire. Pour le moment Non, je plaisante Continue comme ça.
Bon bah maintenant, je réclame la suite
*"Gilgalad, arrêtes de parler de ta vie, on s'en tape.
-D'accord Aryana."*
J'ai beaucoup aimé cette partie. Pour plusieurs raisons. La première est que l'on sait enfin qui est derrière l'embuscade. De plus, on en apprend un peu plus sur le nécromancien-pas-très-doué-pour-la-magie-mais-plus-doué-pour-la-guerre. De plus, on en apprend potentiellement un peu plus sur le commanditaire de cet enlèvement. A voir si cela sera vérifié plus tard.
Sinon, le texte en tant que tel est très bon. Et je ne trouve rien à redire. Pour le moment Non, je plaisante Continue comme ça.
Bon bah maintenant, je réclame la suite
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- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mar 30 Aoû 2016 - 13:25
Merci pour ton retour
Je te comprends un peu, les idées sont parfois bien plus volatiles que les mots...
Bon ben l'objectif de cette partie est atteint selon moi Il ne me reste plus qu'à me débrouiller pour rendre logique le bordel qui arrive
Je me permet un double post, parce qu'après tout c'est mon sujet ce fais ce que je veux !
*Slash ! fit le fouet de la tenancière en caressant brutalement le derrière de l'impudent auteur barbu*
Bon d'accord, je le referais plus.... Pour la peine, j'édite.
J'édite ce message pour parler, ou plutôt vous montrer une petit chanson/vidéo en rapport avec le texte. Gilgalad, tu m'avais demandé si j'allais décrire le passage de Hjalmar dans le warp, ben voilà. Tu peux maintenant te faire une plutôt bonne idée du bordel :
Gilgalad a écrit:J'avais mon idée sur le texte mais je ne savais pas comment la mettre en forme.
Je te comprends un peu, les idées sont parfois bien plus volatiles que les mots...
Gilgalad a écrit:J'ai beaucoup aimé cette partie. Pour plusieurs raisons. La première est que l'on sait enfin qui est derrière l'embuscade. De plus, on en apprend un peu plus sur le nécromancien-pas-très-doué-pour-la-magie-mais-plus-doué-pour-la-guerre. De plus, on en apprend potentiellement un peu plus sur le commanditaire de cet enlèvement. A voir si cela sera vérifié plus tard.
Bon ben l'objectif de cette partie est atteint selon moi Il ne me reste plus qu'à me débrouiller pour rendre logique le bordel qui arrive
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Je me permet un double post, parce qu'après tout c'est mon sujet ce fais ce que je veux !
*Slash ! fit le fouet de la tenancière en caressant brutalement le derrière de l'impudent auteur barbu*
Bon d'accord, je le referais plus.... Pour la peine, j'édite.
EDIT:
J'édite ce message pour parler, ou plutôt vous montrer une petit chanson/vidéo en rapport avec le texte. Gilgalad, tu m'avais demandé si j'allais décrire le passage de Hjalmar dans le warp, ben voilà. Tu peux maintenant te faire une plutôt bonne idée du bordel :
- Attention, c'est plutôt gore... Non sérieusement, âme sensible ne regardez pas.:
Vous aurez été prévenu
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La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
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- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mer 28 Sep 2016 - 21:55
Mesdames, messieurs, voici la suite du récit Bonne lecture ! De mon côté je continue la suite !
Peu de temps auparavant, une heure après l’attaque, le dernier chariot encore présent avançait tranquillement sur la route, roulant désormais sur des feuilles mortes orangées tombées depuis peu. Le soleil était en train de disparaître vers l’horizon et la brise automnale força les membres de l’escorte à se couvrir un peu, à l’exception de Hjalmar et des deux ex-prisonniers. Ces derniers ne le firent pas parce qu’ils n’en avaient pas les moyens et Hjalmar parce qu’il n’en avait pas besoin.
L’assemblée était relativement silencieuse, aux aguets. Ils savaient que leurs assaillants allaient revenir mais ils ne savaient pas quand ni comment. Rien de tel donc pour créer une ambiance que l’on qualifiera de moite, malsaine et insidieuse pour rester poli. Dans une situation pareille, garder le silence était impossible. Il était trop pesant et angoissant pour être supporté. Et donc les gens compensaient, tentaient de meubler le vide, essayaient d’oublier leur situation précaire pendant quelques secondes. Mais à chaque fois, ils se rappelaient la menace invisible, ces assaillants qui étaient toujours là.
Ce qui fait que de temps en temps, l’inquiétude faisait jurer doucement un des gardes quand il glissait sur une feuille ou qu’il sursautait à cause du vent dans les branches de la canopée. Parfois, c’était Placido qui venait se plaindre à Renata à propos du temps bien plus clément de sa Tillée natale. Et à d’autres occasions, le silence ambiant était brusquement brisé par un ordre aboyé par Hans à l’attention des deux gardes intérimaires pour les remettre dans le rang.
Et dans tout cela, le seul à être réellement silencieux, c’était Hjalmar Oksilden. Le nordique se trouvait sur le côté droit du chariot, derrière Hans Grimmel qui dirigeait le convoi, à gauche de Renata et devant les ex-prisonniers. D’ailleurs, cet état de fait, c’est Renata qui l’avait remarquée. Après tout, elle ne pouvait s’empêcher de jeter des coups d’œil en direction du norse. Elle avait beau maudire intérieurement sa curiosité, elle continuait quand même. C’était plus fort qu’elle. Mais le silence du nordique l’inquiétait. Tout le monde avait quelque chose à dire ou faire et lui se contentait d’avancer, le regard vide et la hache sur l’épaule. Il avait l’air… ailleurs ?
« Eh ! L’barbu ! dit subitement une voix derrière Renata. »
Quand elle se retourna, elle put confirmer qu’il s’agissait du grand prisonnier. A côté, son collègue plus en chair souriait autant qu’il le pouvait avec ce qui restait de son dentier.
« Paraît que t’es Hjalmar Oksilden ?
-Il paraît, lui répondit la voix morne de Hjalmar.
-Ben j’en crois pas un mot. J’crois que tu t’fous de nous en fait. L’vrai Hjalmar, il suivrait pas comme un chienchien ce p’tit groupe. »
Renata regarda à nouveau Hjalmar dans l’attente d’une réaction de sa part, mais ce dernier continuait son chemin, impassible.
« Eh ! J’viens de t’dire que tu t’fous de nous et qu’t’es pas… EH ! » -Cette fois le prisonnier commença à s’énerver et il perdit son air goguenard progressivement – « T’vas répondre, oui !? T’va arrêter de regarder droit d’vant toi, oui !?
-Si je regarde droit devant moi, c’est pour ne pas voir ta gueule. »
La réponse de Hjalmar eu l’effet d’un électrochoc sur le prisonnier qui - après avoir arrêté toutes fonctions cérébrales pendant quelques secondes pour digérer l’information- dégaina son épée et la brandit vers le norse.
« T’veux jouer à ça ? Eh ben, j’te défie ! Parait que ça t’fait tiquer ça !! J’ai déjà tué six personnes, j’peux très bien en tuer une autre ! »
Et effectivement, l’effet eu bien lieu : Hjalmar s’était arrêté net. Le prisonnier ricana et jeta un regard rapide vers son collègue, fier de son coup. Mais Renata, qui était au niveau du norse, vit quelque chose que le prisonnier ne voyait pas. Elle vit les phalanges de Hjalmar blanchir sur son arme alors que le norse tentait de canaliser sa colère de toutes ses forces. Il… se forçait à ne pas répondre ?
Un des gardes finit par se placer devant le prisonnier, son pistolet dirigé vers ce dernier.
« Maintenant tu la fermes et tu retournes dans le rang ! On a autre chose à régler que tes caprices !
-Oh mais c’est pas un caprice mon gars, répliqua le prisonnier avec un sourire en coin. C’est une mise au point comme qu’on dit. J’veux être sûr que ce type s’moque pas de nous, qu’il est bien celui qu’il dit qu’il est… »
Le grand prisonnier regarda par-dessus l’épaule du garde et vit que le norse s’était retourné. Le regard noir de ce dernier en disant long. Tout le convoi s’était arrêté en entendant l’échange de politesse et la scène se mua en un spectacle dérangeant. Hjalmar se rapprocha alors à pas lents du prisonnier, toujours dans la même position qu’avant.
Le garde, voyant que la situation allait dégénérer, tenta de s’interposer et leva la main pour arrêter le nordique. Il réussit à poser sa main sur l’épaule du norse mais ce dernier ne s’arrêta pas, au contraire. Ce qui fait que le garde se mit à reculer en paniquant devant le mur impossible à stopper que représentait Hjalmar. Après quelques secondes d’effort inutiles, l’impérial se décala pour laisser passer le nordique et jura tout en massant sa main. Une fois arrivé à un mètre du prisonnier, Hjalmar s’arrêta.
« Tu ferais bien de réfléchir à ce que tu viens de dire, commença-t-il. »
La voix du norse ne laissait pas de doute sur son intention. Elle était ourdie de menace, à un point où chaque syllabe semblait vouloir vous saigner à blanc. Mais cela le prisonnier s’en fichait.
« Oh, mais j’sais ce que j’dis ! J’veux un défi, l’Hjalmar que je connais, il refuse jamais un défi ! Et…
-Oh alors tu connais Hjalmar Oksilden ? dit le norse avec de la colère dans la voix. Tu penses ME connaitre ? Laisse-moi bien rire ! Tu ne sais rien de moi ! Et d’ailleurs, je vais t’en apprendre une bonne, et retiens-là bien chiabrena ! Tu n’es rien pour moi… Rien qu’un énième crétin que se croit dangereux. Donc ton défi, tu peux le garder parce que te combattre serait sans intérêt. Et j’ai horreur des combats sans intérêt. Alors dégage de ma vue !»
Sur ce, Hjalmar se retourna en grognant. Le prisonnier, encore étonné par la réaction du norse, reprit vaguement ses esprits après la série d’insultes. Et il appliqua donc la seule réponse qu’il connaissait quand il n’avait pas de réponse à un problème justement : il envoya son épée vers Hjalmar dans une tentative paniquée et vaine. Avant que quiconque ne puisse faire quoi que ce soit, Hjalmar esquiva la lame et lâcha sa hache. Il se retourna, agrippa le poignet du prisonnier qui tenait la lame et envoya son poing libre vers le visage du prisonnier effaré… Pour s’arrêter à deux centimètres de sa tempe. Le poing tremblant aux jointures blanchies par l’effort, Hjalmar plongea son regard dans celui du prisonnier.
« La prochaine fois… Je broie ton **** de crâne. »
Le prisonnier gémit sous la pression de la main du norse sur son poignet et finit par lâcher son arme. Mais au moment où le norse allait apparemment le libérer, il eut un instant d’hésitation. Brusquement, la main libre de Hjalmar se plaqua sur la gorge du prisonnier.
« Finalement… Pourquoi attendre ? murmura Hjalmar. »
Ce fut le moment que choisit le cerveau du prisonnier pour lui faire comprendre sa situation et elle était mauvaise. Il regarda Hjalmar dans les yeux. C’était un réflexe humain, un moyen de peut-être savoir si l’homme en face de nous était décidé à nous tuer sur place. Malheureusement pour lui, il ne vit que les pupilles fixes du nordique. D’habitude, les pupilles, ça bougeait, ça tremblait, ça montrait une émotion, mais pas là, pas chez le norse. Des pupilles pareilles, c’était proprement terrifiant. Ce n’était pas le regard d’un meurtrier, c’était celui d’un monstre.
La poigne du nordique se referma lentement sur la gorge du prisonnier qui se mit à suffoquer. Mais alors qu’il aurait dû essayer de débattre, ce dernier avait le regard toujours fixé sur les yeux du nordique, comme tétanisé. Au milieu des pupilles impassibles, une lueur malsaine s’était allumée. Une lueur meurtrière qui fut suivie par un son presque inaudible que seul le prisonnier entendit : un rire. Hjalmar avait commencé à rire doucement. C’était un éclat sadique, vicieux mais surtout joyeux qui congela la colonne du prisonnier de peur. La poigne de Hjalmar se resserra encore plus.
« Non ! cria Renata en agrippant le bras du norse. »
La capitaine mercenaire envoya le pommeau de son épée en plein dans le visage du nordique qui eu un léger mouvement de recul sous le choc. Si l’impact n’avait pas l’air d’avoir causé de dommages, il eut un effet. Le norse relâcha le prisonnier qui s’étala par terre en tenant sa gorge. Ce dernier, même s’il était en mauvais état, recula autant qu’il le pouvait pour s’éloigner du nordique. Renata reporta son regard vers Hjalmar pour se préparer à une contre-attaque, mais elle s’aperçut avec surprise qu’il semblait perdu. Il clignait des yeux à répétition, fermait et rouvrait ses poings en boucle.
« Je… bredouilla t’il. »
Hjalmar secoua sa tête brusquement, fit une moue rageuse et repartit chercher sa hache tombée dans l’herbe. Alors qu’il se relevait, Hans Grimmel se posta devant le norse avec un air inquiet.
« L’incident est clos ?
-Oui… grommela Hjalmar.
-Tant mieux, parce que l’on va camper ici. Il est trop tard pour continuer de toute manière. Kellerman ! Je veux que vous gardiez votre prisonnier durant la nuit, et assurez-vous de le tenir en laisse cette fois !
-Ce sera fait, dit Renata qui s’approchait déjà de Hjalmar pour le garder à portée d’épée. »
Hans continua son chemin pour aller voir le prisonnier perturbateur et leva la main pour commencer ses reproches, mais il n’en eu pas le temps car le prisonnier se mit à gesticuler et cria :
« Non ! Non ! Je ne ferais plus rien ! Je l’approcherais plus jamais ! Je f’rais tout ce que vous voulez, mais le laissez pas m’approcher !
-Heum bien, je crois… dit Hans en jetant un regard en biais vers Hjalmar. »
Le vieux capitaine était en train de sérieusement se demander ce qui avait bien pu se passer pour que ce type se mette dans cet état. De son point de vue, Hjalmar s’était défendu et l’avait attrapé par la gorge, rien de plus. Enfin, il l’espérait…
Après avoir donné quelques ordres pour organiser le campement, Hans repartit vers le chariot pour prévenir la dame de la suite des évènements. Après s’être assuré que personne ne se trouvait trop près, le vieux carrobourgeois soupira en arrivant devant la porte en bois. Gérer des conflits directs, ça il savait faire, surtout quand ils se résolvaient tout seuls. Mais parlez avec elle ? Il n’était jamais à l’aise en sa présence, c’était comme si… elle le détestait de tout son être. Hans balaya ses doutes de la main et reprit son tabard pour entrer dans le chariot. En ouvrant la porte, un effluve de parfum raffiné lui chatouilla les narines alors qu’il découvrait à nouveau l’intérieur relativement cosy du chariot. Il avait beau avoir été assemblé à la va-vite quelques jours avant, on avait l’impression d’ouvrir une porte vers un salon privé dans un des grands manoirs nobles d’Altdorf. Le capitaine s’avança et regarda à l’intérieur pour découvrir la dame en question, assise tranquillement sur la banquette de soie avec ses jambes élégamment croisées. Elle regardait par la petite fenêtre du chariot d’un air intéressé, son menton posé sur sa paume. Hans se fit la réflexion que même s’il n’aimait pas lui parler, il appréciait néanmoins son port altier.
Isabelle Vonheuffer, héritière de la maison du même nom, était effectivement une belle femme. La robe ouvragée de couleur bordeaux qu’elle portait près du corps faisait ressortir d’autant plus son teint pâle, typique des nobles enfarinés qui restaient cloitrés dans leur château. Sa tenue était assez sobre à vrai dire, aucun bijou particulier ne ressortait, mais elle n’en avait pas besoin pour paraître impérieuse. Quand elle remarqua la présence du capitaine, elle lui jeta un regard mesquin et passa négligemment sa main dans ses longs cheveux noirs.
« Nous… Nous allons camper ici pour la nuit madame.
-Bien, si vous le voulez. » -la voix douce et mélodieuse était teintée d’une petite dose de mépris – « Après tout, je n’ai point le pouvoir de vous en empêcher.
-L’endroit ne vous convient pas ? »
Isabelle Vonheuffer soupira et leva les yeux au ciel.
« Evidemment qu’il ne me convient pas. Nous sommes perdus en pleine forêt. Cela est bien loin du confort citadin que je souhaiterais. »
Hans se retint de se moquer du côté chouchouté des nobles impériaux et se contenta de prendre un air éploré.
« Ne me regardez pas comme ça capitaine, se plaignit la noble. Et apportez-moi plutôt de quoi me sustenter. » - Au moment où Hans allait partir, la dame fit un mouvement soudain de la main – « Au fait, dites-moi. Que s’est-il passé exactement dehors ?
-Oh rien, deux prisonniers en sont venus aux mains. Mais la situation s’est calmée.
-D’accord… Mais surveillez le barbare hirsute. Il ne m’a pas l’air… stable.
-J’en tiendrais compte madame. »
Hans referma la porte en grommelant dans sa barbe nouvellement repoussée qu’il allait devoir revoir sa paye quand ils arriveraient à destination.
Une heure plus tard, alors que le campement avait été établi autour du chariot et que les sentinelles effectuaient déjà leurs tours de garde, Renata se dit qu’il était enfin temps qu’elle ait sa discussion avec Hjalmar. Le norse était pour le moment sous la garde de Placido le temps qu’elle finisse son repas, mais le Tiléen ne semblait pas avoir eu trop de problèmes à gérer la situation. Après tout, Hjalmar avait été attaché avec une chaîne en acier à un résineux. Quand elle arriva pour prendre la relève, Hjalmar avait l’air d’être resté prostré dans son coin, adossé à l’arbre. Il regardait vers le ciel par intermittence en tenant son collier. Ce dernier arborait un symbole étrange si elle se souvenait bien.
« Ah te voilà ! » - lui lança Placido en se retournant vers Renata. Le Tiléen se rapprocha d’elle et lui murmura à l’oreille quelques mots – « Fait attention à toi, il n’a pas bougé d’un centimètre depuis l’incident et il reste là à murmurer des non-sens en norse. Il n’est définitivement pas…
-Bien ? lança Hjalmar en surprenant Placido et Renata. Désolé de vous décevoir mais je ne suis pas encore complètement fou... ou sourd. »
Les mercenaires restèrent cois pendant quelques secondes. Comment avait-il pu les entendre ? Son ouïe n’était pas commune, déduisit Renata, un autre détail à prendre en compte.
« J’en suis rassuré dans ce cas ! » - dit Renata en lançant un regard moribond à Placido qui allait se plaindre de sa remarque – « Tu peux nous laisser. Il reste un peu de ragoût près du deuxième feu. »
Le Tiléen regarda tour à tour Renata puis le norse, grommela un expression tiléenne et partit se chercher à manger sans poser plus de problèmes que nécessaire. La capitaine mercenaire soupira bruyamment en voyant cela, mais ne dit rien de plus. Après tout, Placido finira bien par se calmer en temps voulu. Elle partit alors s’asseoir sur un tronc d’arbre tombé non loin et déposa son écu à ses pieds. Elle planta aussi sa torche dans le sol et, tout en bougeant son bras ankylosé par les efforts de la journée, Renata se mit à penser à sa situation.
Ça y était, elle avait enfin un peu de temps pour parler avec ce mystérieux norse. D’où venait-il ? Quelle était son histoire ? Qu’avait-il bien pu voir là-bas ? Toutes ces questions lui taraudaient la langue, lui hurlaient qu’elles voulaient être posées… Et elle restait là, les bras sur les genoux à regarder fixement un norse barbu adossé à un tronc d’arbre comme une idiote.
Bon sang, comment avait-elle pu être si bête ? Cela n’allait pas être si facile de poser des questions pareilles à cet homme-là. Surtout qu’il avait l’air plutôt capable de la tailler en pièces s’il le souhaitait. Et après la scène d’avant, elle avait commencé à sérieusement remettre en question sa démarche.
Est-ce que cela valait vraiment la peine de lui parler ? Cela lui faisait mal de l’admettre mais Placido avait raison, il avait l’air complètement dérangé. À tout moment, il pouvait exploser de rage et tenter de la tuer. Et s’il restait calme, il pourrait ne même pas répondre… Mais sa curiosité, encore et toujours, lui disait de continuer, que le risque en valait la peine. Que peut-être cet homme pourrait lui apporter un élément de réponse… Renata eu envie de jurer bruyamment. Il n’y avait rien de plus frustrant que de ne pas savoir alors que la solution était peut-être pile devant elle. Mais que devait-elle faire ? Et pourquoi se sentait-elle dirigée en permanence vers lui ? Pourquoi… ?
« Vous allez bien ? »
La question de Hjalmar fit sursauter Renata qui était perdue dans ses pensées. Elle se surprit alors à rougir de honte et s’empressa de répondre pour ne pas perdre la face encore plus.
« Heu, oui, oui ! Et vous ? » - Renata se mordit la lèvre en se rendant compte de la bêtise de sa réponse et se remit à penser frénétiquement – « Sérieusement ?! Tu n’avais rien de mieux à dire espèce de cruche ?
-Je suppose que oui, grommela Hjalmar. Je demande parce que vous regardiez vers la forêt plutôt intensément depuis quelques minutes et ça commençait à devenir… Eh bien, un peu effrayant.
-Ah ben bravo, tu arrives à effrayer des psychopathes maintenant, de mieux en mieux. Non, je vous rassure ! Tout va bien, je… suis un peu fatiguée.
-De même, dit Hjalmar en s’étirant. Bon, on passe au vrai sujet maintenant ?
-Hein ? Mais… Mais de quoi vous parlez ?
-Vous me reluquez depuis le début du voyage, c’est difficile de ne pas le remarquer.
-Et meeeeeerdre. Je… Non, je… »
Renata commençait à perdre ses moyens. Le norse avait remarqué son manège et elle rougissait comme une gamine en plus ! Elle devait se reprendre. Elle était une capitaine, par Myrmidia !
« Ecoutez, on ne va pas y aller par quatre chemins, dit abruptement Hjalmar. Vous voulez qu’on s’affronte où ?
-Je voulais juste vous poser… Attendez, quoi ?
-Ben un duel, dit Hjalmar nonchalamment. C’est ce que vous vouliez, nan ?
-Heu non, je voulais juste vous poser quelques questions… »
S’ensuivit une série de clignement d’yeux dans un silence gênant où les deux personnes concernées ne savaient plus vraiment où se mettre. Après quelques instants, Hjalmar finit par reprendre la parole. Il s’avachit sur le tronc d’arbre sur lequel il s’appuyait auparavant avec un air déçu.
« Oh ? Quel dommage… Dans ce cas, envoyer vos questions.
-Vous voulez bien répondre ? demanda Renata qui eu du mal à contenir sa joie.
-Oui. Après tout, ce n’est pas comme si j’avais grand-chose d’autre à faire, dit-il en soulevant brièvement la chaîne en acier qui pendait à son pied. »
La capitaine mercenaire trépignait presque d’impatience, mais elle devait se contenir. Elle souffla doucement pour se calmer. Il ne s’agissait pas d’un jeu, ce norse était dangereux... Par quoi commencer ?
« Au fait, merci pour avant, lança le norse. J’en avais besoin.
-Et bien voilà un début. De rien… je suppose ? D’ailleurs, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
-Il m’avait énervé. »
Renata eu un léger gloussement qui fit tiquer le norse.
« Vous mentez très mal. Je vous demandais : pourquoi avez-vous changé d’attitude au dernier moment ? » - voyant que le norse ne répondait pas, elle continua – « Vous avez lâché votre hache pour ne pas l’utiliser sur le coup de la colère. Vous vouliez le garder en vie, probablement parce que vous ne vouliez pas perdre de temps avec lui. Alors pourquoi tenter de le tuer juste après ? D’après votre réputation et votre comportement vous avez pourtant l’air prompt à frapper…
-Belle observation, concéda Hjalmar. Mais ma réputation n’a plus vraiment de sens ces derniers temps. Pour ce qui est de la scène, oui, je me moquais bien de lui et je ne voulais effectivement pas perdre mon temps. La suite, eh bien, je ne m’en souviens pas à vrai dire. J’ai eu un… voile rouge devant les yeux pendant quelques secondes puis vous m’avez frappée.
-Et c’est tout ? Rien de plus qu’un voile ?
-Ouaip, une absence passagère peut-être ? La fatigue ? Un manque de sommeil et je peux devenir grognon. »
Renata remarqua que Hjalmar regardait ailleurs durant sa dernière phrase. Il avait beau jouer au dur imperturbable, elle voyait bien qu’il essayait de cacher un malaise. Il restait cependant un point d’ombre.
« Qu’avez-vous vu là-bas ? demanda-t-elle de but en blanc.
-Pardon ? s’étonna Hjalmar.
-De… l’enfer où je ne sais quel autre endroit abominable d’où vous êtes venus quand nous nous sommes rencontrés à Talabheim. Ça peut avoir eu une influence. Qu’est-ce qu’il s’est pass…
-Vous ne voulez pas savoir, trancha durement Hjalmar. »
Tiens, le ton avait changé. La voix du nordique avait légèrement tremblé quand il avait dit ça.
« Et pourquoi ça ? »
Hjalmar regarda Renata dans les yeux. Elle put apercevoir avec les reflets d’un feu non loin qu’il avait abandonné son regard morne habituel. Il avait l’air d’un homme brisé à vrai dire, comme s’il laissait enfin apparaître en surface ce qu’il essayait de cacher depuis le début.
« Parce que j’ai moi-même décidé d’oublier ce que j’ai vu. Maintenant, j’aimerais changer de sujet. »
Et il avait repris le rôle du monolithe. Renata n’était pas stupide, elle savait qu’elle ne tirerait rien de plus en continuant sur cette voie. Mais quand même, la mercenaire trouvait cela presque agaçant qu’il esquive toutes ses questions sur le sujet à vrai dire.
« Donc vous n’allez pas me donner de raison valable à propos de ce qui s’est passé avant ?
-Vous l’avez déjà votre réponse, non ? D’ailleurs, vos questions m’agacent finalement, laissez-moi dormir. »
Le norse s’adossa au tronc et ferma les yeux, ignorant complètement le regard outré que Renata lui envoya. Elle baissa la tête par dépit car elle savait qu’elle ne tirerait plus rien de lui à présent. Si elle avait beau afficher un visage neutre, elle était en rage intérieurement. Comment osait-il l’ignorer de la sorte ? Il avait quelque chose à cacher et elle était bien décidé à savoir quoi…
Plusieurs heures passèrent et Hjalmar dormait d’un sommeil agité. Renata somnolait presque non loin et ne remarqua donc pas les soubresauts qui agitaient le nordique…
Se battre. Survivre. Frapper.
Encore et encore.
Sans s’arrêter. Ne jamais s’arrêter.
Courir. Rouge. Partout.
Toujours plus de douleur.
Sans fin.
Toujours plus de sang…
De sang…
Hjalmar ouvrit les yeux et se releva subitement. Il était en sueur. Encore haletant, il jeta des regards inquiets aux alentours pour tenter de comprendre dans quel environnement il se trouvait. La nuit s’était installée et elle avait établi son emprise sur la forêt. Les bruissements de la vie ambiante sylvestre s’étaient tus ou se faisaient plus distants. Dans le ciel, Mannslieb était accrochée à la voute étoilée parcourue de nuages vagabonds sous la forme d’un croissant et apportait une teinte argentée à l’environnement. Par réflexe, le norse chercha sa hache à tâtons, mais il réalisa bien vite sa bêtise quand le tintement de la chaîne à son pied lui rappela sa condition : Le chariot, le convoi, prisonnier, etc… Il lui fallut quelques secondes pour se remémorer les évènements récents, mais se savoir en sécurité rassura le nordique. Enfin, en sécurité… Tout était relatif. Mais en comparaison à ce qu’il avait vécu, il avait plus que jamais l’impression d’être à l’abri.
Hjalmar jeta un regard aux alentours et au vu du peu d’activité sortant de l’ordinaire, il avait apparemment réussi à se retenir de crier au moment de son réveil. Une bonne chose. Il ne voulait pas que les autres y voit un signe de faiblesse. Le nordique passa sa main sur son front, il était fiévreux. Tout en soupirant, il s’affala, dos au tronc de l’arbre, et tenta de se calmer.
Les cauchemars n’allaient pas en s’améliorant depuis ces derniers jours. Et dire qu’il avait cru pouvoir enfin profiter d’un peu de sommeil en sortant des royaumes chaotiques... Quelle blague, se dit-il en jurant. Il avait l’impression que les royaumes le poursuivaient sans relâche, et ce même quand il n’y était plus. Tous ses souvenirs, tout ce qu’il avait pu y voir, tout cela le hantait à présent… voire le rendait fou ? Etait-cela qui s’était passé auparavant avec le prisonnier ?
L’inquiétude se mit à germer dans l’esprit de Hjalmar, car il réalisa qu’il pouvait perdre le contrôle à tout moment. Contrairement à ce qu’il avait dit à la mercenaire, il avait tout vu. Absolument tout. Il avait pu contrôler chacun de ses mouvements. Pire, il avait eu l’impression de faire le bon choix en essayant de le tuer. Pourquoi maintenant et pas dans les royaumes du chaos ? Etait-ce parce que les dieux ne l’avaient pas protégé depuis qu’il en était sorti ? Et d’ailleurs, les dieux, ils ne disaient plus rien depuis tout ce temps… Où étaient-ils passés ?
C’est alors que Hjalmar remarqua que cette nuit la souffrance s’était atténuée. Pourtant, il n’y avait pas eu de changement notable dernièrement… A moins que… ? La mercenaire ? Maintenant qu’il y pensait, après lui avoir parlée, Hjalmar avait ressenti une sorte d’apaisement. Un peu comme s’il avait enfin pu laisser sortir une partie de ce qui lui pesait sur la conscience. Hjalmar gloussa dédaigneusement. Comme si parler allait atténuer quoi que ce soit ! Il vivait un enfer en ce moment et ce n’est pas… Ce n’est pas… Ce n’était pas le moment de se laisser aller ! Il… Il… Ah mais merdre, pourquoi n’arrivait-il pas à réfléchir ?! Un pic de douleur lui vrilla l’arrière de son crâne alors que l’on venait le tourmenter encore. Hjalmar se prit la tête entre ses mains alors que la souffrance devenait rapidement insoutenable.
*Laissez-moi en paix ! Arrêtez ça ! * hurlait-il intérieurement alors que la douleur lancinante dans son crâne revenait à la charge.
Puis la douleur s’effaça. Sans prévenir.
Pris de court, Hjalmar rouvrit les yeux. Mais devant la vision qui s’offrait à lui, un frisson parcouru son échine. Autour de lui, le paysage avait changé. Les arbres avaient été remplacés par des pics cristallins d’obsidienne. La voute étoilée avait laissé place à un firmament bordeaux, le sol était rouge sang et des nuages de souffre habitaient les cieux. Des craquelures, desquelles des flammes et de la lave sortaient, parsemaient les environs. Au loin, des étendues de sable de couleur bronze disparaissaient dans l’horizon en se mêlant avec les mers blanches de crânes. Il faisait chaud, trop chaud. Etouffant même. Le goût cuivré du sang était partout, son odeur enivrante obnubilant tous les sens de Hjalmar.
Il y était toujours, compris Hjalmar avec horreur. Il y était toujours et tout ce qu’il avait vu n’était qu’une mascarade des dieux du chaos pour l’affaiblir. La terreur laissa place à la rage. Foutus enfoirés ! Ils allaient voir ce que la colère d’un Oksilden voulait dire ! Comment osaient-ils jouer avec son esprit de la sorte ? Ils allaient payer…
Un bruit de pas à gauche de Hjalmar le fit se retourner. Un sanguinaire venait d’apparaître. Son corps rachitique recouvert d’écailles de sang ondulait au gré de ses déplacements de prédateur né. La langue fourchue du démon siffla dans l’air alors qu’il prononçait des paroles impies et il chargea. Classique, se dit Hjalmar en se mettant en garde. Il n’avait pas sa hache pour le moment, mais il pourrait bien faire sans. Ce n’est pas comme s’il en avait besoin pour tuer même s’il était enchainé…
Une épée enflammée à la lame noire apparu subitement dans la main droite du démon alors qu’il sautait pour frapper. Retrouvant ses habitudes martiales en un instant, Hjalmar esquiva la lame et la dévia avec la protection de son avant-bras d’un geste vif. Un pas en avant plus loin et le poing du norse décrochait un uppercut dans la mâchoire du démon. Ce dernier en lâcha son épée de surprise, mais Hjalmar n’avait pas fini. Il balaya les jambes arquées du sanguinaire d’un coup de tibia et enchaîna avec un crochet du droit qui envoya le démon au sol brutalement. Le norse sauta sur lui et l’empêcha de se relever. Le sanguinaire tenta bien de répliquer avec son bras gauche, mais Hjalmar fut plus rapide en attrapant ledit bras et lui faisant prendre un angle peu orthodoxe dans un craquement abominable.
C’était si facile. Il n’était même plus une menace pour lui après tout ceux qu’il avait déjà vaincu. Tout en prenant prise sur la gorge reptilienne du démon qui se débattait comme un diable, Hjalmar envoya son autre poing vers l’arrière. Et il frappa. Encore. Et encore. Le pitoyable démon se démena de plus belle, il demandait pitié dans son langage maudit sûrement !
Hjalmar le trouva ridicule et frappa encore.
Il trouvait la scène assez drôle en fait et frappa encore.
Finalement, elle était hilarante ! Et il frappa encore.
Il adorait… Un autre démon était à sa droite !! Hjalmar envoya sa main l’agripper pour lui arracher sa trachée et…
« Hjalmar, c’est bon vous pouvez le lâcher ! cria Renata à sa droite. »
Le norse arrêta son mouvement à l’instant même où il entendit la voix de la mercenaire. Il cligna des yeux et le monde infernal laissa la place à la teinte argentée de Maanslieb en un instant. Comprenant qu’il avait été sujet à une nouvelle hallucination, Hjalmar serra les dents. Mais quand il réalisa qu’il avait failli tuer Renata, il se mortifia. Tout cela lui avait paru si réel…
Le norse sentit quelque chose au niveau de son bras gauche et vit qu’il tenait une sorte de bandit avec une capuche noire. Le visage du bandit était tuméfié et en sang. Le même sang qui se trouvait sur la main droite de Hjalmar. Comprenant ce qui venait de se passer, Hjalmar lâcha le bandit qui était raide mort sur le sol.
« Je… commença Hjalmar.
-Vous allez bien ? demanda brusquement Renata.
-Je… Je crois. »
Hjalmar remarqua que l’escorte au grand complet était réveillée. Il faut croire que l’échauffourée avait suffi les réveiller.
« Vous croyez ? continua Renata. Votre hurlement de douleur était assez puissant pour réveiller la forêt !
-J’ai hurlé ?
-Eh bien oui, je croyais que vous aviez été blessé par… » - Renata baissa les yeux vers le bandit mort- « … ce qui reste de votre assaillant. Par Myrmydia, vous avez fait ça à mains nues ?! »
Hjalmar regarda à son tour le cadavre atrocement mutilé aux membres brisés. Effectivement, il n’y était pas allé de main morte.
« Rappelez-moi de ne jamais vous énerver, d’accord ?
-J’y penserais, acquiesça Hjalmar en souriant. » - Elle n’avait pas remarqué. Bien. Fait comme si de rien était et tout ira bien, se dit-il. – « Mais je n’ai rien. Ce n’est pas comme si ce type pouvait me faire quoi que ce soit. Et puis je suis un peu grognon quand on me réveille brusquement… dit Hjalmar en essuyant les tâches de sang tant bien que mal.
-Grognon ? On dirait qu’il s’est fait renverser par un minotaure ! s’exclama Renata.
-Et ? Il est mort et il n’a pu tuer personne. Problème réglé. »
-Grognon ? s’exclama Renata. Grognon comme avec le prisonnier d’avant ? Est-ce…
-Rien à voir, la coupa Hjalmar.
-Oh non, cette fois vous n’y couperez pas. Je remplace Placido pour le reste de la nuit et après cette attaque, nous allons rester éveillé un bon moment. J’ai tout mon temps ! »
Hjalmar soupira lourdement et se détourna de Renata.
« Je vous l’ai déjà dit, vous ne voulez…
-Pas savoir, je sais ! Mais je préfèrerais prendre mes précautions et ainsi éviter de me faire tuer pendant une de vos crises ! On ne sait même pas si quelque chose les provoque ou si c’est aléatoire ! »
Le nordique se raidit subitement. Elle avait compris. Génial, maintenant elle n’allait plus le lâcher…Comme si elle pouvait aider.
« Je vous ai dit tout ce que vous aviez besoin de savoir, grogna Hjalmar. Maintenant laissez-moi ici et repartez.
-Et pourquoi vous laisserais-je derrière ?
-Parce que je suis dangereux, vous l’avez dit non ? Et je préfèrerais éviter de tous vous tuer. »
La lame de de Renata se plaça sur la gorge de Hjalmar avant qu’il n’ait le temps de réagir. On pouvait voir dans ses yeux que la capitaine mercenaire était arrivé au bout de sa patience.
« Vous me prenez pour une idiote ? pesta-t-elle. Les prisonniers dangereux, je les exécute de préférence. On prend bien moins de risques ainsi. J’en ai assez que vous me preniez pour une petite chose fragile, donc vous me dites ce que vous avez vu ou je vous décapite. Ça vous va comme motivation ?
-Vous êtes sûre ? dit Hjalmar après quelques secondes. Vous voulez vraiment savoir ce j’ai enduré là-bas ?
-Évidemment que je suis sûre ! Crachez le morceau !
-Non.
-Quoi ? s’étrangla Renata.
-Vous n’êtes pas sûre de vous. Votre épée tremble légèrement. »
Renata regarda sa main qui était effectivement en train de vibrer. Elle serra ses dents et enleva la lame de la gorge du nordique en pestant. La capitaine mercenaire eu l’air perdue, elle hésitait sur la marche à suivre.
« Oh et puis merdre… lança-t-elle. Mes… Mes parents, des marchands, ont disparu devant mes yeux, happés par un portail qui ressemblait exactement au vôtre. J’avais sept ans. Des cultistes les avaient capturés pour les sacrifier à je ne sais quelle horreur alors que nous étions en voyage d’affaire. J’ai réussi à m’échapper par miracle et après des années d’errance, j’ai fini dans différentes bandes de mercenaires. Je me suis endurcie avec le temps et j’avais enterré ce souvenir dans ma mémoire, mais en vous voyant sortir du portail, j’ai… J’ai cru que je pourrais savoir ce qui leur était arrivé. »
Hjalmar n’avait pas bougé durant l’explication de Renata. A vrai dire, il n’avait pas vraiment l’habitude de gérer des discussions importantes avec d’autres personnes, donc là il était un peu perdu.
« Vous vous en fichez, hein ? gloussa tristement Renata.
-Non, je…
-Si, je le vois bien. Vous savez, je n’ai pas dit ça pour vous prendre par les sentiments. Je voulais que vous sachiez pourquoi je vous demande ce que vous avez vu....
-Certaines choses feraient mieux de rester enterrées vous savez, dit Hjalmar laconiquement. »
Cette énième esquive du sujet fut celle de trop pour Renata. Son visage s’empourpra en un instant alors qu’elle explosait de colère.
« Mais vos morales à deux couronnes, vous pouvez vous les garder !! » -Elle brandit sa lame en direction du norse hébété – « Depuis le début vous ne faites qu’esquiver, que de retenir vos coups, vous balancez des menaces en l’air… Où est Hjalmar Oksilden le destructeur ? Il a été remplacé par Hjalmar le moralisateur ?! Qu’est-ce qu’elle veut dire votre foutue réputation, hein ? C’est juste du flanc ? Arrêtez de vous foutre de moi et déterrez vos couilles pour commencer !
- Mais…
-Mais ? MAIS ? Mais pourquoi vous n’avez pas encore essayé de renvoyer un coup ?! Qu’est que vous foutez par les dieux ? Quand est-ce que vous allez réaliser que vos crises de folie ce n’est qu’un trop plein que vous évacuez de façon incontrôlée ! Pourquoi est-ce que vous vous retenez ?! »
Ne contrôlant plus sa rage, Renata fonça sur Hjalmar et tenta de le frapper. Le norse esquiva les coups sans difficulté mais sans riposter pour autant. Toujours en mouvement, le visage neutre, il allait répliquer qu’il en avait trop vu pour avoir envie de continuer à se battre. Qu’après des horreurs pareilles, le plus sanguinaire des guerriers en aurait eu assez… Mais il réalisa aussi qu’il se mentait à lui-même en disant cela.
En vérité, il s’était retenu parce qu’il avait peur de quoi il était capable à présent. Il avait peur que ses duels ne soient plus comme avant, qu’ils aient perdus leur sens. Il avait peur d’être devenu un monstre impossible à arrêter… Mais… Le sifflement du gant qui passe à côté de son crâne, le tintement de l’acier, l’adrénaline qui montait lentement. Toutes ces petites choses, tout cela lui avait manqué terriblement depuis tout ce temps. Ses combats étaient devenus des combats pour sa survie là-bas. Il n’en avait tiré aucun plaisir et cela l’avait tué lentement. Mais là, c’était différent : Il se sentait en danger mais dans le bon sens.
Des souvenirs de ses combats d’antan lui revinrent à la mémoire. Son sang se mit à battre dans ses veines avec une ardeur renouvelée alors qu’il esquivait une nouvelle botte. L’euphorie se mit à le gagner et après sa première parade de l’avant-bras il jubila littéralement. Il se sentait vivre à nouveau, tout simplement. Toutes ses angoisses, sa retenue et ses inquiétudes disparurent en un instant alors qu’il se mit à répliquer aux attaques de Renata.
Il le sentait au fond de lui-même, les voix des démons étaient toujours là. Il était toujours en sursis, au bord du gouffre. S’ils l’avaient atteint avant, c’est parce qu’il les écoutait… Mais maintenant, il n’en avait plus rien à cirer et c’est tout ce qui comptait ! Voilà comment Hjalmar Oksilden devait vivre. Il ne devait pas fuir la réalité, il devait l’accepter, l’embrasser, lui rentrer dedans et la mettre à terre pour chercher un autre adversaire juste derrière !
C’est alors que depuis ce qui lui avait semblé être une éternité, Hjalmar ria du rire franc et sadique qui le caractérisait. Ce rire provoqué par la joie unique en son genre du combat.
« Tu en as mis du temps, gloussèrent subitement un concert de voix familières dans la tête de Hjalmar.
-Que…»
Le norse n’eut pas le temps de répliquer. Trop surpris par les voix, il n’esquiva pas un énième coup de Renata qui le toucha en plein menton. Sonné, Hjalmar finit par s’étaler contre le tronc.
« Et que cela vous serve de leçon ! cria Renata. La prochaine fois, battez-vous vraiment ! »
La mercenaire fit demi-tour et repartit pour chercher ses affaires. Hjalmar la regarda partir en massant sa mâchoire, encore sous le choc de la réalisation : les dieux lui avaient parlé à nouveau ! Par réflexe, il baissa les yeux vers son pendentif qui brillait faiblement d’une lueur bleutée réconfortante. C’est… tout ? C’était réellement tout ce qu’ils attendaient de lui ? Qu’il revienne sur le chemin qu’il suivait auparavant ?
Hjalmar sourit devant sa propre stupidité. Se retenir n’avait jamais été son fort effectivement… Il était temps qu’il sorte de sa léthargie. Même s’il savait pertinemment qu’il ne retrouverait jamais sa vie d’antan - plus après ce qu’il avait vécu – il était en train de se dire que finalement, il y avait encore beaucoup à faire. Le norse se releva alors et lança un appel à Renata.
« Vous avez raison. » -il se mit en garde quand elle se retourna vers lui – « Il est temps que je m’y mette sérieusement.
-A la bonne heure, grogna Renata qui allait repartir vers le campement.
-Comme vous m’avez vaincu, je vous dois sur mon honneur de répondre à vos questions… Enfin presque toute… »
La mercenaire s’arrêta net et se retourna vers le nordique, l’air surpris puis amusé.
« Je n’aurais jamais cru que vous auriez une dette envers moi… Dans ce cas, commençons. » - Renata se plaça devant Hjalmar et s’assit en tailleur. « Comment avez-vous fini là-bas ?
-Oh, c’est une longue histoire. Je ne vous détaillerais pas ce qui s’est passé là-bas... Pas encore… Mais je peux bien vous raconter deux ou trois choses. »
Hjalmar passa donc un long moment à expliquer la suite d’évènements qui l’ont amené jusqu’ici. De son bannissement de son village natal à son exploration vagabonde, de sa rencontre avec un bretonnien avant le tournoi de Havras d’où les problèmes ont commencé et enfin les évènements qui ont suivi. Cela lui prit deux bonnes heures de raconter la plus grande part des choses qu’il avait pu voir au cours de sa vie car elle avait été fournie en rencontres et péripéties ! Renata buvait littéralement les paroles du norse, absorbée par le récit presque mythologique que représentait la vie de cet homme, de ce simple humain qu’elle avait en face d’elle. Et même s’il effectuait des coupures à certains endroits, le tout restait impressionnant tout en sonnant étonnamment réel. La capitaine était pragmatique, la plus grande part des choses dont Hjalmar parlait étaient tout bonnement impossible, mais il donnait tellement de détails quand elle les lui demandait que… elle se mettait à douter des limites de ce qu’elle considérait comme « possible » justement. Et le norse ne s’arrêtait pas, il rigolait en se remémorant des anecdotes, renchérissait avec d’autres… Il fallut du temps, mais Hjalmar arriva enfin à la fin de son récit.
« … et après avoir emprunté le vortex, je me retrouvais… Eh bien, là-bas. Puis j’ai atterris à Talabheim. La suite vous la connaissez.
-Eh bien, souffla Renata. C’était… riche.
-Maintenant que vous le dites, oui ! gloussa tristement Hjalmar. A vrai dire, je ne sais même pas pourquoi je vous parle de tout ça. Je crois que vous êtes la première personne à réellement me demander mon histoire.
-Les gens ont tendance à parler plutôt facilement avec moi, c’est une sorte de don il faut croire.
-Vous croyez au destin ? demanda Hjalmar en regardant en biais vers les cieux.
-Pas vraiment, non. Pourquoi ?
-Moi si. » -le norse reporta son regard vers Renata- « Personnellement, je marche avec l’idée que mon destin est tout tracé, que je suis destiné comme tous les membres de mon peuple à un avenir glorieux. Mais c’est à moi et à moi seul de faire en sorte de suivre ce chemin qui est le mien, car il n’arrivera pas tout seul. On doit s’en montrer digne. Et ce n’est qu’en accomplissant ce destin que je pourrais rejoindre mes ancêtres dans la mort et les honorer comme il se doit.
-Dans ce cas, vos dieux ont des goûts étranges et sadiques, n’en avez-vous pas vu assez avec tout cela ? Et quel est le rapport avec moi ?
