Les errances de Thomov Le¨Poussiéreux

Et on continue avec un second texte!


-La cérémonie fut une merveille, comme je vous le dis. Et vous pouvez m’en croire, j’en ai vu plus que mon compte au fil des années. Une émotion comme on en voit rarement, j’étais vraiment très émue. Cette petite était si belle, pâle et fraîche dans sa robe somptueuse ! Elle aussi était prise par l’émotion, ça se voyait très bien. Elle ne sait pas feindre, c’est certain ; voilà qui pourrait être tour à tour fort pratique et fort irritant pour son nouveau mari. Une femme doit quelques fois savoir mentir pour préserver son époux de ce qu’il ne peut entendre… Enfin, c’est mon opinion tout du moins et j’ai enterré quatre maris plus béats les uns que les autres. Ha ! Puisse Shallya me prêter la santé de survivre à un cinquième, c’est tout ce que je demande. Ho, mais qu’est-ce que je raconte là ?! Vous allez me prendre pour une croqueuse d’hommes. Pour en revenir à la cérémonie, quel dommage que le soleil n’ai pas pointé le bout de son nez. C’est toujours un bon présage d’après ce que l’on dit et la fête aurait été plus enjouée, vous ne croyez pas ? Mais je pense que la soirée nous réservera encore quelques surprises de taille… Ho, et j’ai entendu dire que des jeux de nuit seraient organisés pour distraire les plus courageux convives. Nul doute que je serai de la partie, je ne manquerais ça sous aucun prétexte. Je parierais ma perruque que nous allons devoir nous sortir de ce grand labyrinthe de haies que j’ai aperçu derrière le manoir. Voilà un endroit qui se prête divinement aux folâtreries, qu’en dites-vous ? J’espère que nos chemins s’y croiseront, qui sait ce qui pourrait arriver alors… ? Herr… ?

L’homme à qui elle s’adressait porta un verre de vin à ses lèvres minces, dominées par un nez crochu tout à fait singulier. Après quoi il lui sourit largement ce qui, loin de le rendre sympathique, lui donnait l’air plutôt menaçant. Il répondit enfin à sa question, d’une voix étrangement éraillée et dissonante.

-Mathias, madame. Mathias Grausamespinne. Oui, nous nous y retrouverons, c’est certain. Je sais cela et bien d’autres choses encore. Votre voix, madame… Ha, votre voix est exquise. Chanterez-vous pour moi, si je vous retrouve entre les haies ?
L’inconsciente gloussa et feignit de dissimuler son sourire gourmand derrière un minuscule éventail.

Et de trois!


Il y a un millier de voix qui résonnent en moi, depuis toujours…

A certains moments, elles susurrent doucement conseils et mises en garde ; à d’autres, elles hurlent à pleine gorge d’incohérents propos.

Je ne suis jamais seul. Jamais…

Ce sont les voix des morts qui m’accompagnent en tout lieu, à chaque instant. Elles trouvent en moi une oreille contrainte à une perpétuelle écoute.

Elles guident mes pas erratiques jusqu’à cette insomnie sans répit, jusqu’à cette folie qui me ronge la tête…

La terreur continue qui me hante plus que toute autre est qu’un jour prochain, bientôt sans doute, l’une d’entre elles prenne ma place. Qu’elle parle par ma bouche, qu’elle se meuve par mon corps et que mon esprit soit contraint à l’exil ; à n’être plus guère qu’une voix parmi d’autres, qui susurre ou qui hurle à jamais dans le vide.

Dans le vide.

Dans le vide.

Dans le vide.

Le vide.

Le vide…

Le quatrième:


-Hé bien mon seigneur, assez incroyablement tout semble se dérouler à peu près sans accro… Du moins jusqu’à présent.

Thomov et Rohémond, retirés de la foule des convives contre un mur de la grande salle, parlaient bas tout en prenant grand soin de ne pas laisser se fissurer le masque de bonnes convenances qu’ils s’étaient peint sur le visage. Leur regard balayait l’assistance, en chasse de la moindre bizarrerie qui n’aurait pu être mise sur le compte de l’émotion ou de l’ébriété.
Ils levaient leur verre à intervalle régulier, quand l’un ou l’autre invité les saluait du geste depuis un autre point de la salle.
Tous deux savaient qu’ils ne disposaient que de quelques courts instants de répit avant d’être à nouveau happés par toute personne voulant se les accaparer.