-Les dieux ont un sens de l’humour qui m’échappe... Mais c’est leur volonté et je dois m’y plier. Et pour votre deuxième question, rien n’arrive par hasard. Je vous l’ai dit auparavant, tout est déjà écrit. Peut-être qu’une divinité a trouvé intéressant de nous faire nous rencontrer ? »
Renata gloussa et haussa les épaules
« Vous voulez dire qu’une divinité veille sur moi et m’indique ce que je dois faire pour accomplir ma destinée ou quelque chose dans ce genre ?
-C’est l’idée. Ou alors, je suis complètement fou et si vous me croyez, vous aussi. Ce qui ne serait pas totalement faux.
-Je pencherais plutôt pour la deuxième option, ricana Renata en unisson avec Hjalmar. Et qu’est-ce que vos dieux vous disent maintenant ?
-Pas grand-chose ces derniers temps, dit Hjalmar en jouant avec son pendentif.
-Eh bien, il ne nous reste plus qu’à attendre que les « puissances supérieures » nous donnent la marche à suivre pour leur jeu stupide et nous verrons d’ici là ! »
Renata avait gesticulé des bras d’une façon grandiloquente en parlant des divinités, ce qui fit sourire Hjalmar. Un bruit de pas qui s’approchait depuis le campement indiqua que Placido était en train de revenir.
« Eh bien merci de bien avoir voulu répondre à tout ça, dit-elle en se relevant. Cela aura été instructif. Et Hjalmar ?
-Hmm ?
-Ne perdez pas votre temps à regarder derrière vous, …
-Ce n’est pas par-là que vous allez, la coupa Hjalmar. Merci. »
**** ****
Peu de temps auparavant, une heure après l’attaque, le dernier chariot encore présent avançait tranquillement sur la route, roulant désormais sur des feuilles mortes orangées tombées depuis peu. Le soleil était en train de disparaître vers l’horizon et la brise automnale força les membres de l’escorte à se couvrir un peu, à l’exception de Hjalmar et des deux ex-prisonniers. Ces derniers ne le firent pas parce qu’ils n’en avaient pas les moyens et Hjalmar parce qu’il n’en avait pas besoin.
L’assemblée était relativement silencieuse, aux aguets. Ils savaient que leurs assaillants allaient revenir mais ils ne savaient pas quand ni comment. Rien de tel donc pour créer une ambiance que l’on qualifiera de moite, malsaine et insidieuse pour rester poli. Dans une situation pareille, garder le silence était impossible. Il était trop pesant et angoissant pour être supporté. Et donc les gens compensaient, tentaient de meubler le vide, essayaient d’oublier leur situation précaire pendant quelques secondes. Mais à chaque fois, ils se rappelaient la menace invisible, ces assaillants qui étaient toujours là.
Ce qui fait que de temps en temps, l’inquiétude faisait jurer doucement un des gardes quand il glissait sur une feuille ou qu’il sursautait à cause du vent dans les branches de la canopée. Parfois, c’était Placido qui venait se plaindre à Renata à propos du temps bien plus clément de sa Tillée natale. Et à d’autres occasions, le silence ambiant était brusquement brisé par un ordre aboyé par Hans à l’attention des deux gardes intérimaires pour les remettre dans le rang.
Et dans tout cela, le seul à être réellement silencieux, c’était Hjalmar Oksilden. Le nordique se trouvait sur le côté droit du chariot, derrière Hans Grimmel qui dirigeait le convoi, à gauche de Renata et devant les ex-prisonniers. D’ailleurs, cet état de fait, c’est Renata qui l’avait remarquée. Après tout, elle ne pouvait s’empêcher de jeter des coups d’œil en direction du norse. Elle avait beau maudire intérieurement sa curiosité, elle continuait quand même. C’était plus fort qu’elle. Mais le silence du nordique l’inquiétait. Tout le monde avait quelque chose à dire ou faire et lui se contentait d’avancer, le regard vide et la hache sur l’épaule. Il avait l’air… ailleurs ?
« Eh ! L’barbu ! dit subitement une voix derrière Renata. »
Quand elle se retourna, elle put confirmer qu’il s’agissait du grand prisonnier. A côté, son collègue plus en chair souriait autant qu’il le pouvait avec ce qui restait de son dentier.
« Paraît que t’es Hjalmar Oksilden ?
-Il paraît, lui répondit la voix morne de Hjalmar.
-Ben j’en crois pas un mot. J’crois que tu t’fous de nous en fait. L’vrai Hjalmar, il suivrait pas comme un chienchien ce p’tit groupe. »
Renata regarda à nouveau Hjalmar dans l’attente d’une réaction de sa part, mais ce dernier continuait son chemin, impassible.
« Eh ! J’viens de t’dire que tu t’fous de nous et qu’t’es pas… EH ! » -Cette fois le prisonnier commença à s’énerver et il perdit son air goguenard progressivement – « T’vas répondre, oui !? T’va arrêter de regarder droit d’vant toi, oui !?
-Si je regarde droit devant moi, c’est pour ne pas voir ta gueule. »
La réponse de Hjalmar eu l’effet d’un électrochoc sur le prisonnier qui - après avoir arrêté toutes fonctions cérébrales pendant quelques secondes pour digérer l’information- dégaina son épée et la brandit vers le norse.
« T’veux jouer à ça ? Eh ben, j’te défie ! Parait que ça t’fait tiquer ça !! J’ai déjà tué six personnes, j’peux très bien en tuer une autre ! »
Et effectivement, l’effet eu bien lieu : Hjalmar s’était arrêté net. Le prisonnier ricana et jeta un regard rapide vers son collègue, fier de son coup. Mais Renata, qui était au niveau du norse, vit quelque chose que le prisonnier ne voyait pas. Elle vit les phalanges de Hjalmar blanchir sur son arme alors que le norse tentait de canaliser sa colère de toutes ses forces. Il… se forçait à ne pas répondre ?
Un des gardes finit par se placer devant le prisonnier, son pistolet dirigé vers ce dernier.
« Maintenant tu la fermes et tu retournes dans le rang ! On a autre chose à régler que tes caprices !
-Oh mais c’est pas un caprice mon gars, répliqua le prisonnier avec un sourire en coin. C’est une mise au point comme qu’on dit. J’veux être sûr que ce type s’moque pas de nous, qu’il est bien celui qu’il dit qu’il est… »
Le grand prisonnier regarda par-dessus l’épaule du garde et vit que le norse s’était retourné. Le regard noir de ce dernier en disant long. Tout le convoi s’était arrêté en entendant l’échange de politesse et la scène se mua en un spectacle dérangeant. Hjalmar se rapprocha alors à pas lents du prisonnier, toujours dans la même position qu’avant.
Le garde, voyant que la situation allait dégénérer, tenta de s’interposer et leva la main pour arrêter le nordique. Il réussit à poser sa main sur l’épaule du norse mais ce dernier ne s’arrêta pas, au contraire. Ce qui fait que le garde se mit à reculer en paniquant devant le mur impossible à stopper que représentait Hjalmar. Après quelques secondes d’effort inutiles, l’impérial se décala pour laisser passer le nordique et jura tout en massant sa main. Une fois arrivé à un mètre du prisonnier, Hjalmar s’arrêta.
« Tu ferais bien de réfléchir à ce que tu viens de dire, commença-t-il. »
La voix du norse ne laissait pas de doute sur son intention. Elle était ourdie de menace, à un point où chaque syllabe semblait vouloir vous saigner à blanc. Mais cela le prisonnier s’en fichait.
« Oh, mais j’sais ce que j’dis ! J’veux un défi, l’Hjalmar que je connais, il refuse jamais un défi ! Et…
-Oh alors tu connais Hjalmar Oksilden ? dit le norse avec de la colère dans la voix. Tu penses ME connaitre ? Laisse-moi bien rire ! Tu ne sais rien de moi ! Et d’ailleurs, je vais t’en apprendre une bonne, et retiens-là bien chiabrena ! Tu n’es rien pour moi… Rien qu’un énième crétin que se croit dangereux. Donc ton défi, tu peux le garder parce que te combattre serait sans intérêt. Et j’ai horreur des combats sans intérêt. Alors dégage de ma vue !»
Sur ce, Hjalmar se retourna en grognant. Le prisonnier, encore étonné par la réaction du norse, reprit vaguement ses esprits après la série d’insultes. Et il appliqua donc la seule réponse qu’il connaissait quand il n’avait pas de réponse à un problème justement : il envoya son épée vers Hjalmar dans une tentative paniquée et vaine. Avant que quiconque ne puisse faire quoi que ce soit, Hjalmar esquiva la lame et lâcha sa hache. Il se retourna, agrippa le poignet du prisonnier qui tenait la lame et envoya son poing libre vers le visage du prisonnier effaré… Pour s’arrêter à deux centimètres de sa tempe. Le poing tremblant aux jointures blanchies par l’effort, Hjalmar plongea son regard dans celui du prisonnier.
« La prochaine fois… Je broie ton **** de crâne. »
Le prisonnier gémit sous la pression de la main du norse sur son poignet et finit par lâcher son arme. Mais au moment où le norse allait apparemment le libérer, il eut un instant d’hésitation. Brusquement, la main libre de Hjalmar se plaqua sur la gorge du prisonnier.
« Finalement… Pourquoi attendre ? murmura Hjalmar. »
Ce fut le moment que choisit le cerveau du prisonnier pour lui faire comprendre sa situation et elle était mauvaise. Il regarda Hjalmar dans les yeux. C’était un réflexe humain, un moyen de peut-être savoir si l’homme en face de nous était décidé à nous tuer sur place. Malheureusement pour lui, il ne vit que les pupilles fixes du nordique. D’habitude, les pupilles, ça bougeait, ça tremblait, ça montrait une émotion, mais pas là, pas chez le norse. Des pupilles pareilles, c’était proprement terrifiant. Ce n’était pas le regard d’un meurtrier, c’était celui d’un monstre.
La poigne du nordique se referma lentement sur la gorge du prisonnier qui se mit à suffoquer. Mais alors qu’il aurait dû essayer de débattre, ce dernier avait le regard toujours fixé sur les yeux du nordique, comme tétanisé. Au milieu des pupilles impassibles, une lueur malsaine s’était allumée. Une lueur meurtrière qui fut suivie par un son presque inaudible que seul le prisonnier entendit : un rire. Hjalmar avait commencé à rire doucement. C’était un éclat sadique, vicieux mais surtout joyeux qui congela la colonne du prisonnier de peur. La poigne de Hjalmar se resserra encore plus.
« Non ! cria Renata en agrippant le bras du norse. »
La capitaine mercenaire envoya le pommeau de son épée en plein dans le visage du nordique qui eu un léger mouvement de recul sous le choc. Si l’impact n’avait pas l’air d’avoir causé de dommages, il eut un effet. Le norse relâcha le prisonnier qui s’étala par terre en tenant sa gorge. Ce dernier, même s’il était en mauvais état, recula autant qu’il le pouvait pour s’éloigner du nordique. Renata reporta son regard vers Hjalmar pour se préparer à une contre-attaque, mais elle s’aperçut avec surprise qu’il semblait perdu. Il clignait des yeux à répétition, fermait et rouvrait ses poings en boucle.
« Je… bredouilla t’il. »
Hjalmar secoua sa tête brusquement, fit une moue rageuse et repartit chercher sa hache tombée dans l’herbe. Alors qu’il se relevait, Hans Grimmel se posta devant le norse avec un air inquiet.
« L’incident est clos ?
-Oui… grommela Hjalmar.
-Tant mieux, parce que l’on va camper ici. Il est trop tard pour continuer de toute manière. Kellerman ! Je veux que vous gardiez votre prisonnier durant la nuit, et assurez-vous de le tenir en laisse cette fois !
-Ce sera fait, dit Renata qui s’approchait déjà de Hjalmar pour le garder à portée d’épée. »
Hans continua son chemin pour aller voir le prisonnier perturbateur et leva la main pour commencer ses reproches, mais il n’en eu pas le temps car le prisonnier se mit à gesticuler et cria :
« Non ! Non ! Je ne ferais plus rien ! Je l’approcherais plus jamais ! Je f’rais tout ce que vous voulez, mais le laissez pas m’approcher !
-Heum bien, je crois… dit Hans en jetant un regard en biais vers Hjalmar. »
Le vieux capitaine était en train de sérieusement se demander ce qui avait bien pu se passer pour que ce type se mette dans cet état. De son point de vue, Hjalmar s’était défendu et l’avait attrapé par la gorge, rien de plus. Enfin, il l’espérait…
Après avoir donné quelques ordres pour organiser le campement, Hans repartit vers le chariot pour prévenir la dame de la suite des évènements. Après s’être assuré que personne ne se trouvait trop près, le vieux carrobourgeois soupira en arrivant devant la porte en bois. Gérer des conflits directs, ça il savait faire, surtout quand ils se résolvaient tout seuls. Mais parlez avec elle ? Il n’était jamais à l’aise en sa présence, c’était comme si… elle le détestait de tout son être. Hans balaya ses doutes de la main et reprit son tabard pour entrer dans le chariot. En ouvrant la porte, un effluve de parfum raffiné lui chatouilla les narines alors qu’il découvrait à nouveau l’intérieur relativement cosy du chariot. Il avait beau avoir été assemblé à la va-vite quelques jours avant, on avait l’impression d’ouvrir une porte vers un salon privé dans un des grands manoirs nobles d’Altdorf. Le capitaine s’avança et regarda à l’intérieur pour découvrir la dame en question, assise tranquillement sur la banquette de soie avec ses jambes élégamment croisées. Elle regardait par la petite fenêtre du chariot d’un air intéressé, son menton posé sur sa paume. Hans se fit la réflexion que même s’il n’aimait pas lui parler, il appréciait néanmoins son port altier.
Isabelle Vonheuffer, héritière de la maison du même nom, était effectivement une belle femme. La robe ouvragée de couleur bordeaux qu’elle portait près du corps faisait ressortir d’autant plus son teint pâle, typique des nobles enfarinés qui restaient cloitrés dans leur château. Sa tenue était assez sobre à vrai dire, aucun bijou particulier ne ressortait, mais elle n’en avait pas besoin pour paraître impérieuse. Quand elle remarqua la présence du capitaine, elle lui jeta un regard mesquin et passa négligemment sa main dans ses longs cheveux noirs.
« Nous… Nous allons camper ici pour la nuit madame.
-Bien, si vous le voulez. » -la voix douce et mélodieuse était teintée d’une petite dose de mépris – « Après tout, je n’ai point le pouvoir de vous en empêcher.
-L’endroit ne vous convient pas ? »
Isabelle Vonheuffer soupira et leva les yeux au ciel.
« Evidemment qu’il ne me convient pas. Nous sommes perdus en pleine forêt. Cela est bien loin du confort citadin que je souhaiterais. »
Hans se retint de se moquer du côté chouchouté des nobles impériaux et se contenta de prendre un air éploré.
« Ne me regardez pas comme ça capitaine, se plaignit la noble. Et apportez-moi plutôt de quoi me sustenter. » - Au moment où Hans allait partir, la dame fit un mouvement soudain de la main – « Au fait, dites-moi. Que s’est-il passé exactement dehors ?
-Oh rien, deux prisonniers en sont venus aux mains. Mais la situation s’est calmée.
-D’accord… Mais surveillez le barbare hirsute. Il ne m’a pas l’air… stable.
-J’en tiendrais compte madame. »
Hans referma la porte en grommelant dans sa barbe nouvellement repoussée qu’il allait devoir revoir sa paye quand ils arriveraient à destination.
Une heure plus tard, alors que le campement avait été établi autour du chariot et que les sentinelles effectuaient déjà leurs tours de garde, Renata se dit qu’il était enfin temps qu’elle ait sa discussion avec Hjalmar. Le norse était pour le moment sous la garde de Placido le temps qu’elle finisse son repas, mais le Tiléen ne semblait pas avoir eu trop de problèmes à gérer la situation. Après tout, Hjalmar avait été attaché avec une chaîne en acier à un résineux. Quand elle arriva pour prendre la relève, Hjalmar avait l’air d’être resté prostré dans son coin, adossé à l’arbre. Il regardait vers le ciel par intermittence en tenant son collier. Ce dernier arborait un symbole étrange si elle se souvenait bien.
« Ah te voilà ! » - lui lança Placido en se retournant vers Renata. Le Tiléen se rapprocha d’elle et lui murmura à l’oreille quelques mots – « Fait attention à toi, il n’a pas bougé d’un centimètre depuis l’incident et il reste là à murmurer des non-sens en norse. Il n’est définitivement pas…
-Bien ? lança Hjalmar en surprenant Placido et Renata. Désolé de vous décevoir mais je ne suis pas encore complètement fou... ou sourd. »
Les mercenaires restèrent cois pendant quelques secondes. Comment avait-il pu les entendre ? Son ouïe n’était pas commune, déduisit Renata, un autre détail à prendre en compte.
« J’en suis rassuré dans ce cas ! » - dit Renata en lançant un regard moribond à Placido qui allait se plaindre de sa remarque – « Tu peux nous laisser. Il reste un peu de ragoût près du deuxième feu. »
Le Tiléen regarda tour à tour Renata puis le norse, grommela un expression tiléenne et partit se chercher à manger sans poser plus de problèmes que nécessaire. La capitaine mercenaire soupira bruyamment en voyant cela, mais ne dit rien de plus. Après tout, Placido finira bien par se calmer en temps voulu. Elle partit alors s’asseoir sur un tronc d’arbre tombé non loin et déposa son écu à ses pieds. Elle planta aussi sa torche dans le sol et, tout en bougeant son bras ankylosé par les efforts de la journée, Renata se mit à penser à sa situation.
Ça y était, elle avait enfin un peu de temps pour parler avec ce mystérieux norse. D’où venait-il ? Quelle était son histoire ? Qu’avait-il bien pu voir là-bas ? Toutes ces questions lui taraudaient la langue, lui hurlaient qu’elles voulaient être posées… Et elle restait là, les bras sur les genoux à regarder fixement un norse barbu adossé à un tronc d’arbre comme une idiote.
Bon sang, comment avait-elle pu être si bête ? Cela n’allait pas être si facile de poser des questions pareilles à cet homme-là. Surtout qu’il avait l’air plutôt capable de la tailler en pièces s’il le souhaitait. Et après la scène d’avant, elle avait commencé à sérieusement remettre en question sa démarche.
Est-ce que cela valait vraiment la peine de lui parler ? Cela lui faisait mal de l’admettre mais Placido avait raison, il avait l’air complètement dérangé. À tout moment, il pouvait exploser de rage et tenter de la tuer. Et s’il restait calme, il pourrait ne même pas répondre… Mais sa curiosité, encore et toujours, lui disait de continuer, que le risque en valait la peine. Que peut-être cet homme pourrait lui apporter un élément de réponse… Renata eu envie de jurer bruyamment. Il n’y avait rien de plus frustrant que de ne pas savoir alors que la solution était peut-être pile devant elle. Mais que devait-elle faire ? Et pourquoi se sentait-elle dirigée en permanence vers lui ? Pourquoi… ?
« Vous allez bien ? »
La question de Hjalmar fit sursauter Renata qui était perdue dans ses pensées. Elle se surprit alors à rougir de honte et s’empressa de répondre pour ne pas perdre la face encore plus.
« Heu, oui, oui ! Et vous ? » - Renata se mordit la lèvre en se rendant compte de la bêtise de sa réponse et se remit à penser frénétiquement – « Sérieusement ?! Tu n’avais rien de mieux à dire espèce de cruche ?
-Je suppose que oui, grommela Hjalmar. Je demande parce que vous regardiez vers la forêt plutôt intensément depuis quelques minutes et ça commençait à devenir… Eh bien, un peu effrayant.
-Ah ben bravo, tu arrives à effrayer des psychopathes maintenant, de mieux en mieux. Non, je vous rassure ! Tout va bien, je… suis un peu fatiguée.
-De même, dit Hjalmar en s’étirant. Bon, on passe au vrai sujet maintenant ?
-Hein ? Mais… Mais de quoi vous parlez ?
-Vous me reluquez depuis le début du voyage, c’est difficile de ne pas le remarquer.
-Et meeeeeerdre. Je… Non, je… »
Renata commençait à perdre ses moyens. Le norse avait remarqué son manège et elle rougissait comme une gamine en plus ! Elle devait se reprendre. Elle était une capitaine, par Myrmidia !
« Ecoutez, on ne va pas y aller par quatre chemins, dit abruptement Hjalmar. Vous voulez qu’on s’affronte où ?
-Je voulais juste vous poser… Attendez, quoi ?
-Ben un duel, dit Hjalmar nonchalamment. C’est ce que vous vouliez, nan ?
-Heu non, je voulais juste vous poser quelques questions… »
S’ensuivit une série de clignement d’yeux dans un silence gênant où les deux personnes concernées ne savaient plus vraiment où se mettre. Après quelques instants, Hjalmar finit par reprendre la parole. Il s’avachit sur le tronc d’arbre sur lequel il s’appuyait auparavant avec un air déçu.
« Oh ? Quel dommage… Dans ce cas, envoyer vos questions.
-Vous voulez bien répondre ? demanda Renata qui eu du mal à contenir sa joie.
-Oui. Après tout, ce n’est pas comme si j’avais grand-chose d’autre à faire, dit-il en soulevant brièvement la chaîne en acier qui pendait à son pied. »
La capitaine mercenaire trépignait presque d’impatience, mais elle devait se contenir. Elle souffla doucement pour se calmer. Il ne s’agissait pas d’un jeu, ce norse était dangereux... Par quoi commencer ?
« Au fait, merci pour avant, lança le norse. J’en avais besoin.
-Et bien voilà un début. De rien… je suppose ? D’ailleurs, qu’est-ce qu’il s’est passé ?
-Il m’avait énervé. »
Renata eu un léger gloussement qui fit tiquer le norse.
« Vous mentez très mal. Je vous demandais : pourquoi avez-vous changé d’attitude au dernier moment ? » - voyant que le norse ne répondait pas, elle continua – « Vous avez lâché votre hache pour ne pas l’utiliser sur le coup de la colère. Vous vouliez le garder en vie, probablement parce que vous ne vouliez pas perdre de temps avec lui. Alors pourquoi tenter de le tuer juste après ? D’après votre réputation et votre comportement vous avez pourtant l’air prompt à frapper…
-Belle observation, concéda Hjalmar. Mais ma réputation n’a plus vraiment de sens ces derniers temps. Pour ce qui est de la scène, oui, je me moquais bien de lui et je ne voulais effectivement pas perdre mon temps. La suite, eh bien, je ne m’en souviens pas à vrai dire. J’ai eu un… voile rouge devant les yeux pendant quelques secondes puis vous m’avez frappée.
-Et c’est tout ? Rien de plus qu’un voile ?
-Ouaip, une absence passagère peut-être ? La fatigue ? Un manque de sommeil et je peux devenir grognon. »
Renata remarqua que Hjalmar regardait ailleurs durant sa dernière phrase. Il avait beau jouer au dur imperturbable, elle voyait bien qu’il essayait de cacher un malaise. Il restait cependant un point d’ombre.
« Qu’avez-vous vu là-bas ? demanda-t-elle de but en blanc.
-Pardon ? s’étonna Hjalmar.
-De… l’enfer où je ne sais quel autre endroit abominable d’où vous êtes venus quand nous nous sommes rencontrés à Talabheim. Ça peut avoir eu une influence. Qu’est-ce qu’il s’est pass…
-Vous ne voulez pas savoir, trancha durement Hjalmar. »
Tiens, le ton avait changé. La voix du nordique avait légèrement tremblé quand il avait dit ça.
« Et pourquoi ça ? »
Hjalmar regarda Renata dans les yeux. Elle put apercevoir avec les reflets d’un feu non loin qu’il avait abandonné son regard morne habituel. Il avait l’air d’un homme brisé à vrai dire, comme s’il laissait enfin apparaître en surface ce qu’il essayait de cacher depuis le début.
« Parce que j’ai moi-même décidé d’oublier ce que j’ai vu. Maintenant, j’aimerais changer de sujet. »
Et il avait repris le rôle du monolithe. Renata n’était pas stupide, elle savait qu’elle ne tirerait rien de plus en continuant sur cette voie. Mais quand même, la mercenaire trouvait cela presque agaçant qu’il esquive toutes ses questions sur le sujet à vrai dire.
« Donc vous n’allez pas me donner de raison valable à propos de ce qui s’est passé avant ?
-Vous l’avez déjà votre réponse, non ? D’ailleurs, vos questions m’agacent finalement, laissez-moi dormir. »
Le norse s’adossa au tronc et ferma les yeux, ignorant complètement le regard outré que Renata lui envoya. Elle baissa la tête par dépit car elle savait qu’elle ne tirerait plus rien de lui à présent. Si elle avait beau afficher un visage neutre, elle était en rage intérieurement. Comment osait-il l’ignorer de la sorte ? Il avait quelque chose à cacher et elle était bien décidé à savoir quoi…
**** ****
Plusieurs heures passèrent et Hjalmar dormait d’un sommeil agité. Renata somnolait presque non loin et ne remarqua donc pas les soubresauts qui agitaient le nordique…
Se battre. Survivre. Frapper.
Encore et encore.
Sans s’arrêter. Ne jamais s’arrêter.
Courir. Rouge. Partout.
Toujours plus de douleur.
Sans fin.
Toujours plus de sang…
De sang…
Hjalmar ouvrit les yeux et se releva subitement. Il était en sueur. Encore haletant, il jeta des regards inquiets aux alentours pour tenter de comprendre dans quel environnement il se trouvait. La nuit s’était installée et elle avait établi son emprise sur la forêt. Les bruissements de la vie ambiante sylvestre s’étaient tus ou se faisaient plus distants. Dans le ciel, Mannslieb était accrochée à la voute étoilée parcourue de nuages vagabonds sous la forme d’un croissant et apportait une teinte argentée à l’environnement. Par réflexe, le norse chercha sa hache à tâtons, mais il réalisa bien vite sa bêtise quand le tintement de la chaîne à son pied lui rappela sa condition : Le chariot, le convoi, prisonnier, etc… Il lui fallut quelques secondes pour se remémorer les évènements récents, mais se savoir en sécurité rassura le nordique. Enfin, en sécurité… Tout était relatif. Mais en comparaison à ce qu’il avait vécu, il avait plus que jamais l’impression d’être à l’abri.
Hjalmar jeta un regard aux alentours et au vu du peu d’activité sortant de l’ordinaire, il avait apparemment réussi à se retenir de crier au moment de son réveil. Une bonne chose. Il ne voulait pas que les autres y voit un signe de faiblesse. Le nordique passa sa main sur son front, il était fiévreux. Tout en soupirant, il s’affala, dos au tronc de l’arbre, et tenta de se calmer.
Les cauchemars n’allaient pas en s’améliorant depuis ces derniers jours. Et dire qu’il avait cru pouvoir enfin profiter d’un peu de sommeil en sortant des royaumes chaotiques... Quelle blague, se dit-il en jurant. Il avait l’impression que les royaumes le poursuivaient sans relâche, et ce même quand il n’y était plus. Tous ses souvenirs, tout ce qu’il avait pu y voir, tout cela le hantait à présent… voire le rendait fou ? Etait-cela qui s’était passé auparavant avec le prisonnier ?
L’inquiétude se mit à germer dans l’esprit de Hjalmar, car il réalisa qu’il pouvait perdre le contrôle à tout moment. Contrairement à ce qu’il avait dit à la mercenaire, il avait tout vu. Absolument tout. Il avait pu contrôler chacun de ses mouvements. Pire, il avait eu l’impression de faire le bon choix en essayant de le tuer. Pourquoi maintenant et pas dans les royaumes du chaos ? Etait-ce parce que les dieux ne l’avaient pas protégé depuis qu’il en était sorti ? Et d’ailleurs, les dieux, ils ne disaient plus rien depuis tout ce temps… Où étaient-ils passés ?
C’est alors que Hjalmar remarqua que cette nuit la souffrance s’était atténuée. Pourtant, il n’y avait pas eu de changement notable dernièrement… A moins que… ? La mercenaire ? Maintenant qu’il y pensait, après lui avoir parlée, Hjalmar avait ressenti une sorte d’apaisement. Un peu comme s’il avait enfin pu laisser sortir une partie de ce qui lui pesait sur la conscience. Hjalmar gloussa dédaigneusement. Comme si parler allait atténuer quoi que ce soit ! Il vivait un enfer en ce moment et ce n’est pas… Ce n’est pas… Ce n’était pas le moment de se laisser aller ! Il… Il… Ah mais merdre, pourquoi n’arrivait-il pas à réfléchir ?! Un pic de douleur lui vrilla l’arrière de son crâne alors que l’on venait le tourmenter encore. Hjalmar se prit la tête entre ses mains alors que la souffrance devenait rapidement insoutenable.
*Laissez-moi en paix ! Arrêtez ça ! * hurlait-il intérieurement alors que la douleur lancinante dans son crâne revenait à la charge.
Puis la douleur s’effaça. Sans prévenir.
Pris de court, Hjalmar rouvrit les yeux. Mais devant la vision qui s’offrait à lui, un frisson parcouru son échine. Autour de lui, le paysage avait changé. Les arbres avaient été remplacés par des pics cristallins d’obsidienne. La voute étoilée avait laissé place à un firmament bordeaux, le sol était rouge sang et des nuages de souffre habitaient les cieux. Des craquelures, desquelles des flammes et de la lave sortaient, parsemaient les environs. Au loin, des étendues de sable de couleur bronze disparaissaient dans l’horizon en se mêlant avec les mers blanches de crânes. Il faisait chaud, trop chaud. Etouffant même. Le goût cuivré du sang était partout, son odeur enivrante obnubilant tous les sens de Hjalmar.
Il y était toujours, compris Hjalmar avec horreur. Il y était toujours et tout ce qu’il avait vu n’était qu’une mascarade des dieux du chaos pour l’affaiblir. La terreur laissa place à la rage. Foutus enfoirés ! Ils allaient voir ce que la colère d’un Oksilden voulait dire ! Comment osaient-ils jouer avec son esprit de la sorte ? Ils allaient payer…
Un bruit de pas à gauche de Hjalmar le fit se retourner. Un sanguinaire venait d’apparaître. Son corps rachitique recouvert d’écailles de sang ondulait au gré de ses déplacements de prédateur né. La langue fourchue du démon siffla dans l’air alors qu’il prononçait des paroles impies et il chargea. Classique, se dit Hjalmar en se mettant en garde. Il n’avait pas sa hache pour le moment, mais il pourrait bien faire sans. Ce n’est pas comme s’il en avait besoin pour tuer même s’il était enchainé…
Une épée enflammée à la lame noire apparu subitement dans la main droite du démon alors qu’il sautait pour frapper. Retrouvant ses habitudes martiales en un instant, Hjalmar esquiva la lame et la dévia avec la protection de son avant-bras d’un geste vif. Un pas en avant plus loin et le poing du norse décrochait un uppercut dans la mâchoire du démon. Ce dernier en lâcha son épée de surprise, mais Hjalmar n’avait pas fini. Il balaya les jambes arquées du sanguinaire d’un coup de tibia et enchaîna avec un crochet du droit qui envoya le démon au sol brutalement. Le norse sauta sur lui et l’empêcha de se relever. Le sanguinaire tenta bien de répliquer avec son bras gauche, mais Hjalmar fut plus rapide en attrapant ledit bras et lui faisant prendre un angle peu orthodoxe dans un craquement abominable.
C’était si facile. Il n’était même plus une menace pour lui après tout ceux qu’il avait déjà vaincu. Tout en prenant prise sur la gorge reptilienne du démon qui se débattait comme un diable, Hjalmar envoya son autre poing vers l’arrière. Et il frappa. Encore. Et encore. Le pitoyable démon se démena de plus belle, il demandait pitié dans son langage maudit sûrement !
Hjalmar le trouva ridicule et frappa encore.
Il trouvait la scène assez drôle en fait et frappa encore.
Finalement, elle était hilarante ! Et il frappa encore.
Il adorait… Un autre démon était à sa droite !! Hjalmar envoya sa main l’agripper pour lui arracher sa trachée et…
« Hjalmar, c’est bon vous pouvez le lâcher ! cria Renata à sa droite. »
Le norse arrêta son mouvement à l’instant même où il entendit la voix de la mercenaire. Il cligna des yeux et le monde infernal laissa la place à la teinte argentée de Maanslieb en un instant. Comprenant qu’il avait été sujet à une nouvelle hallucination, Hjalmar serra les dents. Mais quand il réalisa qu’il avait failli tuer Renata, il se mortifia. Tout cela lui avait paru si réel…
Le norse sentit quelque chose au niveau de son bras gauche et vit qu’il tenait une sorte de bandit avec une capuche noire. Le visage du bandit était tuméfié et en sang. Le même sang qui se trouvait sur la main droite de Hjalmar. Comprenant ce qui venait de se passer, Hjalmar lâcha le bandit qui était raide mort sur le sol.
« Je… commença Hjalmar.
-Vous allez bien ? demanda brusquement Renata.
-Je… Je crois. »
Hjalmar remarqua que l’escorte au grand complet était réveillée. Il faut croire que l’échauffourée avait suffi les réveiller.
« Vous croyez ? continua Renata. Votre hurlement de douleur était assez puissant pour réveiller la forêt !
-J’ai hurlé ?
-Eh bien oui, je croyais que vous aviez été blessé par… » - Renata baissa les yeux vers le bandit mort- « … ce qui reste de votre assaillant. Par Myrmydia, vous avez fait ça à mains nues ?! »
Hjalmar regarda à son tour le cadavre atrocement mutilé aux membres brisés. Effectivement, il n’y était pas allé de main morte.
« Rappelez-moi de ne jamais vous énerver, d’accord ?
-J’y penserais, acquiesça Hjalmar en souriant. » - Elle n’avait pas remarqué. Bien. Fait comme si de rien était et tout ira bien, se dit-il. – « Mais je n’ai rien. Ce n’est pas comme si ce type pouvait me faire quoi que ce soit. Et puis je suis un peu grognon quand on me réveille brusquement… dit Hjalmar en essuyant les tâches de sang tant bien que mal.
-Grognon ? On dirait qu’il s’est fait renverser par un minotaure ! s’exclama Renata.
-Et ? Il est mort et il n’a pu tuer personne. Problème réglé. »
-Grognon ? s’exclama Renata. Grognon comme avec le prisonnier d’avant ? Est-ce…
-Rien à voir, la coupa Hjalmar.
-Oh non, cette fois vous n’y couperez pas. Je remplace Placido pour le reste de la nuit et après cette attaque, nous allons rester éveillé un bon moment. J’ai tout mon temps ! »
Hjalmar soupira lourdement et se détourna de Renata.
« Je vous l’ai déjà dit, vous ne voulez…
-Pas savoir, je sais ! Mais je préfèrerais prendre mes précautions et ainsi éviter de me faire tuer pendant une de vos crises ! On ne sait même pas si quelque chose les provoque ou si c’est aléatoire ! »
Le nordique se raidit subitement. Elle avait compris. Génial, maintenant elle n’allait plus le lâcher…Comme si elle pouvait aider.
« Je vous ai dit tout ce que vous aviez besoin de savoir, grogna Hjalmar. Maintenant laissez-moi ici et repartez.
-Et pourquoi vous laisserais-je derrière ?
-Parce que je suis dangereux, vous l’avez dit non ? Et je préfèrerais éviter de tous vous tuer. »
La lame de de Renata se plaça sur la gorge de Hjalmar avant qu’il n’ait le temps de réagir. On pouvait voir dans ses yeux que la capitaine mercenaire était arrivé au bout de sa patience.
« Vous me prenez pour une idiote ? pesta-t-elle. Les prisonniers dangereux, je les exécute de préférence. On prend bien moins de risques ainsi. J’en ai assez que vous me preniez pour une petite chose fragile, donc vous me dites ce que vous avez vu ou je vous décapite. Ça vous va comme motivation ?
-Vous êtes sûre ? dit Hjalmar après quelques secondes. Vous voulez vraiment savoir ce j’ai enduré là-bas ?
-Évidemment que je suis sûre ! Crachez le morceau !
-Non.
-Quoi ? s’étrangla Renata.
-Vous n’êtes pas sûre de vous. Votre épée tremble légèrement. »
Renata regarda sa main qui était effectivement en train de vibrer. Elle serra ses dents et enleva la lame de la gorge du nordique en pestant. La capitaine mercenaire eu l’air perdue, elle hésitait sur la marche à suivre.
« Oh et puis merdre… lança-t-elle. Mes… Mes parents, des marchands, ont disparu devant mes yeux, happés par un portail qui ressemblait exactement au vôtre. J’avais sept ans. Des cultistes les avaient capturés pour les sacrifier à je ne sais quelle horreur alors que nous étions en voyage d’affaire. J’ai réussi à m’échapper par miracle et après des années d’errance, j’ai fini dans différentes bandes de mercenaires. Je me suis endurcie avec le temps et j’avais enterré ce souvenir dans ma mémoire, mais en vous voyant sortir du portail, j’ai… J’ai cru que je pourrais savoir ce qui leur était arrivé. »
Hjalmar n’avait pas bougé durant l’explication de Renata. A vrai dire, il n’avait pas vraiment l’habitude de gérer des discussions importantes avec d’autres personnes, donc là il était un peu perdu.
« Vous vous en fichez, hein ? gloussa tristement Renata.
-Non, je…
-Si, je le vois bien. Vous savez, je n’ai pas dit ça pour vous prendre par les sentiments. Je voulais que vous sachiez pourquoi je vous demande ce que vous avez vu....
-Certaines choses feraient mieux de rester enterrées vous savez, dit Hjalmar laconiquement. »
Cette énième esquive du sujet fut celle de trop pour Renata. Son visage s’empourpra en un instant alors qu’elle explosait de colère.
« Mais vos morales à deux couronnes, vous pouvez vous les garder !! » -Elle brandit sa lame en direction du norse hébété – « Depuis le début vous ne faites qu’esquiver, que de retenir vos coups, vous balancez des menaces en l’air… Où est Hjalmar Oksilden le destructeur ? Il a été remplacé par Hjalmar le moralisateur ?! Qu’est-ce qu’elle veut dire votre foutue réputation, hein ? C’est juste du flanc ? Arrêtez de vous foutre de moi et déterrez vos couilles pour commencer !
- Mais…
-Mais ? MAIS ? Mais pourquoi vous n’avez pas encore essayé de renvoyer un coup ?! Qu’est que vous foutez par les dieux ? Quand est-ce que vous allez réaliser que vos crises de folie ce n’est qu’un trop plein que vous évacuez de façon incontrôlée ! Pourquoi est-ce que vous vous retenez ?! »
Ne contrôlant plus sa rage, Renata fonça sur Hjalmar et tenta de le frapper. Le norse esquiva les coups sans difficulté mais sans riposter pour autant. Toujours en mouvement, le visage neutre, il allait répliquer qu’il en avait trop vu pour avoir envie de continuer à se battre. Qu’après des horreurs pareilles, le plus sanguinaire des guerriers en aurait eu assez… Mais il réalisa aussi qu’il se mentait à lui-même en disant cela.
En vérité, il s’était retenu parce qu’il avait peur de quoi il était capable à présent. Il avait peur que ses duels ne soient plus comme avant, qu’ils aient perdus leur sens. Il avait peur d’être devenu un monstre impossible à arrêter… Mais… Le sifflement du gant qui passe à côté de son crâne, le tintement de l’acier, l’adrénaline qui montait lentement. Toutes ces petites choses, tout cela lui avait manqué terriblement depuis tout ce temps. Ses combats étaient devenus des combats pour sa survie là-bas. Il n’en avait tiré aucun plaisir et cela l’avait tué lentement. Mais là, c’était différent : Il se sentait en danger mais dans le bon sens.
Des souvenirs de ses combats d’antan lui revinrent à la mémoire. Son sang se mit à battre dans ses veines avec une ardeur renouvelée alors qu’il esquivait une nouvelle botte. L’euphorie se mit à le gagner et après sa première parade de l’avant-bras il jubila littéralement. Il se sentait vivre à nouveau, tout simplement. Toutes ses angoisses, sa retenue et ses inquiétudes disparurent en un instant alors qu’il se mit à répliquer aux attaques de Renata.
Il le sentait au fond de lui-même, les voix des démons étaient toujours là. Il était toujours en sursis, au bord du gouffre. S’ils l’avaient atteint avant, c’est parce qu’il les écoutait… Mais maintenant, il n’en avait plus rien à cirer et c’est tout ce qui comptait ! Voilà comment Hjalmar Oksilden devait vivre. Il ne devait pas fuir la réalité, il devait l’accepter, l’embrasser, lui rentrer dedans et la mettre à terre pour chercher un autre adversaire juste derrière !
C’est alors que depuis ce qui lui avait semblé être une éternité, Hjalmar ria du rire franc et sadique qui le caractérisait. Ce rire provoqué par la joie unique en son genre du combat.
« Tu en as mis du temps, gloussèrent subitement un concert de voix familières dans la tête de Hjalmar.
-Que…»
Le norse n’eut pas le temps de répliquer. Trop surpris par les voix, il n’esquiva pas un énième coup de Renata qui le toucha en plein menton. Sonné, Hjalmar finit par s’étaler contre le tronc.
« Et que cela vous serve de leçon ! cria Renata. La prochaine fois, battez-vous vraiment ! »
La mercenaire fit demi-tour et repartit pour chercher ses affaires. Hjalmar la regarda partir en massant sa mâchoire, encore sous le choc de la réalisation : les dieux lui avaient parlé à nouveau ! Par réflexe, il baissa les yeux vers son pendentif qui brillait faiblement d’une lueur bleutée réconfortante. C’est… tout ? C’était réellement tout ce qu’ils attendaient de lui ? Qu’il revienne sur le chemin qu’il suivait auparavant ?
Hjalmar sourit devant sa propre stupidité. Se retenir n’avait jamais été son fort effectivement… Il était temps qu’il sorte de sa léthargie. Même s’il savait pertinemment qu’il ne retrouverait jamais sa vie d’antan - plus après ce qu’il avait vécu – il était en train de se dire que finalement, il y avait encore beaucoup à faire. Le norse se releva alors et lança un appel à Renata.
« Vous avez raison. » -il se mit en garde quand elle se retourna vers lui – « Il est temps que je m’y mette sérieusement.
-A la bonne heure, grogna Renata qui allait repartir vers le campement.
-Comme vous m’avez vaincu, je vous dois sur mon honneur de répondre à vos questions… Enfin presque toute… »
La mercenaire s’arrêta net et se retourna vers le nordique, l’air surpris puis amusé.
« Je n’aurais jamais cru que vous auriez une dette envers moi… Dans ce cas, commençons. » - Renata se plaça devant Hjalmar et s’assit en tailleur. « Comment avez-vous fini là-bas ?
-Oh, c’est une longue histoire. Je ne vous détaillerais pas ce qui s’est passé là-bas... Pas encore… Mais je peux bien vous raconter deux ou trois choses. »
Hjalmar passa donc un long moment à expliquer la suite d’évènements qui l’ont amené jusqu’ici. De son bannissement de son village natal à son exploration vagabonde, de sa rencontre avec un bretonnien avant le tournoi de Havras d’où les problèmes ont commencé et enfin les évènements qui ont suivi. Cela lui prit deux bonnes heures de raconter la plus grande part des choses qu’il avait pu voir au cours de sa vie car elle avait été fournie en rencontres et péripéties ! Renata buvait littéralement les paroles du norse, absorbée par le récit presque mythologique que représentait la vie de cet homme, de ce simple humain qu’elle avait en face d’elle. Et même s’il effectuait des coupures à certains endroits, le tout restait impressionnant tout en sonnant étonnamment réel. La capitaine était pragmatique, la plus grande part des choses dont Hjalmar parlait étaient tout bonnement impossible, mais il donnait tellement de détails quand elle les lui demandait que… elle se mettait à douter des limites de ce qu’elle considérait comme « possible » justement. Et le norse ne s’arrêtait pas, il rigolait en se remémorant des anecdotes, renchérissait avec d’autres… Il fallut du temps, mais Hjalmar arriva enfin à la fin de son récit.
« … et après avoir emprunté le vortex, je me retrouvais… Eh bien, là-bas. Puis j’ai atterris à Talabheim. La suite vous la connaissez.
-Eh bien, souffla Renata. C’était… riche.
-Maintenant que vous le dites, oui ! gloussa tristement Hjalmar. A vrai dire, je ne sais même pas pourquoi je vous parle de tout ça. Je crois que vous êtes la première personne à réellement me demander mon histoire.
-Les gens ont tendance à parler plutôt facilement avec moi, c’est une sorte de don il faut croire.
-Vous croyez au destin ? demanda Hjalmar en regardant en biais vers les cieux.
-Pas vraiment, non. Pourquoi ?
-Moi si. » -le norse reporta son regard vers Renata- « Personnellement, je marche avec l’idée que mon destin est tout tracé, que je suis destiné comme tous les membres de mon peuple à un avenir glorieux. Mais c’est à moi et à moi seul de faire en sorte de suivre ce chemin qui est le mien, car il n’arrivera pas tout seul. On doit s’en montrer digne. Et ce n’est qu’en accomplissant ce destin que je pourrais rejoindre mes ancêtres dans la mort et les honorer comme il se doit.
-Dans ce cas, vos dieux ont des goûts étranges et sadiques, n’en avez-vous pas vu assez avec tout cela ? Et quel est le rapport avec moi ?
-Les dieux ont un sens de l’humour qui m’échappe... Mais c’est leur volonté et je dois m’y plier. Et pour votre deuxième question, rien n’arrive par hasard. Je vous l’ai dit auparavant, tout est déjà écrit. Peut-être qu’une divinité a trouvé intéressant de nous faire nous rencontrer ? »
Renata gloussa et haussa les épaules
« Vous voulez dire qu’une divinité veille sur moi et m’indique ce que je dois faire pour accomplir ma destinée ou quelque chose dans ce genre ?
-C’est l’idée. Ou alors, je suis complètement fou et si vous me croyez, vous aussi. Ce qui ne serait pas totalement faux.
-Je pencherais plutôt pour la deuxième option, ricana Renata en unisson avec Hjalmar. Et qu’est-ce que vos dieux vous disent maintenant ?
-Pas grand-chose ces derniers temps, dit Hjalmar en jouant avec son pendentif.
-Eh bien, il ne nous reste plus qu’à attendre que les « puissances supérieures » nous donnent la marche à suivre pour leur jeu stupide et nous verrons d’ici là ! »
Renata avait gesticulé des bras d’une façon grandiloquente en parlant des divinités, ce qui fit sourire Hjalmar. Un bruit de pas qui s’approchait depuis le campement indiqua que Placido était en train de revenir.
« Eh bien merci de bien avoir voulu répondre à tout ça, dit-elle en se relevant. Cela aura été instructif. Et Hjalmar ?
-Hmm ?
-Ne perdez pas votre temps à regarder derrière vous, …
-Ce n’est pas par-là que vous allez, la coupa Hjalmar. Merci. »
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"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett
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La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
Tome 3 : Foi Furieuse
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- GilgaladMaître floodeur
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 30 Déc 2016 - 23:30
*"Gilgalad, ça fait plus de trois mois qu'il a posté pour la dernière fois !
-Mais, Aryana, il faut quand même lui dire, non ?
-Mouais. Bah t'as pas intérêt à te faire choper pour nécro hein !