-Je n’ai plus vu autant de monde assemblé en un même endroit sans qu’il s’agisse d’une bataille depuis… …et bien fort longtemps, la chose est certaine. Ce devait être en Bretonnie, je crois.

Malgré son air toujours avenant et son immuable sourire de façade, Thomov n’était pas dupe ; il pouvait ressentir le malaise qui s’emparait de son fidèle lieutenant. Il lui saisit brièvement l’avant-bras afin d’appuyer ce qu’il allait lui déclarer :

-Je n’ignore rien de votre tourment en cette situation, Rohémond. Je connais votre nature solitaire ainsi que votre point de vue concernant les rapports entre notre engeance et la société humaine. Croyez bien que j’apprécie votre effort à sa juste valeur ; je n’oublierai pas votre remarquable conduite une fois que tout ceci sera derrière nous, croyez-le.

Le Chevalier se contenta d’un bref hochement de tête avant de répondre :

-Merci seigneur, je ne fais pas mystère de ma hâte de me trouver ailleurs qu’ici. Je dirai simplement qu’il est bien heureux que sourire et serrer les dents puissent passer l’un pour l’autre si aisément.

Avisant un invité qui l’appelait avec insistance, Thomov dû mettre un terme à la conversation.

-Restons-en là pour l’instant, il me faut retourner à mes convives et à ma nouvelle épouse. Quant à vous, il me semble voir une occasion de vous extraire pour un temps de tout ce tumulte : si je ne fais pas erreur, je pense que notre bon herr Krautheim aurait le besoin le plus urgent de faire quelques pas au grand air. Il se pourrait qu’il soit victime de l’une de ses célèbres migraines.

Non loin de leur retraite, le Nécromancien, dont l’aspect général n’était curieusement rendu que plus étrange encore pas son habit de soirée, était lourdement adossé à une colonnade et se tenait la tête des deux mains, ébouriffant avec des gestes spasmodiques ses rares cheveux filasses.

Le pauvre erre commençait à se balancer d’avant en arrière en marmonnant inlassablement les mêmes deux mots : « le vide », « le vide », « le vide »,…
Rohémond lui saisit le bras avant que trop d’invités ne s’étonnent de son drôle de manège et l’entraîna doucement vers l’une des sorties de la salle tout en lui soufflant quelques mots à l’oreille.

-Allons, venez Léopold et faisons quelques pas. Il faut absolument que je vous présente l’un de mes nouveaux amis qui pourrait bien avoir quelques conseils à vous prodiguer concernant votre « problème »…

Et le cinquième!


Thomov Le Poussiéreux entra dans le salon de musique où le Marquis von Breiterzhan, entouré d’une demi-douzaine de jeunes femmes fort bien faites, riait à gorge déployée à une quelconque plaisanterie - sans doute lancée par nul autre que lui-même - sans se soucier le moins du monde des quelques musiciens qui jouaient là.
Poussant un soupir de résignation, le maître des lieux s’avança en écartant sans ménagement de son chemin l’une ou l’autre demoiselle.

-Ha Marquis, je suis bien aise de tomber sur vous. Pourrais-je vous toucher un mot en particulier ?

Le rire de Taggart s’interrompit et, sans accorder un regard à son seigneur, il vida d’un trait le verre qu’il tenait dans la main. Après quoi il s’essuya vulgairement les lèvres d’un revers de sa manche et daigna enfin tourner la tête vers son interlocuteur.

-Mais que voilà notre aimable marié ! Quel bonheur l’on peut lire sur votre visage ; j’en conçois une telle émotion que je pourrais bien me laisser moi aussi tenter par l’aventure un jour ou l’autre. Qui sait… ?

Comme toujours en public, Thomov gardait une mine sévère et n’exprimait pratiquement aucune émotion. Il haussa un sourcil et se permis un demi-sourire, ce qui eu l’air de singulièrement surprendre son interlocuteur.

-Vos paroles ne sont pas tombées dans l’oreille d’un sourd, mon ami, et je compte bien vous entretenir à ce sujet justement. Mesdemoiselles, je suis au regret de devoir vous emprunter le Marquis pour quelques instants.

Les précieuses minaudèrent pour la forme et se détournèrent des deux nobles pour se rabattre aussitôt sur les musiciens avec force exclamations et gloussements en tous genres.
Désormais seul avec son Frère de Sang, Thomov lui indiqua la porte d’un geste, l’invitant à lui emboîter le pas. Taggart affichait une mine fort sombre, comme s’il s’attendait à une conversation qu’il ne tenait pas du tout à avoir. Tout en marchant, Thomov reprit la parole.

-Allons, ne faites donc pas cette mine d’enterrement ; ce n’est pas de circonstance. Je vous pense assez fin homme de cour pour le comprendre aisément.

Comme le Marquis ne disait toujours pas le moindre mot, il poursuivit :

-Je voulais vous toucher un mot au sujet d’un possible mariage, il est vrai. Mais je ne suis ni aussi dur, ni aussi intraitable que vous semblez le penser, mon cher. Je vais vous présenter une personne de qualité qui ferait un parti très intéressant pour notre cause ; mais je vous laisse seul juge quant aux suites à donner à cette rencontre. Pas de pression, pas de menace. Vous êtes parfaitement libre de la rejeter et je ne vous parlerai plus de mariage pour un temps. Cela vous satisfait-il ?

L’expression de Taggart se fit soupçonneuse à ces mots ; il flairait le piège mais sans parvenir à mettre le doigt dessus.

-Qu’est-ce donc que vous désirez en échange de cette période de trêve, Thomov ? Je vous vois assez mal renoncer à vos précieuses alliances et me laisser mener mon existence comme je l’entends à nouveau…

-Attention, mon offre ne tient que pour un temps ; passé un certain délai, disons une année à titre d’exemple, nous nous attellerons plus sérieusement que jamais à vous trouver femme. Voyez cela comme un présent à l’occasion de mes noces. Eveline m’a demandé de montrer d’avantage de bienveillance à votre égard, je suppose que c’est un premier pas… Cependant, il faut à votre tour m’accorder une menue faveur avant toute autre chose.

-Ha ! Voilà où le bas blesse, je présume…

-N’allez pas vous faire d’idée ce n’est rien de bien extraordinaire, croyez-le. Je vous demande simplement de prendre le temps de connaître un peu cette personne avant de me donner votre avis. Considérez calmement la possibilité d’un mariage et décidez ensuite. Est-ce dans vos cordes, Marquis ?

Thomov tendit une main ferme à son lieutenant, attendant qu’il la serre pour sceller leur entente. Taggart était toujours hésitant ; la fable lui semblait bien trop belle. Un an de tranquillité en échange de quelques instants à supporter une fadasse petite noble du cru lui semblait un marché par trop avantageux. Haussant les épaules, il finit par prendre la main de son maître.

-Très bien, montrez-moi vite cette beauté et nous verrons si nous pouvons nous entendre.

-Ho, ce n’est pas exactement ce que je qualifierais d’une beauté, mais elle possède d’autres atouts qui pourraient bien vous séduire malgré tout…

Joyeux anniversaire Thomov, et félicitations pour ces 10 ans d'imagination fertile ! On espère que cette première dizaine sera la première d'une longue série...

Et un joyeux anniversaire à Thomov, qui nous revient en cette fin Mars pour cinq textes !      

L'intrigue avance, toujours, mais reste tout aussi mystérieuse. Il est inutile de souligner la qualité, toujours aussi présente. C'est un plaisir de te lire, et les mots sont faibles.

Par contre, je me rends compte que du coup, à priori, les évènements que nous avons vécu lors du tournoi organisé l'été dernier par Essen (les duels honorifiques de Lassenburg) n'ont pas eu lieu dans la ligne temporelle de ton récit. À moins que je ne me trompe, tu ne sembles pas en tenir compte.

As-tu pu avoir le temps de les lire ? Je suis certain que ça te plairait, même si c'est, il faut le dire, un poil long.

Hello, hello
Content que les textes te plaisent, Arca.
Non, je n'ai pas encore lu tout ce qui a été produit pour les duels honorifiques de Lassenburg; je n'ai même que gratté la surface au vu de la quantité... Mais je ne désespère pas de lire cela de bout en bout à l'occasion.
Par contre, j'avais prévenu à l'époque que je ne comptais pas intégrer cela dans mes récits, peu importe à quel point je fus flatté que le mariage de Thomov soit une telle source d'inspiration.