-T'en fais pas mon amour de ma vie.
-Je t'ai déjà dit d'arrêter de m'appeler ainsi."*
Bon, bref, sur ce.
Je viens de lire la dernière suite, près de trois mois après que tu l'ais postée. Oui, je l'avais déjà lue avant mais j'avais oublié de commenter et je l'ai lue avec attention cette fois. J'avais un peu de temps à tuer et j'avais un peu la flemme de continuer le dialogue avec Aryana dans mon récit. Bref.
Je peux dire que je l'adore vraiment. Elle est vraiment très sympathique et c'est toujours aussi rafraichissant. En réalité, pour être honnête, j'ai relu presque tout le texte pour me rappeler de toute l'histoire.
Au niveau des personnages, j'ai la vague impression (et je suis sérieux) que Renata et Hjalmar pourraient finir en couple. Ce serait tellement drôle ces deux-là ensemble
Sinon, bah j'ai bien aimé le passage avec le presque ex-prisonnier meurtrier et son "j'ai tué six personnes". A la place de Hjalmar, j'aurais répliqué "et moi des milliers". Je pense que cela lui serait aller assez bien
Plus sérieusement, à quand la suite ? Parce que bon, même moi j'ai un rythme d'écriture et de publication plus prolifique en ce moment
-Mais, Aryana, il faut quand même lui dire, non ?
-Mouais. Bah t'as pas intérêt à te faire choper pour nécro hein !
-T'en fais pas mon amour de ma vie.
-Je t'ai déjà dit d'arrêter de m'appeler ainsi."*
Bon, bref, sur ce.
Je viens de lire la dernière suite, près de trois mois après que tu l'ais postée. Oui, je l'avais déjà lue avant mais j'avais oublié de commenter et je l'ai lue avec attention cette fois. J'avais un peu de temps à tuer et j'avais un peu la flemme de continuer le dialogue avec Aryana dans mon récit. Bref.
Je peux dire que je l'adore vraiment. Elle est vraiment très sympathique et c'est toujours aussi rafraichissant. En réalité, pour être honnête, j'ai relu presque tout le texte pour me rappeler de toute l'histoire.
Au niveau des personnages, j'ai la vague impression (et je suis sérieux) que Renata et Hjalmar pourraient finir en couple. Ce serait tellement drôle ces deux-là ensemble
Sinon, bah j'ai bien aimé le passage avec le presque ex-prisonnier meurtrier et son "j'ai tué six personnes". A la place de Hjalmar, j'aurais répliqué "et moi des milliers". Je pense que cela lui serait aller assez bien
Plus sérieusement, à quand la suite ? Parce que bon, même moi j'ai un rythme d'écriture et de publication plus prolifique en ce moment
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Sam 31 Déc 2016 - 12:40
Et je ne considère pas cela comme de la nécromancie, au contraire, cela me fait plaisir d'avoir un retour autre que celui de mon relecteurGilgalad a écrit:*"Gilgalad, ça fait plus de trois mois qu'il a posté pour la dernière fois !
-Mais, Aryana, il faut quand même lui dire, non ?
-Mouais. Bah t'as pas intérêt à te faire choper pour nécro hein !
-T'en fais pas mon amour de ma vie.
-Je t'ai déjà dit d'arrêter de m'appeler ainsi."*
Tout d'abord merci pour ton retour Je met un point d'honneur a essayer de garder le récit agréable à lire. C'est mon seul point fort vu que n'ai pas la plume inventive de certains des maîtres de cette section.Gilgalad a écrit:Je peux dire que je l'adore vraiment. Elle est vraiment très sympathique et c'est toujours aussi rafraichissant. En réalité, pour être honnête, j'ai relu presque tout le texte pour me rappeler de toute l'histoire.
Je dois avouer moi aussi que j'ai sérieusement envisagé cette option et apparemment ça se ressent dans l'écriture Mais j'ai d'autres plans que je détaillerais plus bas.Gilgalad a écrit:Au niveau des personnages, j'ai la vague impression (et je suis sérieux) que Renata et Hjalmar pourraient finir en couple. Ce serait tellement drôle ces deux-là ensemble
La scène a été plutôt difficile à mettre en place, donc je suis content que le résultat ai l'effet escompté. Et c'est vrai qu'une réplique pareille pourrait passer avec HjalmarGilgalad a écrit:Sinon, bah j'ai bien aimé le passage avec le presque ex-prisonnier meurtrier et son "j'ai tué six personnes". A la place de Hjalmar, j'aurais répliqué "et moi des milliers". Je pense que cela lui serait aller assez bien
Et on arrive au sujet qui fâche J'ai eu un semestre difficile qui, vers la fin, pourrait avoir été qualifié d'infernal. Ce qui fait que je n'ai eu ni le temps, ni la motivation de réellement me mettre à écrire. Cependant, le chapitre suivant est quand même presque terminé, après il devrait y avoir encore deux chapitres grand maximum (et oui, elle n'est pas forcément très longue cette histoire).Gilgalad a écrit:Plus sérieusement, à quand la suite ?
Pour en revenir sur la question du couple et de l'avancement du récit, je sais à peu près comment l'histoire va se finir... mais pas exactement comment y arriver. Ce récit est un véritable patchwork de plusieurs mini-projets et inspirations qui est en constant changement. Le chapitre qui va suivre par exemple, est passé par un sacré paquet de changement qui m'ont ralenti terriblement... D'où l'inactivité prononcée. En plus, il faut rajouter à cela le fait que j'ai l'intention de placer ce récit dans une sorte de mini-saga avec une suite d'histoires. Ce qui fait que je dois aussi penser aux suites quand j'écris pour ne pas me retrouver avec des non-sens.
Mais cette *pause* dans l'écriture m'a permit de me rendre compte d'erreurs avec le développement de mes personnages et la direction que je prenais pour la suite. Je me suis donc envoyé les films "mad max" et "Conan" ainsi que quelques séances d'Amon Amarth pour retrouver le chemin du clavier avec une ardeur renouvelée. (chacun a sa façon de se motiver ). Je vais donc essayer de faire ce que je peux pour poster la suite incessamment sous peu, mais je ne donnerais pas de délai.
NB:
Et continue comme ça !Gilgalad a écrit:Parce que bon, même moi j'ai un rythme d'écriture et de publication plus prolifique en ce moment
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Sam 31 Déc 2016 - 13:03
C'était surtout par rapport à la modération Parce que je sais que cela fait toujours plaisir d'avoir des commentaires de lecteurs, même plusieurs mois après le dernier post.Hjalmar Oksilden a écrit:
Et je ne considère pas cela comme de la nécromancie, au contraire, cela me fait plaisir d'avoir un retour autre que celui de mon relecteur
Bah je trouve que tu te défends très bien par rapport à beaucoup Après chacun à son style. Certains, cela fait des années et des années qu'ils écrivent, donc il est normal que leur style soit plus affirmé. Pour toi, cela viendra avec le temps.Hjalmar Oksilden a écrit:Tout d'abord merci pour ton retour Je met un point d'honneur a essayer de garder le récit agréable à lire. C'est mon seul point fort vu que n'ai pas la plume inventive de certains des maîtres de cette section.
Ah bah il n'y aura pas de bisou alors Cela aurait fait un couple haut en couleurs mais ce n'est pas grave, la cohérence avec la suite importe plus que tout.Hjalmar Oksilden a écrit:Je dois avouer moi aussi que j'ai sérieusement envisagé cette option et apparemment ça se ressent dans l'écriture Mais j'ai d'autres plans que je détaillerais plus bas.
Ah, elle serait donc bien terminée (enfin, d'ici peut-être un an à ce rythme ). Vivement la suivante alors Plus sérieusement, moi aussi j'ai eu un semestre compliqué et je n'ai pratiquement pas écrit entre septembre et le début de la semaine dernière. A peine une ou deux pages Word maximum (dont des dialogues).Hjalmar Oksilden a écrit:Et on arrive au sujet qui fâche J'ai eu un semestre difficile qui, vers la fin, pourrait avoir été qualifié d'infernal. Ce qui fait que je n'ai eu ni le temps, ni la motivation de réellement me mettre à écrire. Cependant, le chapitre suivant est quand même presque terminé, après il devrait y avoir encore deux chapitres grand maximum (et oui, elle n'est pas forcément très longue cette histoire).
[/quote]Heu... Non. Mes examens commencent la semaine prochaine alors c'est totalement impensable de continuer à écrire au même rythme. Pour donner une idée, j'ai écrit (ou suis en train d'écrire) environ six chapitres complets pendant les vacances (j'espère terminer le seizième demain soir maximum voire entamer le dix-spetième si j'ai le temps). Mais après, ce sera à nouveau une pause longue durée pour l'écriture, sauf quelques lignes de temps en temps. J'essaierai de poster mais ce n'est pas certain, même avec beaucoup de chapitres d'avance (il faut avoir l'envie de tout remettre en forme).Hjalmar Oksilden a écrit:NB:Et continue comme ça !Gilgalad a écrit:Parce que bon, même moi j'ai un rythme d'écriture et de publication plus prolifique en ce moment
Sinon, bah j'espère qu'il y aura bientôt la suite, peu importe la durée, je la lirai
- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Lun 9 Jan 2017 - 21:56
Allez, je prends un risque mais ce morceau de texte me bloque depuis trop longtemps, voici donc... la suite !!
« C’est un échec ! » La voix de Taren résonna dans la forêt alors qu’il laissait sa rage s’exprimer. Le soleil commençait à se lever paresseusement à l’horizon mais des nuages épars - précurseurs d’une nouvelle averse - cachaient son arrivé. Le groupe de bandits s’était installé dans une clairière plus en avant sur le trajet du convoi pour préparer une future embuscade d’après les plans d’Anthezar. Ils s’étaient épuisés à traverser la forêt en pleine nuit pour arriver dans les temps et les nerfs de certains commençaient à lâcher, ceux de Taren en particulier.
En effet, le chef des bandits n’en pouvait plus et le leur faisait bien sentir. Déjà que la peur de tomber sur des mutants ou pire avait mis son sang-froid à rude épreuve, la nuit dernière un de ses meilleurs hommes avait apparemment été tué dans le seul but de tester la résistance des défenses du convoi. Un sacrifice plus qu’inutile selon lui surtout qu’il avait mis un sacré coup au moral des gars, Wilhelm était très apprécié dans le groupe. Mais le pire, c’était la présence du colosse mort-vivant et de son pitoyable maître qui n’arrangeait en rien les choses. Entre ce dernier qui clamait haut et fort que tout allait bien se passer et son garde du corps littéralement horrifique qui regardait fixement au plus profond de votre âme dès que vous faisiez un mouvement trop brusque… Comment était-il censé garder son calme ?!
« Cette opération est un échec et vous allez tous nous faire tuer ! hurla-t-il à nouveau au visage d’Anthezar.
-Et en quoi cette opération a-t-elle échouée ? demanda simplement Anthezar. Nous n’avons même pas commencé l’attaque.
-J’ai perdu la moitié de mes hommes et mon meilleur éclaireur pour vos caprices !
-Mes « caprices » nous ont permis de savoir que leurs défenses sont meilleures que ce que nous pensions, je vous ferais dire ! Et puis, il n’avait qu’à être plus discret votre rôdeur...
-C’était un des meilleurs et un ami, comment osez-vous ! gronda Taren »
Taren fit glisser sa main vers sa dague pour enfin libérer sa colère qui s’accumulait, mais la main gantée du revenant lui bloqua subitement son bras. Taren se dégagea de son étreinte d’un geste brusque et lui lança un regard noir. Le revenant, en guise de réponse, lui lança son habituel regard aussi mort que flamboyant et revint à sa place, à la droite d’Anthezar. Le nécromancien attendit quelques secondes pour reprendre la parole, histoire de calmer son pouls et de reprendre un peu de couleur sans paraître trop ridicule.
« S’il était si bon que ça, alors ils ont quelqu’un de meilleur en face ! Nous devons être prudents. Maintenant retournez aux préparatifs, ils devraient arriver dans peu de temps… Allez ! Ou je relève vos cadavres pour vous remplacer ! »
Sur ces mots Anthezar se retourna et, suivi de près par Oldrick, reparti vers la tente qu’ils avaient établie aux abords du campement principal. Alors qu’il s’y déplaçait, Anthezar put entendre Taren pester abondamment contre lui, mais au vu des bruits de pas saccadés, il était reparti travailler. Anthezar pressa le pas pour arriver dans sa tente en trombe. A peine le drap laissait-il passer Oldrick que le jeune mage noir s’effondra de tout son long sur le tas d’herbes sèches qu’était son lit de camp.
« Ça va aller ? s’enquerra Oldrick.
Un soupir bruyant parvint d’Anthezar.
« Laisse-moi deviner, tu t’es frappé le nez par terre. »
Le léger gémissement de douleur d’Anthezar confirma cette hypothèse. Cette fois, c’est Oldrick qui soupira. Il avait vraiment besoin d’apprendre des choses basiques…
« Tu tiens le coup ? »
La figure affalé d’Anthezar fit non de façon grotesque.
« A ce point, hein ? Dans ce cas, prend un peu de repos. Tu en as bien besoin.
-Non, au contraire, il faut que je me remette au travail » - dit Anthezar en se relevant à moitié de sa couche. Son front était rouge à cause de l’impact et une larmichette perlait de son œil droit. - « Il n’y a…
-Pas de temps à perdre je sais, le coupa Oldrick. Mais au rythme où tu continus, tu vas y passer avant même que le combat ne commence. Les hommes ont l’air à bout, mais ils utiliseront cette rage contre les membres du convoi.
- Ou sur nous s’ils en ont assez d’attendre, ironisa Anthezar sombrement.
-Repose-toi pendant une heure au moins. Je vais faire le tour des environs. » - au moment où il allait sortir, Oldrick se retourna vers Anthezar – « Et si quelqu’un essaye de rentrer dans cette tente, fait lui frire le cerveau.
-Tu n’as pas besoin de me le dire deux fois… » rigola tristement Anthezar qui s’en savait pertinemment incapable. Du moins, pas dans la panique.
Après un dernier regard par-dessus l’épaule, Oldrick sortit de la tente. Il pesta pour la vingtième fois contre le tissu qui se prenait dans ses cornes et après l’avoir envoyé voler dans un geste rageur, il se dirigea vers le sous-bois. Au passage, il en profita pour regarder fixement un ou deux types qui passaient, juste histoire de les effrayer un peu. C’est qu’il trouvait cela amusant en fin de compte.
Sur le chemin, Oldrick fit un détour pour aller vers les deux montures que lui et Anthezar avaient utilisés ces derniers mois. Elles broutaient paisiblement un peu d’herbe à l’orée de la forêt et elles en avaient bien besoin, se disait-il. C’est qu’ils ne leur avaient laissés aucun repos depuis tous ce temps entre les fuites, les assauts et les autres pirouettes stratégiques qu’ils avaient dû imaginer pour échapper aux chevaliers errants bretonniens aveuglés par la vengeance…. Ces chevaliers d’ailleurs, ils étaient tenaces les bougres ! Ils ne semblaient jamais vouloir s’arrêter ! Un fanatisme pareil, Oldrick en avait des fourmillements le long de l’occiput.
Le roi revenant reporta son attention sur la jument en face de lui. Tranquillement et par habitude, Oldrick flatta le flanc de l’animal avec respect. Cela l’aidait à oublier ses inquiétudes passagères. Ironiquement pour un mort-vivant, Oldrick avait cette manie de vouloir absolument une monture bien vivante. Cela avait peu d’avantage au vu de sa condition, il était vrai, mais cela lui permettait de faire avec cette-même condition justement. C’est qu’il n’avait pas demandé à être réveillé de sa tombe par un nécromancien amateur et avec une paire de bois de cerf sur le crâne en prime ! Alors, il s’était autorisé cette petite excentricité, histoire de garder un peu de normalité dans sa vie. Enfin, façon de parler.
D’un coup d’œil rapide, il regarda la monture d’Anthezar. L’animal squelettique maintenant décédé essayait de brouter l’herbe sans grand succès apparent : les brins d’herbes à peine mâchés tombaient sur le sol à travers sa mâchoire décomposée. Mais ce dernier ne s’en offusquait pas et continuait quand même. Quelle ironie là aussi. Le nécromancien qui en faisait toujours trop dans son « maléfisme » montait un destrier qui s’accrochait toujours aux habitudes de son ancienne vie… C’en était à pleurer.
Avec une petite tape amicale sur l’encolure, Oldrick signala à la jument qu’il la laissait paître en paix. Il avait une ronde à effectuer après tout. Le revenant se détourna des deux chevaux et partit s’enfoncer dans les bois environnants.
Plusieurs minutes de marche plus tard, Oldrick avançait toujours dans la forêt. Il n’en avait plus pour longtemps, plus qu’un flanc de colline avant de faire demi-tour. Par précaution, il tenait sa main droite sur le pommeau de son épée. Sa main gauche tenait son bouclier de planches cerclées d’acier. On ne savait jamais à quoi s’attendre dans ces régions forestières. La grande forêt du Talabecland n’était pas la pire, loin de là, mais on n’était jamais assez prudent.
Oldrick regardait de droite à gauche, analysant la zone avec minutie pour repérer quoi ou qui que ce soit qui pourrait être un danger pour son maître. Ses grèves d’acier provoquaient des craquements par intermittence quand il écrasait une branche ou un paquet de feuilles mortes et son amure noire cliquetait doucement lors de ses déplacements. Toute une série de bruits familiers qui le réconfortait quelque peu même s’ils étaient passablement bruyants. Mais le revenant n’avait de toute façon aucun moyen d’être discret avec sa dégaine de cavalier cauchemardesque, alors autant avancer franchement.
Après quelques pas supplémentaires, Oldrick s’arrêta net. Il était certain d’avoir aperçu un mouvement entre deux arbres non loin. Nullement décontenancé, le revenant resserra sa prise sur sa propre lame mais il la garda dans son fourreau. Autant essayer de connaître les intentions de l’inconnu avant d’engager les hostilités… Ou au moins son visage et ses vêtements. S’il s’agissait d’un bretonnien, il allait faire un malheur. Quelques secondes passèrent et rien ne bougea dans les environs. Les flammes dans les orbites d’Oldrick s’étrécirent alors qu’il était progressivement de plus en plus perplexe. Il était pourtant sûr d’avoir vu quelque chose…
Soudainement, Oldrick entendit un craquement de branche suivit d’une galopade effrénée derrière lui. Le revenant effectua un quart de tour tout en dégainant son arme. La lame sombre, légèrement rouillée et parcourue de runes antiques vibra dans l’air alors que le revenant effectuait un agile mouvement défensif dans la direction de son assaillant. La forme derrière lui esquiva la lame plutôt simplement et se replaça sans bouger outre mesure. Maintenant qu’il pouvait voir de quoi il s’agissait, le revenant jura entre ses dents.
« Des mutants… Évidemment. »
L’humanoïde déformé se tenait à bonne distance du mort-vivant, comme hésitant. C’était un pauvre hère malformé plus proche du bray que du mendiant avec un bras atrophié et de petites cornes asymétriques qui sortaient de son crâne malade. Reniflant et agitant fréquemment sa tête dans tous les sens, le mutant crachait sa haine envers le monde et tout particulièrement sur Oldrick.
«Va-t’en ! Va-t’en ! Ici… Chez nous ! hurlait le mutant d’une voix dissonante. »
Le revenant jeta un regard par-dessus ses épaules pour voir que d’autres mutants sortaient des bois autour de lui, comme crachés par la végétation ambiante. Ils étaient équipés de haches en pierre, de bâtons ou de leurs griffes et autres rochers trouvés par terre. Impassible, Oldrick raffermit sa position sur sa lame et fit jouer le manipule de son bouclier dans sa main gauche.
« Ils m’ont encerclé… Les pauvres, se dit mentalement le roi revenant en ricanant. Partez et vous vivrez !
-Va-t’en !! hurla à nouveau le bray en grattant le sol de son pied gauche comme s’il allait charger. »
Les bêtes se mirent à hurler en chœur un rugissement guttural et chargèrent toutes ensemble sur le revenant. Leur cris confus et animal emplirent l’air de toute leur rage alors que leurs sabots ou leurs pieds difformes foulaient le sol dans une cavalcade tout aussi déchainée que désordonnée. La dizaine de mutants se rapprocha à grande vitesse du roi revenant, qui n’avait pas bougé depuis le début de la scène, en hurlant à nouveau :
« Va-t’en !!
- Non, répondit tout simplement Oldrick avec un léger soupir. »
Au moment où les hommes-bêtes allaient assaillir le revenant de toutes parts, la lourde cape de fourrure d’Oldrick ondula et se déploya en un battement de paupière, repoussant les assaillants qui s’empêtrèrent en hurlant de surprise dans les ombres. La plus grande part d’entre eux tomba à terre encore sous le choc. Ils se débattirent dans tous les sens pour se dépêtrer de la cape d’Oldrick qui finit par se rétracter et revenir autour de son propriétaire.
Le roi revenant fit un moulinet avec son épée et chargea les hommes-bêtes en lançant son propre cri abyssal et éthérée. Un mouvement de taille et une tête mutée tomba sur le sol, souillant les feuilles orangées d’un liquide noirâtre. La première d’une longue série, car les mutants n’abandonnèrent pas le combat. Bien au contraire, pris de frénésie ils chargèrent à nouveau, comme oubliant leur instinct de survie qui leur disait pourtant de courir bien loin de l’horreur squelettique qui se tenait devant eux. Le combat fut court mais sanglant. Chaque monstre qui sautait sur le revenant se faisait promptement tuer d’un coup rapide, la lame maudite tranchant les chairs et les os sans difficulté apparente. Quand vint le tour du dernier, Oldrick lui brisa ce qu’il supposa être son nez d’un coup de pommeau bien placé. L’homme-bête tomba à la renverse et chercha à reculer frénétiquement. Mais Oldrick ne lui laissa pas ce luxe et lui envoya son bouclier en plein visage, broyant ce qui n’était pas encore en sang.
L’escarmouche terminée, le silence retomba, comme si rien ne s’était passée. La forêt retrouva donc son calme habituel mais avec une touche morbide autour de la seule personne encore debout. Regardant la scène d’un orbite circonspect, Oldrick poussa un soupir blasé. Ces bestioles étaient incroyablement bêtes et suicidaires et pourtant il y en avait toujours dans ces forêts. A croire que certaines incohérences étaient plus coriaces que ce que l’on pourrait supposer.
Le roi revenant se pencha sur un des cadavres pour essuyer le sang noirâtre qui parsemait sa lame avec un tissu rapiécé que portait un des brays. L’opération prit un peu de temps car le liquide était visqueux au possible… Une fois cela fait, Oldrick reprit sa marche lente et déterminée à travers les bois sans jeter le moindre regard vers le carnage. Sa main était toujours posée sur la poignée de son épée qu’il avait rangée dans son fourreau. Maintenant qu’il y pensait, le combat avait pris moins d’une minute mais s’il avait été encore vivant, il en aurait été éreinté. Comme quoi, la non-vie avait quelques bénéfices en fin de compte. Le mort-vivant gloussa sobrement et dodelina de la tête en ruminant cette question dans sa tête alors qu’il continuait son chemin.
Le soleil approchait de son zénith au moment où Oldrick allait sortir des bois. Mais quand il se trouva aux abords du camp, des éclats de voix se firent entendre. Quelque chose était en train de se passer, quelque chose d’important. Pestant à nouveau, Oldrick pressa le pas, enfonçant les buissons et autres fourrés comme s’il n’était pas sur sa voie. Quand il déboucha enfin sur la clairière du campement, il vit un attroupement au centre. Les bandits semblaient agités.
« Bon sang, Anthezar, qu’est-ce que tu as fait encore ? »
D’un rapide coup d’orbite, Oldrick chercha son maître dans les environs, mais il n’arriva pas à le trouver. Le regard du revenant se posa à nouveau sur l’attroupement. Une pensée morbide lui traversa l’esprit. Et si ce qu’il se passait… Oh non. Oldrick marcha à pas lourds vers l’attroupement, son regard de braise s’enflammant de plus belle. Il dégaina son épée, sa main crispée dessus de rage. Si ces maudits fils de chien galeux avaient osé posé la main sur Anthezar, ils allaient souffrir. Terriblement. Quand l’attroupement remarqua le roi revenant, certains d’entre eux se retournèrent vers le mort-vivant en levant les bras.
« Eh, mais qu’est-ce que vous faites ? Lâchez votre épée bon sang ! » -Leurs plaintes laissèrent Oldrick de marbre alors que le colosse continuait sa marche. L’un d’entre eux finit néanmoins par se tourner vers la droite – « EH ! Le mage ! Votre chien de garde à l’air énervé, calmez-le en vitesse !!
-De quoi ? »
La voix tremblotante aux accents de couardise presque cachée ne laissait aucun doute. Oldrick, aussi surpris que rassuré, regarda vers l’endroit d’où venait la voix et aperçut enfin Anthezar qui se trouvait derrière une tente non loin. Le revenant ne l’avait pas vu jusqu’ici à cause de cela. Bon sang, qu’il avait pu être bête, se reprocha-t-il. Il allait falloir qu’il se contrôle un peu plus à l’avenir… Rangeant son arme dans son fourreau, le revenant alla voir son maître sans accorder plus d’attention aux regards méfiants des bandits qu’il avait failli attaquer à l’instant.
« Qu’est-ce qu’il se passe ?
-Tu te rappelles de l’éclaireur ? répondit Anthezar.
-Celui qui s’est fait tuer hier soir ?
-Oui, eh bien… Pas vraiment apparemment. »
Le roi revenant jeta un regard par-dessus son épaule et constata qu’effectivement, au milieu des bandits inquiets, se trouvait le corps sanguinolent de quelqu’un qui ressemblait autrefois à l’éclaireur. Il était dans un état lamentable, entre ses os brisés et son visage tuméfié on avait peine à croire qu’il était encore en vie.
« Ils l’ont trouvé dans les fourrés non loin. Je dois bien t’avouer que je suis tout autant surpris que toi. Il n’était peut-être pas si mauvais que ça finalement, dit Anthezar avec un haussement d’épaules.
-Dans son état, il n’aurait jamais pu faire le trajet en forêt. Quelqu’un a dû le ramener.
-Hein ? Mais pourquoi ?
-A-t-il dit quelque chose ?
-Je ne sais pas, nos ‘collègues’ n’ont pas voulu que je m’approche, bouda Anthezar en croisant les bras. »
Oldrick se retourna vers son maître avec un air affligé.
« Mais tu es le chef de cette expédition et un mage en plus de ça ! Affirme-toi un peu à la fin ! »
Avec un soupir résigné, Oldrick s’apprêta à aller à la rencontre du miraculé avec Anthezar à sa suite mais ils se firent intercepter sur le chemin par Taren.
« Hop, hop, hop, tronche de renne, tu restes derrière.
-J’ai à lui parler.
-Et moi, je dirais que non, grogna Taren. On est peut-être sous vos ordres mais ce sont encore mes hommes ! Wilhelm n’est pas en état de voir votre visage sympathique de sitôt alors restez derrière !
-Que vous as-t-il dit ?
-Pardon ?
-Il vous a clairement parlé de quelque chose d’important, je peux sentir votre peur. »
Taren recula d’un pas en faisant une grimace haineuse, mais il se contint. Le chef des bandits se mit alors à peser le pour et le contre avant de prononcer sa prochaine phrase. Anthezar profita de ce silence pour se rapprocher d’Oldrick et lui parler :
« Attends, tu sais faire ça ? murmura-t-il.
-Non.
-Oh… fit un Anthezar déçu.
-C’est du bluff andouille, alors ne dit rien. »
Taren n’avait heureusement rien entendu de la discussion à voix basse entre le maître et son serviteur et finit par revenir vers eux, apparemment à contrecœur.
« D’accord, lâcha-t-il péniblement. Wilhelm a pu nous dire deux ou trois mots malgré le fait que sa mâchoire soit en miette. On lui a bien dit de se taire pour que ça n’empire pas mais…
-Abrégez, tonna Oldrick.
-… Bien. » -le regard de Taren à l’encontre d’Oldrick semblait lancer des poignards effilés. – « D’après ce que l’on a pu comprendre, il nous a dit d’abandonner la mission.
-Et il y a une raison à cela ?
-On n’a pas bien compris la suite, mais il a mentionné le mot « démon » je crois. Je sais, on en a pas vu beaucoup des démons durant la première attaque, mais si vous aviez vu son regard quand il marmonnait à propos du truc qui l’a abîmé… Ben, ça voulait tout dire.
-Comment ça ? demanda timidement Anthezar.
- Wilhelm, on l’effraie pas facilement le bougre. Là, il était plus que terrorisé. J’suis désolé, mais nous on se barre. Je fais confiance à Wilhelm depuis des années et ça nous as toujours porté chance. Et je suis convaincu qu’il n’a pas utilisé le peu de force qui lui restait pour murmurer n’importe quoi. Faites ce que vous voulez, mais j’veux plus rien avoir à faire ici. Et j’vous conseille d’en faire de même. »
Taren tourna le dos au nécromancien et à son serviteur pour aller se mettre au chevet de Wilhelm qui agonisait dans son coin. Il entendit le nécromancien pester à son encontre mais il n’en avait cure. Son vieil ami avait besoin de lui, il avait dont d’autres priorités en tête. Mais quand il s’approcha dudit blessé, ce dernier se mit subitement à hurler à la mort malgré sa trachée en piteux état. Devant une assemblée horrifiée, du sang coula des yeux du pauvre éclaireur qui commençait à se convulser de douleur. Après quelques secondes insoutenables, une bonne partie de son crâne explosa dans une gerbe de sang et de cervelle, aspergeant de liquide rouge plusieurs bandits qui se trouvait là. Les autres reculèrent en criant d’horreur.
« Maintenant, j’en ai assez ! cria une petite voix étonnamment ferme. »
Les bandits se retournèrent vers le nécromancien qui se tenait droit comme un i, les deux bras en avant et une grimace convulsée de rage sur le visage – enfin quelque chose de ressemblant à de la rage vu qu’Anthezar n’était pas vraiment la référence en matière d’intimidation. Même Oldrick s’était retourné vers le nécromancien avec un air de surprise. C’était la première fois que son maître faisait preuve d’une telle sauvagerie, il en était sidéré. Anthezar agita ses bras un instant et lança un nouveau sort. Le corps de feu Wilhelm fut parcouru d’un tremblement et le cadavre au crâne déchiré se leva lentement en claudiquant devant une assemblée qui alternait entre l’incompréhension et la terreur a une vitesse rarement atteinte.
« Voilà, il est comme neuf ! cria Anthezar dont le visage s’empourprait au fur et à mesure. Et il se plaint encore ?
-Gargl, fit la trachée remplit de sang de Wilhelm.
-Non, voilà !! éructa Anthezar. Wilhelm est très content ! Donc vous fermez les craches-merdes qui vous servent de bouches et vous vous mettez AU-BOU-LOT ! Le prochain qui se plaint se fait remplacer de la même manière ! »
Sur ce, le nécromancien jeta un regard furibond aux troupes et se retourna avec force froufrous de capes.
« Il… Il vient de se passer quoi là ? murmura Taren, abasourdi, qui regardait encore fixement le cadavre de feu Wilhelm. »
Oldrick, qui était un peu moins impressionnable que les bandits, regarda Taren d’un air circonspect puis se détourna de la scène. Sa présence peu de temps après l’incident n’allait pas améliorer les choses. Les bandits n’allaient pas mettre longtemps avant de réclamer vengeance, donc partir et les laisser méditer entre eux sur la question pourrait s’avérer plus bénéfique. Une menace est toujours plus inquiétante quand elle n’est pas là après tout.
Alors qu’il partait sur les talons de son maître, Oldrick jeta néanmoins un dernier coup d’œil en arrière. Il vit que le zombi nouvellement créé était parti se mettre au travail et déplaçait déjà du matériel sous les yeux médusés de ses anciens camarades. Le roi revenant non plus n’en revenait toujours pas. Le petit et malingre Anthezar, le grand peureux qu’il était, venait littéralement de perdre la tête et de faire sauter celle d’un des bandits. Non, définitivement, il n’en revenait pas. Après quelques secondes de marche, Oldrick retrouva Anthezar dans sa tente. Le jeune nécromancien avait le souffle court et les poings serrés de rage. Il était assis en tailleur par terre et lisait frénétiquement un parchemin de sa collection pour essayer de se calmer. En vain apparemment, puisqu’Anthezar finit par jeter le papier rageusement en l’air. Oldrick se rapprocha de son maître et posa sa main sur son épaule.
« Tu m’expliques là ?
-Il n’y a rien à expliquer ! cria Anthezar. Ces bons à rien sont plus utiles mort que vivants ! Je n’en peux plus de les entendre dire, sans cesse, qu’ils abandonnent !
-Et c’est pour ça que tu tues un blessé de sang-froid ? Ce n’est pas comme ça qu’ils vont arrêter d’abandonner. Pire, tu leur donne des raisons de…
-Arrête !! »
Le nécromancien venait d’asséner un coup au gantelet d’Oldrick pour qu’il enlève sa main de son épaule.
« Arrête de me rappeler que tu es bien plus compétent que moi ! Je suis ton maître par Nagash ! Là, je passe pour un guignol moi en comparaison du grand et effrayant Oldrick ! Alors j’ai voulu leur… leur rappeler qui était le chef, qui dirige cette opération ! » - Anthezar prit quelques secondes pour avaler difficilement sa salive – « Je… »
Anthezar baissa les bras brusquement et lâcha un soupir douloureux.
« J’ai perdu pied. Je me suis contenté de paniquer et… je l’ai tué, voilà. Reproche-le-moi autant que tu veux.
-Non.
-Comment ? s’étonna Anthezar.
-Tu t’es établi en tant que chef dominant du groupe et tu m’as même surpris avec ton numéro de ‘grand méchant’. A vrai dire, je suis vraiment impressionné par ta performance jusqu’ici.
-Je… Je ne sais…
-Cependant… le coupa Oldrick.
-Ah voilà le reproche, maugréa Anthezar.
-Tu va devoir apprendre à te contrôler. Les sautes d’humeur et les meurtres gratuits, ça a ses limites. Et à l’avenir, n’oublie pas un détail…
-Lequel ? demanda Anthezar avec une petite once de curiosité dans un océan d’attitude blasée.
-J’ai beau être menaçant et dangereux, c’est toi qui m’a ramené d’entre les morts. N’oublie jamais ça… Que le ‘grand et effrayant Oldrick’ est TON serviteur et pas l’inverse. »
Le roi revenant attendit quelques secondes le temps qu’Anthezar digère l’information, puis il croisa les bras sur son torse et regarda à nouveau vers le camp. Le silence se fit pendant quelques secondes alors que le nécromancien réalisait peu à peu ce qui venait de se passer.
« Tu… commença Anthezar
-…n’as pas à contester tes ordres, le coupa Oldrick. Je ne suis que ton conseiller par intermittence, le reste du temps je suis ton ‘serviteur malfaisant’ comme tu le dis toi-même. Rien de plus. Donc assume tes actes, je ne le ferais pas à ta place. De plus, un maître ne s’excuse pas.
-B…Bien ! Oui !» - bredouilla Anthezar qui reprit un air impérieusement ridicule juste après – « J’ai définitivement été supérieurement intelligent en te choisissant pour me servir ! Ha Ha Ha !
-Ça y est, il est redevenu normal, soupira mentalement Oldrick de soulagement. Espérons qu’il se contrôle un peu plus à l’avenir. Quoiqu’il s’améliore au final.Maintenant, il n’y a plus qu’à le remettre sur le bon chemin… Revenons-en au sujet principal, l’éclaireur.
-Ha Ha Ha… Ha… Ah ? fit Anthezar alors qu’il arrêtait son rire machiavélique. Heu, oui… Qu’en penses-tu ?
-Ils veulent nous faire peur, nous prouvez qu’ils peuvent jouer avec nous. Dommage pour eux, c’est raté.
-Mouihihi ! Ils ne sont rien !... Enfin, tu es sûr ? Parce que c’est un peu inquiétant quand même…
-Hmfr, grogna Oldrick. Ce n’est rien de plus qu’une déclaration de guerre ouverte. Ils nous insultent en nous dénigrant pour voir notre réaction. Nous ne tomberons pas dans leur piège. Alors jouons leur jeu et allons-nous battre.
-Exactement !... Attends, quoi ?! s’étrangla Anthezar de surprise. Ils savent où nous sommes, essayons au moins de garder l’avantage de la surprise !
-Hmmm, c’est pas faux. Nous les attaquerons maintenant alors.
-Raaah, bon d’accord ! Je vais faire un plan de bataille réarrangé ! »
Anthezar ne l’entendit pas, mais Oldrick rigolait doucement entre ses bois. Il en profita même pour regarder le petit être s’échiner de toutes ses forces sur les parchemins environnants pour trouver des idées d’angles d’attaques. Définitivement, il ne s’en était toujours pas lassé. Mais en un sens, et contrairement à ce qu’il venait de dire, il s’inquiétait un peu. Leur adversaire n’était pas stupide. Il avait trouvé leur camp et avait même tenté de jouer avec leurs nerfs. Le gars en question n’était pas né de la dernière pluie. Mais alors pourquoi ne pas avoir attaqué le campement ?... Peut-être que…
« Vous voulez faire ça dans les règles ?? hurla Renata. »
Le convoi avait repris sa route aux aurores. Les gardes n’avaient que peu dormi durant la nuit et le moral ambiant n’était pas au plus haut, mais Priestlicheim n’était plus qu’à un jour de marche. C’était ce simple fait qui leur faisait garder espoir pour le moment et leur permettait d’avancer malgré la menace d’une embuscade. Hjalmar venait de revenir d’une petite mission de reconnaissance des environs à la demande de Hans qui avait confiance en les qualités de pisteurs du norse. Mais quand le nordique était revenu faire son rapport à Renata, cette dernière n’apprécia que peu les nouvelles…
La capitaine mercenaire d’ailleurs - qui essayait de s’empêcher de sauter à la gorge de Hjalmar - réalisa alors que sa saute d’humeur risquait justement d’attirer l’attention des autres membres du convoi. Elle leur fit un signe de la main pour leur dire que ce n’était rien, qu’elle gérait le problème seule. Les autres gardes haussèrent les épaules et retournèrent à leur mutisme habituel. C’est qu’ils commençaient à s’habituer au petit ménage entre ces deux-là. Depuis la nuit dernière, la capitaine ne le lâchait plus, alors forcément les soldats s’étaient fait une opinion personnelle sur la question. Mais ils ne souhaitaient pas l’énoncer tout haut, la capitaine Kellerman avait une sacrée droite mine de rien... Une fois sûre que la situation n’allait pas dégénérer, Renata se tourna vers le norse qui affichait un petit sourire entendu.
« Oooh, enlevez-moi ça tout de suite ! lui reprocha-t-elle. »
Hjalmar lui répondit avec un sourire encore plus radieux, ce qui fit grommeler Renata. La capitaine releva une mèche inexistante de son front par habitude et essaya de reprendre un air calme. Elle ne voulait pas lui laisser le plaisir de jouer avec ses nerfs, pas encore.
« La prochaine fois que vous faites quelque chose d’aussi stupide, je vous…
-Tue ? la coupa Hjalmar pour la taquiner.
-Non, je vous coupe une jambe, ça vous empêchera de courir partout. Non mais sérieusement, qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?
- J’ai été aussi surpris que vous de le savoir encore en vie, mais il méritait de rejoindre ses camarades plutôt que de se vider de son sang sur le sol d’une clairière anonyme. Je l’ai remarqué en partant et je l’ai amené avec moi, fin du problème. Et puis, j’ai pu apercevoir leur camp, les forces en présence. Ce sera une partie de plaisir cette embuscade.
-Vous avez ramené un prisonnier ennemi dans son camp pour la forme ? C’était censé être une mission de reconnaissance ! Pas une mission de sauvetage stupide !
-…
-Il va les renseigner sur nous !
- Au vu de son état, il ne dira pas grand-chose. Et puis, ils avaient l’avantage de la peur, de l’élément de surprise pour le moment. Ils devaient se croire à l’abri. Maintenant, ils doivent douter de leur prétendue position de force. Il fallait leur envoyer un message. Je veux qu’ils soient sur leur garde.
-Mais pourquoi bon sang ?!
-Pourquoi ? J’attends ce combat depuis hier, je n’ai pas envie qu’il se finisse en quelques minutes parce que ces idiots allaient nous charger directement sans réfléchir.
- Nous n’aurions pas dû te choisir pour cette mission d’exploration …
-Parce que vous aviez un autre choix ? »
Renata leva les yeux au ciel. Elle savait pertinemment que cette discussion n’irait nulle part, ce norse était bien trop borné pour réaliser la bêtise de son action. Il s’amusait de la situation et de sa colère à son encontre comme si de rien était.
« Laissez tombez… Le mal est fait. Je vais tenir Hans au courant. De toute façon je vois déjà à son regard qu’il a des questions à poser. Maintenant, restez-là et éviter de… faire quoi que ce soit. »
La capitaine partit en trombe sans un regard vers Hjalmar. Son exaspération était presque tangible, mais le norse n’en prit pas ombrage. Bien peu de chose inquiétait Hjalmar et une capitaine en colère n’en était certainement pas une. Même s’il trouvait cela quelque peu amusant de la taquiner… Après un haussement d’épaule évocateur, Hjalmar reprit un rythme de marche plus habituel pour rattraper le groupe principal.
Le norse voyait déjà la scène à venir : tout un groupe de bandits, sur leurs gardes, qui allaient les prendre en embuscade. Avec de la chance, l’un d’entre eux allait accepter un duel, peut-être le chef ? A cette idée, et pour la première fois depuis un long moment, Hjalmar ressentit de l’excitation. Cela faisait une éternité qu’il n’avait pas eu un défi en bon et due forme et très franchement, cela lui manquait atrocement. Quel intérêt aurait-il eu à attaquer discrètement leur campement ? C’était bien trop facile, trop convenu. Le simple fait d’échanger son nom avec son adversaire, pouvoir le regarder dans le blanc des yeux et le saluer avant de commencer le ballet du combat dans un lieu choisi pour se battre. Voilà comment un vrai combat devait se dérouler d’après le nordique. Mais ces choses si « élémentaires » pour le norse lui avaient été refusées par la majorité des démons à chaque fois qu’il les combattait. Ces monstres décérébrés se contentaient de lui sauter dessus sans plus réfléchir… Ou bien ils fuyaient en lui lançant des sorts à la figure, à peine mieux donc. Maintenant, Hjalmar voulait juste pouvoir rencontrer quelqu’un avec un minimum d’honneur. Etait-ce trop demander ?! Bon, oui, c’était beaucoup demander à des voleurs, mais on pouvait toujours espérer, non ?
Du coin de l’œil, Hjalmar remarqua que les deux bandits l’évitaient soigneusement - celui qui l’avait agressé la dernière fois en particulier. Il n’y avait rien d’étonnant à cela, se dit le norse, mais il avait d’autres soucis en tête. La nuit dernière et son déroulement avait quelque peu chamboulé Hjalmar entre sa crise, sa biographie réduite à Renata et le message des dieux… Cela faisait beaucoup à digérer et il ne savait pas vraiment quoi en penser. Quand les dieux s’étaient exprimés, les voix lancinantes avaient disparues, comme si son passage dans les royaumes n’était enfin plus qu’un mauvais souvenir. Mais il aurait été bien trop beau que cela dure. Quelques heures plus tard, les voix étaient déjà revenues à la charge, sauf que cette fois il avait retrouvé la conviction de les confronter, de les repousser voire de les contenir. Hjalmar n’avait aucune idée de quand et comment sa prochaine crise pouvait se déclencher et le risque était toujours présent, mais au moins il se sentait un peu plus stable qu’auparavant.
Pff… Stable. Comme s’il l’avait jamais été, ricana-t-il tristement.
Voilà, j'espère que ça vous a plu ! Le ou les prochains chapitres termineront cette petite histoire qui m'aura tout de même prise pas mal de temps Du coup, je vais essayer d'avancer au plus vite sur ça. C'est que j'ai d'autres projets à commencer...
*** ***
« C’est un échec ! » La voix de Taren résonna dans la forêt alors qu’il laissait sa rage s’exprimer. Le soleil commençait à se lever paresseusement à l’horizon mais des nuages épars - précurseurs d’une nouvelle averse - cachaient son arrivé. Le groupe de bandits s’était installé dans une clairière plus en avant sur le trajet du convoi pour préparer une future embuscade d’après les plans d’Anthezar. Ils s’étaient épuisés à traverser la forêt en pleine nuit pour arriver dans les temps et les nerfs de certains commençaient à lâcher, ceux de Taren en particulier.
En effet, le chef des bandits n’en pouvait plus et le leur faisait bien sentir. Déjà que la peur de tomber sur des mutants ou pire avait mis son sang-froid à rude épreuve, la nuit dernière un de ses meilleurs hommes avait apparemment été tué dans le seul but de tester la résistance des défenses du convoi. Un sacrifice plus qu’inutile selon lui surtout qu’il avait mis un sacré coup au moral des gars, Wilhelm était très apprécié dans le groupe. Mais le pire, c’était la présence du colosse mort-vivant et de son pitoyable maître qui n’arrangeait en rien les choses. Entre ce dernier qui clamait haut et fort que tout allait bien se passer et son garde du corps littéralement horrifique qui regardait fixement au plus profond de votre âme dès que vous faisiez un mouvement trop brusque… Comment était-il censé garder son calme ?!
« Cette opération est un échec et vous allez tous nous faire tuer ! hurla-t-il à nouveau au visage d’Anthezar.
-Et en quoi cette opération a-t-elle échouée ? demanda simplement Anthezar. Nous n’avons même pas commencé l’attaque.
-J’ai perdu la moitié de mes hommes et mon meilleur éclaireur pour vos caprices !
-Mes « caprices » nous ont permis de savoir que leurs défenses sont meilleures que ce que nous pensions, je vous ferais dire ! Et puis, il n’avait qu’à être plus discret votre rôdeur...
-C’était un des meilleurs et un ami, comment osez-vous ! gronda Taren »
Taren fit glisser sa main vers sa dague pour enfin libérer sa colère qui s’accumulait, mais la main gantée du revenant lui bloqua subitement son bras. Taren se dégagea de son étreinte d’un geste brusque et lui lança un regard noir. Le revenant, en guise de réponse, lui lança son habituel regard aussi mort que flamboyant et revint à sa place, à la droite d’Anthezar. Le nécromancien attendit quelques secondes pour reprendre la parole, histoire de calmer son pouls et de reprendre un peu de couleur sans paraître trop ridicule.
« S’il était si bon que ça, alors ils ont quelqu’un de meilleur en face ! Nous devons être prudents. Maintenant retournez aux préparatifs, ils devraient arriver dans peu de temps… Allez ! Ou je relève vos cadavres pour vous remplacer ! »
Sur ces mots Anthezar se retourna et, suivi de près par Oldrick, reparti vers la tente qu’ils avaient établie aux abords du campement principal. Alors qu’il s’y déplaçait, Anthezar put entendre Taren pester abondamment contre lui, mais au vu des bruits de pas saccadés, il était reparti travailler. Anthezar pressa le pas pour arriver dans sa tente en trombe. A peine le drap laissait-il passer Oldrick que le jeune mage noir s’effondra de tout son long sur le tas d’herbes sèches qu’était son lit de camp.