Encore une fois, je suis impressionné de la manière avec laquelle tu arrives à mettre une ambiance particulière en seulement quelques mots, avec peu de descriptions pourtant

J'attends la cérémonie avec impatience!

Merci du compliment et content que les textes te plaisent, ethgri

Non mais je rêve ! Tu viens, tranquille, poster 5 textes comme ça, bim, et tu disparais de nouveau ? Tu as même pas répondu à mes MP ! Je crie au complot pour m'empêcher de te dépasser avec ma propre histoire ! (En vrai, si tu pouvais y répondre, rien que pour me donner ton aval, ça me serait utile ^^)

Sinon, tu nous laisses sur notre faim... Allons-nous attendre encore un an pour connaitre l'identité de cette dame ?

Ha, je n'ai aucune idée de l'identité de cette dame et je pense que ça n'a pas la moindre importance. Quoique... Nous verrons ça.
Pour les MP je les ai lus et je compte bien y répondre, chère amie. Tu sais que je ne suis pas toujours très assidu, mais je finis toujours par y arriver, non?

5 d'un coup et ma foi bien sympathiques, les pions s'avancent sur l’échiquier et s'apprêtent à frapper

Également, non pas bon anniversaire avec deux mois de retard mais bonne décennie à ton personnage ! C'est une échelle de temps bien plus adaptée à ceux de notre engeance, et que nous puissions lire une décennie de plus de tes aventures

Arcanide valtek a écrit:je me rends compte que du coup, à priori, les évènements que nous avons vécu lors du tournoi organisé l'été dernier par Essen (les duels honorifiques de Lassenburg) n'ont pas eu lieu dans la ligne temporelle de ton récit. À moins que je ne me trompe, tu ne sembles pas en tenir compte.

En vrai et sans spoiler, au vu du final, Lassenburg est canon même si notre cher Comte n'intègre aucun de ses éléments. C'est là toute la beauté de cette évènement !

Bon j'ai rattrapé mon retard.
Bon anniversaire à ce cher Thomov pour ses dix ans de péripéties sur ce beau forum.
Je viens de relire tes premiers posts, qui mettaient déjà en scène des batailles que nous avions jouées. Dix ans de massacres amicaux pour tenter de contrer les ambitions machiavéliques du vampire, qui pourtant court toujours (je renvoie au dernier rapport qui date de l'année dernière).
Nous lui souhaitons donc dix autres années de squelettes décharnés, de sang bien frais, de pucelles effarouchées et de succès en général...

J'ai également rattrapé les cinq textes. Joyeux anniversaire avec trois mois de retard !

Thomov a écrit:Ha, je n'ai aucune idée de l'identité de cette dame et je pense que ça n'a pas la moindre importance.

Maismaismais je proteste. Après une présentation si originale, occulter cette charmante personne me paraîtrait presque criminel... Ceci dit, no problemo, j'en sais désormais assez sur les grands projets abandonnés et les occasions annulées --'

Finalement, le rythme du récit, malgré son côté sédentaire, me rappelle un brin le Mercenaire : l'intrigue avance tranquillement, prenant de temps de savourer chaque moment d'inspiration.

La suite !

Ha! Voici la résurrection des Errances!
Il se trouve que ma chère et tendre épouse (qui n'est autre que notre bien aimée Sirisgard), me voyant tourner en rond à la maison au début de l'été, m'a botté les fesses pour que je m'organise quelques petites batailles estivales. Parmi celles-ci, deux nous concernent tout particulièrement: une première qui fut livrée voici deux semaines contre un novice de mes bons amis menant 2500 points de mes Hommes-Lézards et dont je vous propose le rapport de bataille ci-dessous; et une seconde qui aura lieu mi-septembre contre ce vieux briscard de LeNick et 4000 points de troupes impériales! Miam!

Je vous livre tout de suite un assez long texte d'introduction à cette première bataille et je vous retrouve dans un jour ou deux pour le rapport à proprement parler. Une excellente lecture à toutes et à tous.

Sous couvert d’un voyage d’affaires, Thomov le Poussiéreux se rend sur les terres des Hommes-Lézards où Léopold Krautheim pense avoir repéré un site de grand pouvoir lié à la mort et situé non-loin des côtes.
Le Vampire saisit cette occasion d’aller rendre la pareille aux créatures à sang-froid qui ont trop souvent tenté de lui nuire par le passé.
S’éveillant de son côté d’une transe mystique de plusieurs décennies, le Prêtre-Mage Tomatlitaluacan transmet à ses scribes Skinks la nouvelle de l’arrivée prochaine des Non-Morts sur le site sacré des Colonnes des Défunts, où sont enterrés plusieurs des plus grands héros combattants Saurus de la longue histoire de son peuple.
« L’Host du Flamboyant Eclat de Chotec » est ainsi rassemblée et se met en marche au travers de la jungle pour corriger cette entorse au Grand Plan des Anciens…

Journal de Bord de l’Emmanuelle, 2ème jour.

Quelle est donc cette force étrange qui pousse quiconque dirige un navire à prendre la plume pour consigner ses pensées ?
Nous avons embarqué hier pour le voyage inaugural de « l’Emmanuelle », que j’ai fait construire à grands frais. Pour les registres du port, il s’agit d’un navire de commerce, les cales pleines à craquer de lourdes caisses et ne comptant, outre son équipage, que trois passagers : Léopold Krautheim, le Marquis Taggart von Breiterzhan et moi-même, Thomov von Hernst.
Nous formons pour tout dire un trio bien singulier. Alors que je devais pour ma part veiller au moindre détail tout en maintenant fermement mes serviteurs dans leur transe végétative afin qu’ils n’attirent pas l’attention, le Marquis papillonnait en tous sens, narrant d’improbables récits de voyages aux confins du monde connu. Il avait refait pour l’occasion l’entièreté de sa garde-robe « afin que de pouvoir se vêtir comme il sied à tout gentilhomme qui part à l’aventure ».
Quant à Léopold, et bien qu’il soit en quelque sorte l’instigateur de notre périple, je n’aurais pu jurer qu’il sut où il se trouvait ni encore moins à quelle fin. Son aspect général était si misérable et repoussant avec son teint blafard, son perpétuel air hagard et ses habitudes saugrenues que je dus user de persuasion pour que nos marins superstitieux ne le passent pas par-dessus bord dès que nous eûmes quitté le port. Ils avaient peur que le pauvre hère n’attire sur nous tous le mauvais œil… Ce qui était ma fois parfaitement justifié, je suis bien obligé de le reconnaître.
Nous voyageons officiellement à destination de la Bretonnie et je fus contraint d’écouter plus d’une heure durant mon capitaine m’exposer point par point les différentes étapes de notre voyage jusqu’au grand port de Bordeleau.
Je laisse ma jeune épouse Eveline von Erkinmund aux bons soins de Ser Rohémond d’Eau-Vive en qui j’ai toute confiance. Je sais qu’il veillera à son bien-être mieux que je n’aurais pu le faire moi-même.


Journal de bord de l’Emmanuelle, 6ème jour.

Nous progressons pesamment en des eaux plutôt calmes. Je dois avouer que cette langueur n’est pas faite pour me déplaire. Peu de spectacles émeuvent encore mon cœur fatigué, mais l’appel tranquille du large infini y parvient et apaise quelque peu mes tourments.
Cette période de douce inaction produit semble-t-il l’exact effet inverse sur mon turbulent frère de sang, le Marquis von Breiterzhan. Il est chaque jour plus irascible et me pousse à devancer nos plans. Quel dommage que mon fidèle Rohémond ne soit pas du voyage ; sa nature mélancolique lui ferait d’avantage goûter ces instants… Mais je serait bien sot de l’emmener avec moi si cela devait signifier laisser Eveline entre les mains de Taggart.
Cela étant, je vais peut-être devoir me ranger malgré moi aux vues du Marquis ; les hommes d’équipage commencent à devenir nerveux. Certains prétendent avoir entendu d’étranges grattements en provenance de la cale et d’autres affirment que certaines caisses de la cargaison ne se trouvent plus là où ils les avaient attachées. Mon emprise sur les Goules s’amenuise à mesure que leur faim grandit. L’heure de les libérer approche inéluctablement…


Journal de bord de l’Emmanuelle, 8ème jour.