« Ça va aller ? s’enquerra Oldrick.
Un soupir bruyant parvint d’Anthezar.
« Laisse-moi deviner, tu t’es frappé le nez par terre. »
Le léger gémissement de douleur d’Anthezar confirma cette hypothèse. Cette fois, c’est Oldrick qui soupira. Il avait vraiment besoin d’apprendre des choses basiques…
« Tu tiens le coup ? »
La figure affalé d’Anthezar fit non de façon grotesque.
« A ce point, hein ? Dans ce cas, prend un peu de repos. Tu en as bien besoin.
-Non, au contraire, il faut que je me remette au travail » - dit Anthezar en se relevant à moitié de sa couche. Son front était rouge à cause de l’impact et une larmichette perlait de son œil droit. - « Il n’y a…
-Pas de temps à perdre je sais, le coupa Oldrick. Mais au rythme où tu continus, tu vas y passer avant même que le combat ne commence. Les hommes ont l’air à bout, mais ils utiliseront cette rage contre les membres du convoi.
- Ou sur nous s’ils en ont assez d’attendre, ironisa Anthezar sombrement.
-Repose-toi pendant une heure au moins. Je vais faire le tour des environs. » - au moment où il allait sortir, Oldrick se retourna vers Anthezar – « Et si quelqu’un essaye de rentrer dans cette tente, fait lui frire le cerveau.
-Tu n’as pas besoin de me le dire deux fois… » rigola tristement Anthezar qui s’en savait pertinemment incapable. Du moins, pas dans la panique.
Après un dernier regard par-dessus l’épaule, Oldrick sortit de la tente. Il pesta pour la vingtième fois contre le tissu qui se prenait dans ses cornes et après l’avoir envoyé voler dans un geste rageur, il se dirigea vers le sous-bois. Au passage, il en profita pour regarder fixement un ou deux types qui passaient, juste histoire de les effrayer un peu. C’est qu’il trouvait cela amusant en fin de compte.
Sur le chemin, Oldrick fit un détour pour aller vers les deux montures que lui et Anthezar avaient utilisés ces derniers mois. Elles broutaient paisiblement un peu d’herbe à l’orée de la forêt et elles en avaient bien besoin, se disait-il. C’est qu’ils ne leur avaient laissés aucun repos depuis tous ce temps entre les fuites, les assauts et les autres pirouettes stratégiques qu’ils avaient dû imaginer pour échapper aux chevaliers errants bretonniens aveuglés par la vengeance…. Ces chevaliers d’ailleurs, ils étaient tenaces les bougres ! Ils ne semblaient jamais vouloir s’arrêter ! Un fanatisme pareil, Oldrick en avait des fourmillements le long de l’occiput.
Le roi revenant reporta son attention sur la jument en face de lui. Tranquillement et par habitude, Oldrick flatta le flanc de l’animal avec respect. Cela l’aidait à oublier ses inquiétudes passagères. Ironiquement pour un mort-vivant, Oldrick avait cette manie de vouloir absolument une monture bien vivante. Cela avait peu d’avantage au vu de sa condition, il était vrai, mais cela lui permettait de faire avec cette-même condition justement. C’est qu’il n’avait pas demandé à être réveillé de sa tombe par un nécromancien amateur et avec une paire de bois de cerf sur le crâne en prime ! Alors, il s’était autorisé cette petite excentricité, histoire de garder un peu de normalité dans sa vie. Enfin, façon de parler.
D’un coup d’œil rapide, il regarda la monture d’Anthezar. L’animal squelettique maintenant décédé essayait de brouter l’herbe sans grand succès apparent : les brins d’herbes à peine mâchés tombaient sur le sol à travers sa mâchoire décomposée. Mais ce dernier ne s’en offusquait pas et continuait quand même. Quelle ironie là aussi. Le nécromancien qui en faisait toujours trop dans son « maléfisme » montait un destrier qui s’accrochait toujours aux habitudes de son ancienne vie… C’en était à pleurer.
Avec une petite tape amicale sur l’encolure, Oldrick signala à la jument qu’il la laissait paître en paix. Il avait une ronde à effectuer après tout. Le revenant se détourna des deux chevaux et partit s’enfoncer dans les bois environnants.
Plusieurs minutes de marche plus tard, Oldrick avançait toujours dans la forêt. Il n’en avait plus pour longtemps, plus qu’un flanc de colline avant de faire demi-tour. Par précaution, il tenait sa main droite sur le pommeau de son épée. Sa main gauche tenait son bouclier de planches cerclées d’acier. On ne savait jamais à quoi s’attendre dans ces régions forestières. La grande forêt du Talabecland n’était pas la pire, loin de là, mais on n’était jamais assez prudent.
Oldrick regardait de droite à gauche, analysant la zone avec minutie pour repérer quoi ou qui que ce soit qui pourrait être un danger pour son maître. Ses grèves d’acier provoquaient des craquements par intermittence quand il écrasait une branche ou un paquet de feuilles mortes et son amure noire cliquetait doucement lors de ses déplacements. Toute une série de bruits familiers qui le réconfortait quelque peu même s’ils étaient passablement bruyants. Mais le revenant n’avait de toute façon aucun moyen d’être discret avec sa dégaine de cavalier cauchemardesque, alors autant avancer franchement.
Après quelques pas supplémentaires, Oldrick s’arrêta net. Il était certain d’avoir aperçu un mouvement entre deux arbres non loin. Nullement décontenancé, le revenant resserra sa prise sur sa propre lame mais il la garda dans son fourreau. Autant essayer de connaître les intentions de l’inconnu avant d’engager les hostilités… Ou au moins son visage et ses vêtements. S’il s’agissait d’un bretonnien, il allait faire un malheur. Quelques secondes passèrent et rien ne bougea dans les environs. Les flammes dans les orbites d’Oldrick s’étrécirent alors qu’il était progressivement de plus en plus perplexe. Il était pourtant sûr d’avoir vu quelque chose…
Soudainement, Oldrick entendit un craquement de branche suivit d’une galopade effrénée derrière lui. Le revenant effectua un quart de tour tout en dégainant son arme. La lame sombre, légèrement rouillée et parcourue de runes antiques vibra dans l’air alors que le revenant effectuait un agile mouvement défensif dans la direction de son assaillant. La forme derrière lui esquiva la lame plutôt simplement et se replaça sans bouger outre mesure. Maintenant qu’il pouvait voir de quoi il s’agissait, le revenant jura entre ses dents.
« Des mutants… Évidemment. »
L’humanoïde déformé se tenait à bonne distance du mort-vivant, comme hésitant. C’était un pauvre hère malformé plus proche du bray que du mendiant avec un bras atrophié et de petites cornes asymétriques qui sortaient de son crâne malade. Reniflant et agitant fréquemment sa tête dans tous les sens, le mutant crachait sa haine envers le monde et tout particulièrement sur Oldrick.
«Va-t’en ! Va-t’en ! Ici… Chez nous ! hurlait le mutant d’une voix dissonante. »
Le revenant jeta un regard par-dessus ses épaules pour voir que d’autres mutants sortaient des bois autour de lui, comme crachés par la végétation ambiante. Ils étaient équipés de haches en pierre, de bâtons ou de leurs griffes et autres rochers trouvés par terre. Impassible, Oldrick raffermit sa position sur sa lame et fit jouer le manipule de son bouclier dans sa main gauche.
« Ils m’ont encerclé… Les pauvres, se dit mentalement le roi revenant en ricanant. Partez et vous vivrez !
-Va-t’en !! hurla à nouveau le bray en grattant le sol de son pied gauche comme s’il allait charger. »
Les bêtes se mirent à hurler en chœur un rugissement guttural et chargèrent toutes ensemble sur le revenant. Leur cris confus et animal emplirent l’air de toute leur rage alors que leurs sabots ou leurs pieds difformes foulaient le sol dans une cavalcade tout aussi déchainée que désordonnée. La dizaine de mutants se rapprocha à grande vitesse du roi revenant, qui n’avait pas bougé depuis le début de la scène, en hurlant à nouveau :
« Va-t’en !!
- Non, répondit tout simplement Oldrick avec un léger soupir. »
Au moment où les hommes-bêtes allaient assaillir le revenant de toutes parts, la lourde cape de fourrure d’Oldrick ondula et se déploya en un battement de paupière, repoussant les assaillants qui s’empêtrèrent en hurlant de surprise dans les ombres. La plus grande part d’entre eux tomba à terre encore sous le choc. Ils se débattirent dans tous les sens pour se dépêtrer de la cape d’Oldrick qui finit par se rétracter et revenir autour de son propriétaire.
Le roi revenant fit un moulinet avec son épée et chargea les hommes-bêtes en lançant son propre cri abyssal et éthérée. Un mouvement de taille et une tête mutée tomba sur le sol, souillant les feuilles orangées d’un liquide noirâtre. La première d’une longue série, car les mutants n’abandonnèrent pas le combat. Bien au contraire, pris de frénésie ils chargèrent à nouveau, comme oubliant leur instinct de survie qui leur disait pourtant de courir bien loin de l’horreur squelettique qui se tenait devant eux. Le combat fut court mais sanglant. Chaque monstre qui sautait sur le revenant se faisait promptement tuer d’un coup rapide, la lame maudite tranchant les chairs et les os sans difficulté apparente. Quand vint le tour du dernier, Oldrick lui brisa ce qu’il supposa être son nez d’un coup de pommeau bien placé. L’homme-bête tomba à la renverse et chercha à reculer frénétiquement. Mais Oldrick ne lui laissa pas ce luxe et lui envoya son bouclier en plein visage, broyant ce qui n’était pas encore en sang.
L’escarmouche terminée, le silence retomba, comme si rien ne s’était passée. La forêt retrouva donc son calme habituel mais avec une touche morbide autour de la seule personne encore debout. Regardant la scène d’un orbite circonspect, Oldrick poussa un soupir blasé. Ces bestioles étaient incroyablement bêtes et suicidaires et pourtant il y en avait toujours dans ces forêts. A croire que certaines incohérences étaient plus coriaces que ce que l’on pourrait supposer.
Le roi revenant se pencha sur un des cadavres pour essuyer le sang noirâtre qui parsemait sa lame avec un tissu rapiécé que portait un des brays. L’opération prit un peu de temps car le liquide était visqueux au possible… Une fois cela fait, Oldrick reprit sa marche lente et déterminée à travers les bois sans jeter le moindre regard vers le carnage. Sa main était toujours posée sur la poignée de son épée qu’il avait rangée dans son fourreau. Maintenant qu’il y pensait, le combat avait pris moins d’une minute mais s’il avait été encore vivant, il en aurait été éreinté. Comme quoi, la non-vie avait quelques bénéfices en fin de compte. Le mort-vivant gloussa sobrement et dodelina de la tête en ruminant cette question dans sa tête alors qu’il continuait son chemin.
Le soleil approchait de son zénith au moment où Oldrick allait sortir des bois. Mais quand il se trouva aux abords du camp, des éclats de voix se firent entendre. Quelque chose était en train de se passer, quelque chose d’important. Pestant à nouveau, Oldrick pressa le pas, enfonçant les buissons et autres fourrés comme s’il n’était pas sur sa voie. Quand il déboucha enfin sur la clairière du campement, il vit un attroupement au centre. Les bandits semblaient agités.
« Bon sang, Anthezar, qu’est-ce que tu as fait encore ? »
D’un rapide coup d’orbite, Oldrick chercha son maître dans les environs, mais il n’arriva pas à le trouver. Le regard du revenant se posa à nouveau sur l’attroupement. Une pensée morbide lui traversa l’esprit. Et si ce qu’il se passait… Oh non. Oldrick marcha à pas lourds vers l’attroupement, son regard de braise s’enflammant de plus belle. Il dégaina son épée, sa main crispée dessus de rage. Si ces maudits fils de chien galeux avaient osé posé la main sur Anthezar, ils allaient souffrir. Terriblement. Quand l’attroupement remarqua le roi revenant, certains d’entre eux se retournèrent vers le mort-vivant en levant les bras.
« Eh, mais qu’est-ce que vous faites ? Lâchez votre épée bon sang ! » -Leurs plaintes laissèrent Oldrick de marbre alors que le colosse continuait sa marche. L’un d’entre eux finit néanmoins par se tourner vers la droite – « EH ! Le mage ! Votre chien de garde à l’air énervé, calmez-le en vitesse !!
-De quoi ? »
La voix tremblotante aux accents de couardise presque cachée ne laissait aucun doute. Oldrick, aussi surpris que rassuré, regarda vers l’endroit d’où venait la voix et aperçut enfin Anthezar qui se trouvait derrière une tente non loin. Le revenant ne l’avait pas vu jusqu’ici à cause de cela. Bon sang, qu’il avait pu être bête, se reprocha-t-il. Il allait falloir qu’il se contrôle un peu plus à l’avenir… Rangeant son arme dans son fourreau, le revenant alla voir son maître sans accorder plus d’attention aux regards méfiants des bandits qu’il avait failli attaquer à l’instant.
« Qu’est-ce qu’il se passe ?
-Tu te rappelles de l’éclaireur ? répondit Anthezar.
-Celui qui s’est fait tuer hier soir ?
-Oui, eh bien… Pas vraiment apparemment. »
Le roi revenant jeta un regard par-dessus son épaule et constata qu’effectivement, au milieu des bandits inquiets, se trouvait le corps sanguinolent de quelqu’un qui ressemblait autrefois à l’éclaireur. Il était dans un état lamentable, entre ses os brisés et son visage tuméfié on avait peine à croire qu’il était encore en vie.
« Ils l’ont trouvé dans les fourrés non loin. Je dois bien t’avouer que je suis tout autant surpris que toi. Il n’était peut-être pas si mauvais que ça finalement, dit Anthezar avec un haussement d’épaules.
-Dans son état, il n’aurait jamais pu faire le trajet en forêt. Quelqu’un a dû le ramener.
-Hein ? Mais pourquoi ?
-A-t-il dit quelque chose ?
-Je ne sais pas, nos ‘collègues’ n’ont pas voulu que je m’approche, bouda Anthezar en croisant les bras. »
Oldrick se retourna vers son maître avec un air affligé.
« Mais tu es le chef de cette expédition et un mage en plus de ça ! Affirme-toi un peu à la fin ! »
Avec un soupir résigné, Oldrick s’apprêta à aller à la rencontre du miraculé avec Anthezar à sa suite mais ils se firent intercepter sur le chemin par Taren.
« Hop, hop, hop, tronche de renne, tu restes derrière.
-J’ai à lui parler.
-Et moi, je dirais que non, grogna Taren. On est peut-être sous vos ordres mais ce sont encore mes hommes ! Wilhelm n’est pas en état de voir votre visage sympathique de sitôt alors restez derrière !
-Que vous as-t-il dit ?
-Pardon ?
-Il vous a clairement parlé de quelque chose d’important, je peux sentir votre peur. »
Taren recula d’un pas en faisant une grimace haineuse, mais il se contint. Le chef des bandits se mit alors à peser le pour et le contre avant de prononcer sa prochaine phrase. Anthezar profita de ce silence pour se rapprocher d’Oldrick et lui parler :
« Attends, tu sais faire ça ? murmura-t-il.
-Non.
-Oh… fit un Anthezar déçu.
-C’est du bluff andouille, alors ne dit rien. »
Taren n’avait heureusement rien entendu de la discussion à voix basse entre le maître et son serviteur et finit par revenir vers eux, apparemment à contrecœur.
« D’accord, lâcha-t-il péniblement. Wilhelm a pu nous dire deux ou trois mots malgré le fait que sa mâchoire soit en miette. On lui a bien dit de se taire pour que ça n’empire pas mais…
-Abrégez, tonna Oldrick.
-… Bien. » -le regard de Taren à l’encontre d’Oldrick semblait lancer des poignards effilés. – « D’après ce que l’on a pu comprendre, il nous a dit d’abandonner la mission.
-Et il y a une raison à cela ?
-On n’a pas bien compris la suite, mais il a mentionné le mot « démon » je crois. Je sais, on en a pas vu beaucoup des démons durant la première attaque, mais si vous aviez vu son regard quand il marmonnait à propos du truc qui l’a abîmé… Ben, ça voulait tout dire.
-Comment ça ? demanda timidement Anthezar.
- Wilhelm, on l’effraie pas facilement le bougre. Là, il était plus que terrorisé. J’suis désolé, mais nous on se barre. Je fais confiance à Wilhelm depuis des années et ça nous as toujours porté chance. Et je suis convaincu qu’il n’a pas utilisé le peu de force qui lui restait pour murmurer n’importe quoi. Faites ce que vous voulez, mais j’veux plus rien avoir à faire ici. Et j’vous conseille d’en faire de même. »
Taren tourna le dos au nécromancien et à son serviteur pour aller se mettre au chevet de Wilhelm qui agonisait dans son coin. Il entendit le nécromancien pester à son encontre mais il n’en avait cure. Son vieil ami avait besoin de lui, il avait dont d’autres priorités en tête. Mais quand il s’approcha dudit blessé, ce dernier se mit subitement à hurler à la mort malgré sa trachée en piteux état. Devant une assemblée horrifiée, du sang coula des yeux du pauvre éclaireur qui commençait à se convulser de douleur. Après quelques secondes insoutenables, une bonne partie de son crâne explosa dans une gerbe de sang et de cervelle, aspergeant de liquide rouge plusieurs bandits qui se trouvait là. Les autres reculèrent en criant d’horreur.
« Maintenant, j’en ai assez ! cria une petite voix étonnamment ferme. »
Les bandits se retournèrent vers le nécromancien qui se tenait droit comme un i, les deux bras en avant et une grimace convulsée de rage sur le visage – enfin quelque chose de ressemblant à de la rage vu qu’Anthezar n’était pas vraiment la référence en matière d’intimidation. Même Oldrick s’était retourné vers le nécromancien avec un air de surprise. C’était la première fois que son maître faisait preuve d’une telle sauvagerie, il en était sidéré. Anthezar agita ses bras un instant et lança un nouveau sort. Le corps de feu Wilhelm fut parcouru d’un tremblement et le cadavre au crâne déchiré se leva lentement en claudiquant devant une assemblée qui alternait entre l’incompréhension et la terreur a une vitesse rarement atteinte.
« Voilà, il est comme neuf ! cria Anthezar dont le visage s’empourprait au fur et à mesure. Et il se plaint encore ?
-Gargl, fit la trachée remplit de sang de Wilhelm.
-Non, voilà !! éructa Anthezar. Wilhelm est très content ! Donc vous fermez les craches-merdes qui vous servent de bouches et vous vous mettez AU-BOU-LOT ! Le prochain qui se plaint se fait remplacer de la même manière ! »
Sur ce, le nécromancien jeta un regard furibond aux troupes et se retourna avec force froufrous de capes.
« Il… Il vient de se passer quoi là ? murmura Taren, abasourdi, qui regardait encore fixement le cadavre de feu Wilhelm. »
Oldrick, qui était un peu moins impressionnable que les bandits, regarda Taren d’un air circonspect puis se détourna de la scène. Sa présence peu de temps après l’incident n’allait pas améliorer les choses. Les bandits n’allaient pas mettre longtemps avant de réclamer vengeance, donc partir et les laisser méditer entre eux sur la question pourrait s’avérer plus bénéfique. Une menace est toujours plus inquiétante quand elle n’est pas là après tout.
Alors qu’il partait sur les talons de son maître, Oldrick jeta néanmoins un dernier coup d’œil en arrière. Il vit que le zombi nouvellement créé était parti se mettre au travail et déplaçait déjà du matériel sous les yeux médusés de ses anciens camarades. Le roi revenant non plus n’en revenait toujours pas. Le petit et malingre Anthezar, le grand peureux qu’il était, venait littéralement de perdre la tête et de faire sauter celle d’un des bandits. Non, définitivement, il n’en revenait pas. Après quelques secondes de marche, Oldrick retrouva Anthezar dans sa tente. Le jeune nécromancien avait le souffle court et les poings serrés de rage. Il était assis en tailleur par terre et lisait frénétiquement un parchemin de sa collection pour essayer de se calmer. En vain apparemment, puisqu’Anthezar finit par jeter le papier rageusement en l’air. Oldrick se rapprocha de son maître et posa sa main sur son épaule.
« Tu m’expliques là ?
-Il n’y a rien à expliquer ! cria Anthezar. Ces bons à rien sont plus utiles mort que vivants ! Je n’en peux plus de les entendre dire, sans cesse, qu’ils abandonnent !
-Et c’est pour ça que tu tues un blessé de sang-froid ? Ce n’est pas comme ça qu’ils vont arrêter d’abandonner. Pire, tu leur donne des raisons de…
-Arrête !! »
Le nécromancien venait d’asséner un coup au gantelet d’Oldrick pour qu’il enlève sa main de son épaule.
« Arrête de me rappeler que tu es bien plus compétent que moi ! Je suis ton maître par Nagash ! Là, je passe pour un guignol moi en comparaison du grand et effrayant Oldrick ! Alors j’ai voulu leur… leur rappeler qui était le chef, qui dirige cette opération ! » - Anthezar prit quelques secondes pour avaler difficilement sa salive – « Je… »
Anthezar baissa les bras brusquement et lâcha un soupir douloureux.
« J’ai perdu pied. Je me suis contenté de paniquer et… je l’ai tué, voilà. Reproche-le-moi autant que tu veux.
-Non.
-Comment ? s’étonna Anthezar.
-Tu t’es établi en tant que chef dominant du groupe et tu m’as même surpris avec ton numéro de ‘grand méchant’. A vrai dire, je suis vraiment impressionné par ta performance jusqu’ici.
-Je… Je ne sais…
-Cependant… le coupa Oldrick.
-Ah voilà le reproche, maugréa Anthezar.
-Tu va devoir apprendre à te contrôler. Les sautes d’humeur et les meurtres gratuits, ça a ses limites. Et à l’avenir, n’oublie pas un détail…
-Lequel ? demanda Anthezar avec une petite once de curiosité dans un océan d’attitude blasée.
-J’ai beau être menaçant et dangereux, c’est toi qui m’a ramené d’entre les morts. N’oublie jamais ça… Que le ‘grand et effrayant Oldrick’ est TON serviteur et pas l’inverse. »
Le roi revenant attendit quelques secondes le temps qu’Anthezar digère l’information, puis il croisa les bras sur son torse et regarda à nouveau vers le camp. Le silence se fit pendant quelques secondes alors que le nécromancien réalisait peu à peu ce qui venait de se passer.
« Tu… commença Anthezar
-…n’as pas à contester tes ordres, le coupa Oldrick. Je ne suis que ton conseiller par intermittence, le reste du temps je suis ton ‘serviteur malfaisant’ comme tu le dis toi-même. Rien de plus. Donc assume tes actes, je ne le ferais pas à ta place. De plus, un maître ne s’excuse pas.
-B…Bien ! Oui !» - bredouilla Anthezar qui reprit un air impérieusement ridicule juste après – « J’ai définitivement été supérieurement intelligent en te choisissant pour me servir ! Ha Ha Ha !
-Ça y est, il est redevenu normal, soupira mentalement Oldrick de soulagement. Espérons qu’il se contrôle un peu plus à l’avenir. Quoiqu’il s’améliore au final.Maintenant, il n’y a plus qu’à le remettre sur le bon chemin… Revenons-en au sujet principal, l’éclaireur.
-Ha Ha Ha… Ha… Ah ? fit Anthezar alors qu’il arrêtait son rire machiavélique. Heu, oui… Qu’en penses-tu ?
-Ils veulent nous faire peur, nous prouvez qu’ils peuvent jouer avec nous. Dommage pour eux, c’est raté.
-Mouihihi ! Ils ne sont rien !... Enfin, tu es sûr ? Parce que c’est un peu inquiétant quand même…
-Hmfr, grogna Oldrick. Ce n’est rien de plus qu’une déclaration de guerre ouverte. Ils nous insultent en nous dénigrant pour voir notre réaction. Nous ne tomberons pas dans leur piège. Alors jouons leur jeu et allons-nous battre.
-Exactement !... Attends, quoi ?! s’étrangla Anthezar de surprise. Ils savent où nous sommes, essayons au moins de garder l’avantage de la surprise !
-Hmmm, c’est pas faux. Nous les attaquerons maintenant alors.
-Raaah, bon d’accord ! Je vais faire un plan de bataille réarrangé ! »
Anthezar ne l’entendit pas, mais Oldrick rigolait doucement entre ses bois. Il en profita même pour regarder le petit être s’échiner de toutes ses forces sur les parchemins environnants pour trouver des idées d’angles d’attaques. Définitivement, il ne s’en était toujours pas lassé. Mais en un sens, et contrairement à ce qu’il venait de dire, il s’inquiétait un peu. Leur adversaire n’était pas stupide. Il avait trouvé leur camp et avait même tenté de jouer avec leurs nerfs. Le gars en question n’était pas né de la dernière pluie. Mais alors pourquoi ne pas avoir attaqué le campement ?... Peut-être que…
« Vous voulez faire ça dans les règles ?? hurla Renata. »
Le convoi avait repris sa route aux aurores. Les gardes n’avaient que peu dormi durant la nuit et le moral ambiant n’était pas au plus haut, mais Priestlicheim n’était plus qu’à un jour de marche. C’était ce simple fait qui leur faisait garder espoir pour le moment et leur permettait d’avancer malgré la menace d’une embuscade. Hjalmar venait de revenir d’une petite mission de reconnaissance des environs à la demande de Hans qui avait confiance en les qualités de pisteurs du norse. Mais quand le nordique était revenu faire son rapport à Renata, cette dernière n’apprécia que peu les nouvelles…
La capitaine mercenaire d’ailleurs - qui essayait de s’empêcher de sauter à la gorge de Hjalmar - réalisa alors que sa saute d’humeur risquait justement d’attirer l’attention des autres membres du convoi. Elle leur fit un signe de la main pour leur dire que ce n’était rien, qu’elle gérait le problème seule. Les autres gardes haussèrent les épaules et retournèrent à leur mutisme habituel. C’est qu’ils commençaient à s’habituer au petit ménage entre ces deux-là. Depuis la nuit dernière, la capitaine ne le lâchait plus, alors forcément les soldats s’étaient fait une opinion personnelle sur la question. Mais ils ne souhaitaient pas l’énoncer tout haut, la capitaine Kellerman avait une sacrée droite mine de rien... Une fois sûre que la situation n’allait pas dégénérer, Renata se tourna vers le norse qui affichait un petit sourire entendu.
« Oooh, enlevez-moi ça tout de suite ! lui reprocha-t-elle. »
Hjalmar lui répondit avec un sourire encore plus radieux, ce qui fit grommeler Renata. La capitaine releva une mèche inexistante de son front par habitude et essaya de reprendre un air calme. Elle ne voulait pas lui laisser le plaisir de jouer avec ses nerfs, pas encore.
« La prochaine fois que vous faites quelque chose d’aussi stupide, je vous…
-Tue ? la coupa Hjalmar pour la taquiner.
-Non, je vous coupe une jambe, ça vous empêchera de courir partout. Non mais sérieusement, qu’est-ce qui vous est passé par la tête ?
- J’ai été aussi surpris que vous de le savoir encore en vie, mais il méritait de rejoindre ses camarades plutôt que de se vider de son sang sur le sol d’une clairière anonyme. Je l’ai remarqué en partant et je l’ai amené avec moi, fin du problème. Et puis, j’ai pu apercevoir leur camp, les forces en présence. Ce sera une partie de plaisir cette embuscade.
-Vous avez ramené un prisonnier ennemi dans son camp pour la forme ? C’était censé être une mission de reconnaissance ! Pas une mission de sauvetage stupide !
-…
-Il va les renseigner sur nous !
- Au vu de son état, il ne dira pas grand-chose. Et puis, ils avaient l’avantage de la peur, de l’élément de surprise pour le moment. Ils devaient se croire à l’abri. Maintenant, ils doivent douter de leur prétendue position de force. Il fallait leur envoyer un message. Je veux qu’ils soient sur leur garde.
-Mais pourquoi bon sang ?!
-Pourquoi ? J’attends ce combat depuis hier, je n’ai pas envie qu’il se finisse en quelques minutes parce que ces idiots allaient nous charger directement sans réfléchir.
- Nous n’aurions pas dû te choisir pour cette mission d’exploration …
-Parce que vous aviez un autre choix ? »
Renata leva les yeux au ciel. Elle savait pertinemment que cette discussion n’irait nulle part, ce norse était bien trop borné pour réaliser la bêtise de son action. Il s’amusait de la situation et de sa colère à son encontre comme si de rien était.
« Laissez tombez… Le mal est fait. Je vais tenir Hans au courant. De toute façon je vois déjà à son regard qu’il a des questions à poser. Maintenant, restez-là et éviter de… faire quoi que ce soit. »
La capitaine partit en trombe sans un regard vers Hjalmar. Son exaspération était presque tangible, mais le norse n’en prit pas ombrage. Bien peu de chose inquiétait Hjalmar et une capitaine en colère n’en était certainement pas une. Même s’il trouvait cela quelque peu amusant de la taquiner… Après un haussement d’épaule évocateur, Hjalmar reprit un rythme de marche plus habituel pour rattraper le groupe principal.
Le norse voyait déjà la scène à venir : tout un groupe de bandits, sur leurs gardes, qui allaient les prendre en embuscade. Avec de la chance, l’un d’entre eux allait accepter un duel, peut-être le chef ? A cette idée, et pour la première fois depuis un long moment, Hjalmar ressentit de l’excitation. Cela faisait une éternité qu’il n’avait pas eu un défi en bon et due forme et très franchement, cela lui manquait atrocement. Quel intérêt aurait-il eu à attaquer discrètement leur campement ? C’était bien trop facile, trop convenu. Le simple fait d’échanger son nom avec son adversaire, pouvoir le regarder dans le blanc des yeux et le saluer avant de commencer le ballet du combat dans un lieu choisi pour se battre. Voilà comment un vrai combat devait se dérouler d’après le nordique. Mais ces choses si « élémentaires » pour le norse lui avaient été refusées par la majorité des démons à chaque fois qu’il les combattait. Ces monstres décérébrés se contentaient de lui sauter dessus sans plus réfléchir… Ou bien ils fuyaient en lui lançant des sorts à la figure, à peine mieux donc. Maintenant, Hjalmar voulait juste pouvoir rencontrer quelqu’un avec un minimum d’honneur. Etait-ce trop demander ?! Bon, oui, c’était beaucoup demander à des voleurs, mais on pouvait toujours espérer, non ?
Du coin de l’œil, Hjalmar remarqua que les deux bandits l’évitaient soigneusement - celui qui l’avait agressé la dernière fois en particulier. Il n’y avait rien d’étonnant à cela, se dit le norse, mais il avait d’autres soucis en tête. La nuit dernière et son déroulement avait quelque peu chamboulé Hjalmar entre sa crise, sa biographie réduite à Renata et le message des dieux… Cela faisait beaucoup à digérer et il ne savait pas vraiment quoi en penser. Quand les dieux s’étaient exprimés, les voix lancinantes avaient disparues, comme si son passage dans les royaumes n’était enfin plus qu’un mauvais souvenir. Mais il aurait été bien trop beau que cela dure. Quelques heures plus tard, les voix étaient déjà revenues à la charge, sauf que cette fois il avait retrouvé la conviction de les confronter, de les repousser voire de les contenir. Hjalmar n’avait aucune idée de quand et comment sa prochaine crise pouvait se déclencher et le risque était toujours présent, mais au moins il se sentait un peu plus stable qu’auparavant.
Pff… Stable. Comme s’il l’avait jamais été, ricana-t-il tristement.
*** ***
Voilà, j'espère que ça vous a plu ! Le ou les prochains chapitres termineront cette petite histoire qui m'aura tout de même prise pas mal de temps Du coup, je vais essayer d'avancer au plus vite sur ça. C'est que j'ai d'autres projets à commencer...
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- Les livres dans le paquetage du nordique...:
La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
Tome 3 : Foi Furieuse
Je vous conseille de le télécharger, mettre l'affichage en deux pages et, si possible, activer le mode "Afficher la page de couverture en mode Deux pages" sous Adode Reader (en gros juste pour s'assurer que les pages sont bien affichées comme dans le vrai livre et non décalées)
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mer 11 Jan 2017 - 21:33
je sais pas vous, mais moi j'veux le duel^^
petite question… étant donné que les deux protagonistes-à-baston ont des connaissances communes, cela va-t-il intervenir dans leurs relations?
pauvre p'tit eclaireur… en un sens, il a eu de la chance de tomber sur lui plutôt que sur les hommes-betes… enfin je crois…
petit pouce levé pour Anthezar, c'est assez marrant d'avoir un zombie en direct, j'aime beaucoup cette façon de montrer la magie
petite question… étant donné que les deux protagonistes-à-baston ont des connaissances communes, cela va-t-il intervenir dans leurs relations?
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Ethgrì-Wyrda, Capitaine de Cythral, membre du clan Du Datia Yawe, archer d'Athel Loren, comte non-vampire, maitre en récits inachevés, amoureux à plein temps, poète quand ça lui prend, surnommé le chasseur de noms, le tueur de chimères, le bouffeur de salades, maitre espion du conseil de la forêt, la loutre-papillon…
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mer 11 Jan 2017 - 22:00
En supposant que les deux protagonistes susnommés sont Hjalmar et Oldrick, je ne vois pas trop de quelles connaissances communes tu veux parler malheureusement... Peut-être Von essen si on considère que Hjalmar l'a rencontré en méta à la taverne ?Ethgri Wyrda a écrit:petite question… étant donné que les deux protagonistes-à-baston ont des connaissances communes, cela va-t-il intervenir dans leurs relations?
Aurais-je été un peu rapide pour relever le zombie ? Je dois avouer que je ne suis pas un spécialiste de la nécromancie donc j'ai peut-être dû louper un détail. Après de mon point de vue, un zombie ça se relève facilement, du moins bien plus qu'un roi revenant par exemple.Ethgri Wyrda a écrit:petit pouce levé pour Anthezar, c'est assez marrant d'avoir un zombie en direct, j'aime beaucoup cette façon de montrer la magie
Et moi donc ! La scène va probablement être un enfer à écrire pour rendre ça aussi intéressant et épique qu'elle mérite de l'être mais je vais faire de mon mieux !Ethgri Wyrda a écrit:je sais pas vous, mais moi j'veux le duel^^
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mer 11 Jan 2017 - 22:17
ha… si Hjalmar n'est pas encore passé à la taverne, c'est sûr que ça complique^^En supposant que les deux protagonistes susnommés sont Hjalmar et Oldrick, je ne vois pas trop de quelles connaissances communes tu veux parler malheureusement...
mais oui, je parle entre autre de lui, et de tout ceux de la taverne passés au tournois, il y en a pas mal quand même
non, non, justement, j'aime beaucoup la façon dont tu l'as fait! il a besoin de montrer qu'il est le chef, alors il en tue un pouf! et il s'en fait un zombie, "j'ai même pas besoin de vous, alors vous obéissez ou je continue avec les autres!"Aurais-je été un peu rapide pour relever le zombie ? Je dois avouer que je ne suis pas un spécialiste de la nécromancie donc j'ai peut-être dû louper un détail. Après de mon point de vue, un zombie ça se relève facilement, du moins bien plus qu'un roi revenant par exemple.
j'ai oublié de dire LA SUITE!!!!!
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mer 11 Jan 2017 - 22:36
Il se trouve que mes récits sont dans une chronologie un brin compliquée... Je considère que la saga de Hjalmar commence avec le tournoi de Havras et la suite complète des événements (Havras, Quête Improbable, tournoi de Géorgie, tournoi du fort du sang et combattre l'acier par l'acier donc.) Ce qui fait que le Hjalmar de la taverne, ben c'est celui du avant Havras puisque le personnage "post-Havras" passe par quelques changements mentaux comme qui dirait...ha… si Hjalmar n'est pas encore passé à la taverne, c'est sûr que ça complique^^
Et comme Hjalmar a passé la période du tournoi du fort du sang dans les royaumes du chaos, ben il est pas trop au courant de ce qui s'est passé dans le vieux monde et donc il ne sait rien du tournoi du fort du sang.
C'est un souci qui m'est venu a l'esprit il n'y a pas longtemps et il me gêne pas mal... Donc a l'avenir, je vais éviter de lier Hjalmar de la saga aux événements du forum pour éviter des bourdes chronologiques Mais je garde ton idée, une petite phrase ou un nom pourrait arriver dans la conversation et cela ajouterait un certain côté comique voire absurde qui ne me déplait pas
Pour la question d'Anthezar, merci pour le retour j'apprécie de savoir que la scène a eu l'effet escompté.
PS: Je vais probablement mettre des liens pour permettre aux gens de s'y retrouver chronologiquement incessamment sous peu.
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 13 Jan 2017 - 21:16
On parle de moi ?Hjalmar Oksilden a écrit:Peut-être Von essen
Je suis très content d'avoir enfin trouvé l'occasion d'avoir rattrapé mon retard, et très dépité de rester sur ma faim ! De l'action ! De l'action !
C'est une escorte très hétéroclite que tu nous décris là : des mercenaires de tout poil surveillant une noble dame impériale, des repris de justice et un norse qui parle aux dieux J'aimerais en savoir plus sur les autres mercenaires (à l'instar de Placido, dont on sait qu'il est tiléen) et sur la dame Vonheuffen. Juste un peu plus, je sens bien qu'ils ne sont pas au centre de l'intrigue, mais un peu plus quand même
La suite !!
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 27 Jan 2017 - 14:54
Je plop rapidement pour vous indiquer que j'ai remis à jour la partie précédente qui contenait quelques coquilles et autre erreurs d'après le retour de mon relecteur.
J'en profite aussi pour vous indiquer que la suite avance bien, je dois en être au deux-tiers environ du dernier chapitre. Et maintenant j'aborde la partie difficile de la fin du récit et du final, chose qui pêche généralement chez moi... Mais je vais y mettre du cœur à l'ouvrage !
Donc j'aurais tendance à dire que ladite suite devrait arriver avant deux mois contrairement à la précédente
J'en profite aussi pour vous indiquer que la suite avance bien, je dois en être au deux-tiers environ du dernier chapitre. Et maintenant j'aborde la partie difficile de la fin du récit et du final, chose qui pêche généralement chez moi... Mais je vais y mettre du cœur à l'ouvrage !
Donc j'aurais tendance à dire que ladite suite devrait arriver avant deux mois contrairement à la précédente
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- EssenSeigneur vampire
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Sam 28 Jan 2017 - 13:52
C'est tout à ton honneur !j'ai remis à jour la partie précédente
Je sais d'avance que je ne serai pas déçuMais je vais y mettre du cœur à l'ouvrage !
- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Mer 8 Fév 2017 - 17:40
Je peux vous annoncer que "combattre l'acier par l'acier" est officiellement terminé ! Après des recherches douteuses, des bières, du sang et des larmes et un trop grand nombre d'heures, j'ai enfin fini !
Je vous poste la suite du récit dans l'instant, mais comme je me suis laissé emporter par mon imagination, le tout est sacrément long (au final on est presque aussi long que la quête improbable ). Du coup, je vais faire ça en deux fois et la seconde partie arrivera donc plus tard dans la semaine.
Mais je m'égare, voici donc la suite. en vous souhaitant une bonne lecture :
Le crépuscule s’installa après de longues heures de marche pour le convoi alors que le soleil dispensait ses derniers rayons sur la forêt. Quand Hans Grimmel avait rapporté le résultat de la reconnaissance du nordique, un froid avait parcouru l’assemblée : leurs assaillants étaient toujours là, tout près, et ils se préparaient à une attaque. Pour les membres du convoi, cela signifiait à présent que chaque pas qui les rapprochaient de Priestlicheim était aussi un pas de plus vers l’embuscade certaine que leurs agresseurs leur réservaient. Et à part Hjalmar, personne ne souhaitait voir arriver ce moment.
Les gardes restants n’étaient pas des bleus, il n’en était pas à leur premier convoi, mais ils n’avaient affronté jusque-là que des hommes-bêtes éparpillés dans la forêt, jamais un groupe organisé. Et c’est ce qui expliquait leur état de semi-paranoïa et de concentration constante. Le moindre bruit pouvait être l’indice révélateur, le signal du début de l’attaque. Leurs yeux allaient donc d’un côté à l’autre de la forêt, tentant d’identifier une cape noire ou le reflet fugace d’un rayon de soleil sur de l’acier. Ils tressautaient quand une hirondelle sautait brusquement d’un arbre ou quand l’un d’entre eux éternuaient. La situation leur était insoutenable, mais ils tenaient néanmoins la ligne. Envers et contre tout, ils allaient garder leur position, parce que malgré la peur ils avaient quelqu’un vers qui regarder. Des six gardes restants, certains s’inspiraient de l’excitation de Hjalmar - après tout ils voulaient en découdre avec ceux qui avaient tués leurs amis. D’autres cherchaient leur courage dans le regard plein d’espoir de Renata ou les vers fredonnés de Placido. Mais surtout, aucun des gardes ne voulaient décevoir Hans Grimmel, leur capitaine. Le vieux briscard, comme ils aimaient l’appeler, était la pierre centrale du groupe, celui qui avait toujours réussi à les faire sortir de situation pourtant impossible en ne laissant jamais personne derrière.
Cependant, à l’avant du groupe, bien en vue du capitaine Grimmel, les deux prisonniers tenaient un autre discours. Entre la menace bien réelle du nordique et celle, invisible, des bandits... Ils ne savaient plus vraiment où donner de la tête. D’ailleurs, ils se disaient finalement que cette idée de reconversion professionnelle en tant qu’éleveur de moutons dans le Wissenland n’était pas si stupide que ça en fait.
Dans l’ensemble donc, et ce malgré quelques différences de points de vue, le groupe se tenait prêt à toute éventualité. Toutes, sauf que le fait qu’il n’y en ait aucune justement.
Anthezar regarda le convoi arriver entre les arbres au loin. Il avait étudié les parchemins de l’art guerrier de Cathay de fond en comble pour trouver la solution à ce problème. Et il pensait l’avoir découverte. L’idée était simple, attaquer l’ennemi à un endroit où il ne s’y attendait pas pour profiter au maximum de l’effet de surprise. Sauf que plus une idée était simple, plus le plan d’attaque était complexe pour la faire fonctionner justement. Il fallait prendre en compte un grand nombre de variables humaines incalculables, choisir un endroit dont la définition même serait le mot ‘banal’, prendre en compte ses variables évidemment, positionner les troupes de façon adéquate, penser aux variables… Cela faisait beaucoup à prendre en compte, oui. Mais après deux heures de recherche sur le chemin, ils avaient trouvé un pan de forêt en ligne droite adéquat. Il n’y avait aucun fourré, aucun ravin, aucun buisson trop haut, aucune cachette trop évidente. C’était parfait. C’était tellement évident qu’il ne verrait jamais le coup venir.
Après avoir enterré sommairement le corps de Wilhelm – le comte ne souhaitait pas de mort-vivant sur les lieux – Anthezar déploya les troupes. Les bandits allaient être disposés en cercle autour du convoi, chacun caché derrière un arbre et prêt à tirer la salve d’accueil. Leurs cachettes n’étaient pas fameuses, mais on se cache souvent mieux en plein jour que dans l’obscurité. D’après Taren, ils avaient à peine assez de munitions pour tirer une ou deux fois. Il allait falloir que ça compte. Les bandits allaient donc être déployés relativement près du convoi pour éviter d’avoir à parcourir une grande distance et ainsi leur permettre d’accéder rapidement au corps à corps. Le but étant d’éviter qu’ils subissent un tir de riposte en chargeant juste derrière leur premier tir et ainsi profiter de la débandade. Oldrick, lui, rentrerait juste après dans le combat pour mener l’assaut et ajouter un facteur psychologique dans la balance. Mais la mission principale du roi revenant était de l’escorter, lui, le génie militaire (*insérez un rire diabolique*), jusqu’au chariot.
En attendant, il resterait derrière pour soutenir l’assaut avec un sort bien placé… S’il arrivait à se concentrer malgré le stress. Sa main gauche tressautait tellement qu’elle avait l’air d’avoir sa propre volonté. Le nécromancien ferma les yeux et récita une demi-douzaine de sorts mineurs dans sa tête pour se reconcentrer. Il rouvrit les yeux. La main tressautait moins, c’était déjà ça. Maintenant, il restait le problème du reste du corps.
Un gant de plates noires se posa sur son épaule droite. La surprise passée, Anthezar reconnu le visage cauchemardesque d’Oldrick, une vision qui le rassura quelque peu. Le roi revenant lui fit un signe de la tête pour lui signaler que tout le monde était en place. Ils allaient donc pouvoir commencer. Anthezar déglutit bruyamment et leva son bras gauche, bien en vue de Taren qui relaierait le signal.
Du côté du convoi, Hans avait demandé à ce que l’on repositionne certaines personnes pour éviter les angles morts dans leur champ de vision. Les prisonniers resteraient à l’avant, la zone la plus sensible, pour éviter des pertes inutiles et aussi les garder en vue plus facilement. Renata et Placido allaient se poster respectivement sur la gauche et la droite et Hjalmar se positionnerait à l’arrière. Les mercenaires avaient comme mission de servir de point de rassemblement sur les flancs et le nordique devait avoir un champ de vision suffisamment global sur le futur champ de bataille pour pouvoir réagir au plus vite. De plus, l’arrière avait peu de chance d’être attaqué, ce qui le laissait libre dans ses mouvements. Hans en avait suffisamment entendu sur le gaillard pour savoir qu’il était leur meilleure chance d’en finir au plus vite. Surtout si les gars d’en face avaient un atout de leur côté aussi… Hans, lui, dirigeait le chariot et tenait la bride des chevaux. Il savait que les pauvres bêtes allaient être les premières à tomber et que lui-même était une cible facile vu qu’il était en hauteur. Mais s’il pouvait prendre un tir à la place d’un de ses hommes, cela valait mieux. Et puis de là-haut, il avait la meilleure vue sur les environs. Maintenant, il n’avait plus qu’à prier pour que la damoiselle là-dessous ne se prenne pas une balle perdue… Quoi que maintenant qu’il y repensait, ce ne serait pas une grande perte. Quand il lui avait annoncé le changement de route du convoi vers le temple sigmarite de Priestlicheim, elle s’était contenté d’une grimace exaspérée et d’un geste négligée de la main pour lui dire de partir. Elle n’avait rien dit mais il avait bien senti le flot d’insultes qu’elle se gardait pour elle-même. Maudit nobles, toujours à penser qu’ils sont au-dessus de tout le monde…
Le vétéran se sortit de ses rêveries d’un mouvement de tête, ce n’était pas le moment de se laisser aller. Il reporta son regard aux alentours. Apparemment, tout allait bien pour le moment, il valait donc mieux être encore plus vigilant. L’expérience lui avait appris que l’on était parfois bien plus en sécurité dans un marais sylvanien qu’au chaud dans un boudoir d’Altdorf. Le carrobourgeois regarda sur son flanc droit pour constater que Placido pavanait comme à son habitude. Il sifflotait un air avec un autre garde tout en dodelinant de la tête. Hans fit une moue désapprobatrice pour lui-même et regarda sur son flanc gauche. Il remarqua alors que Renata avait légèrement reculé par rapport à la formation. Elle devait être partie pour discuter avec le norse. Le vieux capitaine roula des yeux et reporta son attention sur la route. De tous les hommes, elle avait porté son attention sur celui-là. Décidément, elle aimait vivre dangereusement, se dit-il en grommelant… Maintenant, il fallait espérer que ce trio puisse porter le groupe efficacement.