Nous nous sommes finalement débarrassé de l’équipage. Assez peu ont péri en fait, mais tous les rescapés ont été mis aux fers à fond de cale et serviront de vivres pour le voyage.
Le Marquis trouve enfin à s’occuper en tourmentant les prisonniers avant de les abandonner à sa cour de Goules dégénérées dès qu’il les juges « hors d’usage ».
En un sens, les choses sont plus simples de cette façon.
J’ai brisé moi-même le cou du capitaine qui tentait de rassembler ses hommes autour de lui. A présent son fantôme est contraint de diriger le navire vers sa nouvelle destination : les lointaines et luxuriantes côtes de Lustrie.


Journal de bord de l’Emmanuelle, 14ème jour.

J’aime à croire que toute cette entreprise ne sera pas vaine, au final.
Léopold a eu une autre crise aujourd’hui, ou devrais-je dire une autre transe divinatoire pareille à celle qui me décida à me lancer dans ce long et hasardeux périple en mer.
Sa vision initiale semble fort heureusement se confirmer, et même se préciser quelque peu. Il y est question, une fois écartés les délires du pauvre homme et les bribes de ses souvenirs personnels, d’un lieu de grand pouvoir nécromantique. Là seraient enterrées les dépouilles de nombreux héros de cette étrange race reptilienne qui me causa jadis bien des tourments.
L’idée de prendre ma revanche sur ces créatures sur leurs propres terres et l’anticipation du moment où je me nourrirai du pouvoir que renferment leurs sépultures antiques sont de puissantes motivations. Mais elles ne sauraient me faire oublier complètement le caractère erratique, incertain même, des visions du Nécromancien.
L’étendue du potentiel de cet homme ne cesse jamais de me renverser ; de quels pouvoirs fabuleux il disposerait s’ils n’étaient tributaires de son esprit brisé…


Journal de bord de l’Emmanuelle, 31ème jour.

Ma douce et tendre épouse nous accompagne ; ma bien aimée Emmanuelle, privée à jamais d’espoir comme de parole. Nulle émotion ne semble plus la traverser depuis toutes ces années, rien ne paraît plus pouvoir l’atteindre.
Et pourtant… Un doute me serre le cœur depuis plusieurs jours à présent ; depuis que son spectre évanescent se laisse flotter quelques peu en avant du navire qui lui doit son nom, tournant le dos au large et fixant sans relâche notre figure de proue.
C’est son ancien visage qu’elle observe ainsi, taillé à même le bois d’après les souvenirs qu’il me reste d’elle et d’une plus heureuse époque.
S’y retrouve-t-elle, ou est-ce que les inévitables imperfections de la sculpture déchirent un peu plus encore sont cœur déjà meurtri ?
Se souvient-elle de son ancienne vie ? Se souvient-elle de moi ? De nous ?
Et si elle y parvient, cela allège-t-il en rien le supplice éternel qu’elle endure ? Je crains hélas qu’il n’existe plus rien en ce monde qui le puisse…


Journal de bord de l’Emmanuelle, 43éme jour.

Nous sommes en vue des côtes de Lustrie. Même à cette distance, la jungle épaisse qui les recouvre semble terrible et malveillante. Les visions de Léopold sont à présent si claires et puissantes qu’il sera notre guide dans cet infini labyrinthe.
Demain, nous nous y engagerons.


Journal de bord de l’Emmanuelle, 48éme jour.

La traversée fut éprouvante, mais nous disposions de nombreux atouts. La Bête des Bois de Lassov, ouvrant la marche, tailla en pièces les quelques prédateurs qui s’intéressèrent de trop près à notre expédition.
Notre présence fut découverte dès le premier jour par des êtres reptiliens de moindre taille qui entreprirent de nous harceler depuis le couvert des grands arbres à l’aide de leurs maudites sarbacanes. Sans doute auraient-ils causé à terme des dommages considérables si ma chère Emmanuelle n’y avait mis bon ordre promptement. Son unique hurlement fut si puissant qu’il dû faire s’envoler des oiseaux exotiques sur plusieurs lieues à la ronde. Aucun autre de ces lézards belliqueux ne s’est plus présenté après cela.
Nous avons finalement atteint le site funéraire pour lequel nous avons tant voyagé. Mais comme je m’y attendais nous devrons nous battre sans merci pour prendre ce que nous convoitons.
Ils sont venus nombreux, et ils semblent tout à fait prêts à nous recevoir…

Et voici le rapport de bataille tant annoncé!  
J'espère qu'il vous plaira, j'ai essayé de rester clair tout en synthétisant au maximum.