En effet, à l’arrière du convoi, Renata s’était rapprochée du nordique qui suivait nonchalamment la marche du groupe avec sa hache posée sur son épaule. La capitaine mercenaire jeta quelques coups d’œil vers le norse pour voir s’il allait commencer la conversation, mais rien ne vint.
« Vous comptez vous excusez un jour ? lui lança-t-elle.
-De… ? lui répondit-il de façon distraite.
-L’éclaireur ? Votre choix stupide d’auparavant ?
-Haaaa, oui celui-là. Nan. »
La capitaine se retourna à demi avec un soupir exaspéré en le fusillant du regard et Hjalmar lui rendit le sourire franc de l’imbécile qui savait pertinemment ce qu’il faisait. Une réponse pareille était sans équivoque, elle ne tirerait rien de plus du nordique. Renata leva alors les yeux au ciel mais avec un demi-sourire. L’insouciance de ce gaillard était tellement insolente qu’elle en était contagieuse apparemment.
« En attendant qu’ils nous tombent dessus, je peux vous posez une question ? enchaîna Renata.
-Allez-y.
-Votre hache. Vous la trimballez comme un porte-bonheur mais je ne vous ai jamais vu l’utiliser. Il y a raison à ça ?
-Oh ça… Eh bien, disons que je garde Vafnir pour des occasions très spécifiques. »
Renata jeta un regard rapide vers ce qu’elle pouvait apercevoir de ladite hache à deux mains. Il n’y avait rien de particulièrement notable chez cette dernière si ce n’est qu’elle était entourée de bandages de cuir clair qui recouvrait son manche et son fer en bonne partie.
« Elle a même son petit nom en plus ? Dites-donc c’est une vraie histoire d’amour… Vous me la présenterez un jour ? dit Renata pour taquiner Hjalmar avec un coup amical dans les côtes.
-Honnêtement, j’espère que non, répondit le norse dont le sourire s’était attristé. Pour mon peuple, une arme vit au même titre que son propriétaire. Elle est liée à lui et à ses batailles et l’accompagne dans la mort. De ce fait, elle s’imprègne de ses combats et expériences passées et inversement pour son propriétaire. Or, pour le moment, la seule fois où je l’ai utilisée c’était pour commettre un génocide démoniaque donc… je préfère ne pas m’en servir. Pas encore.
-Ah. Compréhensible… »
La plaisanterie ayant tourné relativement court, la mercenaire se retrouva bien embarrassée. Pour tenter de raviver la conversation et permettre à Hjalmar de penser à autre chose, elle enchaîna sur une autre question.
« Dites. Si nous nous en sortons, que comptez-vous faire après tout ça ? Je serais étonné que vous alliez vous livrez au Marteau d’argent de vous-même.
-C’est pas faux, gloussa Hjalmar. Je ne sais même plus vraiment pourquoi ils me pourchassent d’ailleurs… Bah, on s’en moque. Eh bien, d’habitude j’improvise.
-Que diriez-vous de nous suivre Placido et moi-même ? La vie de mercenaire a ses atouts et vous auriez votre lot de ‘combats’. »
Renata avait prononcé le dernier mot en prenant un air grandiloquent et bourru pour tenter d’imiter le norse. Cela fit bien sourire l’intéressé qui après quelques secondes de réflexion finit par donner sa réponse.
« J’y réfléchirais.
-Pas trop longtemps j’espère, nous partirons dès notre arrivée à Priestlicheim... Vous me promettez que vous ne partirez pas de votre côté à l’improviste d’ailleurs ?
-Promis, répondit Hjalmar en gloussant. Je le jure sur mon honneur.
-Je préfère… Il y a un problème ? »
Le norse avait perdu son air jovial et semblait regarder ailleurs, il avait l’air de compter à voix basse.
« Vous devriez retourner avec les autres.
-Pourquoi ? demanda-t-elle en jetant brièvement un œil aux bois environnants. Il n’y a rien ici.
-Justement. » - Hjalmar s’arrêta sur place subitement avec un air légèrement surpris mais satisfait – « Eh… Ils ne sont pas mauvais en fait. »
L’instant d’après, le monde ne devint que bruits et fureur alors que la détonation d’une dizaine d’armes à feu emplissait la forêt de leur vacarme.
Lorsque Hans Grimmel se releva, les combats avaient déjà commencés. Il avait sauté à gauche de la carriole par instinct et cela lui avait probablement sauvé la vie vue qu’il était sûr d’avoir entendu une balle siffler près de son oreille… Après avoir attendu que ses vieux os arrêtent de protester, le capitaine tenta d’analyser la situation tout en attrapant sa fidèle zweihänder - aux grands maux, les grands remèdes disait l’adage. S’il se souvenait bien de ce qu’il avait vu sur le flanc droit, un des gars avait été blessé et Placido courait vers l’ennemi avec sa rapière et son pistolet en hurlant. Il n’y avait plus qu’à espérer que tout se passe bien de ce côté. Mais pour le moment, le vacarme continuait. Des coups de feu continuèrent à fuser alors que deux autres balles partaient se ficher dans le haut du chariot avec un bruit sourd. Un hurlement provenant de l’arrière du convoi indiqua au capitaine qu’un des gardes venait d’être blessé ou pire. La fumée des tirs combinée à la lumière vacillante de l’astre du jour rendit la scène plus que confuse pour Hans qui crut néanmoins distinguer des formes humaines courir vers le convoi depuis la forêt environnante.
Un coup d’œil à sa droite lui indiqua que les deux prisonniers avaient commencé à se battre, l’un des deux était blessé et à terre avec son adversaire, l’autre s’enfuyait à travers la forêt en étant poursuivi par son assaillant. Les chevaux étaient morts, l’un des deux tressautait encore alors que la vie le quittait. Hans jura bruyamment et courut vers le garde le plus proche… qui se tenait la gorge alors que du sang coulait abondamment entre ses doigts. Le pauvre homme s’effondra l’instant d’après aux pieds du capitaine en crachotant ce qu’il lui restait de trachée. Immobile, Hans regarda le soldat s’étouffer dans son propre sang sans pouvoir agir. Les jointures des mains du capitaine blanchirent sur sa zweihänder alors la culpabilité étreignait le cœur du vieil homme en même temps que la rage de la vengeance. Il était responsable de tous ces hommes, c’était son devoir de les ramener sain et sauf auprès de leurs familles et ces maudits bandits l’en empêchaient. Ils brisaient ses espoirs de ramener chacun des membres de ce foutu convoi en vie. Et chaque échec, chaque mort était de trop pour le vieux capitaine, alors il allait les faire payer au centuple.
Quand il se retourna avec une larme à l’œil, le cri rauque de deux bandits se rapprochait rapidement à travers l’épaisse fumée de la poudre. Pour Hans, c’était l’occasion parfaite de payer sa dette envers le jeunot qui venait de mourir. Le capitaine dégaina son pistolet et tira sans sourciller vers la première forme qui s’effondra sur place en se tenant ce qui devait être ses tripes. La deuxième forme remarqua cela et se déplaça vers Hans d’une marche rapide mais assurée. Les dents du capitaine se serrèrent encore plus alors qu’il canalisait sa colère en jetant son pistolet au sol. Une fois suffisamment près, le deuxième bandit leva une hachette qu’il tenta d’abattre sur Hans. Mais le carrobourgeois était un vétéran et un coup aussi malhabile n’allait pas faire grand mal. Une esquive plus tard, la lame de la zweihänder siffla dans l’air et sectionna le bras maintenant exposé du bandit. Ce dernier eut à peine le temps de prononcer le début d’un cri de douleur qu’il se faisait trancher la gorge d’un revers agressif. Alors que le bandit s’écroulait en avant, Hans essaya d’analyser à nouveau le champ de bataille. La fumée se dissipait lentement mais l’absence de lumière commençait à se faire sentir. Néanmoins, le capitaine distingua deux autres formes qui se déplaçaient droit vers le chariot.
« Oh non ! grogna-t-il. Vous ne l’aurez pas ! Pas après tout ça ! »
Le capitaine courut droit vers le plus grand des deux assaillants et se prépara à lancer une taille vers ce qu’il estimait être sa tête. L’ayant remarqué, la future victime du courroux du capitaine se plaça face à ce dernier et se mit en garde. L’autre forme opéra une retraite précipitée et s’écarta de la trajectoire du vétéran.
Et c’est à ce moment précis qu’une bourrasque de vent souffla. Elle emporta avec elle le peu de fumée restante et dévoila à la place de la forme un colosse en armure noire avec une lourde cape de fourrure sur le dos. Maintenant qu’il pouvait décrire son opposant, Hans s’arrêta net dans sa course. Il avait beau avoir vu de sacrées horreurs, ce qui se tenait devant lui était d’un autre acabit. Entouré d’ombres plus noires que la nuit, le crâne rehaussé de bois de cerfs du mort-vivant s’agita légèrement et un son guttural pouvant s’apparenter à un rire sortit de sa mâchoire anguleuse. Les orbites rouges et flamboyantes de l’abomination infernale fixèrent longuement le capitaine, le tétanisant littéralement. Pour Hans, toute pensée était impossible à part une question qu’il se répétait en boucle : Comment était-il censé affronter cette chose ?
« M… Mais qu’est-ce que tu es ?! balbutia Hans.
- Ça, tu ne le sauras jamais, lui répondit une voix rocailleuse avec un étrange accent du nord. »
Le revenant dégaina une épée plus ancienne que des cités et, sans plus de ménagement, assomma le carrobourgeois avec le pommeau. Le corps du capitaine venait de toucher le sol quand une voix stridente s’exclama depuis un arbre non loin :
« Ouaaais ! Bravo Oldrick ! Tu lui as montré de quoi tu étais capable ! Je savais que le sortilège du « cavalier de l’effroi » te serait utile ! »
Pour corroborer l’exclamation, l’ombre dont Oldrick était nimbé disparue peu de temps après. Anthezar avait effectivement réussi à lancer un petit sortilège en vitesse en voyant arriver le vétéran, mais le fait qu’il ait été lancé dans la panique diminuait considérablement sa durée. Le roi revenant, cependant, ne semblait pas satisfait du résultat.
«Définitivement, pour l’entrée je préfère mon cri de guerre... se disait-il en rangeant son arme. »
Ce qu’Oldrick ne disait pas, c’est que même s’il n’appréciait pas d’avoir gagné ce combat grâce à un artifice si grossier, il était aussi passablement déçu de la piètre performance de celui qu’il avait estimé être le capitaine du convoi. Apparemment, il ne s’agissait pas de l’homme qui avait ramené l’éclaireur au camp. Le roi revenant étudia donc les environs plus en détails, il devait bien être quelque part.
« Voyons voir… maugréa-t-il en balançant son regard. »
L’avant du convoi était à présent vide, il ne pouvait pas voir le flanc droit et le flanc gauche était pratiquement terminé, non… ? *Proulf* fit le cadavre d’un bandit qui s’écroula à ses pieds en gargouillant, une épée plantée dans le dos... Apparemment non.
Oldrick se déplaça pour se mettre devant Anthezar au cas où. Le nécromancien ne se fit d’ailleurs pas prier et s’abrita derrière le colosse. Alors que le roi revenant se tournait, il put constater que l’attaque sur le flanc gauche était un échec cuisant. Il ne restait que deux personnes en vie et ils n’étaient pas dans leur camp. Une mercenaire avec un bouclier et… une armurerie ambulante ? Ah non, apparemment, entre deux armes il y avait un grand gaillard barbu qui achevait un bandit d’un revers de main. Il ne fallut pas longtemps à Oldrick pour se convaincre qu’il venait de trouver l’auteur du sauvetage miracle. Les choses devenaient enfin intéressantes. De leur côté, les deux combattants avaient marqué la pause en voyant le roi revenant. Plutôt normal jusque-là. La femme tenait le coup cependant, mais après quelques passes elle devrait tomber comme les autres. L’autre type, lui… s’esclaffait ? Bien moins normal d’un seul coup, se dit Oldrick qui, intrigué, se mit involontairement à pencher de la tête. En effet, le grand nordique était pris d’un fou rire et se tenait presque les côtes. Au grand étonnement de la femme apparemment qui lui lançait même un regard furieux.
« Mais pourquoi est-ce que vous riez ?! cria-t-elle. »
Le nordique finit par se calmer à moitié et, toujours agité de quelques spasmes d’hilarité, finit par prendre la parole à son tour.
« Ma-gni-fi-que ! Vous êtes magnifique ! Oh, bon sang si je m’attendais à ça. Les dieux doivent vraiment m’apprécier pour me faire un cadeau pareil !
-Mais de quoi il parle ? susurra Anthezar à Oldrick.
-Pas la moindre idée. »
La mercenaire s’impatienta et après une série de regards mélangeant admiration et effarement, elle fit jouer son épée dans sa main et reprit :
« Cadeau ? Votre cadeau a assommé Hans par la sainte grâce de Myrmidia ! » - La capitaine mercenaire se calma quelque peu et retrouva sa détermination – « Vous savez comment on peut vaincre ce démon ?
-Mort-vivant, s’il te plaît, déclama Hjalmar avec nonchalance. Et un beau spécimen. Il suffit juste de trouver son maître et le problème sera réglé. A moins que… »
Le norse ne prit pas compte du regard effaré que Renata lui décerna et entreprit de regarder Oldrick dans le rouge des orbites pendant quelques secondes. Le revenant se sentit quelque peu mal à l’aise en soutenant le regard du guerrier barbu. Il y avait quelque chose d’étrange chez lui, mais il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.
« Je n’ai rien dit, s’exclama-t-il subitement avec un sourire en coin. Il m’a l’air plus intéressant que les autres.
-Et pourquoi cela ? répondit Oldrick qui se sentit concerné par l’affirmation.
-Parce que tu réfléchis au lieu d’attaquer bêtement. Les autres cadavres que j’ai rencontrés n’étaient rien de plus que des meubles tirés par un marionnettiste. Ce n’est pas ton cas. »
Oldrick était perdu. Mais d’où sortait ce type ? Il avait l’impression qu’il lisait en lui comme dans un livre ouvert. De son côté, Renata était tout aussi décontenancé par la situation.
« Mais de quoi vous parlez ? murmura-t-elle.
-Quelque chose que lui seul peut comprendre, lui répondit-il en aparté. Faites le tour et allez aider Placido, je vais les retenir.
-Tout seul ? Hors de question, je… !
-Partez, maintenant. »
L’ordre ne laissait pas de place au doute, Hjalmar voulait qu’elle s’en aille. Cela l’enrageait, mais il avait raison. Contre un monstre pareil elle n’arriverait à rien, mais elle pouvait toujours ramener des renforts… Renata acquiesça avec une grimace et entreprit de faire le tour.
« Eh ! Elle s’écha…
-Tais-toi, tonna Oldrick qui coupa Anthezar. »
Hjalmar s’approcha de la porte du chariot et se posta devant tout en gardant son regard fixé sur le roi revenant qui restait perplexe devant la scène.
« Qui es-tu ? reprit ce dernier.
-Ah, ça, je ne te le dirais que si tu acceptes quelque chose. »
Le roi revenant garda le silence pour indiquer à son interlocuteur qu’il allait devoir développer.
« J’ai cru deviner que vous vouliez accéder à l’intérieur du chariot. Correct ?
-Exact ! Alors bouge ou mon serviteur te réduira à néant ! lança la voix fluette d’Anthezar de derrière le roi revenant.
-Dans ce cas, il faudra me passer sur le corps, continua Hjalmar en ignorant la menace. Ce qui implique… que je te défie, seul à seul, ici et maintenant dans un duel par les armes. Acceptes-tu ?»
Cette fois, ce fut au tour d’Oldrick de s’esclaffer.
« Pourquoi tant de forme ? Ce combat allait avoir lieu de toute manière !
-Voilà qui fait plaisir à entendre, répondit Hjalmar en croisant les bras sur son torse. Mais acceptes-tu de participer à ce duel selon les règles de l’honneur ? »
Oldrick finit par comprendre où son adversaire voulait en venir. Il voulait un duel « seul à seul », il l’avait dit juste avant. C’est pour cela qu’il avait envoyé l’autre guerrière ailleurs et qu’il lui demandait de respecter les règles : parce qu’ainsi Anthezar était hors de danger. Il n’avait plus le choix, ce type l’avait piégé. Oldrick sourit encore plus que d’habitude de toutes ses dents, un exploit pour un crâne.
« Avec plaisir. Vouloir mourir pour son honneur est une noble cause que je respecte, guerrier. Mais elle est futile. J’accèderais à ce chariot quoi qu’il arrive.
-Et pourquoi cela ?
-Parce que mon maître me l’a ordonné, voyons. »
Anthezar releva la pique que son serviteur venait de lui envoyer et lui lança une onomatopée indignée. Après un bref sourire, le norse décroisa les bras et avança d’un pas tout en dégainant une épée et une dague dans le même mouvement. Il ne pouvait pas être plus heureux, enfin un rival digne de ce nom, ou du moins un qui n’essaierait pas de le poignarder dans le dos.
« Merci. Sincèrement, dit Hjalmar sur un ton compatissant. »
Oldrick ne comprit pas vraiment ce que le guerrier laissait entendre par cela, mais en voyant qu’avec son signe de la main il le laissait se présenter, le revenant continua. Il s’avança donc lui aussi d’un pas et ramena son épée parcourue de runes en la pointant vers son adversaire :
« Mon nom est Oldrick, le seigneur des batailles.
-Et mon nom est Hjalmar Oksilden, heureux de faire ta connaissance Oldrick. »
Juste derrière Oldrick, Anthezar eu une semi-attaque cardiaque. Alors qu’il était dans les tribunes du tournoi du Fort du sang pour soutenir Oldrick, il avait saisi ce nom au passage. Pour être exact, il l’avait entendu de la bouche de l’organisateur dudit tournoi - le chroniqueur Von Essen - lors d’une discussion avec ses invités entre deux combats. C’était mauvais signe. Très mauvais signe. Quand des membres si haut placés dans la hiérarchie vampirique discutait de quelqu’un, c’est que le quelqu’un était important… et dangereux.
« Heuuu, Oldriiick ? bafouilla Anthezar qui s’accrocha subitement à la cape du colosse. C’est peut-être pas une bonne idée en fait…
-Hmm ? »
Oldrick n’écoutait déjà plus le nécromancien. Son dernier duel ‘honorable’ datait du tournoi et il en avait gardé un excellent souvenir. Si cet homme souhaitait réitérer, alors ainsi soit-il.
« Von Essen le connaît ! Il…
-Pardon ?! tonna Oldrick alors que le souvenir du détestable vampire lui revenait en tête.
-Oh, vous connaissez le chroniqueur ? s’étonna Hjalmar. Il va bien ? » - Le nordique cligna des yeux plusieurs fois alors qu’il réalisait qu’il n’avait pas vu le groupe folklorique de la taverne de la non-vie depuis des lustres, depuis son départ pour le tournoi de Havras à vrai dire. – « Est-ce qu’il y avait d’autres vampires, un nain et un elfe avec lui ?
-Je n’en sais rien et je m’en moque, grogna Oldrick. Ce vampire lâche a failli faire tuer mon maître par un ost bretonnien en colère avec ses maudits plans. De plus, comme j’ai gagné son tournoi, il me doit encore un château et un service !
-Il va bien alors, soupira Hjalmar. Il faudrait qu’il arrête d’accumuler les dettes, ça… » - Hjalmar s’arrêta dans sa phrase au moment où son cerveau reconnut un mot en particulier – « Tour…noi ? T’as gagné un tournoi ?
-Oui, et ce maudit… »
Le regard maintenant rempli d’étoile du nordique ne disait rien qui vaille à Oldrick qui préféra ne plus répondre à la question. Hjalmar, lui, en oublia même sa brève indignation à l’encontre de Von Essen qui ne l’avait pas attendu pour un tel évènement. Arborant à présent le sourire carnassier de la joie, il se lança à corps perdu sur Oldrick, toutes armes dehors. Sans broncher, le roi revenant para le premier coup de son bouclier et envoya un estoc de son épée pour faire reculer le norse. Ce dernier évita la lame maudite de peu en reculant d’un pas. Lors de son recul, il en profita pour lancer sa dague sur le visage du revenant. Voyant le projectile arriver, Oldrick le réceptionna avec son bouclier de planche qui vibra sous le choc. Alors qu’il se remettait en garde, le roi revenant vit que Hjalmar avait pris une hachette dans sa main libre à présent.
« Toi, tu vas être diablement intéressant ! jubila le nordique. Voyons si tu mérites ton titre ! »
Au même moment, de l’autre côté du convoi, Renata arrivait pour soutenir le flanc droit. Alors qu’elle dépassait le chariot, elle put contempler l’étendue des dégâts. Sur les trois gardes, un seul tenait encore debout et Placido avait gagné quelques estafilades sur la jambe droite et les côtes mais sa rapière filait encore droit. En face, trois bandits leur tournaient autour tels des rapaces.
Renata chargea le plus proche qui se retourna avec une expression de surprise quand il l’entendit arriver. Le sabre de la mercenaire ne lui fit pas de cadeau et se planta dans sa carotide avec une précision honorable. Un coup de botte plus tard, et la lame était dégagée du corps de feu Stefan, bandit de profession. En voyant cela, Placido réajusta son chapeau rocambolesque pour saluer sa compagnonne qui lui répondit à son tour par un bref signe de tête. Il ne restait maintenant plus que deux bandits, le dernier garde était aux prises avec l’un d’entre eux donc les deux mercenaires se dirigèrent vers l’autre.
« Ça va ? demanda Renata à Placido alors qu’elle se plaçait à ses côtés.
-J’ai connu mieux, répondit le tiléen en serrant les dents. Rassure-moi, le chapeau à survécu ? Je n’ai pas eu le temps de regarder. »
Renata jeta un coup d’œil rapide au couvre-chef maintenant ruiné de Placido. Si cette chose avait été un chapeau, elle n’y ressemblait plus vraiment sauf si on la comparait aux tenues vestimentaires gobelines.
« Il est magnifique.
-Aaaah, merda… soupira Placido. » - le mercenaire tiléen se ragaillardi subitement et fit jouer sa rapière vers le bandit qui leur faisait face. - « Tou as détruit mon chapeau… Ye vais te touer ! »
La fougue avait pris le pas sur la prononciation du mercenaire alors que l’accent tiléen reprenait ses droits d’instinct. Comme pour joindre le geste à la parole, Placido courut vers son adversaire tout en étant suivit de près par Renata. Si la situation n’était pas aussi critique, elle se serait amusé du caprice du tiléen. Il fallait dire qu’il s’attachait bien trop à ses artifices. D’ailleurs, heureusement que sa moustache n’avait pas été touchée, sinon il aurait complètement perdu pied. Mais pour le moment, un type habillé en noir et brandissant une épée de plutôt bonne facture se tenait devant eux.
Taren Hartenbach justement, trouvait que la situation était, selon ses termes, ‘franchement mal barrée’. Ses gars mouraient les uns après les autres et le mage et son serviteur atroce n’était nulle part dans son champ de vision. L’attaque était censée se passer bien mieux que ça ! Pertes minimales, qu’il disait l’autre ! Qu’il essaie de lui redire ça en face ! Enfin, encore faudrait-il qu’il survive pour le revoir… Les deux mercenaires qui avaient déjà massacrés plusieurs de ses hommes au précédent assaut lui fonçaient dessus à présent et cela s’annonçait mal. L’autre type bizarre du sud lui avait même lancé une insulte à propos d’un chapeau. A situations désespérées, mesures désespérées soi-disant, non ? Taren recula et feint une glissade malencontreuse pour poser une main à terre. Il en profita pour attraper un peu de terre et de feuilles qu’il garda dans sa main. Dans le même mouvement, il se remit en garde juste au moment où les deux mercenaires arrivaient à son niveau. Rapidement, Taren jeta la poussière dans les yeux de Renata qui ne put la dissiper entièrement avec son bouclier. La capitaine mercenaire cracha plusieurs fois en se frottant les yeux, elle n’était donc plus en état de répliquer pour le moment. N’écoutant que son désir de vivre, Taren matraqua alors le tiléen enragé de coups de taille pour le forcer à reculer. Il avait l’avantage de la portée avec son épée contrairement à la rapière plus courte de Placido. C’est pour cela que le tiléen faisait tout ce qu’il pouvait pour se rapprocher le plus possible de son adversaire.
Après quelques passes, une fine estafilade se dessina néanmoins sur la joue de Taren à travers le tissu noir. Pestant à l’encontre de Placido, le bandit attaqua avec encore plus de fougue pour faire disparaître le sourire moqueur du visage du tiléen. Mais dans son empressement, il en oublia Renata qui le prit par revers et trancha les tendons arrières de son genou avec la pointe de son sabre. Hurlant et un genou à terre, Taren ne put que contempler la rapière vengeresse de Placido alors qu’elle transperçait son cœur.
« Je suis Placido de la Gioia et mes compagnons ainsi que mon chapeau… sont vengés ! »
Dans son dernier souffle, Taren décocha un regard empli d’incompréhension au tiléen qui jubilait sur place et s’effondra en arrière. Alors qu’il tombait, il tenta de prononcer un début de malédiction à l’encontre du mage noir mais le choc avec le sol l’empêcha de terminer et le fit sombrer définitivement. Voyant que son chef venait de se faire tuer, le dernier bandit prit la poudre d’escampette aussitôt à travers la forêt. Le garde restant se retint de le poursuivre sur un ordre de Placido, ils avaient plus important à faire pour le moment.
« On fait quoi maintenant ? demanda Placido en haletant.
-Hjalmar… se bat de l’autre… côté. » - Renata avait du mal à parler alors qu’elle enlevait les restes de poussière de ses yeux, chose difficile avec des gants – « Il faut… que l’on se dépêche… Ah ! Voilà, ça va mieux. Oui, on doit faire vite, suivez-moi !
-Enfin, on n’entend presque rien de l’autre côté, il doit avoir réussi à…
-Ceci est mon épée, la marchande de douleur ! tonna la voix tonitruante du roi revenant depuis l’autre côté du convoi. Mort à mes ennemis, car vengeance est son nom !
-C’est… C’était quoi ça ? bredouilla le garde restant. Un minotaure ?
-Pire, répliqua Renata qui se remit au trot. »
Placido se garda bien de continuer sa réflexion précédente. La voix abyssale qu’il venait d’entendre ne lui disait rien qui vaille et il ne voulait absolument pas savoir de qui ou quoi elle pouvait bien provenir. De plus, il devait rapiécer son chap…
« Placido !? cria Renata qui avait déjà plusieurs mètres d’avance. »
… ou pas. Le tiléen soupira longuement. Décidément, cette journée ne s’améliorait pas, pourquoi personne ne voulait le laisser tranquille, il venait de tuer quelqu’un bon sang !... Mais il ne pouvait pas laisser la cap’ toute seule. La pauvre risquait de s’enticher d’un autre gus au passage s’il ne la surveillait pas. C’est donc avec son éternel petit sourire et un rapide lissage de la moustache que Placido se mit en mouvement pour rejoindre les deux autres. Lorsqu’il arriva à leur niveau, ils reprirent le chemin tous les trois et entreprirent de dépasser le chariot.
« J’espère qu’il est bientôt mort le bestiau parce que je commence à sérieusement fatiguer ! » - Quand Placido pu enfin voir derrière le chariot et ainsi dévisager le crâne mort de l’adversaire de Hjalmar, il s’arrêta sur place. « Oula ! je disais ça pour rigoler ! »
Blague à part, Placido ne pavanait plus autant qu’avant. Ce qui se tenait devant lui était un pur monstre de cauchemar que la lumière crépusculaire rendait encore plus menaçant. Ses orbites vides brillaient de flammèches rouges qui oscillaient avec chacun de ses mouvements. Elles donnaient entre autres l’impression que quel que soit l’angle, elles vous regardaient profondément dans le blanc des yeux. Une impression plutôt désagréable s’il en est. Mais ce qui marqua particulièrement le tiléen fut surtout la présence impériale du revenant. Placido avait rencontré son lot de nobliaux de pacotille dans les Principautés frontalières et en Tilée, mais il savait aussi reconnaître un vrai roi. Ceux qui n’avait pas besoin de baigner dans de l’or jusqu’au coup pour vous le faire sentir, le simple fait d’exister leur suffisait. Que ce soit dans ses déplacements ou ses attaques, le port du mort-vivant avait quelque chose de droit, de noble. Enfin, du moins autant qu’un squelette engoncé dans une armure lourde puisse en avoir. Même si maintenant qu’il le regardait mieux, la touche macabre de la non-mort lui ajoutait une certaine prestance qui semblait comme figée dans le marbre, un peu comme le sourire du revenant d’ailleurs.
Mais si le trio nouvellement arrivé pu prendre le temps de contempler le roi revenant, cela fut de courte durée. En effet, l’instant d’après, Hjalmar rentrait dans le mort-vivant avec la force d’un boulet de canon mais avec des armes attachées autour. Après un échange bref et brutal, l’épée maudite d’Oldrick brisa le sabre que maniait Hjalmar sans la moindre difficulté. Les deux combattants se séparèrent à nouveau et revinrent à une position d’attente. Hjalmar récupéra alors une nouvelle arme plantée dans le sol et Oldrick réajusta sa prise sur son bouclier. Ils se tournèrent ainsi autour, cherchant une faille dans la défense adverse.
Pour Renata qui avait déjà vu le mort-vivant, c’était le fait de voir le norse combattre qui la surprenait. Elle ne l’avait jamais vu réellement lutter autrement que lors d’une de ses crises, alors la force tranquille affichée à présent par le nordique la surprenait. Tantôt il se baladait tranquillement sur le terrain d’un pas feutré, tantôt il courait en matraquant le sol de ses bottes. Il alternait entre tellement d’attitudes qu’elle se demandait s’il prenait le combat sérieusement. Mais c’est après une nouvelle charge suivie d’un échange rapide que Renata comprit : il s’adaptait. Hjalmar essayait différentes approches, différentes techniques de combat avec des armes variées pour trouver le bon angle d’attaque. Arriver à alterner aussi rapidement entre autant de styles de combats forçait tout simplement le respect. Mais si le revenant dégageait une présence si imposante qu’elle en devenait écrasante, Hjalmar émanait, non, était la menace-même. De sa posture changeante à son regard fou en passant par son sourire en coin, le nordique montrait qu’il était maître de la situation et que chaque faux pas du revenant serait le dernier à coup sûr.
Ils assistaient donc, impuissants, à un combat entre un monolithe impassible et le seul prédateur assez fou pour s’y attaquer.
Comme dit plus haut, la suite arrivera incessamment sous peu
Je vous poste la suite du récit dans l'instant, mais comme je me suis laissé emporter par mon imagination, le tout est sacrément long (au final on est presque aussi long que la quête improbable ). Du coup, je vais faire ça en deux fois et la seconde partie arrivera donc plus tard dans la semaine.
Mais je m'égare, voici donc la suite. en vous souhaitant une bonne lecture :
Le crépuscule s’installa après de longues heures de marche pour le convoi alors que le soleil dispensait ses derniers rayons sur la forêt. Quand Hans Grimmel avait rapporté le résultat de la reconnaissance du nordique, un froid avait parcouru l’assemblée : leurs assaillants étaient toujours là, tout près, et ils se préparaient à une attaque. Pour les membres du convoi, cela signifiait à présent que chaque pas qui les rapprochaient de Priestlicheim était aussi un pas de plus vers l’embuscade certaine que leurs agresseurs leur réservaient. Et à part Hjalmar, personne ne souhaitait voir arriver ce moment.
Les gardes restants n’étaient pas des bleus, il n’en était pas à leur premier convoi, mais ils n’avaient affronté jusque-là que des hommes-bêtes éparpillés dans la forêt, jamais un groupe organisé. Et c’est ce qui expliquait leur état de semi-paranoïa et de concentration constante. Le moindre bruit pouvait être l’indice révélateur, le signal du début de l’attaque. Leurs yeux allaient donc d’un côté à l’autre de la forêt, tentant d’identifier une cape noire ou le reflet fugace d’un rayon de soleil sur de l’acier. Ils tressautaient quand une hirondelle sautait brusquement d’un arbre ou quand l’un d’entre eux éternuaient. La situation leur était insoutenable, mais ils tenaient néanmoins la ligne. Envers et contre tout, ils allaient garder leur position, parce que malgré la peur ils avaient quelqu’un vers qui regarder. Des six gardes restants, certains s’inspiraient de l’excitation de Hjalmar - après tout ils voulaient en découdre avec ceux qui avaient tués leurs amis. D’autres cherchaient leur courage dans le regard plein d’espoir de Renata ou les vers fredonnés de Placido. Mais surtout, aucun des gardes ne voulaient décevoir Hans Grimmel, leur capitaine. Le vieux briscard, comme ils aimaient l’appeler, était la pierre centrale du groupe, celui qui avait toujours réussi à les faire sortir de situation pourtant impossible en ne laissant jamais personne derrière.
Cependant, à l’avant du groupe, bien en vue du capitaine Grimmel, les deux prisonniers tenaient un autre discours. Entre la menace bien réelle du nordique et celle, invisible, des bandits... Ils ne savaient plus vraiment où donner de la tête. D’ailleurs, ils se disaient finalement que cette idée de reconversion professionnelle en tant qu’éleveur de moutons dans le Wissenland n’était pas si stupide que ça en fait.
Dans l’ensemble donc, et ce malgré quelques différences de points de vue, le groupe se tenait prêt à toute éventualité. Toutes, sauf que le fait qu’il n’y en ait aucune justement.
Anthezar regarda le convoi arriver entre les arbres au loin. Il avait étudié les parchemins de l’art guerrier de Cathay de fond en comble pour trouver la solution à ce problème. Et il pensait l’avoir découverte. L’idée était simple, attaquer l’ennemi à un endroit où il ne s’y attendait pas pour profiter au maximum de l’effet de surprise. Sauf que plus une idée était simple, plus le plan d’attaque était complexe pour la faire fonctionner justement. Il fallait prendre en compte un grand nombre de variables humaines incalculables, choisir un endroit dont la définition même serait le mot ‘banal’, prendre en compte ses variables évidemment, positionner les troupes de façon adéquate, penser aux variables… Cela faisait beaucoup à prendre en compte, oui. Mais après deux heures de recherche sur le chemin, ils avaient trouvé un pan de forêt en ligne droite adéquat. Il n’y avait aucun fourré, aucun ravin, aucun buisson trop haut, aucune cachette trop évidente. C’était parfait. C’était tellement évident qu’il ne verrait jamais le coup venir.
Après avoir enterré sommairement le corps de Wilhelm – le comte ne souhaitait pas de mort-vivant sur les lieux – Anthezar déploya les troupes. Les bandits allaient être disposés en cercle autour du convoi, chacun caché derrière un arbre et prêt à tirer la salve d’accueil. Leurs cachettes n’étaient pas fameuses, mais on se cache souvent mieux en plein jour que dans l’obscurité. D’après Taren, ils avaient à peine assez de munitions pour tirer une ou deux fois. Il allait falloir que ça compte. Les bandits allaient donc être déployés relativement près du convoi pour éviter d’avoir à parcourir une grande distance et ainsi leur permettre d’accéder rapidement au corps à corps. Le but étant d’éviter qu’ils subissent un tir de riposte en chargeant juste derrière leur premier tir et ainsi profiter de la débandade. Oldrick, lui, rentrerait juste après dans le combat pour mener l’assaut et ajouter un facteur psychologique dans la balance. Mais la mission principale du roi revenant était de l’escorter, lui, le génie militaire (*insérez un rire diabolique*), jusqu’au chariot.
En attendant, il resterait derrière pour soutenir l’assaut avec un sort bien placé… S’il arrivait à se concentrer malgré le stress. Sa main gauche tressautait tellement qu’elle avait l’air d’avoir sa propre volonté. Le nécromancien ferma les yeux et récita une demi-douzaine de sorts mineurs dans sa tête pour se reconcentrer. Il rouvrit les yeux. La main tressautait moins, c’était déjà ça. Maintenant, il restait le problème du reste du corps.
Un gant de plates noires se posa sur son épaule droite. La surprise passée, Anthezar reconnu le visage cauchemardesque d’Oldrick, une vision qui le rassura quelque peu. Le roi revenant lui fit un signe de la tête pour lui signaler que tout le monde était en place. Ils allaient donc pouvoir commencer. Anthezar déglutit bruyamment et leva son bras gauche, bien en vue de Taren qui relaierait le signal.
Du côté du convoi, Hans avait demandé à ce que l’on repositionne certaines personnes pour éviter les angles morts dans leur champ de vision. Les prisonniers resteraient à l’avant, la zone la plus sensible, pour éviter des pertes inutiles et aussi les garder en vue plus facilement. Renata et Placido allaient se poster respectivement sur la gauche et la droite et Hjalmar se positionnerait à l’arrière. Les mercenaires avaient comme mission de servir de point de rassemblement sur les flancs et le nordique devait avoir un champ de vision suffisamment global sur le futur champ de bataille pour pouvoir réagir au plus vite. De plus, l’arrière avait peu de chance d’être attaqué, ce qui le laissait libre dans ses mouvements. Hans en avait suffisamment entendu sur le gaillard pour savoir qu’il était leur meilleure chance d’en finir au plus vite. Surtout si les gars d’en face avaient un atout de leur côté aussi… Hans, lui, dirigeait le chariot et tenait la bride des chevaux. Il savait que les pauvres bêtes allaient être les premières à tomber et que lui-même était une cible facile vu qu’il était en hauteur. Mais s’il pouvait prendre un tir à la place d’un de ses hommes, cela valait mieux. Et puis de là-haut, il avait la meilleure vue sur les environs. Maintenant, il n’avait plus qu’à prier pour que la damoiselle là-dessous ne se prenne pas une balle perdue… Quoi que maintenant qu’il y repensait, ce ne serait pas une grande perte. Quand il lui avait annoncé le changement de route du convoi vers le temple sigmarite de Priestlicheim, elle s’était contenté d’une grimace exaspérée et d’un geste négligée de la main pour lui dire de partir. Elle n’avait rien dit mais il avait bien senti le flot d’insultes qu’elle se gardait pour elle-même. Maudit nobles, toujours à penser qu’ils sont au-dessus de tout le monde…
Le vétéran se sortit de ses rêveries d’un mouvement de tête, ce n’était pas le moment de se laisser aller. Il reporta son regard aux alentours. Apparemment, tout allait bien pour le moment, il valait donc mieux être encore plus vigilant. L’expérience lui avait appris que l’on était parfois bien plus en sécurité dans un marais sylvanien qu’au chaud dans un boudoir d’Altdorf. Le carrobourgeois regarda sur son flanc droit pour constater que Placido pavanait comme à son habitude. Il sifflotait un air avec un autre garde tout en dodelinant de la tête. Hans fit une moue désapprobatrice pour lui-même et regarda sur son flanc gauche. Il remarqua alors que Renata avait légèrement reculé par rapport à la formation. Elle devait être partie pour discuter avec le norse. Le vieux capitaine roula des yeux et reporta son attention sur la route. De tous les hommes, elle avait porté son attention sur celui-là. Décidément, elle aimait vivre dangereusement, se dit-il en grommelant… Maintenant, il fallait espérer que ce trio puisse porter le groupe efficacement.
En effet, à l’arrière du convoi, Renata s’était rapprochée du nordique qui suivait nonchalamment la marche du groupe avec sa hache posée sur son épaule. La capitaine mercenaire jeta quelques coups d’œil vers le norse pour voir s’il allait commencer la conversation, mais rien ne vint.
« Vous comptez vous excusez un jour ? lui lança-t-elle.
-De… ? lui répondit-il de façon distraite.
-L’éclaireur ? Votre choix stupide d’auparavant ?
-Haaaa, oui celui-là. Nan. »
La capitaine se retourna à demi avec un soupir exaspéré en le fusillant du regard et Hjalmar lui rendit le sourire franc de l’imbécile qui savait pertinemment ce qu’il faisait. Une réponse pareille était sans équivoque, elle ne tirerait rien de plus du nordique. Renata leva alors les yeux au ciel mais avec un demi-sourire. L’insouciance de ce gaillard était tellement insolente qu’elle en était contagieuse apparemment.
« En attendant qu’ils nous tombent dessus, je peux vous posez une question ? enchaîna Renata.
-Allez-y.
-Votre hache. Vous la trimballez comme un porte-bonheur mais je ne vous ai jamais vu l’utiliser. Il y a raison à ça ?
-Oh ça… Eh bien, disons que je garde Vafnir pour des occasions très spécifiques. »
Renata jeta un regard rapide vers ce qu’elle pouvait apercevoir de ladite hache à deux mains. Il n’y avait rien de particulièrement notable chez cette dernière si ce n’est qu’elle était entourée de bandages de cuir clair qui recouvrait son manche et son fer en bonne partie.
« Elle a même son petit nom en plus ? Dites-donc c’est une vraie histoire d’amour… Vous me la présenterez un jour ? dit Renata pour taquiner Hjalmar avec un coup amical dans les côtes.
-Honnêtement, j’espère que non, répondit le norse dont le sourire s’était attristé. Pour mon peuple, une arme vit au même titre que son propriétaire. Elle est liée à lui et à ses batailles et l’accompagne dans la mort. De ce fait, elle s’imprègne de ses combats et expériences passées et inversement pour son propriétaire. Or, pour le moment, la seule fois où je l’ai utilisée c’était pour commettre un génocide démoniaque donc… je préfère ne pas m’en servir. Pas encore.
-Ah. Compréhensible… »
La plaisanterie ayant tourné relativement court, la mercenaire se retrouva bien embarrassée. Pour tenter de raviver la conversation et permettre à Hjalmar de penser à autre chose, elle enchaîna sur une autre question.
« Dites. Si nous nous en sortons, que comptez-vous faire après tout ça ? Je serais étonné que vous alliez vous livrez au Marteau d’argent de vous-même.
-C’est pas faux, gloussa Hjalmar. Je ne sais même plus vraiment pourquoi ils me pourchassent d’ailleurs… Bah, on s’en moque. Eh bien, d’habitude j’improvise.
-Que diriez-vous de nous suivre Placido et moi-même ? La vie de mercenaire a ses atouts et vous auriez votre lot de ‘combats’. »
Renata avait prononcé le dernier mot en prenant un air grandiloquent et bourru pour tenter d’imiter le norse. Cela fit bien sourire l’intéressé qui après quelques secondes de réflexion finit par donner sa réponse.
« J’y réfléchirais.
-Pas trop longtemps j’espère, nous partirons dès notre arrivée à Priestlicheim... Vous me promettez que vous ne partirez pas de votre côté à l’improviste d’ailleurs ?
-Promis, répondit Hjalmar en gloussant. Je le jure sur mon honneur.
-Je préfère… Il y a un problème ? »
Le norse avait perdu son air jovial et semblait regarder ailleurs, il avait l’air de compter à voix basse.
« Vous devriez retourner avec les autres.
-Pourquoi ? demanda-t-elle en jetant brièvement un œil aux bois environnants. Il n’y a rien ici.
-Justement. » - Hjalmar s’arrêta sur place subitement avec un air légèrement surpris mais satisfait – « Eh… Ils ne sont pas mauvais en fait. »
L’instant d’après, le monde ne devint que bruits et fureur alors que la détonation d’une dizaine d’armes à feu emplissait la forêt de leur vacarme.
Lorsque Hans Grimmel se releva, les combats avaient déjà commencés. Il avait sauté à gauche de la carriole par instinct et cela lui avait probablement sauvé la vie vue qu’il était sûr d’avoir entendu une balle siffler près de son oreille… Après avoir attendu que ses vieux os arrêtent de protester, le capitaine tenta d’analyser la situation tout en attrapant sa fidèle zweihänder - aux grands maux, les grands remèdes disait l’adage. S’il se souvenait bien de ce qu’il avait vu sur le flanc droit, un des gars avait été blessé et Placido courait vers l’ennemi avec sa rapière et son pistolet en hurlant. Il n’y avait plus qu’à espérer que tout se passe bien de ce côté. Mais pour le moment, le vacarme continuait. Des coups de feu continuèrent à fuser alors que deux autres balles partaient se ficher dans le haut du chariot avec un bruit sourd. Un hurlement provenant de l’arrière du convoi indiqua au capitaine qu’un des gardes venait d’être blessé ou pire. La fumée des tirs combinée à la lumière vacillante de l’astre du jour rendit la scène plus que confuse pour Hans qui crut néanmoins distinguer des formes humaines courir vers le convoi depuis la forêt environnante.
Un coup d’œil à sa droite lui indiqua que les deux prisonniers avaient commencé à se battre, l’un des deux était blessé et à terre avec son adversaire, l’autre s’enfuyait à travers la forêt en étant poursuivi par son assaillant. Les chevaux étaient morts, l’un des deux tressautait encore alors que la vie le quittait. Hans jura bruyamment et courut vers le garde le plus proche… qui se tenait la gorge alors que du sang coulait abondamment entre ses doigts. Le pauvre homme s’effondra l’instant d’après aux pieds du capitaine en crachotant ce qu’il lui restait de trachée. Immobile, Hans regarda le soldat s’étouffer dans son propre sang sans pouvoir agir. Les jointures des mains du capitaine blanchirent sur sa zweihänder alors la culpabilité étreignait le cœur du vieil homme en même temps que la rage de la vengeance. Il était responsable de tous ces hommes, c’était son devoir de les ramener sain et sauf auprès de leurs familles et ces maudits bandits l’en empêchaient. Ils brisaient ses espoirs de ramener chacun des membres de ce foutu convoi en vie. Et chaque échec, chaque mort était de trop pour le vieux capitaine, alors il allait les faire payer au centuple.
Quand il se retourna avec une larme à l’œil, le cri rauque de deux bandits se rapprochait rapidement à travers l’épaisse fumée de la poudre. Pour Hans, c’était l’occasion parfaite de payer sa dette envers le jeunot qui venait de mourir. Le capitaine dégaina son pistolet et tira sans sourciller vers la première forme qui s’effondra sur place en se tenant ce qui devait être ses tripes. La deuxième forme remarqua cela et se déplaça vers Hans d’une marche rapide mais assurée. Les dents du capitaine se serrèrent encore plus alors qu’il canalisait sa colère en jetant son pistolet au sol. Une fois suffisamment près, le deuxième bandit leva une hachette qu’il tenta d’abattre sur Hans. Mais le carrobourgeois était un vétéran et un coup aussi malhabile n’allait pas faire grand mal. Une esquive plus tard, la lame de la zweihänder siffla dans l’air et sectionna le bras maintenant exposé du bandit. Ce dernier eut à peine le temps de prononcer le début d’un cri de douleur qu’il se faisait trancher la gorge d’un revers agressif. Alors que le bandit s’écroulait en avant, Hans essaya d’analyser à nouveau le champ de bataille. La fumée se dissipait lentement mais l’absence de lumière commençait à se faire sentir. Néanmoins, le capitaine distingua deux autres formes qui se déplaçaient droit vers le chariot.
« Oh non ! grogna-t-il. Vous ne l’aurez pas ! Pas après tout ça ! »
Le capitaine courut droit vers le plus grand des deux assaillants et se prépara à lancer une taille vers ce qu’il estimait être sa tête. L’ayant remarqué, la future victime du courroux du capitaine se plaça face à ce dernier et se mit en garde. L’autre forme opéra une retraite précipitée et s’écarta de la trajectoire du vétéran.
Et c’est à ce moment précis qu’une bourrasque de vent souffla. Elle emporta avec elle le peu de fumée restante et dévoila à la place de la forme un colosse en armure noire avec une lourde cape de fourrure sur le dos. Maintenant qu’il pouvait décrire son opposant, Hans s’arrêta net dans sa course. Il avait beau avoir vu de sacrées horreurs, ce qui se tenait devant lui était d’un autre acabit. Entouré d’ombres plus noires que la nuit, le crâne rehaussé de bois de cerfs du mort-vivant s’agita légèrement et un son guttural pouvant s’apparenter à un rire sortit de sa mâchoire anguleuse. Les orbites rouges et flamboyantes de l’abomination infernale fixèrent longuement le capitaine, le tétanisant littéralement. Pour Hans, toute pensée était impossible à part une question qu’il se répétait en boucle : Comment était-il censé affronter cette chose ?
« M… Mais qu’est-ce que tu es ?! balbutia Hans.
- Ça, tu ne le sauras jamais, lui répondit une voix rocailleuse avec un étrange accent du nord. »
Le revenant dégaina une épée plus ancienne que des cités et, sans plus de ménagement, assomma le carrobourgeois avec le pommeau. Le corps du capitaine venait de toucher le sol quand une voix stridente s’exclama depuis un arbre non loin :
« Ouaaais ! Bravo Oldrick ! Tu lui as montré de quoi tu étais capable ! Je savais que le sortilège du « cavalier de l’effroi » te serait utile ! »
Pour corroborer l’exclamation, l’ombre dont Oldrick était nimbé disparue peu de temps après. Anthezar avait effectivement réussi à lancer un petit sortilège en vitesse en voyant arriver le vétéran, mais le fait qu’il ait été lancé dans la panique diminuait considérablement sa durée. Le roi revenant, cependant, ne semblait pas satisfait du résultat.
«Définitivement, pour l’entrée je préfère mon cri de guerre... se disait-il en rangeant son arme. »
Ce qu’Oldrick ne disait pas, c’est que même s’il n’appréciait pas d’avoir gagné ce combat grâce à un artifice si grossier, il était aussi passablement déçu de la piètre performance de celui qu’il avait estimé être le capitaine du convoi. Apparemment, il ne s’agissait pas de l’homme qui avait ramené l’éclaireur au camp. Le roi revenant étudia donc les environs plus en détails, il devait bien être quelque part.
« Voyons voir… maugréa-t-il en balançant son regard. »
L’avant du convoi était à présent vide, il ne pouvait pas voir le flanc droit et le flanc gauche était pratiquement terminé, non… ? *Proulf* fit le cadavre d’un bandit qui s’écroula à ses pieds en gargouillant, une épée plantée dans le dos... Apparemment non.
Oldrick se déplaça pour se mettre devant Anthezar au cas où. Le nécromancien ne se fit d’ailleurs pas prier et s’abrita derrière le colosse. Alors que le roi revenant se tournait, il put constater que l’attaque sur le flanc gauche était un échec cuisant. Il ne restait que deux personnes en vie et ils n’étaient pas dans leur camp. Une mercenaire avec un bouclier et… une armurerie ambulante ? Ah non, apparemment, entre deux armes il y avait un grand gaillard barbu qui achevait un bandit d’un revers de main. Il ne fallut pas longtemps à Oldrick pour se convaincre qu’il venait de trouver l’auteur du sauvetage miracle. Les choses devenaient enfin intéressantes. De leur côté, les deux combattants avaient marqué la pause en voyant le roi revenant. Plutôt normal jusque-là. La femme tenait le coup cependant, mais après quelques passes elle devrait tomber comme les autres. L’autre type, lui… s’esclaffait ? Bien moins normal d’un seul coup, se dit Oldrick qui, intrigué, se mit involontairement à pencher de la tête. En effet, le grand nordique était pris d’un fou rire et se tenait presque les côtes. Au grand étonnement de la femme apparemment qui lui lançait même un regard furieux.
« Mais pourquoi est-ce que vous riez ?! cria-t-elle. »
Le nordique finit par se calmer à moitié et, toujours agité de quelques spasmes d’hilarité, finit par prendre la parole à son tour.
« Ma-gni-fi-que ! Vous êtes magnifique ! Oh, bon sang si je m’attendais à ça. Les dieux doivent vraiment m’apprécier pour me faire un cadeau pareil !
-Mais de quoi il parle ? susurra Anthezar à Oldrick.
-Pas la moindre idée. »
La mercenaire s’impatienta et après une série de regards mélangeant admiration et effarement, elle fit jouer son épée dans sa main et reprit :
« Cadeau ? Votre cadeau a assommé Hans par la sainte grâce de Myrmidia ! » - La capitaine mercenaire se calma quelque peu et retrouva sa détermination – « Vous savez comment on peut vaincre ce démon ?
-Mort-vivant, s’il te plaît, déclama Hjalmar avec nonchalance. Et un beau spécimen. Il suffit juste de trouver son maître et le problème sera réglé. A moins que… »
Le norse ne prit pas compte du regard effaré que Renata lui décerna et entreprit de regarder Oldrick dans le rouge des orbites pendant quelques secondes. Le revenant se sentit quelque peu mal à l’aise en soutenant le regard du guerrier barbu. Il y avait quelque chose d’étrange chez lui, mais il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.
« Je n’ai rien dit, s’exclama-t-il subitement avec un sourire en coin. Il m’a l’air plus intéressant que les autres.
-Et pourquoi cela ? répondit Oldrick qui se sentit concerné par l’affirmation.
-Parce que tu réfléchis au lieu d’attaquer bêtement. Les autres cadavres que j’ai rencontrés n’étaient rien de plus que des meubles tirés par un marionnettiste. Ce n’est pas ton cas. »
Oldrick était perdu. Mais d’où sortait ce type ? Il avait l’impression qu’il lisait en lui comme dans un livre ouvert. De son côté, Renata était tout aussi décontenancé par la situation.
« Mais de quoi vous parlez ? murmura-t-elle.
-Quelque chose que lui seul peut comprendre, lui répondit-il en aparté. Faites le tour et allez aider Placido, je vais les retenir.
-Tout seul ? Hors de question, je… !
-Partez, maintenant. »
L’ordre ne laissait pas de place au doute, Hjalmar voulait qu’elle s’en aille. Cela l’enrageait, mais il avait raison. Contre un monstre pareil elle n’arriverait à rien, mais elle pouvait toujours ramener des renforts… Renata acquiesça avec une grimace et entreprit de faire le tour.
« Eh ! Elle s’écha…
-Tais-toi, tonna Oldrick qui coupa Anthezar. »
Hjalmar s’approcha de la porte du chariot et se posta devant tout en gardant son regard fixé sur le roi revenant qui restait perplexe devant la scène.
« Qui es-tu ? reprit ce dernier.
-Ah, ça, je ne te le dirais que si tu acceptes quelque chose. »
Le roi revenant garda le silence pour indiquer à son interlocuteur qu’il allait devoir développer.
« J’ai cru deviner que vous vouliez accéder à l’intérieur du chariot. Correct ?
-Exact ! Alors bouge ou mon serviteur te réduira à néant ! lança la voix fluette d’Anthezar de derrière le roi revenant.
-Dans ce cas, il faudra me passer sur le corps, continua Hjalmar en ignorant la menace. Ce qui implique… que je te défie, seul à seul, ici et maintenant dans un duel par les armes. Acceptes-tu ?»
Cette fois, ce fut au tour d’Oldrick de s’esclaffer.
« Pourquoi tant de forme ? Ce combat allait avoir lieu de toute manière !
-Voilà qui fait plaisir à entendre, répondit Hjalmar en croisant les bras sur son torse. Mais acceptes-tu de participer à ce duel selon les règles de l’honneur ? »
Oldrick finit par comprendre où son adversaire voulait en venir. Il voulait un duel « seul à seul », il l’avait dit juste avant. C’est pour cela qu’il avait envoyé l’autre guerrière ailleurs et qu’il lui demandait de respecter les règles : parce qu’ainsi Anthezar était hors de danger. Il n’avait plus le choix, ce type l’avait piégé. Oldrick sourit encore plus que d’habitude de toutes ses dents, un exploit pour un crâne.
« Avec plaisir. Vouloir mourir pour son honneur est une noble cause que je respecte, guerrier. Mais elle est futile. J’accèderais à ce chariot quoi qu’il arrive.
-Et pourquoi cela ?
-Parce que mon maître me l’a ordonné, voyons. »
Anthezar releva la pique que son serviteur venait de lui envoyer et lui lança une onomatopée indignée. Après un bref sourire, le norse décroisa les bras et avança d’un pas tout en dégainant une épée et une dague dans le même mouvement. Il ne pouvait pas être plus heureux, enfin un rival digne de ce nom, ou du moins un qui n’essaierait pas de le poignarder dans le dos.
« Merci. Sincèrement, dit Hjalmar sur un ton compatissant. »
Oldrick ne comprit pas vraiment ce que le guerrier laissait entendre par cela, mais en voyant qu’avec son signe de la main il le laissait se présenter, le revenant continua. Il s’avança donc lui aussi d’un pas et ramena son épée parcourue de runes en la pointant vers son adversaire :
« Mon nom est Oldrick, le seigneur des batailles.
-Et mon nom est Hjalmar Oksilden, heureux de faire ta connaissance Oldrick. »
Juste derrière Oldrick, Anthezar eu une semi-attaque cardiaque. Alors qu’il était dans les tribunes du tournoi du Fort du sang pour soutenir Oldrick, il avait saisi ce nom au passage. Pour être exact, il l’avait entendu de la bouche de l’organisateur dudit tournoi - le chroniqueur Von Essen - lors d’une discussion avec ses invités entre deux combats. C’était mauvais signe. Très mauvais signe. Quand des membres si haut placés dans la hiérarchie vampirique discutait de quelqu’un, c’est que le quelqu’un était important… et dangereux.
« Heuuu, Oldriiick ? bafouilla Anthezar qui s’accrocha subitement à la cape du colosse. C’est peut-être pas une bonne idée en fait…
-Hmm ? »
Oldrick n’écoutait déjà plus le nécromancien. Son dernier duel ‘honorable’ datait du tournoi et il en avait gardé un excellent souvenir. Si cet homme souhaitait réitérer, alors ainsi soit-il.
« Von Essen le connaît ! Il…
-Pardon ?! tonna Oldrick alors que le souvenir du détestable vampire lui revenait en tête.
-Oh, vous connaissez le chroniqueur ? s’étonna Hjalmar. Il va bien ? » - Le nordique cligna des yeux plusieurs fois alors qu’il réalisait qu’il n’avait pas vu le groupe folklorique de la taverne de la non-vie depuis des lustres, depuis son départ pour le tournoi de Havras à vrai dire. – « Est-ce qu’il y avait d’autres vampires, un nain et un elfe avec lui ?
-Je n’en sais rien et je m’en moque, grogna Oldrick. Ce vampire lâche a failli faire tuer mon maître par un ost bretonnien en colère avec ses maudits plans. De plus, comme j’ai gagné son tournoi, il me doit encore un château et un service !
-Il va bien alors, soupira Hjalmar. Il faudrait qu’il arrête d’accumuler les dettes, ça… » - Hjalmar s’arrêta dans sa phrase au moment où son cerveau reconnut un mot en particulier – « Tour…noi ? T’as gagné un tournoi ?
-Oui, et ce maudit… »
Le regard maintenant rempli d’étoile du nordique ne disait rien qui vaille à Oldrick qui préféra ne plus répondre à la question. Hjalmar, lui, en oublia même sa brève indignation à l’encontre de Von Essen qui ne l’avait pas attendu pour un tel évènement. Arborant à présent le sourire carnassier de la joie, il se lança à corps perdu sur Oldrick, toutes armes dehors. Sans broncher, le roi revenant para le premier coup de son bouclier et envoya un estoc de son épée pour faire reculer le norse. Ce dernier évita la lame maudite de peu en reculant d’un pas. Lors de son recul, il en profita pour lancer sa dague sur le visage du revenant. Voyant le projectile arriver, Oldrick le réceptionna avec son bouclier de planche qui vibra sous le choc. Alors qu’il se remettait en garde, le roi revenant vit que Hjalmar avait pris une hachette dans sa main libre à présent.
« Toi, tu vas être diablement intéressant ! jubila le nordique. Voyons si tu mérites ton titre ! »
Au même moment, de l’autre côté du convoi, Renata arrivait pour soutenir le flanc droit. Alors qu’elle dépassait le chariot, elle put contempler l’étendue des dégâts. Sur les trois gardes, un seul tenait encore debout et Placido avait gagné quelques estafilades sur la jambe droite et les côtes mais sa rapière filait encore droit. En face, trois bandits leur tournaient autour tels des rapaces.
Renata chargea le plus proche qui se retourna avec une expression de surprise quand il l’entendit arriver. Le sabre de la mercenaire ne lui fit pas de cadeau et se planta dans sa carotide avec une précision honorable. Un coup de botte plus tard, et la lame était dégagée du corps de feu Stefan, bandit de profession. En voyant cela, Placido réajusta son chapeau rocambolesque pour saluer sa compagnonne qui lui répondit à son tour par un bref signe de tête. Il ne restait maintenant plus que deux bandits, le dernier garde était aux prises avec l’un d’entre eux donc les deux mercenaires se dirigèrent vers l’autre.
« Ça va ? demanda Renata à Placido alors qu’elle se plaçait à ses côtés.
-J’ai connu mieux, répondit le tiléen en serrant les dents. Rassure-moi, le chapeau à survécu ? Je n’ai pas eu le temps de regarder. »
Renata jeta un coup d’œil rapide au couvre-chef maintenant ruiné de Placido. Si cette chose avait été un chapeau, elle n’y ressemblait plus vraiment sauf si on la comparait aux tenues vestimentaires gobelines.
« Il est magnifique.
-Aaaah, merda… soupira Placido. » - le mercenaire tiléen se ragaillardi subitement et fit jouer sa rapière vers le bandit qui leur faisait face. - « Tou as détruit mon chapeau… Ye vais te touer ! »
La fougue avait pris le pas sur la prononciation du mercenaire alors que l’accent tiléen reprenait ses droits d’instinct. Comme pour joindre le geste à la parole, Placido courut vers son adversaire tout en étant suivit de près par Renata. Si la situation n’était pas aussi critique, elle se serait amusé du caprice du tiléen. Il fallait dire qu’il s’attachait bien trop à ses artifices. D’ailleurs, heureusement que sa moustache n’avait pas été touchée, sinon il aurait complètement perdu pied. Mais pour le moment, un type habillé en noir et brandissant une épée de plutôt bonne facture se tenait devant eux.
Taren Hartenbach justement, trouvait que la situation était, selon ses termes, ‘franchement mal barrée’. Ses gars mouraient les uns après les autres et le mage et son serviteur atroce n’était nulle part dans son champ de vision. L’attaque était censée se passer bien mieux que ça ! Pertes minimales, qu’il disait l’autre ! Qu’il essaie de lui redire ça en face ! Enfin, encore faudrait-il qu’il survive pour le revoir… Les deux mercenaires qui avaient déjà massacrés plusieurs de ses hommes au précédent assaut lui fonçaient dessus à présent et cela s’annonçait mal. L’autre type bizarre du sud lui avait même lancé une insulte à propos d’un chapeau. A situations désespérées, mesures désespérées soi-disant, non ? Taren recula et feint une glissade malencontreuse pour poser une main à terre. Il en profita pour attraper un peu de terre et de feuilles qu’il garda dans sa main. Dans le même mouvement, il se remit en garde juste au moment où les deux mercenaires arrivaient à son niveau. Rapidement, Taren jeta la poussière dans les yeux de Renata qui ne put la dissiper entièrement avec son bouclier. La capitaine mercenaire cracha plusieurs fois en se frottant les yeux, elle n’était donc plus en état de répliquer pour le moment. N’écoutant que son désir de vivre, Taren matraqua alors le tiléen enragé de coups de taille pour le forcer à reculer. Il avait l’avantage de la portée avec son épée contrairement à la rapière plus courte de Placido. C’est pour cela que le tiléen faisait tout ce qu’il pouvait pour se rapprocher le plus possible de son adversaire.
Après quelques passes, une fine estafilade se dessina néanmoins sur la joue de Taren à travers le tissu noir. Pestant à l’encontre de Placido, le bandit attaqua avec encore plus de fougue pour faire disparaître le sourire moqueur du visage du tiléen. Mais dans son empressement, il en oublia Renata qui le prit par revers et trancha les tendons arrières de son genou avec la pointe de son sabre. Hurlant et un genou à terre, Taren ne put que contempler la rapière vengeresse de Placido alors qu’elle transperçait son cœur.
« Je suis Placido de la Gioia et mes compagnons ainsi que mon chapeau… sont vengés ! »
Dans son dernier souffle, Taren décocha un regard empli d’incompréhension au tiléen qui jubilait sur place et s’effondra en arrière. Alors qu’il tombait, il tenta de prononcer un début de malédiction à l’encontre du mage noir mais le choc avec le sol l’empêcha de terminer et le fit sombrer définitivement. Voyant que son chef venait de se faire tuer, le dernier bandit prit la poudre d’escampette aussitôt à travers la forêt. Le garde restant se retint de le poursuivre sur un ordre de Placido, ils avaient plus important à faire pour le moment.
« On fait quoi maintenant ? demanda Placido en haletant.
-Hjalmar… se bat de l’autre… côté. » - Renata avait du mal à parler alors qu’elle enlevait les restes de poussière de ses yeux, chose difficile avec des gants – « Il faut… que l’on se dépêche… Ah ! Voilà, ça va mieux. Oui, on doit faire vite, suivez-moi !
-Enfin, on n’entend presque rien de l’autre côté, il doit avoir réussi à…
-Ceci est mon épée, la marchande de douleur ! tonna la voix tonitruante du roi revenant depuis l’autre côté du convoi. Mort à mes ennemis, car vengeance est son nom !
-C’est… C’était quoi ça ? bredouilla le garde restant. Un minotaure ?
-Pire, répliqua Renata qui se remit au trot. »
Placido se garda bien de continuer sa réflexion précédente. La voix abyssale qu’il venait d’entendre ne lui disait rien qui vaille et il ne voulait absolument pas savoir de qui ou quoi elle pouvait bien provenir. De plus, il devait rapiécer son chap…
« Placido !? cria Renata qui avait déjà plusieurs mètres d’avance. »
… ou pas. Le tiléen soupira longuement. Décidément, cette journée ne s’améliorait pas, pourquoi personne ne voulait le laisser tranquille, il venait de tuer quelqu’un bon sang !... Mais il ne pouvait pas laisser la cap’ toute seule. La pauvre risquait de s’enticher d’un autre gus au passage s’il ne la surveillait pas. C’est donc avec son éternel petit sourire et un rapide lissage de la moustache que Placido se mit en mouvement pour rejoindre les deux autres. Lorsqu’il arriva à leur niveau, ils reprirent le chemin tous les trois et entreprirent de dépasser le chariot.
« J’espère qu’il est bientôt mort le bestiau parce que je commence à sérieusement fatiguer ! » - Quand Placido pu enfin voir derrière le chariot et ainsi dévisager le crâne mort de l’adversaire de Hjalmar, il s’arrêta sur place. « Oula ! je disais ça pour rigoler ! »
Blague à part, Placido ne pavanait plus autant qu’avant. Ce qui se tenait devant lui était un pur monstre de cauchemar que la lumière crépusculaire rendait encore plus menaçant. Ses orbites vides brillaient de flammèches rouges qui oscillaient avec chacun de ses mouvements. Elles donnaient entre autres l’impression que quel que soit l’angle, elles vous regardaient profondément dans le blanc des yeux. Une impression plutôt désagréable s’il en est. Mais ce qui marqua particulièrement le tiléen fut surtout la présence impériale du revenant. Placido avait rencontré son lot de nobliaux de pacotille dans les Principautés frontalières et en Tilée, mais il savait aussi reconnaître un vrai roi. Ceux qui n’avait pas besoin de baigner dans de l’or jusqu’au coup pour vous le faire sentir, le simple fait d’exister leur suffisait. Que ce soit dans ses déplacements ou ses attaques, le port du mort-vivant avait quelque chose de droit, de noble. Enfin, du moins autant qu’un squelette engoncé dans une armure lourde puisse en avoir. Même si maintenant qu’il le regardait mieux, la touche macabre de la non-mort lui ajoutait une certaine prestance qui semblait comme figée dans le marbre, un peu comme le sourire du revenant d’ailleurs.
Mais si le trio nouvellement arrivé pu prendre le temps de contempler le roi revenant, cela fut de courte durée. En effet, l’instant d’après, Hjalmar rentrait dans le mort-vivant avec la force d’un boulet de canon mais avec des armes attachées autour. Après un échange bref et brutal, l’épée maudite d’Oldrick brisa le sabre que maniait Hjalmar sans la moindre difficulté. Les deux combattants se séparèrent à nouveau et revinrent à une position d’attente. Hjalmar récupéra alors une nouvelle arme plantée dans le sol et Oldrick réajusta sa prise sur son bouclier. Ils se tournèrent ainsi autour, cherchant une faille dans la défense adverse.
Pour Renata qui avait déjà vu le mort-vivant, c’était le fait de voir le norse combattre qui la surprenait. Elle ne l’avait jamais vu réellement lutter autrement que lors d’une de ses crises, alors la force tranquille affichée à présent par le nordique la surprenait. Tantôt il se baladait tranquillement sur le terrain d’un pas feutré, tantôt il courait en matraquant le sol de ses bottes. Il alternait entre tellement d’attitudes qu’elle se demandait s’il prenait le combat sérieusement. Mais c’est après une nouvelle charge suivie d’un échange rapide que Renata comprit : il s’adaptait. Hjalmar essayait différentes approches, différentes techniques de combat avec des armes variées pour trouver le bon angle d’attaque. Arriver à alterner aussi rapidement entre autant de styles de combats forçait tout simplement le respect. Mais si le revenant dégageait une présence si imposante qu’elle en devenait écrasante, Hjalmar émanait, non, était la menace-même. De sa posture changeante à son regard fou en passant par son sourire en coin, le nordique montrait qu’il était maître de la situation et que chaque faux pas du revenant serait le dernier à coup sûr.
Ils assistaient donc, impuissants, à un combat entre un monolithe impassible et le seul prédateur assez fou pour s’y attaquer.
Comme dit plus haut, la suite arrivera incessamment sous peu
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"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett
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- Les livres dans le paquetage du nordique...:
La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
Tome 3 : Foi Furieuse
Je vous conseille de le télécharger, mettre l'affichage en deux pages et, si possible, activer le mode "Afficher la page de couverture en mode Deux pages" sous Adode Reader (en gros juste pour s'assurer que les pages sont bien affichées comme dans le vrai livre et non décalées)
- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 10 Fév 2017 - 14:11
Bon, il se trouve que je suis confronté au même problème que Vg11k et le texte est trop long pour un seul message. Je suis donc obligé de faire ça en deux messages, résultant en un triple post pour lequel je m'excuse auprès de l'administration.
Mais trêves de paperasserie, voici la suite :
Plusieurs secondes interminables passèrent. La zone de combat était remplie de lames brisées, de dagues et hachettes plantées dans le sol ou les arbres environnants. Le terrain même affichait ses cicatrices alors que la terre était retournée aux endroits où les deux combattants s’étaient rencontrés à plusieurs reprises. Les spectateurs du duel, eux, ne tenaient plus sur place alors que chaque coup paré résonnait dans la forêt. Tout ce qu’il avait pu faire était d’allumer des torches de fortune pour garder un peu de visibilité. Mais après quelques passes infructueuses pour les deux adversaires, si Anthezar trépignait derrière en soutenant Oldrick mentalement, Renata se décida à agir. Elle ne savait même pas pourquoi elle les regardait se battre depuis avant. Ils étaient plus nombreux et le revenant ne faisait que se défendre depuis le début du combat. Cela était normal évidemment puisque Hjalmar avait l’avantage de la vitesse tandis que le revenant avait celui de l’endurance, mais le combat s’éternisait. Aucun des deux guerriers ne semblait près d’arrêter le combat qui allait donc continuer pendant encore de longues minutes. Du temps qui leur manquait atrocement puisque certains des gardes étaient gravement blessés et avaient besoin de soins en urgence. Le plus vite tout cela se terminait, le plus vite ils pourraient atteindre Priestlicheim pour enfin terminer ce supplice. Renata réaffirma donc sa prise sur son sabre et avança vers le terrain du duel d’un pas déterminé.
Le garde restant le vit et entreprit de faire le tour par la gauche pour prendre le revenant à revers. Il ne fallut que quelque pas à l’impérial pour arriver à une bonne position, Hjalmar et Oldrick venait de repartir dans un court échange et le revenant ne le regardait pas. Malgré les tremblements de sa main, le garde finit par trouver le courage de lever sa lame et de s’avancer vers le revenant en même temps que Renata qui partait soutenir Hjalmar. Mais au moment même où le garde se trouva à portée, le nordique, qui semblait pourtant perdu dans son combat, eu un tressautement. D’un mouvement aussi agile que rapide, Hjalmar passa la garde d’Oldrick en se glissant sous le bras armé du revenant. A peine une poignée de secondes plus tard, le norse se trouvait au niveau du garde avec une expression de colère telle que l’impérial était convaincu qu’il allait mourir dans l’instant. Sans hésiter, Hjalmar frappa le garde à la tête avec le plat de sa lame, l’envoyant bouler un mètre en arrière.
« C’est MON combat ! Comment oses-tu… ?! » - Hjalmar tenta de contenir sa colère et son souffle court se changea en une respiration rauque – « Dégages !! »
Le garde terrifié fut plus que content d’obéir à l’ordre que le norse venait de lui hurler au visage et il se releva tant bien que mal en tenant sa mâchoire endolorie. Quand Hjalmar se retourna, il avisa Renata qui était restée sur place, effarée par la tournure de la scène. Il resta quelques secondes de plus à la regarder dans les yeux, comme pour lui intimer qu’il ne souhaitait vraiment pas réitérer la scène précédente avec elle. Puis, rapportant son regard sur Oldrick, Hjalmar se replaça à pas lourds à l’endroit d’où il avait commencé le duel.
« Reprenons, gronda-t-il en se mettant en garde. »
Le roi revenant avait été tout aussi surpris que les autres spectateurs du déroulement des choses et il ne savait pas exactement quoi faire. L’homme qu’il affrontait supposément dans un combat à mort venait de le sauver en frappant un de ses alliés. C’était définitivement étrange.
« Vous êtes sûr ? demanda le revenant.
-Absolument. »
En disant cela, Hjalmar avait lancé un dernier regard au trio qui observait le duel. Le message était clair : Aucune intervention supplémentaire d’aucune sorte ne serait tolérée. Oldrick haussa légèrement ses épaules et se remit lui aussi en garde. Derrière, Renata recula d’un pas. Mais, frustré de ne pouvoir intervenir, elle se prépara à exprimer son mécontentement. A peine avait-elle ouverte la bouche que Hjalmar la coupait en parlant à Oldrick.
« Puisque certaines personnes souhaitent voir ce combat se terminer !... Eh bien, allons-y sérieusement, voulez-vous ? Envoyez-moi tout ce que vous avez.
-Avec plaisir. »
Oldrick lâcha sa garde un instant pour se redresser. Il avait beau être un peu plus petit que le norse, sa prestance et sa « couronne » en bois de cerf l’aidait à rattraper quelque peu cette différence. Mais quand sa cape s’anima sous les yeux progressivement effrayés des spectateurs – et ceux intrigués de Hjalmar – la donne changea rapidement. Le vêtement de fourrure s’assombrit grandement et se mit à former des volutes noirâtres autour du revenant. Silencieusement, les ombres qui enveloppaient maintenant Oldrick se mirent à former ce qui ressemblait à deux ailes éthérées, ajoutant encore à l’allure cauchemardesque du roi revenant. Les flammèches dans ses orbites brillèrent d’une intensité renouvelée alors qu’il se remettait en position, son épée dirigée vers son adversaire. Hjalmar gloussa de plaisir devant un tel spectacle et lança l’épée courte qui lui restait en main vers le revenant. Les ombres fondirent immédiatement sur la lame qui s’embourba dans la cape. Cette dernière, comme douée de sa propre volonté, jeta ensuite négligemment l’objet sur le côté. Oldrick, lui, n’avait pas bougé d’un centimètre et restait tout sourire comme à son habitude.
« Pas mal, Oldrick ! Pas mal, lança Hjalmar avec une touche de fascination dans la voix. A mon tour donc... »
Le norse prit quelques secondes pour regarder ce qui restait de son arsenal et fit la moue, il était à court d’options. La dague dans sa botte ne l’aiderait pas contre le revenant… Mais en vérité, ce qui gênait le plus Hjalmar, c’était le fait qu’il ait perdu son sang-froid juste avant. S’il n’avait pas repris le contrôle au dernier moment pour changer l’angle de l’épée, le pauvre type serait mort. Même s’il essayait de paraître insouciant pour les autres tout en faisant semblant de chercher une arme, Hjalmar serrait ses poings par frustration. Pourquoi avait-il autant de mal à garder le contrôle de lui-même ? Non, les voix avaient dû profiter d’un moment de faiblesse pour reprendre le dessus et amplifier sa colère. C’était peut-être ça. Non. Ça devait être ça. Hjalmar tenta alors de retrouver son calme. S’il avait les idées claires, il pourrait éviter le pire.
« Foutus démons… maugréa Hjalmar pour lui-même. Vous ne m’aurez pas encore. »
Le combat continuait et tout allait pour le mieux, se disait-il pour s’apaiser. Même si l’incident d’avant lui avait laissé un goût amer qu’il essayait d’oublier, tout allait bien. Cela se passait tellement bien d’ailleurs qu’il en était presque dans ses derniers retranchements… « Excellent ! » pensa-t-il subitement. Cela faisait bien trop longtemps qu’il n’avait pas été un peu en difficulté ! Il avait essayé une bonne douzaine de techniques pour contrer un bouclier mais aucune ne s’était avéré efficace. Après ce constat, Hjalmar se fit la réflexion qu’il était plutôt doué ce « renne mort-vivant » en fin de compte. Il allait donc devoir améliorer son jeu. Or c’était là que le dilemme se posait, parce que même s’il n’avait plus vraiment le choix fautes d’armes de qualité, il aurait préféré ne pas avoir à utiliser Vafnir.
Comme résigné et avec un soupir, Hjalmar attrapa le manche de ladite hache à deux mains qui se tenait dans son dos. Alors qu’il la ramenait, la sensation maintenant familière du contact de sa main avec le bois calma définitivement la colère latente du nordique causée par l’incident d’avant. Hjalmar enleva lentement les bandelettes de cuir qui la recouvrait et regarda alors à nouveau l’arme. Elle ne ressemblait pas à grand-chose. Le manche était taillé de façon erratique malgré les runes anciennes qui parcouraient le bois clair sur toute la longueur. De plus, le fer – qui était clairement fait pour crocheter les adversaires – était trop lourd pour sa taille et les autres runes creusées dessus devaient sûrement affaiblir l’acier. En plus, cette hache avait été littéralement abreuvée de sang de démon de toutes sortes et donc d’essence chaotique pure. Ce qui impliquait un risque plutôt important pour lui lorsqu’il la maniait puisqu’il pouvait accentuer le risque d’une rechute rien qu’en étant simplement en contact avec elle. Mais malgré tous ces défauts, de toutes les armes qu’il ait jamais pu avoir en main, elle était très probablement la meilleure. Ce n’était pas un cadeau des dieux pour rien, elle semblait faite pour lui !... Et c’était très exactement ce qui frustrait le nordique, cette foutue hache était beaucoup trop dangereuse entre ses mains. S’il avait survécu aux royaumes du chaos, c’était en partie grâce à elle et ce n’était pas rien ! Mais maintenant, le combat pouvait se terminer en un instant s’il ne se contrôlait pas… Et pour Hjalmar, il n’y avait rien de plus frustrant que de terminer un duel en quelques secondes alors qu’il commençait à s’y mettre sérieusement justement.
« Quand vous voulez ! lança Oldrick pour réveiller son rival. »
Hjalmar tressauta alors qu’il se faisait sortir de sa contemplation. Le regard enfin décidé, le norse se plaça avec le fer de sa hache vers le bas, en arrière. Tout ce qu’il avait à faire, c’était d’y aller progressivement, de ne pas se laisser aller et contrôler ses mouvements. Après une longue inspiration, Hjalmar se mit à courir.
Au même moment, Renata se fit la réflexion qu’elle n’avait jamais vu cette arme en action, sauf sur le visage réduit en pulpe d’un démon de Khorne. Et si Hjalmar l’avait gardé avec lui tout le long du voyage c’est qu’il devait y avoir une raison bien particulière. Cette dite raison devint évidente au moment même où Hjalmar courait vers Oldrick. En y regardant bien, on pouvait remarquer qu’une paire de runes s’étaient mises à briller d’une faible lueur bleutée sur le fer de la hache de Hjalmar. Apparemment, certaines des inscriptions avaient une utilité. Alors que le norse arrivait près du revenant, la cape se déploya à nouveau et fondit sur sa proie telle une lame de fond attaquant de tous les côtés. Mais quand Hjalmar lança sa hache pour contrer la cape d’ombre, un éclat blanc occupait la place du fer de son arme. La hache déchiqueta les ombres, les repoussant sans difficulté alors qu’elle partait droit vers le flanc droit d’Oldrick. Le reste de la cape tenta d’entraver le mouvement de Hjalmar mais l’arme était déjà partie. Le revenant ne fut sauvé qu’au dernier moment par ses réflexes alors qu’il plaçait son bouclier sur la route de l’arme, mais le choc d’une hache à deux mains lancée à pleine vitesse était bien trop puissant pour être arrêté sans problèmes. Quand l’arme frappa enfin, l’impact repoussa Oldrick qui failli tomber en perdant son équilibre alors que son bouclier accusait des dégâts sévères. Hjalmar fut finalement repoussé par les ombres qui l’assaillaient pour défendre leur propriétaire.
Maintenant que les deux combattants avaient repris leurs positions de combat, les spectateurs ainsi qu’Oldrick purent observer que le fer de l’arme de Hjalmar était maintenant en parti chauffé à blanc par la magie runique de l’arme. De petits éclairs brefs parcouraient le fer de l’arme, indiquant qu’elle était chauffée par le courant électrique intense qui traversait le métal. Hjalmar se replaça, imperturbable, les yeux fixés sur son rival. Oldrick, lui, regardait avec étonnement l’enchantement mis en jeu. Le guerrier du nord avait quelques tours dans son sac lui aussi, se dit-il en gloussant.
Leur joute reprit l’instant suivant et le rythme s’accéléra. La technique de combat à la hache de Hjalmar dépassait de loin tout ce qu’il avait utilisé jusque-là contre le roi revenant. Ce dernier ne devait sa survie qu’à sa résistance hors du commun et à une utilisation plus intelligente de son bouclier. S’il ne pouvait pas parer les coups, il pouvait les dévier. La scène devint similaire au duel d’avant avec Hjalmar en attaquant et Oldrick en défenseur, mais ici c’était le revenant qui reculait devant les assauts impitoyables du nordique. Les frappes étaient devenues précises, directes et encore plus imprévisibles. De temps en temps, le norse envoyait un coup de poing ou de botte pour déstabiliser le revenant. Oldrick arrivait parfois à répliquer en quelques occasions quand sa cape gênait suffisamment son adversaire, mais son épée était étonnamment plus lente que la hache du nordique. Au final, Hjalmar arrivait toujours à reculer pour mieux revenir à la charge. Après quelques passes, l’armure d’Oldrick reçut quelques coups qui déformèrent les plates, mais le revenant ne s’en souciait guère, ses vieux os tenaient le coup… Mais pour encore combien de temps ?
Du côté du trio de spectateurs, le duel ne cessait de les impressionner. A la lumière des torches qu’ils avaient maintenant allumés, les deux duellistes s’affrontaient à un niveau que seul les meilleurs escrimeurs pouvaient espérer atteindre tout en y rajoutant une dose d’improvisation. Et cet étrange mélange de patience et de brutalité qui s’offrait à eux donnait une sorte de teinte à ce duel. Quoi qu’ils pensent des combattants, ils restaient là à regarder cette confrontation qui continuait encore et encore. Passes après passes, les deux guerriers se jetaient l’un sur l’autre avec férocité et pourtant aussi avec respect. Il y avait quelque chose de fascinant à les voir se battre, comme si l’on assistait au final d’une pièce de théâtre. Ou pour être exact, au duel final d’une de ces histoires épiques avec les grands héros d’antan qui allaient avec. Ce genre de duel idéalisé à l’extrême mais qui pourtant prenait vie devant leurs yeux. Alors, certes, on était loin des preux chevaliers et des grands idéaux dans cette situation, mais on retrouvait ce concept dans cet affrontement.
Cependant, un détail finit par faire sortir Placido de sa contemplation inquiète. L’autre gringalet qui ressemblait à un mage ne disait plus rien depuis un long moment. Intrigué, le tiléen regarda aux alentours et repéra l’intéressé… à côté de la porte du chariot.
Anthezar, justement, avait profité du statu quo causé par le duel pour se glisser lentement jusqu’au chariot sans se faire voir. Il n’en était pas vraiment fier, mais il devait le faire. Cela lui faisait mal de l’accepter, mais Oldrick était en mauvaise posture. Et si le duel se terminait par sa défaite, ils n’en auraient plus pour longtemps. Il s’était donc décidé à prendre un risque. Une fois arrivé devant la porte, le nécromancien en herbe déglutit et entreprit de tourner la poignée. Il n’avait plus qu’à espérer que tout se passe bien… Mais à peine avait-il eu le temps d’ouvrir la porte que Placido lui rentrait dedans, épaule d’abord. A cause de sa corpulence largement inférieure à celle du mercenaire, Anthezar partit s’étaler plus loin en roulant sur lui-même. Un cri de douleur contenu informa Placido que le mage noir était toujours en vie. Après un rapide crachat de mépris, le tiléen dégaina sa lame d’un geste vif et jeta un coup d’œil à l’intérieur du chariot pour voir si la damoiselle allait bien… Et puis, il ne l’avait jamais vue, il était curieux après tout.
Et il ne fut pas déçu. Isabelle Vonheuffer se tenait dans l’encadrement de la porte, les mains jointes devant elle avec le regard condescendant qui la caractérisait si bien. Son élégante robe couleur bordeaux rehaussait quelque peu son visage pâle et raffiné tout en affichant sa ligne gracile. Placido était aux anges. Il avait l’impression de sauver la belle princesse d’un conte de fée. Alors certes, son air noble la rendait un peu détestable, mais elle avait un charme indéniable… Et elle avait de si beaux yeux.
La mine grave, Isabelle Vonheuffer descendit lentement les marches du chariot d’un pas mesuré. Une fois en bas, elle analysa rapidement les alentours. La chose fut rapide au vu du peu de personnes encore en vie à ce moment-là mais aussi parce que la nuit commençait à s’installer. Les lèvres fines de la damoiselle se pincèrent devant la scène alors qu’elle passait doucement sa main dans ses cheveux noirs légèrement bouclés. L’intervention de Placido n’était pas passée inaperçue et toute l’assemblée regardait la nouvelle venue, attendant de voir ce qu’elle allait faire. Même le duel s’était arrêté alors qu’Oldrick décernait un regard enragé à la noble pour avoir indirectement causé du tort à son maître. Le tiléen, cependant, restait sur place, l’air béat et les yeux fixés sur la dame.
« Tant de brutalité pour accomplir si peu de choses, soupira-t-elle avec un léger accent aristocratique. »
Anthezar se releva en vitesse et tenta de courir d’un air paniqué vers Isabelle Vonheuffer, mais cette dernière leva brusquement sa main droite vers lui. Comme pour lui intimer de s’arrêter dans l’instant, ce qu’il fit à la grande surprise des membres du convoi.
« Je… ! commença Anthezar
-Silence ! le coupa-t-elle. Vous en avez déjà fait assez. Le ‘spectacle’ grotesque qui s’offre à moi en est la preuve. » - Elle se tourna alors vers Placido – « Soyez un bon petit soldat et prêtez-moi votre rapière, voulez-vous ? »
Le tiléen, comme subjugué, leva sa lame et présenta la poignée à la noble. Avec un sourire forcé, Isabelle récupéra l’arme qu’elle soupesa rapidement.
« Merci… Je n’en reviens point de devoir faire ça moi-même, dit-elle pour elle-même. »
Sans plus attendre et d’un geste si vif que personne ne put agir à temps, la dame perça le cœur de Placido avec sa rapière, elle lâcha ensuite l’arme d’un air détaché. La vie le quittant, le mercenaire s’effondra en arrière, le corps transpercé et pourtant avec un grand sourire figé sur son visage. Isabelle Vonheuffer affichait quant à elle un air de dégoût évident devant la scène et entreprit de vérifier si ses gants brodés n’avaient pas été endommagés dans l’affaire. Satisfaite de ne voir aucun accroc, elle reporta son attention sur le nécromancien.
« Voilà, ce n’est point bien compliqué pourtant ! » - Prenant conscience de son élévation de voix, la dame se força à retrouver son sang-froid et reprit – « Le comte vous envoie, je suppose ?
-Heum, oui il…
-Cet incapable grincheux a donc trouvé le courage de passer à l’acte, le coupa-t-elle à nouveau. Je dois avouer que depuis le début j’avais cru à une bête attaque de fieffés truands inconscients. C’est dire si je m’attendais à mieux de sa part… Il faudrait que je revoie sa récompense à la baisse une fois tout cela terminé. »
La dame tourna enfin la tête vers les trois membres du convoi encore debout. Si son regard méprisant n’était pas déjà suffisant, ce qui les frappa fut le fait que les pupilles de la dame étaient rouge sang. Une couleur peu habituelle pour des yeux s’il en est, surtout quand ils brillent dans le noir. La dame se mit alors à sourire, dévoilant deux crocs aiguisés en lieu et place de ses canines. Il ne fallut pas longtemps à Renata pour faire le lien : Vonheuffer était un vampire. Elle n’en avait entendu parler que par les légendes de Miragliano durant son séjour là-bas. Mais maintenant qu’elle en avait un spécimen devant elle, elle comprit que la crainte à leurs égards était fondée. Il ne lui avait suffi que d’un regard pour hypnotiser le pauvre Placido qui n’avait rien pu faire. D’ailleurs, elle avait beau connaître les risques du métier mais la mort du tiléen lui avait serré le cœur, il méritait bien que mieux que ça. Bordel, pourquoi est-ce que personne n’était normal dans ce convoi ?
La vampiresse reprit quelques instants après avoir étudié le groupe :
« Puisque je suis maintenant forcée de rentrer dans ce jeu immature, autant m’amuser quelque peu, non ? » - Son air se renfrogna subitement alors qu’elle se tournait vers Anthezar – « Mais d’abord, j’ai à parler avec vous de vos résultats…
-Heu...Hein ? bredouilla rapidement Anthezar. »
En l’espace d’un instant, la vampiresse disparut dans des volutes de fumées noirâtres qui voletèrent rapidement jusqu’à Anthezar. Les ombres se reformèrent immédiatement après, laissant apparaître la dame pile devant le nécromancien. Ce dernier en profita pour pousser un petit cri aigu.
« Votre mission était simple, siffla-t-elle entre ses dents. »
Isabelle Vonheuffer se mit à avancer lentement, faisant reculer Anthezar pas après pas devant sa posture menaçante. Oh oui, elle était simple leur mission et ils avaient quand même réussi à faire capoter la presque totalité ! Des années à se faire passer pour une greluche incapable parmi la supposée noblesse impériale pour les manipuler de l’intérieur avaient failli être réduites en cendres ! Elle avait organisé des assassinats, des renversements, des révoltes pour sa maitresse la grande reine éternelle, et ces incapables étaient à deux doigts de l’amener dans un repère de prêtre sigmarites ? Impensable ! Si elle avait été découverte et torturée, tout ce qu’elle avait bâti aurait été compromis. La porte de sortie presque providentielle offerte par ce vieux comte sylvanien rencontré au détour d’un bal de courtoisie était effectivement trop belle pour être vraie. Un service contre un service avait-il dit le malotru ! Il allait voir ce qu’elle en pensait de son ’service’ d’incapables ! Oh oui, ils allaient payer pour toutes ces années où elle s’était retenue. Lentement, très lentement.
« Vous deviez tuer toute l’escorte, faire paraître tout cela pour une attaque ratée et me ramener auprès du comte. Comme cela, je m’éclipsais de la noblesse impériale en beauté sans questions dérangeantes à mon sujet. Un plan que je croyais suffisamment aisé à mettre en œuvre pour des esprits simple comme les vôtres, mais je me suis apparemment fourvoyée ! Entre votre retard, l’exécution pitoyable de l’acte, le fait d’avoir interrompu ma sieste, les risques que j’ai encourus et vos manières navrantes… Je devrais rendre caduque l’accord entre les Von Carstein et les lahmianes dans l’instant ! Cet… »
Subitement, la vampiresse prit un instant pour se retourner à demi et ainsi arrêter une dague de lancer qui lui était destinée entre ses doigts. En retraçant l’arc de tir, elle vit qu’Hans Grimmel s’était réveillé et avait tenté sa chance avec une des armes que Hjalmar avait laissé tomber durant son combat.
« Je savais bien que vous n’alliez nous apporter que des problèmes, mais ça ! cria Hans d’une voix cassée par la rage. Mes gars sont morts pour vous protéger et vous vouliez notre mort ? Alors j’ai bien l’intention de les venger !
-Très intéressant. Maintenant, si le bétail voulait bien rester à sa place… »
D’un geste agacé, Isabelle Vonheuffer relança la dague qui fila tel un trait argenté jusqu’à l’épaule du capitaine impérial. La lame se planta dans un bruit sourd. Elle ne fit que peu de dégâts, ayant par chance été bloquée par l’os, mais la douleur était bien réelle. Dans un hurlement déchirant, Hans mit donc un genou à terre en soufflant bruyamment tout en appuyant sur la zone blessée avec sa main. Essayant d’oublier la douleur, il parvint à lancer un regard noir à la vampiresse qui en resta de marbre. D’un regard rapide, elle s’assura dans le même temps que personne d’autre n’était atteint du même syndrome de bravoure stupide. Cependant, la scène avait été efficace et aucun des vivants n’avait bougé. Bien, se dit-elle.