Nous nous affrontons donc à 2500, Comtes Vampires contre Hommes-Lézards !
Ma liste est la suivante :
Thomov Le Poussiéreux est un Seigneur Vampire avec Furie Rouge et Armure du Destin.
Léopold Krautheim est en charge de la magie avec son Niveau 4.
Taggart Largedent est un Vampire ayant le Talisman de Préservation et étant une Créature Ailée.
Le Sombre est un Roi Revenant portant le Bouclier Enchanté.
Pour ce qui est de la troupe nous avons les Premiers Nés (30 Squelettes avec Etat-major), une horde de 40 Goules avec Nécrophage, 5 Loups Funestes, 30 Gardes des Cryptes avec Etat-major, armes lourdes et la Bannière des Tertres, 2 Nuées d’Esprits, La Bête des Bois de Lassov mon fidèle Varghulf et enfin Dame Emmanuelle, tout de même accompagnée de 7 Spectres.
Du côté des Hommes-Lézards, on trouvait un Prêtre-Mage porteur de la Grande Bannière avec Âme de Marbre pour mieux encaisser d’éventuels fiascos, un Kuraq Kaq Saurus avec l’Epée de Vive Mort et un Kuraq Saurus sur Carnosaure.

La troupe se composait de 30 Guerriers Saurus avec Etat-major, 4 unités de 10 Tirailleurs Skinks, 16 Gardes du Temple pour accompagner le Prêtre Mage, 6 puissants Kroxigors, un Stégadon et 3 Meutes de chasse de Salamandres.

Les listes étaient volontairement assez simples pour éviter de devoir gérer trop de règles spéciales étant donné que mon honorable adversaire n’en était qu’à sa seconde partie, la première datant de plus de dix ans !
Nous jouons un scénario de bataille rangée agrémentée d’une capture d’objectifs. Les règles sont les mêmes que celles du scénario du GBR à ceci près que le nombre d’objectifs se situe aléatoirement entre 1 et 3 (2 dans le cas qui nous occupe) pour un total de 600 points de victoire (donc 300 par objectif dans le cas présent).
Vous pourrez voir que je nous ai bricolé en catastrophe des pions objectifs de toute beauté sur base d’un vieux squelette de Tyrannosaure en jouet qui trainait dans me salle de guerre depuis des années… C’est toujours mieux que rien !
 
Le déploiement voit le flanc droit tenu par La Bête des Bois de Lassov faisant face aux Kroxigors ainsi qu’au Carnosaure, le gros des troupes se trouve au milieu avec les Squelettes, les Goules, les Spectres et les Gardes des Cryptes affrontant pas mal de Skinks, les Salamandres, le Stégadon et les Saurus rejoints par le Kuraq Kaq. Et enfin le flanc gauche où mes pauvres Nuées d’Esprits toisent une vingtaine de Skinks et le Prêtre-Mage entouré de ses Gardes du Temple.
Mon adversaire choisit sans surprise le Domaine de la Lumière afin de me faire un maximum de dégâts.
Les premiers tours se passent dans une approche relativement sans histoires ; le seul véritable point d’attention étant ma grosse unité de Spectres qui couvre à elle seule tout mon flanc droit face au Carnosaure et aux Kroxigors.
Finalement, Dame Emmanuelle entraînera ses suivants au travers de l’objectif directement dans une unité de Salamandres qui s’était imprudemment approchée afin de pouvoir griller un maximum de Goules.
Ces dernières sont la cible d’à peu près tous les tirs ennemis et presque la moitié de la horde y passe, bien que Léopold en relève quelques unes à chaque phase de magie. Mon adversaire s’arrangera pour occuper mes pauvres Goules avec de faibles unités de tirailleurs Skinks presque toute la partie pendant que Thomov et ses Gardes des Cryptes affrontaient un pack de trente Saurus accompagnés du Kuraq Kaq.
Fort heureusement, ce puissant combattant reptilien rencontrera son destin quand Le Sombre lui assènera un Coup Fatal bien senti ! Couic ! C’en sera rapidement trop pour les Saurus restant qui prendront la fuite et seront promptement rattrapés et éliminés sans merci.  