« Ce problème ayant été réglé, reprenons. » - Impassible, la vampiresse tourna ses yeux rougeoyants vers le nécromancien terrifié – « Je disais donc. Vous avez effectué le travail demandé, mais maladroitement. Or, mes exigences étaient claires, je souhaitais une exécution professionnelle et sans incident. Je me vois donc forcée de prendre la suite à présent pour terminer cela au plus vite et essayer de rattraper vos erreurs. D’ailleurs, pour les avoir commises ces erreurs justement, vous allez mourir nécromancien. »
La dernière phrase ayant été prononcée sur un ton amical et avec un sourire bien trop jovial pour être vrai, Anthezar n’eut pas à réfléchir longtemps avant de réaliser qu’il était maintenant officiellement en danger. Mais comment la situation avait-elle pu dégénérer à ce point ? Un moment tout se passait bien, puis l’autre barbu était arrivé avec son duel et maintenant la dame qu’ils devaient ramener voulait le tuer ? Pourquoi ? Pourquoi lui ?! Bon sang, il aurait dû rester dans la ferme familiale pour aider grand-papi Gontran à rentrer le foin pour l’hiver… Mais non, il avait voulu jouer au mage noir et ses rêves de gloire l’avait envoyé se faire tuer ! … Et merdre. Il allait mourir là, au milieu de nulle part et en ayant accompli presque rien. Il la voyait déjà lever sa main gauche pour porter le coup fatal. Bon, autant essayer de mourir avec dignité, se dit-il bravement tandis qu’une larmichette perlait à ses yeux. Enfin, quand son corps arrêtera de trembler.
Alors que le nécromancien tentait de rassembler les restes de son courage, la vampiresse se prépara à frapper. Mais c’était sans compter sur l’intervention d’un squelette énervé en armure lourde portant des bois de cerfs sur son crâne. Lorsque le colosse arriva en chargeant, hurlant à tue-tête et l’épée levée vers la vampiresse, celle-ci réutilisa sa capacité à se transformer en brumes par instinct pour éviter le coup de l’épée maudite. La lame traversa donc uniquement un brouillard informe qui se déplaça quelques mètres plus loin pour se reformer. Oldrick en profita pour se placer devant Anthezar en déployant sa cape. Isabelle Vonheuffer, elle, affichait une expression de surprise véritable, l’attaque du mort-vivant n’était définitivement pas prévue. Comment ce misérable meuble garde du corps avait-il pu prévoir la mise à mort de son maître ?
« Deux fois, grogna Oldrick. Deux fois, vous avez menacé mon maître. C’est déjà bien trop.
-Eh bien, que voilà un serviteur dévoué, pouffa Isabelle. Il servirait bien dans nos rangs s’il n’était pas si laid. Quel dommage.
-Et en plus tu m’insultes !
-Oldrick s’il te plaît ne l’énerve pas ! chouina Anthezar derrière le revenant.
-La ferme ! Je vais lui apprendre le respect ! »
Cette fois, ce fut au tour de la vampiresse d’être surprise. Une réponse pareille venant d’un serviteur mort-vivant était tout bonnement impensable. Il aurait donc son libre-arbitre ou un équivalent ? Ce roi déchu devenait tout de suite bien plus intéressant. Il faudrait qu’elle l’étudie au Pinacle d’argent une fois tout cela terminé, mais pour le moment il fallait terminer cette farce au plus vite. Il lui suffirait de tuer l’être pathétique qui lui servait de maître et la question serait réglée. Alors qu’Isabelle Vonheuffer se préparait à partir à la charge, une voix retentit à sa gauche et une forme se posta à côté d’elle, cachant la lumière des quelques torches encore allumées.
« C’était m…MON duel, articula lentement Hjalmar. »
Se tenant droit comme un piquet et les yeux écarquillés de colère, Hjalmar était clairement en train de perdre pied. Des spasmes erratiques l’agitaient par intermittence, rajoutant au côté menaçant déjà omniprésent du nordique. Des rares spectateurs de la scène, seule Renata avait continué à regarder le nordique et elle s’inquiétait. La dernière fois où il avait réagi de cette manière, c’était lors de sa dernière crise. Sauf que là, il était évident qu’il partait vers quelque chose de bien pire même s’il semblait essayer de se retenir. Dès l’arrêt prématuré du duel, Hjalmar n’avait pas lâché la vampiresse du regard. Ses traits s’étaient progressivement durcis et il avait ensuite commencé à marcher vers elle d’un pas lourd et résolu. La capitaine mercenaire était certaine qu’elle ne l’arrêterait pas, c’était impossible, mais maintenant elle devait penser à une solution pour le calmer en vitesse avant qu’il n’essaye de tous les tuer.
Quand ce fut au tour d’Isabelle Vonheuffer de jeter un œil vers ladite personne, elle reconnut le barbare qui accompagnait le convoi. Hmpf, un autre humain qui ne connaissait pas sa place. Elle n’avait qu’à l’hypnotiser comme l’autre… Nonchalamment, la vampiresse plongea son regard dans celui du norse qui se tenait juste à côté d’elle, immobile.
« Toi, tu vas m’aider. Mainte… commença-t-elle à dire alors que sa magie agissait.
-T’es QUI pour interrompre MON duel ? »
Et c’est à ce moment précis que la lahmiane comprit sa bourde monumentale.
Dans les faits, une magie de contrôle mental aussi poussée sollicite beaucoup d’énergie et de pratique et demande de créer un lien psychique, léger mais nécessaire, avec l’hôte. Sauf qu’à la seconde où Isabelle pu décrire les yeux du norse, elle sut qu’elle venait de commettre une abominable erreur. Les iris dilatés et fixes, le blanc des yeux presque rouge vif tellement ils étaient injectés de sang, tout indiquait que le barbare en face d’elle était rongée jusqu’à l’os par un état de colère si puissant qu’il en devenait tangible, mais avec quelque chose d’encore pire derrière. Quand la lahmiane le réalisa elle décida donc d’arrêter la connexion dans l’instant, mais le mal était fait. Ce que la vampiresse avait aperçu dans l’esprit du nordique durant la demi-seconde où la connexion mentale avait pu se faire était tout simplement inconcevable. Cependant, si on devait le décrire, on pourrait le rapprocher de cela :
Derrière la mer infinie de colère et d’envies meurtrières dans laquelle le norse se noyait à ce moment précis, se trouvait une petite sphère remplie de souvenirs enfermés, contenus. Et ladite sphère subissait les coups répétés des vagues de rage alors que toutes les pensées que Hjalmar avait enfermé à l’intérieur voulaient sortir de toutes leurs forces. Malgré sa colère immense, l’esprit du norse tentait toujours de se battre pour empêcher le pire, mais en vain, il ne faisait que retarder l’échéance par pure obstination. Quand la connexion mentale s’établit, l’esprit de Hjalmar fut très légèrement troublé, ce qui était normal comme réaction, mais il repoussa l’assaut mental sans problème. Or, ce déséquilibre fut suffisant pour mettre momentanément un terme au mécanisme de défense instinctif mis en place par son esprit. Le fragile équilibre mental du nordique se brisa dans l’instant et la sphère implosa, libérant un torrent d’images et de mémoires suivies par une chorale de voix éthérées qui se déversèrent dans la psyché du nordique. La vampiresse eu alors un bref, mais particulièrement virulent, résumé de ce à quoi les royaumes du chaos pouvaient ressembler alors que les voix susurrantes des démons corrompaient l’esprit de Hjalmar en s’incarnant par le biais de ses souvenirs, le guidant, amplifiant sa colère. La dernière once de bon sens ayant été brutalement supprimée de son esprit, Hjalmar sombra donc tout entier dans ses instincts les plus primaires. La chorale de voix se mit alors à hurler à tue-tête dans son crâne qu’il devait égorger, torturer, trucider, éviscérer, dépecer, mais surtout se venger. Oui, il devait se venger de tous ceux présent pour lui avoir refusé son duel, la seule chose à laquelle il tenait encore en ce bas monde. Au même moment, des fragments court de pensée, sortes de flash mémoriels, assaillaient de toute part la psyché sans défense de Hjalmar avec des images des royaumes du chaos. Son esprit devint un champ de bataille chaotique sans queue ni tête mais dont le seul et unique but était de tuer.
Involontairement, la vampiresse ne put donc qu’assister, impuissante, à une vision qui n’était pas faite pour des humains, mortels ou non. Son cerveau lui donna l’impression de se retourner plusieurs fois dans son crâne en se tordant de douleur alors qu’il essayait de nier de toutes ses forces ce qu’il voyait. Lorsque la connexion se termina brutalement, Isabelle retourna dans le monde réel comme ébranlée. Son sourire avait maintenant disparu et elle chancela en faisant quelque pas en arrière tout en gardant ses yeux fixés sur le norse. Ce dernier eu un ultime spasme brutal alors que la connexion s’estompait, puis plus rien. Il regardait maintenant vers le sol sans bouger. La vampiresse ne savait plus quoi penser. Qu’avait-elle bien pu libérer et comment pouvait-il tenir encore debout avec ça dans le crâne ? Ce n’était… Ce n’était pas son problème. La non-vie fit valoir ses droits et le pragmatisme froid de la vampiresse reprit rapidement le dessus sur la panique, mais maintenant elle se posait des questions sur la nature de ce qui se tenait devant elle. Personne de sensé ne devrait pouvoir contenir quelque chose de pareil en soi, mais il n’avait pas l’air corrompu par le chaos. La vampiresse en conclut que le norse devait avoir une force de volonté qui dépassait l’entendement pour supporter une torture pareille. Il était donc le principal danger.
Et comme pour valider ses craintes, Hjalmar poussa soudain un hurlement inhumain en relevant sa tête. Il criait à s’en arracher les cordes vocales tel un possédé. Pour accompagner son explosion de rage, il fonça tête baissée vers la vampiresse, hache devant. La lame runique chauffée à blanc voleta dans les airs, taillant un ruban éclatant qui brillait dans la nuit. La vampiresse déchanta bien vite devant l’assaut du nordique. Elle qui pensait pouvoir se débarrasser rapidement des gêneurs, elle se retrouvait à affronter un berserker en pleine furie meurtrière. De plus, il y avait un fossé énorme entre regarder quelqu’un se battre par une fenêtre et l’affronter réellement. La vitesse d’exécution du nordique allié à sa détermination inviolable de la tuer le rendait dangereux à un point qui inquiétait sérieusement la vampiresse. Si la lahmiane arrivait à esquiver les attaques les unes après les autres en profitant de ses réflexes surhumains, à un moment elle allait devoir répliquer. Sauf qu’elle avait déjà utilisé tout son arsenal non conventionnel. L’hypnose ne marcherait jamais et la forme de brume avait une utilisation limitée. Tout ce qui lui restait à présent était sa force surnaturelle. Mais en cet instant le norse tirait plus de l’animal que d’autre chose à ce moment précis et s’il le pouvait, il la mordrait. Hjalmar hurlait, criait alors qu’il taillait l’air autour de lui, lançant des borborygmes incohérents entre deux menaces de morts violentes. L’approcher était donc difficile, mais pas impossible.
La vampiresse tourna autour du norse, essayant de l’épuiser avec le temps pour le forcer à laisser une faille dans sa défense. Sa technique de combat à la hache était certes excellente, mais avec son emportement actuel, elle était maladroite et irréfléchie. L’opportunité arriva donc rapidement. D’un geste rapide, la lahmiane passa sous un estoc et frappa du poing le flanc du norse à travers sa cote de maille, lui coupant le souffle et brisant probablement un ou deux os au passage. Hjalmar grogna et fit un pas en arrière, mais il récupéra bien vite et, à la grande surprise de la vampiresse, l’agrippa au col pour lui décocha un coup de tête monumental. Complètement sonné, la lahmiane pesta et bondit en arrière pour récupérer elle aussi. Quand elle atterrit quelques mètres plus loin, elle sentit un liquide froid perler depuis son front. Elle appuya vivement ses doigts sur son front et les ramena légèrement rougit.
« Ce misérable arriéré m’a blessé ?! s’indigna-t-elle. »
Bondissant tel un chat, elle rattrapa la distance qui la séparait du norse qui se tenait le flanc. Ce dernier gronda à nouveau et reprit sa marche alors que son instinct meurtrier reprenait le dessus sur la douleur. Mais au moment où il abattit sa hache sur la vampiresse, cette dernière ignora le coup et passa derrière le nordique en le frappant sur l’autre flanc. Lorsqu’il se retourna, elle lui décocha un sourire malsain et se mit à reculer lentement. Forcément, guidé par sa colère, Hjalmar ne put que la suivre et enchaîna les coups de tailles pour la toucher mais en vain. La vampiresse se contentait de battre en retraite, guidant le nordique sur le champ de bataille à sa guise, se rapprochant ainsi de l’ancien terrain de duel. Si elle était hors d’elle à cause de son égratignure, elle continuait à garder son calme. Isabelle Vonheuffer avait décidé de jouer la carte de la sécurité avec Hjalmar, du moins assez pour qu’il s’épuise suffisamment et qu’elle puisse l’abattre plus facilement. Après plusieurs passes infructueuses pour le guerrier du nord, la vampiresse finit par s’arrêter net. D’un geste de la main pour lui demander de venir, elle provoqua le norse qui, tout en crachant sa haine, lança un coup horizontal de la droite pour en finir. La lame chauffée à blanc s’approchait dangereusement de la vampiresse lorsque cette dernière disparue subitement, à nouveau, dans un nuage d’ombres. Et si Isabelle Vonheuffer venait de s’évaporer en puisant dans le peu de magie qui lui restait, elle continua son manège jusqu’au bout malgré tout. Le norse se retrouvait donc à brasser l’air autour de lui en tentant de toucher la vampiresse qui lui échappait pourtant à chaque fois. A la sixième fois, alors qu’un mouvement de pas lui indiquait soudainement que son ennemie était derrière lui, Hjalmar relança le même coup de taille par la droite qu’auparavant. Sauf que cette fois la hache de Hjalmar trouva sa cible au travers des volutes de fumée. C’est donc dans un craquement épouvantable qu’un bouclier vola en une multitude d’éclats carbonisés et que la lame pénétra ensuite le flanc maintenant exposé de Renata Kellermann.
Mais trêves de paperasserie, voici la suite :
*** ***
Plusieurs secondes interminables passèrent. La zone de combat était remplie de lames brisées, de dagues et hachettes plantées dans le sol ou les arbres environnants. Le terrain même affichait ses cicatrices alors que la terre était retournée aux endroits où les deux combattants s’étaient rencontrés à plusieurs reprises. Les spectateurs du duel, eux, ne tenaient plus sur place alors que chaque coup paré résonnait dans la forêt. Tout ce qu’il avait pu faire était d’allumer des torches de fortune pour garder un peu de visibilité. Mais après quelques passes infructueuses pour les deux adversaires, si Anthezar trépignait derrière en soutenant Oldrick mentalement, Renata se décida à agir. Elle ne savait même pas pourquoi elle les regardait se battre depuis avant. Ils étaient plus nombreux et le revenant ne faisait que se défendre depuis le début du combat. Cela était normal évidemment puisque Hjalmar avait l’avantage de la vitesse tandis que le revenant avait celui de l’endurance, mais le combat s’éternisait. Aucun des deux guerriers ne semblait près d’arrêter le combat qui allait donc continuer pendant encore de longues minutes. Du temps qui leur manquait atrocement puisque certains des gardes étaient gravement blessés et avaient besoin de soins en urgence. Le plus vite tout cela se terminait, le plus vite ils pourraient atteindre Priestlicheim pour enfin terminer ce supplice. Renata réaffirma donc sa prise sur son sabre et avança vers le terrain du duel d’un pas déterminé.
Le garde restant le vit et entreprit de faire le tour par la gauche pour prendre le revenant à revers. Il ne fallut que quelque pas à l’impérial pour arriver à une bonne position, Hjalmar et Oldrick venait de repartir dans un court échange et le revenant ne le regardait pas. Malgré les tremblements de sa main, le garde finit par trouver le courage de lever sa lame et de s’avancer vers le revenant en même temps que Renata qui partait soutenir Hjalmar. Mais au moment même où le garde se trouva à portée, le nordique, qui semblait pourtant perdu dans son combat, eu un tressautement. D’un mouvement aussi agile que rapide, Hjalmar passa la garde d’Oldrick en se glissant sous le bras armé du revenant. A peine une poignée de secondes plus tard, le norse se trouvait au niveau du garde avec une expression de colère telle que l’impérial était convaincu qu’il allait mourir dans l’instant. Sans hésiter, Hjalmar frappa le garde à la tête avec le plat de sa lame, l’envoyant bouler un mètre en arrière.
« C’est MON combat ! Comment oses-tu… ?! » - Hjalmar tenta de contenir sa colère et son souffle court se changea en une respiration rauque – « Dégages !! »
Le garde terrifié fut plus que content d’obéir à l’ordre que le norse venait de lui hurler au visage et il se releva tant bien que mal en tenant sa mâchoire endolorie. Quand Hjalmar se retourna, il avisa Renata qui était restée sur place, effarée par la tournure de la scène. Il resta quelques secondes de plus à la regarder dans les yeux, comme pour lui intimer qu’il ne souhaitait vraiment pas réitérer la scène précédente avec elle. Puis, rapportant son regard sur Oldrick, Hjalmar se replaça à pas lourds à l’endroit d’où il avait commencé le duel.
« Reprenons, gronda-t-il en se mettant en garde. »
Le roi revenant avait été tout aussi surpris que les autres spectateurs du déroulement des choses et il ne savait pas exactement quoi faire. L’homme qu’il affrontait supposément dans un combat à mort venait de le sauver en frappant un de ses alliés. C’était définitivement étrange.
« Vous êtes sûr ? demanda le revenant.
-Absolument. »
En disant cela, Hjalmar avait lancé un dernier regard au trio qui observait le duel. Le message était clair : Aucune intervention supplémentaire d’aucune sorte ne serait tolérée. Oldrick haussa légèrement ses épaules et se remit lui aussi en garde. Derrière, Renata recula d’un pas. Mais, frustré de ne pouvoir intervenir, elle se prépara à exprimer son mécontentement. A peine avait-elle ouverte la bouche que Hjalmar la coupait en parlant à Oldrick.
« Puisque certaines personnes souhaitent voir ce combat se terminer !... Eh bien, allons-y sérieusement, voulez-vous ? Envoyez-moi tout ce que vous avez.
-Avec plaisir. »
Oldrick lâcha sa garde un instant pour se redresser. Il avait beau être un peu plus petit que le norse, sa prestance et sa « couronne » en bois de cerf l’aidait à rattraper quelque peu cette différence. Mais quand sa cape s’anima sous les yeux progressivement effrayés des spectateurs – et ceux intrigués de Hjalmar – la donne changea rapidement. Le vêtement de fourrure s’assombrit grandement et se mit à former des volutes noirâtres autour du revenant. Silencieusement, les ombres qui enveloppaient maintenant Oldrick se mirent à former ce qui ressemblait à deux ailes éthérées, ajoutant encore à l’allure cauchemardesque du roi revenant. Les flammèches dans ses orbites brillèrent d’une intensité renouvelée alors qu’il se remettait en position, son épée dirigée vers son adversaire. Hjalmar gloussa de plaisir devant un tel spectacle et lança l’épée courte qui lui restait en main vers le revenant. Les ombres fondirent immédiatement sur la lame qui s’embourba dans la cape. Cette dernière, comme douée de sa propre volonté, jeta ensuite négligemment l’objet sur le côté. Oldrick, lui, n’avait pas bougé d’un centimètre et restait tout sourire comme à son habitude.
« Pas mal, Oldrick ! Pas mal, lança Hjalmar avec une touche de fascination dans la voix. A mon tour donc... »
Le norse prit quelques secondes pour regarder ce qui restait de son arsenal et fit la moue, il était à court d’options. La dague dans sa botte ne l’aiderait pas contre le revenant… Mais en vérité, ce qui gênait le plus Hjalmar, c’était le fait qu’il ait perdu son sang-froid juste avant. S’il n’avait pas repris le contrôle au dernier moment pour changer l’angle de l’épée, le pauvre type serait mort. Même s’il essayait de paraître insouciant pour les autres tout en faisant semblant de chercher une arme, Hjalmar serrait ses poings par frustration. Pourquoi avait-il autant de mal à garder le contrôle de lui-même ? Non, les voix avaient dû profiter d’un moment de faiblesse pour reprendre le dessus et amplifier sa colère. C’était peut-être ça. Non. Ça devait être ça. Hjalmar tenta alors de retrouver son calme. S’il avait les idées claires, il pourrait éviter le pire.
« Foutus démons… maugréa Hjalmar pour lui-même. Vous ne m’aurez pas encore. »
Le combat continuait et tout allait pour le mieux, se disait-il pour s’apaiser. Même si l’incident d’avant lui avait laissé un goût amer qu’il essayait d’oublier, tout allait bien. Cela se passait tellement bien d’ailleurs qu’il en était presque dans ses derniers retranchements… « Excellent ! » pensa-t-il subitement. Cela faisait bien trop longtemps qu’il n’avait pas été un peu en difficulté ! Il avait essayé une bonne douzaine de techniques pour contrer un bouclier mais aucune ne s’était avéré efficace. Après ce constat, Hjalmar se fit la réflexion qu’il était plutôt doué ce « renne mort-vivant » en fin de compte. Il allait donc devoir améliorer son jeu. Or c’était là que le dilemme se posait, parce que même s’il n’avait plus vraiment le choix fautes d’armes de qualité, il aurait préféré ne pas avoir à utiliser Vafnir.
Comme résigné et avec un soupir, Hjalmar attrapa le manche de ladite hache à deux mains qui se tenait dans son dos. Alors qu’il la ramenait, la sensation maintenant familière du contact de sa main avec le bois calma définitivement la colère latente du nordique causée par l’incident d’avant. Hjalmar enleva lentement les bandelettes de cuir qui la recouvrait et regarda alors à nouveau l’arme. Elle ne ressemblait pas à grand-chose. Le manche était taillé de façon erratique malgré les runes anciennes qui parcouraient le bois clair sur toute la longueur. De plus, le fer – qui était clairement fait pour crocheter les adversaires – était trop lourd pour sa taille et les autres runes creusées dessus devaient sûrement affaiblir l’acier. En plus, cette hache avait été littéralement abreuvée de sang de démon de toutes sortes et donc d’essence chaotique pure. Ce qui impliquait un risque plutôt important pour lui lorsqu’il la maniait puisqu’il pouvait accentuer le risque d’une rechute rien qu’en étant simplement en contact avec elle. Mais malgré tous ces défauts, de toutes les armes qu’il ait jamais pu avoir en main, elle était très probablement la meilleure. Ce n’était pas un cadeau des dieux pour rien, elle semblait faite pour lui !... Et c’était très exactement ce qui frustrait le nordique, cette foutue hache était beaucoup trop dangereuse entre ses mains. S’il avait survécu aux royaumes du chaos, c’était en partie grâce à elle et ce n’était pas rien ! Mais maintenant, le combat pouvait se terminer en un instant s’il ne se contrôlait pas… Et pour Hjalmar, il n’y avait rien de plus frustrant que de terminer un duel en quelques secondes alors qu’il commençait à s’y mettre sérieusement justement.
« Quand vous voulez ! lança Oldrick pour réveiller son rival. »
Hjalmar tressauta alors qu’il se faisait sortir de sa contemplation. Le regard enfin décidé, le norse se plaça avec le fer de sa hache vers le bas, en arrière. Tout ce qu’il avait à faire, c’était d’y aller progressivement, de ne pas se laisser aller et contrôler ses mouvements. Après une longue inspiration, Hjalmar se mit à courir.
Au même moment, Renata se fit la réflexion qu’elle n’avait jamais vu cette arme en action, sauf sur le visage réduit en pulpe d’un démon de Khorne. Et si Hjalmar l’avait gardé avec lui tout le long du voyage c’est qu’il devait y avoir une raison bien particulière. Cette dite raison devint évidente au moment même où Hjalmar courait vers Oldrick. En y regardant bien, on pouvait remarquer qu’une paire de runes s’étaient mises à briller d’une faible lueur bleutée sur le fer de la hache de Hjalmar. Apparemment, certaines des inscriptions avaient une utilité. Alors que le norse arrivait près du revenant, la cape se déploya à nouveau et fondit sur sa proie telle une lame de fond attaquant de tous les côtés. Mais quand Hjalmar lança sa hache pour contrer la cape d’ombre, un éclat blanc occupait la place du fer de son arme. La hache déchiqueta les ombres, les repoussant sans difficulté alors qu’elle partait droit vers le flanc droit d’Oldrick. Le reste de la cape tenta d’entraver le mouvement de Hjalmar mais l’arme était déjà partie. Le revenant ne fut sauvé qu’au dernier moment par ses réflexes alors qu’il plaçait son bouclier sur la route de l’arme, mais le choc d’une hache à deux mains lancée à pleine vitesse était bien trop puissant pour être arrêté sans problèmes. Quand l’arme frappa enfin, l’impact repoussa Oldrick qui failli tomber en perdant son équilibre alors que son bouclier accusait des dégâts sévères. Hjalmar fut finalement repoussé par les ombres qui l’assaillaient pour défendre leur propriétaire.
Maintenant que les deux combattants avaient repris leurs positions de combat, les spectateurs ainsi qu’Oldrick purent observer que le fer de l’arme de Hjalmar était maintenant en parti chauffé à blanc par la magie runique de l’arme. De petits éclairs brefs parcouraient le fer de l’arme, indiquant qu’elle était chauffée par le courant électrique intense qui traversait le métal. Hjalmar se replaça, imperturbable, les yeux fixés sur son rival. Oldrick, lui, regardait avec étonnement l’enchantement mis en jeu. Le guerrier du nord avait quelques tours dans son sac lui aussi, se dit-il en gloussant.
Leur joute reprit l’instant suivant et le rythme s’accéléra. La technique de combat à la hache de Hjalmar dépassait de loin tout ce qu’il avait utilisé jusque-là contre le roi revenant. Ce dernier ne devait sa survie qu’à sa résistance hors du commun et à une utilisation plus intelligente de son bouclier. S’il ne pouvait pas parer les coups, il pouvait les dévier. La scène devint similaire au duel d’avant avec Hjalmar en attaquant et Oldrick en défenseur, mais ici c’était le revenant qui reculait devant les assauts impitoyables du nordique. Les frappes étaient devenues précises, directes et encore plus imprévisibles. De temps en temps, le norse envoyait un coup de poing ou de botte pour déstabiliser le revenant. Oldrick arrivait parfois à répliquer en quelques occasions quand sa cape gênait suffisamment son adversaire, mais son épée était étonnamment plus lente que la hache du nordique. Au final, Hjalmar arrivait toujours à reculer pour mieux revenir à la charge. Après quelques passes, l’armure d’Oldrick reçut quelques coups qui déformèrent les plates, mais le revenant ne s’en souciait guère, ses vieux os tenaient le coup… Mais pour encore combien de temps ?
Du côté du trio de spectateurs, le duel ne cessait de les impressionner. A la lumière des torches qu’ils avaient maintenant allumés, les deux duellistes s’affrontaient à un niveau que seul les meilleurs escrimeurs pouvaient espérer atteindre tout en y rajoutant une dose d’improvisation. Et cet étrange mélange de patience et de brutalité qui s’offrait à eux donnait une sorte de teinte à ce duel. Quoi qu’ils pensent des combattants, ils restaient là à regarder cette confrontation qui continuait encore et encore. Passes après passes, les deux guerriers se jetaient l’un sur l’autre avec férocité et pourtant aussi avec respect. Il y avait quelque chose de fascinant à les voir se battre, comme si l’on assistait au final d’une pièce de théâtre. Ou pour être exact, au duel final d’une de ces histoires épiques avec les grands héros d’antan qui allaient avec. Ce genre de duel idéalisé à l’extrême mais qui pourtant prenait vie devant leurs yeux. Alors, certes, on était loin des preux chevaliers et des grands idéaux dans cette situation, mais on retrouvait ce concept dans cet affrontement.
Cependant, un détail finit par faire sortir Placido de sa contemplation inquiète. L’autre gringalet qui ressemblait à un mage ne disait plus rien depuis un long moment. Intrigué, le tiléen regarda aux alentours et repéra l’intéressé… à côté de la porte du chariot.
Anthezar, justement, avait profité du statu quo causé par le duel pour se glisser lentement jusqu’au chariot sans se faire voir. Il n’en était pas vraiment fier, mais il devait le faire. Cela lui faisait mal de l’accepter, mais Oldrick était en mauvaise posture. Et si le duel se terminait par sa défaite, ils n’en auraient plus pour longtemps. Il s’était donc décidé à prendre un risque. Une fois arrivé devant la porte, le nécromancien en herbe déglutit et entreprit de tourner la poignée. Il n’avait plus qu’à espérer que tout se passe bien… Mais à peine avait-il eu le temps d’ouvrir la porte que Placido lui rentrait dedans, épaule d’abord. A cause de sa corpulence largement inférieure à celle du mercenaire, Anthezar partit s’étaler plus loin en roulant sur lui-même. Un cri de douleur contenu informa Placido que le mage noir était toujours en vie. Après un rapide crachat de mépris, le tiléen dégaina sa lame d’un geste vif et jeta un coup d’œil à l’intérieur du chariot pour voir si la damoiselle allait bien… Et puis, il ne l’avait jamais vue, il était curieux après tout.
Et il ne fut pas déçu. Isabelle Vonheuffer se tenait dans l’encadrement de la porte, les mains jointes devant elle avec le regard condescendant qui la caractérisait si bien. Son élégante robe couleur bordeaux rehaussait quelque peu son visage pâle et raffiné tout en affichant sa ligne gracile. Placido était aux anges. Il avait l’impression de sauver la belle princesse d’un conte de fée. Alors certes, son air noble la rendait un peu détestable, mais elle avait un charme indéniable… Et elle avait de si beaux yeux.
La mine grave, Isabelle Vonheuffer descendit lentement les marches du chariot d’un pas mesuré. Une fois en bas, elle analysa rapidement les alentours. La chose fut rapide au vu du peu de personnes encore en vie à ce moment-là mais aussi parce que la nuit commençait à s’installer. Les lèvres fines de la damoiselle se pincèrent devant la scène alors qu’elle passait doucement sa main dans ses cheveux noirs légèrement bouclés. L’intervention de Placido n’était pas passée inaperçue et toute l’assemblée regardait la nouvelle venue, attendant de voir ce qu’elle allait faire. Même le duel s’était arrêté alors qu’Oldrick décernait un regard enragé à la noble pour avoir indirectement causé du tort à son maître. Le tiléen, cependant, restait sur place, l’air béat et les yeux fixés sur la dame.
« Tant de brutalité pour accomplir si peu de choses, soupira-t-elle avec un léger accent aristocratique. »
Anthezar se releva en vitesse et tenta de courir d’un air paniqué vers Isabelle Vonheuffer, mais cette dernière leva brusquement sa main droite vers lui. Comme pour lui intimer de s’arrêter dans l’instant, ce qu’il fit à la grande surprise des membres du convoi.
« Je… ! commença Anthezar
-Silence ! le coupa-t-elle. Vous en avez déjà fait assez. Le ‘spectacle’ grotesque qui s’offre à moi en est la preuve. » - Elle se tourna alors vers Placido – « Soyez un bon petit soldat et prêtez-moi votre rapière, voulez-vous ? »
Le tiléen, comme subjugué, leva sa lame et présenta la poignée à la noble. Avec un sourire forcé, Isabelle récupéra l’arme qu’elle soupesa rapidement.
« Merci… Je n’en reviens point de devoir faire ça moi-même, dit-elle pour elle-même. »
Sans plus attendre et d’un geste si vif que personne ne put agir à temps, la dame perça le cœur de Placido avec sa rapière, elle lâcha ensuite l’arme d’un air détaché. La vie le quittant, le mercenaire s’effondra en arrière, le corps transpercé et pourtant avec un grand sourire figé sur son visage. Isabelle Vonheuffer affichait quant à elle un air de dégoût évident devant la scène et entreprit de vérifier si ses gants brodés n’avaient pas été endommagés dans l’affaire. Satisfaite de ne voir aucun accroc, elle reporta son attention sur le nécromancien.
« Voilà, ce n’est point bien compliqué pourtant ! » - Prenant conscience de son élévation de voix, la dame se força à retrouver son sang-froid et reprit – « Le comte vous envoie, je suppose ?
-Heum, oui il…
-Cet incapable grincheux a donc trouvé le courage de passer à l’acte, le coupa-t-elle à nouveau. Je dois avouer que depuis le début j’avais cru à une bête attaque de fieffés truands inconscients. C’est dire si je m’attendais à mieux de sa part… Il faudrait que je revoie sa récompense à la baisse une fois tout cela terminé. »
La dame tourna enfin la tête vers les trois membres du convoi encore debout. Si son regard méprisant n’était pas déjà suffisant, ce qui les frappa fut le fait que les pupilles de la dame étaient rouge sang. Une couleur peu habituelle pour des yeux s’il en est, surtout quand ils brillent dans le noir. La dame se mit alors à sourire, dévoilant deux crocs aiguisés en lieu et place de ses canines. Il ne fallut pas longtemps à Renata pour faire le lien : Vonheuffer était un vampire. Elle n’en avait entendu parler que par les légendes de Miragliano durant son séjour là-bas. Mais maintenant qu’elle en avait un spécimen devant elle, elle comprit que la crainte à leurs égards était fondée. Il ne lui avait suffi que d’un regard pour hypnotiser le pauvre Placido qui n’avait rien pu faire. D’ailleurs, elle avait beau connaître les risques du métier mais la mort du tiléen lui avait serré le cœur, il méritait bien que mieux que ça. Bordel, pourquoi est-ce que personne n’était normal dans ce convoi ?
La vampiresse reprit quelques instants après avoir étudié le groupe :
« Puisque je suis maintenant forcée de rentrer dans ce jeu immature, autant m’amuser quelque peu, non ? » - Son air se renfrogna subitement alors qu’elle se tournait vers Anthezar – « Mais d’abord, j’ai à parler avec vous de vos résultats…
-Heu...Hein ? bredouilla rapidement Anthezar. »
En l’espace d’un instant, la vampiresse disparut dans des volutes de fumées noirâtres qui voletèrent rapidement jusqu’à Anthezar. Les ombres se reformèrent immédiatement après, laissant apparaître la dame pile devant le nécromancien. Ce dernier en profita pour pousser un petit cri aigu.
« Votre mission était simple, siffla-t-elle entre ses dents. »
Isabelle Vonheuffer se mit à avancer lentement, faisant reculer Anthezar pas après pas devant sa posture menaçante. Oh oui, elle était simple leur mission et ils avaient quand même réussi à faire capoter la presque totalité ! Des années à se faire passer pour une greluche incapable parmi la supposée noblesse impériale pour les manipuler de l’intérieur avaient failli être réduites en cendres ! Elle avait organisé des assassinats, des renversements, des révoltes pour sa maitresse la grande reine éternelle, et ces incapables étaient à deux doigts de l’amener dans un repère de prêtre sigmarites ? Impensable ! Si elle avait été découverte et torturée, tout ce qu’elle avait bâti aurait été compromis. La porte de sortie presque providentielle offerte par ce vieux comte sylvanien rencontré au détour d’un bal de courtoisie était effectivement trop belle pour être vraie. Un service contre un service avait-il dit le malotru ! Il allait voir ce qu’elle en pensait de son ’service’ d’incapables ! Oh oui, ils allaient payer pour toutes ces années où elle s’était retenue. Lentement, très lentement.
« Vous deviez tuer toute l’escorte, faire paraître tout cela pour une attaque ratée et me ramener auprès du comte. Comme cela, je m’éclipsais de la noblesse impériale en beauté sans questions dérangeantes à mon sujet. Un plan que je croyais suffisamment aisé à mettre en œuvre pour des esprits simple comme les vôtres, mais je me suis apparemment fourvoyée ! Entre votre retard, l’exécution pitoyable de l’acte, le fait d’avoir interrompu ma sieste, les risques que j’ai encourus et vos manières navrantes… Je devrais rendre caduque l’accord entre les Von Carstein et les lahmianes dans l’instant ! Cet… »
Subitement, la vampiresse prit un instant pour se retourner à demi et ainsi arrêter une dague de lancer qui lui était destinée entre ses doigts. En retraçant l’arc de tir, elle vit qu’Hans Grimmel s’était réveillé et avait tenté sa chance avec une des armes que Hjalmar avait laissé tomber durant son combat.
« Je savais bien que vous n’alliez nous apporter que des problèmes, mais ça ! cria Hans d’une voix cassée par la rage. Mes gars sont morts pour vous protéger et vous vouliez notre mort ? Alors j’ai bien l’intention de les venger !
-Très intéressant. Maintenant, si le bétail voulait bien rester à sa place… »
D’un geste agacé, Isabelle Vonheuffer relança la dague qui fila tel un trait argenté jusqu’à l’épaule du capitaine impérial. La lame se planta dans un bruit sourd. Elle ne fit que peu de dégâts, ayant par chance été bloquée par l’os, mais la douleur était bien réelle. Dans un hurlement déchirant, Hans mit donc un genou à terre en soufflant bruyamment tout en appuyant sur la zone blessée avec sa main. Essayant d’oublier la douleur, il parvint à lancer un regard noir à la vampiresse qui en resta de marbre. D’un regard rapide, elle s’assura dans le même temps que personne d’autre n’était atteint du même syndrome de bravoure stupide. Cependant, la scène avait été efficace et aucun des vivants n’avait bougé. Bien, se dit-elle.
« Ce problème ayant été réglé, reprenons. » - Impassible, la vampiresse tourna ses yeux rougeoyants vers le nécromancien terrifié – « Je disais donc. Vous avez effectué le travail demandé, mais maladroitement. Or, mes exigences étaient claires, je souhaitais une exécution professionnelle et sans incident. Je me vois donc forcée de prendre la suite à présent pour terminer cela au plus vite et essayer de rattraper vos erreurs. D’ailleurs, pour les avoir commises ces erreurs justement, vous allez mourir nécromancien. »
La dernière phrase ayant été prononcée sur un ton amical et avec un sourire bien trop jovial pour être vrai, Anthezar n’eut pas à réfléchir longtemps avant de réaliser qu’il était maintenant officiellement en danger. Mais comment la situation avait-elle pu dégénérer à ce point ? Un moment tout se passait bien, puis l’autre barbu était arrivé avec son duel et maintenant la dame qu’ils devaient ramener voulait le tuer ? Pourquoi ? Pourquoi lui ?! Bon sang, il aurait dû rester dans la ferme familiale pour aider grand-papi Gontran à rentrer le foin pour l’hiver… Mais non, il avait voulu jouer au mage noir et ses rêves de gloire l’avait envoyé se faire tuer ! … Et merdre. Il allait mourir là, au milieu de nulle part et en ayant accompli presque rien. Il la voyait déjà lever sa main gauche pour porter le coup fatal. Bon, autant essayer de mourir avec dignité, se dit-il bravement tandis qu’une larmichette perlait à ses yeux. Enfin, quand son corps arrêtera de trembler.
Alors que le nécromancien tentait de rassembler les restes de son courage, la vampiresse se prépara à frapper. Mais c’était sans compter sur l’intervention d’un squelette énervé en armure lourde portant des bois de cerfs sur son crâne. Lorsque le colosse arriva en chargeant, hurlant à tue-tête et l’épée levée vers la vampiresse, celle-ci réutilisa sa capacité à se transformer en brumes par instinct pour éviter le coup de l’épée maudite. La lame traversa donc uniquement un brouillard informe qui se déplaça quelques mètres plus loin pour se reformer. Oldrick en profita pour se placer devant Anthezar en déployant sa cape. Isabelle Vonheuffer, elle, affichait une expression de surprise véritable, l’attaque du mort-vivant n’était définitivement pas prévue. Comment ce misérable meuble garde du corps avait-il pu prévoir la mise à mort de son maître ?
« Deux fois, grogna Oldrick. Deux fois, vous avez menacé mon maître. C’est déjà bien trop.
-Eh bien, que voilà un serviteur dévoué, pouffa Isabelle. Il servirait bien dans nos rangs s’il n’était pas si laid. Quel dommage.
-Et en plus tu m’insultes !
-Oldrick s’il te plaît ne l’énerve pas ! chouina Anthezar derrière le revenant.
-La ferme ! Je vais lui apprendre le respect ! »
Cette fois, ce fut au tour de la vampiresse d’être surprise. Une réponse pareille venant d’un serviteur mort-vivant était tout bonnement impensable. Il aurait donc son libre-arbitre ou un équivalent ? Ce roi déchu devenait tout de suite bien plus intéressant. Il faudrait qu’elle l’étudie au Pinacle d’argent une fois tout cela terminé, mais pour le moment il fallait terminer cette farce au plus vite. Il lui suffirait de tuer l’être pathétique qui lui servait de maître et la question serait réglée. Alors qu’Isabelle Vonheuffer se préparait à partir à la charge, une voix retentit à sa gauche et une forme se posta à côté d’elle, cachant la lumière des quelques torches encore allumées.
« C’était m…MON duel, articula lentement Hjalmar. »
Se tenant droit comme un piquet et les yeux écarquillés de colère, Hjalmar était clairement en train de perdre pied. Des spasmes erratiques l’agitaient par intermittence, rajoutant au côté menaçant déjà omniprésent du nordique. Des rares spectateurs de la scène, seule Renata avait continué à regarder le nordique et elle s’inquiétait. La dernière fois où il avait réagi de cette manière, c’était lors de sa dernière crise. Sauf que là, il était évident qu’il partait vers quelque chose de bien pire même s’il semblait essayer de se retenir. Dès l’arrêt prématuré du duel, Hjalmar n’avait pas lâché la vampiresse du regard. Ses traits s’étaient progressivement durcis et il avait ensuite commencé à marcher vers elle d’un pas lourd et résolu. La capitaine mercenaire était certaine qu’elle ne l’arrêterait pas, c’était impossible, mais maintenant elle devait penser à une solution pour le calmer en vitesse avant qu’il n’essaye de tous les tuer.
Quand ce fut au tour d’Isabelle Vonheuffer de jeter un œil vers ladite personne, elle reconnut le barbare qui accompagnait le convoi. Hmpf, un autre humain qui ne connaissait pas sa place. Elle n’avait qu’à l’hypnotiser comme l’autre… Nonchalamment, la vampiresse plongea son regard dans celui du norse qui se tenait juste à côté d’elle, immobile.
« Toi, tu vas m’aider. Mainte… commença-t-elle à dire alors que sa magie agissait.
-T’es QUI pour interrompre MON duel ? »
Et c’est à ce moment précis que la lahmiane comprit sa bourde monumentale.
Dans les faits, une magie de contrôle mental aussi poussée sollicite beaucoup d’énergie et de pratique et demande de créer un lien psychique, léger mais nécessaire, avec l’hôte. Sauf qu’à la seconde où Isabelle pu décrire les yeux du norse, elle sut qu’elle venait de commettre une abominable erreur. Les iris dilatés et fixes, le blanc des yeux presque rouge vif tellement ils étaient injectés de sang, tout indiquait que le barbare en face d’elle était rongée jusqu’à l’os par un état de colère si puissant qu’il en devenait tangible, mais avec quelque chose d’encore pire derrière. Quand la lahmiane le réalisa elle décida donc d’arrêter la connexion dans l’instant, mais le mal était fait. Ce que la vampiresse avait aperçu dans l’esprit du nordique durant la demi-seconde où la connexion mentale avait pu se faire était tout simplement inconcevable. Cependant, si on devait le décrire, on pourrait le rapprocher de cela :
Derrière la mer infinie de colère et d’envies meurtrières dans laquelle le norse se noyait à ce moment précis, se trouvait une petite sphère remplie de souvenirs enfermés, contenus. Et ladite sphère subissait les coups répétés des vagues de rage alors que toutes les pensées que Hjalmar avait enfermé à l’intérieur voulaient sortir de toutes leurs forces. Malgré sa colère immense, l’esprit du norse tentait toujours de se battre pour empêcher le pire, mais en vain, il ne faisait que retarder l’échéance par pure obstination. Quand la connexion mentale s’établit, l’esprit de Hjalmar fut très légèrement troublé, ce qui était normal comme réaction, mais il repoussa l’assaut mental sans problème. Or, ce déséquilibre fut suffisant pour mettre momentanément un terme au mécanisme de défense instinctif mis en place par son esprit. Le fragile équilibre mental du nordique se brisa dans l’instant et la sphère implosa, libérant un torrent d’images et de mémoires suivies par une chorale de voix éthérées qui se déversèrent dans la psyché du nordique. La vampiresse eu alors un bref, mais particulièrement virulent, résumé de ce à quoi les royaumes du chaos pouvaient ressembler alors que les voix susurrantes des démons corrompaient l’esprit de Hjalmar en s’incarnant par le biais de ses souvenirs, le guidant, amplifiant sa colère. La dernière once de bon sens ayant été brutalement supprimée de son esprit, Hjalmar sombra donc tout entier dans ses instincts les plus primaires. La chorale de voix se mit alors à hurler à tue-tête dans son crâne qu’il devait égorger, torturer, trucider, éviscérer, dépecer, mais surtout se venger. Oui, il devait se venger de tous ceux présent pour lui avoir refusé son duel, la seule chose à laquelle il tenait encore en ce bas monde. Au même moment, des fragments court de pensée, sortes de flash mémoriels, assaillaient de toute part la psyché sans défense de Hjalmar avec des images des royaumes du chaos. Son esprit devint un champ de bataille chaotique sans queue ni tête mais dont le seul et unique but était de tuer.
Involontairement, la vampiresse ne put donc qu’assister, impuissante, à une vision qui n’était pas faite pour des humains, mortels ou non. Son cerveau lui donna l’impression de se retourner plusieurs fois dans son crâne en se tordant de douleur alors qu’il essayait de nier de toutes ses forces ce qu’il voyait. Lorsque la connexion se termina brutalement, Isabelle retourna dans le monde réel comme ébranlée. Son sourire avait maintenant disparu et elle chancela en faisant quelque pas en arrière tout en gardant ses yeux fixés sur le norse. Ce dernier eu un ultime spasme brutal alors que la connexion s’estompait, puis plus rien. Il regardait maintenant vers le sol sans bouger. La vampiresse ne savait plus quoi penser. Qu’avait-elle bien pu libérer et comment pouvait-il tenir encore debout avec ça dans le crâne ? Ce n’était… Ce n’était pas son problème. La non-vie fit valoir ses droits et le pragmatisme froid de la vampiresse reprit rapidement le dessus sur la panique, mais maintenant elle se posait des questions sur la nature de ce qui se tenait devant elle. Personne de sensé ne devrait pouvoir contenir quelque chose de pareil en soi, mais il n’avait pas l’air corrompu par le chaos. La vampiresse en conclut que le norse devait avoir une force de volonté qui dépassait l’entendement pour supporter une torture pareille. Il était donc le principal danger.