Cela dit, ce fol élan de destruction mettra Thomov dans une position délicate : engagé au corps-à-corps avec le Stégadon et prêtant dangereusement le flanc à une charge des Gardes du Temple…
Sur ces entrefaites, Dame Emmanuelle enchaîne l’annihilation des Salamandres par l’engagement du Carnosaure qui n’aura pas pu se mettre à l’abri. J’ai dû renoncer à charger les 6 Kroxigors pour se faire, mais il ne sert à rien de courir plus d’un lièvre à la fois… Mes pauvres Spectres mettront pratiquement tout le reste de la bataille à venir à bout du monstre et de son cavalier.
Pendant ce temps, sur le flanc gauche, mes Nuées d’Esprits jouent à cache-cache avec une simple unité de Skinks ; l’enjeu étant d’empêcher mon adversaire de contester l’objectif proche avec sa poignée de Tirailleurs pour le forcer à détourner quelques forces du centre de la table… En vain.

De retour au centre, la charge de flanc des Gardes du Temple disposant d’une Attaque supplémentaire (foutu sort de la Lumière) sera trop dure pour mes Gardes des Cryptes qui ne tuent que deux malheureux Hommes-Lézards en retour malgré leurs armes lourdes. Le résultat du combat est sans appel : je perds de 19 points alors qu’il ne me reste plus qu’une poignée de Gardes, ce qui entraîne la destruction de Thomov !
C’est un coup dur pour les Morts-Vivants, d’autant que sur le flanc droit les Kroxigors s’approchent insidieusement depuis que les Spectres sont occupés à tailler lentement le Carnosaure en apéricubes. Mes 5 Loups Funestes étaient sensés s’interposer afin de les balader pour leur dernier tour de jeu, mais le test de moral consécutif à la mort du général les éliminera purement et simplement (ainsi que la malheureuse Bête des Bois de Lassov qui n’aura pas porté le moindre coup de toute la partie), ouvrant un boulevard pour une charge héroïque de fin de partie des massifs Kroxigors sur les lambeaux de mon armée au centre de la table.
La situation y est critique : mes Goules ne sont plus assez nombreuses pour espérer emporter le combat contre les Gardes du Temple qui leur font désormais face et Léopold et ses Premiers Nés ne font de toute manière pas le poids. Je me permets de sortir Taggart de l’unité qui va se mettre à l’abri grâce à son mouvement de Vol. Les Gardes chargent les Goules de face alors que les Kroxigors ajoutent leurs 18 attaques de Force 7 par derrière… Cela scelle le destin des viles créatures restantes qui ne peuvent encaisser un tel choc.

Au dernier tour de jeu, je parviens toutefois à contester les deux Objectifs à mon adversaire et Dame Emmanuelle se paiera même le luxe d’une dernière action de toute beauté en poussant un Cri Funèbre qui aura raison de Coureurs Skinks rescapés du combat contre les Salamandres et qui s’étaient réfugiés derrière une colline toute proche.

Le résultat de cette partie endiablée est de 1381 points de victoire pour les Comtes Vampires contre 1475 points de victoire pour les Hommes-Lézards qui l’emportent donc d’un rien (moins de 100 points d'écart).
La partie aura été très agréable et pleine de retournements de situation ; nous pensions tous deux que l’affaire était entendue à la fin du troisième tour qui fut très difficile pour les Hommes-Lézards avant que les hasards de la guerre ne renversent les choses drastiquement.
Les phases de magie auront été sans éclat tout au long de la partie, d’un côté comme de l’autre.

Je vous ajoute quelques photos tirées de cette bataille :

Les incroyables Pions Objectifs réalisés à la hâte la veille de la bataille à partir d'un vieux jouet éducatif


Quelques prises de vues du déploiement:









Et l'une ou l'autre prise de vue en cours de bataille:

Enfin! Le retour de Thomov.

Ces saletés de lézards sont partout. J'ai moi-même un sérieux problème reptilien dans les terres nordiques du Québec.
J'attends déjà avec impatience le rapport et les photos de notre bataille d'hier.