Et comme pour valider ses craintes, Hjalmar poussa soudain un hurlement inhumain en relevant sa tête. Il criait à s’en arracher les cordes vocales tel un possédé. Pour accompagner son explosion de rage, il fonça tête baissée vers la vampiresse, hache devant. La lame runique chauffée à blanc voleta dans les airs, taillant un ruban éclatant qui brillait dans la nuit. La vampiresse déchanta bien vite devant l’assaut du nordique. Elle qui pensait pouvoir se débarrasser rapidement des gêneurs, elle se retrouvait à affronter un berserker en pleine furie meurtrière. De plus, il y avait un fossé énorme entre regarder quelqu’un se battre par une fenêtre et l’affronter réellement. La vitesse d’exécution du nordique allié à sa détermination inviolable de la tuer le rendait dangereux à un point qui inquiétait sérieusement la vampiresse. Si la lahmiane arrivait à esquiver les attaques les unes après les autres en profitant de ses réflexes surhumains, à un moment elle allait devoir répliquer. Sauf qu’elle avait déjà utilisé tout son arsenal non conventionnel. L’hypnose ne marcherait jamais et la forme de brume avait une utilisation limitée. Tout ce qui lui restait à présent était sa force surnaturelle. Mais en cet instant le norse tirait plus de l’animal que d’autre chose à ce moment précis et s’il le pouvait, il la mordrait. Hjalmar hurlait, criait alors qu’il taillait l’air autour de lui, lançant des borborygmes incohérents entre deux menaces de morts violentes. L’approcher était donc difficile, mais pas impossible.
La vampiresse tourna autour du norse, essayant de l’épuiser avec le temps pour le forcer à laisser une faille dans sa défense. Sa technique de combat à la hache était certes excellente, mais avec son emportement actuel, elle était maladroite et irréfléchie. L’opportunité arriva donc rapidement. D’un geste rapide, la lahmiane passa sous un estoc et frappa du poing le flanc du norse à travers sa cote de maille, lui coupant le souffle et brisant probablement un ou deux os au passage. Hjalmar grogna et fit un pas en arrière, mais il récupéra bien vite et, à la grande surprise de la vampiresse, l’agrippa au col pour lui décocha un coup de tête monumental. Complètement sonné, la lahmiane pesta et bondit en arrière pour récupérer elle aussi. Quand elle atterrit quelques mètres plus loin, elle sentit un liquide froid perler depuis son front. Elle appuya vivement ses doigts sur son front et les ramena légèrement rougit.
« Ce misérable arriéré m’a blessé ?! s’indigna-t-elle. »
Bondissant tel un chat, elle rattrapa la distance qui la séparait du norse qui se tenait le flanc. Ce dernier gronda à nouveau et reprit sa marche alors que son instinct meurtrier reprenait le dessus sur la douleur. Mais au moment où il abattit sa hache sur la vampiresse, cette dernière ignora le coup et passa derrière le nordique en le frappant sur l’autre flanc. Lorsqu’il se retourna, elle lui décocha un sourire malsain et se mit à reculer lentement. Forcément, guidé par sa colère, Hjalmar ne put que la suivre et enchaîna les coups de tailles pour la toucher mais en vain. La vampiresse se contentait de battre en retraite, guidant le nordique sur le champ de bataille à sa guise, se rapprochant ainsi de l’ancien terrain de duel. Si elle était hors d’elle à cause de son égratignure, elle continuait à garder son calme. Isabelle Vonheuffer avait décidé de jouer la carte de la sécurité avec Hjalmar, du moins assez pour qu’il s’épuise suffisamment et qu’elle puisse l’abattre plus facilement. Après plusieurs passes infructueuses pour le guerrier du nord, la vampiresse finit par s’arrêter net. D’un geste de la main pour lui demander de venir, elle provoqua le norse qui, tout en crachant sa haine, lança un coup horizontal de la droite pour en finir. La lame chauffée à blanc s’approchait dangereusement de la vampiresse lorsque cette dernière disparue subitement, à nouveau, dans un nuage d’ombres. Et si Isabelle Vonheuffer venait de s’évaporer en puisant dans le peu de magie qui lui restait, elle continua son manège jusqu’au bout malgré tout. Le norse se retrouvait donc à brasser l’air autour de lui en tentant de toucher la vampiresse qui lui échappait pourtant à chaque fois. A la sixième fois, alors qu’un mouvement de pas lui indiquait soudainement que son ennemie était derrière lui, Hjalmar relança le même coup de taille par la droite qu’auparavant. Sauf que cette fois la hache de Hjalmar trouva sa cible au travers des volutes de fumée. C’est donc dans un craquement épouvantable qu’un bouclier vola en une multitude d’éclats carbonisés et que la lame pénétra ensuite le flanc maintenant exposé de Renata Kellermann.
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"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett
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- Les livres dans le paquetage du nordique...:
La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
Tome 3 : Foi Furieuse
Je vous conseille de le télécharger, mettre l'affichage en deux pages et, si possible, activer le mode "Afficher la page de couverture en mode Deux pages" sous Adode Reader (en gros juste pour s'assurer que les pages sont bien affichées comme dans le vrai livre et non décalées)
- Hjalmar OksildenKasztellan
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Re: La Saga d'Oksilden : Combattre l'acier par l'acier
Ven 10 Fév 2017 - 14:24
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Hjalmar n’eut même pas le temps de réaliser ce qui s’était passé que le pommeau du sabre de Renata lui effleurait lentement l’arcade sourcilière, le tamponnant légèrement. Le petit coup faisant écho à celui que Renata lui avait administré lors de sa première crise avec le prisonnier. Même si sa tentative pour ramener le nordique à la raison de la seule manière qui ai jamais marché – c’est-à-dire de lui coller un coup sur la tête – avait échoué de manière relativement dramatique, Renata souriait légèrement. En effet, le plan B avait quand même réussi et la lueur meurtrière dans les yeux du norse avait disparu brutalement, seul restait l’incompréhension.
« Désolé… Je n’ai pas trouvé mieux… dit-elle. »
Sur ces mots énoncés d’une voix faible, la mercenaire s’écroula à terre en lâchant les restes de son bouclier et son sabre. La hache runique se détacha de son flanc durant sa chute, cautérisant presque la plaie au passage. Pour Hjalmar, le temps s’accéléra. Oui, le temps ne ralentit jamais lorsque l’on est confronté à une situation de grand stress, bien au contraire tout se précipite. Pensées, émotions, souvenirs, instinct, corruption démoniaque, tout ce qui passait par la tête de Hjalmar s’agglutina sur un seul et même problème : qu’est-ce qui venait de se passer ? Il fallut bien quelques secondes au norse pour réussir à assimiler l’information que, tout d’abord, il venait de retrouver son libre-arbitre grâce à cette douche froide émotionnelle, et qu’ensuite il venait de blesser Renata, mortellement. Le choc se mit à se dissiper lentement et le nordique ne bougea que sa tête pour regarder la hache sur laquelle du sang fumait toujours en s’évaporant sur le fer brûlant. Le norse revint alors sur le corps inanimé de la mercenaire qui gisait à ses pieds, comme tétanisé. Lentement mais sûrement, la compréhension de ce que son acte impliquait finit par s’insinuer dans l’esprit du norse et, pour la première fois depuis bien longtemps, Hjalmar ressentit de la peur. Oui, le grand guerrier semi-fou qui avait survécu aux royaumes du chaos avait peur parce qu’il venait de blesser mortellement la seule personne qu’il considérait comme une amie en ce bas-monde. Elle était après tout la seule à lui avoir montré un tant soit peu de compassion et à avoir tenté de voir au-delà de la réputation sinistre du norse. Mais surtout, après l’enfer chaotique qui l’avait brisé, elle avait été la petite lueur d’espoir, la main tendue par une parfaite inconnue pour l’aider à se relever et elle allait peut-être même lui donner une opportunité d’avenir. Elle comptait pour lui et il venait de lui enfoncer le flanc au niveau des reins avec une hache à deux mains chauffée à blanc… Non, elle s’était mise sur la trajectoire de la hache. Consciente que son combat contre la lahmiane n’irait nulle part, elle avait risqué sa vie pour le faire revenir à la raison.
Hjalmar sentit un grand froid s’installer en lui tandis que son cœur se serrait et qu’une angoisse insoutenable se faisait sentir dans son bas-ventre. Les derniers échos des chœurs démoniaques s’arrêtèrent de chanter leur ode macabre tandis qu’ils étaient balayés au loin par la détresse profonde du norse, ne laissant alors place plus qu’au silence froid de la nuit. Il avait commis l’irréparable et le fait qu’il ne puisse rien y changer le traumatisait. Il était incapable de bouger, incapable de prendre une décision. Incapable de… Elle venait de gémir ! Elle était en vie, s’alarma-t-il ! Par tous les foutus dieux, elle était encore en vie ! Le nordique se dépêcha de jeter sa hache au loin, oubliant même son combat et la situation hautement dangereuse dans laquelle il se trouvait pour se placer au chevet de Renata.
« Heh, souffla-t-elle en rouvrant ses yeux malgré la douleur intense. Tu… aurais pu trouver mieux… pour me présenter à ta hache, non ? »
Hjalmar gloussa nerveusement à cette touche d’ironie en partie parce qu’il était tout aussi inquiet qu’auparavant et qu’il continuait de réfléchir à ce qu’il devait faire.
« Ouais, peut-être. Mais garde ton souffle, ne… ne dis plus rien, restes calme d’accord ?
-Pfff, tu parles que je vais... Ahgn… » -Alors qu’elle essayait de bouger son bras droit pour accompagner son indignation, la blessure la relança - « Ah, c’est pas vrai…
-Attends, je… je vais t’emmener au chariot pour que tu puisses t’adosser. »
Hjalmar plaça ses bras au niveau du cou et des jambes de Renata et entreprit de la soulever sans trop de difficulté, le nordique étant tout de même plus robuste que l’impérial moyen. La chose ne se fit pas sans quelques grimaces et pointes de douleurs contenues de la part de la mercenaire, mais dans l’ensemble cela se passait bien. Enfin, si on oubliait le fait qu’elle allait probablement mourir.
Pendant ce temps-là, les autres personnes encore présentes regardaient différemment la suite des évènements. Pour Hans et le garde qui était parti l’aider à se relever, la scène tournait du cauchemar au drame. Pour Anthezar, il ne se passait pas grand-chose vu qu’il cherchait frénétiquement un moyen de sauver la situation et accessoirement sa vie. Du côté d’Oldrick, un sentiment de ressentiment profond s’insinuait en lui alors que les manières de la vampiresse le révulsait au plus haut point. Et enfin, pour la lahmiane justement, l’instant était presque magique tellement l’ironie de la situation était à son comble. Elle ricanait donc subtilement, sa main placée devant ses lèvres dans une pose plus qu’aristocratique. La brute faisait le travail à sa place en fin de compte. Avec de la chance et en continuant sur cette voie, elle avait peut-être même le moyen de terminer tout cela sans s’impliquer… Mais ce serait trop lent.
La vampiresse s’approcha alors de Hjalmar par derrière et leva sa main pour lui briser la colonne vertébrale au niveau de son cou, une des rares zones non protégées sur le corps du nordique. Avec sa force vampirique, cela devrait être rapide, et puis il avait l’air complètement hermétique au reste du monde en ce moment, l’approcher n’allait plus être un problème. Elle se fit même la réflexion qu’elle comprenait son état vu qu’elle avait aperçu les deux intéressés s’approcher l’un de l’autre et discuter de temps en temps depuis l’intérieur du chariot. Quel dommage, n’est-il pas ? Cela l’aurait presque émue si elle ne s’en fichait pas éperdument. Avec un sourire malsain, Isabelle Vonheuffer envoya son coup vers l’arrière de la nuque de Hjalmar qui avançait au pas vers le chariot en portant Renata… Pour se retrouver enchevêtrée dans la cape d’Oldrick qui intercepta le mouvement.
« Raah, quoi encore ? s’exaspéra-t-elle en roulant des yeux. »
Alors qu’elle se débarrassait de la fourrure d’ombre en la déchirant tant bien que mal, la vampiresse aperçut le roi revenant un peu plus loin alors qu’il se plaçait entre elle et Hjalmar
« Tu menaces mon maître ET tu attaques tes adversaires dans le dos ? Toi, tu ne tiens plus à ta non-vie.
-Et dire que je pensais te garder… »
Les deux mort-vivant se chargèrent mutuellement l’instant d’après, bien décidé à mettre fin à la menace qu’ils représentaient l’un pour l’autre. Cependant, le combat prit bien vite une tournure différente de celui contre Hjalmar. Oldrick était en pleine possession de ses moyens et sa cape empêchait toute attaque surprise de la part d’Isabelle Vonheuffer. La fourrure se tordait en tous sens, formant une zone protectrice que la vampiresse devait passer de front. Et de plus, derrière la cape se trouvait aussi un roi revenant en colère qui savait utiliser son épée. Si Oldrick était plus lent que le nordique, et avait donc plus de mal à atteindre la vampiresse, il prenait son temps puisqu’il avait presque l’avantage de l’endurance. Ce qui fait que les rares coups que la lahmiane arrivait à faire passer étaient amoindris par la cape et le revenant les encaissait sans broncher.
« J’ai déjà vaincu des vampires et des seigneurs bretonniens ! tonna le roi ancestral. Tu ne m’auras pas aussi facilement que ça. »
A peine avait-il annoncé cela que la vampiresse feinta plus rapidement que précédemment et finit par atteindre le revenant à l’épaule. L’impact enfonça de quelques centimètres l’épaulière de plates noire du revenant qui en perdit presque l’équilibre. Si elle ne pouvait plus utiliser sa forme de brume, elle n’avait qu’à améliorer son jeu de passes.
« En êtes-vous si sûr ? dit-elle avec une pointe d’ironie avant de reculer rapidement. »
Oldrick grogna de frustration et repartit à la charge, épée et cape levées.
Au niveau du chariot, Hjalmar arrivait enfin avec la mercenaire blessée. Il la déposa lentement en l’adossant à une roue et entreprit de s’assurer qu’elle était toujours éveillée. Une grimace agacée accueillit son geste, rassurant le nordique dans le même temps. La mercenaire gardait cependant ses yeux fermés, des pointes de douleur passant son visage par intermittence. A son chevet, Hjalmar la regardait d’un œil inquiet sans réellement savoir quoi faire. Dès lors qu’il l’avait portée, il avait remarqué que ses forces s’évaporaient. La blessure ne saignait pas grâce à la cautérisation, mais elle devait avoir les intestins en morceaux et une hémorragie interne sérieuse. S’il lui donnait à boire, cela ne ferait qu’empirer son état. Son temps était compté et il ne pouvait pas s’y opposer vu qu’elle avait besoin d’un soigneur compétent ou d’un mage dans les plus brefs délais, deux personnes qu’ils n’avaient pas à portée de main.
Le visage grave, Hjalmar garda son regard sur la mercenaire qui était devenue bien pâle maintenant. Sa respiration s’était ralentie et elle ne bougeait presque plus. Mais, dans un dernier effort alors qu’elle réunissait ce qui lui restait de force, elle rouvrit les yeux. La mercenaire avisa le nordique et son visage fermé. Quand Hjalmar vit qu’elle le regardait, il détourna les yeux par culpabilité.
« Tu sais bien… que c’est de ma faute, dit-elle lentement. Alors arrête avec les violons… Tu as un combat à finir je te rappelle. »
Avec un léger sursaut, Hjalmar réalisa qu’il avait effectivement oublié qu’il était en plein duel contre Oldrick. Ah non, contre la vampiresse… Le norse cligna des yeux quelques fois alors que sa mémoire lui revenait. La dernière crise avait été bien plus violente que les dernières, il lui fallut donc un peu de temps d’adaptation. Une fois un peu plus sûr d’où il en était, Hjalmar jeta un œil derrière lui. Le son environnant sembla revenir d’un seul coup, comme s’il avait été étouffé jusque-là, alors que les cris et coups du combat entre la vampiresse et Oldrick continuaient de plus belle. Le revenant était en difficulté apparemment et son armure accusait quelques coups. Hjalmar sentit alors qu’on tenait son bras gauche, il reporta alors son regard vers la mercenaire dont le regard était plus déterminé que jamais.
« Fais-moi plaisir et tue-la… Qu’elle le sente passer. » - Ses traits s’adoucirent alors quelque peu tandis qu’elle regardait Hjalmar dans les yeux. – « C’est… dommage quand même. J’avais quelques auberges… à te faire visiter avec Placido… Enfin, on se reverra là-haut… si ces foutus dieux sont cléments. »
La main de Renata s’affaissa lentement alors qu’elle préservait ses forces. Elle n’était pas encore inconsciente mais la mercenaire vivait ses derniers instants. Elle reposa sa tête sur la roue et continua à regarder gentiment Hjalmar avec un léger sourire. Au même moment, Hans et l’autre garde arrivèrent en sautillant bras-dessus, bras-dessous.
« On s’occupe d’elle, allez-y ! lança le garde à Hjalmar tandis qu’il déposait Hans à côté de Renata. »
Le norse lança un regard vide en guise de réponse au garde et, après un dernier regard, se releva pesamment. Sans un mot, il partit chercher sa hache qu’il avait jetée non loin et enleva machinalement la poussière qui s’était accumulée dessus. Il regarda alors l’arme qui avait blessé Renata, un sentiment de malaise sourd le tenant aux tripes. Complètement apathique, le nordique inspira longuement alors qu’une douce vague de tristesse le traversait. Pour lui, il n’y avait plus rien aux alentours, juste une vague image floue de forêt non loin. S’en était à un point où il ne remarqua qu’au dernier moment Oldrick qui s’effondra juste à côté de lui en grognant.
« Bordel !
-Il va falloir améliorer votre jeu de jambes vieux monarque » - dit Isabelle Vonheuffer en ricanant. Quand elle aperçue Hjalmar à côté du revenant, regardant vers son arme avec un air de chien battu, elle en pouffa presque. – « Alors c’est bon, l’écervelée est enfin morte ? »
Il y eu un grand blanc. Dans l’esprit de Hjalmar, des idées de vengeance s’insinuèrent à nouveau alors que les voix démoniaques revenaient à la charge, subtilement, par touches, pour diriger le nordique comme précédemment en sautant sur l’opportunité. Sauf que cette fois, ils ne trouvèrent qu’un océan glacial en lieu et place de la tempête d’émotions. Toute la volonté du nordique était certes tournée vers un seul et unique objectif, tuer en l’occurrence, mais il était tourné différemment. Les voix s’arrêtèrent un instant. Il n’était pas censé réagir comme cela. Ils sentaient sa haine, son agressivité, tous ces sentiments étaient là mais ils leurs étaient inaccessibles. Au final, ils parlaient dans le vide, car Hjalmar était déjà en train de les utiliser. Les voix réalisèrent alors avec étonnement, voire horreur, qu’en réalité le norse était en bien pire état que lorsqu’ils avaient essayé de le rendre fou de colère, car en cet instant donc, Hjalmar était calme.
Le nordique tourna sa tête avec une vitesse proche de celle de la dérive d’un continent vers la vampiresse. Son regard froid donna la confirmation à Isabelle Vonheuffer qu’elle venait de toucher un point sensible, ce qui lui plut grandement. Elle n’avait plus qu’à continuer sur cette voie et le nordique allait bien vite perdre à nouveau ses moyens. Ce qui serait à son avantage.
« Comment cela s’est-il passé ? demanda-t-elle alors sur un ton jovial. Dans la douleur ou non ? Je suis de nature curieuse, j’aimerais savoir ! »
Comme sourd aux provocations, Hjalmar se tourna vers Oldrick et, ignorant la vampiresse qui tentait de renchérir sur le sujet, lui tendit la main pour l’aider à se relever. Le roi revenant eu quelques secondes d’hésitations, mais il accepta l’aide de son rival d’un duel. Une fois relevé, Oldrick s’adressa à Hjalmar :
« Heum… Merci.
-Pas de quoi, lança laconiquement Hjalmar. »
Le roi revenant allait continuer, demander ce qui poussait le norse à s’allier à son ennemi d’avant. Mais en voyant ce qui brillait dans les yeux de l’homme en face de lui, il sut qu’il n’y avait rien à dire de plus.
« On en parlera après le duel ? »
Un hochement de tête bref et respectueux répondit à sa question.
« Impeccable, continua Oldrick qui se remit en garde.
-Restez derrière pour le moment et préparez-vous à charger. Cela devrait être bref. »
Oldrick regarda le nordique s’avancer au pas, hache à la main, vers la vampiresse. Le revenant n’était pas stupide. Même si Hjalmar semblait apaisé, il allait se passer quelque chose de particulièrement violent dans les secondes qui allaient suivre. Derrière la froideur qu’il affichait à présent se tapissait une colère sourde et sadique. Il y avait même quelque chose d’inquiétant à cela selon lui d’ailleurs. Après quelques pas, le norse s’arrêta de marcher. La vampiresse soutenu le regard de ce dernier et arrêta ses invectives, comprenant qu’elle n’arriverait plus à le faire sortir de ses gonds.
« Est-ce que vous vous y connaissez en runes ? lança Hjalmar. »
La question ayant été dite sur un ton menaçant qui aurait pu convaincre une montagne de s’appeler Marguerite, Isabelle Vonheuffer réalisa qu’elle avait commis une deuxième erreur en ce jour.
« Je prends ça pour un non, continua le norse avec un très léger sourire malsain. Pour la petite histoire, ma hache est runique. Enfin, cela se voit bien vu qu’elle en est parcourue, mais seulement trois d’entre elles sont des runes naines. »
Au même moment, trois symboles s’allumèrent en crépitant d’une lueur bleutée sur le fer de hache et la lame se mit à chauffer progressivement.
« Il faut que j’utilise deux des runes pour arriver à cet effet, dit-il en agitant sa hache qui brillait dans la nuit. La troisième rune empêche seulement quelqu’un d’autre d’utiliser ma hache. Et il se trouve que j’ai appris auprès d’un nain, qu’une arme ne peut pas contenir plus de trois runes naines justement. Il y aurait un risque de danger pour l’utilisateur et tout ce qui s’ensuit… Mais dans notre cas, tout va bien alors. »
Hjalmar plia ses genoux et posta sa hache en bas à droite dans une posture agressive.
« Tout va bien, parce que les autres runes ne sont pas naines. »
L’instant d’après, la totalité des runes incrustés dans le bois ou le fer de l’arme crépitèrent en s’allumant en même temps d’une lueur similaire aux trois autres. L’air autour de l’arme se mit à vrombir alors que la magie runique distordait l’éther autour d’elle. Avec un hurlement digne d’une charge guerrière, Hjalmar lança sa hache en avant et, pendant l’espace d’une seconde, tout ne fut plus que chaos. Un flash lumineux d’une extrême intensité partit de l’endroit où se tenait Hjalmar et disparut dans la forêt avec un fracas abominable. Si on devait décrire la chose, il fallait imaginer qu’un éclair était sorti du sol et était partit en ligne droite dans les arbres.
Quand les oreilles de chacun purent arrêter de siffler et qu’ils retrouvèrent la vue, ils purent constater l’étendue des dégâts. Une trainée carbonisée de terre était apparue sur une cinquantaine de mètres en partant d’un petit cratère où s’était tenu Hjalmar. La trajectoire avait loupé de peu la vampiresse qui avait le bras écorché par la seule force de l’impact de l’éclair qui venait de passer à côté d’elle. Le regard hagard, elle se tourna à demi pour suivre la direction de la chose qui l’avait frôlée. Elle put alors voir, plus loin dans la forêt, le norse en train de se relever péniblement. Sur tout son trajet, des arbres avaient été pulvérisés et réduit à l’état de charbon ou de petit bois avant qu’il ne s’arrête finalement quelques dizaines de mètres plus loin. Des arbres à moitié détruits se mirent à tomber sur le chemin tels des dominos. Isabelle Vonheuffer réfléchit rapidement et se dit que ses chances de victoires venaient de diminuer drastiquement à cause du dernier atout du norse. Mais ce dernier semblait mal en point, il ne pourrait donc pas utiliser cette attaque de sitôt, se dit-elle.
Légèrement déboussolé, Hjalmar chancela un peu en se remettant sur ses pieds. Puis vint la douleur. Le norse grogna bruyamment alors que chaque os de son corps criait à la mort à cause du traitement plus que brutal qu’ils venaient de subir. Se déplacer à une vitesse absurde n’était pas une expérience plaisante, alors essayer de le faire avec des côtes fêlées était encore plus stupide. Sauf qu’en ce moment, le nordique se moquait éperdument des conséquences. Il avait quelqu’un à tuer après tout.
« J’ai lâché un peu trop tard… grommela-t-il en revenant vers la clairière. Va falloir que je m’habitue à l’utiliser dans un environnement pareil. Bon, reprenons ! »
Hjalmar reprit sa pose précédente tandis que les runes se mirent à briller de plus belle. Isabelle en perdit son sourire quand elle réalisa que le norse était prêt à se réduire en miettes pour la tuer. Mais elle n’eut surtout que le temps de sauter à sa droite pour esquiver le nouvel éclair qui, cette fois, était bien plus précis. Le vacarme passé, Hjalmar se retrouver à rouler-bouler un peu plus loin avant de se rattraper. Un grognement plus tard, il chargea la vampiresse. Cette dernière voulut esquiver, mais la cape d’Oldrick s’attacha à son avant-bras gauche et l’empêcha de bouger. Le roi revenant était, comme les autres, encore étonné par la dernière surprise de Hjalmar, mais il avait compris que le signal de l’assaut avait été lancé. Coincée, Isabelle Vonheuffer subit de plein fouet les assauts combinés d’Oldrick et Hjalmar qui la matraquait de coups. La vampiresse profita de sa vitesse pour esquiver le gros des attaques, mais bien vite les taillades et autres bleus s’accumulèrent très vite. La technique à l’épée d’Oldrick était sobre mais terriblement efficace dans son pragmatisme tandis que la hache de Hjalmar semblait filer dans l’air sans peser plus qu’une plume tout en gardant son inertie dévastatrice. Elle avait beau avoir l’avantage de la rapidité, contre deux attaquants qui entravaient ses mouvements ou qui lançaient des frappes d’éclairs, le combat se termina avant d’avoir même commencé. Hjalmar envoyait tout ce qu’il pouvait dans ses frappes, canalisant sa rage dans chaque coup, chaque botte. Ses os et ses tendons hurlaient face aux répercussions, mais il continuait quand même, complètement sourd aux souffrances de son propre corps.
Les deux combattants savaient que cette rixe ne se faisait pas vraiment dans les règles de l’art, mais la lahmiane ne les suivaient pas non plus. Après quelques passes, la vampiresse finit par s’affaisser, les membres en sang ou déchiquetés par les lames antiques. Les deux guerriers s’arrêtèrent alors pour profiter de l’instant et du fait qu’elle avait enfin perdu son sourire. Dans un dernier effort, Isabelle lança un regard méprisant en essayant de se relever, mais elle finit un genou à terre alors que son autre jambe la lâchait. Oldrick et Hjalmar se regardèrent l’un l’autre puis la vampiresse. Il était temps d’en finir. En même temps, Oldrick planta sa lame dans le torse de la vampiresse tandis que Hjalmar la décapitait d’une taille. La tête partit rouler sur le sol un instant avant qu’Oldrick ne la récupère et ne la ramène devant lui.
« On ne fanfaronne plus, hein ? »
Si le roi revenant avait encore eu de la salive, il lui aurait craché au visage. Mais pour le moment il se contentait de la grimace ridicule de la défunte. Un craquement d’os brutal lui fit revenir vers le reste du cadavre sur lequel Hjalmar s’acharnait encore. Coups après coups, le norse broyait les restes en tas de chair carbonisé, défoulant sa rage et sa frustration sur celle qui avait indirectement causé tout ce qui était arrivé au convoi… et à Renata.
Se rappelant soudainement que la mercenaire était sur son lit de mort, Hjalmar en lâcha sa hache et se mit à courir vers le chariot. Les contusions et fractures mineures que son corps accusait rendait la tâche bien plus difficile qu’il n’y paraissait. Toute personne a sa tolérance à la douleur, et celle de Hjalmar était en train d’être atteinte. Alors qu’il courait frénétiquement, un pic de souffrance lui arriva au niveau des genoux et il s’effondra de tout son long. Serrant les poings, Hjalmar essaya de se relever, mais en vain ses jambes ne pourraient pas le supporter dans l’instant. Cependant, quand le norse releva la tête, une ombre se plaça au-dessus de lui. Oldrick se tenait à ses côtés et lui tendait la main comme quand lui-même l’avait aidé à se relever quelques minutes plus tôt. Hjalmar accepta l’aide et, porté par le revenant, avança jusqu’au chariot.
« Merci… murmura Hjalmar qui tentait de presser le pas.
-Eh, tonna Oldrick en retenant le norse. Tu ne l’aideras pas plus en te cassant une jambe. Alors calmes-toi. »
Le norse ravala sa fierté et accepta le conseil. Son corps était dans un état pitoyable à cause de Vafnir alors il valait mieux se contenir pour le moment. Alors qu’ils marchaient ainsi vers les survivants du convoi et Anthezar qui les acclamaient déjà, Oldrick en profita pour demander quelque chose au norse.
« Elle comptait pour toi ?
-…
-Je vais prendre ça pour un oui. Je ne veux pas jouer aux rabat-joie, mais ne te fait pas trop d’espoir.
-Je sais, lui répondit un Hjalmar agacé.
-Non, tu ne sais pas. Tu t’emportes depuis avant pour elle et ça a bien failli te couter la vie. Je ne la connaissais pas, mais si tu tenais vraiment à elle, évite de faire des trucs aussi stupides à l’avenir parce que cela m’étonnerait qu’elle ait envie de te voir continuer ainsi. »
Hjalmar regarda alors Oldrick d’un air légèrement étonné, sortant quelque peu de son idée fixe.
« Et si tu te demandes pourquoi je te dis ça, c’est parce que sans toi mon maître serait mort. Je n’aurais jamais pu tuer cette vampiresse seul. Et puis, notre duel, c’était quelque chose ! Cela vaut bien un conseil. »
Sur ces paroles, Hjalmar ne put que sourire faiblement. Il avait vraiment eu de la chance pour tomber sur le seul mort-vivant moralisateur de la région. Mais il l’aimait bien en fin de compte.
« Attends-moi un moment, lui demanda Hjalmar aux abords du chariot. »
Quand ils y arrivèrent, le garde vint récupérer Hjalmar tandis qu’Oldrick restait en arrière. Forcément, Anthezar accourut avec les larmes aux yeux pour se blottir contre lui avec forces cris et acclamations.
« Eh, calmes-toi bon sang ! »
Mais après quelques tentatives pour se débarrasser du mage noir qui était maintenant devenu un fontaine ambulante, Oldrick finit par se rendre à l’évidence qu’il allait devoir attendre que l’averse passe. Il regarda alors vers les survivants du convoi. Le capitaine impérial lui décernait un regard noir, bien évidemment, mais il semblait adouci. Même Hans Grimmel pouvait comprendre que le mort-vivant et son maître avait été des pions eux aussi dans le jeu de la vampiresse. Hjalmar, lui était au chevet de la mercenaire. Sa pâleur et l’air grave des survivants indiquait qu’elle était passée à trépas depuis peu. Le nordique lui prit la main pendant quelques secondes avant de la laisser. Hjalmar se tourna alors vers les deux survivants et, d’après ce qu’Oldrick pouvait entendre entre les pleurnichements d’Anthezar, il leur souhaitait bonne chance pour la suite et demandait expressément à ce que Renata soit enterrée selon sa coutume. Hans lui promis cela et ils se quittèrent après une dernière poignée de main de soldat. Le garde et son capitaine partirent pour Priestlicheim tandis que Hjalmar restait monter la garde.
Enfin seuls, Hjalmar revint vers Oldrick. Même si tout était terminé, son regard attristé en disait beaucoup. Anthezar remarqua la présence du norse et, par instinct, se plaça derrière le revenant, ce qui fit bien sourire les deux autres intéressés.
« Tu as besoin d’aide pour te débarrasser du cadavre de l’autre ?
-De ce qu’il en reste tu veux dire. Mais oui, je veux bien. »
Pour détruire un vampire définitivement, la décapitation n’était pas suffisante. Il fallait mettre un peu plus de moyens pour s’assurer qu’un seigneur de la nuit ne puisse plus revenir parmi les non-mort. Oldrick et Hjalmar allumèrent un grand feu pour y jeter les restes d’Isabelle Vonheuffer. Ils en firent un séparé pour la tête et enterrèrent les cendres en différents endroits. Oldrick garda quelques cendres pour les enterrer plus loin dans une rivière pour être sûr. Une fois la tâche effectuée, Oldrick jeta un œil par curiosité plus loin sur la route. Dans la nuit, il vit des torches arriver rapidement au loin ainsi que d’autres lumières moins naturelles mais tout aussi jaunes et blanches. Le revenant averti le norse qui en conclut que la garde de prêtres-guerriers de Priestlicheim arrivaient pour purger l’endroit et aider les blessés. Maintenant convaincu qu’Hans avait tenu sa promesse, il se décida à partir. Il ne voulait pas vraiment rencontrer de prêtres-guerriers de Sigmar pour le moment et Oldrick et Anthezar non plus.
« Bon, nos routes se séparent à présent Hjalmar.
-Oui, mais ce fut un honneur de te connaître Oldrick.
-De même ! Un jour, il faudra que l’on remette ce duel d’ailleurs.
-Heu, tu es sûr que tu veux… ? commença Anthezar qui souffrait de voir son garde du corps accumuler les dettes et autres rendez-vous.
-Oui ! Et ce sera avec plaisir, n’est-ce pas Anthezar ? »
Le mage noir acquiesça en boudant dans son coin, déclenchant quelques gloussements chez les deux guerriers.
« J’accepte le défi Oldrick, répondit Hjalmar respectueusement. Bon courage pour la suite.
-De même pour toi. »
Les deux guerriers se saluèrent alors brièvement, chacun à sa manière selon sa culture et ils se toisèrent l’un l’autre durant quelques secondes, appréciant simplement le fait d’avoir trouvé un adversaire digne de respect. Comme Anthezar pressait la chose en poussant des petits cris apeurés à cause du fait que les prêtres-guerriers se rapprochaient, ils mirent fin aux adieux et se séparèrent, partant chacun de leurs côtés dans la forêt. Laissant enfin derrière eux le fameux convoi.
*** ***
Plusieurs heures plus tard, dans les sous-bois près de Volgen quelque peu au Nord-Est, Oldrick et Anthezar se préparaient à un énième raid. Ils avaient besoin de vivres pour Anthezar et la jument d’Oldrick qu’ils avait récupéré en partant. Mais aussi d’outils de forges pour remettre en forme l’armure noire du mort-vivant qui avait accusée de sacrés dégâts. Le village s’étendait non loin et une reconnaissance rapide des environs leur avaient suffi pour savoir où frapper alors que la nuit était toujours bien installée. Le mage noir bâilla subitement. Il fallait dire qu’il n’avait pas dormi depuis deux jours, des cernes étaient apparues sur son visage et sa barbiche blonde avait clairement perdue de sa superbe. Mais il était toujours actif et prêt à agir. Cette gêne passagère enfin passée, il reprit son gribouillage avec acharnement alors qu’il se rappelait de la position d’un garde.
Le roi revenant, lui, regardait vers le ciel qui se dégageait lentement, laissant paraître la voûte étoilée entre les feuilles de la canopée. Après quelques secondes de contemplation, le revenant se ré-intéressa à la forme gesticulante d’Anthezar qui dessinait encore et toujours un plan d’action. Il avait bientôt fini d’ailleurs.
« Dis-moi.
-Mmmoui ? fit distraitement Anthezar.
-Est-ce que tu as la moindre idée de ce que l’on va faire après ça ?
-Aahh, tu veux parler du fait que le comte va très probablement essayer de nous tuer vu qu’il va croire que l’on a fait disparaître Vonheuffer ? Il n’avait pas de témoins de toute manière - j’ai même vérifié mentalement les moitiés des corbeaux de cette maudite forêt. Donc c’est la seule option possible.
-Et cela ne te gênes pas ?
-Si ! Enormément ! Mais ce qui me gêne là tout de suite, c’est toi qui essaie de me déconcentrer ! »
Oldrick recula alors d’un pas en gloussant pour laisser le mage noir furibond terminer sa carte. Le pauvre Anthezar était fatigué, à bout de nerfs et avait en plus sermonné le roi revenant sur ses choix d’amis pendant au moins une demi-heure… Du Anthezar tout craché jusque-là. Il vivait dans l’instant, ne pensant à aucun plan pour l’avenir à part celui de devenir un des meilleurs nécromanciens existants. Ce qui n’était pas gagné, avouons-le.
Du mouvement à l’entrée de la ville attira l’œil d’Oldrick. Un homme en armure venait de sortir par la porte principale pour effectuer une petite ronde. C’était un bretonnien et au vu du peu de motifs sur ses armoiries, c’était un chevalier errant. Encore un autre qui devait être à leurs poursuite.
« Anthezar. Changement de plan. On va leur montrer à ces chevaliers bretonniens ce qu’il en coûte de nous poursuivre. »
Le mage noir se tourna vers Oldrick, regarda vers la porte, vit le chevalier, se retourna vers Oldrick et lui sourit majestueusement.
« Avec plaisir. »
*** ***
A l’est de ce qui restait du convoi, Hjalmar arpentait un sentier abandonné depuis longtemps par les forestiers. Il était resté jusqu’au dernier moment à veiller sur le corps de Renata et il avait même failli être découvert par les prêtres-guerriers quand ils arrivèrent sur les lieux. Ce n’est que par chance qu’il avait pu s’en sortir, mais il savait que cette chance ne durerait pas.
Son corps était en miettes, il était seul, perdu dans la grande forêt du Talabecland qu’il ne connaissait pas vraiment et il n’avait aucune idée d’où il pouvait bien aller. Bah, il avait connu pire, mais là il n’était pas non plus en confiance. Des mutants pourraient le tuer s’ils étaient assez nombreux, c’était dire dans quel état il se trouvait. Mais si ce n’était que son état physique qui le faisait souffrir. La mort de Renata avait été un coup dur et cela n’aurait pas dû l’être. Il avait l’habitude de voir ses compagnons de voyages mourir, ce monde était dangereux et ingrat après tout. Mais elle avait été différente, elle l’avait marqué alors qu’il était vulnérable. Elle était arrivée au bon moment au bon endroit.
« Pathétique, fit un concert de voix divines bien connus dans la tête de Hjalmar.
-Pardon ?! s’indigna le norse.
-Tu t’es vraiment relâché, tu sais. On s’attendait à un bain de sang, un truc grandiose et tu nous sert tes remords en plus d’utiliser n’importe comment l’arme que nous t’avons donné !
-Vous ne m’avez pas expliqué comment l’utiliser je vous rappelle !
-Ce n’est pas une raison ! Tu nous déçois. »
La rage commença à monter dans le ventre de Hjalmar. Comment est-ce que les dieux pouvaient seulement oser se montrer aussi méprisant ? Après tout ce qu’il leur avait donné, après tous les combats qu’il avait gagnés en leur noms ! Il n’était donc qu’un jouet à leurs yeux ?!
« Finalement, nous aurions dû te laisser dans les royaumes, le spectacle était plus divertissant que de te voir t’amouracher d’une mortelle sans intérêt. »
La dernière phrase fit brusquement remonter un ressentiment aussi violent que celui qu’il avait ressenti contre la vampiresse. Les traits durcis, Hjalmar s’arrêta d’avancer et gratifia le ciel de son regard le plus menaçant.
« Dégagez de ma vie.
-Pardon ? Nous sommes ta vie !
-Plus maintenant. »
Hors de lui, Hjalmar activa les runes de sa hache et se plaça pour frapper.
« Est-ce que tu nous menaces ?
-Exactement.
-Tu es conscient que tu ne nous atteindras pas comme ça.
-Ouais, mais si je le souhaite, je n’ai qu’à retourner dans les royaumes pour vous chercher à partir de là-bas et on verra qui rigolera. J’y ai déjà vu un dieu, et il avait l’air de pouvoir être blessé !
-Tu as perdu la raison.
-Non, la foi ! »
Dans un hurlement de défi, Hjalmar prépara une frappe d’éclair et lâcha la hache au moment exact où le coup allait partir. L’arme s’envola alors à une vitesse vertigineuse vers le ciel dans un fracas impressionnant.
« Et je ne veux plus jamais vous entendre ! cria-t-il en pointant les cieux du doigt.
-… Si cela est ton souhait. Bon courage pour la suite, car elle devrait être moins plaisante à présent... »
Alors que Hjalmar tentait de comprendre la dernière phrase des dieux, il sentit que son médaillon réagissait. Le norse prit le petit objet en forme de marteau stylisé dont la fluorescence diminuait doucement tandis que les dieux retiraient leur protection de leur champion. Hjalmar ne sentit pas grand-chose réellement, c’était juste comme si une présence lointaine rassurante qui surveillait constamment ses arrières venait de disparaitre. Il regarda le médaillon s’éteindre complètement, tiraillé entre satisfaction et regret. Il avait dédié sa vie aux dieux et maintenant il les rejetait sur un coup de sang… Mais au moins, maintenant, il était libre.
Du moins, c’est ce qu’il crut jusqu’à ce que le médaillon s’éteigne définitivement. A l’exacte seconde où la protection divine disparut, un chœur de voix éthérées hurla à tue-tête dans le crâne du norse. Tous les démons que les dieux avaient retenus jusqu’alors tentait maintenant de corrompre l’esprit du nordique. Les précédentes crises n’étaient que des trop-pleins qui arrivait à passer, ici, c’était le véritable assaut. Hjalmar se prit la tête entre les mains en grognant. La douleur devint rapidement insupportable, insoutenable. Des non-sens se baladaient dans sa tête, se combattant l’un l’autre, ne donnant plus aucun sens à rien alors que son cerveau était dépassé par le surplus d’information. La douleur s’intensifia encore. Cette fois, Hjalmar n’arriva même pas à hurler assez fort pour extérioriser la souffrance abominable qu’il subissait. Se tordant de douleur sur place, il criait à plein poumons sans prononcer de sons autre qu’un léger souffle horrifié. Il allait mourir, seul, au milieu de nulle part, sans ses dieux et il n’arrivait même pas à ressentir quoi que ce soit à propos de cela puisque ses émotions étaient disjonctées par les voix.
Et au plus fort de la vague d’informations, de hurlements et d’horreurs qui passaient dans son esprit, au moment où il pouvait déjà voir sa fin arriver, quand son cœur allait lâcher… Tout s’arrêta brusquement. La cacophonie lui sembla se résorber sur elle-même abruptement en l’espace d’une seconde pour faire place aux bruissements de la forêt nocturne. Aussi surpris que brisé, Hjalmar s’effondra sur le dos en grimaçant. Une de ses côtes venait probablement de lâcher. Mais il ne fallut pas longtemps au nordique pour réaliser que… Eh bien, qu’elles étaient parties. Toutes les voix, il n’y avait plus rien… Plus rien… qu’une sorte de malaise étrange. C’était difficile à définir pour lui, mais c’était comme si toutes les voix avaient été remplacées par une seule entité qui avait l’air de le regarder depuis le lointain. Quelque chose d’étrange, de mauvais et de curieux à la fois. Quelque chose…
« …Qui t’entends penser. »
Hjalmar se releva d’un seul bond. Il regarde aux alentours, comme pour trouver l’origine de la voix. Cette dernière d’ailleurs, sonnait comme aucune autre, elle était rocailleuse et chantante, sanguine et calme, un paradoxe vocal en somme. Il ne l’avait jamais entendue, ce n’était donc pas un des dieux qu’il connaissait, mais qu’est-ce que cela pouvait bien être ?
« Cela tu le sais déjà.
-Quoi ? Qui êtes-vous au juste ? Est-ce vous qui avez fait… cesser les voix ?
-Oui. Tu ne te souviens donc pas ? Mmh, quel dommage.
-H…Hein ?
- Cela te reviendra bien assez tôt. Nous reparlerons alors.
-Dites-moi au moins votre nom ! »
Il sembla à Hjalmar que la chose qui lui parlait se mit à sourire abondamment.
« Je suis les flammes qui brûlent le jardin de la pourriture.
Je suis les vagues qui érodent la montagne de crânes.
Je suis les tremblements qui brisent le labyrinthe des mensonges.
Je suis les tempêtes qui déchirent le palais de la perfection.
Je suis… Non. Je te laisse le méditer.
-Quoi ? Non ! Attendez ! »
Mais Hjalmar parlait aux arbres. La chose qui l’avait apparemment sauvé venait de repartir dans les limbes d’où elle était sortie et il ne sentait plus sa présence. Le nordique s’affaissa alors, se sentant complètement perdu. Qui cela était-ce ? Que lui voulait-il ? Et qu’est-ce que cette foutue énigme cryptique voulait bien dire !? Hjalmar respira longuement – ce qui fut douloureux avec une côte cassée – et tenta de se relever. Quoi que cela puisse être, il n’était plus là. Alors autant avancer… quelque part.
Quelque part où il pourra enfin oublier sa douleur.
*** ***
FIN
FIN
Enfin ! Je vous félicite autant que je vous remercie d'avoir suivi ce texte jusqu'au bout. Au final, il est presque aussi long que la quête improbable (chose qui m'étonne d'ailleurs), mais je suis content du résultat. Alors, certes, certains passages me plaisent moins que d'autres. Cependant, je trouve que je suis amélioré en l'écrivant et apparemment mes délires vous plaisent donc c'est tout ce qui compte.
Pour l'anecdote, j'avais fait un petit dessin pour me représenter la scène du convoi avec le nombre exact de bandits/gardes et de tirs pour rester cohérent, ça m'a pas mal aidé mine de rien. Une bonne partie du boulot a été de lire des bouquins de fluff (par exemple, je me suis gavé de celui de Talabbheim alors qu'ils n'y sont presque pas au final) et d'essayer de me mettre dans l'ambiance. L'écoute de certains albums... heu... alternatifs dirons-nous a d'ailleurs été nécessaire pour certains passages. De plus, j'ai aussi lu des articles intéressants sur le temps de survie d'une personne suite à une blessure tranchante en fonction des organes et artères touchées... Comment ça c'est glauque ? C'est de la science voyons !
Dans la catégorie des bonus, le personnage d'Hans Grimmel existait déjà dans la quête improbable. Il était le capitaine de la garde du corps rapprochée du comte fou Wilhelm Gotthardt. Quant à savoir s'il est le même personnage, c'est un grand débat mais je vais au final mettre ça sous le coup de la coïncidence et du clin d’œil.
J'en profite pour vous dire que la suite est dans les cartons ! Quand verrat-elle le jour ? ... Je n'en sais rien. Mais la saga de Hjalmar Oksilden ne s’arrêtera certainement pas là !
La suite du récit avec le 3e tome se passe ici : https://whcv.forumactif.com/t6418-la-saga-d-oksilden-foi-furieuse
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"La Mort est un mâle, oui, mais un mâle nécessaire."
Terry Pratchett
Terry Pratchett
- Les livres dans le paquetage du nordique...:
La Saga d'Oksilden :
Tome 1 : La Quête Improbable
Tome 2 : Combattre l'acier par l'acier
Tome 3 : Foi Furieuse
Je vous conseille de le télécharger, mettre l'affichage en deux pages et, si possible, activer le mode "Afficher la page de couverture en mode Deux pages" sous Adode Reader (en gros juste pour s'assurer que les pages sont bien affichées comme dans le vrai livre et non décalées)
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